High North Essay Contest

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High North Essay Contest
Emmanuel FRETELLIERE
Paris School of International Affaires – PSIA
Royal Norwegian Ambassy in Paris
High North Essay Contest
Which possibilities and challenges do the climate changes entail for the High North ?
Résumé
Les changements climatiques actuels, en particulier le réchauffement de la planète, frappent
particulièrement les régions polaires, extrêmement fragiles. Ils vont se manifester notamment par la
disparition progressive de la banquise arctique estivale, la fonte des glaces continentales et le dégel
du permafrost. Autant d'évolutions qui mettent en péril l'environnement polaire et les modes de vie
des populations locales, qui en sont dépendants. Il serait cependant faux de croire que les
conséquences de ces changements ne seront que négatives. Ils offriront en effet des opportunités
nouvelles de développement économique des régions du Grand Nord. Ainsi, la fonte de la banquise
va accroître l'accessibilité à ces régions et permettre leur désenclavement, ce qui va offrir des
possibilités de trafic maritime. L'exploitation des ressources (poissons, minerais, hydrocarbures) dont
certaines régions du Grand Nord sont riches va en profiter. Mais les bénéfices doivent aller en premier
lieu aux populations locales, qui ont là l'occasion de reconquérir une fierté mise à mal par une
situation économique souvent difficile. Leurs modes de vie traditionnels étant menacés de disparition
par les changements climatiques, leur challenge consiste à être acteur de ce grand saut vers ces
nouvelles industries, pour se réapproprier leur avenir et leurs cultures.
L
e 9 Septembre 2011, la superficie de la banquise arctique a atteint son niveau le plus bas de
l'année, à 4,33 millions de km², proche du triste record de l'année 2007 (4,13 millions de km²).
Ces deux années ne sont pas des cas isolés, l'étendue de la banquise ne faisant que décliner en
Arctique depuis au moins le début des années 1950 1. Cette diminution continue n'est
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http://nsidc.org/
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malheureusement qu'une conséquence de perturbations climatiques à l'échelle de la planète,
induites en grande partie par l'activité humaine, qui frappent les régions voisines de l'Océan Glacial
Arctique avec une intensité particulière (GIEC, 2007). Ce ”Grand Nord”, réparti sur plusieurs pays
(États-Unis, Canada, Russie, Norvège, Finlande, Danemark et Islande) souvent en concurrence, n'est
évidemment pas une région homogène, mais les mêmes problématiques pourraient s'y faire jour face
aux importants changements en cours. En effet, la plupart des régions du Grand Nord partagent des
caractéristiques communes, comme le fait de disposer de généreuses réserves de minerais et
d'hydrocarbures encore inexploitées, et la présence restreinte mais incontournable de populations
autochtones aux modes de vie ancestraux menacés. Le tout dans un environnement polaire déjà
fragile et soumis à des contraintes croissantes.
Uniquement perçus dans certaines régions du globe comme une calamité, notamment en raison de
l'augmentation du niveau de la mer, les changements climatiques actuels, cependant, ne
constituent pas seulement des défis à relever pour le Grand Nord : ils offrent aussi de multiples
opportunités à exploiter, de possibilités à explorer. Dans ce contexte, est-il possible de concilier
développement économique et préservation des intérêts des populations locales et de leur
environnement ?
L
es changements climatiques sont au centre de toutes les interrogations concernant le Grand
Nord, car ils influencent directement l'environnement, la contrainte qui de nos jours limite le plus
le développement économique de la région. Ces changements climatiques constituent des défis, qui
sont déjà connus, et ne seront donc pas au cœur de cet essai. Il convient toutefois d'en rappeler les
implications. Tout d'abord, certains des bouleversement environnementaux à l'œuvre dans le Grand
Nord ont des impacts mondiaux. Il en est ainsi de la fonte des glaces continentales, notamment de
l'Inlandsis groenlandais, qui va participer en grande partie à la montée du niveau des océans. Pour le
Grand Nord, ce problème n'est néanmoins pas le plus préoccupant, en particulier comparé avec la
diminution de la banquise estivale. Cette dernière risque de mettre en péril la faune locale. pour
laquelle la présence continuelle de la banquise, et l'accès à la mer qu'elle favorise, est une condition
de survie (ours blancs et phoques par exemple). A cette description plutôt pessimiste s'ajoute une
dynamique de cercle vicieux dans la relation entre le climat et l'environnement. Ainsi, la diminution
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de la superficie de la banquise réduit l'effet albédo et accentue le réchauffement climatique 2. De
même, le dégel du permafrost, le sol gelé en permanence typique du Grand Nord, a non seulement
de graves conséquences sur la flore (et sur les installations humaines) en rendant le sol totalement
instable, mais contribue aussi à accroître le réchauffement climatique en relâchant d'importantes
quantités de méthane (gaz à effet de serre) dans l'atmosphère. Les défis climatiques auxquels le
Grand Nord doit faire face ont donc une portée bien plus globale.
Au-delà du challenge environnemental, et sans faire preuve de cynisme, de nombreuses possibilités
de développement économique découlent des problèmes soulevés précédemment. Mais, de par
leur nature, ces opportunités sont aussi des défis. Ainsi, la disparition de la banquise estivale facilite la
navigation dans les eaux arctiques, ouvrant notamment les mythiques passages du Nord-Ouest (le
long des côtes nord du Canada) et du Nord-Est (côtes nord de la Russie) : le passage du Nord-Ouest
a été libre de glace pour la première fois pendant l'été 2007 3. Il semblerait toutefois que les difficultés
ne soient pas négligeables, rendant le transit par ces passages peu attractif (Lasserre, 2011). Il n'en
reste pas moins que l'accessibilité aux régions arctiques va s'accroître dans les années à venir, créant
des conditions propices au développement d'activités économiques nouvelles.
Selon certaines études, le sous-sol de certaines régions du Grand Nord regorgerait de minerais et
d'hydrocarbures (US Geological Survey, 2008), difficilement exploitables aujourd'hui, en partie en
raison des difficultés d'accès. La fonte de la banquise rendrait l'exploitation de ces ressources
techniquement possible, processus encore facilité par la hausse des températures hivernales. Les
mines du Grand Nord russe ou canadien seraient accessibles par la mer une grande partie de
l'année, à un coût moindre que par terre. Autrement dit, on risque d'assister à une course à
l'exploitation des ressources de l'Arctique, qui ne se limiterait pas aux minerais, les ressources
halieutiques étant aussi concernées. Les possibilités d'enrichissement sont énormes, encore faut-il
qu'elles profitent aux populations locales et qu'elles ne se concrétisent pas à leurs dépens ou à ceux
de leur environnement (accident de L'Exxon Valdez en 1989). Il faut donc réussir à les impliquer dans
ces projets industriels de grande envergure pour qu'elles puissent en retirer des bénéfices financiers,
ce qui a rarement été fait (Nuttall, 2000). En effet, les populations du Grand Nord font face à des
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Albédo : « rapport du flux de rayonnement réfléchi par un milieu au flux de rayonnement incident (provenant
du soleil, NDLR) » (source : meteofrance.com). La mer ayant un albédo beaucoup plus faible que la banquise
qu'elle remplace, elle absorbe beaucoup plus d'énergie et contribue à réchauffer la planète.
http://www.institut-polaire.fr
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situations économiques et sociales globalement peu enviables, à de rares exceptions près (cas des
Sames de Laponie, relativement bien intégrés). Les modes de vie traditionnels, et les cultures
ancestrales qui y sont associées, sont d'ores et déjà menacés, ou ont parfois disparu, en raison
notamment des changements climatiques. Les habitants du Grand Nord ont souvent un rapport très
intime avec leur environnement, qui tient une place centrale dans leurs traditions, et qu'il convient
d'essayer de préserver au maximum. Par ailleurs, le gibier qui auparavant assurait la subsistance par
la chasse disparaît lentement, comme son habitat naturel. De l'autre côté, la modernité n'arrive que
sous une forme altérée d'occidentalisation, qui souvent ne se manifeste que par ses mauvais côtés
(alcoolisme notamment), mettant en danger le lien social traditionnel. Le défi des années à venir sera
de mettre les bénéfices du développement au service de la restauration de la fierté des populations
du Grand Nord, en leur redonnant indépendances financière et administrative, confortant ainsi leur
place dans une modernité à leur avantage. Les habitants pourront se réapproprier leur passé et leurs
racines grâce à des promesses d'avenir.
L
es possibilités et les challenges qui découlent des changements climatiques actuels dans le
Grand Nord sont tridimensionnels : la dimension environnementale suscite la pitié, la dimension
économique aiguise les ambitions, la dimension sociale étant malheureusement oubliée. Pour y faire
face au mieux, il faut dès à présent penser une démarche innovante de développement durable à
l'échelle régionale.
Bibliographie :
–
Frédéric Lasserre, « Des autoroutes maritimes polaires ? Analyse des stratégies des
transporteurs maritimes dans l’Arctique », Cybergeo : European Journal of Geography [En
ligne], Espace, Société, Territoire, document 537, mis en ligne le 31 mai 2011, consulté le 19
janvier 2012. URL : http://cybergeo.revues.org/23751 ; DOI : 10.4000/cybergeo.23751
– GIEC, 2007 : « Bilan 2007 des changements climatiques. Contribution des Groupes de travail I,
II et III au quatrième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur
l’évolution du climat » [Équipe de rédaction principale, Pachauri, R.K. et Reisinger, A. (publié
sous la direction de~)]. GIEC, Genève, Suisse, …, 103 pages.
– US Geological Survey, ”90 Billion Barrels of Oil and 1,670 Trillion Cubic Feet of Natural Gas
Assessed in the Arctic”, communiqué, 23 Juillet 2008,
http://www.usgs.gov/newsroom/article.asp?ID=1980
– Mark Nuttall, The Arctic is Changing, Stefansson Arctic Institute, 2000 (http://www.thearctic.is)
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