wagon sncf

Transcription

wagon sncf
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Ce deuxième numéro de l'année 2012 présente en premier lieu les résultats intermédiaires
d'un travail monographique portant sur la nouvelle offre de lotissements SNCF.
Est présentée ensuite une étude sur les opérateurs ferroviaire de proximité ; cette
monographie sera complétée par des éléments d'analyse économique lors d'un prochain
numéro.
Bonne lecture.
Edito par Antoine RIGAUX, Chargé d'études « Logistique et intermodalité »
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Transport ferroviaire
2
Multilots-multiclients, la nouvelle offre de lotissement SNCF:
retour d'expérience des chargeurs .............................................................................................2
Transport ferroviaire
11
Opérateurs ferroviaires de proximité........................................................................................11
Transport
ferroviaire
Multilots-multiclients, la nouvelle offre de lotissement
SNCF: retour d'expérience des chargeurs
Rédigé par Bruno Meignien du
SETRA
[email protected]
Cet article s'intéresse aux conséquences pour les chargeurs de la nouvelle
organisation de lotissement "Multi-lots, Multi-clients" de la SNCF, qui remplace
l'ancienne, souvent dénommée "wagon isolé". Quels impacts sur l'organisation et
la logistique industrielle, sur les trafics, les tarifs, la qualité de service ?
Une première partie présente les objectifs du système et la solution concrète mise
en place, ainsi que les évolutions constatées après un an d'exploitation.
Historique, concepts et objectifs
Le Multi-lots, Multi-clients (MLMC) a été mis en place par la SNCF en
Décembre 2010 afin de moderniser le système du wagon isolé. La baisse continue
des trafics de wagon "isolé" (aussi appelé, plus correctement, lotissement) a
amené le nombre de wagons chargés traités annuellement de 780 000 en 2007 à
230 000 en 2010 ; soit bien en-deça du seuil de rentabilité, estimé par la SNCF à
plus d'un million de wagons (calcul 2008, source Géodis).
L'objectif du système est donc de parvenir à l'équilibre avec un seuil de
rentabilité correspondant aux niveaux de trafic actuels, soit 200 000 wagons.
Et ce tout en améliorant la qualité de service : fiabilité et temps de parcours.
Concrètement, cela passe notamment par une diminution des opérations de triage,
par la formation de "trains d'axe" réguliers et par l'abandon de certaines dessertes
dont l'insertion dans le nouveau plan de transport est trop compliquée et/ou
économiquement injustifiée (trafics trop faibles). Sur ces dessertes, les clients ont
eu la possibilité de conserver le service ferroviaire, mais à un prix plus élevé.
Revue Transports – Numero 23 – octobre 2012
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Le schéma ci-dessus montre le système du wagon isolé tel qu'il prévalait
jusqu'en 2010 : il peut être résumé par l'adage souvent cité : "les petits ruisseaux
font les grandes rivières". La logique de concentration des flux inter-triages
avait été poussé ces dernières années avec l'organisation SWING, autour de
trois hubs à grande capacité (triages à gravité de Villeneuve près de Paris,
Sibelin près de Lyon et Woippy près de Metz).
Si ce système permet de couvrir l'ensemble du territoire grâce à un nombre de
triages (moyens et gros points bleus) et gares fret (petits points bleus) important,
il présente l'inconvénient de nombreuses ruptures de charges (3, 4, voire plus
compte-tenu des triages intermédiaires), de frais fixes conséquents et surtout
d'un plan de transport irrégulier ; compte-tenu du nombre limité de points de
collecte pour un triage et des envois irréguliers des chargeurs, il n'y a pas
d'horaires fixes pour aller d'un point A à un point B. Les temps d'attente en
triage peuvent être très importants car si le train pour une destination donnée est
complet, les wagons supplémentaires doivent attendre le prochain envoi. Les
wagons arrivant en effet au fur et à mesure sans que l'on sache à l'avance quand.
Revue Transports – Numero 23 – octobre 2012
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Le nouveau schéma Multi-lots, Multi-clients, basé sur les exemples américain
et suédois, permet de diminuer le nombre de points de triage par lesquels doit
passer un lot de wagons lors de son parcours (de 3-4 à 2-3) et le temps d'attente
à chacun d'eux, ainsi que les frais fixes liés aux triages et au suivi du plan de
transport. Le schéma ci-dessous présente la logique du Multi-lots, Multi-clients.
Sa mise en place s'accompagne de certaines suppressions de dessertes :
quantités insuffisantes de wagons remises par le chargeur par rapport aux frais
fixes engendrés par la desserte de son embranchement – par exemple un client
remettant 4 wagons par semaine sur une petite ligne dédiée fret sans autre client
sur la ligne. L'équilibre économique peut aussi ne pas être atteint sur une zone
entière. C'est ce qui justifie la forte augmentation de tarif des "solutions clients"
proposées en alternative à la suppression du service.
Les trains d'axe sont à horaires fixes et réguliers, quotidiens voire pluriquotidiens pour les axes les plus importants. Cela suppose pour l'exploitant
SNCF de contractualiser un certain niveau de trafic à l'avance avec les
chargeurs et de prendre un risque sur les chargements attendus – le train part
même s'il n'est pas complet, et dans le cas où les quantités remises dépassent les
prévisions il faut attendre le train suivant pour l'excédent. L'idée est que le fait
de mutualiser les flux sur un assez grand nombre de clients permet de gommer
en partie les fluctuations au niveau des chargeurs pris individuellement.
Le temps de parcours annoncé est diminué grâce à cette organisation de 6-7
jours à 3-4 jours.
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En pratique, la SNCF a mis en place 14 trains d'axe directs (en bleu sur la carte cidessous) entre plateformes – les dessertes terminales étant représentées par les
flèches tournantes – ainsi que quelques trains d'axe avec "prend-laisse" (en vert,
arrêt intermédiaire pour laisser ou prendre un lot, pas de triage à proprement parler).
Les principales "solutions clients" (en jaune) permettent la desserte de zones
géographiques moins rentables. Les axes gris correspondent aux liaisons avec
l'étranger : le multilots-multiclients n'est pas coordonné à l'échelle internationale, à
l'exception de la Suisse. Début 2012, le départ de GEFCO (15% des trafics) a a
priori modifié ce plan.
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Fig. 4 : l'organisation du lotissement en France début 2012. On retrouve les trafics et hubs principaux du schéma
hub and spoke de 2009 (cf ci-dessous) : Lyon (Sibelin), Woippy, Paris (le triage à la gravité de Villeneuve a été
abandonné au profit de celui du Bourget). L'importance de l'axe atlantique réapparait.
- Source : SNCF 2012.
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La situation initiale obligeait à s'arrêter à
plusieurs triages intermédiaires pour
recomposer le train. De nombreuses
relations directes entre triages permettaient
de limiter le nombre de ruptures de charges
à 3 ou 4, mais la baisse des flux a rendu ces
liaisons trop nombreuses pour assurer des
envois réguliers sur chacune d'entre elles ;
avec comme conséquence des temps
d'attente importants à chaque triage.
Fig. 5 : le wagon isolé en 2008. Source Patrick Niérat 2010, Ecole
des Ponts ParisTech
Le système "hub and spoke" (sur le modèle
de la messagerie) mis en place en 2009 sous
le nom SWING – Service de Wagon Isolé de
Nouvelle Génération, nom que porte
également le système informatique associé –
présentait encore 3 ou 4 ruptures de charges
en fonction des cas. Mis à mal par la crise, il
n'a jamais réellement fonctionné comme sur
le schéma ci-dessus (volumes devenus
insuffisants, système informatique non
entièrement déployé) et posait toujours les
mêmes problèmes de régularité des
circulations en fonction des volumes remis
(liaisons roses, vertes et bleues entre hubs et
plateformes périphériques). Parallèlement,
cinq pôles d'Activités ont été créées (2008)
au sein de la branche Fret ; chimielotissement, sidérurgie, combi-express,
agriculture-carrières,automobile-grande
Fig. 6 : le lotissement en 2009 et 2010 – Source Patrick Niérat 2010, consommation.
Ecole des Ponts ParisTech
Revue Transports – Numero 23 – octobre 2012
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Le système Multi-lots, Multi-clients, a été proposé aux chargeurs dès décembre
2010 par Fret SNCF. Après quelques mois d'exploitation, plusieurs enseignements
sont ressortis :
Le système de pénalités réciproques (virtuelles les deux premiers trimestres) se
heurtait, d'après les chargeurs, à la difficulté de prévoir les trafics à l'avance et du
faible niveau de compensation accordées par la SNCF en cas de retards – pour
rappel, celle-ci n'intervient qu'à partir de 10% de wagons en retard de plus d'un jour
; de plus, le montant de l'indemnité quand elle s'applique était jugé faible. Par
ailleurs, si par exemple 12 wagons sont remis au lieu des 10 commandés, et que 2
sont en retard, comment savoir lesquels (seuls les wagons commandés sont soumis
à l'engagement de régularité) ?
L'horizon de précommande à 3 mois a été jugé trop contraignant par les chargeurs,
en particulier en période d'incertitude sur l'activité.
Les réseaux étrangers ne sont pas sous contrôle car les entreprises ferroviaires y
circulant ne participent pas toutes au système multilots-multiclients. Les
engagements ne s'appliquent donc pas aux trajets internationaux pour lesquels
certaines sociétés étrangères (Chemins de Fer Luxembourgeois, Ferrovie dello
stato, etc.) assurent une partie du parcours.
D'un point de vue technique, le système informatique ne permet pas de suivre
les wagons en temps réel. En l'absence de système automatique d'identification
des wagons. Cela implique que les retards ne peuvent pas être anticipés.
Sur les 35 plateformes de tri, les 5 plus importantes ne disposent pas du système
informatique SWING (équipement prévu pour fin 2012 en remplacement de "Nav".
Toutefois d'après Géodis, l'actuel SWING n'est pas adapté au multi-lots, multiclients).
Le 8 décembre 2011, un communiqué de presse de la SNCF a dressé le bilan de
l'offre après un an d'exploitation et présenté les adaptations décidées en
conséquence. Il apparaît que les flux sont maintenus par rapport à l'année 2010
(220 000 wagons chargés), sans retrouver leur niveau d'avant-crise toutefois.
D'autre part, 80% des wagons isolés remis ont fait l'objet d'une commande par le
chargeur via le système informatique du multilots-multiclients. D'après la SNCF,
ce taux de commande a permis d'adapter le plan de transport à la demande en
ajoutant ou en supprimant des trains suivant les axes, puis, une fois stabilisé, de
rendre la production "plus robuste".
Des changements importants ont été annoncés et mis en oeuvre par la suite :
Le système de pénalités (virtuel pendant les deux premiers trimestres 2011) a été
rééquilibré en faveur des clients : "Le montant des dédits est divisé par deux" ;
L'horizon de précommande a été réduit : "de trimestriel il devient mensuel, avec
des précommandes réalisées avant le 15 de chaque mois pour M+2 (et non plus
M+3 et M+4, horizons devenus trop incertains)." ;
Les engagements côté SNCF restent inchangés (délais et compensations).
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Le communiqué rappelle par ailleurs que plusieurs entreprises européennes sont
partenaires du MLMC : les Chemins de Fer Fédéraux de Suisse (CFF), Xpedys
(filiale de Bcargo, la branche fret de la Société Nationale des Chemins de fer
Belges) et DB Schenker, filiale logistique et fret ferroviaire de la DB AG
(Deutsche Bahn AktienGesellschaft) : DB Schenker Rail, anciennement Railion,
est le principal transporteur de fret ferroviaire européen. A ce jour cependant, seuls
les CFF participent effectivement au Multi-lots, Multi-clients.
Les nouvelles conditions pour le transport de wagons isolés chargés sont
disponibles sur le site internet de Fret SNCF dans le document "conditions
particulières MULTI-LOTS, MULTI-CLIENTS ("MLMC")" du 1er Janvier 2012 :
Définitions : sont distingués les wagons "commandés", facturés au "prix défini dans
l'accord client" et qui bénéficient d'un engagement de délai, les wagons
"supplémentaires" (sur un axe ayant fait l'objet d'une précommande) facturés au
même prix mais sans engagement de délai, et les wagons "spots" (remis en
l'absence de toute précommande sur un axe), facturés "au prix défini dans l'accord
client" et sans engagement de délai
"Dédits" : Les dédits interviennent pour le client s'il remet moins de 90% des
wagons commandés. Au-delà de cette franchise de 10% de wagons pour lesquels
aucune pénalité n'est retenue, le montant du dédit par mois et par axe étant
calculé sur la base du montant unitaire défini dans l'accord client, selon la formule
suivante :
[[Somme des wagons commandés sur l’axe x 0,9]² – [somme des wagons remis sur
l’axe]]x montant du dédit
"Compensations" : Les compensations sont versées par la SNCF pour les retards de
wagons commandés si la régularité est inférieure à 90% pour un mois et un axe
donnés, par rapport au temps de parcours "défini dans l'accord client". Les wagons
retardés par des grèves ou évènements non imputables à la SNCF n'entrent pas en
compte dans le calcul. Le temps de parcours est mesuré en jours, avec comme
date de départ pour les remises au départ de France la date effective de prise en
charge des wagons par la SNCF (celle qui est reportée en case 56 de la lettre de
voiture). Pour les wagons en provenance de l'étranger, c'est donc la date de prise en
charge sur le réseau qui fait foi. Au-delà de cette franchise de 10% de wagons en
retard pour lesquels aucune pénalité n'est retenue, le montant de la compensation
par mois et par axe est de :
- 30 euros par wagon retardé de 1 ou 2 jours ouvrés : pour référence, le prix public
de base de transport d'un wagon varie selon le type et la distance entre 663€ et
10194€ (Source : barême général de transport – conditions commerciales Fret
SNCF au 1er Janvier 2012).
- Prix défini dans l'accord client pour les retards supérieurs (avec une distinction
entre les retards de 3 ou 4 jours, et les retards de plus de 4 jours)
"Bonus" : un bonus annuel intervient pour le client s'il dépasse le chiffre d'affaires
ciblé et s'il a commandé au moins 80% des wagons remis :
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Ecart entre le Chiffre d'Affaires remis
et le CA cible défini conjointement
20%
et +
18 à 16 à 14 à 12 à 10 à
8à
<20% <18% <16% <14% <12% <10%
6à
<8%
4à
<6%
2à
<4%
0à
<2%
Taux de bonus à appliquer au CA
remis
5%
4,5%
1,2%
0,9%
0,6%
0,3%
3,9%
3,3%
2,7%
2,1%
1,5%
Fig.7 : Bonus annuel pour un client, tous axes confondus (y compris si plusieurs accords
clients, ce qui est le cas d'Arcelor par exemple : le chiffre d'affaires cible est défini dans un
"contrat cadre" dans ce cas), en fonction du chiffre d'affaires que représentent pour la
SNCF les "wagons isolés" qui lui sont remis. Le bonus éventuel fait l'objet d'un avoir pour
le client
– Source : conditions particulières MULTI-LOTS, MULTI-CLIENTS ("MLMC"), SNCF
"Malus": un malus annuel intervient pour le client s'il a commandé moins de 80%
des wagons remis:
Wagons commandés / wagons
remis (taux en volume)
<60%
60 à
<62%
62 à
<64%
64 à
<66%
66 à
<68%
68 à
<70%
70 à
<72%
72 à
<74%
74 à
<76%
76à
<78%
78 à
<80%
Taux de malus à appliquer au
CA remis
5%
4,5%
3,9%
3,3%
2,7%
2,1%
1,5%
1,2%
0,9%
0,6%
0,3%
Fig.8 : Malus annuel pour un client, tous axes confondus, en fonction du nombre de
wagons commandés par rapport au nombre de wagons remis. Le malus éventuel fait l'objet
d'une facture à acquitter par le client.
– Source : conditions particulières MULTI-LOTS, MULTI-CLIENTS ("MLMC"), SNCF
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Transport
ferroviaire
Opérateurs ferroviaires de proximité
Rédigé par Bruno Meignien du
SETRA
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Cas de TPCF (Train du Pays Cathare et du Fenouillèdes) : situation en septembre
2011 et éléments de réflexion.
Définition et objectif : L'objectif des Opérateurs Ferroviaires de Proximité (OFP)
est de faire baisser les coûts grâce à une structure souple et des employés
polyvalents, afin de maintenir ou de développer des dessertes sur des petites lignes
aujourd'hui délaissées par les opérateurs de grande distance (Fret SNCF, ECR,
etc.). Le but est de parvenir à des coûts et à un service concurrentiel avec un
service routier de bout en bout. Le concept initial de l'OFP prévoit qu'il exploite
une zone limitée géographiquement, la partie principale du trajet étant assurée par
un opérateur longue distance qui intègre les wagons remis par l'OFP à des trains
entiers. L'idée, sur le modèle des Shortliners nord-américains et allemands, est
d'associer un opérateur de proximité efficace pour la desserte terminale à un
opérateur longue distance efficace sur le maillon central du trajet, massifié. C'est en
substance la conclusion du rapport de mission de Jacques Chauvineau intitulé
"Transport ferroviaire de fret et développement territorial" (2006).
Présentation – Historique - Objectifs
TPCF (Train du Pays Cathare et du Fenouillède) est une association créée en 19921993, qui a exploité son premier train touristique en 2001. Une SARL est créée en
2006, ce qui permet de séparer les activités bénévoles (association TPCF) des
activités salariées, dont la première était un chantier d'insertion pour l'entretien de
l'infrastructure (SARL TPCF). La SARL assure la commercialisation, la
maintenance et l'exploitation du train touristique.
L'origine de TPCF Fret est lié à l'abandon d'une desserte terminale par la SNCF sur
la ligne Rivesaltes – Axat, voie unique à trafic restreint (VUTR) du Réseau Ferré
National (propriété de RFF) circulée uniquement par quelques trains de fret SNCF
et par les trains touristiques de TPCF. Certains élus et chargeurs ont alors demandé
à TPCF de prendre la relève. Cela a été possible grâce à une évolution de la
réglementation. Le capital nécessaire pour obtenir la licence d'entreprise ferroviaire
a en effet été abaissé à 50 000 euros (en-deça d'un trafic de 50 millions de t.km).
L'objectif premier était donc de maintenir une desserte vouée à l'abandon.
Il est à noter que l'état de la voie était globalement bon (notamment passages à
niveau) et que le client actuel, embranché, n'a pas eu de rupture de trafic entre
la dernière circulation SNCF et la première circulation TPCF.
Un opérateur de proximité est créé en 2010 au sein de la société. Les deux activités
de la SARL TPCF sont alors :
► Le train touristique, à laquelle l'association participe avec une quinzaine de
bénévoles (ainsi que l'association AIPF). Il circule sous certificat SNCF et paye un
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loyer annuel par km de voie utilisée.
► TPCF Fret, qui détient un certificat de sécurité et une licence d'entreprise
ferroviaire, et paye des péages à RFF calculés au train.km (30 cts par train et par
km)
► Une troisième activité de Prestataire Gestionnaire d'Infrastructure (PGI), sur les
60km de Rivesaltes-Axat, est prévue pour 2012. Le statut de PGI a été créé en
2010 par RFF afin de diminuer les coûts d'entretien et de gestion des circulations
sur les petites lignes. TPCF entretient déjà la partie où ne circulent que des trains
touristiques, mais c'est la SNCF qui entretient les 7km entre Rivesaltes et Cases-dePène (activité fret).
Depuis 2010, TPCF exploite un train par semaine de 4 à 5 wagons de dolomie entre
Cases-de-Pène et Rivesaltes (7km, retour à vide). Une locomotive quinquagénaire
est utilisée. Fin 2011, une locomotive diesel neuve a été louée afin d'élargir le
périmètre de circulation de l'OFP (certificat de sécurité obtenu auprès de l'EPSF).
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Fig. 1 : situation géographique et trafics ferroviaires. (Source RFF, 2004). En vert la ligne exploitée par TPCF.
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Organisation (gestion des circulations, etc)
Trafics : Le trafic lors de la visite était d'un train de 4 wagons par semaine,
soit 240t de charge utile. TPCF Fret ne circule que sur la ligne à voie unique
dédiée fret entre Cases-de-Pène et Rivesaltes, où se fait la connexion avec le
réseau ferré national. A Rivesaltes, la SNCF récupère les wagons et les
insère dans un train complet en direction de l'Allemagne, destination de la
dolomie. Les wagons reviennent vide à Rivesaltes où la SNCF les dépose (la
dépose d'un wagon par l'une des deux sociétés sur le faisceau d'échanges ne
nécessite pas la présence d'une personne de l'autre compagnie. Le wagon y
stationne jusqu'à ce que l'une ou l'autre société vienne le récupérer)
La rotation durait 6 semaines avant que TPCF commence l'exploitation de la
desserte terminale. Elle a été ramenée à 4 semaines. Pour comparaison,
l'aller-retour en camion nécessite 3 à 4 jours.
La maintenance des wagons est assurée par EVS (loueur de wagons), qui en
est le propriétaire, bien que certaines petites réparations soient effectuées sur
place par les agents. La locomotive, bien que vieille (cinquante ans), est une
locomotive de ligne, l'exploitation par un locotracteur étant irréaliste (fortes
pentes).
Exemple de circulation
Le jour de la visite, en septembre 2011, nous avons emprunté la ligne de Casesde-Pène à Rivesaltes. 4 wagons de dolomie attendaient sur l'embranchement de
l'usine. La voie ferrée étant limitée à 22,5t par essieu (charge D), ces wagons de 4
essieux sont limités à 90t, soit une charge utile d'environ 60t. La limite de charge
à l'essieu est importante car certaines petites lignes sont limitées à 20t par essieu
(charge C), soit une perte de charge utile de 10t par wagon de 4 essieux.
Une première vérification technique du matériel est effectuée (Reconnaissance à
l'Aptitude au Transport RAT : freins en particulier, gabarit, etc.). Deux agents
composent l'équipage de la locomotive, un agent au sol et un conducteur – agent
au sol. Après un appel au Poste d'aiguillages (PRCI : Poste à Relais à Commande
Informatique) de Perpignan, l'autorisation de circuler jusqu'à Rivesaltes est
donnée. Les passages à niveau sont télécommandés depuis la locomotive en
approche (franchissement conditionnel). Il n'y a pas de signaux lumineux ni de
radio. La ligne entière est neutralisée pour la circulation de notre train. Il ne peut
donc pas y avoir de circulation touristique au même moment, même dans la
partie haute de la ligne sur laquelle nous ne circulerons pas.
A Rivesaltes, l'agent de manoeuvre dételle les quatre wagons sur le faisceau
d'échange. Ils seront récupérés par trois agents SNCF (pas de date fixe) qui
effectueront de nouveau une Reconnaissance à l'Aptitude au Transport. La
locomotive est reconduite haut-le-pied jusqu'à l'embranchement de l'usine de
dolomie.
L'aller-retour complet a duré de 8h15 à 9h17, soit 1h. Au cours de ce voyage de
14km aller-retour, sept dépêches auront été échangées par appel téléphonique
entre le poste d'aiguillage et l'équipage de la locomotive.
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Acteurs et montage financier
C'est EVS, le loueur de wagons, qui est au centre du dispositif. Il est
l'organisateur du transport. L'usine La Provençale lui paye la prestation de
transport globale, tandis qu'EVS gère les horaires et paye la traction à TPCF,
la SNCF (jusqu'au triage de Woippy, dans le Nord-Est) et les CFL, Chemins
de Fer Luxembourgeois, qui amènent les wagons de Woippy jusqu'à Konz
en Allemagne).
Ainsi, du point de vue du client final, La Provençale, rien n'a changé si ce
n'est la durée de la rotation des wagons qui a diminué de deux semaines. La
Provençale n'a toujours qu'un seul interlocuteur et les tarifs n'ont pas évolué.
TPCF Fret n'a pas de contact direct avec la Provençale.
Cette situation a évolué depuis la visite, TPCF Fret cherchant de nouveaux
trafics pour équilibrer son bilan économique (voir partie suivante) avec un
commissionnaire de transport, Eurorail, intéressé par les prestations de
TPCF.
En parallèle, TPCF Fret prospecte le long de la ligne les chargeurs
embranchés et/ou intéressés par le transport ferroviaire afin d'augmenter ses
trafics.
Note : Un commissionnaire de transport est un agent (société, consultant
indépendant) qui gère le transport pour le compte d'un chargeur, et choisit
grâce à sa connaissance du monde du transport et à son indépendance le
meilleur moyen de transport pour répondre aux demandes du client, en
optimisant les flux globaux de son panel de clients. (Cf Guide Sétra "Goods
Transports")
Perspectives
TPCF cherche activement de nouveaux trafics. Le potentiel de la ligne a été
évalué à 100 000 tonnes (4 clients : bois, dolomie, alumine, feldspath), mais
la société se montre prudente en estimant à 50 000 tonnes le volume
effectivement captable à court-terme (feldspath à St-Paul de Fenouillèdes,
environ 30 km à l'Ouest de Cases-de-Pène). Certains clients se montrent en
effet réticents à utiliser le mode ferroviaire, tandis que d'autres ne sont plus
embranchés.
La volonté politique locale à l'origine de la création de TPCF Fret est
toujours présente. Un hangar de maintenance fret bénéficie d'une subvention
PER (Pôle d'Excellence Rural) de 600 000 euros du conseil général et de 200
000 euros de la commune. Un projet de réouverture de la partie St-Martin –
Quillan est à l'étude, avec 7 km à reconstruire pour un coût estimé de 5 à 12
millions d'euros ; cela relierait la ligne à Carcassonne, au Nord. Enfin, de son
côté, le Préfet a conditionné l'autorisation d'ouvrir une nouvelle carrière au
transport de ses produits par le train, la vallée étant déjà saturée de camions.
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Cependant, les volumes sont considérés comme insuffisants pour générer des
recettes qui permettent de compenser les frais fixes liés à la locomotive,
ce qui pose la question de la taille critique en fonction du matériel utilisé.
► Un locotracteur diesel, solution la moins onéreuse, est inadaptée à la
ligne Rivesaltes-Axat, en raison de fortes pentes (25 pour mille) et
cantonnerait l'exploitation à de faibles volumes et de petits trajets à faible
vitesse.
► Une vieille locomotive amortie (diesel), peu chère – à supposer qu'elle
ne nécessite pas de désamiantage intégral – ne peut fonctionner qu'à faible
vitesse et sur ligne peu fréquentée, car sa fiabilité est limitée.
► Une locomotive de ligne diesel représente un coût de location supérieur à
25000 euros TTC par mois : coût "sec" pour environ 15000 euros, assurance
pour un peu plus de 1 000 euros, maintenance courante et patrimoniale pour
environ 10 000 euros. Une machine de secours doit être prévue, elle peut être
louée à l'heure (~150 euros /heure).
► Une locomotive de ligne électrique présente une puissance et une
fiabilité supérieures à une locomotive diesel, mais coûte également plus
cher: la location atteint près de 35 000 euros par mois.
La société s'est ainsi penché sur la dernière solution. Cela implique des
charges mensuelles supérieures à 100 000 euros, grand minimum. L'enjeu
pour TPCF est donc de trouver les trafics correspondants. La société s'est
pour cela rapprochée d'Eurorail, commissionnaire de transport, afin
d'organiser des flux permettant d'optimiser l'utilisation d'une locomotive de
ligne. Le schéma retenu associait un train complet par semaine constitué des
wagons récupérés sur la ligne Axat-Rivesaltes à trois trains complets par
semaine provenant du Boulou, à la frontière Espagnole. Les quatre trains
avaient pour destination Portes-lès-Valence.
L'utilisation d'une locomotive électrique permet de s'affranchir d'une
deuxième locomotive diesel qui serait nécessaire pour tirer ces trains
complets. Le coût en énergie de traction est également inférieur. Ce schéma
permet d'atteindre l'équilibre économique grâce aux 1000 tonnes nettes
transportées par train complet, sur une distance de 780km aller-retour (flux
équilibrés).
TPCF Fret a finalement loué une locomotive de ligne diesel, les trafics
prévus n'étant pas au rendez-vous. Elle projette de travailler avec d'autres
OFP, notamment RDT 13 : cela consisterait en un transfert de wagons d'un
OFP à l'autre, chacun opérant sur sa propre zone géographique.
Difficultés et clés de réussite
De l'avis de TPCF, la connaissance ferroviaire acquise grâce à l'expérience
du chemin de fer touristique a été un atout majeur pour le lancement de
l'entreprise, notamment pour l'élaboration du dossier de demande de
certificat de sécurité, obtenu le 19 Mai 2010 ; cette étape a duré un an, elle
peut être encore plus longue pour un entrepreneur non formé, qui doit faire
appel à un bureau d'études, pour un coût estimé compris entre 50000 et
100000 euros.
Revue Transports – Numero 23 – octobre 2012
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Il a été également possible pour deux personnes de suivre une formation de
conducteur d'une semaine ; la formation est un poste de coût significatif
(estimé à 20 000 euros environ) et conditionne la circulation du premier
train.
Autre atout, l'exploitation du train touristique a facilité l'exploitation du fret.
Du côté des difficultés, l'obstacle majeur s'est présenté fin 2011 pour la
location de la locomotive de ligne. Les loueurs de locomotives exigent en
effet un dépôt de garantie de 3 à 6 mois (soit environ 100 000 euros avant
de commencer l'exploitation)
L'autre difficulté principale consiste dans le point d'échange du trafic avec
les entreprises ferroviaires grandes lignes, pour lesquelles l'arrêt à Rivesaltes
ne concernerait que quelques wagons de TPCF. La SNCF a assuré la reprise
des wagons à Rivesaltes (où les wagons sont conduits jusqu'à Perpignan),
mais sans engagement ferme pour l'avenir. Une solution aurait été de former
des trains complets, plus intéressants pour une entreprise ferroviaire grandes
lignes, mais les trafics de la ligne ne sont pas suffisants pour ce faire. D'autre
part, l'option multilots-multiclients (nouvelle offre de lotissement de la
SNCF) présente pour cette situation des tarifs considérés comme trop élevés
par TPCF.
Une extension du certificat de sécurité afin de pouvoir circuler sur un
périmètre géographique plus étendu a donc été considéré comme nécessaire
pour accéder aux triages, sans même tenir compte des éléments économiques
présentés ci-avant.
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La Revue Transport est une publication bimestrielle de la
Direction d’études « Organisation des transports et
intermodalité » du Service d’études sur les transports, les
routes et leurs aménagements. Elle rassemble des articles
traitant des sujets relatifs aux transports de marchandises.
Elle est alimentée par la veille économique réalisée par les
différents Chargés d’études :
•
Bruno MEIGNIEN, transport et infrastructures
ferroviaires ;
•
Antoine RIGAUX, logistique et intermodalité.
•
Olivier CHARNAY, transports routiers de
marchandises
•
Charlotte COUPE, modélisation multimodale.
Le Réseau Scientifique et Technique participe également à
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