Brève Vigie, 16 avril 2007 L`Asie contrainte d`innover

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Brève Vigie, 16 avril 2007 L`Asie contrainte d`innover
Brève Vigie, 16 avril 2007
L’Asie contrainte d’innover face au problème des déchets
L’heure des magnats du recyclage a-t-elle sonné ? Zhang Yin, la femme la plus riche de
Chine, a bâti sa fortune en recyclant des vieux papiers. La production de déchets, qui ne cesse
ne croître, et la nécessité d’adopter des processus de traitement adaptés constituent en Asie
un marché émergent riche de potentialités pour des entrepreneurs novateurs.
Selon l’édition 2006 du Hurun Report [www.hurun.net], Zhang Yin (49 ans), nantie d’une
fortune estimée à 3,4 milliards de dollars US, est la femme la plus riche de Chine. Ni haute
technologie ni immobilier, Zhang Yin est l’impératrice du carton d’emballage. Elle s’est
enrichie en important le vieux papier américain pour le recycler en Chine, au sein des usines
de Dragon Paper Industries Co. [www.ndpaper.com], entreprise qu’elle a fondée à Dongguan
(province du Guangdong) en 1995 et qui est aujourd’hui l’un des plus grands producteurs
mondiaux de carton d’emballage.
En Inde, à Noida, dans les faubourgs industriels de New Delhi, Manik Thapar est le fondateur
d’Eco Wise Waste Management, entreprise créée en avril 2006 avec un capital de 120 000
dollars US. Activité ? Le « vermicompostage », qui consiste à fabriquer du compost à partir
des déchets organiques, grâce à des vers de terre. L’avenir dira si la jeune pousse de Manik
Thapar pourra connaître le fabuleux destin de Dragon Paper Industries…
Le phénomène d’urbanisation croissante de la planète qui, du fait de la démographie, produit
surtout ses effets en Asie et en Afrique, amplifie de façon considérable le problème du
traitement des déchets. À elle seule, la mégalopole de Mumbai (Bombay) produit chaque jour
plus de 8 000 tonnes de déchets.
La prolifération des « e-déchets » (déchets des équipements informatiques et électroniques)
représente un important risque sanitaire. Le plus souvent en violation des conventions
internationales (1), ils sont massivement exportés en Afrique et en Asie, où les matières
dangereuses des ordinateurs obsolètes endommagent l’environnement et la santé des
populations au cours de processus de recyclage non maîtrisés (2).
Actuellement, en Asie, le marché du traitement des déchets est encore à un stade
embryonnaire. L’ampleur et la complexité du défi requièrent des solutions novatrices (il s’agit
d’en finir avec des méthodes telles que l’incinération aveugle des déchets, dommageable pour
la santé publique et l’environnement) et représentent une mine d’or potentielle pour des
entrepreneurs qui pourraient être encouragés par le succès de Zhang Yin. Selon une étude de
la firme Frost & Sullivan [www.frost.com], « le marché (du recyclage des déchets solides) va
probablement croître de façon continue aux Philippines, à Taiwan, à Singapour, à Hong Kong
et en Corée du Sud ; il est déjà robuste en Australie et en Nouvelle-Zélande. […] Des
innovations technologiques dans le recyclage des déchets solides vont vraisemblablement
émerger, en particulier dans certaines niches : recyclage des pneus, des déchets de
construction, de démolition (3). »
En attendant l’essor des magnats du recyclage, l’Asie doit compter sur les initiatives des
gouvernements et les programmes de coopération. L’Agence de coopération internationale
japonaise [JICA, www.jica.go.jp] a ainsi financé à Hanoi un projet expérimental de traitement
et de recyclage des ordures baptisé 3R (réduire, réemployer, recycler). Chaque jour, la
capitale vietnamienne produit 2 000 tonnes de déchets et le projet 3R vise à impliquer la
population (tri des déchets) pour économiser les frais de ramassage, de traitement, et limiter la
pollution de l’environnement. Hanoi est ainsi devenue la quatrième ville d’Asie à réaliser ce
projet, après Yokohama (Japon), Hajai (Thaïlande) et Penang (Malaisie).
Yann Vinh, Futuribles International
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(1) La convention de Bâle [www.basel.int/text/textfranc.html] sur le contrôle des mouvements transfrontières de
déchets dangereux et de leur élimination, en vigueur depuis 1992, exige de ses parties (les États-Unis ont signé la
convention mais ne l’ont pas ratifiée) qu’elles fassent en sorte que de tels déchets soient gérés et éliminés de
façon écologiquement rationnelle. Un amendement adopté en 1995 proscrit l’exportation de déchets toxiques des
pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) vers d’autres pays non
membres de l’OCDE.
(2) Cf. le rapport Exporting Harm. The High-Tech Trashing of Asia, publié en février 2002 par un groupement
d’organisations non gouvernementales (The Basel Action Network, Silicon Valley Toxics Coalition…) qui décrit
la situation de villes telle Guiyu (Chine, province de Guangdong), transformée en poubelle électronique et où le
recyclage de matières hautement toxiques a des conséquences écologiques et sanitaires désastreuses. Disponible
sur le site de Greenpeace : www.greenpeace.org/raw/content/china/en/press/reports/exporting-harm-the-hightech.pdf
(3) « Southeast Asian Solid Waste Recycling Markets », 3 octobre 2006, cité in Asia Times.
Sources : RAJA M. « The Rise of the Garbage Tycoons ». Asia Times, 6 février 2007, disponible sur :
www.atimes.com ; FATAH Sonya. « It’s a Dirty Business », 5 janvier 2007, sur le site de Globandmail.com :
www.theglobeandmail.com
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