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ABIDJAN, N° 206 du 25/02/2003
A.U. DROIT COMMERCIAL GENERAL : art. 117 – CESSION DE FONDS DE COMMERCE –
DEFAUT D’ACTE DE CESSION SOUS SEING PRIVE OU PAR ACTE AUTHENTIQUE – EXERCICE
D’UN DROIT DE SUITE SUR LE FONDS CEDE –NULLITE DE LA SAISIE
COUR D’APPEL D’ABIDJAN (COTE D’IVOIRE)
CHAMBRE CIVILE ETCOMMERCIALE
N°206 DU 25/02/2003
ARRET CIVIL CONTRADICTOIRE
AFFAIRE : M. JEAN QUIRIE (Me AGNES OUANGUI) CONTRE LE MONTPARNASSE (Mes
KOUASSI-ALLAH et BOHOUSSOU)
AUDIENCE DU MARDI 25 FEVRIER 2003
La Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre civile et commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville,
en son audience publique ordinaire du mardi vingt cinq février deux mille trois, à laquelle siégeaient :
Madame BLE IRENE Président de Chambre – PRESIDENT
Monsieur TOURE ABOUBACAR et Mme KOUASSI AFFOUE MARCELLE Conseillers à la Cour –
Membres
Avec l’assistance de Maître IRIE ALAIN Greffier ;
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause ;
Entre : Monsieur JEAN QUIRIE né le 23 août 1943 à Saint Dénis de Mer (France), de nationalité
française, Administrateur de Société, demeurant à Abidjan, commune de Marcory, en zone 4, rue
Pierre et Mairie CURRIE, I 8 BP. 747 Abidjan 18 ;
Appelant ;
Représenté et concluant par Maître AGNES OUANGUI ? Avocat à la Cour, son Conseil ;
D’UNE PART
Et : LE MONTPARNASSE, sis à Abidjan zone 4 C, 38 rue Pierre et Marie CURRIE prise en la
personne de son gérant Monsieur PASSERIN GUY Christian Michel, de nationalité française,
domicilié à Abidjan, 08 BP. 1635 Abidjan 18 ;
Intimé ;
Représenté et concluant par Maîtres KOUASSI-ALLAH et BOHOUSSOU, Avocats à la Cour, ses
conseils
D’AUTRE PART
Sans que les présentes qualités ne puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et
intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire et sous les plus expresses réserves des
faits et du droit ;
FAIT : La juridiction présidentielle du Tribunal d’Abidjan Plateau, statuant en la cause, en matière de
référé a rendu le 10 décembre 2002, une ordonnance N°5600 non enregistrée, aux qualités de
laquelle il convient de se reporter ;
Par exploit en date du Mardi 24 décembre 2002 de Maître Jean Quirié a déclaré interjeter appel de
l’ordonnance sus-énoncée et a, par le même exploit assigné LE MONPARNASSE à comparaître par
devant la Cour de ce siège à l’audience du mardi 07 janvier 2003 pour entendre, annuler ou infirmer
ladite ordonnance ;
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour sous le n°07 de l’an
2003 ;
Appelée à l’audience sus-indiquée, la cause après des renvois a été utilement retenue le 28 janvier
2003 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties ;
DROIT : En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des
conclusions écrites et orales des parties ; La Cour a mis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt a
l’audience du 18 février 2003, délibéré qui a été prorogé jusqu’au 25 février 2003 ; Advenue l’audience
de ce jour, 25 février 2003, la Cour vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR,
Vu les pièces du dossier ;
Ensemble, l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après ;
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé, en dernier ressort sur l’appel relevé le
24 décembre 2002 avec ajournement au 07 janvier 2003 par Jean Quirié ayant pour conseil Maître
Agnès Ouangui, de l’ordonnance de référé n°5600 rendue le 10 décembre 2002 par la juridiction
Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, non encore signifiée, dont le dispositif est
libellé comme :
"Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé d’heure à heure et en premier
ressort ;
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Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu
l’urgence et par provision ;
Recevons la Société MONTPARNASSE en son action ;
L’y disons bien fondée ;
Déclarons nulle la saisie conservatoire pratiquée le 22 novembre 2002 sur les biens meubles ;
En ordonnons conséquemment la mainlevée ;
Mettons les dépens à la charge du défendeur" ;
Considérant qu’aux termes de son appel, Jean Quirié expose que par acte notarié daté du 18 avril
1995 dressé par Maître Cheickna Sylla, il a consenti un prêt de 20.000.000 F/CFA à Dame MAY
NACCACHE ;
Qu’aux termes du même acte et pour garantir le remboursement de cette dette, le sieur Alexandre
Georges Mouzarkel Méral agissant en sa qualité de caution solidaire, a effectué à titre de
nantissement de premier rang et sans concurrence un fonds de commerce du Bar Restaurant
dénommé le "SAXO" à son profit ;
Que par cet acte notarié, une promesse de vente de fonds de commerce et un droit au bail lui ont été
consentis ;
Que pour protéger ses intérêts, il a sollicité et obtenu du Greffe du Tribunal, un certificat de
nantissement n°752 du 04 mai 1998 ;
Que suite au non paiement de l’intégralité de la créance due par dame MAY NACCACHE, le Tribunal
a par jugement n°198/CIV/7 du 28 mars 2001, ordonné la résiliation du nantissement du fonds de
commerce qui avait été constitué en garantie au paiement de ladite créance ;
Que sur la base de cette décision devenue définitive par l’obtention d’un certificat de non appel
n°997/02 du 26 avril 2002, il a fait pratiquer une saisie conservatoire sur les biens constituant le fonds
de commerce, objet du nantissement constitué à son profit ;
Qu’à sa grande surprise, la société MONTPARNASSE se disant propriétaire du fonds de commerce
querellé, à sollicité et obtenu du juge des référés, la mainlevée de la saisie conservatoire du 22
novembre 2002 par l’ordonnance de référés n° 5600 du 10 décembre 2002 au motif que la société
MONTPARNASSE n’étant pas créancière de l’appelant, c’est à tort que celui-ci a pratiqué une saisie
conservatoire sur ses biens meubles ;
Considérant qu’après ce rappel, Jean Quirié estime que c’est à tort que le juge des référés a ordonné
la mainlevée de la saisie conservatoire des biens meubles par lui pratiquée le 22 novembre 2002 ;
Qu’il soutien que l’effet du nantissement, il a acquis un droit de suite sur le fonds de commerce du Bar
Restaurant le "SAXO" ;
Que ce droit de suite a pour conséquence de lui permettre d’exercer ses droits sur ledit fonds de
commerce, même si celui-ci fait postérieurement, l’objet d’une aliénation ;
Qu’il conclut en conséquence à l’infirmation de l’ordonnance attaquée ;
Considérant que la société MONTPARNASSE explique par ses conseils Maîtres KOUASSI-ALLAH et
BOHOUSSOU que le 22 octobre 2002, le sieur Jean Quirié lui a signifié un jugement civil
n°198/CIV/7/A rendu le 28 mai 2001 par le Tribunal de première instance d’Abidjan dans la cause qui
l’oppose à ses débiteurs, dame MAY NACCACHE épouse Méral et le sieur Alexandre Georges
Mouzarkel Méral, précédemment détenteur du fonds de commerce, le restaurant "SAXO" donné en
nantissement à l’appelant ;
Que n’étant nullement concerné par cette décision de justice, le gérant de la société le
MONTPARNASSE à qui cet acte de signification était délivré précisait à l’huissier instrumentaire qu’il
n’était pas concerné par le litige ;
Que contre toute attente, près d’un an plus tard, par exploit du 22 novembre 2002, Jean Quirié
pratiquait une saisie conservatoire sur les biens garantissant le restaurant le "MONTPARNASSE" ;
Que c’est ainsi que le juge des référés saisi a rendu la décision querellée ;
Considérant que la société intimée soutient que c’est à juste titre que le juge des référés s’est fondé
sur le fait que la société le "MONTPARNASSE" qui exploite le fonds de commerce le restaurant le
"MONTPARNASSE" n’est pas la débitrice du sieur Jean Quirié et de ce fait ses biens ne peuvent
faire l’objet d’une saisie pour couvrir le montant d’une créance pour laquelle elle n’est nullement
concernée ;
Qu’elle fait valoir que le fonds de commerce le restaurant le "MONTPARNASSE" est une création
nouvelle et est distinct totalement du fonds de sieur Méral à savoir le "SAXO " qui a cessé toute
activité en décembre 1996 alors que le "MONTPARNASSE" a été crée en août 2002 ;
Qu’elle affirme que cela est d’autant plus vrai qu’il n’y a eu aucun acte de cession de fonds de
commerce conformément à l’article 120 de l’Acte Uniforme sur les sûretés ;
Qu’enfin elle indique qu’il ressort d’un procès-verbal de constat en date du 18 décembre 1996
conforté par une attestation de Greffe du Tribunal d’Abidjan que le fonds de commerce le "SAXO"du
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sieur Méral n’est pas nanti vu que la sûreté ne figure pas dans le registre de nantissement détenu par
ledit Greffe ;
Qu’elle estime que la formalité de l’enregistrement faisant défaut, le nantissement dont se prévaut
Jean Quirié est nul et de nul effet si bien que le prétendu droit de suite ne peut s’exercer ;
Qu’elle demande la confirmation de l’ordonnance entreprise ;
Considérant que par des répliques en date du 10 janvier 2003, Jean Quirié soutient que contrairement
aux affirmations de la société "MONTPARNASSE" , l’existence du fonds de commerce le "SAXO" n’a
pas pris fin juridiquement par la cessation de ses activités ;
Qu’en effet, faut-il préciser que le sieur George Mouzarkel Méral en sa qualité de propriétaire du fonds
de commerce le "SAXO", l’a cédé au sieur Léonotou Patrick qui l’a rebaptisé "L’ELYSEE" ;
Que ce dernier a été cédé au sieur GUY PASSERINI, actuel propriétaire du fonds de commerce le
"MONTPARNASSE" ;
Qu’il estime que c’est le fonds de commerce initial le "SAXO" qui a été rebaptisé le
"MONTPARNASSE" ce, à la suite d’un changement de propriétaire ;
Qu’il ajoute que le fonds de commerce le "MONTPARNASSE" a le même emplacement que celui du
"SAXO" et mène des activités identiques ;
Qu’il s’agit donc du même fonds de commerce ;
Que par ailleurs, Jean Quirié fait valoir que le certificat de non nantissement produit ultérieurement par
le sieur Greffier en Chef du Tribunal pour affirmer que le "SAXO" n’est pas nanti, contient de
nombreuses irrégularités ;
Que notamment, le certificat litigieux ne possède aucun numéro et il n’a pas été établi sur papier
entête du Greffe comme c’est le cas généralement pour les divers actes délivrés par ce service ;
Qu’un tel acte est nul ;
Qu’en tout état de cause, estime, Jean Quirié, le certificat de nantissement n°752 du 04 mai 1998
produit en original et l’acte d’inscription du privilège de nantissement enregistré au greffe le 17 mai
1995 établissent clairement que le fonds de commerce le "SAXO" a été bel et bien nanti à son profit ;
Que le changement de propriétaire ne saurait porter atteinte à son droit de suite sur ledit fonds de
commerce ;
Qu’il conclut que c’est à juste titre qu’il a fait pratiquer une saisie conservatoire des biens meubles de
la société "MONTPARNASSE" second acheteur du fonds de commerce qui a fait l’objet d’un
nantissement à son profit ;
Considérant que la société le "MONTPARNASSE" répond que le sieur GUY PASSERINI n’est pas le
propriétaire du restaurant le "MONTPARNASSE" mais il est plutôt le gérant de la société le
"MONTPARNASSE", propriétaire dudit fonds ;
Qu’il répète que le fonds de commerce le "SAXO" n’a pas été cédé mais a plutôt cessé ses activités ;
Qu’elle précise que s’il est vrai que le restaurant le "MONTPARNASSE" et le restaurant le "SAXO" ont
la même activité et ont été implantés dans le même local, cela ne signifie pas qu’il s’agit d’une
cession, surtout qu’il s’est écoulé plusieurs années entre la fin premier et la création du second ;
Qu’elle réaffirme qu’il ressort du procès-verbal de constant d’huissier que le numéro 39 n’existe pas
aussi bien dans le registre du nantissement de fonds de commerce de l’année 1995 vu que les deux
registres pour cette année se terminent les numéros 35 et 36 pour le premier et le second ;
Que c’est à la suite de ce constat d’huissier que le certificat de non nantissement a été établi par le
Greffe du Tribunal ;
Que cette irrégularité a pour effet de rendre immédiatement exigible la dette, le créancier perdant le
bénéfice de la garantie, selon le traité OHADA ;
Que la perte de la garantie qu’est le nantissement a pour effet de rendre impossible l’exercice du droit
de suite attaché à ladite garantie ;
Considérant que par d’autres répliques, Jean Quirie fait valoir que ses affirmations relatives à la
cession du fonds de commerce initial le "SAXO" sont confirmées par une sommation interpellative
faite par exploit du 17 Janvier 2003, versé aux débats ;
Considérant que la société le "MONTPARNASSE" répète que Jean Quirié ne produit pas à l’appui de
ses prétentions un acte de cession mais plutôt une sommation interpellative qui fait ressortir que dans
le même espace locatif plusieurs fonds de commerce s’y dont installés ;
Considérant que l’intimée a conclu, il convient de statuer contradictoirement ;
DES MOTIFS
EN LA FORME :
Considérant que l’appel intervenu dans les formes légales avant la signification de l’ordonnance de
référé querellée est recevable ;
AU FOND :
Juriscope 2007
Considérant que par un acte de nantissement du 18 avril 1995, Jean Quirié a acquis un droit de suite
sur le fonds de commerce le "SAXO" ;
Qu’en vertu de ce droit de suite, il peut exercer ses droits de créancier sur ce fonds de commerce
entre quelques mains où il se trouve ;
Que cependant, il ne fait pas la preuve que le fonds de commerce le "MONTPARNASSE", propriété
de la société le "MONTPARNASSE" constituée le 09 août 2001, était initialement le fonds de
commerce le "SAXO" ;
Qu’en effet, il ne produit aucun acte de cession conformément à l’article 117 de l’acte Uniforme relatif
au Droit Commercial Général ; la sommation interpellative du 17 janvier 2003, n’étant aucune forme
de cession ;
Que dès lors c’est à juste titre que le premier juge a déclaré nulle la saisie pratiquée sur les biens de
la société ;
Que cette décision à tort querellée mérite d’être confirmée ;
DES DEPENS
Considérant que l’appelant succombe, il doit supporter les dépens ;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME :
Déclare Jean Quirie recevable en son appel relevé de l’ordonnance de référé n° 5600 rendue le 10
décembre 2002 par la juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan ;
AU FOND :
L’y dit mal fondé ;
L’en déboute ;
Confirme ladite ordonnance ;
Le condamne aux dépens distraits au profit de maîtres Kouassi-Allah et Bohoussou, Avocats, aux
offres de droit ;
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement contradictoirement en matière civile,
ème
commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan (5
Chambre civile A.) a été signé
par le Président et le Greffier.
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