Avril Responsabilité du courtier et les terrains humides

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Avril Responsabilité du courtier et les terrains humides
Société en nom collectif
Volume 8, Numéro 4
Avril 2013
CAPSULE JURIDIQUE EN DROIT IMMOBILIER
Responsabilité du courtier et les terrains humides
Pereira c. Re/Max TMS Inc.
EYB 2013-218810
Un juge de la Cour supérieure du Québec a rendu, le 25 février 2013, une
intéressante décision en matière de responsabilité du courtier immobilier.
Les questions en litige étaient les suivantes :
a)
Le courtier immobilier est-il responsable du fait que les terrains vendus ne
sont pas constructibles?
b)
Le règlement intervenu entre les acheteurs et le vendeur affecte-t-il leur
réclamation à l’égard du courtier?
Les parties
Les quatre demandeurs ont une expérience dans le domaine de la construction ou du
courtage. Les défendeurs sont une agence de courtage et le courtier Jutras qui a
servi d’intermédiaire.
Les faits
Les demandeurs prennent connaissance d’une annonce offrant en vente des terrains
au bord d’un lac à Sainte-Lucie des Laurentides. Un des demandeurs communique
avec le courtier Jutras pour obtenir de l’information.
Lors d’une rencontre, le courtier leur présente un plan montrant des lots à vendre,
une fiche d’inscription et un résumé des normes pour la construction en bordure du
lac qu’il a lui-même préparé après avoir obtenu certaines informations de la
municipalité.
Les demandeurs retiennent quatre terrains. Ils font une offre d’achat qui contient la
clause suivante :
« 5.1 Déclaration
À moins de stipulation contraire ci-après, l’acheteur a examiné
l’immeuble et s’en déclare satisfait sauf vérification par l’acheteur que
quatre (4) des terrains sont constructibles à être (…) »
Le courtier a omis les mots « vérifié auprès de la municipalité ». L’offre d’achat est
acceptée pour 100 000,00 $ plus taxes.
Par la suite, les demandeurs visitent avec le courtier et le représentant du vendeur
les terrains concernés. Pour l’essentiel, c’est le représentant du vendeur qui fait les
représentations. Il mentionne notamment que certains des terrains peuvent être
humides et qu’il y aurait possiblement lieu de les drainer.
Les acheteurs font une deuxième offre d’achat pour 120 000,00 $ plus taxes.
L’offre d’achat ne contient aucune clause la rendant conditionnelle à la vérification
de la constructibilité de ces terrains. L’offre est acceptée.
L’acte de vente contient la clause suivante :
« Prendre l’immeuble vendu dans l’état où il se trouve actuellement,
l’acquéreur déclarant l’avoir vu examiné à sa satisfaction et avoir vérifié
lui-même auprès des autorités compétences que la destination qu’il
entend donner à l’immeuble est conforme aux Lois et règlements en
vigueur. »
Par la suite, les acheteurs retiennent une firme spécialisée qui, après une étude,
confirme que ces terrains ne peuvent être construits puisqu’en milieu humide. La
municipalité confirme ce fait.
Le vendeur règle le litige qui l’oppose aux acheteurs et il obtient une quittance
complète et finale.
Les demandeurs poursuivent le courtier immobilier et l’agence en dommages au
motif qu’ils ne leur ont pas conseillé de recourir à un expert pour établir si les
terrains étaient constructibles.
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Le droit
Le juge énonce les principes qui s’appliquent en matière de responsabilité du
courtier :
-
Le courtier a une obligation de moyens. On doit examiner son comportement
par rapport à celui du courtier normalement prudent et diligent placé dans les
mêmes circonstances;
-
Il a l’obligation d’identifier les vices apparents par opposition aux vices
cachés;
-
Il doit vérifier les informations que le vendeur lui transmet. S’il a un motif
pour ce faire, il doit recommander à ses clients d’avoir recours à un expert
avant d’acheter une propriété.
Le juge considère que le courtier Jutras n’a pas fait de fautes professionnelles.
Il constate que les demandeurs n’ont pas fait la preuve par expert, quels étaient les
usages ou les règles de l’art en la matière pour établir si le courtier a commis une
faute.
Il constate également que le courtier a dévoilé toutes les informations qu’il avait en
sa possession et qu’il ne lui était pas possible de savoir si les terrains n’étaient pas
constructibles. Le juge constate que ni Jutras ni le vendeur lui-même ne le savait.
Seule une expertise pouvait établir ce fait.
Le juge reproche aux demandeurs ne pas avoir été eux-mêmes diligents, n’ayant pas
poussé très loin leur investigation alors qu’ils savaient que certains des terrains
concernés étaient humides.
Finalement, il conclut qu’en donnant une quittance sans réserve au vendeur, les
demandeurs n’ont plus le droit de réclamer des dommages au courtier.
La quittance a éteint leurs droits contre l’agence et le courtier, puisque ultimement
entre le courtier et le vendeur, c’est le vendeur qui devait assumer la totalité de
l’indemnisation. Le juge considère que la quittance sans réserve envers le vendeur
libérait le courtier et l’agence.
Conclusion
On doit retenir de cette décision que l’obligation du courtier n’en est pas une de
résultat. Il appartient à celui qui le recherche en responsabilité d’établir qu’il a
manqué à une norme et qu’il aurait dû donner des conseils additionnels, notamment,
le recours à un expert.
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Celui qui poursuit un courtier a avantage à faire une preuve par expert des normes
de conduite des courtiers.
Le juge laissé à lui-même conclura à la responsabilité des courtiers que si la faute
est évidente.
Dans le cas sous étude, peut être qu’un expert aurait pu établir qu’un courtier qui
vend des terrains non construits à des acheteurs qui désirent y ériger des bâtisses,
devrait les inviter à faire les démarches nécessaires pour s’assurer que leur projet
pourra se réaliser.
En l’espèce, il faut cependant rappeler que les acheteurs étaient familiers avec le
domaine de l’immobilier.
Quant à la quittance donnée au vendeur, cette décision nous enseigne qu’il est
périlleux de régler avec un débiteur à l’exclusion des autres lorsqu’on a l’intention
de les poursuivre. La quittance aurait dû mentionner qu’elle était partielle et que les
acheteurs se réservaient tous leurs recours contre le courtier. Dans un tel cas, le
courtier peut appeler en garantie le vendeur qui est ultimement le responsable.
Me Richard Dufour a été admis au Barreau du Québec en 1976 et a obtenu un diplôme en sciences
administratives en 1984. Au cours de sa pratique, Me Dufour s’est spécialisé dans le domaine du
litige civil et commercial et possède une vaste expérience en matière de droit immobilier.
La firme Dufour, Mottet Avocats est en mesure de vous conseiller par l’entremise de plusieurs de
ses avocats, en droit immobilier et autres domaines de droit.
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