Les risques morpho-hydrologiques en milieu urbain tropical : cas de

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Les risques morpho-hydrologiques en milieu urbain tropical : cas de
Actes des JSIRAUF, Hanoi, 6-9 novembre 2007
Les risques morpho-hydrologiques en milieu urbain tropical :
cas de Yaoundé au Cameroun
Michel TCHOTSOUA
Département Géographie, Université de Ngaoundéré, B.P. 553 Ngaoundéré, Tel.: + (237) 986 93 86,
E-Mail : [email protected]
Abstract
Since the beginnings of sixties, the site of the city of Yaoundé is submitted to a rapid morphological
evolution characterized by the gulling, mudflows and landslides on slopes; sedimentations, floods and
burials of houses in the thalwegs. An analysis of these morpho-dynamics process reveals that this
situation is linked to physical conditions of the milieu on the one hand and to anthropiques actions on
the other hand. The rapid growth of the urban population, the ambiguity of the various and
Cameroonian land tenure system worsen morpho-dynamics risks whose ominous consequence
reduction passes by a real participation of all actors of the urban management, from the citizen to the
decision maker.
Key words. Management, Urban Erosion, Humid tropical milieu, Yaoundé.
Résumé
Depuis les débuts des années 1960, le site de la ville de Yaoundé est soumis à une évolution
morphologique rapide caractérisée par des ravinements, des coulées de boue et des
glissements de terrain, sur les versants; des sédimentations, des inondations et des
ensevelissements des habitations dans les bas fonds.
Une analyses de ces processus morpho dynamiques révèle que cette situation est liée aux
conditions physiques du milieu d’une part et aux actions anthropiques d’autre part. La
croissance rapide de la population urbaine, l’ambigüité du système foncier camerounais et
divers aménagements inconséquents aggravent les risques morpho dynamiques dont la
réduction des conséquences néfastes passe par une réelle participation de tous les acteurs de
l’aménagement et de la gestion urbaine du citadin au décideur.
Mots clés : aménagement ; environnement urbain ; érosion urbaine ; milieu tropical humide.
1. Introduction
Le risque morpho-hydrologique constitue une préoccupation majeure en milieu tropocal. Le rythme de
la croissance démographique y est souvent sans rapport avec celui de l’aménagement durable des
villes ; ce qui est à l’origine de l’évolution morphodynamique rapide de leur site. Les conséquences de
cette dynamique accélérée sont perceptibles tant sur les versants que dans les bas fonds. Nous
apprécions la situation par l’étude d’un cas : celui de Yaoundé, capitale politique du Cameroun.
Situé en zone équatoriale, entre 3°45' et 3°59' N ; 10°94' et 11°58' E (fig. 1), Yaoundé est parsemée au
nord-ouest et à l'ouest, de mornes rocheux dont les altitudes varient entre 900 et 1300 m. Celui-ci
domine à l'est, un plateau de piémont façonné en interfluves par les rivières Mfoundi et Ako'o. Le
substratum est principalement gneissique ; l'altération est, par endroits, à l’origine d'épaisses couches
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de sols ferrallitiques. L’allure convexe des versants et la vigueur des pentes, généralement fortes (> 15
%), donnent une impression d'encaissement rigoureux de vallées. C'est un site «tout en collines et en
larges vallées marécageuses» (Franqueville, 1984) et donc difficilement aménageable.
11°30
LEGENDE
700 - 740
> 1100 m
1000 - 1100
< 700 m
900 - 1000
Coursd’eau
Mfo
u
740 - 800
lo u
Limite du Département
du Mfoundi
Limite de lazone
d’étude
800 - 900
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3°55
Mefou
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3°50
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30
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I N D I EN
60
Source du fond de carte : Franqueville, 1984.
11°30
Réalisation : M. Tchotsoua, juillet 2007
Figure 1. Le site de la ville de Yaoundé au Cameroun
Le climat est de type équatorial avec 4 saisons dont 2 pluvieuses et 2 sèches. Les saisons pluvieuses,
d'inégales longueurs, sont caractérisées par de fortes pluies souvent concentrées dans le temps.
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Yaoundé, ville du centre-sud du Cameroun, capitale du pays et de la province du Centre, est
caractérisée par un essor démographique élevé en raison de l'exode rural. En 2007, elle compte
environs 2 000 000 d’habitants. Elle a connu ces dernières années une croissance démographique
particulièrement rapide. Certes, avec la crise, cette croissance s’est quelque peu ralentie, mais on peut
encore estimer le rythme de sa croissance à environ 4 % par an (Encarta, 2008). Cette croissance
accélérée est à l’origine d’un certain nombre de conséquences morpho dynamiques de cette
urbanisation accélérée dont l’étude en relation avec les établissements humains, objet du présent
article, a permis d’envisager quelques perspectives.
2. Méthodes
La démarche méthodologique est basée sur l’examen des images satellitales du site de Yaoundé
montées en base de données SIG et sur les observations directes et mesures de terrain associées aux
levés GPS des secteurs à hauts risques hydrologiques ou morphologiques que sont les versants à
pentes fortes, les anciens décharges de déchets urbains et les bas fonds marécageux. Dans chacun de
ces secteurs, une recension systématique des habitations exposées aux risques est faite avec l’aide des
habitants.
Des entretiens et discussions sont faits avec les citadins exposés au risque ou non et les autorités en
charge de la gestion urbaine suivant des guides d’entretiens spécifiques à chaque catégorie afin
d’appréhender leur perception de ces risques liés à leur présence.
3. Résultats, interprétations et discussions
3.1. Une croissance spatiale accélérée aux multiples conséquences morphodynamiques
La croissance spatiale accélérée de Yaoundé est à l’image de celle de nombreuses villes d’Afrique au
sud du Sahara. Les quartiers se construisent particulièrement sur les secteurs non aedifficandi
notamment les pentes fortes rocailleuses (Photo 1) où ils sont soumis aux risques d’éboulement de
blocs rocheux et de glissements de terrain. Les habitants sont conditionnés non seulement par le
manque de moyens financiers, mais également par la volonté de regroupement ethnique ; chacun
voulant être le plus près possible de son ethnie. Lorsque des changements de résidence s’opèrent, ils
donnent lieu à la formation d'autres quartiers spontanés qui, du fait même de leur spontanéité, ne
peuvent s’installer que dans les zones non aedificandi ; cercle vicieux durement ressenti par les
habitants.
Cette urbanisation essentiellement anarchique avec ses
problèmes environnementaux et même de santé
publique, bénéficie d’une “ bienveillance ” des
pouvoirs publics locaux qui ne disposent que de très
peu de moyens pour les interdire et pour reloger les
populations exposées dans des conditions décentes.
Les actions humaines et leurs dysfonctionnements
jouent un rôle majeur dans la naissance d’une chaîne
de phénomènes générateurs de la dégradation du cadre
de vie souvent mentionnés par la presse. Les titres des
Photo 1. L’étalement urbain sur les pentes
journaux, relevés par Tchotsoua déjà en 1994, sont à
fortes (10 à 35 %) des monts Bankolo.
ce sujet très significatifs: «Yaoundé, le centre-ville
Cliché Tchotsoua, Novembre 2005
dans l'eau: que nous réserve demain ?»; «Eboulement
du mont Mbankolo (Yaoundé) : la terre n'a pas tremblé»; «Mont Mbankolo : gare à la troisième
pierre» ; «Violence inhabituelle des pluies à Yaoundé : tristes images d'un triste événement»;
«Eboulement à Oyomabang (Yaoundé) ; bilan : 5 morts». Une exploration des secteurs à risques
morphohydrologiques de Yaoundé entre juin et juillet 2007 révèle les résultats suivants (Tabl. 1).
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Tableau 1. Habitations exposées aux risques morphohydrologiques
Type de
quartier
Spontané
Mixte
Loti
Ravinement
2000
315
15
Glissements
de terrain
17
0
2
Ecroulement
Eboulement
1700
1000
300
Coulée
boueuse
299
12
0
Inondation
6000
3300
12
Maison
affectée
329
34
21
Total
10345
4661
350
Comme le montre le tableau 1, c’est environ 11 000 habitations qui sont exposées aux évènements
catastrophiques (avec environ 380 déjà sérieusement affectées par l’un ou l’autre des processus) à
Yaoundé en juillet 2007. Ces processus susceptibles d’engendrer des catastrophes au cours de leur
fonctionnement sont de plusieurs types.
3.2. Le ravinement
De profondes échancrures, par évolution latérale, «déchaussent» les maisons. Parfois, c'est
l'obstruction d'une buse qui dévie les eaux sur la chaussée et elles y incisent leur lit. Ces ravines
s'approfondissent rapidement (plus de 2 m en 2 ans pour certaines). Au cours des orages et des
averses, les eaux de ruissellement, très actives, affouillent le soubassement des maisons et provoquent
des écoulements parfois mortels. C’est le cas dans les quartiers Carrière, briqueteries ouest, Essos et
Bankolo.
3.3. Les écroulements et les éboulements
Les écroulements sont des descentes soudaines de masses d'altérites plus ou moins importantes avec
dérangement total de la partie en mouvement sur un versant. Ils sont fréquents le long des talus de
déblaiement. Ils ont comme causes essentielles l'action anthropique, les précipitations, les
températures (fentes de dessiccation). Ce sont des parties de talus qui se détachent en emportant des
maisons ou en enterrant celles qui se trouvent en contre bas. Et plusieurs types peuvent être distingués
à Yaoundé (fig. 2) :
M. Tchotsoua, d’après les observations de terrain, juillet 2007
Figure 2. Types d’écroulement de talus dans la ville de Yaoundé
Ces accidents surviennent en toute saison en bordure des talus mal ou pas étayés et mal drainés. Il ne
s'agit pas de boue mais de masses de terre qui parcourent de petites distances. En juin 2005 au quartier
Olimbe, une famille a perdu 3 de ses membres ensevelis vivants dans une maison par l'un de ces
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écroulements. La pente du talus éboulé était de 60° en moyenne. Ce qui montre, une fois de plus, que
la stabilité d'un talus de déblaiement dépend de sa hauteur certes, mais aussi et surtout du degré de son
inclinaison ; les talus verticaux et sub-verticaux étant plus susceptibles d'écroulements que les talus
obliques. Une autre cause secondaire mais tout à fait importante de ce type de mouvement réside dans
la nature des horizons traversés par la coupe.
Certains écroulements sont, par ailleurs, liés à la rupture des murs de soutènement mal ancrés. Ce fut
le cas en septembre 2006 sur le versant nord du mont Nkolnyada (Palais des congrès) où un mur de
soutènement construit verticalement a cédé entraînant avec lui près de 200 m3 de terre sur une distance
de 40 m.
Les éboulements quant à eux sont des descentes brutales de blocs rocheux. Depuis 1986, l'attention ne
cesse d'être attirée sur les éboulements qui affectent les montagnes bordant la ville de Yaoundé à
l’ouest et au nord-ouest. En effet, des blocs de plusieurs tonnes se détachent de ces mornes, roulent sur
les versants en ravageant tout sur leur passage. Ces blocs n'ont pas encore causé de catastrophe grâce
aux gros arbres qui les ont souvent stoppés. Mais, avec le déboisement effréné que ce massif est en
train de connaître, on risque de déplorer bientôt des pertes matérielles et humaines importantes car, il
existe encore sur les versants de ces mornes 34 blocs de gneiss migmatitiques d'au moins 2,5 m de
grand axe, 1,75 m de petit axe et 1,5 m d'épaisseur qui peuvent descendre d'un moment à l'autre.
Parallèlement aux écroulements de masses de terre le long des talus des rues, aux chutes des blocs
rocheux comme à Oyomabang et à Mbankolo, les glissements de terrain deviennent très fréquents
(Tchotsoua, 1994 et 1997).
3.4. Les glissements de terrain
Les glissements de terrain sont des descentes massives et relativement rapides des matériaux le long
d'un versant (Coque, 1984). Ils impliquent des arrachements suivis des déplacements de masses de
terre sur des distances plus ou moins longues. La vitesse et le volume de la masse font souvent de
certains de ces mouvements, des phénomènes spectaculaires voire catastrophiques.
Parmi les glissements de terrain observés à Yaoundé, celui de Nkolbikok est le plus à craindre. Il a
débuté en 1983. En 1985, il a connu une évolution rapide qui s'est soldée par un décrochement de 2 m
au niveau de la couronne et par la destruction de 24 maisons (Tchotsoua, 1997). Jusqu'à présent, le
front de ce glissement ne cesse de gonfler. Ce qui présume d'une descente brutale future dès que les
forces actuelles de freinage auront cédé. L'épisode rapide de 1985 a provoqué le départ d'un bon
nombre d'habitants de ce site à haut risque. Mais, du fait de la stabilisation apparente, ils sont revenus
et ont reconstruit leurs maisons sans que les autorités de la Communauté urbaine ne réagissent. Plus de
400 personnes occupent actuellement ce site à haut risque. Les coulées de boue y sont également
présentes.
3.5. Les coulées boueuses
Les coulées boueuses sont des descentes sur les versants, des matériaux ramollis par l'augmentation de
leur teneur en eau. La vitesse d'une coulée dépend de sa densité et de sa viscosité. Quand elle est très
visqueuse, elle peut "progresser à la manière d'une coulée de laves fluides" (Tricart, 1977). Forte
densité et viscosité élevée donnent un grand pouvoir d'arrachement et de destruction aux coulées
boueuses. Elles peuvent basculer d'énormes blocs rocheux et détruire des maisons. Une coulée de boue
correspond au dépassement de la limite de liquidité dans le sol. Elle induit une loupe d'arrachement en
amont et une coulée en aval. Les coulées boueuses sont, paradoxalement, fréquentes dans la région de
Yaoundé. C’est par exemple le cas de celle d’Oyomabang (Tchotsoua, 1996).
D'après les informations recueillies auprès du propriétaire de la maison détruite, c'est vers la fin de la
pluie que certaines parties du flanc sud des altérites mêlées d'immondices ont cédée sous forme de
coulées boueuses emportant, sur leur passage, des pieds de bananiers et de marguerites.
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L'une des coulées a enseveli la maison avec 5 de ses
occupants ; l'autre a étendu ses produits jusqu'à 100 m
au-delà, dans la vallée de l'Abiergué sud. Ce qui
témoigne de la puissance de ces coulées boueuses dans
lesquelles on reconnaît des tessons de bouteilles, des
morceaux de quartz, de cuirasse, des débris de
plastiques. Ce phénomène, qui n’est pas unique dans le
secteur, semble le résultat de la combinaison de
plusieurs facteurs dont celui d’origine humaine reste le
plus dominant.
Photo 2. Inondation du Centre ville de
Yaoundé
Le tunnel du Mfoundi obstrué au niveau de
la SNI par les déchets urbains, ses eaux
débordent et des voitures se noient sur
l’Avenue Kennedy. Cliché Tchotsoua, 29 mai 2007
Au total, les accidents urbains liés aux coulées
boueuses à Yaoundé, bien que n’étant pas à l’ampleur
de celle de Quito (De Noni, 1989), ne sont qu'une suite
logique de plusieurs processus mis en place
progressivement au cours des années. Ils témoignent d’un épisode dans l'évolution morphologique
accélérée du site de la ville de Yaoundé. Ils sont la vengeance meurtrière d'un milieu surexploité sans
aménagements adéquats. Autant l'incivisme des victimes peut être mis en cause, autant la
responsabilité de la municipalité reste engagée pour n'avoir pas assumé efficacement sa tâche.
3.6. Les inondations
Au fur et à mesure que les versants sont urbanisés et pour la plupart sans aménagements adéquats, la
fréquence des inondations catastrophiques devient plus importante et n'est plus exclusivement liée aux
précipitations de fréquence rare. Au cours de nos enquêtes, les habitants des quartiers de bas-fonds
(Mokolo-Elobi, Briqueterie-Est, Melen-Parc et Nkolmessing) ont, dans l'ensemble, révélé qu'avant
1975, il y avait au maximum 3 inondations par an dans
leur quartier ; mais depuis 1982, presque chaque averse
provoque des inondations comme ce fut le cas en mai
2007 (photo 2).
Photo 3. Maisons ensevelie par les
colluvions et les alluvions au quartier
Melen-Parc.
Le propriétaire rallonge les murs pour faire
un nouveau toit. Cliché M. Tchotsoua, Juin 2007
Les alluvions déposées se joignent aux colluvions pour
ensevelir les maisons (photo 3). Le tableau d'ensemble
de ces quartiers de bas-fonds est lamentablement
pittoresque. En juin 2007, nous avons dénombré dans
la vallée de l'Abiergue nord, de Madagascar à
Briqueterie-ouest, et à Melen-Parc, respectivement 345
et 423 maisons abandonnées parce qu'elles sont à
moitié ensevelies par les alluvions et les colluvions ;
les intérieurs de certaines s'étant transformés en mares
permanentes dans lesquelles s'ébattent les canards.
Ces observations confirment que le problème des
inondations à de Yaoundé est plus une conséquence de l'urbanisation anarchique des bassins versants
et des pentes très faibles des lits des cours d'eau à l'aval que des hauteurs de précipitations.
Au total, si la morpho-dynamique accélérée apparaît comme la conséquence de nombreux paramètres
liés à la présence de l'Homme à Yaoundé, il est, néanmoins, certain que son intensité dépend
étroitement des conditions naturelles qu'elle rencontre sur place. Yaoundé est un site tout en collines et
interfluves (fig. 3) aux versants généralement convexes et donc favorables à une érosion accélérée
pour peu que les conditions du milieu soient modifiées par l’homme.
La construction des routes et des maisons nécessite l'élaboration des paliers à même les altérites ou des
remblaiements liés à la nature collinaire de la région. Les inondations sont d’origine pluvio-torrentielle
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mais accentuées par des défaillances technologiques, notamment le sous dimensionnement des
ouvrages de drainage, leur non – curage périodique, le grand nombre de coudes dans le réseau de
drainage qui obstrue les passages et diminuent la vitesse des eaux (photo 3).
Les observations de terrain et la lecture des textes relatifs à la gestion urbaine, laissent transparaître
non seulement des attributions non assumées, mais révèlent un certain nombre de chevauchements
d'attributions. Il s'agit notamment de la non surveillance des sites urbains à risques en vue d'empêcher
toute construction. A Yaoundé actuellement, les secteurs déclarés non aedificandi, notamment les bas
fonds et les versants pentus, sur les cartes sont les plus occupés. C’est le cas des pentes abruptes des
monts Mbankolo et de tous les bas fonds marécageux de Yaoundé.
M. Tchotsoua, 1994
Figure 3. Bloc diagramme du site collinaire de Yaoundé
vu du Stade Omnisport
4. Réaménager les quartiers en collaboration avec les habitants
Un dialogue entre les autorités municipales et les citadins permettrait, sinon de résoudre les problèmes,
du moins de rendre plus efficaces les quelques actions entreprises. C'est notamment le cas pour
l'aménagement et l'entretien des rigoles, la lutte contre les eaux stagnantes, gîtes à moustiques
responsables de nuisances et vecteurs de maladies.
Une action patiente d'encadrement des bonnes volontés permettrait certainement des progrès. La
question évidemment la plus délicate concerne l'application des plans d'aménagement lorsque la
décision de restructuration d'un quartier a été prise. Il est, en effet, difficile de faire admettre par un
habitant que sa maison doit être détruite sans lui proposer une solution de rechange. Or, une telle
solution passe par une refonte de la loi foncière qui doit être adaptée aux réalités locales. Il est urgent
que l'édification des quartiers spontanés, inévitable dans le contexte socio-économique actuel des pays
du Sud, soit encadrée par les pouvoirs publics.
Il est impératif de délimiter sur le terrain, les zones non constructibles, notamment les pentes fortes et
les fonds de vallées. Sur les périmètres ainsi protégés, toute violation de la loi doit être immédiatement
sanctionnée par la destruction de l'édifice; le contrevenant ne pouvant opposer à l'autorité aucune
raison autre que celle de la loi. Mais, un bornage ne suffit pas, il doit s'accompagner d'une information,
d'un dialogue et d'actions conjointes menées par les urbanistes, les techniciens auprès des populations.
Actuellement, les citadins, dans leur grande majorité, considèrent que tout est à la charge des pouvoirs
publics. Dans la plupart des réponses liées à des actions à entreprendre, le verbe devoir y occupe une
place de choix :"l'État doit" ... "la Commune doit..." Il s'agit là de la manifestation tangible d'un rejet
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de responsabilité comme si l’Etat ou la Commune étaient des êtres extra. Rares sont les propositions
commençant par "Nous devons"....
Quelques personnes, lasses d'attendre une éventuelle intervention de l'État ou de la Commune, ont
entrepris des actions qui méritent d'être encouragées. C'est, par exemple le curage hebdomadaire des
caniveaux et le nettoyage des ordures par les habitants des quartiers Melen, Mvog Ada (ONGKAMDEM)…. C'est en se fondant sur certaines actions ou avis constructifs que le dialogue doit
s'amorcer entre les acteurs et les pouvoirs publics. Quelles que soient les possibilités d'action, il est
important de placer en amont, la connaissance de la sociologie urbaine qui permettra de comprendre
les comportements des habitants de la ville vis-à-vis de l'assainissement et de la lutte contre les
processus morpho-hydrologiques.
5. Conclusion
Au total, la densification de l'habitat spontané dans des secteurs à hauts risques est, de nos jours, une
conséquence du manque de moyens financiers et de la recherche des facilités d'accès.
Bien que marqués par des caractères, des fonctions ou des besoins communs, les espaces urbains de
Yaoundé présentent des réalités géographiques et sociologiques fort différentes. On y assiste à une
urbanisation à deux vitesses où la ville de droit côtoie la ville de fait, où le normatif court loin derrière
le spontané (Dieul -1983- in Tientcheu Ndjiako, 2003), la ville où les maisons sortent des terres et la
ville où les maisons entrent sous les colluvions et les alluvions. Dans ce contexte, l'exclusion est
l'absence de droits fondamentaux compatibles avec un minimum social qui permet la pratique de la
citoyenneté. Il n'existe pas de synergie entre les populations et les autorités administratives et
municipales pour une gestion partagée de la cité.
Les conséquences morpho-hydrologiques générées par ces inégalités environnementales sont si
complexes qu’elles exigent de multiples analyses croisées, demandant les compétences les plus variées
pour les évaluer, pour réorganiser le tissu urbain et pour anticiper sur la naissance des quartiers
périphériques afin de lutter contre l’érosion des sols.
Il est nécessaire de réaliser des observatoires de l’environnement urbain et de mettre au point des
méthodes fiables pour l’étude et la prévision des risques en milieu urbain. Cette démarche doit avoir
pour objectif la sensibilisation des populations et des décideurs qu’ils soient urbanistes ou aménageurs
et la mise à leur disposition des outils d’aide à la décision efficaces en vue d’un développement urbain
mieux maîtrisé.
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