/ Caractères Josiane Woods, professeur de littérature anglaise
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/ Caractères Josiane Woods, professeur de littérature anglaise
/ Caractères No 86 - Dimanche 11 avril 2010 REF TE 02 Région 2 Josiane Woods, professeur de littérature anglaise La tête et les jambes Josiane Woods, 50 ans, professeur de langue et de littérature anglaise au lycée des Pontonniers à Strasbourg, s’est engagée dans un beau challenge : courir et surtout terminer le marathon de Londres. Sa participation à l’épreuve, sans esprit de compétition, a un double objectif : soutenir la recherche sur la mucoviscidose et lever des fonds pour doter en ordinateurs portables le service des enfants malades de l’hôpital de Hautepierre. ■ Elle a le look, l’accent, la fantaisie et un goût pour le déguisement typically british. Mais son patronyme anglais, elle le doit à son mari Stephen. Josiane Woods est née à Strasbourg. Elle n’avait que 18 ans lorsque son père, professeur d’anglais, est décédé. Sans doute lui a-t-il laissé en héritage une attirance pour la culture britannique qui l’a conduite, après une scolarité classique au lycée international des Pontonniers et une licence, à poursuivre des études au Royaume Uni et à décrocher un Postgraduate Certificate, l’équivalent de notre agrégation. Pendant dix ans, elle enseigne l’anglais, l’allemand, le français, l’italien dans différents établissements britanniques, notamment à la British Cathedral School de Bristol, une école rattachée à la cathédrale de la ville. En 1994, elle et son mari, ingénieur en mécanique des fluides, décident de rentrer à Strasbourg avec leurs trois jeunes enfants. Le brassage culturel et humain des Pontonniers Josiane Woods obtient un poste de professeur de langue et de littérature anglaise aux Pontonniers, dans la section internationale dont elle assure la coordination. « Nous accueillons des élèves de 57 nationalités différentes. Des Anglais, des Américains, mais aussi des Serbes et des Bosniaques venus après la guerre des Balkans. Ce brassage culturel, émotionnel, humain fait mon bonheur. Je retrouve ce que j’ai laissé en Grande-Bretagne, le multiculturalisme, le respect des autres, la tolérance, l’échange des points de vue. » Les 400 élèves de la section anglaise des Pontonniers – dont des francophones qui ont un projet personnel nécessitant une parfaite connaissance de l’anglais – sont recrutés après un test de compétence linguistique et de motivation. Les programmes des deux matières entièrement enseignées en anglais, la littérature et l’histoire-géographie, sont établis par des inspecteurs de l’université de Cambridge, en partenariat avec l’Éducation nationale. « So you are making pounds by loosing pounds »... Après le bac, les élèves se dispersent dans les universités des pays anglophones. « Ils reviennent souvent nous voir. C’est très émouvant. On a le sentiment d’avoir su créer une vraie communauté éducative », témoigne Josiane Woods. « Lorsque vous serez Premier ministre, contactezmoi ! », leur dit-elle en fin de cycle. Pour l’instant, ce n’est pas encore arrivé. Leurs parcours professionnels se déroulent plutôt dans les affaires, la finance, le droit, le journalisme, l’ingénierie. Josiane a convaincu cette communauté de se mobiliser pour un but totalement désintéressé. « Dans le système éducatif britannique, on est impliqué tout le temps pour Depuis un an, Josiane Woods s’entraîne plusieurs fois par semaine avec son amie Della Meyers (à gauche). Dimanche dernier, elles ont participé, déguisées, aux 10 km de la Foulée du Chocolat à Illkirch. (Document remis) des causes humanitaires. Tantôt, en donnant une livre pour une œuvre, on a le droit de tomber l’uniforme. Une autre fois, on porte un nez rouge pendant toute la journée au profit d’une association. Dans chaque école, il y a au moins cinq projets caritatifs ambitieux par an. Quand je suis revenue en France, ça me manquait. Depuis, on a fait beaucoup de progrès, mais c’est une culture plus récente. » Josiane a décidé de s’impliquer personnellement pour lever des fonds en faveur de la recherche sur la mucoviscidose, maladie dont souffre sa petite-nièce anglaise Molly, « une gamine de 12 ans adorable, pleine d’énergie ». Après avoir mûri pendant quelques années, le projet va se concrétiser dans quinze jours, le dimanche 25 avril. Josiane participera au marathon de Londres, le seul dont 100 % des gains sont reversés à des associations. Informés du projet de Josiane Woods par internet (*), les gens cotisent en ligne et commentent l’initiative : « J’ai toujours su que vous étiez un peu folle ! », écrit Clémence. « So you are making pounds by loosing pounds », ironise gentiment Pierre (vous allez récolter des livres en perdant des kilos). Tous ajoutent : « Good luck. » Josiane s’est fixé comme objectif de récolter 500 livres sterling. Hier soir, elle en était à 215 livres. « J’y arriverai. C’est la tête qui fait bouger le corps » Elle a mobilisé sa famille, ses relations, ses anciens élèves, les parents. Et son amie et entraîneuse sportive Della Meyers, propriétaire de la librairie anglaise The Bookworm, qu’elle fréquente depuis son retour à Strasbourg, d’abord pour des raisons professionnelles, puis par amitié. Josiane Woods n’a rien d’une grande sportive. Le marathon de Londres est un défi personnel. « Je sais que j’y arriverai. C’est la tête qui fait bouger le corps. Je m’entraîne à franchir la ligne et je le ferai », assure-t-elle. Depuis un an, elle court quatre fois par semaine sur 10 à 15 kilomètres, selon un programme établi par Della qui l’accompagne à Londres. Plusieurs anciens élèves ont déjà fait savoir à Josiane qu’ils seraient sur le parcours pour l’encourager. Elles espèrent boucler le parcours en 5 h 30 ou 6 h. Entre-temps, la participation au marathon de Londres a pris une autre dimension. Josiane Woods ne court plus seulement pour sa petite-nièce. Le marathon est aussi devenu « l’élément fédérateur d’un projet qui implique toute la communauté éducative » du lycée des Pontonniers. Depuis cinq ans, la prof d’anglais a en effet dans ses clas- Josiane Woods, une Strasbourgeoise so typically british, qui adore faire le clown dans des pantomimes (des parodies) écrites avec ses élèves. (Photo DNA – Laurent Réa) ses des élèves atteints du cancer, dont le pronostic vital était à un moment donné engagé, hospitalisés dans l’unité des grands enfants malades de l’hôpital de Hautepierre. « L’un des élèves auquel je rendais visite en chambre stérile dégageait une telle énergie de vie que c’est moi qui ressortais fortifiée de l’hôpital. La moindre des choses était de donner en retour, je ne pouvais pas rester les bras ballants », dit Josiane. Elle en parle à Della qui réagit au quart de tour : « Je prends en charge ton entraînement, dit celle qui a déjà huit marathons à son palmarès. Ce sera notre projet à toutes les deux ». Avec deux médecins et une assistante sociale de Hautepierre, parents d’élèves au lycée, Josiane définit les besoins pour des adolescents de 15 à 18 ans : en priorité des ordinateurs portables pour permettre aux malades de garder un lien avec l’extérieur, notamment avec leur lycée. Grâce à une webcam, les élèves hospitalisés peuvent suivre les cours en direct Depuis quelques semaines, les élèves alités peuvent suivre en direct les cours de leurs professeurs – uniquement de ceux qui ont donné leur accord – grâce à une webcam installée dans la classe. L’appel à des entreprises a déjà permis de récolter une dizaine d’ordinateurs. L’association Ponto Link for Life dont les statuts seront déposés la semaine prochaine recueille aussi des fonds pour acheter des tablettes de lecture électroniques, des DVD éducatifs, des jeux. Les e-books sont plus faciles à introduire en chambre stérile que les livres papier. Le projet a entraîné une forte mobilisation et un grand élan de générosité au lycée des Pontonniers. Le marathon, espère Josiane, n’est qu’un début qui suscitera d’autres actions. On l’aura compris : la prof franco-britannique – elle a la double nationalité – attend que les lycées français, et le sien en particulier, égalent, voire dépassent dans le domaine de l’humanitaire les collèges anglais. Sacré challenge ! Claude Keiflin (*) www.justgiving.com/josiane-woods ❏ Les dons par chèque, à l’ordre de l’association Ponto Link for Life, peuvent être envoyés au Lycée international, 1 rue des Pontonniers, 67000 Strasbourg. ❏ Les ordinateurs – d’occasion mais encore en état de marche – peuvent être déposés à la librairie Bookworm, 3 rue de Pâques, en face du Centre Halles, à Strasbourg. Marc Garcia, de la société Mipps, s’occupe de leur révision et du chargement des logiciels appropriés.