l`anthropologie

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l`anthropologie
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CRIMINELLE
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ÉVREUX I M P R I M E R I E DE CHARLES H É R I S S E Y
L´ANTHROPOLOGI
E
CRIMINELLE
ET SES UÉCÉ'NTS PROGRÈS
CESARE LOMBROSO
Professeur de Clinique psychiatrique à
l'Université de Turin
QUATRIÈME ÉDITION, REVUE ET AUGMENTEE D UNE PREFACE NOUVELLE
Avec 13 figures dans le texte
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Les Apôtres de VAnthropologie criminelle en
Europe
C. LOMBROSO
a.
PRÉFACE DE LA TROISIÈME ÉDITION
Je ne voudrais pas que l'apparition de la troisième édition de ce livre, qui a ouvert en France
les premiers feux dans le champ encore vierge
de {'Anthropologie criminelle, pût faire croire
qu'avec lui le dernier mot a été dit sur cette
science. Ce livre à présent est en retard et ne
peut plus servir que comme indicateur et historien du passé ou comme guide pour ceux qui voudraient pénétrer pour la première fois dans la
voie nouvelle.
Car pendant que nos adversaires, pareils aux
chorum des tragédies anciennes persistent à nous
combattre à coups de syllogismes ot de déclamalions, mais sans broncher d'un pas, nous avons
marché lentement, mais toujours vers le but.
C'est ainsi qu'en France Maupatié a étudié très
exactement les caractères de dégénérescence des
jeunes criminels comparés aux fous. M. Lefort a
retrouvé, par un vrai coup de génie, dans les
X
LES PROGRÈS DE L'ANTH ROPOLOGIE CRIMINELLE
traduite en français (Paris, Rousseau, 4893), en
allemand et en anglais, avait tracé les lois sociologiques de l'école nouvelle, a donné dans YOmicidio (1895) la plus grande et la plus sérieuse
application de l'anthropologie criminelle à un
crime spécial.
11 a, avec une patience de bénédictin, comparé
des milliers de soldats et de criminels, dont il a
étudié non seulement les différences somatiques
mais encore les différences psychologiques dans
une série d'interrogatoires reproduits dans son
Atlas. C'est surtout dans cet atlas qu'on peut admirer ses efforts ; on y trouve une géographie et une
statistique morale non seulement des homicides
mais de tous les crimes d'Europe.
Ce que Quetelet et surtout Guerry ont exposé
dans des travaux gigantesques, mais aussi difficiles
à saisir, il l'a réduit en planches très claires et
éloquentes, en créant la première statistique graphique populaire.
Finalement, ma conclusion la plus controversée, l'analogie allant jusqu'à l'identité du criminel-né avec l'épileptique a trouvé dans les
découvertes de Pelanda et de Krafft-Ebbing sur
les psychopathies sexuelles, de Carrara sur le pied
préhensile, sur les plis de la main, d'Ottolonghi sur
le champ visuel une nouvelle confirmation qui est
complétée maintenant par les études de mon chef
de clinique, M. Roncoroni. Ce dernier nous a
donné l'an dernier son Trattato dell' Epilessia con
spéciale riguardo aile Psicosi epilettiche où il a
démontré cliniquement l'analogie du criminel-
PRÉFACE DE LA TROISIÈME ÉDITION
XI
né et de l'épilepliqne : plus récemment encore,
après cinq années de travail, il a pu saisir l'anomalie bistologique du cerveau de l'épileptique,
complètement identique à celle du criminel-né '.
Là ne s'est pas arrêtée l'expansion des théories
de l'Anthropologie criminelle. Kurella, Mobius et
Fraenkel, en Allemagne; Havelock Ellis et Morrisson, en Angleterre, ont élargi l'horizon de ces
études par des travaux personnels et par des traductions des ouvrages italiens et français. En Italie
se publie une Bibliothèque d'Anthropologie criminelle qui contient déjà plus de 70 ouvrages ; des
collections analogues sont dirigées par Kurella en
Allemagne, par Morisson en Angleterre.
On peut donc dire sans manquer â la modestie,
que la route nouvelle a été parcourue presque
jusqu'au but et que, depuis la publication de la
première édition de ce livre, pas un jour ne s'est
passé qu'il n'ait vu porter une nouvelle pierre à
l'édifice nouveau.
G.LOMGBOSO.
1" nov. 1895.
fi) Archivit J\ Psichiatria edÂnlrop. crim., 1805, Die. XVI,
VI.
PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION
I
La marche rapide, presque précipitée, de l'An\thropologie criminelle, empoche bien des savants
d'attendre paisiblement les nouvelles publications,
toujours très documentées et très volumineuses,
qui ne peuvent paraître que lentement. D'autre
part, il n'est pas toujours facile de puiser dans
les revues spéciales (Archivio de Psichiatria,
\aiUhropofogia criminale e Scienze penali, —
[Archives d'Anthropologie criminelle, — Revue
philosophique, — Revue de Mirjewsky, de Kowa-\
\levsky) qui nous donnent le compte rendu de ces
publications, aussitôt qu'elles paraissent. C'est pour
cela que je crois utile don publier moi-mémo
aujourd'hui un résumé.
Mais il pourrait paraître inconvenant que je commence ce travail sans répondre d'abord aux nombreuses critiques qu'a soulevées l'étude de cette
nouvelle branche de la science, critiques, qui, à
elles seules, en marquent l'importance.
LOJIBI»oso — Anlhr. critn.
i
J£
LES PROGRÈS DE L'ANTIIROPOLOCIE CRIMINELLE
M. Topinard me dénie le droit d'affirmer l'existence d'un type criminel, parce que moi-môme je
conviens que ce type manque complètement dans
60 p. 100 des observations.
11 n'y a pas de doute que, si l'acceptation de
l'idée d'un type est liée à sa complète universalité,
on ne peut l'accepter. Mais j'avais déjà écrit, dans
mes premiers ouvrages, qull faut accueillir cette
idée avec la môme réserve que celle qu'on meta
apprécier les moyennes dans la statistique. Quand
on dit que la vie moyenne est de trente-deux ans,
et que le mois le plus fatal à la vie est le mois de
décembre, personne n'entend par là que tous, ou
presque tous les hommes, doivent mourir à '
trente-deux ans, ni au mois de décembre.
Et je ne suis pas le seul à faire cette restriction;
pour le démontrer je n'ai qu'à citer littéralement
les définitions qu'en donne, dans son remarquable
ouvrage (1), M. Topinard, lui-môme, lui le plus
acharné de mes adversaires.
« Le type, dit Gratiolet, est une « impression
synthétique ». Le type, dit Gœthe, est « l'image
abstraite et générale », que nous déduisons de l'observation des parties communes et des différences.
« Le type d'une espèce, ajoute Isidore-G. SaintHilaire, ne se montre jamais à nos yeux, il n'apparaît qu'à notre esprit. » « Les types humains,
écrit Broca, n'ont pas une existence réelle; ce
sont des conceptions abstraites, idéales, qui res(1) Topinard. Eléments d'anthropologie générale, p. 191 et
suiv. Paris, 1885.
PRÉFACE DE U MUIÊRK ÉDITION
t
sortent de la comparaison des variétés ethniques
et se composent de l'ensemble des caractères communs a un cet ii nombre d'entré elles. •'
« Nous acquiesçons pleinement 4 ces manières - de
voir : le type est bien on ensemble de traits, m mais
par rapport an groupe qu'il caractérise, c'est I aussi
l'ensemble de ses traits tes plus accusés et «f répétant
h plus souvent. D'où une série de conséquences que
l'anthropologiste, dans son laboratoire aussi bien
qu'au milieu des populations de l'Afrique centrale,
ne doit jamais perdre de] vue.
• Le type, dit Isidore-G. Saint-llilaire, est une
H tarte de point fixe et décentre commun autour du*
*i**l les différences présentées sont comme autant
• déviations en sens divers» et d'oscillation» prasI qi- indéfiniment variées: autour duquel la nature
semble ttJouer, connue disaient autrefois lesannloroistes, et comme on dit encore dans les langues;
germaniques. •
• lin exemple semble inutile après une peinture
81 parfaite. Prenons cependant une série de crânes,
I une centaine, dans de bonnes conditions d*bomo-I
néité U Is, par exemple, que la première série I
d'Auvergnats, étudiée par Beoca, qui provenait d'un
ancien ctmetierr de monLi. ■. dans une localité
écartée, en noua rappelant une fois pour toutes que las
crânes représentent des individus aeat cet a*.» t<e
qu'on peut les manierai volonté,
I
I
I
■ Ans remier c. • .i'eril, eequi frappe, ea sont
1 n'y es a pas deux d'absoluméat semblable*; après des efforts réitérés il faut
as résigner : par un point ou par un autre tous
diffèrent. Cependant, a quelques exceptions près
4
LES PROGRÈS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
tout à fait rebelles, ils ont un air de famillle qui
les rapproche entre eux, et d'autre part les éloigne
par exemple d'une série de cent Basques à côté,
et à plus forte raison d'une série de cent néo-Calédoniens plus loin. Cet air de famille est même
très prononcé chez certains. Si, procédant à l'analyse des caractères et les mesurant pour mieux!
s en rendre compte, on y regarde de plus près, on
remarque qu'il y en a de plus ou moins brachycéphales, de plus ou moins orthognathes, de plus
ou moins mésorrhiniens, etc. Prenant alors les
chiffres qui, dans chaque crâne, sont l'expression
numérique du degré de ces caractères et les disposant en séries, suivant une méthode que nous décrirons plus tard, on voit qu'un certain degré de
l'indice céphalique, par exemple, se répète un
plus grand nombre de fois, et que les degrés audessus et au-dessous vont en diminuant de fréquence. De même pour le prognathisme, la mésorrhinie, et ainsi de suite de vingt caractères. Le
crâne qui présenterait réunis les degrés de chaque
caractère se répétant le plus, exprimerait donc au
maximum l'ensemble des caractères communs de
la série ; il résumerait « l'air de famille » cherché
et en réaliserait le type parfait. Mais ce crâne idéal
n'existe pas, la série serait de mille, qu'il ne se
rencontrerait peut-être pas davantage.....
« Par la mensuration des caractères crâniens et
l'opération qui en donne les moyennes, Broca,
obtenait ce qu'il appelait le crâne moyen de la
série. Mais ce crâne possédant exactement toutes
les dimensions moyennes obtenues ou au moins
tous les rapports moyens, et reproduisant la forme
moyenne, sinon le volume moyen, est un artifice ;
il ne répond rigoureusement ni au crâne idéal dé-
PRÉFACE DE LA PREMIÉItE ÉDITION
5
terminé par le procédé de la sériation de tout à
l'heure, ni à un crâne réel quelconque de la série.
Un hasard seul peut donner le crâne moyen ou le
crâne typique.
« Le type d'une série de crânes ou d'individus
n'est donc pas une réalité palpable, mais le produit d'un travail, un désir, une espérance, une
image abstraite et générale, suivant l'expression
de GcBlbe. Le résultat serait le même, si, au lieu
de procéder mathématiquement, par une série de
mensurations, on eût procédé par les sens et par
une suite de tâtonnements, en conservant le souvenir de la physionomie de chaque crâne ; rejetant les traits exceptionnels, exaltant ceux qui se
répètent le plus et contrastent davantage avec
ceux des autres groupes, et créant dans son esprit
une'résultante typique, une quintessence de caractères.
« Le type d'une espèce, d'une race, d'un peuple,
d'une série de crânes, autrement dit d'un groupe
quelconque, est donc l'ensemble des caractères;
les mieux accusés, les plus constants au degré
voulu et les plus frappants par rapport à ceux
d'autres groupes.
« 11 va sans dire que ces caractères ne pèsent
pas de même dans la balance, qu'il y en aura de
légers et de décisifs et, pour me servir du véritable mot, de caractéristiques. Il va sans dire
aussi que' parfois aucun, pris isolément, n'aura
une grande signification, et que leur portée résultera do leur nombre. Il y a ainsi des types bons,
mauvais et indifférents, des types certains et des
types douteux. Une question se pose donc : à
jquel nombre minimum de caractères utiles un;
type peut-il se réduire? Elle se pose et ne se ré-
6
LES PROCHES DE L*ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
sont pas. C'est au jugement de chacun et.à la
rigueur qu'exige le cas particulier à en décider.
Dans la pratique, deux ou trois bons caractères
physiques réunis sont souvent une bonne fortune,
et Von s'en contente, lorsqu'ils sont appuyés de
considérations et surtout de caractères physiologiques, historiques, etc. »
C'est donc bien M. Topinard lui-même qui me
donne ici raison.
Mais il ne veut cependant pas entendre parler
d'atavisme chez les criminels, parce qu'il n'y a
pas, selon lui, de continuité entre les hommes
et les animaux. 11 me serait très facile, ici, de répondre en citant seulement les noms de Darwin,
de Lamarck, de Wallace et même de Buflbn, qui
nous ont démontré la continuité de l'échelle des
êtres organiques, continuité dont les découvertes
paléont ologiques les plus récentes comblent chaque
jour les lacunes; toutefois il n'en est pas besoin;
car, même si cette chaîne faisait défaut en zoologie, elle existerait dans l'embryologie humaine.
Le plus étrange c'est que bien des gens, tout en
admettant l'atavisme des criminels, trouvent que
justement pour cela, il n'est pas possible d'admettre son influence pathologique. M. Manouvrier,
au contraire, tout en acceptant l'influence pathologique (ce qui explique l'asymétrie du visage, l'enchevêtrement des dents des criminels), y puise
un prétexte pour nier l'atavisme. Mais est-ce que
ce n'est pas le cas de bien des maladies mentales (la microcéphalie, par exemple), de montrer
PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION
7
réunis, tout à fait enchevêtrés et presque fondus
ensemble, la pathologie et l'atavisme? Et comment peut-on concevoir des phénomènes alavistiques dans l'homme, sans faire intervenir la
pathologie fœtale?
I
n
I
Rappelons-nous ici que, pour toutes ces découvertes, comme du reste pour tout ce qui est
vraiment nouveau dans le champ expérimental,
rien ne fait plus de tort que la logique, que le
gros bon sens, le plus grand ennemi des grandes
vérités. C'est que dans des études initiales il faut
travailler bien plus avec le télescope qu'avec la
loupe.
Avec la loupe, avec les syllogismes etla logique,
on vous prouvera que c'est le soleil qui se meut
et que la terre est immobile. Ce sont les astronomes qui doivent se tromper!
M. Manœuvrier nous a dit en effet, avec une
logique très serrée {Actes du congrès S Anthropologie criminelle, Paris, 1890), qu'il ne fallait pas
comparer les criminels aux soldats, parce que
ceux-ci sont déjà passés par une sélection; mais
il oublie que nous avons comparé les criminels
aux étudiants et aux gens du monde, que Marro
les a comparés aux ouvriers de la ville de Turin
et que Mmo Tarnowsckyi a mis en parallèle les
femmes criminelles avec les villageoises et les
dames russes.
8
LES PROGRÉS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
Il nous a dit qu'il fallait faire notre comparaison
avec les hommes vertueux ; mais nous pourrions
répondre que la vertu, dans ce monde, est déjà
une grande anomalie. Je n'aurais qu'à citer Charcot, Le Grand du Saulle et (s'il est permis de me
joindre à eux) moi-même, dans l'Homme de
Génie (p. 480), pour prouver que la sainteté, qui
est bien la vertu la plus complète, n'est bien
souvent que de l'hystérie, et même, que de la folie
morale.
Vous voyez qu'à force de logique nous nous
trouvons comme le père, le fils et fane de la
fable, dans l'impossibilité de faire aucun choix et
d'avancer d'un seul pas.
M. Manouvrier nous accuse de n'avoir exhibé
que quelques criminels monstrueux « qui ne
prouvent pas que les criminels soient des monstres anatomiques ».
Vraiment je ne m'attendais pas à un tel reproche de la part d'un anatomiste aussi distingué
que M. Manouvrier. Comme dans le monde, il
n'y a pas d'accidents, de même il n'y a pas de
monstres dans la nature ; et tous les phénomènes
sont l'effet d'une loi, les monstres peut-être plus
que les autres, car, bien souvent ils ne sont que
l'effet de ces mêmes lois exagérées.
Mais ces reproches d'ailleurs tombent lorsqu'on
passe à la seconde critique selon laquelle « j'ai
rassemblé trop d'exemples et sans les avoir choisis ».
Dans ce reproche il y a pourtant du vrai ; il est
certain qu'en progressant, nous avons vu qu'il
PREFACE DE LA PREMIERE EDITION
0
n'y a pas un seul type de criminel, mais plusieurs
types spéciaux (de voleur, par exemple, d'escroc,
de meurtrier); et que les femmes criminelles ont
un minimum d'anomalies dégénératives presque
autant que les femmes honnêtes.
Et il est encore vrai que j'ai réuni (en étudiant
les erànes et les cerveaux) les observations de plusieurs savants qui n'étaient pas d'accord entre
elles. Mais ces différences s'expliquaient très bien
parce que chaque observateur s'arrêtait avec prédilection sur quelques anomalies, et négligeait les
autres. Et c'est seulement après que Corre a appelé l'attention sur l'asymétrie, Albrecht sur l'appendice lé mu rien de la mâchoire, et que moimême j'ai signalé la fossette occipitale moyenne,
que l'attention des anlhropologistes a été portée
sur ces anomalies et qu'on les a observées dans
les criminels. C'est toujours l'analyse qui précède
la synthèse, or on aurait bien pu m accuser de
mauvaise foi si j'avais oublié tous mes devanciers.
M. Manouvrier oublie, à son tour, que tout en
ne négligeant pas les résultats des autres observateurs, j'ai tenu compte spécialement de cent]
soixante-dix-sept crânes de criminels que j'avais
étudiés moi-même et dont je reportais tous les
détails chiffrés dans la première édition italienne
df mon Homme criminel. El c'est bien à ces
crânes (p. 108 de mon livre) que je donnais le
MM d'importance. Pour me mettre d'ailleurs à
l'abri de tous ces reproches, j'ai appliqué dans
ces dernières années le photographie gallonnienne
i.
! - -.
10
LES PROGRÈS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
à l'étude du type criminel, et le témoignage irrécusable du soleil m'a soutenu bien mieux que
celui des hommes. On reconnaît ainsi que vraiment il y a des types criminels se subdivisant en
sous-genres : escrocs, voleurs et .meurtriers. Dans
ce dernier tous les caractères s'accumulent, tandis
que dans les autres ils sont moins évidents. On y
reconnaît d'une façon certaine les caractères
anatomiques du criminel et spécialement les sinus
frontaux très apparents, zygomes et mâchoires
très volumineux, orbites très grands et très éloignés, asymétrie du visage, type ptéléiforme de
l'ouverture nasale, appendice lémurien des mâchoires.
Si vous comparez ces résultats à ceux de la
table statistique qui est l'origine de cette critique,
vous trouverez que, malgré les contradictions apparentes qui semblent y foisonner, les proportions des anomalies s'accordent tout à fait.
Ainsi ils nous donnent pour les sinus frontaux |
52 p. 100, pour l'asymétrie 13 p. 100, pour le front
fuyant 28 p. 100. Voilà pour l'examen des crânes
seulement.
Mais M. Manouvrier ignore aussi que, pour les
vivants, nos études, bien loin d'être bornées à
quelques monstres, s'appliquent déjà à 26,886 criminels comparés à 2o,447 normaux.
Et il n'est pas exact qu'on n'ait pas étudié le
type particulier de chaque espèce de criminels. Je
ne l'ai fait, il est vrai, qu'en passant; mais Ferri le
premier, puis Ottolenghi, Frigerio et surtout
Marro, et en Russie Mmo Tarnowscky, l'ont
|i4i-i
PRÉFACE DB LA PHBMIÊUE ÉDITION
11
fait avec une abondance de détails, qui est vraiment merveilleuse.
Il était naturel que, dans les premiers travaux,
on n'eût en vue que l'ensemble des lignes et
qu'après seulement on ait étudié les sous-différences de chaque espèce, lien est ainsi dans toute
création: on passe toujours du simple au composé, de l'homogène à l'hétérogène.
Ces oppositions proviennent, en grande partie,
de ce que beaucoup des opposants ne connaissent
pas les publications faites en langue étrangère. Ils
s'en tiennent par exemple à mon Homme criminel, qui n'est que la première partie d'un ouvrage déjà arriéré, tandis que beaucoup d'autres
travaux, et de bien plus savants, ont été publiés
depuis, sur le môme sujet.
III
M. le professeur Hagnan, que j'admire**comme
un de? plus grands aliénistes de l'Europe, comme
le Charcot de l'alcoolisme, combat mon opinionque,
dans l'enfance, il y ait une prédisposition naturelle au crime. Il commence pour cela par nous
donner deux ou trois pages de M. Meynert sur les
sensations de l'enfant nouveau-né. Vraiment ces
citations sont inutiles; car ce n'est pas dans les
premiers jours de la vie que j'ai étudié l'enfant,
pour montrer ses penchants criminels. Il est alors
dans un état végétatif, qu'on pourrait, au plus,
comparer à celui de zoophytes; et il va sans dire
12
LES PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
qu'alors il n'a point d'analogies avec les criminels. Après s'être appesanti sur une comparaison
qui n'a rien à faire ici, M. Magnan glisse ensuite
seulement deux mots sur l'autre période qui
seule, aurait dû l'arrêter.
« L'enfant, dit-il, de la vie végétative passe à
la vie instinctive. » Je le prierai de développer un
peu les idées qu'il résume dans ces deux lignes,
et il trouvera la clef de l'énigme; il trouvera, avec
Perez, chez l'enfant, la précocité de la colère qui
l'amène jusqu'à battre les personnes, à briser tout,
semblable au sauvage qui entre en fureur quand
il tue le bison.
Il entendra Moreau dire que bien des enfants
ne peuvent attendre un instant ce qu'ils vous ont
demandé, sans entrer dans une colère extraordinaire: il en trouvera de jaloux au point de présenter un couteau à leurs parents, pour qu'ils
tuent leurs rivaux; il trouvera les enfants menteurs sur lesquels Bourdin a écrit un ouvrage remarquable ; il trouvera, chez tous, une affection
qui dure quelques moments et s'évanouit tout de
suite; il trouvera, comme La Fontaine, que cet
âge est sans pitié; il trouvera avec Broussais
qu'ils se plaisent tous à blesser les animaux, à
tourmenter les faibles ; il trouvera chez eux, tout
comme chez les criminels, la paresse la plus complète qui n'exclut pas l'activité lorsqu'il s'agit de
leur plaisir ou de leurs jeux, et la vanité qui les
rend fiers de leurs bottines, de leurs chapeaux
neufs, de leur moindre supériorité.
C'était là qu'il fallait que M. Magnan me trouvât
PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION
13
en défaut, ou qu'il trouvât en défaut, plutôt que
moi, MM. Perez, Moreau, Dourdin, Broussais, el
Spencer et Taine, qui ont dit tout cela bien avant
moi. Et alors il n'aurait pas dit: que [impulsion
\cruelle, les sévices envers les animaux ne se rencontrent que dans les enfants complètement malades, déséquilibrés.
Naturellement, chez les enfants dégénérés, taré?
par l'hérédité, ces penchants se manifestent pendant toute la vie et ils éclatent aux premières
occasions, et bien avant la puberté; car les occasions de faire le mal ne manquent jamais, pas
môme à cet âge. Mon contradicteur conviendra
bien que dans ces cas l'éducation n'y peut rien;
l'éducation leur donnera au plus un faux vernis
(et c'est là la source de toutes nos illusions). Au
contraire, chez les jeunes gens honnêtes, elle est
très efficace, elle aide à leur métamorphose — à
leur passage à l'état physiologique, à ce qu'on
pourrait appeler leur puberté éthique — qui au
contraire ne se manifesterait pas, si une mauvaise
éducation les en empochait. C'est le cas des grenouilles et des tritons qui n'accomplissent plus
dans les milieux très froids leurs transformations
dernières, et restent des poissons.
Mais peut-ôtré M. Magnan l'admet-il lui-môme,
lorsqu'il dit qu'on ne doit pas appeler cela .unel
prédisposition naturelle aux actes délictueux, mais
bien une lare pathologique, une dégénérescence
qui porte le trouble dans les fonctions cérébrales.
Seulement, je le prie de me permettre ici un?
juste remarque.
I
14
LES PROGRÉS DE L*ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
Si c'était un juriste de la vieille école métaphysique qui parlât ainsi, je comprendrais très bien
ces distinctions subtiles, ces jeux de mots byzantins. Je ne les comprends pas chez un médecin
aussi distingué que lui.
Il ne saisit pas que c'est justement dans cette
lare qui rend durables, qui perpétue ces penchants
embryonnaires vers le crime, que réside la nature
tératologique et morbide du criminel-né, tandis
que, lorsque cette tare pathologique, héréditaire,
n'existe pas, les penchants criminels embryonnaires s'atrophient comme s'atrophient dans
un corps bien fait les organes embryonnaires, le
thymus, par exemple. M. Magnan, après avoir nié
les criminels-nés, nous en présente lui-même une
série de cas; je ne crois pas qu'il le fasse pour se
trouver lui-même en défaut ; certainement, si c'est
pour nous montrer que ce sont des héréditaires,
des fils d'alcooliques, il ne fait que répéter ce que
j'ai déjà affirmé dans mon édition italienne, et ce
qu'ont dit avant moi, et mieux que moi, Saury,
Knocht, Jacoby, Motet, et le premier de tous,
notre maître à tous, Morel.
Et comme j'ai autant d'estime pour son talent
que pour son caractère, je le prie de nous avouer
si ces dégénérés sans tare physique n'ont pas été
choisis par une vraie sélection au milieu de centaines d'autres (1) qui étaient tarés et qu'il ne nous
a pas présentés. Moi, pourtant, je n'ai point opéré
(1) A l'examen de ces dégénérés on a, d'accord avec l'illustre
clinicien de Sainte-Anne, trouvé beaucoup de ces caractères,
quoique en moins grand nombre que chez les criminels. On a
H
PRÉFACE DE LA PREMIERE ÉDITION
15
une pareille sélection, j'ai offert au public 400 criminels d'un album criminel germanique, sans
aucun choix.
Il nous affirme encore que nos caractères ne
suffisent pas pour les magistrats. Certainement,
lorsque des médecins aussi clairvoyants que lui
arrivent à nier les faits les plus évidents et a
mettre en doute ceux môme qu'ils avaient découverts, certainement on ne peut pas avoir la prétention d'entraîner la conviction de magistrats
qui auront une raison de plus pour se méfier de
nous. Mais alors la faute en est à nous seuls.
D'ailleurs, ce n'est pas pour les applications .
judiciaires que nous étudions ; les savants font de
la science pour la science, et non pour des applications qui ne pourraient faire leur chemin
tout de suite.
Car qui ne voit pas qu'une diagnose physique
aura toujours une chance plus sûre de faire son
chemin, d'être plus exacte que la psychologique,
qui peut être atteinte de tous les côtés par la simulation ?
M. Magnan est, ainsi que beaucoup de savants,
trop occupé de ses propres recherches pour admettre et connaître toutes celles des autres; sans
cela il aurait dû savoir que ce ne sont pas seulement les caractères physiognomiques (qui, bien
des fois, peuvent manquer), mais les biologiques
et les fonctionnels que nous apprécions.
trouvé l'appendice lémurien et l'asymétrie dans un voleur, les
incisives latérales hvpertrophiques et la mâchoire hypertrophiée
dans une nymphomane dans tous l'obtusité du tact, etc.
16
■
t>
LES PROGRES DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
Ces caractères-là ne font presque jamais défaut
chez le vrai criminel : par exemple, la gaucherie,
les anomalies des réflexes et de la sensibilité.
Peut-il affirmer que ces anomalies fonctionnelles manquent aussi chez les dégénérés ?
On nous reproche de ne pas nous occuper suffisamment de l'influence des milieux physiques et
moraux. Relativement aux premiers, la critique
n'est pas fondée ; peut-être même pourrait-on
nous accuser du contraire, car nous avons publié
un gros volume, Pensées et météores (1), qui ne
traite que des influences physiques. Pour ce qui
regarde les milieux moraux, j'accepte le reproche ;.
mais ma justification est facile : c'est justement
parce que nos adversaires s'occupent trop de ces
questions, et parce que les anciens écrivains leur
ont donné trop d'importance et les ont éclairées
par tous les côtés, que nous ne croyons pas devoir
nous en charger : on n'écrit pas des ouvrages pour
démontrer que la lumière nous éclaire.
MM. Tarde et Colajanni nient les rapports entre
organes et fonctions, ce qui a priori ôterait toute
importance à l'anthropologie criminelle.
« Le rapport entre l'organe et la fonction, écrit
Colajanni, est fort incertain. On ne saurait conclure
avec certitude de l'existence de l'organe à celle
de la fonction : il y a des organes sans fonctions
actuelles » (p. 160). Mais cette affirmation, lui
répond très bien Sergi (Revue internationale,
1889, p. 513) est tout simplement une énormité !
(1) Milan, 1SS8
PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION
17
Que font ces organes sans fonctions dans l'organisme humain ? Seraient-ils par hasard des organes de réserve, devant se substituer à ceux que
l'usage aurait détruits, comme les vêlements neufs
remplacent de vieilles hardes? Et si, selon lui, la
fonction engendre l'organe (p. 160), comment
naîtrait l'organe privé de fonction ?
Et s'il est bien vrai que les organes se renforcent, et s'hypertrophient en fonctionnant, il n'est
pas moins vrai (et c'est ce qu'oublient Tarde et
Colajanni) que, pour qu'ils fonctionnent, il faut
qu'ils soient prêts. Les mollets des danseuses
(nous disait très spirituellement M. Brouardel)(l)
grossissent sans doute en dansant, mais pour
cela il faut avant tout... un mollet.
Mais là où Colajanni essaie de nous accabler
sans espérance de relèvement, c'est quand il veut
prouver que nous sommes en contradiction avec
nous-même. Non seulement il est aisé de découvrir des contradictions chez le même écrivain, en
prenant deux affirmations détachées d'un de ses
livres, mais rien n'est plus facile, spécialement
dans notre cas, que de trouver en défaut différents observateurs (1). Les groupes d'individus
observés étant différents, les résultats ne peuvent
être identiques ; et cela est connu de tous ceux
qui s'occupent d'observations anthropologiques.
Si je mesure cent crânes auvergnats, par exemple,
je trouverai tel chiffre et telle quantité ; si j'en
mesure cent autres, je trouverai dans plusieurs
(1) Actes du Congrès d'anthropologie criminelle, 1890.
LES_PROGRÈS_DE L'AHTHROPOIOGIE CRIMINELLE
éléments mesurés et calculés des chiffres et des
quantités différents en grande partie du moins
Pourquoi n'en serait-il pas de même dans les observations sur la capacité du crâne, les poids du
Cerveau, le poids du corps, la stature, les signes
de dégénérescence des criminels des différents
pays, des différentes nations et aussi du même
pays? Mais l'habileté de l'observateur consiste à
trouver dans la diversité l'homogénéité, et il n'y a
que l'observateur superficiel ou l'adversaire de
bonne ou de mauvaise foi qui puisse trouver là
l'incohérence et la contradiction (1).
Féré (Dégénérescence et criminalité, 1888)afissi
nie ma conclusion « que les germes de la folie
morale et du crime se rencontrent d'une façon normale dans les premières années de l'homme,
comme dans l'embryon se rencontrent constamment certaines formes qui, dans un adulte, sont
des monstruosités ». Et cela parce que, selon lui,
l'humanité n'a pas été constituée par des individus
ayant les penchants antisociaux des enfants. Il ne
songeait pas, en écrivant ces mots, aux sauvages.
Mais peut-être qu'ici nous ne nous comprenons
pas. Lorsque Preyer démontre qu'on trouve dans
le discours des enfants la logorrée, la disphra-sie,
l'écolalie, la bradiphrasie, la paraphrasie, l'acatafasie des fous, des idiots, il ne veut pas dire que
les fous et les idiots soient des enfants, et vice
versa; mais il nous signale le point de repère
atavistique de ces anomalies ; il nous montre
(1) Sorgi. L'Anthropologie criminelle, et ses critiques. Revue
internationale, 25 novembre 1889.
PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION
10
que ces phénomènes étranges, anormaux dans les
fous, sont normaux à un certain âge de l'homme
et il explique ainsi par l'embryologie la tératologie.
Il n'est pas juste, d'autre part, d'affirmer que
la dégénérescence du criminel exclue l'existence
d'un type, car chaque dégénérescence (crétin,
scrofuleux) a son type spécial.
M.Liszt (1), tout en adoptant comme nous allons
le voir nos conclusions pratiques, écrit qu'il ne
peut pas accepter nos théories ; il dit qu'il n'y
croit pas, parce que bien des personnes les critiquent et les combattent. Mais c'est la destinée de
tous ceux qui osent tracer de nouveaux sillons
dans le monde scientifique, de choquer les sentiments du public, tandis que les éclectiques doucereux, qui, pareils aux éponges, absorbent tout
et ne renient rien ou presque rien, laissent chacun
satisfait de lui-même, ne trouvent personne qui
les combatte, quittes à en être oubliés tout de
cuite.
G. LOMBROSO.
Mars 1890.
(1) ZcUschr. f. Slrafrecht, 1889.
PRÉFACE DE LA DEUXIÈME ÉDITION
I
Je me suis souvent reproché comme une action,
abominable partout, mais surtout en France,
d'avoir profané celte belle langue, lorsque, dans
la hâte d'une première édition, je me suis dérobé
au bras secourable d'un traducteur.
Je voudrais bien, dans cette deuxième édition,
publiée avec moins de haie, réparer, suivant les
règles de mon école, les dommages causés par
mon crime ; mais, je crains que le dommage soitl
peut-être irréparable, car je suis un criminel-né
du langage.
Au moins, je signalerai ici les nouvelles découvertes d'anthropologie criminelle, dues à M010 Tarnowscky, à M. Morselli, à Letourneau, à Régis,
à Variot, à Christian, à Blomberg. Je répondrai à
trois de mes plus formidables critiques, et je montrerai, grâce aux recherches approfondies de
MM. Motet, Brouardel et Ballet, l'application immédiate qu'on peut faire de ces études dans les
LES PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGE CRIMINELLE
expertises judiciaires les plus difficiles, telles que
celles d'Eyraud et de Gabrielle Bompard. Et la
matière ne sera pas épuisée, au contraire ; car si
j'avais dû signaler tous les nouveaux progrès de
notre science et répondre à toutes les nouvelles
critiques, j'aurais dû dépasser de beaucoup les
limites de ce livre, et même un deuxième volume
n'aurait pas suffi; mais j'espère bien combler sous
peu celte lacune dans une autre publication qui
sera le complément de celle-ci (1). Nous ne
répondrons pas ici à certains critiques, qui nous
raillent parce que nous étudions trop certains
détails de la vie somatique des criminels, tels que
les sécrétions, le nez, les cheveux, etc. — Ce n'est
pas un grief qu'ils élèvent contre nous, mais peutêtre une pièce d'accusation qu'ils déposent contre
eux-mêmes. Us nous rappellent les plaisanteries
des médecins d'autrefois contre l'auscultation, la
percussion et l'étude thermométrique des malades.
S'ils ne saisissent pas l'importance de ces détails,
ce n'est pas à nous qu'en revient le tort. — De
même, lorsque M. Brunetière loue M. Tarde de ne
pas opposer des chiffres à nos statistiques, il n'est
plus de notre siècle, il n'est même pas du siècle
passé; car c'est en laissant de côté l'a peu près, en
précisant tout ce qu'on peut préciser, c'est par le
triomphe du nombre et du mètre que notre ère
scientifique a surpassé les précédentes
(1) Nouvelles études de Psychiatrie et d'Anthropologie criminelles, 1891.
'PRÉFACE DE LA DEUXIEME ÉDITION
23
II
Mais venons maintenant à nos nouveaux critiques :
M. Adolphe Guillot, dans son livre remarquable
« Les prisons de Paris et les prisonniers, » affirme qu'il ne croit pas comme moi à la fatalité
physique dominant le criminel : « Si l'on étudiait
l'homme bien avant qu'il fût devenu criminel,
dit-il, on serait frappé des changements que le
crime et ses conséquences apportent m'orne dans
sa personnalité physique. » Mais il oublie que
nous avons étudié ces anomalies dans les enfants
et que même chez ceux-ci nous en avons saisi
une quantité plus grande que chez les adultes.
M. Guillot établit, à l'aide de ses nombreuses
observations personnelles, que le criminel, neuf
fois sur dix, raisonne son crime. Je suis presque
de son opinion ; bien des fois, mais pas aussi souvent qu'il le croit, il raisonne son crime, il le
médite ; mais il ne peut pas s'empêcher de le
commettre, quoique le plus faible raisonnement
dût suffire à l'en dissuader. Or, c'est là l'anomalie, et ses méditations sont, hélas 1 bien peu
profondes. Il y a toujours une fêlure qui le fait
découvrir tôt ou tard à la justice, car les cas des
délinouanls criminels astucieux au point
24
LES PROGRÈS DE L'ANTimOPOLOGIE CRIMINELLE
d'effacer toutes les traces de leurs crimes, sont
une étrange exception.
La faute en est plutôt à la justice, si peu
armée contre le crime, justement à cause de
son manque de connaissances psychologiques et
anthropologiques. Lorsque des juges d'instruction,
aussi éclairés que M. Guillpt, croient sincèrement
aux remords de criminels tels que Abbadie, Gamahut et Marchandon, lorsqu'ils mettent sur le
compte du repentir même les nouvelles débauches
qu'ils commettent après le crime (p. 155), il
n'est pas étrange que bien souvent ils restent
impuissants à découvrir les criminels même les
plus bêtes.
jfr
Pour appuyer sa thèse, M. Guillot cite un fait,
qui serait vraiment décisif. M. Roukavitchikoff,
un des plus grands philanthropes de l'humanité,
qui a créé une ville, la ville de Roukavitchikoff,
pour les jeunes détenus, a raconté au Congrès de
Rome que, en comparant les photographies de ses
jeunes criminels à leur entrée et à leur sortie, il
notait une amélioration de la physionomie qui
correspondait à l'amélioration de la conduite :
leurs traits ont, chez la plupart, perdu ce qu'ils
avaient de menaçant, de hagard, de farouche,
pour prendre une expression qui nous paraît plus
douce. Eh bien, il se trompait; non pas qu'il
mentît, c'est un des philanthropes les plus
angéliques, les plus sincères, mais il était
suggestionné par sa grande œuvre, que pourtant je
ne crois pas inutile. 11 nous avait offert à Rome
un album photographique. J'ai fait nom-
K
PRÉFACE DE LA DEUXIÈME ÉDITION
25
mer une commission dont lui-môme faisait par-1
tie, pour étudier cet album. Du rapport de cette
commission, il résulte que sur 61 cas :
22 ont amélioré leur physionomie ; I
14 l'ont empirée;
25 sont restés à*l'état stationnaire.
Or, des 14 empires physionomiquement, 3 étaient
améliorés moralement, et des 22 améliorés, certainement 3 étaient empires moralement ; et ces
chiffres nous étaient donnés par M, Roukavitchinoff lui-même. Mais comme M. Guillot est en
contact direct avec le* faits, il est bien plus aisé
de discuter avec lui. Il suffirait de lui citer les
pages qu'il a écrites lui-même et dans lesquelles
on voit très bien dépeints les criminels-nés qui
se révèlent dès,leur première jeunesse/
« Parmi tous ces criminels, dont' le nom a
acquis une notoriété qui permet de les citer,
sans manquer aux devoirs de la discrétion professionnelle, je n'en connais guère qui, malgré leur
jeunesse, n'aient déjà été les hôtes des prisons ou
tout au moins mérité de l'être ; d'abord la faute
avait été légère et superficielle, puis elle a tait
place à des actes plus graves et plus réfléchis,
lesquels, à leur tour, ont donné naissance au
crime. A dix-sept ans, Marchandon, le domestique
assassin, débute en commettant un vol dans le
château de ses maîtres ; les preuves font défaut,
l'impunité ne fait que l'enhardir; les dix-sept
jours de prévention qu'il a subis ne l'ont pas
corrigé, et, à peine est-il sorti de prison,
LOMBROSO —
t
Anthr. crim.
S
86
LES PlWCnÈS DE L'AMIIROPOLOGIE CRIMINELLE
.qu'il vole dans une autre maison ; cette fois il est
condamné à trois mois dé prison et plus tard à
treize moi? pour un autre vol encore plus important,
c Les quatre jeunes gens, dont l'ainé avait vingt
ans, qui se présentent en plein jour chez M""
Ballericn, se précipitent sur elle au moment où elle
ouvre la porte, l'étranglent et la frappent de coups
de couteau, avaient tous été condamnés, et lé fils
de la victime, commissaire de police à Taris, leur
disait avec raison en les montrant du doigt :
« Vous êtes tons des misérables ! je lie sais pas
ce qne je ferais si le respect de la justice ne me
retenait pas, mais votre heure viendra, soyez-en
.sûrs; toi, lu es un petit gredin, je te connais bien,
je t'ai déjà envoyé au Dépôt, car tu as pris part à
une agression nocturne; loi, tu es un goua-peur du
quartier ; et toi, je t'ai vu dans quelque ■ mauvais
endroit. »
« liais à quoi bon des citations, alors qu'il s'agit
d'une loi générale dont la démonstration se
trouve dans tous les dossiers.
« 0nant-à ceux dont le casier judiciaire, jusquelà intact," semblerait contredire l'idée d'une perversité progressive, on les voit comme les autres
s'acheminant plus ou moins rapidement vers l'apogée du mal ; ils commencent par être des libertins, des paresseux, des égoïstes, des esprits forts
; ils perdent le respect de toutes choses,
s'affranchissent de toute contrainte, repoussent
toutes les croyances gênantes, et se laissent aller
au gré de leurs passions.
« Voici deux criminels d'une trentaine d'années, Blin et Beghen, dont l'abbé Moreau a beaucoup parlé dans son livre sur la Roquette, l'un
PRÉFACE DE LA DEUXIÈME ÉDITION
27
est Français et l'autre Belge; il y a quelques,
années, un dimanche,' pendant que les magasins
du Palais-Royal sont fermés, ils s'introduisent
dans la boutique d'un bijoutier, étranglent la
domestique et se sauvent, les mains pleines de|
bijoux qu'ils vont vendre à Bruxelles ; ils n'avaient
pas jusqu'alors de tare judiciaire, mais leur vie
n'avait été qu'un enchaînement de mauvaises
actions ; l'un, mis en faillite dans les conditions
les moins honorablesj avait dû fuir son pays,
s'était fait renvoyer de toutes ses places à la
suite d'actes d'indélicatesse ; l'autre était un paresseux, un menteur, un débauché, ayant trahi
tous ses devoirs, ruiné ses parents, abandonné
sa femme ; il était mûr pour toutes les besognes
mauvaises. L'exemple des deux jeunes assassins
Lebiez et Barré n'est pas moins frappant ; ils n'ont
pas d'antécédents judiciaires, mais ils mènent
une vie de désordre et ont abandonné tous les
principes qui. auraient pu les soutenir.
« C'est Barré lui-môme qui, dans l'un de ses
interrogatoires, analyse très bien l'état moral de
son complice. Il ne respectait rien, dit-il, il se
moquait de mes scrupules ; j'en avais alors ; lé,|
bien comme le mal lui étaient indifférents, il
maudissait sa famille, il parlait de sa mère dans
les termes les plus injurieux, il ne croyait ni à
Dieu, ni à rien. Lorsqu'un prêtre passait, il avait
envie de l'insulter ; il avait dit, bien avant le
crime, qu'il allait fonder un journal pour crosser
la religion ; ses principes politiques me répugnaient; le pillage, le massacre, les idées de la
Commune, voilà ce qu'il approuvait.
a Et à cette question qui lui était posée : Le
crime que vous avez commis n'a pas été un éve-
'28
LES PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
nement subit et provoqué par des circonstances
accidentelles, il a été le dénouement logique d'une
suite de mauvaises actions et de la perversion
lente de votre conscience. Il répond : C'est vrai,
j'ai été entraîné progressivement. Quant à Lebiez,
une personne, qui 1 avait beaucoup connu, le dépeignait ainsi : Il m'a paru que son éducation
morale avait été fort négligée au lycée ; dépourvu
des principes qui guident et qui soutiennent
dans les difficultés de la vie, il supportait son
dénûment avec une sorte de fatalisme et un sourire amer; il faisait sa lecture habituelle des
journaux les plus avancés, et semblait ne considérer la vie que comme un temps de jouissance
que les audacieux et les habiles, dont il se plaisait à citer l'exemple, aiment toujours à se procurer un peu plus tôt ou un peu plus tard.
« Le jour où le jeune garçon marchand de vin,
Foulloy, surprend son patron dans sa cave et
lui brise le crâne à coups de bouteille, pour le
voler, il n'a paru devant aucun tribunal ; mais
l'instruction établit qu'avant de venir à Paris, il
a commis dans les fermes où il travaillait plusieurs petits vols pour lesquels on ne l'a pas
poursuivi. Les gens de son pays qu'on entend,
disent : Il est fin, il a des vices ; il était extrêmement malin pour se défendre, il était intelligent,
il savait bien arranger son affaire ; lorsqu'il avait
fait quelque chose, il s'en tirait très adroitement.
Plusieurs fois, dit l'un d'eux, je lui ai prédit qu'il
finirait au bagne... Les jeunes gens de son âge le
fuyaient, il aimait à lire de mauvais livres ; il se
faisait envoyer de Paris les « Brigands célèbres »
et manifestait toujours le désir de posséder de
l'argent. »
PRÉFACE DE LA DEUXIÈME ÉDITION
29
« Citerai-je maintenant un homme de cinquante
ans, père ae dix-sept enfants, séducteur de sa
propre fille et que la cour d'assises condamna, il
y a quelques années, pour infanticide et avortei ncnt; aucune condamnation ne figurait à son
casier judiciaire ; mais sa vie n'avait été qu'une
longue suite de mauvaises actions ; il avait commencé par être un joueur, un homme de plaisir ;
puis ses affaires ayant nécessairement mal tourné, il avait cherché des distractions dans les vices
les plus honteux. C'était un homme d'une remarquable intelligence et d'une indomptable énergie ;
la débauche l'avait perdu et en avait fait un farouche sectaire. A des témoins qui lui rappelaient que pendant la Commune il se faisait remarquer par sa violence, voulant faire sauter
Paris, criant dans les rues : « Tant qu'on aura
des curés, on sera toujours perdu, »- il répondait
en relevant la tète : « J'ai été le premier à ouvrir
le feu, et je me suis battu le dernier. »
III
M. Proal tombe dans les mêmes erreurs lorsqu'il soutient que les criminels ne sont jamais des
faibles d'esprit, des dégénérés, parce que dans
un recueil de causes célèbres, « à côté de paysans
et d'ouvriers, on voit figurer des hommes exerçant des fonctions libérales avec talent, occupant
les situations les plus élevées, des ministres (Teste,
Despan-Cubière, Clément Duvernois, etc.), des
députés, des sénateurs, des pairs de France ; sur
0
30
LES PROGRÉS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
cette liste de criminels, on voit même des médecins et des magistrats. Les débats et l'instruction
n'ont révélé aucun signe de dégénérescence physique et de faiblesse d'esprit chez les docteurs
Palmer et Lapommeraic, non plus que sur les
docteurs C. et X..., qui ont été dernièrement condamnés par les cours d'assises de Seine-et-Oise et
de Vaucluse, l'un pour avoir, par une substitution
de cadavre, aidé un escroc à s'enrichir aux détriments d'une compagnie d'assurances, l'autre pour
avoir, par rivalité professionnelle, tenté d'empoisonner son confrère. Le présidenfd'Entrecastraux,
qui coupa le cou à sa femme pour épouser sa
maltresse, le duc de Choiseul-Praslifl,quicommit
un crime analogue, etc., n'ont jamais été signalés
comme des dégénérés. J'ai fait partie, dit encore
M. Proal, il y a quelques années, d'une chambre
correctionnelle quia condamné à plusieurs années
nées d'emprisonnement un ancien sous-secrétaire
d'État au ministère de la justice et un avocat fort
distingué d'une grande ville, qui ont été entraînés
à des actes criminels par l'inconduile, l'amour du
luxe, des plaisirs. »
« Vice versa, ajoute-t-il, le niais est préservé du
vice par son esprit borné. » (Nouvelle Revue, 1890.)
11 oublie que la dégénérescence n'exclut point
le talent ni môme le génie, bien au contraire (1).
Il oublie que nous-môme nous admettons à côté
des criminels-nés les criminels d'occasion et de
passion qui ne sont point des dégénérés.
Il) Lombroso. L'Homme de Génie, p. 91,305 et -50i.
PRÉFACE DE LA DEUXIEME ÉDITION
31
Et si M. Proal avait eu connaissance de notre criminel passionnel, il se serait mieux rendu compte
de ces cas très rares, tels que celui de M. d'Entrecastraux qui, après avoir tué sa femme pour] en
épouser une autre, non seulement se dénonça, mais
réclama lui-même sa condamnation, quoiqu'il pût
jouir du droit d'asile, tant était puissant en lui le
remords. C'est le contraire que font les vrais
criminels qui ne demandent qu'à se soustraire à la
peine. Ef ce n'est pas un ancien magistrat qui devrait
croire aux propos et aux déclarations contraires des
criminels déjà en prison, lesquels font les
repentants, pour se jouer des honnêtes gens, et
obtenir leur grâce. Souvenons-nous de Lacenaire
qu>, au dernier jour de sa vie, écrivait en vrai
Socrate :
Buvons à la sagesse,
A la vertu qui soutient.
F
Tu peux sans craintes d'ivresse
Voir tous les gens de bien.
Joly et Proal critiquent la théorie de l'hérédité du
crime, parce que très fréquemment les accusés ont
des parents honnêtes. Même chez de grands criminels, ils ont fait cette constatation. « Ainsi (écrit
Proal) le père et la mère de Roure, condamné pour
assassinat aux travaux forcés à perpétuité, étaient
très honnêtes. Baud, qui a été condamné à mort,
appartenait à une famille très honorable. Constantin, qui, avec un complice, avait assassiné à Marseille un garçon de recettes du Crédit Foncier, avait
des parents très estimés, etc., etc. Dans
32
LES PROCHES DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
l'histoire, on voit aussi de nombreux exemples de
fils criminels issus de parents très vertueux, Commode n'était-il pas le fils de Marc-Aurèle? Par
contre, ne voit-on pas sortir de parents coupables
des enfants honnêtes? Plutarque en avait déjà fait
la remarque :
« Périclès était né d'une famille sacrilège et
maudite. Le grand Pompée eut pour père ce Strabon qui fut si odieux au peuple romain qu'on
arracha son corps de dessus le brancard des funérailles et qu'on le foula aux pieds. Les descendants d'un Sisyphe, d'un Autolycus, d'un Plégyas
se distinguèrent entre les plus grands rois par
leurs vertus et par leur gloire. »
Tout cela est vrai; mais il est vrai aussi que le
plus grand nombre des criminels est issu de
criminels ou d'alcooliques ou de phtisiques, etc.,
ce qui revient toujours à la dégénérescence sous
un autre nom. C'est toujours l'exception que M.
Proal prend pour la règle : on connaît les tribus
des Lemaire, des Tanre, des Chrétien, des Jucke,
des Motgare, et si le nombre en est si petit, c'est
que le bourreau, quelquefois, et l'excès de la
dégénération souvent, se chargent de provoquer
leur stérilité.
Toujours M. Proal, tout en admettant la profonde
immoralité des anciens y cherche, et y trouve des
circonstances atténuantes ; il ne serait pas bon
avocat s'il n'y réussissait pas. Ainsi, il admet avec
moi « le culte de Mylittha chez les Babyloniens, de
l'inceste chez les Égyptiens, la communauté des
femmes chez les Lacédémoniens, les
PRÉFACE DE LA DEUXIÈME ÉDITION
33
cérémonies nuptiales rappelant le rapt des femmes
chez un grand nombre d'anciens peuples. Mais il
fait observer : 1° que ces coutumes immorales sont
souvent accompagnées d'autres coutumes sages et
morales, par suite de ce mélange de bien et de
mal qui se rencontre chez les peuples anciens
comme chez les sauvages ; 2° que les coutumes
immorales n'existaient pas le plus sauvent à
l'origine, mais ont été introduites par des prêtres
ou des rois débauchés, dans leur intérêt personnel; 3° qu'elles ont été souvent inspirées par des
motifs politiques; 4° que souvent aussi elles ne
sont immorales qu'en apparence.
« Ainsi, chez les Babyloniens, la femme était
obligée, une fois en sa vie, de se rendre au temple
de Vénus pour se livrer à un étranger. Mais quand
elle s'était acquittée de ce qu'elle devait à la
déesse, il n'était plus possible de la séduire, quelque somme qu'on lui offrit (Hérodote, 1. Ior, § 499).
« Cette coutume immorale des femmes deBabylone avait été introduite par les prêtres qui
avaient tous les vices. L'Ecriture sainte nous
apprend qu'ils dépouillaient leurs idoles des vêtements qui étaient donnés, pour en habiller leurs
femmes et leurs enfants, qu'eux et leurs femmes
vendaient les victimes offertes en sacrifice, sans
en rien donner aux pauvres et aux mendiants
\(Baruch, vi). Jusqu'à Cambyse, le mariage entre
frère et sœur avail été interdit chez les anciens
Perses. Mais Cambyse, ayant conçu une passion
criminelle pour sa sœur, demanda aux juges s'il
pouvait l'épouser. Ceux-ci répondirent qu'ils ne
3i
LES PROGRÉS DE L*ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
trouvaient pas de loi qui autorisât un frère à épouser sa sœur, mais qu'il y en avait une qui permettait au roi des Perses de faire tout ce qu'il
voulait. (Hérodote, III, § 31.) Si l'inceste a été
pratiqué aussi chez les Assyriens, c'est parce que
Sémiramis, qui s'en était rendue coupable, l'avait
autorisé pour voiler sa honte sous une coutume
générale.
« En Egypte, l'inceste avait été autorisé dans
un intérêt politique; on avait permis au frère
d'épouser sa sœur pour éviter les divisions dans
la famille royale. Quelquefois aussi les anciens
législateurs voulant imposer aux citoyens un idéal
chimérique ou les façonner uniquement pour la
guerre, ont édicté des lois immorales, dans un
intérêt social mal entendu. C'est ainsi que chez
les Agathyrses, les femmes étaient communes, «
afin qu'étant tous unis par les liens du sang, et
que ne faisant tous, pour ainsi dire, qu'une seule
et même famille, ils ne soient sujets ni à la haine
ni la jalousie ». (Hérodote, 1. IV, § 104.)
« C'était aussi dans le but de supprimer
l'égoïsme et les jalousies que Platon, qui n'était
guère divin ce jour-là, proposait la communauté
des femmes. Si à Sparte l'homme ayant de l'éloignement pour le mariage pouvait emprunter à un
mari sa femme bien portante pour avoir de robustes enfants, c'est parce que, d'après Lycurguc,
« le plus bel emploi des femmes libres est de
donner des enfants à l'Etat » (1). On sait aussi
(l)Xénoplion. République de Sparle, c\i. i.
PRÉFACE DE LA DEUXIÈME ÉDITION
35
qu'à Sparte les jeunes filles couraient, luttaient
toutes nues. Cet usage n'avait pour but que d<; les
fortifier et de rendre robustes les enfants qui
naîtraient d'elles; les hommes non mariés étaient
exclus des lieux où les jeunes filles s'exerçaient.
M. Proal ne comprend pas qu'à tous les vices on
puisse ainsi trouver une excuse ! la prodigalité est
de la générosité, l'avarice de l'économie, la lascivité
de l'amour. Mais si ces coutumes eussent répugné
aux peuples, dans ces temps, il n'y aurait pas eu
d'autorité de prêtre ni de roi suffisante pour les
maintenir ou les imposer !
Mais à ce propos, M. Proal dans la Nouvelle
Revue et M. Joly dans son Crime, oubliant leurs
premières réserves, se laissent aller à démontrer
que chez les peuples anciens, la moralité était aussi
grande qu'à présent, ce qui détruirait la théorie de
l'atavisme du crime.
« Où sont, dit-il, les sociétés dont parle aussi M.
le docteur Daily, qui ont vécu pendant des siècles
fondées sur ce que nous réprouvons, le vol,
l'inceste, l'adultère, et méprisant ce que nous
louons, la chasteté, la propriété, la famille, la charité (1)? » Partout l'adultère a été puni; le vol a été
un crime, frappé de peines sévères môme chez les
anciens Aryas (Piclet, les Origines indo-européennes, t. III, p. 152), chez les anciens Hindous
(Manou, vin, 302), chez les Hébreux (Exode, XII,
2), chez les anciens Chinois (Chou-Kinh, partie III,
ch. vu, section 2, § 15), chez les Perses (id.,
{i) Annales médico-psychologiques, 1880, p. 101.
36
LES PROGRÉS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
Lajard, 485), chez les Grecs, les Romains et les
Barbares. Quelques crimes, le parricide notamment, paraissent même ayoir été moins fréquemment commis que de nos jours. « Les Perses, dit
Hérodote, assurent que jamais personne n'a tué ni
son père ni sa mère, » (L. I, § 137.) Romulus
n'établit aucune peine contre le parricide, parce
que ce crime lui paraît impossible, Plutarque dit
que pendant six cents ans aucunpaDricide n'a été
commis à Rome (Vie de Bomuhi^.
« Assurément, à côté de lois très sages, on
trouve chez les anciens peuples des lois, iniques ;
à côté de maximes morales très pures, des mœurs
très immorales. Mais la violation de la loi morale
ne suppose pas l'absence du sens moral. En
outre, les coutumes les plus extravagantes, surtout en matière religieuse, n'excluent pas le sentiment de la justice. »
M. Proal ne comprend pas qu'il prend ici l'ex
ception
pour
la
règle.
J
Et les exceptions, il doit les chercher dans des
âges relativement modernes; car le parricide ou au
moins le meurtre des vieux était un vrai rit religieux chez les anciens, et même le grand-père du
Pape, le saint pontife de Rome, en était l'exécuteur.
Et puis il-faudrait démontrer la moralité dans les
peuples primitifs, car l'ancienneté de 4 à 5,000
ans ne correspond pas à l'homme primitif qui
date de 100,000 ans.
Tels sont les Dahoméens, les Hottentots, les
Australiens d'aujourd'hui.
Mais est-il bien sûr « que les types les plus
PRÉFACE DE LA DEUXIEME ÉDITION
37
dégradés de l'humanité actuelle nous offrent l'image
fidèle de- l'homme primitif? Les sauvages
modernes S*peuvent-ils pas être les descendants'
d'hommes civilisés, retombés dans la barbarie? »
Vraiment il n'y a pas de réponse à faire à pareille
boutade I
Enfin M. Proal croit que-nous avons invoqué
[contre le libre arbitre les résultats des statistiques
criminelles, en prétendant que le nombre des
meurtres, des assassinats, des incendies, des empoisonnements, des vols, etc., est le même chaque
année. Il nous prouve, justement, que ce n'est pas
vrai.
Mais nous n'avons jamais prétendu cela. —Nous
croyons que le nombre quoté des crimes est'toujours le même lorsque les circonstances externes
sont identiques, qu'il change lorsque changent les
circonstances ; les vols croissent dans Içs temps de
disette, les viols, dans les bonnes années. — Mais
qu'est-ce que cela prouve en faveur du libre arbitre?
Si la volonté humaine varie selon les occasions, n'en
est-elle pas évidemment l'esclave (1)?
C. Lo.Mnrioso.
Juin 1891.
(1) Le nombre, écrit-il, des accusés d'infanlicide a doublé de
1830 à 1860. De 1826 à 1830 il était de 113 ; pendant trente ans,
il s'est élevé ; de 1856 a 1840 on le trouve à 252. Puis il redescend de 1876 à 1880 à 219, et en 1887 à 176. .
Le nombre des accusés d'avortement, qui n'était que de 12
de 1826 a 1830, s'est élevé rapidement à 48 de 1846 à 1850. H
s'est encore accru du double pendant les cinq .innées suivantes;
il est alors de 88. A partir de 1861 il se produit la même diminution que j'ai déjà signalée. En 1885, le nombre de ces accusés n'est plus que de 47 ; il remonte à 63 en 1886 et redescend à 54 en 1887.
LOHBROSO — Anthr. crim.
3
L.ttLl^âtii r"'*a
[38 LES PIlOfiRÊS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
Les variations sont surtout très considérables dans le nombre des viols et attentats a la pudeur commis sur des enfants.
De 1826 A 1830, ou comptait 130 accusés. Ce nombre, augmentant sensiblement presque chaque année, a été de 809 do
1876 à 1880. Depuis quelques années unu notable diminution s'est produite. En effet, alors que le nombre de ces accusés était de 800 de 1876 à 1880, il n'est plus quo de 732 on
1884, de 628 en 1885; il remonte un peu en 1886 à 645, et dans
la dernière statistique, celle de 1887, il redescend d'une manière
très sensible à 604.
Le nombre des prévenus d'adultère est devenu 20 (ois plus
grand depuis 1830. A cette époque, il était de 02 ; il s'est élevé
a 824 de 1876 a 1880. La loi sur le divorce en a doublé le nombre.
En effet, il a été de 1274 en 1884, de 1601 en 1885. de 1687 en 1886
et de 172 en 1887.
Il ressort aussi des statistiques que depuis cinquante ans le
nombre des crimes inspirés par la cupidité a beaucoup augmenté. Il était de 87 en 1838 sur 100,000 habitants; il a lié du
149 en 1887. Chose digne de remarque, c'est de 1838 à 1818 qu'il
y a eu le moins de crimes ayant pour mobile la cupidité. Que n'at-on pas écrjt cependant sur l'esprit do cupidité de la génération
de 1830 4 18481 La statistique criminelle vient sur ce point
rectifier }a légende.
'L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
ET SES PROGRES RÉCENTS
C H A P I T R E PREMIER
ANOMALIES MORPHOLOGIQUES (1)
S'il est vrai qu'une grande fécondité est la
preuve d'une bonne santé, je crois que l'école
d'anthropologie criminelle n'a besoin d'aucun autre
témoignage pour démontrer qu'elle est bien
vivante et qu'elle se porte très bien ; quoique quel- J
que* gens prétendent qu'elle soit mort-née ; et
quoique, en mauvais chrétiens, ils n'aient garde j
de lui refuser mémo le baptême qu'on donne pourtant toujours aux pauvres innocents mort-nés. —
C/w mai mon fur vivi (Doute).
11 y a quatre ani seulement qu'au milieu de I
l'étonneiuent des ennemis du progrès moderne,.]
on «t vu se rassembler à Rome 128 savants (2) qui
étaient venus de tous les côtés de l'Europe, nous
apportant les dernières découvertes de cette
(t) H
>n lue au 2* Congrus d'anthropologie criminelle, (8
Àttm 4» premitr tmgfée tmmrwopohgu criminelle, 1887,
40
LES PROGRÉS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
science nouvelle et déjà mûre, découvertes qu'une
merveilleuse exposition confirmait expérimentalement. — Mais depuis ce moment, le mouvement
(ce n'est pas une exagération de l'affirmer) a redoublé de vitesse et d'intensité.
Les nouvelles observations foisonnent de tous*
côtés.
I
CERVEAU. — Nous citerons seulement les anomalies des circonvolutions cérébrales qui, pour bien
des raisons, paraissaient se soustraire aux recherches scientifiques, parce qu'on n'avait pas encore pu saisir complètement leur type normal.
Lemoine nous a* signalé chez un cleptomane, exmembre de la Commune une anomalie unique
jusqu'ici dans la science, la fusion congénitale des
deux lobes frontaux {Archives d'anthropologie
criminelle, 1886). Hotzen (Befunde am Gehim
einer Muttermorderin, 1886) décrit chez Marie
Kauster qui, à quinze ans, avait tué sa mère pour
en hériter, et qui n'avait pourtant montré aucune
anomalie psychologique, une pachiméningite hémorrhagique, une atrophie de circonvolutions frontales et du lobe occipital qui ne couvrait pas le
cervelet, et un grand nombre de segmentations
atypiques dans les circonvolutions, surtout de
l'hémisphère gauche.
Lamfol ( Westphal. Archiv fur Psychiatrie, 1889)
a trouvé une complète parencéphalie avec destruc-
ANOMALIES MORPHOLOGIQUES
41
tion des racines de la circonvolution frontale
ascendante chez un jeune escroc.
Richter a présenté à la Société de psychologie
de Berlin, un cerveau de criminel, avec bifurcation de la scissure de Rolande (Archives de Neurologie, 1885.) Fallût (Bulletin de la Sociétéd'Anthropologie, 1889), Benedikt, Brown, Tenchini,
Willigk etMingazzini ont observé 55 fois sur 112 criminels, un vrai opercule occipital, c'est-à-dire
une plus grande profondeur du deuxième pli de
passage, ce qui est très rare dans les cerveaux
normaux, très fréquent dans les microcéphales
(4 sur 12). La séparation de la scissure calearienne
de l'occipitale a été observée par eux sept fois
sur 112 criminels; sur 100hommes honnêtes une
fois, et sur 12 nègres, une fois.
Un autre fait qui est maintenant bien assuré,
c'est le plus grand développement du cervelet qui
contraste avec le volume du cerveau ; même les
femmes criminelles qui ont toujours le minimum
des anomalies étaient en cela très voisines des
mâles. Le poids du cervelet et de ses annexes
était de 153 grammes, tandis que chez les femmes
honnêtes il est de 147 (Archivio Psichialria, IX,
612), chez les mâles il va jusqu'à 169.
Tous les observateurs confirment la fréquence
des communications anormales des circonvolutions et cela dans des cerveaux bien souvent plus
volumineux que chez les autres; ces anomalies
confirment la prophétie de Brocaqui fut le père de
l'anthropologie, et, par là, l'ancêtre de l'anthropologie criminelle.
42
LES PROGRÉS DE t ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
« Une ou plusieurs de ces communications,
écrivait-il, n'empêchent pas un cerveau d'être ù la
fois très intelligent et très bien équilibré; mais
lorsqu'elles sont nombreuses, lorsqu'elles
affectent des parties importantes, elles sont l'indice
d'un développement défectueux. C'est ce qu'on
voit souvent sur les cerveaux peu volumineux des
pauvres d'esprit ou des imbéciles, et c'est ce qu'on
voit aussi très fréquemment sur les cerveaux des
assassins, avec celte différence que, dans le premier cas, le moindre, développement des plis de
passage ou d'anastomoses est en rapport avec le
développement des circonvolutions en général et
avec la petitesse cérébrale; tandis que, dans le second cas, il coïncide, au contraire, avec l'ampleur
de la plupart des circonvolutions et témoigne de
l'irrégularité du développement du cerveau. »
II
CRANES. — Il est naturel que ce soit sur le
crâne dont le type normal est bien connu, que les
anomalies aient été reconnues en plus grand
nombre, non seulement dans ces dernières années,
mais même depuis plusieurs siècles.
Commençons par l'anomalie qui est peut-être
la plus caractéristique et certainement la plus
atavistique chez les criminels, par la fossette
occipitale moyenne. Sa fréquence a été confirmée
par tous les observateurs, Tenchini, Benedikt,
Mingazzini, excepté par M. Féré, qui, nous le
ANOMALIES MORPHOLOGIQUES
43
croyons, n'a pas très approfondi cette étude. Il est
curieux de noter, par exemple, que M. Marimo qui
avait entrepris ses recherches pour combattre
l'importance de cette anomalie et sa signification
atavislique, a dû la confirmer atii contraire, l'ayant
trouvée dans la proportion (1) :
H De
«
«
|
«
«
«
4,19 chez les Européens normaux (1320).
16 chez les Européens criminels (130J.
30 chez les Zclandais (22).
22 chez les Australiens (222),
26 chez les Américains (46).
19 chez les Egyptiens et les Etrusques (126).
Morselli (Archives de Psichiatria, 1890) vient de
trouver celte fossette chez 14 p. 100 de 200 fous.
Etudiant 70 crânes d'anthropomorphes, il l'a trouvée constante chez les semnopithèques, et chez les
cinomorphes ; avec quelque absence chez les
ilobates ;— elle manquait, presque toujours, chez
les anthropomorphes supérieurs : — chimpanzé,
0 fois sur 3 ; gorille, 1 fois sur 3 ; orang-outang,
1 fois sur 30, ce qui confirme l'importance atavistique de cette fossette.
La fréquence de la synostose précoce a été
également confirmée par les recherches de MM.
Mingazzini et Romiti; et celle de la crête frontale
hyperlrophiquc (étudié par M. Tenchini pendant
les séances du premier congrès) a été confirmée par
MM. Mingazzini, Yaraglia, Marimo, qui l'ont
trouvée dans 47 p. 100 des criminels, et
(I) Archivio di Psichiatria, 1889.
IL~-i
44
LES PROGRÉS DE LANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
dans 14 p. 400 des honnêtes. (Archivio di Psichiatria, vol. VIII, p. 68.)
M. Marimo a trouvé les wormiens du ptérion
dans la proportion de 23 p. 100 de ses criminels
(Arch. d'Anthrop., 1889) ; j'avais trouvé cette
môme proportion (Homme criminel, p. 171). Chez
les Papous il les a trouvées dans la proportion de
36 p. 100. chez les Australiens 28 p. 100; dans
l'Italie du Midi 16 p. 100, du Nord 85 p. 100.
M. Penta, à son tour, a observé un phénomène
atavistique des plus singuliers : la présence de
deux os anormaux aux côtés de l'occipital qui vont
rejoindre le ptérion, comme dans les poissons
pleuronecliles. (Rivista di discipline carcerarie,
1889, p. 23.)
Blomberg ( Uber 400 Kephalogramme, Weimar ;
1890) étudia par les méthodes craniométriques de
Rieger, 40 criminels, 20 femmes criminelles, 12
fous, 8 folles, et 21 soldats.
Il trouva :
La pliigiocéphalie chez
La mâchoire vol. —
Le front fuyant
—
L'asymétrie faciale —
Le nez tordu
Les oreilles anorni. —
Le lobule sexile
—
Crim nels Criminelles Foui
Folles
80 f .10 89 p. 100
0
15
— 10 —
7
— 5 —
47
~ 43 —
14 — 0 —
20
— 0 —
12 — 30 —
50 p. 100
0 —
10 —
15 0 —
0 —
25 —
80 p. 100
0 —
0 —
80 —
12 12 —
85 —
Soldats
85 p. 100
0 —
9 —
33 —
4 —
4 —
0 —
Il résulterait de ces chiffres que chez les criminels le nez tordu, les anomalies de l'oreille, du
lobule surtout et de la mâchoire sont plus fréquentes que chez les soldats.
Cependant les anomalies du crâne en général
45
ANOMALIES MORPHOLOGIQUES
étaient presque plus nombreuses que les crânes
normaux mêmes : on en a trouvé contre 100 crânes
normaux, 115 chez les criminels mâles, 120 chez
les criminelles femmes, 75 chez les folles, 83 chez
les fous.
11 a trouvé l'hérédité morbide chez 85 p. 100
des criminels, chez 90 p. 100 des criminelles,
chez 84 p. 100 des fous, et chez 57 p. 100 des
hommes normaux.
Chez les héréditaires, l'anomalie la plus fréquente était l'aplatissement unilatéral du front ou
de l'occiput, la soudure précoce des sutures.
M. Mingazzini, en étudiant 30 crânes criminels,
y trouve, dans 16 p. 100, le métopisme, dans G
p. 100 la fusion des os du nez, une fois l'os
basiotique, dans 33 p. 100 la proéminence des
arcades sourcilières, dans 10 p. 100 la submicrocéphalie, dans 20 p. 100 la tératologie complète
du crâne, c'est-à-dire asymétrie, sténocrotaphie,
mâchoire énorme, énorme index perplatyrhinique et brachistaphylique dans le môme crâne.
(Archivio di Psichiatria, IX, p. 612.)— M. Severi
nous a montré, ainsi que Varaglia l'avait entrevu,
une plus grande capacité des fosses crâniennes
occipitales, ce qui confirme et explique le volume
plus grand qu'on avait reconnu dans le cervelet
des criminels.
Appliquant la photographie composite (galtonienne) à l'étude du type criminel, j'ai trouvé
dans six crânes d'assassins et dans six de voleurs
de grands chemins, deux types qui se ressemblent
merveilleusej»Gst et qui présentent, avec une
3.
*6
Ï.ES PROGRÈS DE LAÎUUROPOLOCIE CRIMINELLE
exagération évidente, les caractères du criminelné et même, on pourrait bien le dire, de l'homme
sauvage : sinus frontaux très apparenls, zygomes
et mâchoires très volumineux, orbites très grands
et très éloignés, asymétrie du visage, type ptéléiforme de l'ouverture nasale, appendice lëmuricn
des mâchoires (ûg. d). Six aulr^s^râmîs^oVeSj:
Fig. 1. — Photographie composite de crânes de criminels.
crocs et de voleurs m'ont donné un type moins
précis, mais l'asymétrie, la largeur des orbites,
la saillancc des zygomes y sont toutefois très
nettes quoique moins marquées. Ces anomalies
sont moins évidentes dans une photographie
obtenue avec ces dix-huit crânes.
Celle observation me semble avoir une importance tout aussi grande, dans un ordre d'idées
bien plus général, car elle vient étayer puissamment la signification et l'importance des statistiques moyennes, lorsqu'elles semblaient devoir
ANOMALIES MORPHOLOGIQUES
47
s'écrouler sous les derniers coups qu'on leur a
portés. Nous avons aujourd'hui des indications très
nettes à l'appui de nos théories, en ne travaillant
que sur des groupes véritablement homogènes.
III
SQUELETTE. — M. Tenchini étudiant 63 squelettes de criminels, y a trouvé, dans 6 p. 100 des»
cas, la perforation de l'olécrâne qu'on ohserve dans
36 p. 100 des Européens et dans 34 p. 100 des
Polynésiens; il vient d'observer, de même, chez
eux, 10 fois sur 100, des côtes et des vertèbres en
plus, et 10 fois sur 100 en moins ; ce qui rappelle la
grande variabilité de ces os dans les vertébrés
inférieurs.
Dans ces derniers temps, il a même trouvé, chez
un criminel, quatre vertèbres sacrales de moins,
remplacées par quatre vertèbres.cervicales|
supplémentaires.
IV
ANOMALIES DANS LES VIVANTS. — Marro (Caratteri
dei delinquenti 1889), 'qu'on peut bien appeler le
Jussieu de l'anthropologie criminelle, a étudié
toutes les sous-espèces de Y Homo criminalis, et il
a trouvé que les anomalies qu'il appelle atypiques
(comme nez tordu, goitre, etc.) sont, chez les
auteurs de blessures, moins nombreuses
LES PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
que chez les normaux, pendant qu'on vérifie le
contraire sur les voleurs et les filous. Seuls les
escrocs s'approchent de la moyenne physiologique,
tout en restant au-dessous.
Les anomalies pathologiques (parésies, etc.), qui
dépendent presque toujours des habitudes alcooliques ou de la vie de prison, se remarquent avec
une grande fréquence chez les meurtriers, tandis
qu'elles présentent quelque diminution chez les
auteurs de blessures.
Il trouva une plus grande capacité et une plus
grande circonférence de la tête chez les filous, et
chez les simples voleurs, chez lesquels il observaencore que la courbe transversale de la tête est '
plus grande, — il observa le plus petit diamètre
vertical du crâne (dans la proportion de 4,3) chez
les homicides récidivistes, tandis qu'il était de 1,6
chez les homicides non récidivistes. Ferr avait
trouvé la longueur du visage plus grande dans les
homicides que dans les auteurs de blessures et
dans les filous. Marro remarqua que chez les
escrocs la brachicéphalie était moins exagérée et
la microcéphalie frontale moins fréquente.
Il trouva chez les criminels les proportions de
86 p. 100 de fronts étroits et de 41 p. 100 de
fronts bas. Les mômes proportions chez les normaux étaient respectivement de 51, 9 p. 100 et de
13 p. 100.
Chez les assassins, Marro, a trouvé bien souvent
le diamètre mandibulaire exagéré, les zigomes
distants, les cheveux noirs et touffus ; défaut de
barbe, et pâleur du visage.
ANOMALIES MORPHOLOGIQUES
40
La brachicéphalie se montra, chez les auteurs
dé blessures, plus fréquente que dans toute autre
espèce de criminels; la longueur des bras et même
des mains est aussi un caractère de ces gens. Au
contraire, chez les coupables de viols, on rencontre le front étroit, les mains et les bras courts,
caractères fréquents qui les rapprochent assez des
femmes criminelles, comme nous allons le voir.
Chez les vagabonds, on remarque l'absence des
caractères physiques (tels que les sinus frontaux,
la mâchoire volumineuse) qu'on peut croire des
signes énergie, et la présence, au contraire, des
autres anomalies qui annoncent la faiblesse
physique et morale {hernies, par exemple).
Les anomalies somaliques et psychiques atteignent, chez les assassins, 45 p. 100; chez les
auteurs de viols, elles vont jusqu'à 33 p. 100;
chez les voleurs avec effraction à 24 p. 100; elles
abandonnent aussi parmi les criminels d'occasion.
Quant aux névropalhies, nous voyons qu'elles
sont assez fréquentes chez les assassins (45 p. 100),
et encore plus chez les incendiaires 85 p. 100) ;
elles sont plus rares chez les auteurs de vol simple
(36 p. 100) et chez les oisifs (38 p. 100). et plus
rares encore chez les violateurs (33 p. 100), chez
les voleurs de grand chemin (23 p. 100), chez les
voleurs avec effraction (24 p. 100), les auteurs de
blessures et les escrocs.
Pour les différences de la main, Marro a trouvé
qu'en général, les mains trapues et courtes
abondent chez les meurtriers, tandis que chez les
autres espèces de criminels prédominent les mains
50
LES PROGRÈS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
allongées, dans lesquelles la longueur des doigts
est égale à celle de la paume de la main et
quelquefois plus grande.
Les différences de la sensibilité sont remarquables dans les diverses classes de criminels et
même chez les individus d'une même classe. —
Marro a trouvé que la diminution de la sensibilité
générale se montre avec plus de fréquence chez
les auteurs de viols, puis chez les assassins, les
voleurs de grand chemin et les escrocs.
Pour ce qui est de l'intelligence, on peut dire
que, généralement, elle est moindre chez les
criminels contre les personnes, et plus puissante
chez les criminels contre la propriété et chez les
escrocs.
La passion du jeu est grande chez les auteurs
de viol et de blessures; un peu moins chez les
oisifs, chez les voleurs de grand chemin et les
assassins.
En voici les proportions : •
Assassins............................................ .
Auteurs de blessures. ... .«,'»-•
Auteurs de viols. . . . .' . . . î. y
Voleurs de grand chemin. . . .-■."
Incendiaires.................... » / . . -»..,'.•.
Escrocs. . . .
. . . . . .
Voleurs. .
. . . . . - . .
Oisils..........................:■■/........................
37 p. 100
66
—
66
—
51
—
14
—
45
—
63
—
59
—
On pouvait bien s'attendre à ce que les habitudes d'alcoolisme fussent très répandues chez les
criminels, et, en effet, Marro les a trouvées chez
74, 7 p. 100 des criminels.
51
ANOMALIES MORPHOLOGIQUES
De ses études, il résulte encore que les habitudes religieuses sont développées chez les criminels, presque à l'égal des normaux, plus encore
môme parmi les assassins et les auteurs de viol
(peut-être parce que ceux-ci abondent chez les
villageois) ; au contraire, elles sont bien faibles,
chez les criminels d'occasion, les voleurs exceptés.
La récidivité et la précocité abondent parmi les
criminels d'occasion, qui présentent peu de caractères dégénératifs.
Pour ce qui est de l'hérédité, on voit qu'elle
dépend en première ligne, de l'âge avancé des
parents, de l'alcoolisme, de l'irritabilité du père,
en deuxième ligne de l'aliénation et de la criminalité des parents (1).
En résumant ces caractères, on peut dire :
Chez les assassins et les meurtriers, il y a pré(1)
Alcoolisme ....................
Vieillesse.......................
Folie..............................
Chez
Chez
Chez
Chez
le
la
les aïeux les aïeux
père.
mère, paternels, maternels.
41 p. 100 5,1 p. 100
»
.
32 —
17
—
?
?
9,2—
3,3 —
2,7
1,1
Maladie ccrébro-spin. 21,1 — 18,0 —
Kpilcpsie ...................
1,7— 0,9 —
Criminalité................
3,3 — 0,3 —
Immoralité ou carac
tère violent ....
22,6— 11,0 —
Phtisie pulmonaire. .
5,1 —
10,1 —
Et comme cause do mort l'on a reconnu :
Chez le père.
L'alcoolisme......................
dans 7,2 p. 100
Le suicide.........................
— 1,4 —
La folie. .V» . . « .
— 6,5 —
Les maladies cérébro-spi
nales. ». . ......................... • — 21,1 —
La tuberculose..................
— 5,1 —
»
0,1
»
î
»
>
0,1
»
?
»
Chez la mère.
2,1 p. 100
« —
5,3 —
18,2 —
10,7 —
52
LES PROGRÉS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
valence de la courbe et du diamètre transversal de
la tête, la demi-circonférence postérieure de la
léte est plus forte que l'antérieure : la mâchoire
inférieure est volumineuse etleszygomes éloignés:
ils ont le plus souvent les cheveux noirs et touffus et la barbe rare ; le goitre et les mains trapues
s'y rencontrent aussi avec fréquence. Chez les
auteurs de blessures, la brachicéphalie est le caractère le plus constant; vient ensuite la longueur des
mains et des bras.
Chez les auteurs de viol, on a observé une
taille petite, avec poids relativement élevé, les
mains et les bras courts, le front étroit, la demicirconférence antérieure de la tôle très courte.
Les anomalies des organes génitaux et du nez
sont fréquentes, et presque toujours l'intelligence
est très peu développée.
Les cheveux touffus et la barbe rare, la dérivation de parents alcoolisés et névropathes, caractérisent les voleurs de grand chemin. Beaucoup
d'entre ceux-ci sont tatoués et ont les réflexes
exagérés.
Les incendiaires sont presque tous aliénés :
leurs parents l'étaient aussi.
On a trouvé chez les escrocs les mâchoires fortes,
les zygomes éloignés, le poids du corps très élevé,
parents âgés, intelligence discrète, quelquefois
môme très développée.
Les voleurs avec effraction ressemblent aux
voleurs de grands chemins, par les caractères
physiques et psychiques. Chez eux, on trouve un
grand nombre de fous simulateurs. Chez les
ANOMALIES MORPHOLOGIQUES
53
autres voleurs, on remarque les cheveux noirs et
la barbe rare ; l'intelligence est plus soignée que
dans les autres classes, les escrocs exceptés ; l'alcoolisme chronique est très fréquent, tandis qu'il
l'est moins chez leurs parents.
Chez les oisifs, Marro a trouvé beaucoup d'anomalies psychiques : arrêt du développement de
l'intelligence, en particulier l'épilepsie et d'autres
défauts expliquent leurs penchants étranges.
Sur les femmes criminelles, les influences sociales sontbien plus puissantes que sur les mâles ;
viennent ensuite la vieillesse, l'aliénation mentale
et l'alcoolisme des parents qui produisent presque autant de femmes criminelles que d'hommes.
V
On a prétendu que ces découvertes étaient en
contradiction avec les miennes ; mais, au contraire, elles ne font que les confirmer complètement : seulement elles nous montrent des espèces,
là où je n'avais entrevu qu'un genre : c'est justement le signe du progrès, que celte subdivision
des phénomènes, qui paraissaient simples à première vue, car on marche toujours du simple au
composé.
En étudiant par la méthode statistique cent
nouveaux types criminels qui ont posé (je vole le
mot aux artistes) dans mon laboratoire, le professeur Rossi a confirmé presque toutes les obser-
54
LES PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
valions de Marro (1). La circonférence moyenne du
crâne a été trouvée de 5S2 centimètres (selon
Marro, elle serait de 530). La courbe antéro-postérieurc était de 345 centimètres (340 selon Marro),
la courbe transversale, de 229 centimètres (suivant Marro, 211).
La brachicéphalie est plus diffuse, — dans la
proportion de 83,3, — tandis que les dolichocéphales étaient dans la proportion de 8 p. 100 et les
mésaticéphales dans celle de 8,3 p. 100; la capacité crânienne était de 15,48 (selon Marro, 15,72).
Les anomalies plus nombreuses de la tête ont
été :
H
Les sinus fronlaux énormes chez 20 p. 100.
L'oxicéphalie .......................
5 —
La platicéphalie • . . .
5 —
La scaphoccphalie. ...
4 —
La plagiocéphalie. . . .
5 —
Et dans la face :
L'asymétrie faciale »••■. .... 24
La mâchoire hypertropbique
Les oreilles a anse. . . .«..... 24
Le strabisme. . . _ . • . » '
Les dents enchevêtrées . . .. 8
Les
incisives
médianes
sentes ..................................
Les canines médianes ab
sentes .............................
Les incisives médianes hy
pertrophiées ....................
Les canines médianes hyper
trophiées.........................
(1) Unia cenlvria di Criminali, 1889.
—
23 —
—
14 —
—
ab
2 —
1 —
3 —
2 —
ANOMALIES MOIlPHOLOGJQUES
86
La moyenne do la sensibilité laclile a été trouvée par M. Rossi chez 69 criminels, de 2,62
millimètres à droite, et de 2,41 millimètres à
gauche.
L'analgésie a été trouvée dans 15 p. 100 des
sujets, la sensibilité à la douleur plus forte à
droite dans 34 p. 100 ; à gauche dans 39 p. 100 ;
égale dans 15 p. 100.
La force la plus grande était à gauche dans
40 p. 100 des cas, l'épilepsie existait dans 32 p. 100.
Sur 100 criminels, 81 p. 100 se livraient à la
boisson (15 dès leur enfance).
m
L'impulsivité, le caractère irascible se remarquaient dans 40 p. 100.
L'inconstance dans 18 p. 100 ; la religiosité
dans 25 p. 100 ; le tatouage fut observé dans 23
cas sur 100 (1).
VI
M. Oltolenghi (2) a examiné l'échancrure nasale
de 526 crânes dont 397 normaux, 129 de criminels, 50 de fous. 11 y a trouvé des anomalies dans
la proportion de 23,92 p. 100 chez les normaux,
39,52 p. 100 chez les criminels (48,14 p. 100
d'hommes ; 33,33 p. 100 de femmes).
Mais, ce qui est plus important, il a rencontré
dans le plus haut degré de l'anomalie, la vraie
gouttière simienne dans le rapport de 1, 70 p. 160
(1) Cenluria di-Criminali, 1888.
(2) Archivio di Psichialria Scicnze pénale, 1888.
56
LES PROGRÈS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
chez les normaux et de 16,60 p. 100 chez les criminels.
Sur 20 crânes de crétins de la Lombardie et du
Piémont, l'anomalie de l'échancrure nasale était
dans le rapport de 55 p. 100. Chez les fous (presque tous* Piémontais) il a trouvé presque aussi
fréquemment cette anomalie (42 p. 100); 13 épileptiques ont donné 38,46 p. 100. Il a cherché les
anomalies de l'épine nasale dans les crânes de 60
normaux, de 30 criminels, de 1,3 épilep-tiques,
de 50 fous et de 20 crétins, et il l'a rencontrée très
développée chez les criminels (48,7 p. 100),
surtout chez les assassins et chez les fous (40 p.
100) ; et moins fréquemment chez les normaux
(24 p. 100).
On a ensuite étudié la dimension, l'inclinaison,
la surface, la direction et la protubérance des os
nasaux.
Ce sont les criminels (surtout les assassins) qui
offrent les os nasaux les plus développés (40 p.
100), tandis que chez les normaux la proportion
n'est que de 4 p. 100.
Pour la direction, Ottolenghi a constaté fréquemment (36 p. 100) la déviation des os nasaux
chez les criminels, 30 p. 100 chez les épileptiques,
tandis quelle était de 16 p. 100 chez les normaux.
M. Ottolenghi a observé aussi l'ouverture nasale asymétrique, appelée par M. Welecker pléléiforme : celle-ci, très rare chez les normaux (8
p. 100), prédomine parmi les criminels (36 p.
100), spécialement chez les voleurs (37,5 p. 100)
ANOMALIES MORPHOLOGIQUES
et presque autant chez les fous (32 p. 100); chez
les crétins (sur 20 individus 20 p. 100), et chez
les épileptiques (sur 13 individus 32 p. 100).
Il a étudié, sur le vivant, la forme du nez, son
profil, sa base, sa largeur, sa protubérance (selon
les règles tracées par M. Bertillon).(l), chez
630 normaux 392 criminels, 40 épileptiques cl
10 crétins.
Le criminel, en général, présente le nez rectiligne (60,31 p. " 100), à base horizontale (60,97
p. 100), de longueur moyenne (48,73 p. 100).
plutôt large (54,14 p. 100); pas trop protubérant
(38,53 p. 100) ; souvent dévié (48,13 p. 100).
Parmi les criminels on a pu déterminer suffisamment bien le nez du voleur et celui du violateur.
Le voleur présente en grande partie le nez
rectiligne (40, 4 p. 100) ; souvent concave (23,32
p. 100); à base souvent relevée (32,13 p. 100);
fréquemment court (30,92 p. 100) ; large (53,28
p. 100), écrasé (31,33 p. 100); et bien des fois
dévié (37,5 p. 100).
Les violateurs ont le plus souvent le nez rectiligne (54,5 p. 108) ; écrasé (50 p. 100) et dévié
(50 p. 100), mais de dimensions moyennes.
Chez les normaux, le nez est tantôt crochu
(26,87 p. 100) ; tantôt onduleux (25,4 p. 100) ;
plutôt long (57,7 p. 100)) ; de moyenne largeur
(54,8 p. 100) ; a base très souvent abaissée (42
p. 100) et très rarement écartée (6 p. 100);
surtout protubérant (30 p. 100).
(1) Archive! d'Anthropologie, 1887, Paris.
53.
LES PROGRÈS DE L'AKTIIROPOLOCIE CRIMINELLE
,
L'on voit donc que si le profil le plus souvent
rcctilignc et la direction écartée distinguent le nez
du criminel de celui du normal, la longueur, la
largeur et la protubérance distinguent suffisamment entre eux les différents types de criminels.
Le nez de l'épilep tique est souvent onduleux
(42,8 p. 100) et crochu (32,8 p. 100); à base
horizontale (72,3 p. 100); très long (74 p. 100);
plusieurs fois bien large (30 p. 100) ; souvent
dévié (25 p. 100), presque toujours protubérant
(59,94 p.-100).
Le crétin a le nez camus; très souvent concave
(50 p. 100) ; à base horizontale (100 p. 100) ; court
(60 p. 100); large .100 p. 100); écrasé (100 p.
100); souvent dévié (40 p. 100).
•VII
M. Frigerio a publié sur les anomalies de l'oreille, chez les criminels, des études qui sont d'une
grande importance (1). En voici les conclusions :
1° Le pavillon de l'oreille doit être placé en
première ligne parmi les organes qui offrent des
caractères de dégénérescence;
2° L'angle auriculo-temporal mérite la plus
grande attention au point de vue de l'anthropologie et de l'identification personnelle ;
3° L'angle auriculo-temporal dépasse 90° dans
les conditions normales avec des chiffres de beau(I) Archive* d'Anthropologie criminelle, 1888, p. 17.
ANOMALIES MORPHOLOGIQUES
59
coup inférieurs à ceux que l'on constate chez les
fous et les criminels ;
4° La moyenne pour 100 tend à augmenter, de
l'homme sain à l'aliéné et au criminel ;
Elle est dépassée chez les singes, sur lesquels
elle est rarement inférieure à 100° ;
5° L'indice de la conque et celui du pavillon
décroissent chez les individus sains du premier
âge et de l'âge adulte.
Ils semblent, avec l'ampleur de l'angle auriculotcmporal, liés au*développement de l'intelligence;
6° La plus grande variation de l'indice de la
conque, comparée à celle du pavillon chez les
individus sains, permet de croire que, du premier âge à l'âge mûr, il y a, spécialement dans
la conque, un plus grand développement dans le
sens longitudinal que dans le sens transversal,
7° Si, chez les aliénés, on adopte l'indice moyen
des deux oreilles pour la conque et le pavillon,
on observe, bien que l'indice de la conque soit
supérieur à celui de l'individu normal, que l'indice du pavillon lui est au contraire inférieur.
Cependant, chez les aliénés, la conque a un développement plus grand que le pavillon, surtout
dans le sens transversal ;
8° D'après l'indice moyen de la conque, les
aliénés et les criminels se succèdent comme suit,
en ordre décroissant : non héréditaires, 0,69 ;
dégénérés et violateurs, 0,67 ; voleurs de grands
chemins, 0,66; homicides, 0,65; voleurs et faussaires, 0,65; héréditaires, 0,64; incendiaires, 0,60.
M. Frigerio est arrivé à ces résultats, grâce ai
mSHM
|ÏJP LES PI10GRÊS DE L'ANTnnOPOLOGIE CÏÛMISËELË I
l'otomètre, instrument très ingénieux et très
simple dont il a enrichi les laboratoires des anthropologues.
Le professeur Gradenigo a étudié le pavillon
de l'oreille sur une plus grande échelle (1).
Les sujets qu'il a observés étaient très nombreux. Outre l'examen attentif de 650 personnes
(350 hommes et 300 femmes), il a passé rapidement en revue les pavillons de 25,000 personnes
à Turin (15,000 hommes, 10,000 femmes). Il a
examiné 330 aliénés (180 hommes, 150 femmes),
76 crétins (50 hommes, 26 femmes), 352 criminels typiques (304 hommes, 48 femmes).
Voici ses résultats :
CnlMIHlLS_____ ----
Pavillons réguliers. .
Lobes adhérents. .<,
Oreilles à anse. ...
Oreilles Wildermuth.
iioNiffrras
H
—
P. 100
Hommes.
P. 100
29,2
25
24
18
50,55
26
12,15
6,2
i
-----. FOUIS
Femmes.
P. iOO P. 100
62
46
13
39 ,
3,2 4,2
9,12 6,26
Chez les personnes honnêtes, les oreilles à anse
sont donc environ moitié moins fréquentes parmi
les femmes que parmi les hommes ; les oreilles de
Wildermuth (2), au contraire, sont plus fréquentes
chez celles-ci.
Les anomalies dans la conformation du pavillon
(1) Giomale delta /?.. Academia di Tdrino, n" 8,9,10,1889.
— Annales des maladies des oreilles, octobre 1889. — Complet
rendus du Congrès intern. d'otologie, Paris, 1889, p. 144.
(2) Le pavillon est caractérisé par la saillie plus accentuée de
l'anibélix comparativement 4 l'hélix.
61
ANOMALIES MORPHOLOGIQUES
se" rencontrent donc environ deux fois plus fréquemment chez les criminels que chez les adultes
honnêtes à Turin. Quant au nombre des lobes
adhérents, l'exception qui résulte des chiffres n'est
qu'apparente : car chez les criminels on trouve très
souvent les lobes adhérents prolongés le long de la
joue, espèce d'anomalie plus grave que les lobes
adhérents simples. De plus, Grade-nigo a constaté,
chez les criminels, une fréquence toute particulière
des oreilles de Darwin, des malformations de
l'hélix et de l'anlhélix, et d'asymétrie
d'implantation, etc.
De ses recherches il résulte, en outre, que la
proportion-pour [100 des anomalies du pavillon
varie sensiblement — môme en faisant abslrac-tion
du sexe —■ selon la région, la ville, la classe
sociale, et même, pour certaines anomalies, aussi
selon l'âge. Il a rencontré un nombre beaucoup
plus considérable d'oreilles à anse chez les enfants
(23 p. 100) que chez les adultes (12,15 p. 100).
Il trouva aussi une étrange latéralité de ces
anomalies dans les criminels :
Normaux Criminels Aliénés
FBM3IRS
Normales Folles
1 àd.
Bàg.
Autres anomalies < 81 à d.
de l'oreille. . . # 26 u g.
Oreilles à anse. .
4àd.
15 à g.
38 5 d.
17 à g.
10 a d.
— y àd.
38 à g. — 3 à g.
38 à d. 2àd. 29 à d.
24jst g. 2àg. 16 à g.
Ce qui démontre que ces anomalies sont en plus
grand nombre a droite chez les fous et les
criminels.
LO.MBROSO. —Anlhr. crinu
4
PROSTITUEE.
VOLEUSE.
La voleuse néglige souvent son
Extérieur plus propre et plus extérieur, elle n'est ni coquette, ni
soigné. Aspirations à l'élégance gourmande, et se
et a des exigences de confort.
so
100
100
filles de filles de voleuses joie.
joie.
SO
dames
bonne
société.
(nord)
. 18,3
17,8
14,4
53,3
11,3
14,5
18,3
14,5
52,7
10,9
58,8
11,3
LES PROGUES OK L ANTHROPOLOGIE
VIII
Mm0 Tarnowscky, dans ses éludes sur les filles
de joie, les voleuses et les villageoises, a démonré que la capacité crânienne des prostituées est
inférieure à celle des voleuses et des villageoises,
et surtout des femmes de la bonne société (1) ; vice
versa les zygomes et les mandibules étaient plus
développés chez les prostituées qui avaient aussi
un plus grand nombre d'anomalies (87 p. 100),
tandis que les voleuses en avaient 79 p. 100, et
les villageoises 12 p. 100. Les prostituées avaient
33 p. 100 de leurs parents alcoolisés, tandis que
les voleuses en avaient seulement 41 p. 100 et les
villageoises 16 p. 100.
En poursuivant la comparaison entre la prostituée et la voleuse, elle trouva les différences suivantes :
17,7
13,9
52,9
11,4
piam. antéro-post..
> transv. mas..
Circonférence mas.
orig................... ."
Dist. zygomatique.
Distance mandib..
Liant
17,9 14,9
SO
SO
fi liavilla
geoises geoisesj
"
(sud).
53,5 11,2 <
10,1
9,1
10,18 9,1
9,9
9,8
18
14,5
53,6 |
11,4
ANOMALIES MORPHOLOGIQUES
Aime la bonne chère et les
friandises, les chiffons et les
futilités, est avide de spectacles et de plaisirs. Il lui faut
du vin à ses repas. Avec cela
une jolie toilette, quelques distractions le soir, et un jeu de
cartes qu'elle consulte pour
connaître son avenir, — elle
n'en demande pas davantage.
hlaÂ&çouTvu qu'elle ne travaille
pas, car elle est paresseuse par
excellence et craint la fatigue.
Imprévoyante à l'excès, elle
vit au jour le jour, sans souci
du lendemain. Très impressionnable, pleure et rit facilement. Humeur variable. Souvent bavarde et expansive, elle
a un penchant à la sentimentalité.
Somme toute, la paresse et
l'absence totale du sens moral
sont les traits principaux qui
caractérisent la prostituée.
63
préoccupe peu de ses aises à la
prison.
Mais elle n'est pas oisive
comme la prostituée, et, au
contraire, prend part volontiers
aux travaux dans les ateliers
de la prison : couture, confec.
tion de boites, de cartonnages
divers, d'enveloppes; travaille
dans la buanderie et arrive à se
former un petit pécule pour le
jour de sa sortie. .
Elle témoigne plus d'énergie
et de fermeté dans ce qu'elle
entreprend. Fait preuve d'une
disposition d'esprit plus stable
et plus sérieuse que la prostituée. S'adonne a la boisson
beaucoup moins que la prostituée. Beaucoup de circonspection et de prudence, jointes à
un manque complet de sincérité; une grande retenue et de
la défiance dans le caractère;
jamais d'abandon ; niant toujours ses fautes à outrance et
témoignant une absence totale
de remords, — tels sont les
traits distlnctifs du caractèro
de la volouso.
« Ce qui distingue encore les voleuses des pros
tituées, c'est l'extrême mauvaise volonté qu elles
manifestent lorsqu'on les questionne; elles ne
donnent pas volontiers des renseignements sur
leurs rapports sexuels. Elles sont d'une grande
réserve sur ce sujet et font preuve d'une pudeur
que n'ont généralement pas les prostituées.
« Ajoutons encore leur mutisme dès qu'on aborde
les raisons qui ont amené leur internement. Presque jamais elles n'avouent franchement leur faute
Ci
LES PnOGRÉS DE L'ANTJIHOPOLOGIE CRIMINELLE
et témoignent encore moins du repentir. La plupart du temps elles nient énergiquement leur
méfait, et refusent môme de se rendre à l'évidence,
on donnant des explications purement fantaisistes
qui masquent la vérité, mais ne remplacent pas le
repentir.
« La tare héréditaire des voleuses est moins
lourde que celle des prostituées.
« L'anamnèsc des parents est moins chargé d'alcoolisme; les prostituées, par exemple, ont 82 p.
100 d'alcooliques et 44 p. 100 de phtisiques dans
leur ascendance, tandis que les voleuses n'ont que
49 p. 100 des premiers et 19p. 100 des seconds. Les
autres maladies débilitantes des parents sont aussi
représentées par des chiffres plus faibles dans
l'anamnèse des voleuses.
« 11 est vrai que ces circonstances favorables
aux voleuses le sont moins, dès qu'on pense à
l'extrême difûculté qu'on est obligé de surmonter
pour avoir des renseignements plus ou moins
certains.
« Cependant l'aspect anatomique est là pour
certifier que les voleuses possèdent moins de
signes de dégénérescence physique, ce qui semble
déposer en faveur de leur hérédité moins défavorable.
« De plus, le nombre des naissances chez les
voleuses dépasse notablement celui des prostituées
et se rapporte à ce dernier comme 256 à 34 —
circonstauce qui tend encore à rapprocher les
voleuses des femmes normales.
« En étudiant avec les mômes méthodes les
prostituées, elle pose les conclusions suivantes :
« 1° Les prostituées professionnelles sont des
63
ANOMALIES MORPHOLOGIQUES
pires incomplets, ayant subi des arrêts dans leur
développement, sont entachées d'une hérédité
morbide et présentent des signes de dégénérescence physique et psychique en rapport avec leur
évolution imparfaite ;
« 2° Les signes de dégénérescence physique
dus à une organisation imparfaite se manifestent
chez les prostituées principalement par la fréquence des déformations de la tête, des anomalies
du crâne (41,33 p. 100) et du visage, (42,66 p. 100).
Par des anomalies nombreuses des oreilles (42
p. 100) et par des dents défectueuses (54 p. 100) ;
« 3° Leur anomalie psychique se signale soit
par une débilité de l'intelligence plus ou moins
prononcée, soit par une constitution névropathique, soit par une absence notoire du sens
moral ; elle est confirmée en outre par l'abus des
fonctions génésiques, ainsi que par l'attrait qu'elles
éprouvent pour leur métier abject, auquel elles
retournent volontairement après en avoir été
libérées;
« 4 Les stigmates de dégénérescence sont le
plus prononcées chez les prostituées et les voleuses
dont les mères s'adonnaient à l'alcoolisme. Ce
qui confirme l'hypothèse que c'est surtout l'influence de la mère qui retentit sur l'organisme de
l'enfant;
« 5° La stérilité et l'extinction de la race, souvent constatées chez les prostituées professionnelles, dépendent en grande partie de leur état
anormal, fertile en tares héréditaires, et semblent
confirmer leur dégénérescence;
« 6° Les prostituées habituelles comblent la
lacune trop large que la statistique de la criminalité
établit en faveur des femmes.
4.
66
IJES PROCHES DE l/AnTlinorOLOCIE CRIMINELLE
« 7° Les voleuses, quoique présentant également
un grand nombre de signes physiques et moraux
qui Tes distinguent notablement des femmes honnêtes, s'éloignent cependant moins du type de la
femme normale que les prostituées.
« Parce que :
< a). Les Toleuses sont chargées d'une tare
héréditaire moins lourde que celle des prostituées
;
« b). Le nombre de signes de dégénérescence
physique est moins considérable chez les voleuses
que chez les prostituées;
« c). Le nombre de naissances est plus considérable chez les voleuses;
« d). Les diamètres principaux du crâne, ainsi
que la circonférence horizontale totale, dépassent
chez les voleuses ceux des prostituées (les deux
catégories appartiennent .à la même race) ;
« e). Les zygouies elles mandibules des prostituées sont plus larges que ceux des voleuses ;
« /). Le niveau intellectuel et moral des voleuses
surpasse celui des prostituées. La voleuse a plus
d'amour-propre, son esprit est plus vif; elle est
plus énergique et apporte plus de résistance dans
la lutte de la vie. Elle est bien moins paresseuse
et ne craint pas le travail;
« g). Quelque incorrigible que soit la voleuse de
profession, et quelque nombreux que soient ses
méfaits, elle ne peut cependant pas les commettre
cl les répéter à toute heure au jour, comme la
prostituée (d). »
(I) Etudes anthropométrique» sur les femmes voleuses el les
I
I
"T
ANOMALIES MOR! HOLOCIQUES
M. de Albertis a trouvé le tatouage chez 300
prostituées de Gênes dans la proportion de 10 p.
100 et la sensibilité tactile de 3,6 à droite et de
4,0 à gauche (1).
Mais sur les femmes criminelles, Salsotto a fait
des études tout à fait nouvelles (1); il a reconnu
chez 130 voleuses les caractères dégénératifs, les
anomalies du crâne, de la physionomie en nombre
bien moindre que chez les hommes ; il a trouvé la
brachicéphalie chez 7, l'oxicéphalie chez 29, la
platicéphalie chez 7, le front fuyant chez 7, le
strabisme chez H, les oreilles à anses dans 6, la
sensibilité tactile était normale chez 2 p. 100, les
réflexes tendineux amoindris chez 4 p. 100, exa-.
gérés chez 12 p. 100.
Marroet Morselli nous ont expliqué par la sélection sexuelle cette énorme différence, qu'on trouve
aussi dans les épilepliques et surtout dans les
fous ; les hommes, en effet, ne choisissent pas de
femmes laides, avec caractères dégénôralifs tandis que les femmes ne peuvent pas choisir; et bien
souvent l'homme laid, criminel, mais vigoureux
triomphe pour ce motif de tous les obstacles; il
est môme quelquefois préféré (Flaubert, (correspondance, 1889).
Ajoutons que les soins de la maternité, adoucissant le caractère des femmes, ont. augmenté
chez elles le sentiment de la pitié.
(1) Arch. di Ptichiatria, X, 1889.
&B£*«*^-—
67
68
LES PROCHES DE L'ANTUISOPOLOGIË CRIMINELLE
IX
M. Ottolenghi (l)a étudié dans mon laboratoire
les rides chez 200 criminels et 200 normaux (ouvriers et paysans), et il les a trouvées bien plus
fréquentes et bien plus précoces chez les crimi-1
nels, 2 à S fois plus que chez les personnes normales, avec prédominance de la ride zygomatique
(située au milieu de chaque joue) qu'on pourrait
bien appeler la ride du vice, la ride caractéris-.
tique des criminels.
Dans les femmes criminelles (80) aussi, les
rides ont été trouvées plus fréquentes que chez
les femmes normales, quoique avec une moindre
différence. — Qu'on se rappelle les rides des sorcières.
Il suffît de voir ce buste de la célèbre empoisonneuse sicilienne (fig. 2) conservé au Muséum
national de Païenne, et dont le visage est un amas
de rides.
Lui-môme, étudiant avec moi la fréquence de
la canitie et de la calvitie, en a démontré l'absence ou le retard chez les criminels (2) tout aussi
(«) Avant 25 ans
Entre 25 et 50 ans.
np. 100.
p. 100.
p.
p. 100.
o
62
100.
34
r22 0
62
86 78
69
m
18
33
16
a
ux criminels normaux criminels
Rides du front ....
Ride nasolabiale..
Bide zygomatique.
(2) La Calvitie, la Canitie e le Rughe nei normali, net cri"
minait, negli epileltis e nei eretini (Archivio di Psichatria in
Torino, 1889, X).
S
ANOMALIES MORPHOLOGIQUES
60
bien que chez les épileptiques et chez les crétins.
Fijy. 2. — L'empoisonneuse de Païenne.
Parmi les premiers seulement, les escrocs s'ap
prochent un peu plus des gens normaux (1).
•
Avec cani'.ie
p. H'O
Avec calvitie
p. 100
(I) iOO normaux......................... C2.5
19,
80 ùpileptioues....................
31.5
12,7
40 crétins. . . . . . .
11,7
13,5
490 criminels ...... 25,9
48
—■ voleurs. . . .'• 21,4
2.6
— escrocs. ... 47
13,1
— lilesseurs. . . 23.7 95,3 80 femmes criminelles.
£ . 45
13,7
200 femmes honnêtes . . 60
70
LES PROGRÉS DE L'ANTOROPOLOGIE CRIMINELLE
Inversement chez 280 femmes criminelles, on
a troué plus fréquente la canitie et plus rare la
calvitie que chez 200 ouvriers honnêtej^
Nous ne terminerons pas ce chapitre sans faire
mention de la belle découverte qu'on doit, nous
nous plaisons à le constater, à un juriste, M. Anfosso. Le tachianthropomètre qu'il a construit est
un vrai mensurateur automatique (Archiv. de
Psych., art. ix, p. 173). On pourrait l'appeler, si
le mot n'avait un peu trop de couleur locale, une
guillotine anthropométrique, tant elle donne
vite et avec la précision des machines, les mesures les plus importantes du corps, ce qui rendra bien aisée, môme aux gens les plus étrangers à
la science, la pratique anthropométrique, et
l'examen du signalement des criminels dont le
perfectionement reste toujours un des litres les
plus glorieux de M. Bertillon. Et en môme temps
que cet instrument rendra des services dans la
pratique judiciaire, il permettra sur une grande
échelle des observations qui jusqu'ici n'étaient
possibles qu'aux savants.
L'expérience en a été faite il y a peu de temps
par M. JRossi, qui étudia le résultat de ces mensurations sur 100 criminels (presque tous voleurs);
il a trouvé chez 88 la grande envergure supérieure àJa taille; chez 11 inférieure; pour les
pieds, il en a trouvé la longueur plus grande à
ANOMALIES MOHPHOLOGIQUES
71
droite chez 30, à gauche chez 58, égale chez 12.
Pour les bras, 43 fois on trouve une longueur
supérieure à droite ; 54 fois à gauche. Ce que confirme merveilleusement la gaucherie (mancinisme)
qu'on avait déjà signalée par la dynamométrie et
par l'élude delà marche chez les criminels (1).
Cette vraie gaucherie anatomique, je viens de
la vérifier avec M. Oltolenghi par des mensurations sur les mains, les doigts médium et les
pieds, à droite et à gauche, sur 90 hommes normaux et sur 100 criminels-nés (Archivio dipsichiatria, X, 8) avec la méthode du D'Bertillon(2).
La grande fréquence de la gaucherie anatomique ne pouvait pas être mieux confirmée ; et
c'est bien là un caractère atavistique, puisque
Rollet a observé chez 42 anthropoïdes l'humérus
plus long à gauche dans 60 p. 100 des cas, et
seulement chez les hommes dans 7 p. 100. {Revue
scientifique, 1889.)
(1) Archiv. di Psichiatria, vol. X, p. 191, 1889.
(2)
Main
Doigt médium.
plus longue.
Droits gauche
p. 100.
Normaux . . 14.4
Criminels. . 5
Escrocs. . . 4,3
Viol ............. 7
Blesseurs . . 15
Voleurs... 0
Pick-pockels. 0
11
25
13
14,2
25
34,8
85
Pied,
Droit gauche
p. 100.
Droit gauche
p. 100.
16,6
10
13
14,2
5
13
5
38,5
27
21,7
35,7
20
26
35
15,5
27
21,7
28,4
25
30,4
30
15,6
35
26
35,7
55
26,6
25
CHAPITRE II
LES FONCTIONS DES CRIMINELS, ETC.
RESISTANCE A LA DOULEUR. — La plus grande
anomalie des criminels-nés, qu'on ne repconlrc
pas aussi exagérée môme chez les sauvages, c'est
la résistance à la douleur, l'analgésie. C'est ce que
j'ai pu démontrer avec mon algomèlre élec-'
trique, et dont on avait déjà de bien nombreux
témoignages avant moi.
Les médecins des prisons savent comment les
opérations les plus douloureuses (application du
fer rouge, par exemple) sont souvent peu sensibles aux criminels. If
Un voleur se. laissa amputer la jambe sans
pousser un seul cri, et s'amusa ensuite à jouer
avec le tronçon- Un assassin renvoyé du "bagne
de l'île de S... à l'expiration de sa peine, priait le
directeur de le garder encore ; voyant sa prière
?epoussée, il se déchira les entrailles avec le
manche d'unegrande cuillère, puis remonta tranquillement ï'escaliep et entra dans son lit où il
expira, peu d'instants après, sans avoir fait en'endre un seul gémissement. L'assassin
Descourbes, pour ne pas aller à
■
Î.S3 FONCTIONS DES CRIMINELS
73
Cayenne, se fit aux jambes des plaies artificielles
et, celles-ci guéries, se passa, au moyen d'une
aiguille, un cheveu à travers la rotule; il en
mourut. Mandrin, avant qu'on lui tranchât la tête,
fut tenaillé en huit endroits différents, aux jambes
et aux bras, et ne poussa pas un soupir. Pour
faire disparaître un signalement dénonciateur, B...
se fit sauter trois dents avec de la poudre; R ......
s'enleva la peau du visage avec des fragments de
verre (Vidocq).
J'ai vu deux meurtriers qui s'étaient mutuellement dénoncés, et qui se haïssaient depuis longtemps, s'élancer l'un sur l'autre, à l'heure de la
promenade, et s'étreindre pendant quelques minutes l'un mordant la lèvre, l'autre arrachant les
cheveux de son adversaire ; tous les deux se plaignaient ensuite, non des blessures reçues et qui
furent suivies de graves accidents, mais de ce
qu'on les empêchait de compléter leur vengeance.
Cette analgésie nous explique les moyens atroces choisis si souvent pour les suicides, dans les
prisons, et aussi le.penchant au suicide, même
chez ceux qui n'ont plus-à subir que quelques jours
de prison, ainsi qu'on l'a souvent constaté à*
Mazas. Elle nous explique bien quelques phénomènes étranges du monde criminel, celui surtout
que les anciens poètes auraient appelé l'invulnérabilité et que, avec un mot puis modeste et plus
médical, je nommerai la disvulnérakihté des criminels.
Le professeur Benedikt a vu dans une prison
un brigand de la fameuse troupe, de Rozza*Sandor
LOMBROSO. — Anlhr. crhn.
b
74
LES PROGRÈS DE j/ANTHItOPOLOGlE CWM1NELLE
*■-"
vrai géant par la taille et athlète par la vigueur,
qui, ayant pris part à une révolte de prisonniers,
fut battu par des gardiens de telle façon qu'il eut
plusieurs vertèbres fracturées. Toutes ses blessures guérirent, mais le géant d'auparavant devint une sorte de nain ; toutefois il continua à Iravailler dans la forge de la prison et à se servir du
lourd marteau comme dans les jours de sa plus
grande vigueur.
Pour ma part, j'en ai vu de plus étranges encore : un voleur eut, dans une escalade, le frontal
droit fendu latéralement par un coup de hache ;
en quinze jours il était guéri sans aucune réaction.
Le crâne du même brigand de la troupe Rozza Sandor, dont parle M. Benedikt, a été envoyé à l'Exposition d'anthropologie de Rome par le célèbre professeur Lenhossek de Pesth. Ce crâne avait une énorme
dépression de l'os pariétal gauche, effet d'une blessure d'arme à feu, qui ne l'avait pas empêché,
m'écrivait M. Bosany, de tenir tête, plusieurs jours
de suite, aux troupes autrichiennes et russes.
Dans la prison dont je suis le médecin, un
meurtrier, qui travaillait comme maçon, grondé
pour une faute légère, se jeta du troisième étage
d'une hauteur de 9 mètres, sur le pavé de la cour.
— Tous le croyaient mort: on était allé chercher le
médecin et même le prêtre, quand tout à coup
on le vit se relever en souriant et demander à
continuer son ouvrage.
Les individus qui possèdent cette disvulnérabilitê se considèrent comme des privilégiés, et ils
LES FONCTIONS DES CRIMINELS
4)75
méprisent les délicats et les sensibles. C'est un
plaisir, pour ces gens durs, de tourmenter incessamment les autres qu'ils regardent comme des
créatures inférieures.
Voilà une double source de cruauté des criminels, comme le note très bien Benedikt : « Si nous
voyons souffrir autrui, nous ressentons nousmêmes, à l'aide de notre mémoire, de pareilles
sensations ; nous ressentons, pour ainsi dire, une
copie de ces souffrances. De là naît la compassion que nous comptons parmi les vertus. Plus
nous sommes sensibles, plus nous sommes disposés à la compassion. Lorsqu'il y a une diminution congénitale de sensibilité pour les douleurs
et les sentiments désagréables, alors l'aptitude à
la compassion fait presque défaut. »
SECRETIONS. — M. Ottolenghi (1) a fait dans mon
laboratoire plusieurs observations sur l'élimination de l'urée, des chlorures et des phosphates
chez 15 criminels-nés, et chez 3 criminels d'occasion assujettis aux mêmes conditions alimentaires.
Voici les moyennes des résultats- :
I
gr.
Urée p. 1,000 gr. du ( Criminels nés ............... 0,39
poids du corps. «
—
d'occasion. . 0,53
i«.™i. ... -J
1 Criminels nés .............. 0,024
Phosphates îd.
(
.,____.
„',„„
l
—
d occasion. . 0,0195
Chlorures id.
[ Criminels nés .............. 0,28
(
— d'occasion. . 0,29
(1) Giornal del Academia med. di Torino, 1888. Archivio di
Psichiatria, 1888, X.
76
I
LES PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
11 y a donc chez les criminels-nés une diminution dans l'élimination des urées et une augmentation des phosphates, tandis que l'élimination des
chlorures ne varie pas.
Il a obtenu les mômes résultais dans des cas
d'épilepsie psychique, tandis que les criminels
d'occasion n'offrent aucune anomalie.
M. Rivano, au contraire (1), trouve chez les épi-l
leptiques une plus grande quantité d'urée et moins
de phosphates aux jours de paroxysmes, et en
outre, dans 33 p. 100, de l'albumine, 29 — de
l'acétone, 87 — des peptones, toujours dans les
jours d'accès.
ODORAT. —• M. Oltolenghi a étudié aussi l'odorat
chez les criminels.
Il a composé dans ce but un osmomètre contenant douze solutions aqueuses d'essence de girofle
qui variaient de 1 p. 50000 à 1 p. 400.
11 a fait ses observations en plusieurs séries, une
seule par jour, dans des conditions de ventilation à
peu près identiques, et en renouvelant les solutions
pour chaque observation, afin d'éviter . . les erreurs
d'évaporation.
Il cherchait d'abord le degré le plus faible auquel commençait la perception de l'odorat.
D'autres fois, il procédait d'une manière différente : il déplaçait les diverses bouteilles, et invitait ensuite le sujet à les replacer dans l'ordre de
leur intensité d'odeur.
(1) Archivio di Fenialria. Torino, 1889.
j
I
ï DÈS CRIMINELS
~TT
Il a distingué les erreurs de disposition qui
s'étaient produites, en erreurs graves et légères,
selon que, dans l'ordre des solutions, il y avait
la distance de plusieurs ou d'un seul degré. Il a
examiné 80 criminels (50 hommes, 30 femmes),
jet 50 personnes normales (30 hommes, choisis
la plupart parmi les gardes de prisons, et 20
femmes honnêtes).
Voici ces résultats :
Tandis que dans les hommes normaux l'odorat
moyen variait entre le troisième et le quatrième
degré de l'osmomètre, chez les criminels il variait
du cinquième au sixième degré; 44 individus en
manquaient tout à fait.
Tandis que les hommes honnêtes faisaient en
moyenne trois fautes de disposition, les criminels
en firent cinq, dont trois graves.
Les femmes normales touchèrent au quatrième
degré de l'osmomètre, les femmes criminelles au
sixième degré; chez deux l'odorat manquait totalement.
Tandis que les premières firent en moyenne
environ quatre fautes, les criminelles en firent
cinq.
Des huit cas d'anosmie constatés chez les criminels, deux étaient en relation avec des altérations nasales ; pour les autres, c'était une espèce
de cécité olfactive ; ils ressentaient les excitations
odoriférantes sons pouvoir les spécifier, et moins
encore les classifier.
Pour vérifier ce qu'il y avait de vrai dans l'as-
/8
LES PROGRÈS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
sertion (1), que les criminels contre les mœurs
avaient l'odorat très développé, il l'examina chez
30 auteurs de viol et chez 40 prostituées. Il trouva
dans 33 p. 100 des premiers la cécité de l'odorat,
dans les autres une moyenne correspondant au
cinquième degré de l'osmomètre.
Faisant ensuite disposer les diverses solutions
selon le degré de leur force, il remarqua trois
erreurs graves.
Chez 19 p. 100 de filles soumises, il a trouvé
la cécité de l'odorat; et pour les autres, une acuité
moyenne correspondant au cinquième degré de
l'osmomètre.
Comparant ces résultats avec ceux déjà obtenus
pour les normaux et pour les criminels, l'odorat
apparaît beaucoup moins développé dans cette
dernière catégorie (2).
GOUT. — M. Ottolenghi a examiné aussi le
goût de 100 criminels (60 criminels-nés, 20 criminels d'occasion et 20 femmes criminelles), il
les a comparés avec 20 hommes de la classe inférieure, 20 professeurs et étudiants, 20 femmes
honnêtes et 40 filles de joie ; ses expériences ont
été faites avec onze solutions de strychnine (graduées 1/80000 à 1/50000), de saccharine (depuis
1/100000 jusqu'à 1/10000) et dix de chlorure de
sodium (de 1/500 à 3/100). Les criminels montrèrent toujours une obtusité remarquable. (Voir
fig. 3.)
(1) KrafflrEbing. Ptychopalîa sexualis, 1889, 4» éd. Wien.
(2) Archivio di Ptichiatria, 1889.
LES FONCTIONS DES CRIMINELS
79
La moindre acuité gustative a été rencontrée
chez 38 p. 100 de criminels-nés, 30 p. 100 de criminels d'occasion, chez 20 p. 100 de femmes criGrandc
A B C D B F
Moindre
A'B'CD'E'P'
Fig. 3. — A, 60 délinquants-nés. — B, 20 délinquants d'occasion. — C, 20 ouvriers. — D,S0 étudiants. — E, 20 femmes
criminelles. — F, 20 femmes normales. — A', 60 délinquantsnés. — B', 20 délinquants d'occasion. — C, 20 ouvriers. —
D', 50 étudiants. — E', 20 femmes criminelles. — F',| 20
femmes normales.
minelles; tandis qu'on a trouvé 14 p. 100 parmi
les professeurs et les étudiants, 25 p. 100 parmi
les hommes des classes inférieures, 30 p. 100
pour les filles de joie et enfin 10 p. 100 chez les
femmes honnêtes.
80
LES PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
MARCHE. — Une étude que j'ai faite avec Peracchia (1),sur la marche, suivant la méthode de Gilles
de la Tourette, nous montre que, à l'inverse des
gens normaux, le pas gauche des criminels est,
généralement, plus long que le droit; en outre, ils
s'écartent de la ligne d'axe plus à droite qu'à
gauche ; leur pied gauche, en se posant à terre,
forme avec celte ligne un angle de déviation plus
prononcé que l'angle formé par leur pied droit ;
tous ces caractères se rencontrent très souvent
chez les épiloptiques.
ÉCRITURE.—Les caractères que j'avais découverts dans les écritures des criminels, surtout des
meurtriers, me furent confirmés par les expériences
hypnotiques. Un jeune étudiant suggestionné qu'il
était un brigand, nous, donna une écriture dure,
grossière avec les t énormes, tandis que son écriture
ordinaire était très polie, fine et presque féminine.
Le même étudiant, suggestionné peu de temps
après de se croire une petite fille, a conservé
dans l'écriture enfantine quelque peu de l'énergie
du brigand. (Voir mon Atlas de VH. criminel, pi.
XXII et XXX.)
GESTES. — C'est un usage ancien parmi les criminels de se communiquer leurs pensées par gest.es.
Avé-Lallemant décrivit une série de gestes des
voleurs allemands, un véritable langage exécuté
avec les seuls doigts, comme chez les muets.
Vidocq dit que les floueurs, quand ils guettent
(1) Archivio di Psichialria, 1888.
LES FONCTIONS DES CRIMINELS
81
leur victime, se font le signal de la Saint-Jean,\
qui consiste à porter la main à leur cravate, ou
même à ôter leur chapeau.
Mais c'est surtout Pitre qui a publié des renseignements très importants.
Dans ses Usi e costumi délia Sicilia, il vient
de décrire 48 gestes particuliers aux délinquants.
Cet abus des gestes***'explique par la mobilité
exagérée qu'ont les criminels-nés, tout à fait
comme les enfants.
TATOUAGE. — J'avais cru qu'il n'y aurait à ce
propos plus rien à dire après les belles éludes de
MM. Lacassagne, Marro, et après les miennes (1).
Cependant les recherches faites par MM. Scveri,
Lucchini et Boselli sur 4,000 nouveaux criminels,
ont donné des résultats d'une haute importance
et tout d'abord une proportion octuple de celle
des aliénés de la même région (Florence et
Lucques). Cette diffusion énorme va jusqu'à 40
p. 100 chez les militaires criminels, à 33 p.. 100
chez les mineurs ; les femmes ne donneraient que
1,6 p. 100, mais la proportion s'élèverait à 2 p.
100 si l'on voulait y comprendre certains
tatouages-mouches ressemblant aux grains de
beauté, qui sont en usage jusque dans la haute)
prostitution.
Ce qui frappe le plus dans ces recherches,
après la fréquence, c'est le caractère spécifique
desdits tatouages : l'obscénité, la vantardise
(1) Voir Nouvelle Revue, 1888, et l/omo deliquente, 4* éd.1889.
&.
8S
M'M
ifcvV?»
LES PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
du crime, et le contraste étrange des passions
mauvaises et des sentiments les plus délicats.
M. C... âgé de vingt-sept ans, condamné cinquante fois au moins pour révolte, coups et blessures d'hommes el de chevaux, a pour ainsi dire
l'histoire de ses crimes .écrite sur sa peau, et à ce
propos, notons que tout récemment l'infime de
Rosny, * qui s'est suicidée à Lyon, avait le corps
couvert de tatouages représentant des figures
erotiques; on y lisait la liste de ses amants et les
dates auxquelles elle les avait quittés (1).
F. S..., charretier, âgé de vingt-six ans, récidiviste, porte sur sa poitrine un cœur percé par un
poignard (signe de vengeance), sur la main droite
une chanteuse de café-concert dont il s'était épris.
A côté de ces tatouages et d'autres que les
convenances nous empêchent de citer, on voit
avec surprise le dessein d'un tombeau avec
l'épithaphe : A mon père chéri. Contradictions
étranges de l'esprit humain !
Un nommé B..., déserteur, a sur la poitrine un
saint Georges et la croix de la Légion d'honneur,
et sur le bras droit une femme très peu habillée
qui boit, avec l'inscription : Mouillons un peu C
intérieur.
Q. A..., journalier, condamné plusieurs fois
pour vol, expulsé de France et de Suisse, a sur la
poitrine deux gendarmes suisses avec les mots ;
<\) Voir Atlas de l'Homme criminel, 1888, Alcan, pi. XXXII,
XXXIX.
LES FONCTIONS DES CRIMINELS
83
Vive la République t Sur le bras droit un cœur
percé et à côté un poisson, un maquereau, pour
signifier qu'il veut poignarder un souteneur, son
rival.
Nous avons vu sur le bras gauche d'un autre
voleur, un pot de citronnier avec les initiales V.
G. (vengeance) ; ce qui, dans l'étrange langage des
criminels, veut dire : trahison et après, vengeance. 11 ne nous cachait pas que sa pensée
continuelle était de se venger de la femme qui l'avait aimé et depuis abandonné : son désir est de
lui couper le nez; il.refusa même l'offre que lui
fit son frère de se charger de l'Opération, pour le|
plaisir de l'exécuter personnellement une fois en
liberté.
On voit donc, par ces quelques exemples,
qu'il y a parmi les criminels une espèce d'écriture
hiéroglyphique, mais qui n'est pas réglée, ni
fixée; elle dérive des événements journaliers et
de l'argot, comme cela devait ôtre chez les
hommes primitifs.
Très souvent, en effet, la clef y signifie le
silence du secret entre les voleurs, et la tête de
mort la vengeance. Parfois on remplace les
figures par des points : ainsi un repris de justice
s'est marqué avec 17 points, ce qui veut dire,
selon lui, qu'il se propose d'outrager dix-sept fois
son ennemi lorsqu'il lui tombera sous la main.
Les tatoués criminels de Naples ont l'habitude
de faire de longues inscriptions; mais les mots
sont remplacés par des initiales. Beaucoup de
camorristes de Naples portent un tatouage qui
84
LES PROGRÈS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
îeprésente une grille derrière laquelle se trouve
un prisonnier, et au-dessous les initiales Q. ^F.
Q. P. M., c'est-à-dire Quando finiranno queste
pêne ? Mai ! (Quand finiront ces peines ? Jamais!)
D'autres portent l'épigraphe C. G. P. V., etc.,
c'est-à-dire : Courage, galériens, pour voler et
piller nous devons tout mettre à sang et à feu.
On voit donc déjà ici que certains tatouages
sont employés par des associations criminelles et
qu'ils sont un signal de' ralliement.
En Bavière et dans le sud de l'Allemagne, les
voleurs à la tire, qui sont réunis en véritables
associations, se reconnaissent entre eux par le
tatouage épigraphique T. und L., c'est-à-dire Thaï
und Land, mots qu'ils doivent échanger à demivoix quand ils se rencontrent, sans cela ils se
dénoncent eux-mêmes à la police.
Le voleur R..., qui porte sur le bras droit un
dessin représentant deux mains entre-croisées et
le mot Union entouré d'une guirlande de fleurs,
nous dit que ce tatouage est adopté par beaucoup
de malfaiteurs et associés du midi de la France
(Draguignan).
D'après des révélations qui nous ont été faites
par des camorristes émérites, cinq points sur la
main droite, un lézard ou un serpent, signalent le
premier grade dans cette dangereuse association.
Je passe sous silence, et pour cause, la diffusion des tatouages sur toutes les autres parties du
corps.
Dans la Revis la de antropologia criminal,
*» *-••-— --— •**? H*b'> ' JI^.'1._.JJ'
LES FONCTIONS DES CRIMINELS
85
nouvelle publication qui vient de paraître à
Madrid, M. Sallilas a publié une excellente étude
sur le tatouage des criminels espagnols. Selon
lui, cet usage est fréquent parmi les meurtriers ;
la prédominance du caractère religieux s'y observe,
mais toujours avec ce cachet de cynisme obscène
qu'on remarque chez tous les autres.
J'ai eu l'occasion, récemment, de vérifier jusqu'à
quel point est alavislique l'impulsion qui conduit
les criminels à s'infliger cette étrange opération.
Un voleur des plus incorrigibles, qui a six
frères tatoués comme lui, me priait, quoiqu'il fût à
demi couvert des tatouages les plus cyniques, de
lui chercher un tatoueur de profession pour
achever ce qu'on pouvait bien appeler la tapisserie de sa peau. « Lorsque le tatouage est bien
drôle et répandu sur tout le corps, me disait-il,
c'est, pour nous autres voleurs, comme l'habit
noir de société avec des décorations; plus nous
sommes tatoués et plus nous nous estimons ;
plus un individu est tatoué, plus il a d'autorité
sur ses compagnons. Au contraire, celui qui n'est,
pas bien tatoué ne jouit d'aucune influence, n'est
pas tenu pour bon gredin, n'a pas l'estime de la
compagnie.
. Un autre aussi me disait : « Bien souvent,
quand nous allons chez les filles, en nous voyant
ainsi couverts de tatouages, elles nous comblent
de cadeaux et nous donnent de l'argent au lieu
d'en exiger. »
SAUVAGES. — Pour comprendre combien cet
86
LES PROGRÉS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
usage est atavistique il faut le suivre chez les
sauvages.
Dans toute la Mélanésie, rapporte Letourneau,
la couleur rouge étant en grand honneur, c'est
celle que l'on préfère d'habitude pour se farder ou
se peindre. Le pauvre Tasmanien s'enduit le
corps avec de la graisse de veau marin, de kangourou, à laquelle il incorpore de l'ocre rouge.
Avant d'aller à la danse ou en visite, les dandys
australiens se tracent ou se font tracer sur la poitrine et les jambes des lignes rouges et blanches
qui se croisent. Ainsi parés, ils s'admirent et se
pavanent avec une vanité bien réjouissante. Les
Fuégiens se peignent, sur le corps et surtout sur
la figure, des dessins blancs, noirs et rouges. Sur
les rives de l'Orénoque, on dit d'un homme, pour
indiquer son extrême misère, « qu'il n'a pas le
moyen de peindre la moitié de son corps » ; hommes et femmes éprouvent un sentiment de honte
quand il leur faut se laisser voir sans les peintures, qui sont dans ces pays la suprême parure.
En Afrique, les beautés hottentotes se frottent
le corps de graisse et se saupoudrent ensuite avec
de la pousière d'ocre rouge. Plus au nord, dans
l'Afrique centrale le long du Niger, dans le Soudan, le goût du rouge, si répandu par toute la
terre, fait place à l'amour de la couleur bleue.
Près du lac Tchad, deux voyageurs virent un
Sultan dont la barbe était teinte en un magnifique
bleu d'azur.
Puis, ailleurs, toute la palette y passe. Les femmes de Sackatou teignent avec de l'indigo les
LES FONCTIONS DES CRIMINELS
87
nattes de leur chevelure; en même temps elles
rougissent leurs dents, leurs mains, leurs pieds,
leurs ongles. Les femmes du Nyfle teignent leurs
chevelures et leurs sourcils à l'indigo ; leurs cils
sont noircis au khôl ; leurs lèvres sont teintes
en jaune ; le henné rougit leurs dents, leurs mains
et leurs pieds.
En Birmanie, les femmes se saupoudrent la face
d'une fine poudre de bois de santal odoriférant et
se teignent en rouge les ongles des pieds et des
mains.
Les élégantes de Bagdad se teignaient, dans le
temps, les lèvres en azur ; elles se traçaient sur
les jambes des cercles et des ratos de la même
couleur, se dessinaient une ceinture bleue autour
de la taille, entouraient chacun de leurs seins d'une
couronne de fleurs bleues.
Primitivement le tatouage a été purement ornemental, c'est pour se faire beau que l'homme primitif s'est tatoué. Puis, peu à peu, à la longue,
ainsi que le constate le docteur Delisle, il a servi
à caractériser une classe sociale, ici signe de noblesse, là indice de servitude, établissant enfin
une distinction entre les membres d'une même
famille, d'un élan, d'une tribu, d'un peuple même
et plus tard encore désignant une catégorie d'individus, profession ou religion.
Quelques particularités, entre mille autres. Pour
montrer l'importance que le tatouage joue dans la
vie des populations des lies du Pacifique, disons
qu'aux Iles Marquises, le dieu le plus en faveur,
c'est Tiài, le dieu et l'inventeur du tatouage. On
88
LES PROGRÉS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
y voit partout son image, — un homme monstrueux, avec un nez épaté très large, de grands
yeux, une bouche énorme, un gros ventre, les
jambes fléchies, les bras collés au corps, les mains
se joignant sur l'abdomen.
En Polynésie le tatouage est pratiqué vers l'âge
de onze ou douze ans : il est ce qu'était la robe
prétexte pour les jeunes Romains. Aux lies
Marquises, il fait pour ainsi dire un vêtement aux
hommes ; on croirait à s'y méprendre, qu'ils sont
couverts d'une armure. Leur figure disparaît sousces stigmates ; ici les femmes 'sont en général peu '
tatouées, mais les coquettes ont sur les pieds et les
mains, les jambes et les avant-bras, des dessins si
délicats qu'on dirait des bas et des gants à jour.
Pour plaire aux femmes et pouvoir trouver une
épouse, raconte le docteur Delisle, le Laotien doit
être tatoué du nombril jusqu'au-dessus du mollet,
tout autour de la cuisse, tandis que chez les
Dayocks, ce sont les femmes qui subissent l'opération pour conquérir des amoureux. Le tatouage du
Laotien, très animé, représente des animaux fantastiques, analogues à ceux des monuments bouddhiques. Chez les indigènes des lies Marquises, le
tatouage figure pour les femmes des dessins de
tout genre, bottines, gants, boucles, soleils, arcs,
ou des lignes tracées avec une finesse et une perfection remarquables; pour les hommes ce sont
des animaux, des requins, des cancrelats, des
lézards, des serpents ou des plantes, des figures
géométriques; ici le tatouage constitue de véritables œuvres d'art.
wSSiSm
LES FONCTIONS DES CRIMINELS
89
Parfois, tatouages et mutilations se mêlent. Il
y a des têtes célèbres de chefs de la Nouvelle-Zélande surchargées de lignes courbes, avec incisions
profondes apparaissant en creux et de couleurs
foncées; les intervalles sont colorés par un tatouage par piqûre qui colore le tégument en bleu.
Ces lignes courbes n'épargnent aucune partie de
la figure et sont d'autant plus serrées et nombreuses que celui qui les porte est un guerriei
plus renommé ou un chef d'origine ancienne.
Dans les relations avec les Européens, le tatouage des Néo-Zélandais a eu parfois un emploi
inattendu. Ainsi les missionnaires ayant acheté à
un chef une certaine étendue de terrain, le tatouage
facial du vendeur fut dessiné au bas de l'acte de
vente, en guise de signature.
Dans les archipels polynésiens, nous l'avons dit,
les femmes se tatouent peu la figure ; mais « le
diable de la coquetterie n'y perd rien, raconte
Gook, » et elles se couvrent le corps, surtout la
face postérieure des cuisses et les fesses, de capricieux dessins, qu'elles montrent volontiers et
avec ostentation.
A Nouka-Hiva, les dames nobles peuvent porter des tatouages plus nombreux que ceux des
femmes du peuple.
Aux lies Marquises, on peut voir le crâne chauve
des vieillards couvert de tatouages.
La mode joue aussi son rôle dans les diverses
formes de tatouage. Ainsi, à la Nouvel!e-Zélande, il
y a quelque temps, c'étaient les lignes courbes qui
étaient en vogue; aujourd'hui ce sont les figures.
90
LES PROGRÉS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
Les femmes arabes (1) sont très largement tatouées sur le dos des mains, sur les avant-bras,
les bras, sur la base du cou et sur le haut de la
poitrine. Leurs poignets sont particulièrement!
riches en guirlandes, en traits entre-croisés, en
dessins circulaires qui simulent des bracelets.
Le tatouage est un usage commun aux Arabes
des deux sexes ; les tirailleurs algériens qui sont
recrutés dans les tribus, sont fréquemment marqués au visage.
Si les tatouages algériens que nous avons vus
se rapprochent des tatouages européens par leur
teinte bleu foncé, ils s'en distinguent par la simplicité des ornemeutsdécoratifs: petites croix,traits
droits, circulaires, entre-croisés, guirlandes, etc.
La figuration humaine, si habituelle dans les empreintes européennes, est d'ailleurs absolument
proscrite par le Coran. Enfin, caractère distinctif
essentiel, le tatouage du visage est très commun
chez les Arabes; il est même employé parfois
comme marque de famille ou de tribu, tandis
qu'en France les tatouages du visage sont spéciaux
aux criminels et sont vraiment infamants.
Après cela, si le tatouage des criminels n'est
pas de l'atavisme, l'atavisme n'existe pas dans la
science (2).
(1) Les tatouages et les peintures de la peau, par G. Variot
Revue scientifique, 1889.
(2) Récemment Christian (Gai. des Hôpitaux, 1" mars 1891),
a illustré le cas unique d'un fou (monomanie de persécution),
de 30 ans, qui s'était pratiqué des tatouages sur tout le corps :
mais c'étaient des figures symboliques de son délire dont lui
seul avait la clef : ce qui montre la différence avec les criminels
qui ont des tatouages atavistiques.
LES FONCTIONS DES CRIMINELS
Certainement, on peut dire de celui-ci, comme
de tous les autres caractères des criminels, qu'on
peut le rencontrer chez les gens normaux ; mais
c'est la proportion, la diffusion et l'intensité qui
sont bien plus saillantes; c'est la nuance spécifique,
la couleur locale du cynisme, la vanité inutile et
imprudente du crime, qui manquent chez les hommes honnêtes et môme chez les fous, chez lesquels le tatouage est une très rare exception,
comme nous l'ont démontré Severi et Christian.
Mais on nous objectera que ceci n'est pas de
la psychologie et que c'est seulement avec elle
qu'on peut tracer le portrait de l'homme criminel.
Je pourrais bien répondre que ces tatouages
sont de véritables phénomènes psychologiques ;
j'ajouterai que M. Ferri, dans les préliminaires de
son ouvrage sur les homicides, nous a donné,
avec une vraie psychologie statistique, l'analyse
de tous les penchants criminels et de leur contenance avant et après le crime. Parmi les criminels-nés, par exemple, 42 p. 100 nient toujours
le crime, tandis que parmi les criminels d'occasion les auteurs de blessures surtout, 21 p. 100
seulement nient tout : des premiers 1 p. 100,
des seconds 2 p. 100 avouent en pleurant, etc.
CHAPITRE III
GÉNÉRALITÉS. — PATHOLOGIE DE L'HOMME
CRIMINEL
Les criminels d'occasion (1) ou criminahïdes
mlont montré (comme on dirait dans le langage
bactériologique) atténués, mais pourtant bien visibles, encore, les caractères des criminels-nés. La
sensibilité y est moins obtuse, les réflexes moins
irréguliers, les anomalies moins fréquentes, surtout dans le crâne ; mais ils ont, toutefois, quelques caractères anormaux, comme les cheveux
plus noirs chez les voleurs domestiques, la gaucherie plus fréquente chez les escrocs ; chez tous
on trouve une grande impulsivité, et, ce qu'on
attendait le moins, une plus grande précocité. Ils
présentent aussi plus de récidives.
Il suffirait de citer les filous et les coupeurs de
bourse qui sont les plus jeunes, les plus récidivistes et pourtant les moins entachés de caractères dégénératifs et héréditaires, de tous les
criminels.
Lé délinquant-né, aussi bien que le délinquant
(1) Voir : L'uomo delinquente, II* vol., 3* édit., 1889.
GÉNÉRALITÉS. PATHOLOGIE DE L'ffOMME CRIMINEL 03
d'habitude, différerait, selon Ferri, du délinquant
d'occasion, parce que le premier est poussé au
crime par une force intérieure, acquise ou innée,
d'où lui vient l'étrange plaisir qu'il goûte à mal
faire ; tandis que le dernier, quand une force
extérieure le pousse, n'est pas retenu dans l'honnêteté par une répugnance suffisante. Toutefois,
selon moi, ce n'est que question de degrés. De
môme qu'au-dessus du crétin, il y a les demi-crélins, les crétineux, il y a le criminaloïde au-dessus
du criminel-né ; c'est un homme qui ne se laisse
entraîner au crime que dans les grandes occasions. Le malheur est que l'occasion est toujours
le point de départ d'une habitude : et le ' défaut
de répugnance conduit, par la répétition des mômes
actes, à y trouver une jouissance de plus en plus
vive.
On se demande, en effet, pourquoi tous les
hommes qui reçoivent une offense ne réagissent
pas en tuant l'offenseur ?
Pourquoi tous ceux qui se savent trahis par leur
femme ne la tuent pas ?
L'occasion ne fait pas le larron, elle le révèle,
a dit très bien M. Garofalo {Criminologie, 2" édition, 1890). L'occasion n'agit que par sa rencontre
avec une disposition interne du sujet, disposition
produite soit par l'hérédité, soit par l'éducation,
soit plutôt par une combinaison des deux, mais,
en tout cas, par une action directe ou indirecte
du milieu social dans lequel les ancêtres de l'individu ont été baignés comme lui-même toute
leur vie.
04
LES PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
Eyraud me semble un des exemples des crimïnaloïdes devenu avec le temps le criminel d'habitude, le criminel professionnel.
Fig. 4. — Eyraud.
La physionomie d'Eyraud ne correspond en
rien à sa mauvaise renommée.
Ce n'est pas qu'il lui manque quelque caractère
dégénératif : l'oreille longue, 6e"1,1, est écartée;
la bosse frontale gauche est très développée* avec
GÉNÉRALITÉS. PATHOLOGIE DE L'HOMME CRIMINEL 95
une vraie asymétrie; autour des yeux, petits, circulent des rides anormales ; les lèvres et les mâchoires sont très développées, comme on les voit
fréquemment parmi les débauchés. Mais tous ces
caractères ne sont pas très accentués ni très nombreux; il leur manque cet ensemble qui forme,
pour moi, le type criminel.
C'est là, en somme, une physionomie très fréquente parmi celles que l'on rencontre dans certains commerces interlopes.
La craniométrie ne donne pas des résultats
plus intéressants. La capacité crânienne d'Eyraud
doit être égale ou supérieure à la moyenne ; son
front est très développé, seulement on y observe
une brachycéphalie exagérée, que l'on remarque
souvent chez les meurtriers.
11 a enfin un autre caractère qui est bien plus
commun chez les criminels que chez les hommes
normaux. C'est la prédominance de la grande envergure (longueur des deux bras) sur la taille ;>
il a lm,66 de hauteur sur une envergure de lm,72
au lieu de lm,66.
De ses fonctions organiques, deux seules me
sont connues : l'activité de ses sens, qui est précoce et énorme, comme on l'observe bien souvent
chez les meurtriers ; et son écriture, qui correspond, dans son énergique grossièreté — le développement des t et des r, le trait vertical aigu de
la signature, l'allongement des lettres — à l'écriture des criminels; elle est tout à fait semblable
à la signature des brigands, des meurtriers, dont
j'ai donné le fac-similé dans mon Atlas de F Homme
LES PROGRÈS DE L'AWTHROPOLOCIE CRIMINELLE
Criminel (PI. XXH-XXIII) et à celle du criminel
par suggestion hypnotique (PI. XXX).
Hormis l'envergure, l'écriture et quelques caractères physionomiques, Eyraud ne semble pas un
sr-Tïpi. ^v ^^^
Fig. 5. — Fac-similé de l'écriture d'Eyraud.
criminel-né. Il en est do même en ce qui concerne
son côté psychologique.
L'amour du mal pour le mal, qui est le vrai
caractère du criminel-né, surtout dans les crimes
de sang, ne put s'observer en lui, à l'époque de
son enfance et de sa jeunesse. Il n'a été jusque-là
GÉNÉRALITÉS. PATHOLOGIE DE L'HOMME CRIMINEL 97
que déserteur et escroc. L'enquête a établi que
c'était un homme jovial, aimant à rire, mais en
môme temps brusque, violent, se mettant facilement en colère, d'emportant parfois sans motif
sérieux jusqu'à la fureur, aimant les femmes à
l'excès, et capable de tout pour satisfaire cette
passion. La femme, toujours la femme, telle a
été l'unique préoccupation de l'accusé. Après le
crime, en Amérique, on le rencontre dans toutes
les maisons suspectes.
Depuis son arrestation, Eyraud parle sans cesse
de ses anciennes amours. Cela devient chez lui
une idée fixe, une obsession de toutes les heures,
de tous les instants. Cette folie se traduit, dans
sa cellule, par des actes que les gardiens ont de
la peine à empêcher.
C'est pour une femme qu'il devient déserteur,
c'est pour les femmes qu'il dépense l'argent qu'il
avait mis dans le commerce des cuirs et dans la
) distillerie. C'est pour l'une d'elles, enfin, que,
harcelé, traqué, à bout de ressources pécuniaires
il devient assassin.
11 s'est épris très vite de sa complice, Gabrielle
Bompard, justement parce que cette dernière, en
créature pervertie jusqu'à la mpelle, avait pour lui
cette affinité élective qu'on observe si souvent chez
les criminels. C'est pour elle et à cause d'elle qu'il a
accompli son crime, qu'il a été découvert et arrêté.
L'instruction ne nous a-t-elle pas révélé que,
lors de sa fuite en Amérique, Eyraud avait tenté
de tuer une femme qui ne voulait pas abandonner
le domicile conjugal ?
LOHDROSO. — Anlhr. crim.
6
08
LES PROCHES DE ^ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
Ce qui rapproche Eyraud du criminel-né, c'est]
sa légèreté.
Il passe avec une extraordinaire rapidité d'une
idée gaie à une idée triste; même incohérence]
dans sa conversation. En • lui donnant un bon
cigare, on calme immédiatement son chagrin, j
Son intelligence est très développée : il parle
l'italien, l'anglais, le portugais; il réussit d'abord
dans toutes ses entreprises ; mais jamais il ne peut
se fixer dans aucune. Commerçant, il ne fait que
gaspiller ses ressources. Même dans l'accomplissement du crime, quoique la préméditation soit
manifeste, la légèreté reparaît.
Pour qui a suivi toutes les circonstances de
l'assassinat et de sa préparation, on remarque
une grande incohérence qui a frappé les magistrats instructeurs.
Eyraud a commis des imprudences inexplicables,
naïves; à Lyon étant seul en voiture avec Gabricllc Borapard, et portant le cadavre de Gouiïé,
il errait comme un fou ; il a jeté le corps dans un
endroit où passent des quantités de gens. Un
concours de circonstances a fait croire que l'assassin était un criminel très habile. 11 n'en est
rien.
Du criminel-né il a L'insensibilité morale, celte
indifférence pour la vie des hommes, cette froide
cruauté dans le crime que, certainement, il
rêvait de renouveler en Amérique contre M. Garanger.
En somme, on peut dire qu'il y a là un escroc,
et surtout un débauché, un criminaloïde devenu
GÉNÉJïALlTÉS. PATHOLOGIE DE L'HOMME CrtlMINEL 09
criminel d'habitude, entraîné qu'il fût par la préoccupation constante de la femme. Sans Gabriclle
Fig. 6. — Gabriclle Bompard.
Bompard, je suis absolument persuadé que Michel
Eyraud n'aurait été qu'un simple escroc.
On voit par là que les caractères physionoïniques
de l'accusé sont parallèles à ses côtés psychologiques.
Il
100
LES PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
L'absence de toute hérédité morbide chez
Eyraud me confirme dans mon opinion, qui ne
peut, toutefois, avoir une base de certitude absolue, attendu que le côté des examens fonctionnels chez l'accusé a fait défaut.
Au contraire Gabrielle Bompard présente selon
les photographies que j'ai sous les yeux et selon
la magnifique expertise de Brouardel, de Ballet et
de Motet (1), tous les caractères des criminels-nés,
quoique dans la femme ils soient aussi exceptionnels.
La taille est de 4m,46; le développement des
hanches et des seins est rudimentaire ; — l'indice
céphalique est 81. Elle a les cheveux touffus, des
rides anormales, précoces, une pâleur livide du
visage, le lobule de l'oreille trop développé, le
nez court et retroussé, la mâchoire très volumineuse pour une femme ; elle a surtout l'asymétrie
du visage, et l'eurignatisme mongolien. Ajoutez-y
l'hyperestésie hystérique au brygma, aux points
ovariques, l'aneslhésie du bras gauche, l'obtusité
visuelle, olfactive, auditive à gauche, le rétrécissement du champ visuel : la haine pour le père,
l'indifférence, l'apathie cynique qui lui fait dire :
« La fameuse malle : je ne savais pas qu'on y
mettrait un huissier. » Il y en a plus qu'il ne faut
pour lui trouver le type criminel. Tout le prestige
de sa beauté, d'ailleurs trop vantée, vient de la
mauvaise auréole que lui donne le vice précoce.
Elle a été d'une précocité (menstruation à 8 ans)
(1) Archives d'Anthropologie criminelle, 1891, Lyon.
GÉNÉRALITÉS. PATHOLOGIE DE L'HOMME CRIMINEL 101
et d'une ardeur dans la débauche très grandes. Or
ce caractère, se rattache très facilement au goût
sanguinaire, meurtrier.
Elle a dû se prêter de bonne grâce à l'idée d'un
meurtre.
N'est-ce pas elle qui a confectionné le sac fatal
bien des jours avant le crime? N'est-ce pas elle
qui a attiré la victime et n'a-l-elle pas aidé matériellement à la perpétration du meurtre ? Après
le crime, elle a dormi froidement dans la même
chambre, à côté du cadavre de la victime (ce que
j'ai observé souvent chez bien des criminels-nés,
dans mon Homme criminel).
Je ne crois pas qu'elle ait agi par suggestion
hypnotique ; la personnalité criminelle n'est acceptée, en tout cas, que par des gens prédisposés
au crime. Une de mes malades, hystérique, d'une
moralité plus que douteuse, obéissait très vivement quand on lui suggérait d'être un filou, un
souteneur, mais elle se révoltait quand on lui
ordonnait d'être un savant ou un moraliste (1).
Le brusque changement survenu dans la
conduite de Gabrlelle Bompard est aisément explicable. De complice elle est devenue accusatrice.
Pourquoi? C'est d'abord un trait, une habitude
que l'on remarque chez les criminels associés, de
s'accuser d'abord, puis d'essayer d'atténuer leur
crime en prétendant qu'ils ont subi la domination
des complices.
Et puis, celte malheureuse, en vraie femme
(1) Studi suW ipnotismo, 1889, 2* édition.
0.
LES PROGRÉS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
qu'elle est, doublée des habitudes des criminels,
ne peut pas étouffer en elle-même la vanité du
crime ; elle a besoin d'en parler, de s'en épancher
auprès d'un tiers, (put en jouant la comédie de la
femme vertueuse.
Pour compléter son rôle, dans cette comédie,
elle pousse ce tiers à aller dénoncer son complice ;
ne comprenant pas tout d'abord, grâce à l'imprévoyance qu'ont tous les criminels-nés, le péril
auquel elle s'expose. A cela s'ajoute la conviction
complète que les natures de ce genre acquièrent
de leurs propres mensonges.
La source de tous ces penchants remonte, du
reste, à l'hérédité. Dans la ligne paternelle elle a
un oncle avec des bizarreries de caractère ; dans la
ligne maternelle, elle avait aussi un oncle atteint
d'aliénation mentale au moment de son décès.
La mère de l'inculpée est morte, il y a treize
ans, à l'âge de trente-cinq ans, à la suite d'une
maladie aiguë du poumon; c'était une femme
d'une santé assez délicate, un peu apathique.
Gabrielle Bompard, au dire de son père, aurait
eu des convulsions dans l'enfance (Brouardel), ce
qui donne le soupçon d'une ancienne méningite
infantile. Tout enfant, elle était d'un caractère
difficile. On dit d'elle « qu'elle était vicieuse,
menteuse, ne pensant qu'aux hommes, et à la
toilette » (Brouardel).
Elle dit à-son père : Je préférerais de beaucoup
aller au bagne plutôt que de repriser une chemise,
ce qui s'accorde avec la paresse et l'horreur du
travail du criminel-né. — Elle ne voulait pas se
GÉNÉRALITÉS. PATHOLOGIE DE L'HOMME CRIMINEL 103
marier, car, disait-elle encore à son père, un
homme seul ne lui aurait pas suffi. Elle distinguait, disait celui-ci, le bien du mal ; mais elle ne
pouvait maîtriser ses impulsions mauvaises.
A douze ans, son père ne put la garder chez lui ;
il la plaça dans un couvent à Nancy, et après à
Ypres, à Fourmies. Elle y resta un an. Mais la supérieure invita son père à la reprendre « à cause
de sa mauvaise conduite, et des propos qu'elle
tenait contre les nonnes, les confesseurs, etc. ». On
l'a dit alors aussi dépravée qu'une femme vicieuse
à 40 ans.
Sortie du couvent de Fourmies, elle fut placée
à Lille (1883), chez une institutrice qui ne la
garda pas. De là elle passa dans l'institution tenue
par des sœurs, àMarf.
Il fallut encore la retirer (deuxième semestre
1883) ; et personne ne voulant plus d'elle, son
père dut la conduire au couvent du Bon Pasteur
d'Arras. — Voilà la vraie criminelle-née.
Le criminel latent (1), honnête par accident, ou
en apparence, est le contre-pied du criminel d'occasion. Les politiciens y sont très nombreux.
Assez souvent c'est la politique, la lutte sociale,
comme parfois la religion, qui sert de soupape de
sûreté et encore plus de verni aux tendances criminelles, grâce au misonéisme moindre qui rend
le criminel plus disposé que l'honnête homme à
accueillir les nouveautés (p. 133). On s'explique
(l)Lombioso Uomo délinquante, II* vol., 18S9. Je copie dajis
ce résumé, la belle revue critique de Tarde. (H. Philosophique,
1889, n° 11.)
1UI LES PROGRÉS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
ainsi pourquoi des hommes qui présentent « le
type criminel très caractérisé et des anomalies
névropathiques très marquées », non seulement
n'ont commis aucun délit de droit commun, «
mais encore sont dévoués avec une abnégation
extraordinaire aux fonctions politiques ».
On s'explique aussi bien en vertu de quelle
affinité profonde les détenus politiques se sentent
souvent attirés dans les prisons, comme l'a observé
l'un deux, vers les détenus ordinaires. Du reste il
leur arrive souvent de franchir le Rubicon du délit
vulgaire. Dans l'histoire des révolutions
françaises, des troubles irlandais, des anciennes
émeutes de Florence, bien nombreux sont les.
hommes d'Etat qui ont été voleurs, assassins ; et
longue en est la liste (Tarde).
Dans l'état de vraie oligarchie avocatesque où
se trouvent les sociétés européennes, la dénonciation de leurs méfaits tournerait au détrirnenl
de l'accusateur. Moi-môme, je pourrais citer quelques complices ou chefs notoirement connus de
certaines camorres, et notamment un collègue qui
m'a volé, enfant, jeune homme, homme mûr, et
qui a tous les caractères du criminel-né, tout en
restant très honoré.
MATTOÏDES. — Non seulement il y a des folies
spécialement adaptées -à chaque espèce de délit,
mais encore parmi les folies d'autre nature, il n'y
en a pas une qui ne paie son tribut criminel plus
ou moins considérable. Au nombre de celles-ci,
le mattoïdisme mérite une place à part. Gombi-
GÉNÉRALITÉS. PATHOLOGIE DR L'HOMME CRIMINEL 105
n ai son d'imbécillité et de mégalomanie, il consiste
en une bouffissure extravagante d'orgueil et d'ambition, dans une tête faible. Le matlolde est le
produit d'une civilisation hâtive et factice. 11
change souvent de métier, comme, d'ailleurs, la
plupart des délinquants. II est processif polémiste
enragé, tourmenté d'idées fixes enrichies de développements contradictoires. Il a presque toujours la physionomie et le crâne normaux ; il
prédomine constamment chez les hommes ; je ne
trouve dans toute l'Europe qu'un seul exemple
féminin, M"0 Louise Michel ; il apparaît surtout
dans les grandes villes, douloureusement fatiguées
par la civilisation. Il conserve souvent les affections de famille', et même un amour de l'humanité en général, qui va jusqu'à l'altruisme exagéré,
quoiqu'il entre dans leur altruisme une forte
dose de vanité.
Les mattoldes ont la conviction exagérée de
leur mérite personnel, ue leur propre importance,
avec ce trait spécial que cette opinion apparaît
plus dans leurs écrits que dans les actes de leur
vie et dans leur langage, si bien qu'ils ne témoignent point d'irritation à l'égard de la contradiction et des tristesses de la vie pratique.
Dans leurs écrits, on trouve la recherche de
l'absurde, la contradiction continuelle, la prolixité,
et une tendance qui l'emporte sur toutes les
autres, la vanité.
Dans tous on constate plutôt le manque que
l'exubérance d'inspiration. Démoralisés par hypertrophie du moi, ils partagent avec le génie l'apli-
106 LÉS PROGRÈS" DÏTANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
tude à s'affranchir de la tradition et de la coutume, du misonéisme populaire. Aussi peuvent-ils
jouer un certain rôle politique.
Beaucoup de régicides et de présidenticides ont
été mattoïdes; beaucoup de chefs de parti pareillement. Eux aussi ont puisé bien souvent leur
délictuosité à la grande source épilcplique. Gui'
teau, par exemple, en luant le président Garfield,
semble avoir cédé à une crise épilcptolde dont ce
meurtre a été le dénouement. — Mais n'oublions
pas qu'il y a aussi de bons mattoïdes, par exemple
Don Quichotte.
HAPITRE IV
TIQUES ET LES CRI
Le problème le plus important, résolu seulement à moitié, au Congrès de Rome, celui de la
concomitance de l'épilepsie avec la criminalité congénitale, a été maintenant complété parles études
de Verga, Pinèro, Brunali, Marro, Gonzales, Tonnino, Lucas et par les miennes.
La série des cas d'épilepsie larvée avec conscience presque complète, s'est complétée par les
études généalogiques des familles épileptiques,
par leur filiation (Marro) de criminels, de phtisiques et de parents vieux (Marro).
11 faut aussi y ajouter les nouvelles études de
Venturi sur la folie transitoire (1888), de KrafftEbing sur les psychopathies sexuelles, que nous
avons prouvées se rapprocher bien des fois, par leur
intermittence, de l'amnésie des épileptiques (d).
La ressemblance des criminels avec les épileptiques se trouve aussi dans le retard de la calvitie
(1) Uomo délinquante, tome II, 1890.
m\$
108
LES PROGRÈS DE dftlTIinOPOLOGIE CRIMINELLE
et de la canitie, et dans les analogies de l'échange
moléculaire ; elle se complète par la statistique
qui nous montre, selon Alongi 14 p. 40b, selon
Marro 12 p. 100 et selon Ross jusqu'à 38 p. 100
d'épilepsie convulsive chez les criminels.
J'ai trouvé chez tous les deux la tendance au
vagabondage, l'obscénité, la paresse, la vanité du
délit, la graphomanie, l'argot, le tatouage, la dissimulation, l'absence de caractère, l'irritabilité
instantanée, la mégalomanie, l'intermittence dans
les sentiments et dans l'intelligence, la lâcheté ;
même retard dans l'équation personnelle relativement aux gens normalement constitués. Même
vanité. Même penchant à se contredire et à tout
exagérer. Même irritabilité morbide, caractère
mauvais, lunatique et soupçonneux.
J'ai moi-même et avec mon collègue Frigerio
observé que les jours d'orage, où les accès des
épileptiques deviennent plus fréquents, les hôtes
des prisons deviennent plus dangereux, déchirent
leurs vêtements, brisent leur mobilier, frappent
leurs surveillants. Dans certains cas, il y a chez
'les fous moraux et chez les coupables-nés une
sorte à'aura qui précède le délit et le fait pressentir ; il y avait, par exemple, un jeune homme
dont la famille s'apercevait qu'il méditait un vol
quand il portait continuellement la main au nez,
habitude qui finit par le lui déformer. Quant à
l'éclipsé de mémoire après l'accès délictueux,, elle
a été observée par Bianchi sur quatre fous moraux, et l'on sait aussi que les-enfants, ces criminels temporaires, ont l'oubli facile de leurs méfaits.
LES ÉPILEPTtQUES Et LES CRIMINELS
109
Dernièrement Agostini vient de combler la seule
lacune qui, peut-être, pouvait faire douter de celte
analogie
I
Agostini (1) a examiné la sensibilité chez 30 épîlcptiques avant et après l'accès. Le nombre de
ses observations monte à 103.
Il en conclut : que la sensibilité générale est
moindre dans les épileptiques que dans l'homme
sain ; elle présente chez eux des phénomènes de
latéralité, qui sont en rapport avec la plagiocéphalie et avec l'augmentation d'excitation dans
un des hémisphères ; cette différence augmente
après les convulsions.
Les réflexes cutanés sont plus faibles, mais
après l'accès ils deviennent plus vifs que dans les
individus sains. La sensibilité du goût, du tact,
de l'odorat, est toujours amoindrie, de môme
que la sensibilité électrique. Au contraire l'acuité
visuelle et le sens chromatique sont presque normaux, sauf le rétrécissement du champ visuel
après l'accès.
Tout cela est semblable à ce qu'on observe
dans les fous moraux et dans les criminels-nés.
Mais le rôle de l'épilepsie s'étend bien loin,
chez les alcooliques, chez les hystériques, chez les
psychopathes sexuels, -chez les fous : il suffît de
(1) Sur les variations de la sensibilité générale chef tet épi'
lepliques. Florence. 1889.
v
LOMiinoso. — Anllo: crim.
1
110 LES PROGRÈS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
lire tout ce qu'autrefois on disait des monomanes
homicides pour y retrouver les caractères de
l'épilepsie psychique. Son rôle va plus loin
encore, jusqu'à nous donner, peut-être, la clef du
mystère du génie — ce qui nous sera bien utile
pour éclaircir les cas des criminels de génie, et les
intermittences géniales de bien des fous moraux
et des coupables.
Aujourd'hui (1), en effet, d'après les études entièrement concordantes des cliniciens et des expérimentateurs, l'épilepsie se résout en une irritation i
localisée de l'écorce cérébrale, se manisfestant N
avec des accès tantôt instantanés, tantôt prolongés, K
mais toujours intermittents et reposant toujours I sur
un fond dégénératif, soit héréditaire, soit prédisposé
à l'irritation par l'alcool ou par des lésions
crâniennes, etc. — Nous entrevoyons alors une autre
conclusion que j'ai essayé de prouver dans mon
Homme de Génie : c'est que la création géniale
puisse être une forme de psychose dégé-nérative
appartenant à la famille des épilepsies. Ce qui le
prouverait, c'est que l'homme de génie dérive
fréquemment d'alcooliques, de vieillards, d'aliénés
(2) ; c'est l'apparition du génie à la suite de lésions à
la tête ; ou avec de fréquentes anomalies,
spécialement l'asymétrie crânienne ou le crâne de
capacité tantôt trop grande et tantôt trop faible ; c'est
la fréquence de la folie morale
(1) Voir mon Homme de Génie, 1888.
(2) Voir VHomme criminel lS88,ct\'Homme de Génie, p.10,
16,187,191,196.
LES ÉPILEPTIQUES ET LES CMMIMELS
111
chez le génie, à laquelle s'ajoutent aussi souvent
les hallucinations, la précocité vénérienne et intellectuelle, et non rarement le somnambulisme;
la fréquence du suicide qui est, d'autre part, très
commun chez les épileptiques (d), l'intermittence
et surtout les amnésies et les analgésies, la tendance fréquente au vagabondage, la religiosité qui
se manifeste jusque chez les athées comme chez
Comte, les étranges terreurs dont souvent (W.
Scott, Byron, Haller) ils sont saisis, la double
personnalité, la multiplicité des délires simultanés,
si commune chez les épileptiques (2) et que nous
avons vue être presque constante chez eux; la
fréquence des délires, même produits par des
causes minimes, et le même misonéisme, le
même rapport avec la criminalité, dont le trait
d'union se trouve dans la folie morale. Ajoutez-y
l'origine et la descendance de criminels et d'imbéciles (3) qu'on trouve constamment dans les
familles ayant des génies ou des épileptiques, et
qui peuvent être constatées dans les tableaux
sites des familles des Césars et de Charles V (4); la
passion étrange pour les bêtes que j'ai trouvée
(1) Voir l'Homme criminel, p. 601.
(2) Encéphale, n" 5, 1887.
(3) Voir les tableaux dans Dejerine. ouvr. cité.
(4) Homme Criminel, p. 599. — Mahomet avait une prédilection étrange pour son singe ; Richelieu pour son écureuil ; Crebillon, JHeïvétius, lientham, Erskine pour las chats : ce dernier
aussi pour une sangsue ! 1 Schopenhauer pour les chiens qu'il
a nommés ses héritiers. Byron avait une vraie ménagerie _
avec 10 chevaux, 8 chiens, 3 singes, 5 chats, 5 paons, Il aigle,
1 ours; Alfieri pour ses chevaux. (Smiles, ouvr. cité.)
112
LES PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
aussi souvent chez les dégénérés, et surtout chez
les épileptiques.
Les distractions célèbres des grands hommes
ne sont très souvent, écrit Tonnini, que de simples
absences épileptiques (1).
Mais ce qui le prouve plus encore, c'est celte
insensibilité affective, cette perte de sens moral
qui est générale chez tous les génies aliénés et non
aliénés, et qui fait de nos grands conquérants des
brigands sur une large échelle (2).
De telles conclusions pourraient sembler étranges à ceux qui ne savent point combien est étendu
le domaine de l'épilepsie ; aujourd'hui, on sait que
des hémicranies, des scialorrées intermittentes et
de simples amnésies doivent être rattachées à
l'épilepsie ; de très nombreuses formes monomaniaques ne sont pas des épilepsies larvées, puisque leur apparition, comme l'a montré Savage,
fait souvent disparaître toute trace de l'épilepsie
préexistente. Il suffirait de rappeler ici la foule
des hommes de génie de premier ordre qui ont
été saisis d'épilepsie motrice, ou de ce vertige,
ou de cette rage morbide qui n'en sont qu'une
variante, qu'un équivalent ; ces hommes sont :
Napoléon, Molière, Jules César, Pétrarque, Pierre
le Grand, Mahomet, Haendel, Swift, Richelieu,
Charles V, Flaubert, Dostojewski, Suenvazy et saint
Paul (3).
(1) Les Épilepsies, p. 19. Turin, 1886.
(2) Homme de génie, p. 53, 54. — Newton, Darwin, Swift, W.
Scott, étaient atteints de vertiges (Smiles. Ouvr. cité).
(3) Voir Homme criminel, partie III, p. 623.
LES ÉPILEPTIQUES ET LES CRIMINELS
1>3
Maintenant, pour qui connaît la loi binaire ou
sérielle do la statistique, suivant laquelle il ne sel
produit aucun phénomène qui ne soit l'expression/
d'une série nombreuse de faits analogues, mais»
distincts, une telle fréquence de l'épilepsie chez des
hommes — grands parmi les grands — doit nous
en faire soupçonner la diffusion bien plus vaste
parmi tous les autres hommes de génie, qu'on
ne le croirait tout d'abord, et nous aider à saisir
la conception de la nature épileplique du génie.
A cet égard, il est important de remarquer
aussi comment, chez ces grands hommes malades,
la forme convulsive de l'épilepsie est apparue très
rarement ; or on sait que les épileptiques, dont
la convulsion est plus rare, présentent l'équivalent
psychique qui est ici la création géniale plus
fréquente et plus intense.
Mais le parallélisme du génie avec l'épilepsie
nous est prouvé surtout par l'analogie de l'accès
épileptique avec le moment de l'inspiration, par
cette inconscience active et puissante qui crée,
dans l'un et produit des convulsions dans les autres.
Et ce qui complète la démonstration, c'est l'analyse de l'inspiration créatrice qui, même aux
yeux de ceux qui ignoraient les récentes découvertes sur la nature de l'épilepsie, la leur manifeste (1) ; non seulement elle s'associe fréquem(1)11 y aune fatalité (écrit de Concourt) dans le premier hasard
qui vous dicte l'idée. Puis c'est une force inconnue, uns volonté
supérieure, une sorte du nécessité d'écrire qui vous commandent l'œuvre et vous mènent la plume ; si bien que quelquefois
le livre qui vous sort des mains, ne vous semble pas sorti de
vous-même ; il vous étonne comme quelque chose qui était en
114 LES PROGRÈS DE L* ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
ment à l'insensibilité dolorifîque, non seulement
il y a l'irrégularité du pouls, l'inconscience souvent somnambulique de l'instantanéité, de l'intermittence, mais encore elle s'accompagne de
mouvements convulsifs, elle est suivie souvent
d'amnésie, elle est souvent provoquée par des
substances, ou par des conditions qui produisent
ou augmentent l'hyperémie cérébrale, ou par des
sensations puissantes, et enfin elle peut se transformer en hallucinations ou leur succéder.
Celte ressemblance de l'inspiration avec l'accès
épileplique nous est corroborée par une preuve
plus directe, plus intime, les confessions mêmes
des grands épileptiques, qui nous montrent
comment l'un se confond complètement avec
l'autre. Telles sont les confessions de Goncourt,
de Buffon, et surtout de Mahomet et de Dostojewski.
« Il y a des moments, écrit ce dernier, et cela
ne dure que cinq ou six secondes de suite, où
vous sentez soudain la présence de l'harmonie
éternelle. Ce phénomène n'est ni terrestre, ni céleste, mais c'est quelque chose que l'bomme, sous
son enveloppe terrestre, ne peut supporter. Il faut
se transformer physiquement ou mourir. C'est un
sentiment clair et indiscutable... Le plus terrible,
c'est 1'efirayante netteté avec laquelle il
vous et dont TOUS n'aviez pas conscience. C'est l'impression que
j'éprouve devant Sœur PhUomène. • Journal des Goncourt.
Paris, 1888. liulfon même qui avait dit : que l'invention dépend
de la\ i patience ajoute : il faut regarder longtemps son sujet : alors
il i se déroule et se développe peu a peu : voue tentes un petit F
coup d'éli'driciié qui vous frappe à la tôle, et en même temps [ vous
saisit le coeur ; voilà le moment du génie.
I
LES ÉPILEPTIQUES ET LES CRIMINELS
115
s'accuse, et la joie dont il vous remplit. Si cet état
dure plus de cinq; secondes, l'âme ne peut y résister et doit disparaître. »
« Au milieu de l'abattement, du marasme mental, de l'anxiété qu'éprouvait le malade, il y avait
des moments où son cerveau s'enflammait tout à
coup, pour ainsi dire, et où toutes ses forces vitales atteignaient subitement un degré prodigieux
d'intensité. La sensation de la vie, de l'existence
consciente, était presque décuplée dans ces instants rapides comme l'éclair. » (Dostojewski, Bési.)
Zola, dans les Romanciers naturalistes, nous
donne cette confession de Balzac : « L'artiste opère
sous l'empire de certaines circonstances, dont la
réunion est un mystère. Il ne s'appartient pas, il
est le jouet d'une force éminemment capricieuse :
tel jour pour un empire il ne toucherait pas son
pinceau, il n'écrirait pas une ligne.
« Un soir, au milieu de la sève, un matin en se
levant, ou au sein d'une joyeuse orgie, il arrive
qu'un charbon ardent touche ce crâne, ces mains,
cette langue tout à coup ; un mot réveille les
idées, elles naissent, grandissent, fermentent. Tel
est l'artiste, humble instrument d'une volonté
despotique, il obéit à un mailre. »
C'est sans doute à cette môme seconde que faisait allusion l'épileptique Mahomet quand il disait
« qu'il visitait toutes les demeures d'Allah en\
moins de temps qu'il n'en fallait à sa crue/ta
d'eau pour se vider (1) ».
(1) Th. Dostojewski. L'Idiot. Paris.
116 LES PROGRÉS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
Rapprochons, maintenant, cette description de
l'accès qu'on pourrait appeler psycho-épileptique,
et qui correspond exactement à l'idée physiologique de l'épilepsie (irritation corticale) avec toutes
les descriptions que les auteurs eux-mêmes nous
ont données de l'inspiration géniale, et nous verrons combien est parfaite la correspondance qui
existe entre ces deux phénomènes.
Ajoutons que, pour certains d'entre eux, ce n'est
pas seulement quelque rare paroxysme, mais l'existence entière qui rappelle la symptomatologie
psychique de l'épileptique. — Bourget observe
que « pour les Goncourt, la vie se réduit à une
série d'attaques d'épilepsie entre deux néants ».
{Nouveaux essais de psychologie, 1888, p. 179.)
Et les Goncourt ont fait toujours de l'autobiographie. — Mais il suffira pour tous, de jeter un coup
d'œil sur le tableau que nous trace Taine, du plus
grand des conquérants modernes, et sur le
portrait que nous donne Renan du plus grand des
apôtres. Toutes ces analogies nous expliquent
comment on peut trouver une grande intelligence
chez les criminels-nés, qui sont pourtant des imbéciles moraux, des idiots du sentiment.
III
Passons aux délinquants per impeto, c'est-àdire par éclat de passion, par coup de foudre.
Leur proportion est très mince, 5 à 6 p. 100.
Ils sont très jeunes, de dix-huit à vingt-cinq
LES EPILEPTIQHES ET LES CRIMINELS
117
ans ; plus nombreux parmi les femmes que dans
notre sexe ; très honnêtes au fond, très sensibles.
Leur repentir après le crime va jusqu'au suicide.
Beaucoup de délinquants politiques et de mères
;
nfanticides peuvent être rangés dans cette catégorie.
Us n'en sont pas moins eux-mêmes souvent
des épileptiques dissimulés. Tel était ce jeune
homme qui, pour se venger des refus de sa
maltresse, l'attendit, la tua en plein jour au
milieu de ses amies, puis se jeta sur son cadavre
qu'il couvrit de baisers et dont il fut impossible,
pendant des heures, de le détacher (1).
L'instantanéité, l'inconscience dans l'acte incriminé, l'éréthisme, la sensibilité exagérée dont ces
gens sont dotés absolument comme quelques
épileptiques, sont les anneaux qui renouent les
deux phénomènes.
Mais pour mieux saisir celte analogie, il faut se
souvenir
d'une belle découverte qu'on doit au
Dr Ch. Féré.
M. Ch. Féré (2) avait déjà constaté que, chez
les épileptiques, pendant l'aura, la pression artérielle (mesurée à l'aide du sphygmographe de
M. Bloch) augmentait de 200 à 300 grammes.
Cette pression forte se maintient pendant la
période convulsive, puis tombe au-dessous de la
normale, quand l'accès est terminé, et peut rester alors, pendant plusieurs jours, de 300 à
1) Arehivio di Psichialria, 1888. (2)
Hevue scientifique, 1889.
n
118
LES PROGRÈS DE «.'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
400 grammes inférieure à la normale. Dans le
simple vertige épileptiquc, les mômes modifications s'observent, mais elles sont moins durables.
Suivant ces indications, M. Féré était arrivé, en
diminuant la pression sanguine par une application de la ventouse de Junod ou par des bains
sinapisés, à suspendre les attaques, chez des
épileptiques, dans le cours d'accès sériels, et il
lirait des résultats ainsi observés la conclusion,
que l'augmentation de pression parait être une
Ides conditions physiologiques de la production
[des paroxysmes épileptiques sous toutes leurs
formes.
Or les rapports qui existent entre les paroxysmes épileptiques et l'augmentation de la pression
artérielle expliquent comment les efforts violents,
les émotions vives peuvent jouer un rôle
important comme cause déterminante des accès.
En effet, il existe, dans ces conditions, une
augmentation de pression bien connue quand il
s'agit de l'effort, que M. Féré, dans des recherches
récentes, a également constatée et étudiée dans
certaines émotions.
D'une part, lors de ces mouvements de colère
auxquels sont sujets les épileptiques à propos de
la moindre provocation, • cet observateur a pu
enregistrer une augmentation de pression qui
peut atteindre les chiffres trouvés au début de
l'accès proprement dit, ce qui justifie le rapprochement qui a été fait entre la colère et les
paroxysmes psychiques chez les épileptiques ;
mais il a constaté, d'autre part, que celte modi-
LES ÊPILEPTIQUES ET LES CRIMINELS
'
119
fication de la tension artérielle se retrouve dans J
la colère simple, chez tous les individus. Ayant eu
l'occasion entre autres, d'examiner un cocher à la
fin d'une querelle, M. Féré a'trouvé-que cet
homme marquait une pression de 1,100 grammes.
Il n'avait plus que 800 grammes une heure j après.
Ces chiffres montrent que, sous l'influence de
la colère, la pression artérielle peut augmenter
d'un quart. On peut comprendre ainsi le rôle de
•cette émotion et des émotions analogues dans la
production des ruptures des vaisseaux ou du
cœur, lorsqu'il existe préalablement des altéra-*
tions de structure de ces organes.
Ces observations, qui mettent en évidence la
similitude des phénomènes physiologiques qui
accompagnent les décharges émotionnelles et
les décharges convulsives, prouvent, en toute
rigueur, qu'il n'y a pas de distinction fondamentale â établir entre ces deux manières d'être ;
ce que prouve Venturi (1) par ses études sur ce
qu'il appelle le tempérament épileptique, outrancier, excessif en tout ; on voit alors qu'aux mouvements peu violents, à la rougeur, aux larmes,
aux jugements des personnes en état normal,
correspondent les convulsions, les hallucinations
la fureur, la congestion, le délire de l'épileptique
C'est question de degrés. '
On ne doit pas oublier non plus qu'il y a une I
forme d'épilepsie sans convulsion, consistant en !
1(1) Archivio di Psichialria, 1889.
120 LES PROGRÈS DE L'ANTIFROPOLOGIE CK1MINE
vertige?. Cette dernière, la plus profondément
perturbatrice, d'après Esguirol, s'accompagne,
plus fréquemment que' l'autre, de tendances vénériennes, homicides, frauduleuses, incendiaires,
chez des gens réputés honnêtes avant qu'ils fussent malades.' Toutes les fois qu'on observe/ chez
les jeunes délinquants surtout, une certaine
périodicité intermittente, des impulsions délictueuses, il y a lieu de soupçonner leur nature
épileptique. D'après Trousseau, quand un individu, sans motifs, commet un homicide, on peut
affirmer qu'il a agi sons l'influence de l'épilepsie.
TV
Sergi, dans une de ses dernières publications :
Les dé générations humaines (1), place les criminels au nombre des dégénérés ; il va même jusqu'à
affirmer qu'ils sont la synthèse de toute dégénération ; des formes les moins nettes jusqu'aux
plus accentuées, des caractères physiques jusqu'aux caractères psychiques, la manifestation de
la criminalité est multiforme et variée. De fait
selon lui, il n'est pas d'anomalie, pas de maladie
ou autre dégénérescence physique et mentale qui
ne se retrouve chez «le criminel.
Il importe cependant d'avertir le lecteur que
Sergi fonde une conception de la dégénération
individuelle et des causes qui la produisent, sur
(1) Milan. Bibliothèque scientifique ititern., 1888.
LES ÉPILEPTIQ.UES ET LES CRIMINELS
121
■ le principe darwinien de- la survivance, ruf des
facteurs essentiels de la lutte pour l'existence. Il
a constaté cette survivance même parmi les
faibles, qui ne périssent pas tous, ainsi qu'on |
aérait tenté de le croire au premier abord ; les
faibles survivant se contentent, toutefois, d'occuper une position inférieure, et sont par conséquent des êtres inférieurs en regard de ceux qui
[" occupent une position normale, c'est-à-dire des
forts.
F" Les conditions extérieures de la dégénération se
trouvent dans le milieu ambiant, tant physique
que social. Parmi les causes internes, il faut
mentionner tout d'abord l'hérédité. Cependant on
voit toutes les causes, tant extérieures qu'intc-1
rieures, s'entre-croiser et exercer toutes ensemble
une action commune, de façon que l'activité de
chacune en particulier devient à peu près impossible à préciser. S'il ne s'agit pas toujours, dans les criminels,
de dégénérescence physique dans le développef ment général du corps, ou de quelque maladif
héréditaire ou acquise, la dégénérescence est
fonctionnelle et se manifeste par des causes
externes qui troublent le fonctionnement régulier
des éléments vitaux. Si la dégénération n'accuse
pas des conditions externes immédiates, elle
accuse l'hérédité; et si ni l'une ni l'autre de ces
causes ne se manifeste d'une manière apparente,
d'autres conditions se rencontrent dans le milieu
É , social et dans le cours de la vie individuelle, qui
y influent sur la décadence du caractère psycholo-
122 LES PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
gique, de façon à produire une décadence finale
dans les conditions somaliques ; il n'est pas du
reste, dans les relations sociales, de circonstance
infime qui n'exerce, selon Sergi, une influence
fatale sur la conduite.
Mais en disant que le criminel est un dégénéré,
nous n'avons fait, écrit Sergi, qu'employer une
expression essentiellement générique pour
l'étiologie du crime ; en disant qu'il existe des
causes soit extérieures, soit intérieures, qui occasionnent la dégénération dans laquelle tombe le
délinquant, nous n'avons fait que formuler une
nolion générale qui peut s'appliquer également
aux autres catégories de dégénérés, non criminels.
Qu'il y ait ou non accompagnement de désordres mentaux chez le délinquant, le processus
psychique du crime devra toujours être considéré
comme morbide. Et à défaut d'autres preuves, il
s'en trouverait une de grande valeur dans la
transformation des processus psychiques morbides
par le moyen de l'hérédité, par laquelle le crime,
la folie, le suicide se trouvent intimement liés
entre eux. Des criminels et des fous peuvent descendre d'individus portés au suicide; des fous
peuvent donner naissance à des criminels et à des
suicides ; des criminels, enfin, peuvent engendrer
des suicides et des fous, souvent sans type
spécifique ni de maladie mentale, ni de criminalité. Ce qui revient à dire qu'il y a transformation du caractère morbide et non annulation
de l'essence morbide.
LES ÉP1LEPTIQUES ET LES CRIMINELS
123
Cette forme cyclique, héréditaire, rend compte
des faits et des conditions des faits sur lesquels
on discute pour l'interprétation de la nature de la
criminalité. Il est excessivement rare de rencontrer dans Yanamnèse d'un délinquant une hérédité morbide qui ne soit pas celle du crime, du
suicide, de la folie ou de quelque affection morbide ayant de l'affinité avec celles-là, l'épilepsie,
par exemple, l'idiotisme et leurs congénères.
La dégénération mentale, donc, choisit dans
l'hérédité des formes multiples et variées, en se
Iransformant. Mais un fait singulier, c'est que
cette dégénération s'associe à la dégénération
physique de tous les types, à celle en particulier
qui assume des formes pathologiques générales.
Ces faits une fois constatés, un nouveau problème se présente. Ce processus morbide du criminel a-t-il un caractère spécifique qui serait
déterminé par l'influence d'autres formes morbides? Est-il un phénomène psycho-pathologique
ayant des caractères propres, phénomène qui
parait parfois isolé, sans concomitance d'autres
affections psychiques ou d'autres maladies congénitales ou acquises ? Ou bien est-il purement
et simplement une conséquence, un effet de l'influence pathologique générale sur les fonctions
psycho-cérébrales ?
Voici comment il répond lui-même à sa propre
demande :
Il est prouvé que les aliénés n'ont pas tous des
impulsions criminelles ; de môme que les individus qui se trouvent dans des conditions mor-
124
LES PROGRÈS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
bides d'une nature différente ne présentent pas
tous des tendances au crime. Cependant il est des
criminels, qui, sans donner l'indice de maladies
mentales, ont néanmoins des anomalies patholo
giques, athosiques ou fonctionnelles qui suppo
sent naturellement l'existence de structures
vicieuses latentes. Il en conclut : 1° que chez
certains individus seulement les processus mor
bides déterminent un nouveau processus patho
logique, qui a pour effet direct la criminalité ;
2° que ce qui peut déterminer ce processus spé
cial à tendance criminelle, dérive directement de
conditions cérébrale?, comme dans les maladies
mentales, et indirectement d'autres conditions
morbides qui influent sur les fonctions du cer
veau ; 3° que chez d'autres individus, ce processus
pathologique à tendance criminelle se développe
en concomitance des maladies mentales propre
ment dites et de l'épilepsie qui troublent les fonc
tions normales du cerveau, les détériorent et y
causent des déviations plus encore que les autres
maladies ; 4° que ce processus pathologique du
crime, comme celui des autres affections men
tales, empêche la formation d'un organisme de
caractère.
#
Ainsi le criminel paraîtrait avoir une condition
pathologique spéciale, déterminée dans la plupart
des cas par d'autres processus ou d'autres conditions spéciales. Cette conception se trouverait en
connexité avec le fait de la transformation dans
l'hérédité morbide, folie, suicide, éfilepsie, criminalité et autres manifestations diverses.
LES EPILEPT1QUES ET LES CRIMINELS
125
V
M. Virgilio, dans une étude faite récemment
sur Passanante, le mattoïde régicide dont j'ai fait
la diagnose il y a douze ans, arrive à ces conclusions fort importantes sur la nature de la criminalité (4) :
1° Les tendances criminelles se transmettant
héréditairement des parents aux enfants, et des
survivants aux diverses branches directes et collatérales, il y a lieu de croire que les tendances
criminelles sont la révélation d'une organisation
particulière ;
2° Cette organisation doit être considérée
comme anormale pour autant qu'elle porte l'empreinte de toutes ces marques dégénératives qui
prouvent que l'embryogénésie et le développement ultérieur de l'homme s'éloignent extrêmement de l'individu physiologique ;
3° La criminalité poussant fort souvent sur un
iterrain héréditaire, plus ou moins voisin de la
folie, on la voit, comme celle-ci, pulluler et
s'élever fréquemment des bas-fonds d'une race
criminelle ; force est donc d'admettre que l'origine
des deux faits est identique et a sa source dans
un caractère psychique anormal qui s'affirme
tantôt par l'une tantôt par l'autre de ces manifestations.
(1) Giovarni Passanante e la nalura morbota del delillo. Roma,
Loeschur, 188!).
T20 ils PROCHES DËI/ASTHROPOLOGIE CRIMINELLE
4° Qu'il en soit réellement ainsi, cela est
prouvé doublement ; d'abord, par le fait que la
folie éclate souvent au milieu d'une carrière criminelle, puis par l'apparition de tendances criminelles au cours de diverses maladies mentales qui
ne portent en elles-mêmes aucune raison pathologique de se manifester par des actes criminels.
5° Etant donné l'hérédité d'origine des deux
faits, leur nature intrinsèque devrait nécessairement être identique aussi. Or, la folie étant une
maladie, la nature de la criminalité ne pourrait
être que morbide également.
VI
De nouvelles études de M. Rossi nous apprennent, avec une précision mathématique (Arch. de
psych., VIII), la concordance exacte des crimes de
rébellion, meurtre et viol avec le degré de latitude, abstraction faite, bien entendu, des grandes
villes où tant d'influences se mêlent pour entraver l'action du climat. Gctto môme influence, on
peut la suivre dans les émeutes qui ne sont bien
souvent que dés rébellions sur grande échelle.
(Voyez le tableau de la page suivante.)
Des belles éludes de Corre (Les criminels dans
les pays créoles, d 889 ; Archives d'Anthropologie
criminelle, 1889), il résulte que la criminalité est,
dans les pays chauds, deux fois plus forte au
cours de la saison fraîche que pendant la saison
des chaleurs.
121
LES ÉPILEPTIQUES ET LES CRIMINELS
Cet excès est, selon Corre, dû à une prédominance relative des crimes-propriétés, si l'on
tient compte des incendies très nombreux ; mais
DEGRÉS
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42,0
30,0
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19,2
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FRANCE-
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932
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(1) 18S4. Proportions pour 100,000 h sibilants. — (t) 1873-1883. Proportion! pour
100,000 habitants. — (3) Gimnny, vingt-trois ans. Rapporta du nombre moyen des
accusés avec la population moyenne du la même période; ces rapport! étant ensuite euxmêmes proportionnés avec leur moyenne sur l'unité de 1,000. — (4) Guaaar, seize ans.
Rapport! du nombre mnyou, etc. [ut supra). — (5) Madrid. — (0) Barcelone, Saragoise.
— (7) Maplcs, Rome. — (81 Paris. — (9) Londres.
si, à l'exemple de plusieurs criminalistes, on met
à part le crime d'incendie, attentat de nature
mixte, s'adressant môme plutôt à la personne
qu'à la propriété, c'est bien par une prédomi-
128
LES PROGRÈS DE L'ANTIIROPOLOGIE CRIMINELLE
nance notable de la criminalité-personne que se
distingue la saison fraîche.
La courbe de la criminalité est surtout en.rapport avec celle des minima thermiques, le parallélisme des deux courbes est môme remarquable
à ce point, qu'on retrouve dans l'une et dans
l'autre, les mêmes oscillations de mars à mai, et
de juin à août, répondant à des périodes de thermalilé régulière, en raison de la variation des
brises et des pluies.
Ici, l'on ne peut mettre en avant des influences
sociologiques dérivées de l'action climatérique,
servant en quelque sorte de régulatrices à la criminalité. Dans les pays intertropicaux, la somme
des besoins se maintient égale, c'est-à-dire relativement assez faible, d'un bout à l'autre de l'année.
Dans un milieu intertropical, à température
élevée et uniforme, comme la Guadeloupe, la
chaleur énerve plus qu'elle ne stimule, affadit
plus,qu'elle n'excite, et c'est précisément quand
elle devient, sinon plus tempérée dans sa
moyenne, au moins plus heurtée, grâce à des
écarts saisonniers entre ses extrêmes, que l'organisme semble renaître à une vie active ; les
énergies cérébrales, en torpeur de juin à novembre, se raniment de décembre à mai, et c'est avec
les fraîcheurs du premier semestre que les impulsivités se traduisent avec le plus d'éclat par le
crime, chez les natures prédisposées.
M. Corre, dans un autre remarquable ouvrage
(Les criminels, 1888), a été frappé, en comparant
LES ÉPILEPTIQUES ET LES CRIMINELS
120
les types de mon Atlas aux fous et aux dégénérés
représentés par Morel et Moreau, des nombreuses
analogies que les deux collections présentaient.
Dans'cet ordre d'idées, il attache une grande importance a. la proportion énorme d'asymétries
crâniennes ou cérébrales que lui-même et tous
les observateurs ont constatées chez les criminels,
comme chez les aliénés.
Elle s'élève d'après ses recherches et celles du
Dr Roussel, portant sur 200 sujets, à 60 p. 100
chez les meurtriers, à 63 p. 100 chez les escrocs
et les banqueroutiers frauduleux, à 70 p. 100
chez les auteurs d'attentats aux mœurs.
M. Gorre signale aussi l'influence homicide des
excitations de la presse sur le$ cerveaux prédisposés. Pour un cas où cette influence est indéniable
et manifeste, comme dans l'affaire Aubertin, il y
en a mille où elle a passé inaperçue sans être
moins réelle. 11 explique aussi par l'entraînement
imitatif, le progrès des récidives et leur précocité
croissante. « C'est à l'âge, dit-il, où l'expérience
« manque encore et où le cerveau prend et con-«
serve le mieux les empreintes qu'il reçoit, que* «
la tendance à l'imitation existe à son plus haut «
degré, et joue le plus grand rôle en criminalité. »
Le rôle de l'imitation a été étudié avec une
grande précision par M. Tarde, dans ses derniers
travaux criminologiques (1).
(1) Voir La Criminalité comparée, 1887. — Revue philosophique,
1889. — Philosophie pénale, 1850.
CHAPITRE V
LES CRIMINELS EN PRISON
I
Pour la bureaucratie des prisons, qui est toujours
myope lorsqu'elle n'est pas aveugle, les prisons, les
cellulaires surtout, sont de vrais troncs humains,
sans mains, sans pieds, sans voix : il n'en est pas de
même de leurs malheureux habitants qui sont
pourvus d'organes encore plus que peut-être il ne
nous conviendrait. Ainsi leur travail, leur voix et
même leurs plus secrètes pensées éclatent de tous
côtés, sur les murs, sur les bois de lit, sur les pots à
boire, sur leur peau, et même sur le sable humide
qu'ils foulent dans leur promenade (1).
C'est surtout sur les livres, qu'une pitié bien
entendue leur fournit avec une main trop avare,
que ces sentiments se manifestent.
Je me suis efforcé de ramasser ces palimpsestes
criminels, dans lesquels on ne peut soupçonner
(1) Voir mes Palimpsestes des prisons, Bocca, Turin, 1800,
avec 8 planches.
LES CRIMINELS EN PRISON
131
la simulation, si fréquente dans les entretiens
officiels.
Eh bien ! depuis vingt ans que j'étudie ces
gens-là, je n'aurais jamais soupçonné les horreurs
que j'y ai trouvées.
Qu'on en juge par ces fragments choisis au
hasard.
Malheur à celui qui doit éprouver ces cellules ; il vaut
mieux mourir» On doit tout faire pour s'écbapper, car il
vaut mieux vivre dans les bois comme les sauvages ou
dans les déserts.
Quand tu seras interrogé par le juge d'instruction, fais
le fou ; alors tu seras envoyé à l'hôpital des fous d'où tu
t'échapperas.
Quant à moi, je remercie le bon Dieu ; je suis plus heureux que saint Pierre ! Dans la cellule, je suis servi
comme un prince. Quelle cocagne I on est mieux ici qu'à
la campagne.
Sur, un livre intitulé: la vie de Léonard de Vinci
:
Léonard fut malheureux autant que moi en amour,
mais il devint un grand peintre ; — moi je suis devenu
un grand voleur, j'ai acquis beaucoup de renommée en
faisant enregistrer mon nom et mon beau signalement,
dans les prisons, au moins quarante fois, et moi aussi j'ai
eu un amour dans ma jeunesse.
Que suis-je, malheureux ! — Je suis innocent et on me
tient ici parce que j'ai tué un homme (sic), alors qu'au
monde il y en a même trop.
Celui qui se fait tuer pour la patrie est un sot
Ï32 LES PROGRÉS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
Satire sur la prison et curieuse réponse d'un
autre détenu :
Adieu, Hector; Achille te salue. — Celui qui est pauvre
paie pour tous. Les prisons cellulaires sont le raffinement
de la barbarie en plein xix° siècle !
Ce que dit ce détenu n'est pas vrai ; au contraire ils nous
traitent trop bien, ils ont trop de- soins pour les détenus.
Celui-là voudrait peut-être qu'on le laisse aller se
promener sur la place du Château, ou aller jouer aux cartes
et au billard, ou bien encore aller chez Mmo Gas-taldi. Ah'!
imbécile, tu ne devais pas te laisser pincer entre ces murs !
Un ami de la raison et de la justice.
Oh! Code pénal! comme tu punis la filouterie, tandis
que le gouvernement avec sa loterie (le lotto) pratique luimême l'escroquerie.
On m'a condamné à 10 ans pour tentative d'homicide sur
une femme que je croyais honnête ; elle ne l'était pas et
m'avait procuré six mois de prison. En sortant j'ai fait
serment de la tuer et je lui ai donné deux coups de couteau.
Cette misérable vit encore et je le regrette.
Dès que tu sortiras, va à Marseille, rue de...., n° 9 et
ensuite avec le B .....nous irons à New-York, où j'espère
que, travaillant unis avec énergie, nous ferons fortune.
Ma belle ne vient plus me trouver ; — quand je sortirai
je lui ferai un baiser avec les dents.
Quoique je n'aie que 15 ans, ma vie et mes voyages
formeraient un volume. J'ai commencé à 9 ans. La première fois j'ai été condamné à un mois, la deuxième à
quinze jours et la troisième à un an de prison.
Espèce de testament dressé avant de se pendre
133
LES CRIMINELS EN PRISON
par un détenu, voleur émerite ; il fut sauvé :
J'ai toujours volé et je volerai toujours, parce que c'est
mon fatal destin. Le papier sur lequel j'écris est volé,
l'encrier et la plume le sont aussi; même la corde avec
laquelle je vais me pendre, je l'ai volée. — Je suis plus
malheureux que pervers. J'ai l'infortune de ne pas être
maître de ma volonté et de subir l'influence de celle des
autres; je fais également le bien et le mal selon qu'il
m'est suggéré. Ah ! pourquoi donc Dieu me fait-il toujours
rencontrer des personnes qui me conseillent le mal?
Ayant encore une fois commis une faute dans laquelle
j'avais juré de ne plus tomber, et non par ma propre volonté, mais à la suite des suggestions d'un misérable qui
volait avec moi et qui a été ensuite, par parti pris, me
dénoncer à la police, la certitude que j'ai de ne pouvoir
vaincre le vice qui me pousse à envier et à prendre le
bien d'autrui, d'avoir été parjure, sachant que je suis inutile et nuisible à la société, devant comparaître devant la
cour d'assises et traîner dans la fange le nom que mon
père était fier de porter, je suis las de la vie, et pour tous
ces motifs et d'autres encore je suis décidé à chercher la
mort le 26 mai, parce que c'est l'anniversaire de ma première arrestation.
Voilà déjà quatre fois que je viens ici, toujours innocent et candide comme l'eau sale. Celte fois on m'a
arrêté avec une pince-monseigneur. Eh ! pauvres voleurs,
quand on les arrête on devrait les envoyer à l'auberge du
Maure et non à la Prison-Neuve. Adieu, mes amis 1
Ces gens rient, et moi je soupire en vain pour la liberté.
Je suis innocent et ils né veulent pas le croire. Comment
Ise fait-il que le bon Dieu ne les châtie pas ? C'est donc
vrai, le proverbe qui dit : « Celui qui fait le bien trouve
le mal, et celui qui fait le mal trouve le bien. > — C'est
raide, être innocent et être forcé de rester dans uiîe cellule à soupirer. Ne comprenez-vous pas que je suis innocent, têtes d'anes? Peut-être voulez-vous me faire crever?
LOUBROSO. —
Anthr.crim.
8
134
LES PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
Pourquoi ne puis-je jamais bien réussir dans mes vols ?
Je suis toujours dans cette infime cellule pour avoir volé.
Pauvre Quajot malheureux ! !
Ci-gît la dépouille du pauvre Tubac, qui, las de voler
dans ce monde, va voler dans l'autre. — Les parents très I
contents lui posent ce souvenir.
Votre très affectionné chef de bande Talbot. J'ai toujours été un galant homme et j'ai déjà fait vingt ans de
galères. — Je suis de nouveau en prison, et cette fois on
me condamnera aux travaux forcés à vie, et tout cela
pour avoir fait du bien à mon prochain. Je n'en ai assassiné que six; je les ai ôlcs du monde, car ils souffraient
trop. J'ai pillé la demeure de plusieurs paysans et puis
j'y ai mis le feu. Tout cela pour me gagner du pain perpétuel.
Tâchez toujours de voler beaucoup, car les petits vols
sont les plus punis.
Faites attention, ô mes amis, si vous volez, volez beaucoup et avec précautions, de manière à ne pas être découverts. Tout le monde est bon à voler; — c'est pour
bien s'en tirer qu'il ne faut pas être sol.
Si Dieu nous a donné des instincts auquel nous obéissons, il y a des gens qui ont l'instinct de nous emprisonner. Ce monde, donc, est un théâtre pour nous
amuser éternellement.
Dès que je sortirai de la prison, je veux toujours voler,
même au risque d'être toujours en prison.
O voleurs I ces canailles déjuges ont ruiné votre métier.
Courage quand même et en avant I .
Cher ami, je t'envoie ces deux lignes pour te faire
savoir que je suis en prison et, comme je suis seul, je te
prie de commettre quelque délit afin de venir me trouver,
car à deux le temps passe vite, et quand nous serons aux
galères nous nous raconterons notre vie.
LES CIUMINELS EN PRISON
135
Adieu, mes amis: faites-vous du courage. Les juges
sont une bande de poltrons sans foi : ils ne savent pas ce
qu'ils font et ils ne cherchent que de l'argent.
L'homme fourbe et tous ses amis ne doivent plus voler
mais assassiner.
Les observations de M, Joly sur les lectures
des prisonniers français (Archiv. dAnthrop.
crim., 1888) et surtout les belles études de Gautier (Le Monde des prisons, 1889) complètent ces
documents ; et nous montrent quel foyer de corruption et quelle source d'incorrigibilité sont les
prisons qu'on croit la plus sûre des corrections.
H
Voici quelques extraits du livre de M. Gautier.
« De même, écrit-il, que la gymnastique modifie non seulement le volume et la contractilité
des muscles, mais aussi leur forme, leurs agencements respectifs dans certaines limites (témoin
les fantastiques dislocations des clowns), voire
même leur constitution chimique, de même l'incorrection du régime pénitentiaire, l'importunité
d'une existence mécanisée par la discipline, la
promiscuité des pires hideurs, la monotonie des
sensations, la prédominance de la peur et de l'ennui, l'alimentation, l'obligation du silence, l'éclairage lui-même — qui sait? — cet éclairage
blafard, ce faux jour spécial aux corridors et aux
préaux des geôles, peuvent, à ce qu'il me semble
influencer à la longue les visages et les prunelles,
LES PROGRÈS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
comme les cerveaux et les pensées, et finalement
aboutir à ces plis de bouche, à ces froncements
de sourcils, à ces tics grimaçants, à ces moires du
regard, à ces et range tés de gestes et d'attitudes
qui nous étonnent si fort.
« On acquiert, en un mot, à l'ombre des prisons et sous l'influence de la discipline pénitentiaire, l'air prisonnier, comme on acquiert ailleurs,
en vertu d'une* autre genèse, l'air prêtre, dans
lequel l'atavisme n'a pas grand'chose à voir.
« Ce* n'est qu'à la condition d'élargir l'hypothèse qu'on réussit à comprendre comment certains détenus, qui ne sont pas cependant irrémédiablement gangrenés, en arrivent à ne plus vivre
que par la prison, et à se trouver tellement
dépaysés une fois qu'ils en sont sortis, qu'ils ne
tardent guère à y revenir, comme le gibier blessé
qui fait la randonnée.
« Je ne parle pas seulement, entendez-moi bien,
des monstres dont le crime, avec ses risques, est
si bien la carrière, dans la plus stricte acception
du mot, qu'ils l'appellent le « travail ». Je ne parle
pas seulement de ceux-là, qui, soit prédisposition
congénitale, soit dépravation précoce, et n'ayant
d'autres ressources que le pillage, la prostitution et
l'assassinat, « chourinent » et « grin-chissent »
comme d'autres débitent le bois, forgent le fer,
tissent le drap, piochent la terre ou noircissent du
papier, et préparent un vol ou un meurtre avec le
sérieux et la placidité d'un négociant en train de
méditer une affaire.
« Aux yeux de cette singulière population,*—
parbleu ! — la prison apparaît comme une fatalité
plus ou moins fâcheuse, mais à peu près inévitable, et dont il faut prendre son parti. C'est un
LES CRIMINELS EN PRISON
137
inconvénient attaché à la profession. On s'y attend,
on s'y résigne à l'avance, comme les routiers et
les malandrins du moyen âge s'attendaient et se
résignaient à finir, un jour de déveine, branchés
haut et court ; comme un fils, d'ouvrier ou de
paysan s'attend et se résigne à la dure nécessité
du service militaire; comme un mineur s'attend
et se résigne d'avance à une explosion possible
du feu grisou.
« Mais ceux-là mômes qui, tombés là par hasard, parce que, en un jour néfastef ils avaient
vu rouge — ou noir — n'ont pu réussir ensuite
à recoudre leur vie désemparée! les faibles, les
ductiles, les veules, les « occasionnels », qui n'étaient cependant nés ni pour le crime, ni pour la
prison, ceux-là sont bientôt happés également
par l'engrenage.
c — J'ai toujours été frappé, » a écrit quelque
part ce fumiste à froid de Jules Vallès, « j ai tou- J
« jours été frappé de l'air vénérable des vieux c
forçats. >
« Au fond, et abstraction faite de la forme paradoxale de l'idée, rien n'est plus exact.
« L'air vénérable » est peut-être excessif. C'est
« l'air reposé » qu'il eût fallu dire. Et ce n'est pas
étonnant ! Avoir son « pain cuit », le vivre et le
couvert assurés, nul souci du lendemain, aucune
autre préoccupation que d'obéir docilement à la
consigne imposée, n'être plus, comme le chien à
qui il suffit de remuer les pattes pour actionner
le tambour du tourne-broche, que le rouage inconscient d'une machine, n'est-ce pas là l'idéal
pour la masse des inconscients et des lâches ?
Le nirvana ! L'automatisme ! Mais c'est le paradis des Hindous !
1
138 LES PROGRÉS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
« Et la prison, c'est, par-dessus le marché, un
nirvana « où l'on est nourri » !
« Mal nourri, cela est vrai, et quelque peu
humilié et rudoyé... Mais combien de braves gens
auxquels la lutte pour l'existence est plus âpre,
avec, en moins la sécurité 1
Si
« Une fois les premières répulsions apaisées,
d'aucuns — et ils sont peut-être la majorité — en
arrivent insensiblement à « se faire un avenir »
en prison !
« Je ne connais rien, à ce propos, de plus
typique que le fait suivant, dont il m'a été donné
de contrôler de visu et de audilu l'authenticité :
« En 4883, le détenu qui remplissait à la prison centrale de Clairvaux les fonctions de comptable général était un nommé J..., d'origine
alsacienne, un ancien officier de l'armée, qui,
condamné une première fois pour avoir « mangé
la grenouille », en était à sa quatrième ou cinquième condamnation.
« Vers la fin de 1883, J..., qui « faisait » cinq
ans, était sur son départ, et cela l'ennuyait fort.
Pensez donc! Il avait à Clairvaux une situation
vraiment enviable : les « vivres d'hôpital », une
liberté relative, la faculté de circuler toute la
journée dans toute l'étendue de l'établissement
(qui ne compte pas moins de quatre kilomètres
de tour), une grande « considération » de la part
de tout le monde, — de la part des détenus, sur
lesquels ses fonctions lui donnaient une autorité
appréciable, de la part aussi de l'économat, qui
ne pouvait se passer des. services d'un homme
qui, par habitude, connaissait mieux que personne
le mécanisme de chacun des services de la maison...
LES CRIMINELS EN PRISON
139
« Aussi J..., ne fit-il ni une ni deux. 11 écrivit
au directeur une petite lettre ainsi conçue :
« — Monsieur, vous me connaissez. Vous savez
qui je suis, que je vaux et quels services je puis
vous rendre. Or, je vais bientôt être « rcvomi »
dans le monde, où je ne saurai que faire. Je
n'aurai pas plutôt mangé mon « pécule » à « faire
la fête » une dernière fois, que je me ferai arrêter
derechef. Veuillez, je vous prie, avoir l'extrême
obligeance, aussitôt que j'aurai été recondamné
a quelques années de prison, de me réclamer
pour Clairvaux — je vous préviendrai en temps
et lieu — et, en attendant, gardez-moi ma place.
Ni vous ni moi n'aurons a nous repentir de la
combinaison. »
D où cette conclusion paradoxale que la prison
ne produit guère l'effet d'intimidation etd'horreui
qu'on en attend que sur ceux qui en auraient le
moins besoin, sur ceux qui sont le moins exposés
à y aller.
« J'ose même prétendre, ajoute notre auteur,
que la prison est une sorte de serre chaude pour
plantes vénéneuses, et que c'est là surtout que
se recrute et s'exerce la redoutable armée du
crime.
t Combien de malheureux qui, pour avoir failli
une seule fois, en une heure d'égarement et
d'oubli, ont été irrémédiablement perdus, une
fois franchi le premier cercle de l'enfer ! Ce fut le
cas, où peu s'en faut, de tous ceux dont j'ai eu,
au cours de cette étude rétrospective, à évoquet
le souvenir. Au lieu do les corriger, la prison
iio us PAIRES DS L^nroBoroi^E OUMIRUIB
les avait viciés jusqu'aux moelles — incurablement. Il semble que leur perversité avait grandi
avec la peine, et que, dans leur conscience contaminée, la notion du bien et du mal, de plus en
plus confuse, tendait à s'effacer. Désormais, ils
étaient voués à vivre en marge de la Société,
jusqu'à ce que celle-ci les reprit, la main dans le
sac ou dans le sang, pour les écraser sans merci,
comme des punaises immondes, entre deux pages
d'un code qu'on ne leur avait pas donné & lire.
« Tout dans l'organisation actuelle des prisons
a été combiné pour aplatir l'individu, annihiler sa
pensée, laminer sa volonté. L'uniformité de la
règle, qui prétend couler tous les « sujets » dans
le même moule, la rigueur calculée et la régularité
d'une vie monacale où rien n'est laissé a l'imprévu, l'interdiction d'entretenir avec le dehors
d'autres relations que la courte et banale lettre
mensuelle, tout, dis-je, jusqu'à ces promenades
moroses et bestiales, à la file indienne, est destiné à mécaniser le prisonnier, dont on rôve de
faire une sorte d'automate inconscient.
« Imaginez bien ceci : sauf d'honorables exceptions trop rares dans le haut personnel pénitentiaire, pour presque tous les directeurs de prisons,
l'idéal du « bon détenu », c'est le récidiviste, le
vétéran, Va/tonné, dont l'éducation n'est plus à
faire et dont la docilité acquise est une garantie
de tranquillité ; c'est le comptable général de Clairvaux dont j'ai raconté la fabuleuse histoire ! C'est
à celui-là qu'iront de préférence les faveurs, les
indulgences, et... les sympathies.
« Le malheur est que ce « bon détenu selon à
< la formule, ne tarde guère, à ce régime, de venir
LES CRIMINELS EN PRISON
141
aussi»incapable de résister à ses camarades, criminels-nés ou malfaiteurs de profession, qu'aux
surveillants, et aussi peu refrac taire aux tentations, aux excitations malsaines, à l'appât d'un
gain illicite ou à l'entraînement des mauvais
exemples, qu'à la discipline.
« 11 ne sait plus qu'obéir... à n'importe qui i il
a perdu tout ressort, toute fierté. Ce n'est plus
qu une pâte molle, apte à recevoir toutes les empreintes.
« Habitué à trouver son « pain cuit » et à se
laisser conduire comme une machine ou une bête
de somme, et à n'accomplir que des tâches imposées, il n'a plus rien de ce qui est indispensable
fiour n'être pas impitoyablement écrasé dans la
utte pour l'existence.
« La seule émulation qui lui reste, c'est l'émotion du crime et de la perversité, fruit de l'éducation mutuelle spéciale à laquelle il vient d'être
soumis. Ce n'est pas sans motif qu'en argot la
prison se nomme le « collège »... D'ailleurs, le
casier judiciaire, qui s'attache à la peau du libéré
comme une tunique de Nessus, suffirait à lui
fermer toutes les portes, à lui interdire tous les
moyens honnêtes de gagner sa vie.
« Ajoutez à cela la monomanie do la délation,
le chantage, l'esprit de ruse et de mensonge,
tous les autres vices spéciaux qui se contractent
ou se développent en prison.
« Il est, en effet, bon de remarquer qu'il n'est
pas une seule des passions de l'homme, des passions naturelles ou factices, depuis l'ivrognerie
jusqu'à l'amour, qui ne* puisse trouver sous les
verroux à tout le moins un semblant de satisfaction. J'ai cité ce baigneur de Clairvaux qui avait
142 LES PROGRÉS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
attendu, pour contracter l'habitude du tabac,
d'être séparé du monde où l'on fume par des
grilles et des murailles infranchissables. J'aurais
pu aussi bien parler de ceux qui, faute d'alcool,
boivent « l'esprit de bois, du vernis, de l'acide
sulfurique,
etc.
».
I
« Je voudrais donc que chaque détenu fût soumis, pendant un temps plus ou moins long, à une
surveillance analogue à ce qu'on appelle dans les
asiles d'aliénés la période d'observation. Ce ne
serait qu'après avoir passé par cette épreuve qu'il
serait définitivemen « classé », et envoyé rejoindre le groupe de ceux qu'une étude semblable
aurait désignés comme se rapprochant le plus de
lui par leur caractère, leur éducation, leurs antécédents, leurs instincts, leur degré de moralité...
On ne supprimerait pas encore — cela va de soi '
— le danger de l'infection réciproque ; mais on
l'aurait, au moins, réduit au minimum ; mais on
aurait au moins supprimé les collections purulentes qu'engendre le régime actuel avec ses promiscuités obligées.
« C'est évidemment au haut personnel de l'administration pénitentiaire qu'appartiendrait la
mission, dont je ne me dissimule pas, je le
répète, l'énorme difficulté, de se prononcer souverainement sur le classement des individus et
des catégories. Personne n'offre à cet égard
autant de garanties de compétence et d'impartialité qu'un directeur de prison, qui vit au milieu
de détenus, sur le sort desquels il est appelé à
décider, et a, pour étudier chacun deux en détail,
des semaines, des mois et des années. A ceux
qui parleraient de l'arbitraire possible, je répondrais que ce danger me semble beaucoup plus à
LES CRIMINELS EN PIUSOK
143
redouter dans le prétoire qu'à la geôle, et surtout de la part d'un juge, qui peut condamner un
malheureux sur sa mine, sur les hasards de l'interrogatoire, sur la vue d'un dossier fantaisiste,
sur une instruction sommaire, ou sur un incident
d'audience. Il y a là toute la différence qui sépare
le professeur, qui classe ses élèves d'après leurs
notes de toute l'année scolaire, pendant laquelle
il a pu les analyser l'un après l'autre à loisir, et
l'examinateur, qui n'a pour répartir par ordre de
mérite le troupeau des candidats que la chanceuse
loterie d'un concours.
« Rien n'empêcherait, d'ailleurs, d'adjoindre
aux directeurs des prisons une sorte de jury permanent composé de médecins, d'avocats, de magistrats, des hommes, en un mot, les plus considérables de la localité.
« Le condamné, en d'autres termes', l'homme
nui aurait été jugé assez dangereux pour
mériter _jêtre mis en marge, demeurerait en
prison, non pas pendant un temps déterminé à
l'avance et plus ou moins capricieusement
calculé d'après la gravité relative de sa
prévarication, mais tant qu'il n'aurait pas
accompli ce qu'il est peut-être permis d'appeler
une tâche morale. La détention se prolongerait
jusqu'à ce qu'il eût, au prix de son travail,
réparé le dommage causé par sa faute, le
dommage social comme le dommage privé ;
jusqu'à ce qu'il se fût racheté, jusqu'à ce qu'il eût
gagné sa libération, sa grâce, voire même sa réhabilitation.
« Ce n'est là, au surplus, qu'un élargissement
du principe de la libération conditionnelle.
« Quelle sera, demàndera-t-on peut-être^ la
garantie du détenu, qu'il ne va pas rester ainsi
3
rïÏ4~IËs PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
servuspœiiiV à perpétuité, sans espoir ni merci?
« Cette garantie résiderait dans le droit de soumettre son cas, dans certains délais et dans certaines conditions, contradicloirement avec les autorités pénitentiaires, et moyennant l'assistance
d'un avocat, au jury de surveillance dont je parlais tout à l'heure, qui prononcerait en dernier
ressort.
« Faut-il ajouter que le détenu devrait passer la
période d'observation en cellule, à la condition
que l'encellulement — dont la plupart de ceux
qui en parlent avec tant de complaisance n'ont
pas l'air de soupçonner l'horreur meurtrière — à
la condition, dis-je, que l'encellulement ne fût
*amais supérieur à une année ?
« Quant aux incorrigibles, aux incurables, aux
monstres, —j'en demande bien pardon aux sentimentalistes, — mais, quelle que soit leur genèse, qu'ils soient victimes d'une tare héréditaire
ou des fatalités ambiantes, on ne peut rationnellement leur appliquer qu'un seul régime ; la transportation ! »
Ce sont les mêmes idées que ^nouvelle école
inscrit sur sa bannière. — Mais on me dira : c'est
un ancien prisonnier qui parle ; il ne peut être que
partial sur ce point.
Eh bien, lisez cette page magnifique d'un
directeur général des prisons, de M. Prins — et
dites-moi après s'il n'y a pas un merveilleux accord entre les deux écrivains qui occupent cependant une position si différente dans le monde.
145
LES CRIMINELS EN PRISON
III
« La loi belge admet, écrit Prins, l'isolement
cellulaire (I). Son ambition, c'est de régénérer le
coupable en le soustrayant aux influences délétères de ses codétenus pour ne laisser subsister
que l'influence bienfaisante des honnêtes gens.
Cela c'est, dans le monde entier, la théorie. Mais
voyons aussi le fait. Partout, les prétendus réformateurs chargés de représenter auprès du condamné les bons éléments de la société, sont les
membres du personnel, c'est-à-dire, en général,
des agents dévoués, mais recrutés dans les couches
sociales auxquelles appartient le détenu ; parfois
des déclassés sans emploi qui, en échange d'un
salaire dérisoire, insuffisant à l'entretien d'une
famille, doivent vivre à peu près de la vie d'un
prisonnier.
« Nulle part ce personnel, qui ne peut être payé
comme il le mérite, n'est choisi comme il convient.
De plus, les surveillants ne sont jamais assez
nombreux. Pour la logique du système, il faudrait à un détenu plusieurs surveillants, apôtres
voués au relèvement des êtres déchus et exerçant
leur action d'une façon constante. Au lieu de
cela, il n'y a qu'un gardien par 25 à 30 détenus.
Ces gardiens doivent naturellement se borner à
jeter un rapide coup d'œil sur la cellule et sur le
travail, et à vérifier si les règlements sont observés.
<r A cela se réduit, avec une visite tout aussi
(I) Loi sur la libération conditionnelle en Belgique. (Bullet. de la
Société générale des prisons, 1889.}
LOMimoso — Ânthr. crim,
9
[Ï46
LES PnOCRÉS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
rapide d'un instituteur ou d'un aumônier, l'effort
de ceux qui sont chargés de transformer et d'amender -un coupable!
« L'hôpital pour les maladies morales, l'établissement modèle rêvé peut-être par les quakers,
par Howard et par Ducpétiaux, est donc bien loin
de nous. Nous sommes en présence de la solitude et du formalisme étroit de la prison, et nous
avons à nous demander si l'homme des classes
inférieures peut être régénéré uniquement par la
solitude et le formalisme.
« La solitude librement recherchée, ah ! certes,
eile élève l'âme du poète, qui, écœuré des vulgarités du monde, se réfugie dans les régions de
l'idéal! Mais la solitude imposée au misérable,
quel autre effet peut-elle avoir que de l'abandonner au néant de sa pensée, à ces instincts inférieurs et d'abaisser toujours plus son niveau moral?
« Ce qui a manqué à beaucoup de vagabonds,
de dévoyés, de détraqués peuplant les prisons,
c'est un milieu, des exemples, une protection efficace, peut-être des affections ! Et l'on étouffe en
eux jusqu'au moindre germe de l'instinct social,
et l'on s'imagine remplacer et le milieu social, et
tout ce qui leur manque, par les visites sommaires de surveillants sortis des rangs infimes de la
société.
« Est-ce que l'on apprend donc à marcher à
l'enfant en lui mettant infiniment des lisières, en
ne lui inspirant que la ' crainte de tomber et le
besoin de se fier à autrui ?
« Apprend-on la sociabilité à l'homme en lui
donnant uniquement la cellule, c'est-à-dire le contraire de la vie sociale, en lui enlevant jusqu'à
l'apparence d'une gymnastique morale, en réglant
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inférieurs: on le laisse au -i de longues années,
et quand le corps et l'intelligence ont perdu leur
souplesse, on lui ouvre la porte de la prison pour
le lancer, affaibli et désarmé, dans la lutte pour
la vie, sans compter qu'à la longue, toute peine
s'use, et que le jour où la prison est devenue une
habitude, elle n'a plus la moindre action positive.
<« Qu'on ne l'oublie pas, les prisons renferment
assurément des récidivistes incorrigibles et cor
rompus, résida des grandes villes, qu'il faut in
contestablement isoler des autres; mais elles
renferment aussi des délinquants semblables â la
plupart des hommes de leur condition vivant au
dehors ! N'est-ce pas du hasard de la formation
d'un jury que dépend parfois la liberté ou la dé
tention d'un citoyen, et ne voit-on pas. dans les
drames de la jalousie ou de l'amour, le même fait
entraîner tantôt l'acquittementet tantôt la condam
nation ! Est-il rationne!* encore une fois, d'appli
quer A des êtres q nt notre nature une conception
aussi contraire à la nature? S'il était question
de (aire «V le hdn< élèves, de bons ou
vriers, de bons s
< pterions-nous la mé-
148
LES PROGRÈS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
Ihode de l'isolement cellulaire prolongé? Et comment ce qui est condamné par l'expérience de la
vie ordinaire peut-il devenir utile le jour où le
tribunal a prononcé une condamnation ?
« Les inconvénients physiologiques et moraux
a'une longue solitude sont d'ailleurs évidents; et
l'on cherche à les combattre par une grande
humanité dans les choses extérieures. Si bien que,
par crainte de cruauté envers les bons, on en
arrive, a l'égard des mauvais, aux exagérations
d'une philanthropie parfois poussée à l'absurde.
« En Hollande, par exemple, quand, à Hoorn,
on procure aux détenus de l'eau chaude et de
l'eau froide à leur lever, une salle de récréation,
des jeux de dominos ; quand, à la fête du Roi, on
tire pour eux un feu d'artifice (i) ; en Amérique,
quand à Elmira on leur procure des distractions
musicales ; quand, à Thomaslon, on leur accorde
l'autorisation d'organiser un meeting contre la
peine de mort; quand, dans l'Illinois, on leur
donne du poudding, des biscuits, des gâteaux, du
miel, on est aussi loin de la vraie justice que les
anciens partisans de la torture. »
On voit par tout ceci combien est grande la nécessité de changer nos idées sur la prison ; combien il est nécessaire que les juristes apprennent,
par le contact direct avec les criminels, leurs vrais
penchants, avant de fixer les lois. (Voir Appendice, p. 176, sur la nécessité de renseignement de
l anthropologie criminelle.
(I) D. Nieuwenhuys, professeur rie l'université de Groninpen,
discours d'ouverture : De Qevangenisslraft. Groningen, 1884, p.
15.
LES CRIMINELS EN PRISON
140
IV
Dans un excellent ouvrage, publié tout récemment à Madrid, la Vida pénal en Espana, M. Sellilas met au jour un monde de criminels tout à
fait particulier à l'Espagne.
Il y a là des presidios où les rapports des détenus avec les honnêtes gens sont établis sur le
même pied que ceux des fous de Gheel en Belgique
avec les habitants du pays. Un usage des prisons
espagnoles, très singulier et caractéristique, est
celui des cncas. C'est l'amour platonique et pour
ainsi dire par correspondance. Des détenus des
deux sexes, qui ne se connaissent pas; qui ne se
sont jamais vus, sont arrivés à établir des communications régulières entre eux par divers
moyens bien adroits et bien curieux. C'est ainsi
que par lettre, ils se marient, s'aiment et divorcent. Ce sont des cucas. Parfois un cuca envoie
l'offre à sa cuca d'en trouver d'autres pour ses
amis et vice versa.
Et ils ressentent tous les effets de la passion
violente, ils sont jaloux, et parfois se battent entre
eux pour leur maltresse inconnue. La cuca est
ûère de son homme, en raison de la grandeur de
son crime ; si elle le perd, c'est une veuve. Quelquefois cependant elle le perd au jeu avec ses
compagnes.
Ventra a étudié à Naples le sfregio, la balafre
150 LES PROGRÉS DE T7ÂNTI1ROPOLOGIE CRIMINELLE
au visage au moyen d'un rasoir, d'après des règles dûment déterminées.
Tout est spécial dans ce crime : le milieu où il
sévit (la camorra), l'âge des criminels, la condition des victimes.
La balafre en forme de croix, marque infamante,
est pour les faux frères, les affiliés de la police,
les suspects, et en général pour les mouchards.
Le plus souvent on balafre la femme; celle-ci
n'est pas toujours coupable : sa Faute n'est quelquefois que d'être coquette ou simplement jolie.
Mais l'attentat n'enlève rien a l'amour — au contraire — on ne s'aime que mieux. La femme balafrée est fière d'une cicatrice qui prouve qu'on
l'a aimée jusqu'au crime.
Celui qui balafre est toujours jeune. Après trente
ans, on n'opère plus soi-même : on charge de ce
soin un plus jeune que soi, que l'attentat est
destiné à grandir à ses yeux et dans l'opinion du
milieu où il vit. S'il est de la camorra, il monte
en grade ; s'il n'en est pas il y est reçu. Mais le
sfregio n'est plus le crime propre d'une classe ou
d'une association de malfaiteurs et de
malintentionnés. Bien que ceux qui s'en rendent
coupables présentent d'habitude les caractères
distinclifs des criminels, on balafre dans le milieu populaire honnête, dans la petite bourgeoisie
et même dans les classes plus élevées, car toutes
fournissent leur contingent d'anormaux. En
Sicile, on tue, on ne balafre point (1).
i" Congrès d'amhrop. criminelle. Rome, 1887.
CHAPITRE VI
CRIMES POLITIQUES.— IJSFANTICI
.
I
Déjà au Congrès d'anthropologie criminelle de
Rome (1), mon colluboratenr Laschi et moi, nous
avons communiqué les résultats de nos premières
recherches sur les délits politiques ; nous avons
résumé les facteurs anthropologiques, physiques
et sociaux qui, • secouant l'inertie naturelle ù|
l'homme et lui faisant oublier sa haine du nouveau (le misonéisme), pouvaient pousser un
peuple aux révolutions politiques et à la criminalité particulière qui en découle.
Des études ultérieures nous mettent à même
d'exposer d'une manière plus détaillée l'action de
quelques-uns des plus importants de ces facteurs.
D'abord nous devons faire remarquer que délit
politique, dans sa signification anthropologique,
est moins pour nous un attentat contre une organisation politique particulière, que toute opposi(i)Voir les Actes du 1"Congrès international d'anthrop. criminelle. Rome-Turin, 1886-87.
152 LES PROGRES DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
tion violente au misonéisme politique, religieux ou
social de la grande majorité.
En effet, en admettant que le progrès organique
et humain n'ait lieu que lentement, au milieu
d'obstacles puissants, provoqués par les circonstances extérieures et intérieures, et que l'homme
et la société humaine soient instinctivement con-
A | B |
c | Fig. 7. —
Échelle représentative des départements (1 à 25).
- Échelle de diffusion des suffrages républicains,
................... Echelle de diffusion des suffrages monarchiques dans les
élections politiques.
A> montagnes, B, collines, C, plaines.
servateurs, il s'ensuit que les efforts vers le progrès, se manifestant par des moyens trop brusques
et trop violents, ne sont point physiologiques et
que s'ils constituent quelquefois une nécessité
pour une minorité opprimée, ils sont, au point
de vue juridique, un fait antisocial et, par conséquent, un crime.
Mais, ici, il faut distinguer les révolutions qui
ont un développement lent, préparé, nécessaire,
tout au plus accéléré par quelque génie ou par
i
41
CRIMES POLITIQUES. — INFANTICIDES, ETC.
153
quelque fou, et les révoltes qui ne sont qu'une
incubation précipitée et artificielle à une tempe-
, 1
rature excessive, une explosion d'embryons voués
pour cela, à une mort certaine. On peut donc
appeler les premières des phéno9.
LES PROGRÈS DE L^TBROPOLOCIl CniMI.NELLB
nomènes physiologiques, les secondes des phénomènes pathologiques ; celles-là ne sont jamais un
délit, parce que l'opinion publique les sanctionne
et leur donne son appui ; tandis que celles-ci sont
toujours l'équivalent d'un délit, car elles
représentent l'exagération des rébellions ordinaires.
Il y a ensuite les points intermédiaires : ce sont
les révolutions provoquées par des causes justes
et générales, mais qui sont trop précoces.
Elles finissent cependant par triompher : mais
en attendant qu'elles se soient adaptées au milieu,
elles peuvent constituer un délit, évidemment
temporaire, qu'une époque non éloignée transformera même en héroïsme et en martyre.
Le facteur le plus puissant des révolutions et
des révoltes, c'est le climat. — Comme on peut le
voir par nos diagrammes, c'est dans les départements des montagnes de France, qu'on observe le
plus grand nombre de génies et de républicains,
tandis que leur moindre nombre est dans la plaine.
(Voir fig. 6 et 7.)
FI
RACE. — Déjà M. Le Bon nous avait démontré
la grande influence de la race sur les révolutions.
En France, il a reconnu la différence de caractère des brachycêphales et des dolichocéphales :
les premiers seraient amoureux des traditions et
de l'uniformité, conservateurs en un mot; tandis
CMMES POLITIQUES. — INFANTICIDES, ETC.
155
que les seconds seraient révolutionnaires. — Mais
il a exagéré.
En effet, il y a des peuples dolichocéphales
(Egyptiens, Nègres, Australiens, Sardes, etc.), peu
révolutionnaires, et des brachycéphales (Auver7.5
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Pig. 9. — Échelle représentative des départements (1 à 25).
— Ligne de diffusion des principes républicains. ...
Ligne de diffusion des principes monarchiques.
gnats, Romàgnols) qui, au contraire, ne sont pas
conservateurs ; et on voit 86 émeutes italiennes
(1793-4870) donner le dessus à la dolichocéphalie
(Sicile, Naples, Ligurie, Calabre), quoique la brachycéphalie y fût aufsi représentée dans de fortes
proportions (33,72 p. 100).
TWT LES PROCHES DE L*AWTnn0P0L0GIE CRIMINELLE
En France, ayant comparé, d'après Reclus, Topinard et Jacoby, une carte des races avec les résultats des élections politiques des années 1877,
1881 et 1885, nous avons pu en conclure qu'en
général les départements où prédomine la race
ligurienne, et la Belgique, donnent un plus grand
contingent de votes aux républicains, ainsi que les
départements de race gauloise, lesquels abondent
aussi en génies (fig. 6). Quoique en moindre
proportion les républicains sont moins nombreux
chez les Ibériques et les Celtiques.
La Vendée, par contre, le Morbihan, le Pas-deCalais, le Nord, les Basses et Hautes-Pyrénées, le
Gers, la Dordogne, le Lot, sont réactionnaires et
comptent aussi peu d'hommes de génie.
11 y a, pourtant des conditions particulières qui
rendent encore plus efficace et plus active l'action
ethnique, comme le croisement de plusieurs
races. Il ,en fut ainsi des Ioniens qui, par leur
mélange avec les Asiatiques (Lydiens, Perses),
devinrent plus révolutionnaires et plus intelligents
que les Doriens ; nous voyons de même, de nos
jours, les Japonais, bien plus avancés que les
Chinois dans la voie du progrès, à cause sans
doute de leur mélange avec les races malaises.
L'inoculation du sang germanique expliquerait
la précoce civilisation de la Pologne et peut-être
même le fait qu'en Franche-Comté on remarque les
plus grands révolutionnaires dans le domaine des
sciences (Nodier, Fourier, Proudhon, Cuvier).
Des effets analogues sont dus aussi aux changements de climat, qu'on pourrait nommer un
CRIMES POLITIQUES. — INFANTICIDES, ETC.
151
croisement climatérique : c'est celui-ci qui éleva
en Europe le Sémite à une hauteur de génie
qu'il n'a pas en Asie, et qui transforma l'Anglor'28 '„'*
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Fig. 10. — Échelle représentative des départements (l,à 28).
__________ Ligne de diffusion des principes républicains.
----------------Ligne de diffusion des principes monarchiques.
A, do 20 à 40 habitants par kilométra carré. — B, de 40 à 60 h. par t. m. q. —
C. de 60 à 80 h. par k. m. q. — D, do 80 à 100 h. par le. m. q. B, plus de 100 h.
par k. m. q.
Saxon en Américain bien plus libre et plus génial.
Quant à la France, elle offre d'abord un rapport
remarquable entre la race et le génie. On voit
celui-ci prédominer là où prévaut la race germa-
158
LES PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
nique (Marne, Meurthe-et-Moselle, Haute-Marne,
Aisne, Seine-et-Oise, etc.), tandis qu'il est plus
clairsemé dans les départements où prévaut la race
ibérique (Basses- et Hautes-Pyrénées, Ariège Gers,
Landes, etc.) et la race celtique la plus pure
(Morbihan, Vendée, Deux-Sèvres, Vienne, Charente, etc.). Mais môme ici les contradictions ne
manquent pas, car, ainsi que nous l'avons démontré dans l'Homme de Génie, les descendants
des Hurgundiones donnent beaucoup de génies
dans le Jura et le Doubs et un petit nombre dans la
Saône-et-Loire. — Dans la même race, la HauteGaronne produit dix fois plus de génies que
l'Ariège, deux fois plus que le Gers et cinq fois
plus que les Landes.
Dans la Guyenne, la Gironde produit le double
du Lot et dans le Languedoc, l'Hérault donne
sept fois plus de génies que la Lozère.
Toutefois, en cherchant les gros chiffres, on
voit que les races qui donnent le maximum des
départements riches en génies, 5 sur 8 (66 p. 100)
sont peuplés par la race belge et par la race ligurique.
La race ibérique donne des chiffres insignifiants de même que la race cimbrique, avec
laquelle elle n'a pourtant aucuneaffinité (fig.-10).
Or, en comparant la distribution géographique
du génie en France avec les résultats des élections politiques des années susmentionnées, on
aperçoit que la génialité va de pair avec la tendance républicaine.
DEHSITIÏ DE LA POPULATION. — On comprend aisé-
i
nmwm
CRIMES POLITIQUES. — INFANTICIDES, ETC.
159
ment que là où la population est agglomérée,
notamment dans les villes, el Jacoby l'a signalé
le premier, les agitations politiques doivent avoir
lieu plus fréquemment, car, dans les grands centres de population, les passions s'aiguisent par
[ÏCÔ
LES PROGRÈS DE ITANTIIIIOPOLOGIE ÇUMINKLLE
le coDtact mutuel et l'exemple se propage facilement. 11 faut ajouter l'existence dans les gros
centres ouvriers, de l'influence peu pacifique des
génies (flg. H) et en même temps celle très dangereuse des déclassés et des criminels qui, dans
les troubles politiques, cherchent à s'élever euxmêmes ou à donner libre cours à leurs instincts
pervers.
En outre, dans les centres très peuplés, il faut
compter avec la névrosthénie endémique ; ainsi
M. Béard a reconnu que la soif de l'or, les journaux excitants, les élections politiques favorisent
la neurasthénie parmi presque tous les citoyens
de New-York et celle-ci à son tour favorise la
révolution (fig. 11).
De l'étude sur les rapports entre la densité de
la population et les votes monarchiques en
France, il résulte que dans les départements où la
population est le plus agglomérée, l'esprit public
est plus enclin aux idées républicaines
(6g- «)• En etlet, les Basses-Alpes, les Landes,
l'Indre,
le Cher et la Lozère, dont la population ne dépasse pas 40 habitants par kilomètre carré, ont
donné dans les élections politiques de 1877, 1881
et 1885 des quotités considérables de votes au
parti monarchique.
Il en est de même pour les départements de la
Vendée, du Nord, des Hautes-Pyrénées, du Gers,
du Lot, et de l'Aveyron, avec 60 habitants par
kilomètre carré.
Des résultats aussi curieux nous sont offerts
CRIMES POLITIQUES. — INFANTICIDES, ETC.
161
par l'étude des rapports entre les révolutions et
le génie (fig. 12), qui est un caractère et un effet
de l'évolution : on a remarqué que l'évolution et
les révolutions se multiplient de préférence chez
les peuples industriels (fig. 12), et chez ceux qui
ont plus d'esprit, comme ce fut le cas de Flo-ryj
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INDU5TRIALI
Fig. 12. — Echelle représentative des départements (1 à 25).
. Ligne de diffusion des principes républicains
Ligne de diflusion des principes monarchiques
rence, de Paris et de Genève, qui en 4500 était
appelée la ville des mécontents et qui était sans
contredit la ville la plus civilisée de la Suisse.
Il en était de même, en Athènes, si portée aux
révolutions et qui, dans la période florissante de
sa civilisation, arriva à compter 56 poètes célèbres, 21 orateurs, 12 historiens et littérateurs,
162
LES PROGRÉS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
■I4 philosophes et savants et 2 législateurs éminents, tels que Dracon et Solon ; tandis que Sparte
n'eut que peu ou point de révolutions et très peu
de génies célèbres (pas plus de deux, d'après
Schoell) ; mais ici l'influence orographique était
sans doute aussi en jeu.
C'est aussi la grande production de génies,
jointe à une culture très élevée, qui explique à la
fois le grand développement de civilisation et
l'instabilité politique de la Pologne, qui entraîna
plus tard sa ruine, et cela malgré qu'elle eût tous
les éléments contraires à la tendance révolutionnaire, étant un pays plat, d'un climat froid, de
race slave et par conséquent brachycéphale. C'est;
la même raison (la moindre densité) qui nous
explique le nombre aussi petit des républicains
dans les déparlements agricoles et leur grand
nombre dans les départements industriels (fig. 12).
Les femmes prennent une grande part aux
grèves (Zola), aux révoltes — bien peu aux révolutions. La statistique donne pour la Commune
27 p. 100 de femmes— tandis que dans la révolution italienne, elles ne dépassaient pas 1,2 p.
100 ; il en est de même pour le génie qui est un
cas tout à fait exceptionnel chez la femme —
même dans les arts. Elles prirent cependant une
très grande part à la révolution du Christ —
comme actuellement à celle des nihilistes — mais
c'est que, dans l'une comme dans l'autre, elles
amélioraient leur sort et arrivaient à une plus
proche égalité de droits. Il faut dire aussi que la
femme slave est plus sérieusement instruite que
CRIMES POLITIQUES. — INFANTICIDES, ETC.
163
dans le reste de l'Europe — et que le nombre
plus grand des célibataires les contraint à chercher de nouvelles sources d'activité.
La folie et la criminalité se développent dans
les déparlements en raison directe du nombre des
suffrages révolutionnaires.
164
LES PROGRÈS DE I.'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
La présence d'un fou de génie, Cola de Rienzi,
ou d'un grand génie, Marcel, et même d'un
homme sans génie mais fourbe et criminel, comme
Boulanger, Catilina, Donato Corsi, Sacchetti, etc.,
suffit pour déterminer de grands troubles politiques. Mais même avec un génie — le Christ par
exemple — une vraie révolution ne peut se produire et durer sans une nécessité organique des
peuples (1).
Régis, dans sa belle monographie a bien montré que les régicides étaient la conséquence
directe et forcée d'un état d'esprit particulier,
toujours le même. C'est donc en ce sens que les
régicides forment véritablement un groupe naturel. Bien entendu, il ne faut pas confondre les
régicides vrais avec les faux régicides chez
lesquels l'attentat, plus apparent que réel, a été
purement et simplement le fait du hasard, sans
connexion avec le fond des idées, délirantes ou
non délirantes. Chez ces derniers, l'attentat est
parfois un moyen, tandis qu'il est le but chez les
premiers.
M. Régis montre d'abord, dans son livre, que
les régicides, comme tous les délinquants, sont
des héréditaires dégénérés, d'une intelligence au
moins mal pondérée, issus de familles morbides
et porteurs de stigmates manifestes, tels que
malformations du crâne, strabisme, anomalies de
la forme des oreilles, etc. 11 fait, en outre, remari quer que tous les régicides ont été des hommes
(1) Le développement de ces théorie* sera donné dans le
Crime politique, de Lombroso et Lusclii. Paris, 1891-2.
CRIMES POLITIQUES. — INFANTICIDES, ETC.
165
jeunes, et la précocité des accidents, on le sait,
est une des principales caractéristiques des psychoses chez les dégénérés.
Quant à la forme de cette psychose, c'est un
mysticisme héréditaire, un véritable délire qui
se traduit par la croyance à une mission à r'em~\
plir. Ainsi, Poltrot blesse à mort le duc de Guise
pour ôter de ce monde un ennemi juré du saint
Évangile et gagner le paradis par cet acte; Balthazar Gérard tue Guillaume de Nassau pour être
un athlète généreux de l'Église romaine et devenir
bienheureux et martyr; Ravaillac assassine Henri
IV pour l'empêcher défaire la guerre au pape et
de transporter le Saint-Siège à Paris ; Damiens
égratigne Louis XV de son canif pour l'avertir de
remettre toutes choses en place et ie rétablir la
tranquillité dans ses États ; Henri t Admirai et
Charlotte Cordai/ frappent Collot d'Herbois et
Marat pour sauver la République ; Louvel
assassine le duc de Berry avec l'idée de délivrer
successivement la France de tous les Bourbons ;
Guiteau tue le président GarGeld « par suite d'une
nécessité politique et par passion divine » ;
Aubertin tire sur M. Jules Ferry pour supprimer le
mauvais génie de la France, etc.
Il faut aussi remarquer que, chez tous ces fanatiques, l'attentat est l'acte d'un seul, et que c'est
commettre une véritable faute de psychologie
que de leur chercher des complices. Le crime
est conçu, médité et accompli par le régicide
comme se conçoit, se médite et s'accomplit un
acte d'aliéné.
166
LES PROGRÉS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
III
Nous devons enfin signaler un ouvrage de M.
Balcstrini qui applique nos idées à une nouvelle
théorie pénale sur l'avorlement (Dell'aborli et deiï
infanticide, 1888).
Il nous prouve que la pénalité doit dans ce cas
être bien amoindrie, car le fœtus, surtout dans les
premiers mois, représente pour la société
moderne qui n'est plus théologique, bien plus, un
animal qu'un être humain ; et c'est alors bien
plus, qu'on me permette le mot, un bruti-cide
qu'un homicide.
Tarde, Sarraud, Drill ont essayé les premiers
les applications juridiques de la science nouvelle,
ainsi que MM. Ferri et Garofalo qu'on peut bien
dire Français aussi par leurs ouvrages. Je dois
signaler surtout la Riparazione del danno de M.
Garofalo, car elle peut dissiper les craintes dont
M. Maxime Du Camp s'est fait l'écho sur les
dangers de notre école : il y étudie, en effet, les
moyens pour obtenir les dédommagements du
crime.
Il propose, que, dans les dégâts contre la propriété, lorsque l'offenseur est solvable, les dédommagements offerts par le coupable avant ou après
la condamnation amènent la réduction de la moitié
de la peine : la réduction serait d'un quart dans les
délits contre les personnes. Lors- , que le
dédommagement serait obtenu par l'of-
CRIMES POLITIQUES. — INFANTICIDES, ETC.
167
fensé, par exécution forcée, le condamné n'en récolterait aucun bénéfice.
Si l'endommagé refusait d'accepter la réparation
des dommages-intérêts, ou s'il f renonçait, la.
somme offerte serait dévolue à une caisse des
amendes ; il en serait de même si l'endommagé
était lui-même responsable pour délit commis ;'Ia
caisse pourvoirait dans les cas d'insolvabilité de
l'offenseur.
CHAPITRE VII
CONGRÈS, JOURNAUX, SOCIÉTÉS ►
ANTHROPO-JURIDIQUES
I
Nos progrès sont allés bien au delà des découvertes de détail qui peuvent intéresser seulement
les savants. Elles ont dépassé les bornes élevées,
mais trop solitaires, de la science. A l'époque du
premier Congrès d'anthropologie criminelle, il n'y
avait pour répandre ces idées dans le monde
qu'une seule revue, YArchivio di psi-chiatria,
scienze penali e anthropologia criminale;
maintenant nous avons YAnomalo de Zuccarelli,
la Scuolo positiva di direlto del Fiorettre (Napoli),
YArchivio di frenatria de Reggio, la Revista
d'Anthropologia criminal de Talladriz (Espagne),
les Archives d'Anthropologie criminelle de Lacassagne, les Archives de Psychiatrie, de MirjewsM,
et celles de Kbwalewski, la Revue de la Société
juridique de Moscou, les 'Mémoires de la Société
d'Anthropologie de Bruxelles. Et pourquoi n'ajouterions-nous pas les Bulletins de la Société d'Anthropologie dans lesquels Manouvrier, Fallût,
Letourneau et Bordier ont soutenu des batailles si
m
CONGRÈS, JOURNAUX
169
glorieuses pour notre drapeau ; et la Bévue de
la Réforme Judiciaire de Janvrot et la Bévue
scientifique qui est toujours la première à propager les idées nouvelles ; et le Bulletin de la
nouvelle Société d'Anthropologie criminelle de
Buenos-Ayres, la première société consacrée à celle
nouvelle science qui compte déjà un muséum
spécial et dcsjnembres justement célèbres (1)?
II
Je ne dois pas oublier le congrès juridique de
Lemberg , de l'année 1889, où Rosenblatt a traité
Les causes psychologiques des crimes, où
Erzynnshi a communiqué les résultats de la nouvelle école anthropologique et où Bulzinski a traité
« des prisons selon la nouvelle école ». Mais le
premier congrès juridique qui ait mis vraiment
en discussion les problèmes posés par la nouvelle
école juridique, est celui de Lisbonne, dont le 4
avril 1889, a eu la première séance..
La première question discutée était ainsi formulée : L'administration de la justice doit-elle
être gratuite, particulièrement en matière de
tutelle et en matière pénale ? — La résolution
du Congrès a été que : l'administration de la justice, étant une fonction de la société, doit être
gratuite de toute manière : elle a été* prise pres(1) Pinoro, Drago, Ram os. —? Meija etc.
JLOMBROSO r~
Anlhi: erim.
_10__
170
LES PROGRÈS DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
■
que à l'unanimité, deux votants seulement y ont été
contraires.
La cinquième question était : Doit-on indemniser les accusés acquittés ; en cas d'affirmative,
l'indemnité est-elle due à tout individu acquitté
sans distinction, ou seulement à celui que le tribunal aura déclaré innocent ? — On a approuvé à
l'unanimité la réponse suivante : L'Etat doit une
indemnité à tout prévenu ou accusé dont l'innocence complète a été déclarée judiciairement, soit
au cours de l'instruction du procès, soit après
l'accusation, dans le jugement sur la poursuite,
soit finalement pendant la revision par le juge
chargé de statuer. Exception est faite toutefois
pour ceux qui, par leurs fautes ou leurs actes, ont
donné un motif à la prévention et provoqué la
poursuite par des déclarations mensongères, de
faux aveux ou tous autres moyens susceptibles
de contribuer à l'erreur judiciaire commise à leur
préjudice.
La dixième question était : En quel sens est-il
urgent de réformer les codes criminels en ce qui
touche les conditions de la responsabilité pénale
de l'auteur du fait incriminé et les effets des
causes de non-imputabilité {circumstantias dirimentes) pour que la doctrine de la loi, s'accorde '
avec les affirmations de la psychologie contemporaine, de l'anthropologie criminelle et de la
pathologie aliéniste, et satisfasse à la nécessité do
donner à la société toute la sécurité possible à
l'égard des criminels ?
Le rapporteur était M. le .Dr Ant, Auguste
SOCIÉTÉS ANTnnOPO-JUMDIQL'ES
1711
Chrispiniani da Jonseca, juge à Meda. A ses conclusions, la section de droit criminel a substitué
les suivantes :
1° Les lois pénales doivent statuer, non seulement à l'égard des fous, mais encore à l'égard des
délinquants qui, sans ôtrc absolument fous, no
sont cependant pas complètement responsables
de leurs actions ;
2° Le délinquant absolument fou doit, après
constatation de son irresponsabilité, par examen
médical et par tous les autres moyens légaux, ôtrc,
enfermé à perpétuité dans un hôpital ou dans un
asile ;
3° Ceux qui n'étant pas absolument fous ne
sont pas complètement responsables, mais sont
dangereux, doivent être jugés et détenus temporairement dans des établissements à ce destinés.
Ces conclusions ont été votées par la majorité
du congrès, et comme on voit ce sont les mômes
que ceux de notre école.
III
La faculté de droit de Heidelberg a mis au
concours parmi ses élèves, comme prix annuel,
c Les applications juridiques des découvertes du
professeur Lombroso sur l'Homme criminel ».
Je signalerai encore la fondation récente de Y
Union internationale de droit pénal laquelle a
inscrit sur son drapeau les conclusions pratiques
de notre école : que pour connaître la criminalité
H72
LES PROGRÉS DE L'AKTHROPOLOGIE CRIMINELLE
il faut étudier les criminels ; que les mesures
préventives sont aussi efficaces que la peine
contre les crimes ; que les tribunaux répressifs et
l'administration pénitentiaire concourent au môme
but et la condamnation ne* valant que par son
mode d'exécution, la séparation consacrée par
notre droit moderne entre la fonction pénitentiaire
est irrationnelle ; qu'il faut tâcher de substituer
d'autres peines aux emprisonnemeuts de courte
durée ; qu'il faut distinguer les délinquants
d'accident de ceux d'habitude ; et que pour ces
derniers lorsqu'il s'agit seulement de la répétition
de petits délits, le système pénal doit tâcher de
prolonger les peines.
C'est l'écroulement de toute la vieille métaphysique
juridique, que ce décalogue auquel ont souscrit
trois cents membres des plus distingués de la
jurisprudence européenne. L'œuvre n'est
commencée que depuis six mois, et nous avons
déjà les mémoires importants de Garofalo, de
Prins, de Lammatsch, de Liszt; et déjà ils se sont
réunis dans un congrès, le 3 août 1889, à Anvers,
pour poursuivre la réforme de la législation pénale,
conformément aux données fournies parles études
anthropologiques et sociologiques. On a été
d'accord que, pour les délinquants d'occasion, les
débutants, ceux qui n'ont pas subi de
condamnations antérieures, la prison est plus
nuisible qu'efficace. On a proposé de substituer à la
prison diverses mesures, telles que l'admonestation
(comme en Angleterre et en Italie), l'internement
chez soi, la réforme du système des
SOCIETES ANTHROPO-JURIDIQUES
173
amende», les travaux publics à l'air libre, et la
plus large application de la condamnation conditionnelle, qui permet le relèvement du condamné
coupable d'un entraînement passager, en ne le
livrant pas au voisinage pervertissant des récidivistes, délinquants d'habitude.
On a adopté à l'unanimité l'amendement de
M. Garofalo.
« L'union recommande l'application du prin
cipe de la condamnation conditionnelle en in
sistant sur la nécessité d'en déterminer'les li
mites d'après les conditions locales et en tenant
compte des sentiments et de l'état moral des
peuples. »
■
Honneur, trois fois honneur à Du Hamel, à
Prins, qui ont fait les premiers pas dans cette
voie ! honneur à tous ces nobles esprits qui, entraînés par le flot puissant des vérités nouvelles,
ont renoncé (ce qui est rare chez les hommes et
plus encore chez les savants) à des convictions
qui, formées dans leur jeunesse, grandies avec
leur gloire, devaient leur être doublement précieuses.—11 est bien vrai que quelques-uns d'entre
eux désavouent leur origine et protestent qu'ils
n'ont rien de commun avec nous; mais ce n'est
là qu'une très rare exception. Et, d'autre part, lorsqu'on combat, comme nous, pour une idée, que
nous importe si la personne est méconnue, pourvu
qu'on adopte son drapeau? — N'est-ce pas la destinée commune dans ce monde, que les fils, en
grandissant, délaissent leurs parents, tandis que
ceux-ci n'oublient jamais leurs enfants?
10.
174 LES PROGRÈS DE L'ANTnROPOLOGIE CRIMINELLE
Pour nous, cet oubli môme prouve notre maturité.
IV '
Mais comme un bonheur ne vient jamais seul
je vois poindre à l'horizon une application encore
plus nouvelle.
Manouvrier, dans un de ces moments prophétiques qu'ont les hommes de génie, disait, il y a
peu de jours, que non seulement il existe une
anthropologie criminelle; mais qu'il devait se
former une anthropologie historique, sociale, etc.
Eh bien ! ce moment est déjà venu. Taine et
Renan ont déjà* créé une anthropologie historique
: MM, Lessona, Fiorelti, ont fait des essais
d'applications au droit civil, surtout pour les testaments, les droits de succession et le divorce. M.
d'Aguanno vient de publier un ouvrage très
volumineux rempli de documents et d'aperçus généraux sous le titre : Sulla evoluzione e genesi del
diritto civile (1890). Et si dans ces nouvelles
applications, notre science allait perdre son nom et
recevoir un nom nouveau comme anthropologie
sociale, juridique? Eh bien ? ce jour serait béni ;
car nous tenons bien plus au triomphe des idées
nouvelles qu'à celui de leur nom.
Je n'ai pas fait .mention jusqu'ici du Congrès
d'Anthropologie criminelle de Rome, ni de celui
de Paris. Les actes du premier sont déjà publiés,
et ceux du second vont paraître et mieux que
SOCIÉTÉS ANTHROPO-JURIDIQUES
115
toutes mes paroles, confirmeront l'importance de
la nouvelle science. Mais un fait qu'ils ne pourront pas mettre suffisamment en évidence, fait
reconnu cependant par tous les congressistes
présents à Paris en 1889, c'est que grâce à l'hospitalité de MM. Thévenet, ministre de la justice,
MM. Herbette, Brouardel, Roussel, Motet, Magnan,
Roland Bonaparte, et de tant d'autres, la courtoisie française s'y est montrée aussi grande que
sa génialité.
APPENDICE
ENSEIGNEMENT DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
KT SURTOUT DE LA SCIENCE
PÉNITENTIAIRE DANS LES PRISONS
1. A première vue, on dirait qu'il est superflu de
vouloir démontrer l'utilité.d'un enseignement de la
science pénitentiaire.
Puisqu'il s'agit de connaissances qui peuvent décider du sort de milliers et de milliers d'individus et,
ce qui est plus important encore, de connaissances
auxquelles la sécurité de toute la société est
intéressée, il est bien naturel d'admettre que ce doit
être un grand avantage de fixer des règles pour «
tous ceux qui embrassent la carrière pénitentiaire et
poursuivent le noble but du relèvement moral des
criminels. Jusqu'à ce jour, nous avons marché dans ce
domaine en tâtonnant et sans recourir aux sciences et
moins encore à l'enseignement universitaire.
C'est une loi générale, d'ailleurs, que les théories,
didactiques, soient précédées d'une action plus ou
moins tâtonnante et informe. Les mots résonnèrent
bien avant que la grammaire les recueillit et fixât
les règles du langage; et des centaines de siècles
APPENDICE
177
s'écoulèrent avant que le griffonnage graphique fût
remplacé par les lettres de l'alphabet et ensuite par
les règles de la peinture. Pendant bien des années
on fit la guerre, le commerce, avant de connaître
l'arithmétique, l'économie politique, la balistique et
la statistique.
Ce n'est guère qu'aujourd'hui que l'on -commence
réellement à enseigner l'histoire d'une manière scientifique, car, auparavant, ce qu'on enseignait était la
chronique des événements.
Le droit pénal, aussi, n'a pris une forme didactique
que depuis peu d'années.
La matière des sciences pénitentiaire et carcéraire
est plus compliquée et plus susceptible d'enseignement que toutes les autres; et cependant elle en est
dépourvue.
Si nous prenons d'abord en considération l'architecture des prisons, nous ne sommes pas encore
arrivés à savoir comment on doit construire une
cellule ou un atelier qui, tout en étant économique,
ne nuise pas à la santé et permette au détenu d'y être
occupé utilement, sans être exposé à la dépravation
que le régime en commun des criminels entraîne
après lui. Une pareille cellule et de pareils ateliers
n'existent pas encore, et on ne sait pas à. l'heure qu'il
est comment on devrait modifier, les constructions
des maisons de correction, des prisons pour femmes
et des maisons d'arrêt, dans lesquelles les prévenus
innocents ou coupables passent une phase de
transition.
Nous avons été ravis d'entendre louer les constructions et l'aménagement de certains pénitenciers
allemands, russes, suédois. Nous n'en avons pas fait
l'étude et la critique; et je dis cela pour les savants,
car la connaissance de ces choses n'est pas
178 LES PROCHES DE L ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
du domaine du public. Mais si on connaît bien le côté
matériel d'un établissement pénitentiaire, con-nait-on
aussi bien le côté administratif et moral? Noos nous
faisons ici d'étranges illusions, comme jusqu'à présent
nous nous en sommes fait sur le droit pénal. Nous
tranchons les questions, à droite et à gauche, sans
examiner les faits; nous nous persuadons qu'un
certain établissement est vraiment utile, parce que sa
construction a une forme carrée ou allongée ou
circulaire, nous croyons qu'elle permet alors
l'isolement des criminels et guérit radicalement ces
derniers d'anomalies qui résultent de l'atavisme ou de
lésions tranmatiques ou de profondes déformations
organiques.
A cela s'ajoute l'administration qui est très compliquée, surtout lorsque le travail est introduit dans
les prisons ; et que, dans cette organisation on veut
s'affranchir de la coopération des entrepreneurs
toujours pernicieuse. Ensuite, on rencontre de grandes
difficultés lorsqu'il s'agit de donner satisfaction à des
besoins de récréations intellectuelles, en autorisant les
entrevues de prisonniers avec des personnes distinguées, en admettant les détenus à l'usage des livres
de la bibliothèqce, en organisant l'instruction
religieuse, de manière à ce que cette dernière ne conduise ni à la monomanie religieuse, ni à l'athéisme ni
à l'intolérance.
Nous ne croyons pas qu'on puisse prévoir et pourvoir à tout cela au moyen de quelques articles d'un
aride règlement, ni même résoudre ces problèmes
avec une série de tableaux statistiques qu'il est facile
d'arranger à sa manière, sans qu'ils aient le moindre
rapport avec la réalité.
Toutes ces questions ne peuvent être élucidées que
par une étude détaillée, profonde, en partie théori-
APPENDICE
179
que et en partie pratique, qui cherchera à s'émanciper de
l'apriorisme qui s'est faufilé dans la pratique carcéraire
et y a fait commettre bien des fautes. Rappelons à cet
égard les illusions qu'on se faisait tout récemment à ce
propos. Je n'ai pas besoin de les énu-mérer, il suffit de
citer les ouvrages de MM. Beltrani-Scalia, Salillos et
Prins (J).
L'échec auquel nous assistons résulte d'un excès de
généralisation; sous prétexte de supprimer l'arbitraire, on
a supprimé le mouvement et la vie. « Quand même les
tribunaux d'Europe continueraient à laisser tomber les
condamnations sur les misérables, comme un robinet
laisse tomber l'eau goutte à goutte sur le sol, encore rien
ne serait-il changé : les condamnations s'enfoncent dans
les masses comme les gouttes d'eau dans le sable. Croire
que l'on transformera ce mal des prisons, est une énorme
illusion. Croire que l'on y réussira par un séjour rapide
dans une prison est une absurdité. La prison, plus que
toute autre peine, demande à être appliquée avec
discernement. En la prodiguant à tort et à travers à tous
ceux qui défilent devant un tribunal, on en émousse
l'effet, on en détruit la portée, et on sape par la base le
système pénitentiaire d'autant plus sûrement qu'il est
presque impossible de fournir du travail aux détenus de
quelques jours, et que la peine devient ainsi une excitation à la paresse (Prins). >
2. Mais il y a une étude plus importante encore, car
elle intéresse l'administration carcéraire et l'administration pénale : je veux parler de l'étude de
l'homme criminel. On croyait dans les temps anciens
(I) Voir Prins, De la libération conditionnelle en Belgique,
1888.
180
LES PROGRÉS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
que l'on pouvait étudier la maladie au lieu du malade,
le crime et non le criminel.
Il est inutile de dire combien cela a été nuisible, car
le même crime peut être commis par passion, dans un
accès de délire, par suite d'un vice inné, et selon les
cas, il faut des peines spéciales. La lutte inutile, et ce
qui est pis, inutilement coûteuse qu'on a soutenue
jusqu'à présent contre le crime, dont la récidive va
toujours en augmentant, sert à démontrer l'effet de
nos erreurs.
Même, abstraction faite de cette faute, la nécessité
de l'étude du criminel s'impose en obéissance aux
vieilles maximes des sciences carcéraires. Je fais allusion ici aux observations si intéressantes, faites à
Zwickau, d'après lesquelles on doit traiter les criminels individuellement, et modifier le traitement suivant le caractère personnel,' si l'on veut obtenir un
résultat quelque peu satisfaisant. Gomment pourra-ton donc pratiquer la libération-conditionnelle, administrer avec succès une maison de correction, sans
étudier individuellement le crime?
Et comment fera-t-on une étude individuelle si l'on
n'organise pas des enseignements spéciaux sur les
criminels ?
C'est grâce à l'absence de cet enseignement que les
juristes et la plus grande partie des employés
carcéraires envisagent les criminels comme des
hommes tout à fait normaux qui sont frappés d'un sort
malheureux, des conscrits qui, dans la conscription de
malheur, au lieu de tirer un bon numéro, ont tiré un
mandat d'emprisonnement.
Il est naturel qu'avec de telles erreurs fondamentales, on doive se tromper dans toutes les mesures
prises contre les criminels, et qu'on en soit arrivé à
un tel point que dans tous les pays, l'Angleterre et
181
APPENDICE
l'Amérique du Nord exceptées, les gens honnêtes ont
plus à souffrir des frais de détention des coupables que
de leurs méfaits.
3. Ces recherches doivent, naturellement, être
pratiquées sur les lieux.
Tout le mécanisme de la cellule, tous les' rouages du
service qui doivent rendre efficace une maison de
correction, l'organisation des travaux qui doivent alléger
les charges de l'Etat sans nuire à l'isolement et à
l'amendement des criminels, ne peuvent être mis en
pratique si l'on n'est pas en contact avec les faits.
Aussi est-il impossible d'étudier l'homme criminel
sans le voir, et même de bien près, ce qui n'est pas
difficile. C'est à tous ces mensonges juridiques dont
l'Europe s'est imbue jusqu'ici,' qu'il faut attribuer cette
légende que l'accusé ne reçoit pas volontiers des visites
et ne se soumet pas docilement à un examen
anthropométrique, surtout lorsqu'il est question de
criminels communs.
Par amour de la science et de la pratique médicale,
nous laissons percuter des centaines de phtisiques dans
les hôpitaux, examiner des centaines de femmes
enceintes par des jeunes gens, manipuler dans les
cliniques chirurgiques des membres fracturés et palper le
corps des individus des deux sexes ; et quoique les
visites soient bien souvent fatales aux aliénés, nous
laissons, sans difficulté, fréquenter les cliniques
psychiatriques, pendant des mois entiers, par les
étudiants en médecine ; et les difficultés
commenceraient seulement pour les criminels ? :
Gomment expliquer cette manière d'envisager les.
choses à rebours et seulement pour ces personnes ' qui,
certainement, sont bien moins délicates et moins
intéressantes : les criminels ?
LOMBROSO. — Anlhr. critn.
11
182
LES PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
Si les égards que nous avons étaient sincères, nous
aurions à prendre des mesures, non pas pour
empêcher les études sur le condamné, mais bien
plutôt pour défendre la publication dans les journaux,
de notices beaucoup plus répandues, plus obscènes et
plus calomnieuses, données sur les prévenus, avec
leurs portraits, et nous devrions restreindre la
publicité des cours d'assises que, par suite d'un autre
mensonge juridique conventionnel, on considère
comme sauvegarde des honnêtes gens, des accusés,
des faibles, et, Dieu nous garde, de la liberté
politique I
Un prévenu qui peut être le plus honnête homme
du monde, on le laisse traîner dans la presse avec ses
nom et prénoms, on permet que son portrait, sa
biographie courent dans tous les journaux, et après
cela on jette les hauts cris si quelque savant, devant
des collègues, veut étudier la physionomie non pas
d'un prévenu, mais d'un vrai criminel d'habitude !
Un examen semblable, fait avec calme par des
personnes sérieuses, ne donne presque jamais lieu à
des inconvénients et ne trouble pas la discipline. Il
suffit qu'on sache que pendant quatorze années j'ai pu
conduire une centaine d'étudiants dans les prisons de
Pavie et de Turin, sans qu'une seule fois la presse s'en
soit doutée et sans qu'aucun des prisonniers, quoiqu'il
en eût le droit, se soit refusé à l'examen. D'autre part,
il est bien entendu qu'on ne doit pas étudier les
premiers venus, et bien moins les prévenus, s'ils ne
sont pas en état de récidive, à moins qu'ils ne soient,
au moment de l'examen, sous le coup d'une
accusation grave.
On doit aussi exclure les prisonniers qui se refusent à se laisser examiner et qui ont commis des
183
APPENDICE
crimes qui ne dénotent pas la perte du sens moral,
comme les faillis, par exemple, certains faussaires,etc.
On ne doit étudier que les criminels-nés. D'autre part, les
autres criminels ne diffèrent pas beaucoup des autres
hommes et n'ont pas besoin de soins spéciaux. On doit
faire cette étude avec le tachi-anthro-pomètred'Anfosso,
suivant les règles qui ont été fixées avec tant de finesse
par Tamburini et Be-nelli (1) et que j'ai essayé de
compléter, et aussi selon les règles fixées par Berlillon.
Et comme beaucoup de criminels-nés ne sont pas
véridiques, l'examen doit être précédé de l'étude de l'acte
d'accusation. Ces entrevues et cet examen ne peuvent
être dangereux pour les criminels ; au contraire, les
résultats de ces études communiqués à ceux qui doivent
décider de la détention et éventuellement de la libération
conditionnelle des individus, pourront servir, beaucoup
mieux que les démarches et instances des députés et les
informations bureaucratiques qui en sont généralement
la règle ; et cela d'autant plus que ces entrevues
pourraient corriger les oisivetés dangereuses de la
cellule, et bien des fois prévenir les erreurs de la justice
humaine ou aider à les réparer comme dans le cas de
Rossi (2), où un condamné à vie, pourvoi de grand
chemin, fut reconnu à l'examen anthropométrique et à
l'examen psychologique pour être un honnête homme
calomnié.
Cette étude nous donnerait aussi un nouveau moyen
pour introduire, dans l'enseignement des connaissances
carcéraires, l'examen de l'homme criminel. Mais si les
préjugés et les mensonges conventionnels qui dominent
encore empêchaient l'étude
(I ) Acte» du Congrès d'anthropologie criminelle, nome, 1888. (2)
Centwia dei criminali, 1S8S, I, etc.
I
f
184 LES PROGRÈS DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
de l'homme criminel en prison, rien n'empêcherait
d'étudier les criminels libres, en grand nombre dans le
monde, et qu'on peut très facilement rencontrer sur la
voie publique. Aussi, quant à moi, depuis six. ans, je
ne fais mes études que sur ceux-ci.
Le seul inconvénient qui pourrait se présenter,
lorsque les étudiants pénètrent dans les prisons, ce
serait que des accusés innocents et honnêtes y soient
aperçus contre leur volonté.
Il est vrai que, malgré tout, ils pourront être vus au
tribunal; néanmoins on devrait l'éviter, en donnant un
masque à tous ceux qui le désirent, en faisant
pénétrer directement les étudiants dans l'école de la
prison et en n'y appelant que les individus qui
voudraient bien se laisser examiner.
Quant aux maisons de correction pour jeunes délinquants, la question est encore plus délicate et plus
compliquée. Je crois que l'examen ne doit être fait
qu'avec le concours des maîtres et des directeurs
spirituels et sur les meilleurs élèves, en représentant
la visite comme une distinction, et en n'examinant
jamais que les jeunes gens dont l'entrée a été provoquée par un délit, car autrement on pourrait souvent pervertir des enfants honnêtes et malheureux.
Il serait, d'autre part, très avantageux de faire une
étude approfondie sur le revers de la médaille et
d'étendre ces recherches dans les écoles publiques,
en examinant les élèves plus incorrigeables, comme
premier pas vers leur internement dans une maison
d'éducation correctionnelle.
Un inspecteur des écoles de l'Italie, de grand talent. M. Ruffîni, qui a vu combien ces recherches
seraient utiles, a déjà fait une espèce d'apostolat dans
le but d'obtenir qu'on prenne note, dans le livret de
l'école, des anomalies morales des enfants, anomalies
APPENDICE
185
qui, lorsqu'elles persistent pendant plusieurs années,
peuvent être considérées comme de graves indices,
de criminalité, et demanderaient des mesures préventives pour empêcher que l'enfant ne contracte
définitivement des penchants vicieux.
Et voilà comment des recherches didactiques pourraient contribuer à la protection de la société.
Pour ce qui regarde les femmes, ces recherches ne
sont pas aussi nécessaires, car la criminalité est bien
moins répandue parmi elles. Ces recherches devraient
se borner aux prostituées criminelles qui, ayant été
en contact avec le monde et plus qu'il ne faudrait,
ne seront pas, par cet examen, blessées dans leur
amour-propre, et dont la pudeur ou la timidité ne
subirait aucune atteinte.
Le cours d'instruction devrait comprendre :
a). Une partie théorique sur les lois, ordonnances
et règlements carcéraires, sur les types de cellules,
le mobilier, etc. ;
6). Une .étude de la statistique criminelle, théories
pénales, libération conditionnelle, patronage, etc.;
c). Des études d'anthropologie criminelle et de
psychiatrie sur les criminels ;
d). Une autre partie toute pratique consisterait en!
un examen direct des lieux de détention, des cellules, etc., sous les yeux des directeurs, des sousdirecteurs et des professeurs.
Un registre en double copie, dans lequel le résultat
de ces études et de ces visites serait inséré, devrait
être consulté par la commission pour la liberté conditionnelle et par la commission de surveillance des
prisons.
£i>i*ftV
TABLE DES MATIÈRES
PRÉFACE DE LA 3° ÉDITION............................................................. -.
PREFACE DE LA 1™ EDITION .......................................................
PREFACE DE LA 2° EDITION .........................................................
CHAPITRE PREMIER. — ANOMALIES MORPHOLOGIQUES. . .
Cerveau ....,..,, ........................................ .. . .......
Crânes. ...................................................•. , . . .*, .
Squelette ,»y..........................................................-, , ,
Anomalies dans les vivants ..............................................
CHAPITRE II.— LES FONCTIONS DES CRIMINELS.......................
Résistance à la douleur ................................................. .
Sécrétions '. ......................................................................
Odorat ..............................................................................
Goût . . .""* ...................................................... ., . . .
Marche ..-.,'« ....................................................................
Gestes. ..................................................................-, . .
Tatouage. . . . . .... ..................................................... . .
CHAPITRE III. — GENERALITES. — PATHOLOGIE DE L'HOMME
CRIMINEL..................................................................................
CHAPITRE IV. — LES EPILEPTIQUES. — LES CRIMINELS . .
CHAPITRE V. — LES CRIMINELS EN PRISON, t. ..........................
CHAPITRE VI. — CRIMES POLITIQUES, INFANTICIDES, ETC. .
CHAPITRE VII. — CONGRES, JOURNAUX ET SOCIETES AN
THROPO-JURIDIQUES .................. . . . . . . » ...............................
APPENDICE. — Sur la nécessité de l'enseignement péni
tentiaire et de l'anthropologie criminelle .............................
gV R E U X , I M P R I M E R I E DE CHARLES H É R IS S E Y
Pages
vil
1
21
39
40
42
&-,
47
72
73
75
76
78
80
80
81
92
107
130
151
168
176
Félix ALf.AN, éditeur, 108, boulevard Saint-Germain, Paris.
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agrégé à l'Université de Naples. — La criminologie, 1
vol. in-18, 4° édition, 1895 . . . . rf> . . 7 fr. 50
LOMBROSO (Cesare), professeur à l'Université de Turin.
— Nouvelles recherches de psychiatrie et d'anthropologie criminelle. 1892. 1 vol. in-18. . L» . 2fr. 50
— .......................................................................Les
applications de l'anthropologie criminelle. 1892.
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— L'anthropologie criminelle et ses récents progrés.
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Prostituée. I vol. in-8°, arec 13 planches hors texte,
1890 .................................................................. . 15 fr.
LOMliROSO et LASCHI. — Le Crime politique et les
Révolutions. 1 roi. in-8", arec planches hors texte.
1898...............................> '..».,. e* '-. . . 15 fr,
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lauréat de l'Institut. — La criminalité politique. 1893.
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BERSOT (Ernest), de l'Institut.— Libre philosophie. 1868.
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CHABOT (Ch.), professeur adjoint à la Faculté des lettres
de Lyon. — Nature et Moralité. 1896.1 vol. in-80' 5 fr.
CRESSON (A.), professeur agrégé de l'Université. — La
Morale de Eant. — Etude critique. 1897. 1 vol.
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DELBOS (Victor), professeur de philosophie au lycée
Henri IV. — Le problème moral dans la philosophie
de Spinoza et dans l'histoire du spinozisme. 1893.1 vol.
in-8». .- :>:. ;•/■>. . ••*. j'. . . . . . .
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FOUILLÉE (Alf.), de l'Institut. — Critique des systèmes
de morale contemporains. 1899. 1 vol. in-8°, 4° édit.
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FULLIQL'ET (G.), docteur es sciences, licencié en théologie. — Essai sur l'obligation morale. 1898. I vol.
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GUYAU. — La morale anglaise contemporain*. 3* édit.,
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1896. 4" «'-dit. 1 vu1. in-8°. . . . *. Jt* ............... 5 fr.
IIERCKENHATH (G.-K.), professeur a«*#céV'<le Gro-;
ningue (Hollande). — Problèmes d'esthétique et de
morale. 1897. 1 vol. in-18 . . +, ■ ....". 2"fr.50
LANESSAN (J.-L. de), ancien gouverneur général de
l'Indo-Chinc, — La morale des philosophes chinois.
1896. 1 vol. in-lS, .• .................... ^',.k^L,- • 2 fr- '°
LEFÈVRE (G.), maître de conférences à la' Faculté des
lettres de Lille.. — Obligation morale et Idéalisme.
1895, 1 Toi. i'n-WCIi'..,*•» •
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Ll'BBOCK (Jolm), de la Société royale de Londres. —Lé"
bonheur de vivre. 5* édit., 1898. 2 vol. in-18. Chaque*
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13. SÇÏÏUTZENBERGER. Les fermentations, 6" édition,illustré.
14. WHITNEY. La vie du langage, 4» édition.
15. COOKE et BERKELEY. Les champignons, 4° éd., illustré.
16. BERNSTEIN. Les sens, 5° édition, illustré.
17. BERTHELOT. La synthèse chimique, 9» édition.
18. NIEWENGLOWSKl. La photographie et la photochimie.
illustré. 19'. LUY8. Le oerveau et ses fonctions. 7« édition,
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20. \y. STANLEY JEVONS. La monnaie et le mécanisme de
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21. FUCUS. Le* volcans et les tremblements de terre, 6* éd.
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30. H. JOLY. L'homme ayant taa métaux, !• édiL (r>«tK?l. #
M. A. BAIN. La science de l'éducation, W édition. 3333.THURSTON.Histoire dela machine A v»peur.:fcd.,2t«L 34.
R. HARTMANN. LH peuplée 4a l'Afrique. 2* édit. (epsas**).
33. HERBERT Si't-.NCEH. Les basée (ta la monda évotuUoonlate. > édiii- : '
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34. 0.-N. ROOD. Théorie acientiaque daa couleur» at taon
applications * fart at * l'industrie, S* édition, illustré. 19.
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H
♦0-41. CHARLTON-BASTIAN. La carreau et ta panaéa. «•éd.,
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44. JAMES SIU.Y.LeeUlueione leeeens etdeleaprft. 3*éd.,iil.
44. TOONG. La Soleil, illustré [épuise).
44. A. HE CAN0OLE& Origine daa plante» outUveea, 4* édit.
45-46. J. LUBBOCa. Lea Fourmi», laa abeille» et les Onèpa»,
S vol. illustre*(if/'ui.t-).
41. ED. PERRIER. La phlloa. soologique avant Darwin, 3* éd.
48. STALLO. La matière et ta physique moderne, 3* édition.
4f. MANTKUAZZA. La physionomie et l'expression daa sentiments, 3« édit., illustré, a vue S pi. bon texte.
50. DE MEYER. Lea organes de la parole, illustré.
51. DE LANESSAN. Introduction a ta botanique. La sa/tin.
r édtt., illustré.
■
53-53. DE SAPORTA .et MARION. L'évolution du règne
Tégètat. Les phawfroffamts, t volumes illustrés.
54. TROUESSART. Le» mlorobea, tee fermenta et le» moisissures, 2* éd., illustré.
55. HARTMANN. Laa singes anthropoïdes, illustré.
56. SCHMIDT. Les mammifères dana leurs rapporta aveo leurs
H aneètrea géologiques, illustré.
1
57. BINET et PÈRE. La magnûtiame animal, 4" éd., illustré.
58-59. ROMANES. L'intelligence daa animaux, 3* éd., 2 vol. "
60. F. LAURANGE. Physiologie des c-ieroices du oorpefo* éd.
SE^J^REYJTUS^/évoUrtion des mondée et dea eoolétéa. 3» éd.]
BIBLIOTHÈQUE SCIENTIFIQUE INTERNATIONALE
3
62. DAUBRÉE. Les régions invisibles du globe et des espaces
célestes, 2* édition, illustré.
63-64. J. LUBBOCK. L'homme préhistorique, 4» édition, 2 volumes
illustrés.
65. RICHET (Ch.). La chaleur animale, illustré.
66. FALSAN. La période glaciaire, illustré (épuisé).
67. BEAUNIS. Les sensations internes.
68. CARTAILilAC. La France préhistorique, 2* éd., illustré.
69. BERTHELOT. La révolution chimique, Lavoisier, illustré.
70. J. LUBBOCK. Les sens et l'instinct chez les animaux, ill.
11. STARCKË. La famille primitive.
12. ARL01NG. Les virus, illustré.
13. TOP1NARD. L'homme dans la nature, illustré.
74. BINE'f. Les altérations de la personnalité.
75. A. DEQUATREFAGES.Darwin etsesprécurseurs français,2»éd.
76. LEFEVRE. Les races et les langues.
77-78. A. DE QUATREFAGES. Les émules de Darwin, 2 vol.
79. BRUNACHE. Le centre de l'Afrique; Autour du Tchad,
80.
81.
82.
83.
84.
85.
illustré.
A. ANGOT. Les aurores polaires, illustré.
JACCARD. Le pétrole, l'asphalte et le bitume, illustré.
STANISLAS MEUNIER. La géologie comparée, illustré.
LE DANTEC. Théorie nouvelle de la vie, 2° éd., illustré.
DE -LANESSAN. Principes de colonisation.
DEMOOR, MASSART et VANDERVELDE. L'évolution
régressive en biologie et en sociologie, illustré.
86. G. DE MORT1LLET. Formation de la nation française, < 2*
édition, Illustré.
87. G. ROCHE. La culture des mers en Europe (Piscifaclure,
pisciculture, ostréiculture), illustré.
88. J. COSTANT1N. Les végétaux et les milieux cosmiques
(Adaptation, évolution), illustré.
89. LE DANTEC. Evolution individuelle et hérédité.
90. E. GU1GNET et E. GARNIER. La céramique ancienne et
moderne, illustré.
91. E.-M. GELLÉ. L'audition et ses organes, illustré.
92. STANISLAS MEUNIER. La géologie expérimentale, ill.
93. J/COSTANTIN. ta nature tropicale, illustré.
94. E. GROSSE. Les débuts de l'art, illustré.
95. J. GRASSET. Les maladies de l'orientation et de l'équilibre, illustré.
96. G. DEMENY. Les bases scientifiques de l'éducation physique, 2' éd., illustré.
97. F. MALMÉJAC. L'eau dans l'alimentation, illustré.
9*. STANISLAS MEUNIER. La géologie générale, illustré.
4
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dégénérescence, par le D* CB. FERE, médecin de Bicêtre, avec
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premier* slrele». 5* édit.
9. Bastide. Le* guerre* de la
Réforma. 5" édit.
10. Pelle tan. Décadouco delà mo-|
iini-cl.il! française. 5* édit.
11. Brotbier. Histoire de la terre.
8' éd.
12. Bouant. Le* prinei|iaui faits
du la chimie (aveo 0*r.).
13. Toxok. Médecine populaire.
()« édit.
30. ?. Zuroher. Les phéuomènaa
de l'atmosphère. 7» édit.
31. E. Raymond. L'Espagne ot le
Portugal. 3° édit.
32. Eugène Noél. Voltaire et Rouaseau. 4' édit.
33. A. OU. L'Asie oeoidanlelo et
l'Egypte. S* édit.
t \
34. Ch. Richard Origine et Un des
mondes. (Épuisé.)
35. Enfantin. La vie éternelle. 5»éd.
36. Brothler. Causeries sur la
mécanique. 5' édit.
i
37. Alfred Doneaud. Histoire da la
marine française. 4* édit.
38. F. Look, Jeanne d'Are. 3« édit.
39-40. Carnet. Révolution française.
LL»
2
vul.
7*
édit.
|
41. Zurcber et Ifargollé. Télescope
et microscope, 9* édit. VI. Blerïy.
Torreiile, fleuves et canaux da la
France. 3' édit.
43. Secohl, Woli, Briot et Delaunay..
La soleil et le» étoile*. 5* édit.
44. Stanley Jevons- L'économie
politique. 8" édit.
45. Ferrlére. La darwinisme. 7* éd.
46. Leneveux. Pari» municipal.
S* édit.
47. BoUlot. Lee entretiens de Fontanelle aur la pluralité des
mondes.
48. Zevort (Edg.). Hiatoire de
Louis-Philippe. 3« édit49. Oelkle. Qéoirraphia physique
(avec (lg.). é« édit. 90.
Zaborowskl. L'origine du lao-pj
gage. 5« édit.
51. I. Blerxy. Le* colonie* an-
14. Horin. La loi civile en France.
5» édit.
15. (Épuisé.)
10. ûtt. L'Iode et la Chine. 3" édit.
17. Catalan. Notion* d'aatronomia.
6* édit. 1S. Cristal. Le*
déla*a*oi*nts du
travail. 4» édit. 19. V.
Meunier. Philosophie soologique. 3* édit. SO. 1. JoordûD. La
justice criminelle en France. 4*
édit. 21. Oh. Rolland. Hisloir»
de la
maison d'Autriche. 4* édit.
29. Eog. Deapol*. Révolution d'Anglelerre. 4' édit. |23. I.
CnatlneoP. Le* génie* de
la science et de l'industrie.
\"' glaise».
2» éd. Se. Lenereux. La
52. Albert LéVf. Histoire de l'air
budget du foyer, I
économie
(aveo Qg,). 4" édit.
domestique- S* «dit. 25. 1. Combes.
La Qtitê ancienne. E *' 4dit. M. 53. Qelkle. La géologie (eved Og.}.
■!• édit.
F. Look. Histoire de ta Realao54. Zaborowskl. Le* migrations
ratioa. 5* édit.
de* animaux. 3* édit.
27. Brothler. Histoire papolaire de
55. F. Paulhan. La physiologie
la philosophie. (Kpulsé.)
de l'esprit. 5* «dit. \».
28. Elle Margelle. Le» phénoZurcber «t Margoilé. U> pbé-l M*
mènes da la mer. 7« édit.
ooméeo* céleste*. .'!■ <-l '
29. t. Collas. Histoire d« l'empire
57. Girard de Italie. Ue paaplao
ottoman. 9> édit.
L
4J0 l'Afrique et 4a l'Amérique.
«•éd.
58. Jaoque* Bertlllon. La itatl*tique humaine dé la Franc*.
—~J
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BIBLIOTHÈQUE UTILS
59. Paul Gaffarel. La défensenalio-l
nale eu 1793. 2- édit.
60. Herbert Spenoer. De l'éducation. 8«edit.
61. Jules Barnl. Napoléon l«.
3* édit. 65S. Huxley. Premières
notions sur lès sciences. 4e édit.
63. P. Bondols. L'Europe contemporaine (1789-1870). 2» édit.
64. Grove. Continents et océans.
8» éd.
65. Jouan. Les Iles du Pacifique.
66. Robinet. La pbilosophie positive. 4* édit.
67. Renard. L'homme est-il libre?
4" édit.
68. Zaborowskl. Les grands singes.
69. Hatln. Lo Journal.
70. Girard de Rlalle. Les peuples
de l'Asie et de l'Europe.
71. Doneaud. Histoire contemporaine de la Prusse. 8° édit.
72. Dufour. Petit diction ni»ire des
falsifications. 4" édit.
73. Henneguy. Histoire de l'Italie
depuis 1815.
74. Leneveuz. Le travail manuel
en France. 2" édit.
75. Jouan. La chasse et la pèche
des animaux marins.
76. Regnard. Histoire contemporaine de l'Angleterre.
77. Bouant. llist. de l'eau (avec fig.).
78. Jourdy. Le patriotisme a l'école.
79. Mongredlen. Le libre-échange
en Angleterre.
80. CrelghtODr Histoire romaine
(avec fig.) 81-82. P. Bondols. Mœurs
et institutions de la France. 2 vol. 2'
éd.
83. Zaborowskl. Les mondes disparus (avec fig.). 3* édit.
84. Debidour. Histoire des rapports
de l'Eglise et de l'Etat en France
(1789-1871).
Abrégé
par
DUBOIS et SARTHOU.
85. H. Beauregard. Zoologie générale (avec fig.).
86. WUkins. L'antiquité romaine
(avec fig.). 2» édit.
87. Malgne. Lee mines de la
Fruuce et de ses colonies.
88. Broquère. Médecine des accidents.
89. E. Amignos. A travers le ciel.
90. H. Gossin. La machine à vapeur (avec fig.).
91. Gaffarel. Les frontières françaises» 8" édit.
92. Ballet. La navigation aérienne
(avec fig.).
93. Collier. Premiers principes des
beaux-arts (aveo fig.).
94. A. Larbalétrier. L'agriculture
française (avec fig.).
95. Gossin. La photographie (fig.).
96. F. Genevois. Les matières premières.
97. Monta. Les maladies épidémiques (avec fig.).
96. Faque. L'indo-Cnine française.
99. Petit. Économie rurale et agricole.
100. Mahally. L'antiquité grecque
(avec fig.).
101. Bere.llist.de l'armée française.
102. F. Genevois. Les procèdes industriels.
103. Quesnel. Histoire de la conquête de l'Algérie.
104. A. Cotte. Richesse et bonheur.
105. Joyeux. L'Afrique française
(aveu fig.).
106. G. Mayer. Les chemins de fer
(aveo fig.).
107. Ad. Coste. Alcoolisme ou
Epargne. 4' édit.
108. Ch. de Larivière. Les origines
de la guerre de 1870.
109. Gérardln. Botanique générale
(aveo fig.).
110. D. Bellet. Les grands ports
maritimes de commerce (avec
"KO-
. .
111. H. Coupln. Le vie dans le
mers (aveo fig.).
112. A. Larbalétrier. Lee plantes
d'appartement (avec fig.).
113. A. Milhaud. Madagascar. 2* éd.
114. Sérieux et Mathieu. L'Alcool
et l'alcoolisme. 2* édit.
115. D' J. Laumonier. L'hygiène
de la cuisine.
116. Adrien Berget. La viticulture
nouvelle. 2" éd.
117. A. Aoloque. Les insectes nuisibles (avec fig.).
118. G. Meunier. Histoire de la
littérature française.
119. P. Merklen. La Tuberculose;
son traitement hygiénique.
120. G. Meunier. Histoire de l'art
(avec fig.).
121. Larrivô. L'assistance publique.
122. Adrien Berget. La pratique
des vins.
123. A. Berget. Les vins de France.
(Guide du consommateur.}
124. Vaillant. Petite chimie de l'agriculteur. 18v. S. Zaborowskl. L'homme
préhistorique. 7° édit.
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sciences sociales, par M51. G. BELOT, MARCEL BERNES,
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Les enquêtes, pratique et théorie, par P. DO MAROUSSEM.
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professées i l'École de morale, par MU. BELOT, BERNES, F. BOISSON,
A- CHOISIT, DARLU, DELBOS, KOURNIERB, MALAPERT, MOCH, D. PABOOI,
G. SORBL. Le développement du catholicisme social, depuis l'encyclique /{enfin Novarum, par MAX TURHANN. Le socialisme sans
doctrines. La question ouvrière et agraire en Australie elNouvelle
Zèlande, par A. METIS, agrégé de l'Université. L'éducation morale dans
l'Université (Enseignement secondaire). Conférences et
discussions, BOUS la présidence de M. A. CIIOISET, doyen de la
Faculté des lettres de l'Université de Paris. (Êook des Hautes
Étude» sociales, 1900-1901). La méthode historique appliquée aux
sciences sociales, par CH. SEIUNOHOS, maître de conf. à l'Univ. de
Paris. Assistance sociale. Pauvres et mendiants, par PAUL
STRAUSS,
sénateur. L'hygiène sociale, par E. DUCLACX, de l'Institut,
directeur de
l'Institut Pasteur. Le Contrat de travail. Le rôle des syndicats
professionnels, par
P. BUREAU, professeur à la Faculté libre de droit de Paris. Essai
d'une philosophie de la solidarité. Conférences et discussions, sous
la présidence de MM. LEON BOURGEOIS, député, ancien président du
Conseil des ministres, et A. CROISET, de l'Institut, doyen de la
Faculté des lettres de Paris. (Ecole des Hautes Eludes sociales,
4001-1902). L'exode rurale* le retour aux champs, par
E.YANDERVELDE.
professeur à l'Université nouvelle de Bruxelles. La lutte pour
l'existence et l'évolution des sociétés, par J.-L. DE LANËSSAN,
député, ancien ministre de la Marine.
BIBLIOTHÈQUE D'HISTOIRE CONTEMPORAINE
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ta* «aMvaaaaa M aairtM ruitçawn (ntt-tt»>. par C. V—a—r.
I Ml. in-|4. a«as 17«•*»•. ........................................................ t(r. * |
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■MM—■ M 1* Un ii—arma, par aV AMaa l aaL M» M. . 3 f.-. Mr i
HlM.m» — inv aa«. par {MU M—a. % « ■! lia—SU ...........................'.'-• f.-II.-..M— Ml ail—M — iiyt«*a.Hr».—>?M«rflrfcrrf.Sw,l.ia-S M M.
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eodophaaique,
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ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
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Bibliothèque de Philosophie contemporaine
Pensées et fragments. 1 vol. in-16, 21* édition. Traduit par
M. J. ROI'RIIKM: .................... ........................................... 2 fr. 50
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d'une introduction par M. Sitlomon RBINAO.II . . 7 . . . 2 IV. 50
Le fondement de la morale. 1 vol. in»16, 9" édition. Traduit par
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Le monde comme volonté et comme représentation. 3 vol. in-8.
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Philosophie et philosophes. 1 vol. in-16. Traduit par M. A. DIE
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La philosophie de Schopenhauer. par Th. RIBOT, 1 vol. in-16.
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La psychologie du beau et de l'art, par MARIO PILO. 1 vol. in-16.
de la Bibliothèque de philosophie contemporaine, traduit de
l'italien ............................................................................. (kpuisé)
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Bibliothèque de philosophie contemporaine, traduit de l'ita
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1 vol. in-16, traduit de l'espagnol .......................................3 fr. »
A paraître : ARTHUR
SCHOPENHAUER : Esthétique et métaphysique.
PÏHEM^^TIÎÂRÏEÏPSMINA
IIIIJI! DROIT ET r
PAR
ARTHUR SCHOPENHAUER
P R E M I È R E TRADUCTION P R A N Ç A I S E
AVEC PflKPACB KT MiTI.S
PAR
AUGUSTE DIETRICH
ÈTÏÏÏÏJFË|
DROIT ET POtITIOrR — PHILOSOPHIE RC DROIT
SUR (.'ÉIIICATlOX
I_
OMHTATIOXS PI rau>u>oioi>ct
PARTS|___________
FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
LIBRAIRIES FÉLIX ALCAN ET GDILLAOMIN ItlillNIES 108,
BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108
1909
• Ton» droll* de traduction et de reproduction rjicrrli.
EDMOND THIAUDIÈRE
Au remarquable penseur et à l'excellent ami.
A. 0.
PRÉFACE L>U TRADUCTEUR
Le présent volume des Parerga et Paraiipomena ne se
prête pas par sa nature, comme les trois précédents, à une
étude préliminaire biographique ou historique; nous en
avons d'ailleurs déjà dit assez à ce double point de vue. pour
mettre en une lumière'suffisante la ligure originale et
complexe de Schopenhauer, et pour situer dans son milieu
exact l'oeuvre dont nous avons entrepris la traduction. Les
matières renfermées dans le volume actuel: éthique, droit,
politique, éducation, le tout couronné par des observations
psychologiques,' parlent d'elles-mêmes, et il y auraitquelque
puérilité à dévider de trop longs commentaires à leur sujet.
Ce qu'on peut toutefois faire ici, c'est mettre en relief certaines vues fondamentales, signaler spécialement certaines
idées d'un intérêt spéculatif ou pratique.
Un soir, Schopenhauer se promenait sur la roule avec son
ami le Dr Wilhclm Gwinner, son futur biographe. Les étoiles
brillaient au ciel, et Vénus resplendissait d'un éclat tout
particulier. Gwinner, contemplant la planète, devint tout a
coup lyrique, et se mit à évoquer le souvenir des âmes que
Dante y a placées comme dans un port de salut béni ; puis,
son imagination travaillant? il demanda au vieux philosophe
s'il n'était pas d'avis qu'il y avait là aussi des êtres vivants,
mais doués d'une existence plus parfaite que la nôtre.
Schopenhauer répondit qu'il ne le croyait pas ; une
organisation supérieure à celle des humains ne pouvait,
selon lui, avoir la « volonté de vivre ». Il pensait que la série
SCIIOPKMIAUEII, -T- Ûlhiquo.
1
ETHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
ascendante vers la vie se terminait à l'homme, dernier terme de
ce progrès qui lui apparaissait comme un fait si effroyable ;
puis, s'exaltant insensiblement: « Croyez-vous, dit-il, qu'un
être supérieur à nous voulût continuer un seul jour cette triste
comédie de la vie ? Cela est bon pour des hommes ; des génies
ou des dieux-s'y refuseraient».
Cette assertion constitue à la fois le point de départ et le point
d'aboutissement de la doctrine de Schopenhauer. En présence
de ce monde mauvais, où la douleur corrompt toute joie, où la
mort a le mot définitif, où notre destinée apparaît comme une
tragi-comédie mise en œuvre par un génie; malfaisant qui
trouve son bonheur à nous torturer, quel sentiment peut
éprouver l'homme raisonnable et sage t Un sentiment d'une
double nature : un profond mépris pour la vie humaine, pour la
décevante Maïa qui cherche à le traîner d'illusions en illusions
toujours plus dérisoires, en même temps qu'une immense
compassion pour ses frères, pour tous les damnés de la vie, à
n'importe quel degré de l'échelle. En un mot, l'homme doit en
arriver à donner accès dans son cœur à la sympathie, « cet
étonnant, on pourrait dire ce mystérieux passage de nous-même
dans un autre être, qui | supprime les barrières de l'égoïsme et
transforme en quelque sorte le non moi en moi. C'est donc le
sentiment moral par excellence, un lien par lequel et dans
lequel nous sentons que nous sommes tous frères. Eprouver
delà compassion, c'est devenir un être moral. Sympathiser avec
la nature entière, c'est le véritable état du sage sur cette terre...
Une compassion sans bornes à l'égard de tous les être vivants,
voilà le plus solide, le plus sûr garant de la moralité ; avec cela,
il n'est pas besoin de casuistique. Celui qui en est pénétré ne
blessera sûrement ni ne lésera personne, ne fera de mal à
personne, mais il aura bien plutôt des égards pour chacun,
pardonnera à chacun, aidera chacun de tout son pouvoir, et
toutes ses actions porteront l'empreinte de la justice et de
l'amour du prochain. En revanche, qu'on essaie de dire : « Cet
homme est vertueux, mais il ne connaît pas la pitié » ; ou bien :
« C'est un homme injuste et méchant, cependant il est très
compatissant », et la contradiction est
l'HÉFACE DU TBAUCJCTKBn
.}
évidente. Chacun son goût : mais, pour moi, je ne sais pas de
plus belle prière que celle qui termine les anciennes pièces de
théâtre indouea : ■ Puissent tons les êtres vivants rester
exempts de douleurs ! •
Voilà le nœud de la doctrine éthique de Schopenbauer.
telle qu'il la déduit dans le fondement de la morale. La base
de la morale est donc la sympathie vive, ardente, se traduisant en pitié, en charité effective. Mais ce n'est pas encore là
le point culminant de la morale. On n'atteint celui-ci que par
la négation complète de la volonté de vivre, par l'ascétisme,
tel que l'ont pratiqué les saints, les anachorètes, les pénitents
fndous et chrétiens. • De même que la satisfaction de
l'appétit sexuel affirme, chez l'individu, la volonté de vivre,
de même l'ascétisme, en empêchant la satisfaction de cet
appétit, nie cette même volonté, et montre par là que, en
même temps que la vie du corps, cesse la volonté dont
celui-ci est l'apparence s. En on mot. l'antithèse entre l'affirmation de la volonté de vivre et la négation de cette
volonté est ce qu'on pourrait dénommer le belvédère de la
morale de Schopenhaner : c'est de ce point de vue, le plus
élevé, à son avis, qu'il juge et classe les actions humaines.
Hartmann, dans sa Philosophie de l'inconxcienî, a soumis
celle théorie de son prédécesseur à une critiqué approfondie
et ineisive, qui est. en somme, bienveillante et appro-bative.
Nietzsche, au contraire, l'a exécutée radicalement, avec an
souverain mépris. La morale de la pitié proclamée par
Schopenbauer lui apparaît, an meilleur cas, comme une
touchante superstition à la vieille mode. Et, poussant plus
loin la raillerie, l'auteur de Par delà h bien et le mal rappelle
que Schopenbauer, le pessimiste, aimait à jouer de la fiole
après ses repas. Est-ce là un pessimiste, se demande-t,—il,
celui qui affirme la morale du Uedt neminem (ne nuis à
personne), et qui joue de la flûte ? Cette vue morale, d'après
lui, appartient à la décadence en matière de morale, Les
époques fortes et les civilisations avancées ne connaissent ni
la pitié ni l'amour du prochain, et elles voient dans ce
sentiment une preuve de faiblesse méprisable. On ne peut
rêver contraste plus frappant entre l'idée de l'apologiste du ■
4
ETHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
« surhomme » et celle du vieux philosophe pourtant bien
désabusé, bien revenu de toutes les illusions humaines, que
celui-là nommait l'un de ses maîtres.
Cette idée morale, ont avancé des critiques, nous transporte en plein Orient, et Schopenhauer n'a fait qu'interpréter à l'usage de l'Occident les enseignements des livres
indous. Mais on peut leur répliquer tout aussi justement
qu'il n'a fait qu'interpréter les enseignements des Evangiles. Son éthique est une tentative sérieuse d'application
de la vertu chrétienne par excellence au principe moral
établi sur une base philosophique. Sans intervention de
dogme, de religion, de dieu, en vertu d'une métaphysique
purement humaine, il affirme la bonté comme âme de la
morale. Aucun des grands constructeurs d'éthiques modernes ne se rapproche aussi étroitement que lui, sous ce rapport, dn christianisme. L' « impératif catégorique » de Kanti
est infiniment plus éloigné des prescriptions chrétiennes
que la morale de la compassion proclamée par Schopenhauer.
Seulement, le point faible du système de ce dernier, c'est
qu'il constitue bien plus une théorie spéculative qu'un fait
vivant et fécond. Combien le système de Hegel, par exemple,
offre-t-il un champ plus vaste aux manifestations de la
volonté morale ! Chez Schopenhauer, c'est en réalité la
souffrance seule qui est l'aiguillon de cette volonté. Base
étroite, insuffisante pour laisser place aux manifestations
si diverses, infinies, des actions humaines. L'idée morale
maîtresse du pessimiste allemand ressemble étonnamment à
l'idée morale de Tolstoï, si puissant comme romancier et
conteur, souvent si naïf et si puéril comme philosophe et
comme moraliste. Cette ressemblance n'a d'ailleurs rien
d'étonnant, d'autant plus que, outre l'analogie de leurs
natures, le Russe a beaucoup lu l'Allemand.
La philosophie tout entière, aux yeux de notre philo*
sophe, est théorique, et la morale ne fait pas exception. La
philosophie est simple spectatrice des choses, et la morale
n'a rien à démêler avec les préceptes. Une morale non fon- ;
déc en raison, celle qui consiste a « faire la morale aux
gens », ne peut avoir d'action, parce qu'elle ne donne pas
PRÉFACE DU TRADUCTEUR
*8|
de motifs. Vouloir diriger les hommes, modeler les caractères, ce sont des prétentions du « vieux temps ». La vertu
ne s'enseigne pas plus que le génie. « Nos systèmes de
morale ne feront jamais des hommes vertueux, de grands
caractères, des saints, pas plus que nos théories sur l'art né
susciteront des poètes, des statnaires, des musiciens. » En
morale, comme dans le reste, le philosophe n'a qu'une chose
à faire : prendre les faits tels qu'ils lui sont donnés tn
concrelo, c'est-à-dire tels que chacun les sent, les interpréter,
les eclaircir par la connaissance abstraite de la raison.
Ceci dit, on sera mieux préparé a lire le' chapitre qui ouvre
le volume. C'est un supplément au Fondement de la morale, et
surtout au Monde comme volonté et Comme reprd-| senlation,
où l'auteur avait traité un peu superficiellement la question
éthique. Il y a ici des choses qui ne se trouvent pas là. Ces
pages renferment, entre autres matières, une fine et piquante
analyse des vertus et des vices, présentée souvent sous une
forme humoristique, et sont pleines de faits intéressants.
L'exposé avant tout théorique de Scho-penhauer se prête en
plus d'une circonstance à une application pratique, et il est un
certain nombre d'observations et même de recommandations
dont le lecteur peut tirer un utile profit. En voici une que
nous croyons devoir souligner tout particulièrement : elle
concerne les faux amis, «ces nœuds qui deviennent
couleuvres », selon l'expression de Victor Hugo. Qui d'entre
nous n'a pas souffert de la perfidie d'un soi-disant ami ? Qui
n'a pas ressenti au moins une fois en sa vie l'amère tristesse
de devoir chasser de son cœur un être qu'on avait introduit
dans son intimité, pour lequel on n'avait rien de caché, etqui
n'était qu'un traître? Et cela, souvent, pour le simple plaisir,
par pur dilettantisme de vilaine âme. Or, voici le très sage
conseil que nous donne à ce sujet notre philosophe, qui était
méfiant, nous le voulons bien, mais qui, comme tout homme
ayant l'expérience de la vie, avait été payé à plus d'une reprise
— en quelle mauvaise monnaie, nous le savons tous !— pour
l'être : « Celui qui ne' se préoccupe pas des petits traits de
caractère n'a
6
ETHIOnR, DROIT ET POI.rTIQOK
qu'à s'en prendre à soi, si, plus tard, il apprend à ses dépens,'
par les grands traits, à connaître ledit caractère. En vertu'
du même principe, il faut rompre immédiatement aussi, ne!
fut-ce que pour des bagatelles, avec les soi-disant bons amis,
s'ils révèlent un caractère ou perfide, ou méchant, ou bas,
afin d'éviter leurs mauvais tours sérieux, qui n'attendent;
qu'une occasion de se produire sur une plus vaste échelle;
Disons-en autant des domestiques. On doit toujours se répéter
: «Mieux vaut vivre seul qu'avec des traîtres ». C'est parler
d'or ; malheureusement, ce n'est d'ordinaire que quand il
est déjà tard, que l'on prend à l'égard des « amis» gênants ou
dangereux cette résolution si salutaire.
Le droit et la politique sont un chapitre de la morale, en
théorie du moins, car, dans l'application, il faut trop souvent en rabattre. A ce double point de vue aussi les idées de
Schopenhauer étaient en opposition décidée avec les idées
de son époque. Après que Hegel fut parvenu u convaincre
l'Allemagne, pour un laps de temps assez long,'de la divinité
de l'Etat, la révolution de 1848 vint soudainement donner
un étrange démenti à ce dogme nouveau.
L'idée de la souveraineté populaire se substitua à celle de
l'Etat omnipotent. Schopenhauer, qui prenait au sérieux les
problèmes sociaux, comme tous les autres, n'entendait être
dupe en aucun sens : de là. ses idées relatives au droit et ù la
politique. Résumons-les rapidement, telles qu'il les expose
surtout dans son grand ouvrage.
Tons les êtres individuels ont un don commun, la raison.
Grâce â elle, ils ne sont pas réduits, comme les bêtes, à ne
connaître que le fait isolé; ils s'élèvent à la notion abstraite
de l'ensemble et de la liaison des parties de cet ensemble.
Grâce à elle, également, ils ont vite su remonter à l'origine
des douleurs qui sont le fond de la vie humaine, et ils ont
aperçu le moyen de les diminuer, sinon de les supprimer.;
Ce moyen, c'est un sacrifice commun, compensé par des
avantages communs supérieurs au sacrifiée. En effet, si, le
cas échéant, il est agréable à I' égoîsroe de l'individu de
commettre une injustice, son plaisir a, d'autre part, un cor-
M I !■! I II
PnÉFAfiE DU 'TRADUCTEUR
^
relatif inévitable; l'injustice commise par l'un est forcément
soufferte par l'autre, ce qui constitue pour celui-ci une
souffrance. Alors, que la raison fasse un pas en avant, qu'elle
s'élève jusqu'à la considération de l'ensemble, et elle venu
que la jouissance produite chez un individu par l'acte injuste
est balancée par une souffrance plus grande* qui se produit
chez l'autre. Elle s'apercevra encore que chacun doit
redouter d'avoir moins souvent à goûter le plaisir de
commettre l'injustice, qu'à endurer l'amertume d'en pâlir.| De
tout cela la raison conclut que si l'on veut commencer par
affaiblir la somme des souffrances à répartir entre les] êtres
individuels, et aussi la répartir le plus uniformément
possible, le seul moyen est d'épargner a tous le chagrin de
l'injustice reçue, et, dans cette vue, d'obliger tous les hommes à renoncer au plaisir que peut procurer la pratique de
l'injustice. Peu à peu l'égoïsme, dépassant son point de vue
borné et insuffisant, se range à l'avis de la raison, et finit par
découvrir le moyen protecteur : le contrat social, la loi. C'est
ainsi que s'est constitué l'Etat.
En vertu de cette origine, la théorie de l'Etat, ou théorie
des lois, rentre dans un des chapitres de la morale, celui qui
traite du droit, où sont établies les définitions du juste et de
l'injuste pris en eux-mêmes, et où sont ensuite tracées, par
voie de conséquence, les limites précises qui séparent l'un de
l'autre. Seulement, la théorie en question ne les empruntera
que pour en prendre le contre-pied ; partout où la morale
pose des bornes qu'on ne doit pas franchir, si l'on ne veut
pas se rendre coupable d'une injustice, elle considérera ces
mêmes bornes de l'autre côté, que les autres, eux non plus,
ne doivent pas franchir. On a qualifié l'historien de prophète
à rebours ; on pourrait qualifier de même le théoricien du
droit de moraliste à rebours. La théorie du droit serait ainsi
la morale a rebours, du moins pour le chapitre de la morale
où sont exposés les droits qui ne doivent point être violés.
Ainsi la notion de l'injuste, et celle de la négation du droit
que l'injuste enferme, notion qui est d'ordre moral origine),
devient juridique ; son point de départ pivote sur lui-même,
et s'oriente du coté passif
8
ETHIQDE, DROIT ET POLITIQUE
au lieu de rester orienté du côté actif; cette notion opère
donc une conversion.
Voila, d'après notre philosophe, la raison de certaines
doctrines étranges sur ce sujet, comme celle qui affirme que
l'Etat est un moyen de nous élever à la moralité, qu'il naît
d'une aspiration à la vertu, que, par suite, il est dirigé
contre l'égoïsme ; ou celle qui fait de l'Etat la condition de
la liberté, au sens moral du mot, et, par là même, de la
moralité. Rien de cela n'est vrai. L'Etat, né d'un égoïsme
bien entendu, d'un égoïsme qui s'élève au-dessus du point
de vue individuel pour embrasser l'ensemble des individus,
ne vise nullement l'égoïsme, mais seulement les conséquences funestes de l'égoïsme. Il ne se préoccupe pas davantage de la liberté au sens moral, c'est-à-dire de la moralité;
par sa nature même, en effet, il ne peut interdire une
action injuste qui n'aurait pas pour corrélatif une injustice
soufferte.
Quant à la doctrine du droit .selon Kant, où la construction
de l'Etat se déduit de 1' « impératif catégorique », et n'est
pas seulement une condition, mais un devoir de moralité,
Schopenhauer la rejette plus complètement encore-La
politique tire de la morale sa théorie pure du droit, c'est-àdire sa théorie de l'essence et des limites du juste et de
l'injuste; après quoi elle s'en sert pour ses fins à elle, fins
étrangères à la morale ; elle en prend la contre-partie, et
là-dessus elle édifie la législation positive, y compris
l'abri destiné à la protéger; bref, elle construit l'Etat. La
politique positive n'est donc que la doctrine morale pure du
droit renversée.
Tel est le fond de la doctrine" de Schopenhauer sur le
droit, la politique et l'Etat. Dans son grand ouvrage, il traite
la matière avec toute la tenue et le sérieux qui conviennent
à un exposé général d'idées tel que celui auquel il se livre.
Dans les pages du présent volume, il déploie plus d'humour
et de fantaisie, entre davantage dans les détails, et aborde
certaines questions très intéressantes qu'il n'avait même pas
effleurées jusque-là. La première de ces questions est
celle du luxe, dont le
PRÉFACE DU TRADUCTEUR
9
philosophe contrebalance les avantages et les inconvénients,
sans prendre nettement parti dans un sens plutôt que dans
l'autre, mais en inclinant toutefois visiblement vers le maintien de l'usage du superflu, « cette chose si nécessaire »,
suivant le mot célèbre de Voltaire; il aborde ensuite la
question de la souveraineté du peuple, qui commençait alors
à occuper les esprits dans cette Allemagne où, si longtemps,
l'obéissance à peu près passive avait régné en maltresse, et
où les mœurs féodales s'étaient prolongées presque jusqu'à
ce jour-là.
Cette question est pour Schopenhauer une occasion d'établir un parallèle entre la forme gouvernementale monarchique et la forme républicaine. Aristocrate « de la veille »,
comme il se complaisait à le redire en employant cette
expression française, par toutes les habitudes de son existence et tous les traits de son caractère, il avait par conséquent peu de goût pour la suprématie de la masse. Toutes les
fibres de sa nature dédaigneuse et raffinée se rétractaient au
contact du profanum vulgus, et des expériences comme celle
de la révolution de 1848, où il s'était senti menacé dans sa
suffisante mais modeste aisance, et, partant, dans son
indépendance et le bonheur du restant de sa vie, n'étaient pas
faites pour le réconcilier avec la démocratie. Schopenhauer
éprouva alors un sentiment analogue, à celui que Taine.
esprit si libre par certains côtés, mais caractère un peu
timide et facilement apeuré, éprouva à l'occasion des
événements de la Commune. Le philosophe allemand se
prononce donc pour la monarchie contre la république. On
trouvera ici ses raisons alléguées. L'une d'elles, — nullement personnelle, puisqu'il n'entra jamais dans sa pensée de
mettre pour sa part la main à la chose publique, — c'est qu'il
doit être plus difficile aux intelligences supérieures d'arriver
à de hautes situations, et, par là, à une influence politique
directe, dans les républiques que dans les monarchies ; pour
quel motif, il nous le dit. Il voulait aussi avant tout un solide
principe d'autorité, et il croyait la seconde forme
gouvernementale plus apte à l'établir que la première. Hais
ce serait une erreur que de voir en lui un parti-
10 :
ÉTHIQUE, DBOIT «T POLITIQrE
MB de I* réaction aveugle. Tout eu trouvant la forme monarchique
celle naturelle a l'homme, « à peu près comme elle l'est aux
abeilles et aux fourmis, aux grues voyageuses, aux élépbaots
nomades, aux loupa et aux autres animaux réunis pour leurs
razzias, qui tous placent un seul d'entre eux i leur tète », il était
libéral à sa façon, affirmant que le meilleur gouvernement est en
définitive celui qui satisfait le mieux les aspirations de l'humanité
et s'efforce le plus de la rendre beureuse. S'il se prononçait
pour la royauté, il n'avait cure, en revanche, du droit divin,
auquel ses idées philosophiques lui défendaient de croire. La
légitimité, disait-il à l'occasion des événements d'Italie, un an
avant sa mort, est une belle chose, mais elle ne donne par elle
seule aucun droit au succès. Pour être sûr de celui-ci, un
goovernemeut doit élre intellectuellement supérieur à la masse
gouvernée ; mais, moralement, son chef ne doit pas être trop
noble, élre un Titus ou un Marc-Aurèle, ni, en sens opposé, tomber
au-dessous du niveau universellement admis comme mesura du
droit. En ce sens, il prophétisait à son ami Gwinner la chute de
Napoléon III : « II est trop mauvais », lui disait-il. Il ne portait
pas davantage dans son cœur le premier Bonaparte, ainsi qu'on le
verra au cours de ce volume.
Schopenhauer rencontre sur son chemin la question du
jury criminel, et, en vertu du même courant d'idées aristocratiques, il la résout en un sens peu favorable à cette institution de tout temps si discutée, et de nos jours plus que
jamais. Il est vraiment plaisant de l'entendre fulminer contre
ces « tailleurs » et ces « tanneurs » dont la « lourde et
grossière intelligence, sans culture, pas même capable d'une
attention soutenue ..... est appelée à démêler la vérité du
tissu décevant de l'apparence et de l'erreur. Tout le temps,
de plus, ils songent ù leur drap et à. lenr cuir, aspirent à
rentrer chez eux, et n'ont absolument aucune notion claire de
la différence entre la probabilité et la certitude. C'est avec
cette sorte de calcul des probabilités dans leurs têtes slupides,
qu'ils décident en confiance de la vie des autres ». La boutade
est amusante; nous laissons à a^ajUros_le_soin_.
'- ^jfrVitiv. i
à
PRÉFACE DU TRADUCTEUR
il
de décider si elle est en même temps une vérité. Qu'aurait
dit, de nos jours, cet adversaire irréductible du'jury, en
voyant un de ces « tanneurs » devenir président de la république d'un grand pays, et ce jury tant conspué s'élargir
encore, jusqu'à admettre dans son sein des ouvriers proprement dits, conformément a la décision d'un ministre ? Mais,
depuis Schopenhauer, les idées ont marché, l'instruction
s'est répandue, et, qu'on déplore le fait ou qu'on y applaudisse, rien ne parait pouvoir opposer désormais une digue,
en Europe, au flot toujours montant de la démocratie.
Le problème de l'éducation se rattache étroitement, sinon
directement, à celui de la morale, et, comme le droit et la
politique, est l'un des éléments constitutifs de celle-ci. Ce
problème a de tout temps fortement préoccupé les populations du Nord. Sans remonter jusqu'à l'époque de Charlemagne et d'Othon le Grand, qui travaillaient avec le zèle
personnel que l'on sait à la diffusion de l'enseignement »
tous ses degrés ; sans rappeler autrement que par leurs noms
quelques-uns des meilleurs ouvriers de la même œuvre, a
l'époque de la Renaissance germanique, Rodolphe Agricola.
Alexandre Ilégius, Reuchlin, Luther, Mélanchlhon,
Bugenhagen, etc., tous ceux qu'on a appelés les « huma-'
nistes », on voit l'Allemagne, dès le commencement du xvit°
siècle, appliquer tous ses efforts à la constitution de
l'enseignement du peuple. Les pédagogues surgissent alors
de toutes parts. L'un d'eux, Goménius, est resté illustre entre
tous comme créateur de l'école primaire et l'un des
précurseurs de la méthode intuitive. La réformation de
l'enseignement fut « son principal entêtement », suivant le
mot naïf de Bayle. Son œuvre fut continuée, dans un sens
malheureusement trop empreint de piétisme, par A.-II.
Prancke, dont l'opuscule : Court et simple ensei\gnemenl, est, comme le Discours de la méthode, duquel des
eritiques Tout rapproché, plus gros d'idées que, de mots, et
opéra en pédagogie une révolution comparable a celle des
quelques pages de Descartes en philosophie. Puis vinrent,
.dans la seconde moitié du XVIII" siècle, deux étoiles de
42
ETHIQUE, DBOIT ET POLITIQUE
première grandeur, Rasedow et l'estalozzi. autour desquelles gravitent les satellites Campe, Salzmann, Diesterweg,
r'rœbel. etc. Enfin, au xrx* siècle, apparaît Herbart,
infiniment plus original et plus suggestif comme éducateur
que comme philosophe, quel que soit son mérite à eo)
dernier titre. Sa Pédagogie générale et ses Esquisses de\
leçon» pédagogiques constituent la tentative la plus importante faite jusque-là en Allemagne pour élever la pédagogie
au rang d'une science exactement fondée sur une double
base spéculative et expérimentale. Cette liste d'éducateurs
théoriques ou effectifs, qu'il serait facile de beaucoup allonger, prouve simplement que les pays du Nord prennent
plus au sérieux que les pays latins l'éducation et l'enseignement, et tout ce qui s'y rattache. Cela est dans leurs traditions, en quelque sorte dans leur sang. Tandis que le jeune'
Français, par exemple, a une tendance lâcheuse à voir en
son éducateur un gêneur, un tyran, qu'il n'aime pas et qu'il
raille plus ou moins ouvertement, le jeune Allemand, lui.
est tout au moins respectueux à son égard, si, au fond, ses
sentiments ne sont pas non plus toujours très bienveillants.
C'est que celui-ci voit moins l'homme lui-même que le
savoir qu'il porte dans sa tête et qu'il est chargé de commit-*
"niquer.
Or, pour l'homme du Nord, dès la première jeunesse, le
savoir est la chose essentielle; on le lui a répété, et. à son
tour, il le répétera A ceux dont il aura charge. Nous avons
constaté par nous-méme, en pénétrant dans quelques lycées
et dans quelques écoles primaires des pays allemands, la
vérité du jugement que nous consignons ici. Tous ceux qui
connaissent d'un peu près l'Allemagne savent de quel profond respect est entouré, non seulement dans les salons
mais dans les restaurants et brasseries, dans tous les endroits
publics, l'homme qui. rehaussant d'ordinaire ton prestige à I
l'aide de lunettes en or, a le très grand honneur de départir
le savoir k la jeunesse : le Iltrr Profensor sonne dans les |
bouches comme devait sonner l'antique civil romanw. Kl
cette 'assertion ai solidement établie, en vertu de laquelle J
les victoires de Sadowa et de Sedan, qui ont eu pour résiil-J
L
13
PBEFACE DU TRADUCTEUR
tat l'unité de l'Allemagne, sont avant tout le fait du maître
d'école, n'est-elle pas des plus caractéristiques! En regard de
ce respect pour l'éducateur et de la reconnaissance que lui
vouent les peuples de race germanique, opposons les
caricatures que les espiègles écoliers romains traçaient déjà
de leurs maîtres, voilà deux mille ans, et dont de curieux
échantillons se voient encore parmi les graffiti de Pompéi.
Ce respect d'une part, cet irrespect de l'autre, décèlent deux
mentalités différentes.
Gela ne veut pas dire que notre pays n'ait eu, lui aussi, ses
éducateurs théoriques ou effectifs, et, parmi les premiers,
quelques-uns des plus remarquables, tels que Rabelais,
Ramus, Montaigne, Pénelon, Rollin, etc. A ces noms on
peut ajouter celui de -Jean-Jacques, qui avait de grandes
prétentions sous ce rapport; il ne faut toutefois pas oublier
que l'auteur d'Emile était Suisse, c'est-à-dire plus homme du
Nord que Latin, et qu'il n'accuse ni dans ses idées ni dans sa
mentalité générale les traits ordinaires du caractère français.
On peut en dire autant de l'excellent livre de M1"" Necker de
Saussure sur Y Education progressive. Ecrit par une
Genevoise, ses préceptes sont plus appropriés au
tempérament moral des gens du Nord qu'à celui des gens du
Midi. En résumé, tout ce que nous prétendons ici, c'est que
les peuples germaniques ont abordé de tout temps avec plus
de sérieux que les peuples latins le problème de l'éducation
et des méthodes d'enseignement, et que la liste de leurs
éducateurs éminents nous apparaît plus étendue que celle
des nôtres.
Les considérations de Schopenhauer en matière d'éducation et d'enseignement viennent s'ajouter très utilement à
celles de ses prédécesseurs en cet ordre d'idées. Il n'a écrit
sur ce sujet que quelques pages, mais fortes de choses, mais
suggestives, comme on le verra- Il met en garde contre la
méthode, trop fréquemment suivie, qui consiste à placer les
notions avant les perceptions, c'est-à-dire qui substitue
l'éducation artificielle à l'éducation naturelle, et il y a là un
avertissement utile à méditer. Il termine en improuvant la
lecture des romans, comme de nature à engendrer dans les
14
KTHIOUK, DROIT IT'POUTIOCÏ
jeunes esprits des idées fausses préjudiciables à là connaissance'réelle de la vie.
Les t observations psychologiques » sur lesquelles se ferme
le volume sont une sorte de revue a vol d'oiseau de tout ce qui
est dit ici et dans les autres ouvrages; elles traitent de Omni re
scilili, sont le fruit de l'inspiration du moment, ouvrent des
horizons sur une foui* de points, et n'ont pas moins d'intérêt
que tout ce qui précède, grâce à leur forme souvent
humoristique et piquante, et à leur style serré, en quelque sorte
lapidaire, qui est la manière assez habituelle de l'écrivain.
Ici comme ailleurs, comme partout, notre philosophe témoigne
beaucoup de mépris pour le troupeau humain ; il semble que, pour
parler de ses semblables, il lui faille tremper sa plume dans le fiel,
assez souvent même dans le vitriol. A ce point de vue il exagère
évidemment, puisque, .par le fait même de la vie en communauté,
chacun, ici-bas, • est moralement solidaire de l'autre, et il est de
plus illogique, puisqu'il base la morale sur la sympathie s'affirmant
non seulement en pitié, mais en charité effective. Il y a là
certainement, dans le système de Schopenhauer, une contradiction
prouvant que les meilleures têtes et les tummi phil.t>*nplii euxmêmes n'ont pas moins de peine que le corn-' m un des mortels à
mettre toujours bien d'accord.leurs idées. Ce mépris de l'humanité
provient, chez l'auteur du Monde comme volonté et comme
représentation, à la fois de son tempérament et de son caractère.
D'une part, il ne ressentait nullement le besoin, pour être incité à
penser, de la conversation, ou. comme il disait, du bavardage des
autres, se trouvant assez riche de son propre fonds; d'autre part, sa
nature aristocratique, qui avait entrevu, avant que Darwin la
formulât nettement, la loi de la sélection, se cabrait quoi qu'il en eût
contre la domination de plus en plus envahissante du nombre et le
règne de la médiocrité. Du dédain pour ses semblables il en arriva
par étapes successives au mépris. « Quoties inler homineu fui,
minor homo redit » (chaque fois que je me suis trouvé parmi les
hommes, je
PREFACE DO TRADUCTEUR
15
suis revenu moins homme), se plaisait-il à dire avec l'auteur
de l'Imitation, qui lui-même l'avait dit après Sénèque. Aussi,
même arec ceux qu'il qualifiait d'amis, lui arrivait-il de briser
brusquement l'entretien sur un ton peu aimable, pour leur
faire comprendre qu'il avait hâte de regagner sa tour d'ivoire,
de renouer au plus tôt la chaîne un moment interrompue de
«on recueillement intellectuel. Les seuls êtres qui ne
l'ennuyaient pas, qui lui procuraient même une joie toujours
renouvelée, c'étaient les animaux. Il nous fait sa confession a
cet égard dans ses Observations psychologiques : « Quelle
jouissance particulière n'éprouvons-nous pas, dit-il, à voir
n'importe quel animal vaquer librement à sa besogne,
s'enquêter de sa nourriture, soigner ses petits, s'associer à des
compagnons de son espèce, etc., en restant absolument ce
qu'il est et peut être ! Ne fût-ce qu'un petit oiseau, je puis le
suivre de l'œil longtemps avec plaisir. Il en est de même d'un
rat d'eau, d'une grenouille, et, mieux encore, d'un hérisson,
d'une belette, d'un chevreuil ou d'un cerf. Si la vue des
animaux nous charme tant, c'est surtout parce que nous
goûtons une satisfaction à voir devant nous notre propre être
si simplifié ». Gwinner raconte que Schopenhauer ayant vu.
pour la première fois, en 1854, à la foire de Franc* fort, un
jeune orang-outang, allait lui rendre visite presque chaque
jour, étudiant avec la plus grande attention et la plus | vive
sympathie cet « ancêtre présumé de notre race », dans les
traits mélancoliques duquel il lisait le désir qu'avait la volonté
de parvenir à la connaissance. Nous avons parlé, dans les
volumes précédents, de son amour pour son chien. Il revenait
souvent sur le compte de cet animal en géuérai, s'étonnant
quelque peu que le chien, cette béte fauve apprivoisée, le
parent et peut-être le descendant du chacal ou du loup, ait pu
devenir le fidèle, affectueux et obéissant compagnon de
l'homme que l'on sait.
Le meilleur jugement sur le fond même de l'œuvre de
Schopenhauer nous semble émaner de Schopenhauer luimême : « Mes ouvrages, dit-il, se composent de simples
articles inspirés par l'idée dont j'étais plein à ce moment, et
16
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
que je voulais fixer pour elle-même; on les a unis ensemble
avec un peu de chaux et de mortier. C'est pour cela qu'ils ne
sont pas vides et ennuyeux, comme ceux des gens qui s'assoient à leur bureau et écrivent un livre page par page,
d'après un plan arrêté ». Certains juges ont émis l'avis que si
une telle manière de composer peut être une condition de
variété et d'intérêt, un peu plus de ciment, cependant, n'aurait
pas nui à la consolidation de l'édifice. Mais d'autres ont riposté
que cet édifice est entièrement bâti en pierres de taille,
comme ces murailles cyclopéennes où chaque bloc, tel qu'il
est, s'ajoute aux autres presque sans liaison artificielle,
reposant dans la masse par son propre poids et consolidant
l'ensemble.
Quant à cet ensemble même, il n'est peut-être pas un seul,
philosophe de valeur, depuis Platon, pour ne pas remonter à
Çakya Houni. jusqu'à Hegel et Schelling eux-mêmes, qui n'ait
contribué à le constituer et à le fendre viable; mais
l'agencement merveilleux de ces pièces de rapport, leur emploi
eu vue d'une idée suivie et la conception même de cette idée qui
les rattache et les unit, voilà l'œuvre propre de Schopenhauer.
Elle suffit à sa gloire. Peut-être certaines parties de ses écrits ontelles un peu vieilli, sont-elles devenues un peu insuffisantes, et
ont-elles surtout, pour le lecteur du xxesiècle, un intérêt
historique et documentaire; la science proprement dite et même
la science psychologique ont fait, depuis près de cinquante ans
qu'est mort Schopenhauer, de» progrès éclatants, et celui-ci,
malgré tout son talent et sa perspicacité si aiguë, ne pouvait
savoir que ce qu'on savait de son temps; les parties sujettes à
caution sont d'ailleurs en petit nombre, et elles ont grande
chance de se sauver grâce à leur tour littéraire classique, à
l'esprit qui y coule à pleins bords, ù la connaissance subtile de
l'homme dont elles sout pénétrées. En un mot, si telle ou telle
pierre s'est légèrement effritée, l'ensemble de l'édifice reste aussi
solidement fixé sur ses assises qu'au premier jour, et la
philosophie de l'auteur du Monde comme volonté et comme
représentation demeure un épisode considérable de l'histoire de la
pensée moderne, en même temps qu'elle
_
PRÉFACE DU TRADUCTEUR
17
constitue, par plusieurs côtés, nn des plus précieux trésors de la
sagesse humaine. Sans doute, Schopenhauer pousse souvent bien
loin l'amertume de la pensée, la méfiance à l'égard de ses
semblables, le scepticisme moral; les désillusions et les tristesses
de l'existence l'avaient aigri peut-être outre mesure. Hais, en
dépouillant toutes les idoles de leur éclat artificiel et trompeur, en
vous mettant face a face avec la réalité, si cruelle qu'elle soit, il
vous ouvre les yeux, vous désabuse, vous rend un service
manifeste. La vie de l'homme dévient de plus en plus une lutte sans
merci, il n'y a pas à se le dissimuler, et, si l'on ne veut pas être
vaincu a coup sûr, il faut pouvoir opposer à ses adversaires, sur ce
terrible champ de bataille, des armes d'une trempe au moins égale à
la trempe des leurs. La connaissance, dans l'acception
philosophique du mot, la connaissance intégrale, inexorable, est la
meilleure de ces armes.
Février 1908.
Auguste DIETIIICH.
SatioPEXiUUEii. — Éthique.
ÉTHIQUE. DROIT ET POLITIQUE
ÉTHIQUE
Les vérités physiques peuvent avoir beaucoup d'importance extérieure; mais elles n'ont pas d'importance
intérieure. Celle-ci est le privilège des vérités intellectuelles et morales, qui ont pour thème les plus hauts
degrés d'objectivation de la volonté, tandis que les
vérités physiques ont pour thème les pins bas. Pari
exemple, si nous parvenions à la certitude —• ce n'est
pour l'instant qu'une supposition — que le soleil à
l'équateur produit la thermo-électricité, celle-ci le
magnétisme terrestre, et celui-ci la lumière polaire, Ces
vérités auraient une grande importance extérieure* mais
elles n'auraient pas grande importance intérieure. Des
exemples de cette importance intérieure nous sont au
contraire fournis non seulement par tous les hauts et
vrais arguments philosophiques intellectuels, mais
aussi par la catastrophe de toute bonne tragédie,
comme, en outre, par l'observation de la conduite
humaigje dans les manifestations extrêmes de sa
moralité et de son immoralité, c'est-à-dire du bien et du
mal. Car en tout ceci apparaît l'essence dont le phé-
~2[r~
ETHIQUE, DROrT ET POLITIQUE
nomcnc est le monde, et cette essence, à son plus haut
degré d'objectivalion, révèle son fond intime.
Dire que le monde a purement une signification physique, et non morale, c'est l'erreur la plus grande et la plus
pernicieuse, l'erreur fondamentale, la véritable perversité
d'opinion, et c'est au fond ce que la foi n personnifié sous
la désignation de l'Anlichrist. Cependant, et en dépit de
toutes les religions, qui maintiennent le contraire et
cherchent à l'affirmera leur façon mythique, cette erreur
fondamentale ne disparait jamais complètement sur la
terre ; elle continue au contraire à relever la tête de temps
en temps, jusqu'à ce que l'indignation générale la force
une fois de plus à se cacher.
Si assuré toutefois que soit le sentiment d'une signification morale du momie et de la vie, son explication et
la solution de la contradiction existant entre elle et le
monde sont tellement difficiles, qu'il a pu m'étre réservé
d'exposer le véritable et seul pur fondement de la
moralité, efficace en tous lieux et en tout temps, ainsi que
son but. La moralité du progrès moral est trop de mon
côté, en cette matière, pour me faire craindre que ma
doctrine soit jamais minée et remplacée par une autre.
Quoique mon éthique elle-même reste ignorée des
professeurs, le principe moral kantien prévaut dans . les
Universités, et, parmi ses formes diverses, celle de la «
dignité de l'homme » est maintenant la plus en faveur. J'ai
déjà montré son inanité dans mon traité sur le Fondement
de la morale (§ 8). Pour cette raison, je n'en dis pas plus
ici. Si l'on demandait sur quoi
ÉTHIQUE
21
repose celle prétendue dignité de l'homme, la réponse serait
qu'elle repose sur sa moralité. Ainsi, la moralité repose sur
la dignité, et la dignité sur la moralité. Mais, ceci mis à part,
c'est seulement d'une façon ironique que la conception de
dignité me semble applicable à un être aussi malade de
volonté, aussi limité d'intelligence, aussi débile de corps
que l'homme.
Quid superbit homo t cujus conceptio culpa,
Nasci pu;na, labor vila, necesse mori ! '
Aussi voudrais-je établir, par opposition à la forme indiquée
du principe moral de Kant, la règle suivante : n'entreprenez pas
d'apprécier objectivement, quant à sa valeur et à sa dignité,
l'être avec lequel vous entrez en contact; ne prenez donc pas en
considération la perversité de sa volonté, la limitation de son
intelligence ni la fausseté de ses idées. La première pourrait
aisément éveiller contre lui la haine, la dernière le mépris.
Tenez seulement compte de ses souffrances, de sa misère, de
ses angoisses, de ses douleurs. Alors nous nous sentirons
toujours apparentés à lui, nous sympathiserons toujours avec
lui. et, au lieu de la haine ou du mépris, nous éprouverons pour
lui cette compassion qui est la seule «yobïïi (affection) à
laquelle nous convie l'Evangile. Pour empêcher la haine et le
mépris de se soulever contre lui, ce n'est certainement pas la
recherche de sa prétendue dignité, mais, au contraire,
l'affirmation de la sympathie, qui est le '! '. point de vue
véritable.
i. « DP f[uui s'enorgueillit J'honuuc. dont la conception est une
faute, la naissance une douleur, la vie une fatigue, et qui est voué a
la mort! »
—t—-------------- —
in»
22
1
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■
!
ÉTHIQUE. DROIT ET POLITIQUE
Les bouddhistes, en conséquence de leurs profondes
idées éthiques et métaphysiques, partent non des vertus
cardinales, mais des vices cardinaux, dont les vertus
cardinales apparaissent d'emblée comme les antithèses ou
les négations. Suivant l'Histoire des Mongols orientaux
de J.-J. Schmidt (voir p. 7), les vices cardinaux sont, pour
les bouddhistes : la volupté, la paresse, la colère et
l'avarice. Mais vraisemblablement l'orgueil doit
remplacer la paresse : c'est du moins ainsi que ces vices
sont énumérés dans les Lettres édifiantes et curieuses,
édit. de 1819, t. VI, p. 372; l'envie, ou la haine, y est de
plus ajoutée en cinquième lieu. A l'appui de ma
rectification de l'allégation du très recommandable J.-J.
Schmidt, vient s'ajouter l'accord de celle-ci avec les
doctrines des soufis, qui étaient sous l'influence du
brahmanisme et du bouddhisme. Ceux-ci en effet établissent les mêmes vices
cardinaux, et, d'une façon très frappante, par couples,
de sorte que la volupté entre en scène avec l'avarice,
et la colère avec l'orgueil. (Voir Tholuck, Fleurs du
mysticisme oriental, p. 206). Volupté, colère et avarice se trouvent déjà énoncées dans le Bhagavat Gita
(XVI, 21) comme vices cardinaux : ce qui atteste le
grand âge de la doctrine. De même, dans le PrabodhaChandrodaya, ce drame philosopho-allégorique si
important pour la philosophie du Védanta, ces trois vices
cardinaux apparaissent comme les trois généraux du roi
Passion dans sa guerre contre le roi Raison '. Les vertus
cardinales opposées à ces vices cardiI. Krishna Mipra, Prabodka-Chandrodaya, ou la naissance de
l'idée. Drame tlieoiogico-plûlosophique, traduit du sanscrit (en
allemand), et-accompagné d'une préface par Rosenkranz (1842).
ÉTHIQUE
23
I
naux, qu'on verrait apparaître, seraient la chasteté et la
générosité, associées a la douceur et à l'humilité.
■ Si maintenant l'on compare à ces idées fondamentales de
l'éthique, établies avec tant de profondeur par l'Orient, les
vertus cardinales platoniciennes, si célèbres et tant prônées,
la justice, la bravoure, la modération et la sagesse, on les
trouvera dépourvues d'une idée fondamentale claire et
directrice, donc superficiellement choisies, et en partie
même [manifestement fausses. Les vertus doivent être des
qualités de la volonté; mais la sagesse appartient directement
à l'intelligence. La <r<iKppoêi5vYj, que Cicéron traduit par
tempevantia et la langue allemande par Mâssigkeit
(modération), est une expression très indéterminée et très
ambiguë sous laquelle on peut ranger beaucoup de choses,
telles que réflexion, sobriété, tête solide; elle vient
vraisemblablement de owov fyeiv -ô <ppoveîv, ou, comme le
dit I-Iic-rax dans Stobée (Florides, titre V, § 60) : TOC'JTV .-rM àpctvjv 56Kpposûvr,v Èy.â)>ecav ow-yjpiav ouoav .bpovrjtfétoç.
La bravoure n'est pas une vertu, bien que parfois elle puisse
venir en aide à la vertu ; mais elle est également prête à
servir la cause la plus indigne; c'est en réalité une propriété
du tempérament. Déjà Geulincx1,
i. Geulincx (Arnold), né à Anvers en 1624. mort à Leyde
on 1609, fut professeur de philosophie et de théologie protes
tante dans cette dernière ville. Il a publié divers ouvrages écrits
un latin : Sulurnalia, Logica, rvwOi crèaûzdv, sive Elhica,
Compendium physicum, Alelaphysicu vei'a, Colleijium oratorium, etc., dont les plus remarquables sont posthumes. Geu
lincx est un philosophe cartésien qui a de la profondeur et de
l'originalité, mais que la gloire de Spinoza et de Malebrancbe
rejeta dans la pénombre. Do nos jours on a commencé à lui
faire réparation. Le professeur J.-l'.-N. Land a donné une édi
tion de ses œuvres : Opéra philosophica, La Haye, 1891-1893,
3 vol.
(Le trad.)
dans la préface de son Ethique, a rejeté les vertus
cardinales platoniciennes, qu'il a remplacées par
celles-ci : diligentia, obedientia, juslilia, humilitas.
Evidemment un mauvais choix. Les Chinois énumèrent
cinq vertus cardinales : la pitié, la justice, la politesse,
la science et la sincérité (Journal asiatique, t. IX, p.
62). Samuel Kidd, dans son livre sur la Chine
(Londres, 1841, p. 197), les dénomme bienveillance,
droiture, convenance, sagesse et sincérité, et commente abondamment chacune. Le christianisme n'a
pas de vertus cardinales; il n'a que des vertus théologales : foi, amour et espérance.
Le point où commencent à se séparer les vertus
morales et les vices de l'homme, est celle opposition de
notre attitude fondamentale envers les autres, qui prend
pu le caractère de l'envie, ou celui de la sympa-I Ihie.
Car chaque homme porte ensoi ces deux particu-' 'tarifés
diamétralement opposées, vu qu'elles proviennent de
l'inévitable comparaison de son propre état avec celui
des autres; et selon la manière dontle résultat affecte son
caractère individuel, l'une ou l'autre de ces particularités
deviendra son attitude fondamentale et la source de sa
conduite. L'envie, elle, consolide la muraille entre vous
et moi; pour la sympathie, | cette muraille devient
mince et transparente; parfois ' même elle s'écroule
complètement, cas auquel disparaît la distinction entre
moi et ce qui n'est pas moi.
La bravoure, dont il vient d'être question, ou, plus
exactement, le courage qui réside à sa base (car la
bravoure est simplement le courage à la guerre), mérite
d'être examiné de plus près. Les anciens mettaient—l
ÉTHIQUE
25
le courage au nombre des vertus, la lâcheté au nombre
des vices. Mais cette idée n'est pas d'accord avec le
sens moral chrétien, qui incline à la bienveillance et à
la patience, et qui défend toute inimitié, même la
résistance; aussi les modernes l'onl-ils abandonnée.
Nous devons cependant concéder que la lâcheté ne
nous semble pas compatible avec un noble caractère; il
suffit déjà pour cela de l'excessif souci de sa propre
personne qui s'y trahit. Le courage se ramène au fait
que l'on affronte volontairement, à un moment donné,
des maux qui vous menacent, pour éviter des maux
futurs plus grands; tandis que la lâcheté fait l'opposé.
Le courage est donc le caractère de la patience, qui
consiste à percevoir clairement qu'il y a de plus grands
maux encore que les maux présents, et qu'on pourrait]
se les attirer en s'y dérobant violemment ou en se
défendant contre eux. Le courage serait donc une aorte
de patience, et comme c'est celle-ci qui nous i;end
capables de privations et de sacrifices de tout genre, le
courage, grâce à elle, est au moins apparenté aussi à la
vertu.
Mais peut-être se laisse-t-il envisager à un point de
vue plus élevé encore. On pourrait, par exemple, ramener la crainte de la mort à l'absence de cette métaphysique naturelle, par conséquent simplement sentie, en
vertu de laquelle l'homme porte en lui la conscience
qu il existe aussi bien en tous, et en tout, qu'en sa
propre personne, dont la mort doit, pour cette raison,
peu le préoccuper. De cette conscience devrait donc
naître le courage héroïque, de la même source, logiquement (comme se le rappelleront les lecteurs, de
mon Ethique), que les vertus de justice et d'amour du
26
ËTHIQCE, DROIT ET P0LITIQ08
prochain. Gela s'appelle aborder la chose de haut ;
cependant il n'est pas facile d'expliquer pourquoi la lâcheté
parait méprisable, tandis que le courage personnel parait
noble et élevé. On ne peut voir, en effet, d'un point de vue
plus bas, pourquoi un individu, fini, qui est tout pour luimême, qui est même la condition fondamentale de
l'existence du reste du monde, ne subordonnerait pas toutes
les autres choses à la conservation de son « moi ». Aussi
une explication exclusivement immanente, c'est-à-dire
purement empirique, fondée uniquement sur l'utilité du
courage; ne suffirai t-elle pas. De là vient peut-être que
Calderon a émis un jour sur le courage une idée sceptique,
mais digne d'attention; il nie sa réalité, et cela par la
bouche d'un vieux et sage ministre s'ad ressaut à son jeune
roi :
Que auuque el natural temor
Eu todos obra igu al mente,
•
No mostrarle es ser valiente,
Y esto es lo que h ace el valor '.
(La Fille de l'air, 2" partie, ajournée).
Au sujet des différences mentionnées entre l'estimation
du courage comme vertu chez les anciens et chez les
modernes, il faut encore considérer que les anciens
entendaient par vertu, virttts, à.osnfj, chaque excellence,
chaque qualité louable en elle-même, morale, intellectuelle, ou simplement corporelle. Mais après que le
christianisme eût montré que la tendance fondamentale
de la vie est une tendance morale, on n'entendit
1, « Bien que la crainte naturelle agisse également chez tous
les hommes, c'est être vaillant que de ne pas la montrer, et
c'est ce qui constitue la bravoure j^H
ETHIQUE
27
plus par le mot vertu que les qualités morales. En
attendant, on trouve le mot avec son sens primitif chez
les anciens latinistes, comme aussi en italien, ainsi que
le prouve la signification bien connue du \mot virluoso.
Les maîtres devraient appeler expressément l'attention
des écoliers sur celte extension de l'idée de vertu chez
les anciens; autrement, elle pourrait engendrer
facilement chez eux une perplexité secrète. A cette fin,
je recommande particulièrement deux passages qui
nous ont été conservés par Stobée. Le premier, dû
probablement au pythagoricien Métopos (Florilège,
titre I, §64), où est expliquée la capacité de chaque
membre de notre corps pour l'àper^; le second, qui se
trouve dans ses Eglogues physiques et éthiques (livre II,
chap. vu). On y lit en toutes lettres : oxuToxdjjtou àpev^v
\t^ti^%\. xaô' rjv iitoicAttv àpio-ov faâàvjpx ôiiva-xi. (Un
cordonnier a de la vertu, suivant qu'il confectionne bien
sa chaussure.) Ceci explique pourquoi il est question,
dans l'éthique des anciens, de vertus et de vices qui ne
trouvent pas place dans la nôtre.
Comme la place assignée à la bravoure parmi les
vertus, celle assignée à l'avarice parmi les vices est
douteuse. Toutefois il ne faut pas confondre celle-ci
avec la cupidité, qu'exprime directement le mot latin
avai'itia. Aussi allons-nous examiner une bonne fois
le pour et le contre au sujet de l'avarice, en laissant à
chacun le soin du jugement final.
A. — Ce n'est pas l'avarice qui est un vice, mais son
contraire, la prodigalité. Elle résulte d'une limitation
bestiale au présent, sur lequel l'avenir, qui n'existe
encore qu'en idée, ne peut obtenir aucun pouvoir, et
28 ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
el ^lle repose sur l'illusion de la valeur positive et réelle
des plaisirs sensuels. L'indigence et la misère futures
sont en conséquence le prix auquel le prodigue achète ces
plaisirs vides, fugitifs, souvent même purement imaginaires,
ou repaît sa vaine et sotte vanité des courbettes de ses
parasites, qui rient de lui derrière son dos, comme de
l'étonnement de la populace et des envieux de sa
magnificence. Pour cette raison l'on doit le fuir, comme on
fuit un pestiféré, et, dès que l'on a découvert son vice,
rompre avec lui. Ainsi l'on n'aura pas plus tard, quand les
conséquences se produiront, ou à en supporter sa part, ou à
jouer le rôle des amis de Timon d'Athènes. De même il ne
faut pas compter que celui qui dissipe imprudemment sa
fortune, laissera intacte celle d'autrui, si elle vient à lui
tomber entre les mains. Sut profusus, alieni appelais i, a très
justement remarqué Salluste (Catilina, chap. v). ' La
prodigalité ne mène donc pas seulement à l'appauvrissement,
elle mène de plus, par celui-ci, au crime; les criminels des
classes élevées le sont presque tous devenus par leur
prodigalité. Le Koran dit avec raison : « Les prodigues sont
frères de Satan. » (6'ura XVII, verset 29). L'avarice, au
contraire, a la super-fluité dans son cortège; et quand donc
celle-ci n'est* elle pas souhaitable? Ce doit être là un bon
vice ayant de bonnes conséquences. L'avare, en effet, procède du principe exact que tous les plaisirs n'exercent
qu.'une action négative, et que, par suite, une félicité
constituée par eux est une chimère; tandis que les douleurs
sont positives et très réelles. Alors il se refuse
I. • Prodigue do son urgent, couvoUeux (lejMWjiMnyUruii-l
ÉTHIQUE
29
ceux-là, pour s'assurer d'autant mieux contre celles-ci ;
le suxtine et abstine devient sa maxime. Et comme il
sait en outre combien sont inépuisables les possibilités
du malheur et innombrables les voies du danger, il
prend ses mesures contre eux, afin de s'environner
d'une triple muraille protectrice. Qui peut dire où les
précautions contre les coups de la fortune commencent
à devenir excessives? Celui-là seul qui saurait où finit
la malignité de celle-ci. Et même si les précautions
étaient excessives, cette erreur lui nuirait tout au plus a
lui-même, et non aux autres. N'aurà-t-il jamais besoin
des trésors qu'il entasse : dans ce cas, ils profileront un
jour à d'autres, que la nature a créés moins prévoyants.
Que jusque-là il soustraie l'argent à la circulation, il n'y
a pas de mal, car l'argent n'est pas un article de
consommation; il représente uniquement les biens
réels, utilisables; il n'est pas lui-même un bien. Les
ducats ne sont au fond que des jetons à compter; ce qui
a de la valeur, ce n'est pas eux, mais ce qu'ils
représentent; et cela, l'avare ne peut le retirer de la
circulation. En outre, sa mainmise sur l'argent
augmente juste d'autant la valeur de ce qui reste en
circulation. Si, comme on l'affirme, maint avare unit
par aimer l'argent directement et pour lui-même, maint
prodigue, cela n'est pas moins certain, aime également
la dépense et le gaspillage directement pour euxmêmes. L'amitié ou même les rapports de .parenté avec
l'avare sont non seulement sans danger, mais
désirables, car Ha peuvent produire de grands
avantages. Quoi qu'il en soit, ses proches récolteront
après sa mort les fruits de son abstinence; et de son
vivant aussi, dans les nécessités extrêmes, on peut
.
30
ETHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
espérer quelque chose de lui, en tout cas toujours plus
que du prodigue déplumé, qui n'a pas le sou et est
accablé de dettes. Mas dà el duro que el desmido ', dit
un proverbe espagnol. En conséquence de tout ceci,
l'avarice n'est pas un vice.
B. — Elle est la quintessence des vices. Si les plaisirs
physiques détournent l'homme de la voie droite, sa
nature sensuelle, ce qu'il y a de bestial en lui, en porte
la faute. Entraîné par l'excitation et subjugué par l'im-l
pression du moment, il agit sans réflexion. Au con-l
traire, quand, par faiblesse physique ou par suite de
la vieillesse, il en est arrivé là-que les vices, qu'il ne
pouvait abandonner, l'abandonnent, son aptitude aux
plaisirs sensuels étant morte, alors, s'il tourne à l'ava
rice, l'appétit intellectuel survit à l'appétit charnel.
L'argent, qui est le représentant de tous les biens de
ce monde, leur abstraction, devient désormais le tronc
aride auquel se cramponnent sesappétils éteints, comme
égoïsme in abstracto. Ils se régénèrent à partir de
ce moment dans l'amour du mammon. Le désir fugitif
sensuel s'est transformé en un appétit raisonné et cal
culé de l'argent, qui est, comme son objet, de nature
symbolique, et, comme lui, indestructible. C'est l'amour
obstiné, se survivant en quelque sorte, des jouissances
de ce monde, l'inconvertibilité absolue, la joie char
nelle sublimée et spiritualisée, le foyer abstrait auquel
viennent aboutir tous les désirs, et qui est à ceux-ci ce
que l'idée générale est à la chose particulière. L'avarico.
est en conséquence le vice de la vieillesse, comme la
prodigalité est celui de la jeunesse.
H
4. « L'homme dur donne plus que l'homme nu ».
ETHIQUE
31
La disputatio in utramque partent à laquelle on
vient d'assister nous amène très naturellement à la
morale du «j u s t e milieu» d'Aristote. La considération
suivante lui est encore favorable.
Toute perfection humaine est apparentée à un défaut
dans lequel elle menace de tomber ; et, à l'inverse,
chaque défaut est apparenté à une perfection. De là
résulte souvent l'erreur que nous commettons au sujet
d'un homme : au début de la connaissance que nous
lions avec lui, nous confondons ses défauts avec les
perfections qui y sont apparentées, ou au rebours.
Alors le prudent nous semble lâche, l'économe avare ;
ou bien le prodigue, libéral ; le butor, loyal et sincère ;
l'impertinent, doué d'une noble confiance en luimême, etc.
Celui qui vit parmi les hommes se sent toujours tenté
d'admettre que la méchanceté morale et l'incapacité
intellectuelle sont étroitement unies, puisqu'elles ont
une seule et même racine. Mais cependant il n'en est
pas ainsi, et je l'ai démontré longuement dans les
Suppléments au Monde comme volonté et comme
représentation. Cette illusion, qui naît simplement de
ce qu'on les trouve souvent ensemble, s'explique par le
fait qu'elles apparaissent très fréquemment toutes
deux; en conséquence, il leur arrive aisément d'habiter
sous le même toit. On ne peut nier, cependant, qu'elles
ne jouent à cache-cache l'une avec l'autre à leur
commun avantage ; de là résulte l'aspect si peu
satisfaisant qu'offrent un trop grand nombre d'hommes, et le monde va comme il va. La stupidité est
spécialement favorable à la claire manifestation de
32
ÉTHIQUE, DROIT ET «UmOtlR
la fausseté, de la bassesse et de la méchanceté, tandis que
l'intelligence s'entend mieux à les dissimuler. Et <i que de
feus, d'autre part, la perversité du edeur empê- ' che
l'homme d'apercevoir des vérités à la hauteur desquelles
atteindrait son intelligence !
Cependant, ne nous surfaisons pas, tous tant que nous
sommes. Le plus grand génie lui-même est inconv
lestablement limité dans une sphère quelconque» de la
connaissance, et proclame par là sa parenté avec la* * race
humaine essentiellement pervertie et absurde. Chacun porte
en soi, au point de vue moral, -quelque chose d'absolument
mauvais, et même le meilleur et le plus noble caractère
nous surprendra parfois par des traits individuels de
bassesse ; il confesse ainsi en ! quelque sorte sa parenté
avec la race humaine, où l'on ; voit se manifester tous les
degrés d'infamie et même de cruauté. Car c'est précisément
par ce mauvais côté, par ce principe du mal qu'il porte en
lui-même, qu'il a dû devenir un homme. Et, pour cette
raison, le monde), est exactement ce que l'a montré mon
fidèle miroir.
Nonobstant tout cela, la différence entre les hommes .
reste incalculablement grande, et beaucoup reculeraient
d'effroi en voyant les autres tels qu'ils sont eux-mêmes. Oh
! donnez-nous un Asmodée ' de la moralité, • qui rende
transparents pour son favori non seulement les toits et les
murailles, mais le voile de dissimulation, de fausseté,
d'hypocrisie, de grimaces, de mensonges et d'illusion
étendu sur toutes choses, et lui ■
i. Allusion au Diable boiteiun'. de Lesage, que celui-ci a imile " du
Diablo eoxttelo de Luis Perez de Guevara. C'est Lesage seul j qui a
donné le nom d* « Asra'odée » à son diable. B'auteur j
espagnol ne nomme jamais celui-ci que «cl Covuelo ». '
(le trait.)
ETniQCE
33
fasse voir combien peu de véritable honnêteté on
trouve dans le monde, et combien fréquemment, même
là où on le soupçonne le moins, derrière tous les
extérieurs vertueux, secrètement et au fond le plus
reculé, la malhonnêteté est assise au gouvernail! C'est
de là que viennent les amitiés à quatre pattes de tant
'd'hommes des meilleurs ; car, en vérité, où trouveraiton une consolation contre la dissimulation, la fausseté
et la ruse infinies de l'espèce humaine, s'il n'y avait pas
de chiens, dont l'honnête figure peut être regardée sans
méfiance ?
Notre monde civilisé n'est donc en réalité qu'une
grande mascarade. On y trouve des chevaliers, des
curés, des soldats, des docteurs, des avocats, des prêtres, des philosophes, et tout le reste ; mais ils ne sont
pas ce qu'ils représentent ; ils ne sont que des masques
sous lesquels, en règle générale, se cachent des spéculateurs (moneymakers). L'un revêt le masque du droit
qu'il a emprunté à son avocat, uniquement pour pou*
voir fourrer un autre dedans. Un second a choisi, dans
le même but, celui du bien public et du patriotisme ;
un troisième, celui de la religion, de la pureté de la foi.
Beaucoup déjà se sont affublés, à toutes sortes de fins,
du masque de la philosophie, de la philanthropie, etc.
Les femmes ont moins de choix : la plupart emploient
le masque de la pureté, de la décence, des occupations
domestiques et de la modestie. H y a aussi des masques
généraux, sans caractère particulier, comme qui dirait
les dominos que l'on rencontre partout. Parmi eux se
rangent la sévère intégrité, la politesse, la sympathie
sincère et l'amabilité ricaneuse.'Sous tous ces masques
se cachent, comme nous venons de le dire, à peu près
SCHOPKMMUU. — Éthique.
3
34
EtiUQCB, DROIT ST POUTIQCB
uniquement des industriels, des commerçants et des
spéculateurs. Les marchands constituent sous ce rapport la
seule classe honnête. Seuls ils se donnent pour ce qu'ils
sont, «ont en conséquence sans masque, et occupent
pour cette raison un rang peu éfevé. Il est très important
d'apprendre de bonne heure, dès sa jeunesse, qu'on se
trouve au milieu d'une mascarade. j Autrement il est
beaucoup de choses qu'on ne pourra ni comprendre ni
atteindre. On restera devant elles tout perplexe, à
commencer par l'homme cui ex me-liore lato dédit
prsecordia Titan1. Parmi ces choses sont la faveur
acquise à la bassesse ; le mépris dont est l'objet l'homme
de mérite, même du plus rare et du plus grand mérite,
de la part de ceux qui cultivent la méine branche que lui
; la haine de la vérité et des grandes capacités,
l'ignorance des savants dans leur propre science, et la
recherche des produits artificiels au détriment des
produits vrais. Il faut donc enseigner aux jeunes gens
que, dans cette mascarade, les pommes sont en cire, les
fleurs en soie, les poissons en carton, que tout n'est que
farce et plaisanterie ; et que de ces deux hommes qu'ils
voient si sérieusement aux prises ensemble, l'un ne vend
que de la fausse marchandise, que l'autre paie avec des
jetons â compter. Mais il y a des considérations plus
sérieuses à exposer et de pires choses à dire. L'être
humain est, au fond, un animal sauvage et effroyable.
Nous le connaissons seulement dompté et apprivoisé par
ce qu'on nomme la civilisation ; voilà pourquoi nous
nous effrayons des explosions occasionnelles de sa nature1.
Mais quand une
. i. « Donl le dieu suprême a créé les entrailles du meilleur limon
».
ÉTHIQUE .
35
fois le verrou et là chaîne de l'ordre légal sont tombés et
que l'anarchie apparaît, alors il montre ce qu'il est.
Celui qui, même sans cette occasion, voudrait se renseigner à oe sujet, peut se convaincre, par.des centaines
de récits anciens et modernes, que l'homme ne le cède
en cruauté et en* impitoyabilité à aucun tigre ni à
aucune hyène. Un exemple de poids pour le temps présent est fourni par la réponse que fit en 1840 la Société
antiesclavagiste de l'Amérique du Nord à la Société
antiesclavagiste britannique, qui s'était informée auprès
d'elle de la manière dont étaient traités -les esclaves
dans son pays. Cette réponse a pour titre : Slaveryand
the internai Slavelrade in the United States of NorthAmerica : being replies to questions transmitted by the
Brilish Ânlislavery-Society to the American Anli'slavery-Sociely. Londres, 1841, 280 pages. Ce livre constitue un des actes d'accusation les plus accablants
contre l'humanité. Personne ne le refermera sans horreur, et peu de gens sans verser des larmes. En effet, ce
que le lecteur peut avoir jamais entendu dire, ou
imaginé, ou rêvé, en fait de dureté ou de cruauté
humaine, lui semblera insignifiant, s'il lit comment ces
démons à face d'hommes, ces coquins bigots qui vont à
l'église et observent le sabbat, spécialement les calotins anglicans qui se trouvent parmi eux, traitent leurs
frères noirs innocents, que l'injustice et la violence ont
fait tomber sous leurs griffes diaboliques. Ce livre,
composé de comptes rendus secs, mais authentiques et
documentés, révolte à un tel degré tout sentiment
humain, qu'on pourrait, le tenant à la main, prêcher une
croisade en vue de l'assujettissement et du châtiment
des Etats esclavagistes de l'Amérique du Nord :
36
ÉTHIQUE, DROIT KT POLITIQUE
car ils sont la honte de l'humanité entière. Un antre
exemple datant de nos jours — pour beaucoup de gens le
passé n'a plus de valeur — se trouve dans les Voyages au
Pérou, de Tschudi (1846;, et concerne le traitement
infligé aux soldats péruviens par leurs officiers '. Mais
nous n'avons que faire d'aller chercher des exemples
dans le Nouveau-Monde, ce revers de la planète. N'a-l-on
pas découvert en Angleterre, en 1848, que dans un court
espace de temps, et cela non pas une fois, mais des
centaines de fois, an mari a empoisonné sa femme, ou
une femme son mari, ou tous deux leurs enfants, ou
torturé lentement ceux-ci à mort par la faim ou les
mauvais traitements, uniquement pour recevoir des
Sociétés mortuaires (Burial Clubs) les frais d'enterrement
qui leur étaient assurés en cas de décès ! A cette fin ils
faisaient inscrire un enfant dans plusieurs et jusque daus
vingt de ces Sociétésà la fois. Onpentvoir ; à ce sujet le
Times des 20, ii et l'î septembre 1848, qui réclame
vivement, pour cette raison seule, la suppression des
Sociétés mortuaires. Ce journal renouvelle violemment la
même plainte, le 12 décembre 1853.
Des rapports de ce genre appartiennent évidemment
aux pages les plus noires des annales criminelles de la
race humaine. Mais la source de ces faits et de tous les
faits analogues n'en est pas moins l'essence intime et
innée de l'homme, ce dieu xotx' EÇO/YT' (selon la règle)
des panthéistes. En chacun réside avant tout un colossal égoïsme qui franchit le plus facilement du monde
1. Un exemple de ces tout derniers temps se trouve dans
• l'ouvrage de Mac Leod, Traeehin Easlern Africa, Londres, 1860,
2 vol., qni enregistre la cruauté inouïe, froidement calculée,
vraiment diabolique, avec laquelle les Portugais traitent leurs
esclaves dans le Mozambique.
ÉTHIQUE
37
les bornes du droit; c'est ce que nous enseigne, en petit, la
vie quotidienne, et, en grand, chaque page de l'histoire. La
nécessité reconnue de l'équilibre européen, si anxieusement
surveillé, ne révèle-t-elle pas par elle seule que l'homme est
une bête de proie qui, dès qu'elle voit à sa portée un animal
plus faible, l'assaille infailliblement ? Et n'obtenons-nous
pas chaque jour en petit la confirmation de ce fait?
Mais à l'égoïsme illimité de notre nature s'associe encore,
en proportions plus ou moins fortes, dans chaque cœur
humain, une provision de haine', de colère, d'envie, de fiel et
de méchanceté, amassée comme le poison dans la glande de
la dent du serpent, et qui n'attend que l'occasion de se
donner carrière, pour tempêter et faire rage ensuite comme
un démon déchaîné. Si l'opportunité sérieuse fait défaut, elle
finira par mettre à profit l'occasion la plus mince, que son
imagination grossit:
Quantulacunque adeo est occasio, sufficit ira ',
(Juvénal, Satire XIII, vers 183).
et elle poussera ensuite les choses aussi loin qu'elle le
pourra et l'osera. Nous le constatons dans la vie quotidienne,
où l'on désigne ces éruptions sous cette expression : «
déverser sa bile sur quelque chose ». On a aussi remarqué
que quand ces éruptions ne rencontrent pas de résistance, le
sujet s'en trouve ensuite décidément mieux. Aristote a déjà
observé que la colore n'est pas sans jouissance : IO
opyiÇsiiOai VjSiî (Rhétorique, livre I, chap. xi ; livre II,
chap. u), et il cite à cet appui
\. • Si mince que sait l'occasion, ullc suffit à la colère ».
38
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
un passage d'Homère, qui déclare la colère plus douce
que le miel '. Mais ce n'est pas seulement à la colère, c'est
aussi à la haine, qui est par rapport à elle ce qu'est une
maladie chronique à une maladie aiguë, qu'on se livre
réellement con amore :
H
Now h&tred is by far the longest pleasure :
Men love in liaste, but they detest al leisure 2.
(Byron, Don Juan, chant XIII, strophe VI).
Gobineau3, dans son livre sur les Races humaines, a
1. Ce passage se trouve dans les deux vers suivants de
l'Iliade (chant \vw. I09-MO) :
Serre 7ro).-j rXuxftov (JUD.(TO« xaTaXctjSo|jUvoto
«vopiov iv TCT(bgffatv às|e-act, rjuts xaiivdç.
« Qui, plus douce encore que le miel, qui coule avec limpi
dité, se gonfle dans la poitrine dos hommes comme une vapeur. »
I
[Le trad.)
2. « La haine est de beaucoup le piaf sir le plus durable. Les
hommes aiment rapidement, mais ils détestent longuement ».
3. Le comte de Gobineau (Josoph-Arthur), né a Ville-d'Avray
(d'autres disent à Bordeaux) en 1816. entra en 1849 au ministère des
Affaires étrangères, et fut successivement secrétaire d'ambas-J sade à
Berne, à Hanovre, a Francfort, ministre en Perse de 1862 a 1864, en
Grèce de 1864 à 1868, au Brésil, puis en Suède, de 1872 |à 1877.
Après sa mise à la retraite, il s'établit à Rome, et mourut en 1882 a
Turin. Le comte de Gobineau a beaucoup écrit, et ses ouvrages sont en
général remarquables ; ils embrassent les genres les plus divers, depuis
l'étude des caractères cunéiformes j et l'histoire des civilisations
jusqu'au roman et à la poésie. Son livre le plus importantes! l'Essai sur
l'inégalité des races humai-rus (1853) ; c'est la base de tous les travaux
de l'auteur, et la théorie qui un fait le tond — celle de l'anthropologie
des diverses nationalités — se retrouve jusque dans son grand poème
d'Amadis; c'est en même temps le point de départ de la nouvelle école
ethnologique. Il est intéressant de constater que les Allemands se sont
de bonne heure occupés des travaux du comte de Gobineau, et alors
qu'aujourd'hui encore il n'est guère connu I en France que des érudits,
qu'ils lui consacrent des. études sérieuses et traduisent ses œuvres
jusque dans dos collections populaires a très bon marché. Il y a
évidemment une affinité j
ETHIQDE
39
1
nommé l'homme « l'animal méchant par excellence »,
jugement qui soulève des protestations, parce qu'on se sent
atteint par lui ; il a néanmoins raison. L'homme est en effet
l'unique animal qui inflige des douleurs aux autres sans but
déterminé. Les autres animaux ne le font jamais que pour
apaiser leur faim, ou dans l'ardeur de la lutte. On répète
toujours que le tigre tue plus qu'il ne mange ; il n'égorge
toutefois qu'avec l'intention de se repaître, et c'est le cas de
dire, en employant l'expression française, que « ses yeux
sont plus grands que son estomac * ». Aucun animal ne
torture uniquement pour torturer; mais l'homme le fait, et
ceci constitue le caractère diabolique, infiniment pire que le
caractère simplement bestial. Il a déjà été question de la
chose'en grand; elle n'est pas moins évidente en petit,
comme chacun a l'occasion quotidienne de l'observer. Par
exemple, deux jeunes chiens jouent ensemble, — spectacle
pacifique et charmant. Un enfant de trois à quatre ans arrive,
et ne manque guère de les frapper aussitôt de son fouet ou de
son bâton, montrant ainsi qu'il est déjà « l'animal méchant
par excellence ». Les si fréquentes taquineries sans but et les
mauvaises plaisanteries découlent aussi de cette source.
Vient-on, je suppose, à exprimer son mécontentement au
sujet d'un dérangement ou de tout autre petit désagrément, il
ne manquera pas de gens qui vous les imposeront
uniquement pour cette raison : animal méchant par
entre certaines idées de ce puulicisle distingué et quelques-unes|
dos idées actuellement à l'ordre du jour chez nos voisins d'outre*
Rhin.
(le trad.)
i. En français dans lo texte.
2. Egalement en français.
40
ÉTHIQUE, DROIT RT POÈmQÛE
excellence ! Ceci est tellement certain, qu'on doit te!
garder de manifester son déplaisir de petits ennuis et
même, à l'inverse, sa satisfaction de petites choses.!
Dans ce dernier cas, les gens feront comme ce geôlier
qui, ayant découvert que son prisonnier était parvenu,
avec beaucoup de peine, a apprivoiser une araignée et
y trouvait un grand plaisir, l'écrasa sur-le-champ : animal méchant par excellence 1 Voilà pourquoi tous les
animaux craignent instinctivement l'aspect -et môme
la trace de l'homme, — de « l'animal méchant par
excellence ». En cela l'instinct ne les trompe pas :
l'homme seul, en effet, fait la chasse à la proie qui ne
lui est ni utile ni nuisible.
Il y a réellement dans le cœur de chacun de nous
une béte sauvage qui n'attend que l'occasion de se
déchaîner, désireuse qu'elle est de faire du mal aux
autres, et, si ceux-ci lui barrent la route, de les anéantir.
C'est de là que naît tout le plaisir du combat et de
la guerre; et c'est cet instinct que l'intelligence, sa
gardienne particulière, a charge constante de dompter
et de maintenir en quelque mesure dans les bornes.
On peut l'appeler le mal radical, définition dont se contenteront ceux pour qui un mot remplace une explication. Mais je dis : c'est la volonté de vivre qui, tou- |
jours de plus en plus aigrie par les douleurs perpétuelles de l'existence, cherche à alléger sa propre peine
en infligeant des peines aux autres. De cette façon, la
volonté de vivre se développe peu à peu en méchancetés
et en cruauté véritables. On peut aussi remarquer ici
que, de même que la matière, selon Kant, n'existe que
par l'antagonisme de la force expansive et contractée,
ainsi la société humaine n'existe que par l'anta-
tTHIQCI
41
gopiame de la haine, de la colère ou de la peur. La
laideur de notre nature ferait en effet peut-être unjour
de chacun de nous un meurtrier, s'il ne s'y mêlait pas
une forte dose de peur, qui la maintient dans l'es
bornes ; et cette peur seule, à son tour, nous rendrait
l'objet de la moquerie et le jouet de chaque enfant, si
notre colère n'était pas là toute prête à surgir et à faire
bonne garde.
Mais le plus déplorable trait de la nature humaine
reste le plaisir de nuire, étroitement apparenté à la
cruauté, et qui ne se distingue en réalité de celle-ci que
comme la théorie de la pratique. Il apparaît généralement là où la sympathie devrait trouver sa place,| la
sympathie qui, son opposée, est la véritable source de
toute vraie justice et de l'amour du prochain. Dans un
autre sens, l'envie est opposée à la sympathie, en ce
qu'elle est provoquée par l'occasion inverse. Son
opposition à la sympathie repose donc directement sur
l'occasion, et se manifeste aussi dans le sentiment
comme une conséquence de celle-ci. L'envie, quoique
condamnable, est donc susceptible d'excuse, et est éminemment humaine; tandis que le plaisir de nuire est
diabolique, et que sa moquerie est le rire de l'enfer. Il
apparaît, nous l'avons dit, justement là où la sympathie
devrait apparaître; tandis que l'envie n'apparaît que là
où il n'y a pas de motif pour celle-ci, et où ce serait
plutôt le contraire. C'est à ce dernier titre qu'elle naît
dans le cœur humain, et constitue donc encore un
sentiment humain; je crains même que personne n'en
soitcomplètement exempt. Que l'homme, en effet, devant
la fortune et les joies des autres, sente d'autant plus
amèrement ses propres besoins, cela est naturel, et
wiïwL
~42~
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
même inévitable; seulement, cette situation ne devrait
pas exciter sa baine contre l'homme plus fortuné; et
c'est précisément en ceci que consiste l'envie proprement dite. En tout cas, ce qui devrait le moins la provoquer, ce sont les dons de nature, qu'il ne faut pas
confondre avec ceux dus au hasard ou à la faveur
d'autrui.
Toute chose innée repose sur une base métaphysique,
c'est-à-dire a une justification d'espèce supérieure et
existe en quelque sorte par la grâce de Dieu. Malheureusement, l'envie agit tout au rebours. Elle pardonne le
moins les avantages personnels, et l'intelligence,
mêmele génie,doiventenconséquence implorerd'abord le
pardon du monde, quand ils ne sont pas en situation de
pouvoir mépriser fièrement et hardiment celui-ci.
Quand, notamment, l'envie est excitée seulement par la
richesse, le rang ou la puissance, elle est souvent
encore atténuée par l'égoïsme. Celui-ci se rend compte
qu'on peut espérer de la personne enviée, le cas échéant,
secours, plaisir, assistance, protection, avancement,
etc., ou que tout au moins, en la fréquentant, un reflet
de sa splendeur peut l'honorer lui-même; et l'on a toujours l'espoir d'acquérir soi-même un jour tous ces'
biens. Au contraire, pour l'envie qui s'en prend aux
dons naturels et aux avantages personnels, tels que la
beauté chez les femmes, l'intelligence chez les hommes, il
n'y a aucune consolation de cette espèce ni d'espérance
de l'autre; il ne lui reste qu'à hai'r amèrement et
implacablement les êtres ainsi privilégiés. Son seul
désir est donc d'exercer une vengeance sur son objet.
Mais ici sa malheureuse situation fait que tous ses
coups tombent sans force, dès qu'il apparaît qu'ils
ÉTHIQUE
43
sont venus d'elle. Aussi se cache-t-elle non moins
soigneusement que les péchés charnels secrets, et
invente-t-elle à l'infini des ruses, des pièges et des
artifices, de façon à se dissimuler et à atteindre son objet
sans être vue. L'envie ignorera de l'air le plus innocent
du monde, par exemple, les mérites qui remplissent de
rage son cœur, elle ne les verra pas, ne les connaîtra pas,
ne les aura jamais remarqués ni n'aura entendu parler
d'eux, et se montrera ainsi passée mai-tresse en
dissimulation. Avec une malice raffinée, elle négligera
comme absolument insignifiant l'homme dont les
brillantes qualités torturent son cœur, ne> s'apercevra
pas qu'il existe, l'oubliera complètement. Elle s'efforcera
aussi avant tout, par des machinations secrètes,
d'enlever à ces mérites toute occasiou de se montrer et
de se faire connaître. Elle lancera ensuite sur eux, du
fond de l'ombre, blâme, moquerie, raillerie et calomnie,
semblable en cela au crapaud qui éjacule son venin hors
d'un trou. Elle n'en louera pas moins avec enthousiasme
des hommes insignifiants, ou des productions
médiocres, même mauvaises, dans la même branche de
travaux. Bref, elle devient un pro-ptée en stratagèmes, de
manière à blesser sans se faire voir. Mais à quoi tout cela
sert-il? L'œil exercé ne la reconnaît pas moins. Elle se
trahil déjà par sa crainte et sa fuite devant son objet,
objet qui reste d'autant plus isolé qu'il est plus brillant :
voilà pourquoi les jolies filles n'ont pas d'amies. Elle se
trahit par sa haine sans raison, qui à la moindre
occasion, souvent même purement imaginaire, éclate en
formidable explosion. Quelque étendue d'ailleurs que
soit sa famille, on la reconnaît à l'éloge universel de la
mo-
J44"~
^TÏIIOCE, DROIT ET POLrriQCR
dealic, celte rusée vertu inventée an profit de le plate
banalité, qui néanmoins, par la nécessité qui la pousse à
épargner la médiocrité, la met précisément en lumière.
Il ne peut assurément y avoir n'en de plus flatteur pour
notre amour-propre et notre orgueil que |J la vue de
l'envie au guet dans sa cachette et préparant ses
machinations; il ne faut toutefois jamais oublier qu'elle
est constamment accompagnée par la haine, et l'on doit
se garder de laisser l'envieux devenir un faux ami. La
découverte de l'envie est donc d'importance pour notre
sécurité. On doit en conséquence l'étudier, pour éventer
ses pièges, car on la trouve partout, elle va toujours
incognito, ou, comme le crapaud venimeux, épie dans les
trous sombres. Elle ne mérite ni égards ni pitié, et il faut
lui appliquer cette règle :
Tu n'apaiseras jamais l'envie;
Tu peux donc l'en moquer à ton aise.
Ton bonheur et ta gloire sont pour elle une souffrance;
Tu peux ainsi te repaitre de son tourment '.
Si, comme nous l'avons fait ici, on envisage la mê- N
chancelé humaine en inclinant à s'en effrayer, on doit
ensuite jeter les yeux sur la misère de l'existence
humaine, puis les reporter de nouveau sur la méchanceté
en question, si cette misère vous effraye. Alors on
trouvera qu'elles se font l'une à l'autre équilibre, et l'on
deviendra conscient de l'éternelle justice, en remarquant
que le monde lui-même est son propre
1.
Don Noid wirtt iiinuucr du t'crsiiliiirii :
So magil du ilui xcirosl rcriiûfinen. Ijçin Gluck,
(loin Itiilim isl iliin ein l.ciclwi : iMa^sl- dru in au
seiucr Quai dJoh weiden.
ÉTHIQUE
45
tribunal, et en commençant à comprendre pourquoi
tout ce qui vit doit expier son existence, d'abord par la
vie, puis par la mort. Le malum pœnx apparaît d'accord
avec le malum culpœ. De ce même point de vue se
dissipe aussi notre indignation pour l'incapacité
intellectuelle du plus grand nombre, qui nous dégoûte
si fréquemment dans l'existence. Ainsi miseria
humana, nequilia humana et stullilia humana se
répondent parfaitement dans ce sansàra * des bouddhistes, et sont de la même grandeur. Mais si nous
examinons l'une à part et la mesurons spécialement,
elle semble alors dépasser les deux autres sous ce
rapport. Ce n'est pourtant là qu'une illusion et une
simple conséquence de leur dimension colossale.
Chaque chose proclame ce sansara; mais, plus que
chaque chose, le monde humain, dans lequel, moralement, méchanceté et bassesse, intellectuellement, incapacité et bêtise, dominent en une mesure effrayante.
Cependant il se manifeste en lui, quoique très sporadiquement, mais d'une façon constante, qui nous
étonne toujours, des phénomènes d'équité, de bonté, de
noblesse d'âme, comme aussi de grande intelligence,
d'esprit qui pense, même de génie. Ceux-ci ne
disparaissent jamais complètement. Ils luisent devant
nous comme des points isolés qui brillent hors de la
grande masse sombre. Nous devons les prendre comme
une assurance qu'il y a dans ce sansara un bon prin■1. Lo sansara, c'est le tourbillon vital, le mouvement toujours renouvelé qui. pendant les S ternîtes, roule l'ame à travers
des angoisses et îles douleurs sans nombre, auxquelles elle
aspire impatiemment à échapper.
(Le trad.)
46
ÉTIÏIQCS, DROIT ET POLITIQUE
cipe sauveur qui peut arriver à se manifester, en emplissant et en affranchissant l'ensemble.
Les lecteurs de mon Ethique savent que le fondement de la moraie repose finalement pour moi sur la
vérité qui a son expression dans le Véda et Védanta,
conformément à la formule mystique établie : Tatlwam
asi (c'est toi-même), qui est prononcée en se référant
à chaque chose vivante, homme ou animal, et qui est
alors dénommée la mahavahya, la grande parole.
On peut en réalité regarder les actes conformes à
celle-ci, par exemple la bienfaisance, comme le commencement du mysticisme. Chaque acte de bienfaisance
pratiqué par un motif pur proclame que celui qui le
pratique est en contradiction directe avec le monde
phénoménal dans lequel un autre individu est
entièrement séparé de lui-même, et se reconnaît identique
à celui-ci. Tout acte de bienfaisance complètement
désintéressé est cependant une action mystérieuse, un
mystère; aussi a-t-il fallu, pour l'expliquer, recourir à
toutes sortes de fictions. Après que Kant eut retiré au
théisme tous ses autres supports, il lui laissa simplement
celui-ci, à savoir qu'il donnait la meilleure explication de
ces actes mystérieux et de tous ceux qui leur ressemblent.
Il admettait en conséquence le théisme comme une
hypothèse théoriquement non démontrable, mais valable
au point de vue pratique. Que Kant ait été d'ailleurs en
cela tout à fait sérieux, j'en doute. Eu effet, étayer la
morale sur le théisme, c'est la ramener à l'égoïsme.
Cependant les Anglais, comme chez nous aussi les plus
basses classes sociales, ne voient pas la possibilité d'un
autre fondement. -
-wtilMfry
ÉTHIQUE
47
Ce fait de reconnaître sa propre et véritable essence dans
un autre individu qui se manifeste objectivement, apparaît
avec une beauté toute particulière dans les cas où un être
humain, voué inévitablement a la mort, se dévoue avec un
soin anxieux et un zèle actif au bien et au salut des autres.
On connaît l'histoire de cette servante qui, mordue la nuit,
dans la cour d'une ferme, par un chien enragé, et se sentant
perdue, empoigne le chien et le traîne dans l'écurie, qu'elle
referme, pour empêcher qu'il ne fasse d'autres victimes. De
même cet épisode qui a eu Naplès pour théâtre, et que
Tischbein ' a perpétué dans une de ses aquarelles. Fuyant
devant la lave qui envahit rapidement la mer, un fils porte
son vieux père sur ses épaules ; mais quand une étroite
bande de terre sépare seulement encore l'un de l'autre les
deux éléments destructeurs, le père dit à son fils de le laisser
là, et de se sauver en courant; sans quoi tous deux seraient
perdus. Le fils obéit, et jette, en s'éloignant, un dernier
regard d'adieu à son père. C'est la scène du tableau. De la
même nature est le fait historique que Walter Scott décrit,
avec sa maîtrise habituelle, dans
1. L'histoire de la peinture allemande enregistre le nom de
cinq Tischbein, les deux oncles et les trois neveux. Celui dont il
s'agit ici, WHholm, né a Hayua en 1751, mort à Eu tin en 1829,
est le plus connu. On l'appelle « le Napolitain », parce qu'il
habita longtemps Naples. Elève de Raphaël Mengs, il s'élova
peu a peu de la pure virtuosité de son maître à l'art classique
proprement dit, et Unit même par aller jusqu'au réalisme. Son
tableau le plus célèbre est Gœlhe sur tes ruines de Rome, qui se
trouve à l'Institut artistique de Stadel, à Francfort, PI que la
gravure a rendu si populaire. Wiltielin Tischbein fut jusqu'à sa
mort l'ami intime de 1 auteur de Faust, qui parle plus d'une fois
de lui.
(Le Irad.) <■
Hffg
ÉTHIQUE, UKOIT ET POLITIQUE
le Cœur de Midlothian t, chap. n. Deux délinquants
ont été condamnés à mort, et celui qui, par sa maladresse, a amené la capture de l'autre, le délivre
heureusement, dans l'église où vient d'être prononcé
le sermon funèbre, en tenant vigoureusement en
respect la garde, tandis qu'il ne fait pas la moindre
tentative pour échapper lui-même. Citons également
ici, quoiqu'elle puisse être désagréable au lecteur
occidental, là scène souvent reproduite par la gravure,
où un soldat déjà à genoux pour être fusillé, cherche à
éloigner de lui, en agitant vivement son mouchoir, son
chien qui veut le rejoindre.. Dans tous les cas de cette
espèce, nous voyons un individu, ■ approchant avec
une complète certitude de sa fin personnelle, oublier
son propre salut pour s'appliquer tout entier à celui
d'un autre. La conscience pourrait-elle s'exprimer plus
clairement, pour témoigner que cette fin est seulement
celle d'un phénomène, et est elle-même un
phénomène, tandis que la véritable essence de l'être
qui finit demeure intacte, se perpétue dans l'autre, en
lequel le premier est en train de la reconnaître si
nettement, comme le démontre son action? S'il n'en
était pas ainsi, si nous avions devant nous un être qui
va véritablement périr, celui-ci pourrait-il, en effet, par
le déploiement de ses dernières forces, témoigner un
aussi intense intérêt pour le bonheur et la continuation
d'un autre?
1. Midlothian était le nom do la vieille prison d'Edimbourg,
démolie en 1817. C'est l'année suivante que Walter Scott publia le
roman très dramatique que lui avait inspiré la disparition de l'antique
geôle écossaise, où s'étaient déroulés tant d'événements tragiques.
L'action se passe en 1736.
iLetrgd.)
ÉTHIQUE
49
II y a en réalité deux manières opposées de devenir
conscient de sa propre existence. La première, en
intuition empirique, se déployant de l'intérieur, comme
un être infiniment petit dans un monde illimité sous le
rapport du temps et de l'espace; comme un seul être
parmi les mille millions d'êtres humains qui courent en
tous sens sur ce globe terrestre, pour très peu de temps,
en se renouvelant tous les trente ans. La seconde, en
s'enfonçant dans son propre intérieur et en devenant
conscient d'être tout en tout et véritablement le seul
être réel qui se voit une fois encore dans l'autre qui lui
est donné du dehors, comme dans un miroir. Or, que le
premier mode de connaissance embrasse seulement le
phénomène opéré par leprinci-] pium individuationis,
mais que le second soit une conscience immédiate de
soi-même comme de la chose en soi, c'est là une
doctrine dans laquelle, pour la première partie, j'ai Kant
avec moi, et, dans les deux, le Véda. La simple
objection contre le second mode est qu'elle présuppose
qu'un seul et même être peut se trouver en même temps
en différents endroits et pourtant en chacun. Mais
quoique cela soit, au point de vue empirique,
l'impossibilité la plus évidente et même une absurdité,
ce n'en est pas moins absolument vrai de la chose en
soi; car cette impossibilité et cette absurdité reposent
uniquement sur les formes du phénomène, qui
constituent le principium individuatio-\nis. La chose en
soi, la volonté de vivre, existe en effet dans chaque être,
même le moindre, est présente entière et indivise aussi
complètement que dans tous ceux qui jamais furent,
sont et seront. C'est la raison pour laquelle chaque être,
même le moindre, se dit à
SciiopF.Niuor.n. — Éthique.
*
80
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
lui-même : Dum ego salvus sim, pereat mundtts '. El,
réellement, si tous les autres êtres périssaient, dans le
seul être survivant subsisterait, intacte et non diminuée,
toute l'essence en soi du monde, qui rirait de la
destruction de ceux-là comme d'une jonglerie. C'est là,
sans doute, une conclusion per impossibile, à laquelle on
est tout aussi bien en droit d'opposer celle-ci : si un être,
même le moindre, était complètement anéanti, le monde
entier périrait en lui et avec lui. En ce sens, le mystique
Àngelus Silesius a dit :
Je sais que, sans moi, Dieu ne peut pas vivre un seul instant;
Si je suis anéanti, son esprit doit nécessairement disparaître3.
Mais pour pouvoir constater en quelque mesure, même
au point de vue empirique, celte vérité, ou du moins la
possibilité que notre propre « moi » soit à même d'exister
dans d'autres êtres dont la conscience est séparée et
distincte de la nôtre, nous n'avons qu'à
1. « Pourvu que je sois sauf, le monde peut périr ».
2.
« Ich uciss tlass ohne midi GoLl niclii oin Mu kann leben ;
Werd'ich zu niclil, Br muss von Nolh den Gcisl aiifgeben ».
Cherubinischer Wandersmann, livre I, 8.
Jean Scheffler, auteur du recueil de vers précité, le Pèlerin
chérubique. naquit à Brcslau en 1624, abjura en 1653 le protes
tantisme pour se faire catholique, occasion à laquelle il prit le
nom d'Angelus (l'ange de Silésie), et mourut chanoine de sa ville,
natale, en 1677. Il poursuivit de sa haine acharnée et infatigable
ses anciens coreligionnaires, contré lesquels il ne publia pas \
moins de cinquante-cinq pamphlets. Angelus Silesius est, avec
le jésuite Frédéric Spee, l'auteur du Tfutz Nachligall (En dépit
du rossignol), l'un des deux principaux représentants de la
poésie mystique au xvn° siècle allemand. Le second est d'ail
leurs de beaucoup supérieur au premier. Il a de la force et de
l'imagination, tandis que la manière de celui-là., toute pénétrée
d'un panthéisme incohérent, dégénère trop souvent en fadeur
sentimentale.
.
j
{Le trad.)
ETHIQUE
51
nous rappeler les somnambules magnétisés, dont le «
moi » identique, après leur réveil, ne sait rien de ce
qu'un moment auparavant ils ont dit, fait et souffert
eux-mêmes. La conscience individuelle est donc un
point si entièrement phénoménal, que même dans le
même « moi » il peut en surgir deux dont l'un ne sait
rien de l'autre.
Des considérations comme les précédentes ont toutefois, dans notre Occident judaïsé, quelque chose de
très étrange; mais il n'en est pas ainsi dans la patrie de
la race humaine, dans ce pays où règne une foi tout
autre, une foi conformément à laquelle, aujourd'hui
encore, après les funérailles, les prêtres chantent
devant tout le peuple, avec accompagnement d'instruments, l'hymne du Véda qui commence ainsi :
« L'esprit incarné qui a mille têtes, mille yeux, mille
pieds, a sa racine dans la poitrine humaine et pénètre à
la fois toute la terre. Cet être est le monde et tout ce qui
a été et sera. Cent ce qui s'accroit par la nourriture et
confère l'immortalité. C'est là sa grandeur, et pour cela
il est l'esprit incarné le plus noble. Les éléments de ce
monde constituent une part de son être, et trois parts
sont l'immortalité dans le ciel. Ces trois parts se sont
élevées du monde ; mais l'autre part est restée en
arrière et est ce qui (par la migration des âmes) jouit et
ne jouit pas des fruits des bonnes et des mauvaises
actions, etc. » (Voir Colebrooke, On lhe\ religions
Cérémonies of Ihe Hindoos, t. V des Asialic
Researches, édit. de Calcutta, p. 345, et aussi ses Mis-\
cellaneous Essays, t. I, p. 167).
Si l'on compare ces hymnes avec ceux de nos livres
de prières, on no s'étonnera plus que les missionnaires
58
KTIIIQBK, M
H-^Votmoci
anglicans des bords du Gange fassent de ai pitoyables
affaires, et, avec leurs sermons sur leur maker ', ne
w set l'ail
bu Uu ■
tien, ilftiw 11 - acrtta, . :ii..n*. et la v> onrant terre, i'
n Ihm : cnoar •pi*' je prie de remarquef carartart*
H uoar ta ramafliua religieaM aoi
....In
.................' U •
.: .
.. ,
■—-
■ .1,,,. la .1 - .ta
• la croy;
irant, qui
si Brahms, i|iii est présent en tous et
an* !•'•! ■'!• que I* snnstd» et i homme tout an boasillage sorti
de n- 'i Aasai eatoe à jaate titre • )• le noble auteur du livre
flfeW dit : ■ Lee efforts dan • onnaûi - resteront strr ■. nul
Iml ■ : respectante ae r. . ■ ■„..,. àleurs'exhortatlum • ip. 18).
• ' :■
<•• ■*• l -aa, pénétrée par les «!■ Inès brahmaniqnes. dans - ju.'H.-- Ma vivant cl • '«ai, laa abandonneront "*
P°n* embra«eer la mai •■ do voir chrétienne, est, •"aptes «ai. as» ai
s'tuas* vaine • (p 50 « 8t quand le synode entier de l'Eglise anglaise
-'.ii! rail à natte tache, il ne rriutkirail pu, à moine que ea ne soit
par la violence absolue, à convertir an bornas* toi mille, parmi
l'immense population ludi - a |a. •*>. Casa bien la prédiction de
Colebrooke s'est montrée joslr. -l ce < témoigne, quarante et un ans
pins tard, une longue lettre signée Civls, pabliée dans le Timei du 6
no\ i 'ira 1849, et sertie par un homme qui a vécu longtemps dans l
!"'!.• Oa y lit entre antre» choses : ■ Je ne connais pas un seul
esenipla d'un fndou dont nous puissions nous faire honneur, qui sa
aaat aunverti au christianisme ; pas un seul cas où celui-ci n'aurait
été un reproche pour la croyance embrassée, un avertiraieal pour la
croyance abjurât. Las prosélytes qu'on a laits jusqu'à aeaaent. si
pen nombreux quiU soient, ont donc tout bonnement servi à
détourner les autres de suivre leur exemple ». Us assertiasw de
cette lettre ayant été contestées, elles forant confirmées par une
seconde lettre, signée 8epahee, publiée dans le Time» du SI)
novembre, où on lit : « J'ai servi plus de douze ans dans la
présidence, de Madras, et, pendant eu long laps de temps, je n'ai
jamais va un seul individa qui se
itmodâ
53
parviennent pas à toucher les brahmanes. Mais ceux qui
veulent se procurer le plaisir de voir comment, il y a quarante
et un ans, un officier anglais a contrecarré hardiment et
expressément les prétentions absurdes et impudentes de ces
m.essiëùrs, n'ont qu'à lire le livre intitulé : The Vindication
oflhe Hindoos front', \llie Aspersions of the Rev. Claudius
Buchanan, wilh\ Réfutation of lus Arguments in favour of an
ecclesias-, tical Establishment in British India; the whole
len-ding to évince the excellence of the moral system of the
Indoos, by a Bengal Offlcer, Londres, 1808. L'auteur y
démontre avec une rare indépendance les avantages des
doctrines religieuses indoustaniques sur celles de
l'Europe. Ce petit écrit, qui en allemand pourrait faire cinq
feuillets, mériterait aujourd'hui encore d'être traduit; car il
expose mieux et plus sincèrement qu'aucun autre, à ma
connaissance, l'influence pratique si bienfaisante du
brahmanisme, son action sur la vie et sur le peuple, — tout
autrement que les rapports émanant de plumes cléricales, qui,
en celte qualité même, méritent peu de créance; tandis que
les pages en question s'accordent avec ce que j'ai entendu
soit converti, môme on apparence de l'indouisuio ou de l'islainisine à la religion protestante. Je partage donc complètement
l'avis de Ci vis. et je crois que presque tous les officiers de
l'armée pourraient apporter un témoignage semblable. » Cette
lettre aussi a fait l'objet de vives contestations; mais je crois
que eelles-ci, si elles ne proviennent pas des missionnaires, pro-1
viennent de leurs cousins; ce sont en tout cas de très pieux
contradicteurs, lin admettant même que tout ce qu'ils allèguent
ne soit pas dénué de fondement, je lu'en lie néanmoins davantage aux garants impartiaux que j'ai cités. Car l'habit rouge, en
Angleterre, m'inspire plus do confiance que la robe noire, et tout
eo qui y est dit en faveur de l'Eglise, cet asile si richo et si commode des jeunes Dis sans fortune do l'aristocratie, m'est par le
fait môme suspect.
64
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
de la bouche d'officiers anglais qui avaient passé dans
l'Inde la moitié de leur vie.
Pour savoir jusqu'à quel j>oint l'Eglise anglicane,
tremblant sans cesse pour ses bénéfices, jalouse le
brahmanisme et est irritée contre lui, il faut avoir entendu
les aboiements que les évêques ont poussés il y a quelques
années au sein du Parlement ; ils I ont continué à les
pousser pendant des mois, et, devant l'obstination
inévitable des autorités des Indes orientales, ils n'ont cessé
de les renouveler ; tout cela uniquement parce que les
autorités anglaises, comme il est équitable de le faire dans
l'Inde, témoignaient quelques signes de respect extérieur
envers l'antique et vénérable religion du pays. Ainsi,
quand la procession passe avec l'image des dieux, la
garde, officier en tête, sort à sa rencontre et joue du
tambour; un drap rouge est fourni pour recouvrir le char
de Jag-gernaut, etc. Ce dernier a été effectivement
supprimé, avec l'impôt prélevé sur ses pèlerins, en vue de
plaire à ces messieurs. En attendant, différents faits
doivent faire connaître à ces bénéficiers et porteurs de
perruques « très révérends », comme ils se nomment euxmêmes, qui ne cessent d'exhaler leur rage moyen-nageuse,
aujourd'hui grossière et vulgaire, contre l'antique religion
de notre race, que la plupart des Européens qui vivent
longtemps dans l'Inde ont au fond du cœur de
l'attachement pour le brahmanisme, et lèvent au contraire
les épaules au sujet des préjugés religieux sociaux de
l'Europe. Un fait entre autres qui les contraria beaucoup,
ce fut la remise aux brahmanes par lord Ellenborough, en
184S, de la porte de la pagode de Sumenaut détruite en
1022 par le maudit
ETHIQUE
55
Mahmoud le Ghasnévide ', et que ledit lord avait rapportée
en grande pompe au Bengale. « Tout cela tombe comme les
écailles des yeux, dès que l'on a vécu deux années dans
l'Inde », me* disait un jour un Européen. Même un Français,
le monsieur très complaisant et cultivé qui accompagna il y
a une dizaine d'années en Europe les dévadassi (vulgô,
bayadères), s'écria sur le ton de l'enthousiasme, quand je
parlai de la religion de ce pays : « Monsieur, c'est la vraie
religion2! » C'est au contraire une chose très drôle, disons-le
en passant, de voir avec quel sourire de suffisance quelques
serviles philosophas très allemands, comme maints
orientalistes qui ne s'attachent qu'à la lettre, envisagent, de
la hauteur de leur judaïsme rationaliste, le brahmanisme et
le bouddhisme. Je serais vraiment tenté de proposer à ces
petits messieurs un engagement au théâtre des singes de la
foire de Francfort, si toutefois les descendants d'Hanuman *
voulaient les tolérer parmi eux.
•1. Sultan do Perse et premior empereur musulman de l'Inde,
né à Ghazna, dans la Perse orientale ('J67-4Û30). Les avis sont
partagés a son sujet. Schopenhauer le traite de « maudit ».
tandis que les historiens le regardent en général comme un bon
roi et un vaillant héros, malgré sa manie dos conquête*. Le
poète national de la Perse, Firdousi, a fait de lui cet éloge dans
son Shah-Xameh : « Grâce à la justice de ce prince, le loup et
l'agneau venaient s'abreuver ensemble dans ses Etats; et à|
peine les enfants avaient-ils sucé le lait de leurs mères, qu'ils
prononçaient le nom do Mahmoud ».
(Le Irad.)
2. En français dans lo texte.
3. Ha nu man, le fils du Vent, est le singe héroïque qui joue
un si grand rôle dans le Ramayanu. On l'a rapproché du prudent Ulysse. Sa ligure est une des plus populaires de la poésie
et de l'art indous, et c'est en souvenir de ce glorieux ancêtre
qu'aujourd'hui encore les singes sont si vénérés dans l'Inde et
vivent en liberté autour des sanctuaires de Vishnou.
(Le Irad.)
56
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
Je pense que si l'empereur de Chine, le roi de Siam ou
d'autres monarques asiatiques accordent aux puissances
européennes la permission d'envoyer des missionnaires
dans leurs pays, ils seraient absolument autorisés à ne le
faire qu'à la condition de pouvoir envoyer dans les pays
européens tout autant de prêtres bouddhistes, avec des
droits égaux; ils choisiraient naturellement à cet effet
ceux qui sont déjà instruits à l'avance de la langue
européenne à laquelle ils auraient à faire. Nous aurions
alors sous les yeux une intéressante compétition, et
verrions lesquels obtiendraient le plus de résultats.
La mythologie indoue elle-même, si fantaisiste et
parfois baroque, qui constitue aujourd'hui, tout comme il
y a des milliers d'années, la religion du peuple, n'est, si on
la considère attentivement, que la doctrine des
Upanishads allégorisée, c'est-à-dire revêtue d'images, et,
par ce moyen, personnifiée et rendue mythique, de
manière à être mise à la portée du peuple ; cette doctrine,
chaque Indou, suivant la mesure de ses forces ou de son
éducation, la devine, ou la sent, ou la soupçonne, ou la
conçoit clairement, tandis que le révérend anglais
grossier et borné, dans sa monomanie, la raille et la
blasphème comme une idolatry, dans la croyance où il est
de posséder seul la vérité. Le dessein du Bouddha Çakya
Mouni était au contraire de séparer le noyau de la pelure,
d'affranchir la haute doctrine elle-même de tout mélange
d'images et de dieux, et de rendre son pur contenu
accessible et sai-sissable même au peuple. Il y a
merveilleusement' réussi. Pour cette raison, sa religion est
la plus excellente, celle qui est représentée sur la terre par
le plus grand nombre d'adhérents. II peut dire avec
Sophocle :
ETHIQUE
57
ir."*^-J£otç psv x'ïv ô {XT,SEV tliv 6|jtoO
•/.pcrcoç xattaxTrisatt'' èrw 8s xaî Stjra
xslvcav lîe'TtotOa TOUT' È7tiffitiostv xX£o; '.
{Ajax, vers 767 ù 769.)
Le fanatisme chrétien, qui cherche à convertir le monde
entier à sa foi, est irresponsable. Sir James firooke, rajah de
Bornéo, qui colonisa et gouverna un temps une portion de
celte île, a fait à Liverpool, en septembre 1858, dans une
réunion de la Société pour la propagation de l'Evangile, —
c'est-à-dire le centre des missions, — un discours où il dit : «
Vous n'avez fait aucun progrès chez les mahométans, vous
n'avez fait absolument aucun progrès chez les Ihdous, mais
vous en êtes juste au même point où vous étiez le premier
jour que vous avez mis le pied dans l'Inde ». (Times,\ 29
septembre '1888). Les émissaires de la foi chrétienne se sont
au contraire montrés très utiles et précieux dans une autre
direction, car quelques-uns d'entre eux nous ont donné
d'excellents et sérieux rapports sur le brahmanisme et le
bouddhisme, ainsi que des traductions fidèles et soignées
des livres saints, comme il n'est possible de les faire que si
l'on y met de l'amour. A ces nobles individus je dédie les
vers suivants :
Partez comme professeurs;
Revenez comme écoliers. Vous
avez laissé tomber là L'écaillé de
vos yeux aveuglés 2.
1. « Avec l'aide des dieux, le lâche même peut remporter la
•victoire ; mais, moi, je me flatte d'obtenir cette gloire, même
sans eux. »
3.
AU Loin-or gflbl ilir liiu;
AU Schiller komnit ilir wiedor.
Von «loin unwchlei'rten Siun r'iol
dort die Dccko nicUcr.
THIQOK, DROIT KT POLITIQUE
Nous sommes donc en droit d'espérer qu'il viendra
aussi un temps où l'Europe sera purifiée de toute mythologie juive. Peut-être sommes-nous au siècle où les peuples asiatiques de race japbétique rentreront aussi en
possession des saintes religions de leur patrie; après un
long égarement, ils sont redevenus mûrs pour elles.
Après les propositions établies dans mon mémoire
couronné sur la Liberté de la volonté, il ne peut faire doute
pour aucun homme pensant qu'il faut chercher celle-ci non
pas dans la nature, mais seulement en dehors de la nature.
Elle est un fait métaphysique, mais, dans le monde
physique, une impossibilité. En conséquence, nos actes ne
sont nullement libres ; mais le caractère individuel de
chacun doit être regardé comme son acte libre. Lui-même
est tel, parce que, une fois pour toutes, il veut être tel, car
la volonté existe en elle-même en tant qu'elle apparaît dans
un individu ; elle constitue la volonté originelle et
fondamentale de celui-ci, indépendante de toute
connaissance, parce qu'elle la précède. De cette dernière
elle reçoit purement les motifs à l'aide desquels elle
développe successivement son essence, se fait connaître ou
devient visible ; mais elle gît elle-même en dehors du
temps, immuable tant qu'elle existe. Aussi chacun,
n'existant qu'unefois tel qu'il est, et dans les conditions de
l'époque, qui de leur côté s'affirment avec une stricte
nécessité, ne peut absolument jamais faire que ce qu'il fait
actuellement. Toute la course empirique de la vie d'un
homme est en conséquence prédéterminée, dans tous ses
événements, grands et petits, aussi nécessairement que
celle d'une horloge. Ceci, en réalité, provient du
M
ÉTHIQUE
59
fait que la façon dont l'acte métaphysique libre indiqué
tombe dans la conscience est une perception qui a pour
forme le temps et l'espace ; par le moyen de ceux-ci,
l'unité et l'indivisibilité de cet acte se déploient, comme
séparées l'une de l'autre, en une série d'états et d'événements qui suivent le fil conducteur du principe de
cause sous ses quatre formes ; et c'est ce qu'on appelle
nécessité. Mais le résultat est d'ordre moral, à savoir
celui-ci : par ce que nous faisons, nous reconnaissons ce
que nous sommes, comme, par ce que nous souffrons,
nous reconnaissons ce que nous méritons.
Il s'ensuit que l'individualité ne repose pas seulement sur le principium indioiduationis, et n'est donc
pas absolument un pur phénomène ; mais 'elle a sa
racine dans la chose en soi, dans la volonté* de l'individu, car le caractère même de celui-ci est individuel.
Jusqu'à quelle profondeur pénètrent ses racines, c'est là
une question à laquelle je n'entreprendrai pas de
répondre.
Rappelons que déjà Platon présente à sa manière
l'individualité de chacun comme l'acte libre de celui-ci,
car il fait naître chaque homme, en conséquence de
son co'ur et de son caractère, tel qu'il est, en vertu de la
métempsycose. (Voir le Phèdre et les Lois, livre X).
Les brahmanes, eux aussi, expriment mythiquement la
détermination immuable du caractère inné ; ils disent
que Brahma, en engendrant chaque être humain, a
gravé sur son crâne ses actes et ses souffrances en
caractères d'écriture conformément auxquels se déroulera sa vie. Ils indiquent, comme étant lesdits caractères, les zigzags des sutures des os crâniens. Leur
signification est une conséquence de sa vie et de
62
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
bonté morale des nations apparaissent tout à fait indépendantes l'une de l'autre, celle-là existant souventsans1
celle-ci. Nous expliquerons cela par le fait que la bontél
morale ne résulte nullement de 4a réflexion, dont le
développement dépend de la culture intellectuelle, mais
directement de la volonté elle-même, dont la nature est
innée et qui n'est susceptible en elle-même d'aucun
perfectionnement par l'éducation, fiastholm dépeint le
plus grand nombre des nations comme très vicieuses' et
mauvaises. Au contraire, il donne la meilleure caractéristique générale de certaines peuplades sauvages,, tels
que les Orotchyses, les babitants de l'île Savou, les
Toungouses et les insulaires de Pelew. Il cherche alors à
résoudre ce problème : pourquoi certaines populations
sont-elles si bonnes, tandis que tous leurs voisins sont
mauvais ? Cela me paraît pouvoir s'expliquer par1 le fait
que les qualités morales s'héritant du père, une
population isolée, comme celles dont il s'agit ici, est]
sortie d'une seule famille, et, par conséquent, du même
ancêtre, qui était un homme bon, et s'est maintenu pur de
tout mélange. Les Anglais n'ont-ils pas souvent rappelé
aux Américains du Nord, à l'occasion d'incidents
désagréables, tels que des répudiations de dettes d'Etat,
des razzias en vue du butin, qu'ils descendent; d'une
colonie anglaise de criminels, quoique cela ne soit vrai
que d'une faible portion de ceux-ci ?
C'est chose élonnantecomme l'individualité dechaque
homme (c'est-à-dire ce caractère déterminé avec cet
intellect déterminé; détermine exactement, semblable à
une teinture pénétrante, toutes ses actions et toutes ses
pensées, jusqu'aux plus insignifiantes; en consé-l
ETHIQUE
63
quence de quoi le cours entier de la vie, c'est-à-dire .
l'histoire extérieure et intérieure de l'un, est si différente
de celle de l'autre. De même qu'un botaniste reconnaît la
plante entière à uue seule feuille ; que Cuvier
reconstituait l'animal entier à l'aide d'un seul os, — ainsi
l'on peut obtenir, par une seule action caractéristique
d'un homme, une connaissance exacte de son caractère,
c'est-à-dire le construire, jusqu'à un certain point, à l'aide
de celui-ci. Même si cette action a peu d'importance,
c'est souvent alors pour le mieux. Quand en effet il s'agit
de choses un peu sérieuses, les gens se tiennent sur leurs
gardes ; s'il ne s'agit que de petites choses, ils suivent
leur nature sans beaucoup de réflexion. Voilà pourquoi
ce jmot de Sénèque est si juste : Argumenta morutn ex
minimis quoque licet capere1 (Lettre LU). Si, dans ces
petites choses, un homme montre par sa conduite
absolument dépourvue d'égards et égoïste que la
rectitude du sens moral est étrangère à son cœur, il ne
faut pas lui confier inconsidérément deux sous.
Comment croire, en effet, que celui qui, dans toutes les
questions autres que celles de propriété, se montre
journellement injuste, et dont I'égoïsme sans bornes
perce partout à travers les petites actions de la vie
ordinaire affranchies de responsabilité, comme une
chemise sale à travers les trous d'un habit en haillons, —
comment croire qu'un tel homme sera honorable en
matière de mien et de tien, sans obéir à d'autre impulsion
que celle de la justice? Celui qui est sans scrupules dans
les petites choses, sera criminel dans les grandes. .Celui
qui ne
1. a II est permis d'emprunter aux petites choses aussi des arguaient*
pour les mœurs ».
64
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
se préoccupe pas des petits traits de caractère n'ft/ qu'à
s'en prendre à soi, si, plus tard, il apprend à ses dépens,
par les grands .traits, à connaître ledit caractère. En vertu
du même principe, il faut rompre immédiatement aussi, ne
fût-ce que pour des bagatelles, avec les soi-disant bons
amis, s'ils révèlent, un caractère ou perGde, ou méchant,
ou bas, afin d'éviter leurs mauvais tfiurs sérieux, qui
n'attendent qu'une occasion de se produire sur une plus
vaste échelle. Disons-en autant des domestiques. On doit
toujours se répé-ter: « Mieux vaut vivre seul, qu'avec des
traîtres ».
Le fondement et la propédeutique de toute science de
l'homme est la conviction que la conduite de celui-ci, dans
son ensemble et dans l'essentiel, n'est pas guidée par
salaison et par les injonctions de celle-ci- Aussi personne
ne devient-il tel ou tel, parce qu'il a le désir, même le plus
violent, de le devenir; mais ses faits et gestes dérivent de
son caractère inné et immuable, sont * de près et dans les
détails déterminés par les motifs, et procèdent donc
nécessairement de ces deux facteurs. Un peut en
conséquence comparer la conduite de l'homme à la course
d'une planète, qui est la résultante d'une force tangentielle
et de la force centripète provenant de son soleil : la
première force représente le caractère, la dernière
l'influence des motifs. Ceci est presque plus qu'une simple
métaphore. En effet, la force tangentielle. d'où résulte en
réalité le mouvement, limitée qu'elle est par la gravitation,
est, prise méta-pbysiquement, la volonté se déployant dans
le corps en question.
Ceux qui ont compris ceci verront aussi que nous-ne
pouvons jamais, à proprement dire, émettre plus
BTIUOCE
CJ
qu'une supposition au sujet de ce que nous ferons dans
une situation future, bien que nous regardions souvent
cette supposition comme une décision. Si, par exemple,
en vertu d'an projet, un homme a accepté très
sincèrement et même très volontiers l'obligation, au sujet
d'événements encore cachés dans l'avenir, de faire ceci
au cela, rien n'assure par là qu'il la remplira ; il faut du
moins que la nature de cet homme soit telle, qu'elle lui
impose partout et toujours sa promesse donnée comme un
motif suffisant, que le sentiment de son honneur fait agir
sur lui à l'instar d'une contrainte étrangère. Mais en
dehors de ce qu'il fera si ces événements se produisent, on
ne peut prévoir la chose, et, dans ce cas, avec une pleine
certitude, qu'à l'aide d'une connaissance juste et exacte de
son caractère et des circonstances extérieures sous l'action
desquelles il tombe. Cela est même très facile, si on l'a TU
déjà une fois dans une situation semblable ; il fera
infailliblement ^ la même chose la seconde fois, à
supposer que, dès la première, il ait reconnu
soigneusement et à fond les cir- « constances. Car,
comme je l'ai souvent remarqué : Causa flnalis non
movel secumlum suum esse reale, sed secumlum esse
cognilum. (Suarez, Disputai loties melaphysiav, XXIII,
sect. 7 et 8). Ce que la première fois il n'a pas reconnu ou
compris, n'a pu agir sur sa volonté : c'est ainsi qu'une
opération électrique s'arrête, si quelque corps isolant
entrave l'action d'un conducteur. L'immuabilité du
caractère et la nécessité des actes qui eu découle
s'imposent avec une rare clarté à celui qui, en une
circonstance quelconque, ne s'est pas conduit comme il
l'aurait dû, en manquant peut-être de décision, de
fermeté, de courage, ou d'autres quaScuohn.MiAi'i;». — Ethique.
5
~~66~~
ÉTIUQOE^ DBOII ET POLITIQUE
lités exigées par le moment. Quand il est trop tard, il
reconnaît et regrette sincèrement son acte
incorrect,.e
a
it autrement ! » Gela se reproduit, le même cas se pré! sente : — et il agit comme la première fois, à son
grand étonnement.
Ce sont les drames de Shakespeare qui nous donnent de
beaucoup la meilleure explication de la vérité exposée
ici. Il en était pénétré, et sa sagesse intuitive s'exprime
concrètement à chaque page. Je veux cependant montrer
un cas où il met la chose en relief avec une clarté toute
spéciale, quoique sans intention ni affectation. En
véritable artiste, en effet, il ne part jamais* d'une idée ;
il a simplement l'air de le faire pour donner satisfaction
à la vérité psychologique telle qu'il la saisit nettement et
directement, sans se préoccuper si ce mérite ne devait
être remarqué et apprécié ' que par le petit nombre, et
sans prévoir qu'un jour, en-Allemagne, de plats et sots
gaillards expliqueraient longuement qu'il a écrit ses
pièces pour illustrer des lieux communs de morale.
Ce que j'ai maintenant en vue ici, c'est le caractère du
comte de Northumberland, que nous retrouvons dans
trois tragédies, sans qu'il y apparaisse en réalité comme
personnage principal ; il n'intervient que dans quelques
scènes réparties en quinze actes. Aussi ceux qui ne
suivent pas avec toute leur attention le caractère
représenté entre de si larges intervalles, peuvent-ils
perdre aisément de vue son identité morale, nonobstant
la fermeté avec laquelle le poète a maintenu ce
caractère devant ses yeux. Il fait apparaître partout ce
comte avec un maintien noble et chevale-
■
ÉTHIQUE
*
67
resque, lui prèle un langage en rapport aveu celui-ci, et
lui met même parfois dans la bouche des passages très
beaux, quand ils ne sont pas sublimes ; il est très
éloigné d'agir à la façon de Schiller, qui peint volontiers le diable en noir, et dont l'approbation ou la
désapprobation morale s'exprime à travers les paroles
mêmes des caractères dessinés par lui. Mais chez Shakespeare, comme aussi chez Goethe, chacun, tant qu'il
est présent et parle, a parfaitement raison, fût-il le diable
en personne. Comparez, sous ce rapport, le duc d'Albe
chez Goethe el chez Schiller. — Nous faisons la connaissance du comte de Northumberland dès Richard //,
où il est le premier à ourdir une conspiration contre le
roi en faveur de Bolingbroke, plus tard Henri IV, qu'il
flatte déjà personnellement. (Acte II, scène. 3). Dans
l'acte suivant, il est remis à sa place, parce que, parlant
du roi, il a dit simplement « Richard » ; mais il affirme
ne s'être exprimé ainsi que pour la brièveté. Bientôt
après, son discours rusé pousse le roi à capituler. Dans
l'acte qui vient ensuite, il traite celui-ci, lors de l'abdication, avec tant de dureté et de mépris, que l'infortuné
monarque, tout brisé qu'il est, perd cependant patience
et s'écrie : « Démon ! tu me tortures déjà avant que je
sois en enfer! » Au dénouement, il annonce au nouveau
roi qu'il a envoyé à Londres les têtes coupées des partisans de son prédécesseur. — Dans la pièce suivante,
Henri IV, il organise tout pareillement une conspiration
contre le nouveau roi. Au quatrième acte, nous voyons
les rebelles, réunis, se préparer à la grande bataille du
lendemain ; ils n'attendent plus, avec impatience, que
Northumberland et son corps d'armée. Au dernier
moment arrive une lettre de lui; il est malade.
MIT BT.MUTHW
et ne peut confier ses troupe» à personne ; il n'engage
pas moins les rebelle* à persister courageusement et k
attaquer bravement. Ils le font ; mais considérablement'
affaiblis par son absence, ils éprouvent une défaite
complète ; la plupart de leurs chefs sont faits prisonniers, et son propre (ils, l'héroïque Hotspur,"tombe de le
main «lu prince héritier. — Le troisième pièce, la
Second* partie A Henri IV, nous le montre plongé, par
la mort de ee Qls, dans la plus sauvage fureur et enragé
de vengeance. Il attise de nouveau le rébellion ; les
chefs de celle-ci s'assemblent une fois encore. Au moment où, en quatrième acte, ils ee préparent à livrer la
bataille décisive et n'attendent plus que se jonction
avec eux, une lettre arrive : il n'a pu parvenir à rassembler des forces suffisantes, et veut en conséquence,
pour l'instant, chercher son salut en Ecosse ; il son*
Imite cependant de tout cœur le meilleur succès k leur
héroïque entreprise. Us se rendent alors au roi en vertu
d'une eepituletion qui n'est pas respectée, et sont mis à
mort.
Bien loin donc que le caractère soit l'œuvre du choix
rationnel et de le réflexion, l'intellect, en agissant, n'a
rien de plus k faire que de présenter les motifs k la
volonté. Mais alors il doit observer, en qualité de simple spectateur et témoin, comment leur action sur le
caractère donné détermine le cours de le vie, dont tous
les processus, à bien l'examiner, se déroulent avec la
même nécessité que les mouvements d'une horloge. Je
renvoie mes lecteurs sur ce point k .mon mémoire couronné sur le Liberté de la volonté. L'illusion d'une
liberté complète de la volonté, dans chaque action, qui
I
lîTIUQtJJÎ
.
69
existe néanmoins ici, je l'ai ramenée à sa vraie signification et à son origine, et en ai indiqué ainsi la cause
active ; je veux seulement y ajouter ici la cause finale,
par l'explication téléologique suivante de cette illusion
naturelle, La liberté et la spontanéité qui, en vérité,
accroissent seules le caractère intelligible d'un homme
dont l'unique compréhension par l'intellect est le cours
de sa vie, paraissent s'attacher à chaque action particulière, et ainsi l'œuvre originale est visiblement répétée dans chaque action, pour la conscience empirique.
Le cours de la vie reçoit par là le plus grand vouQé?Y|ai;
(avertissement) moral possible, puisque ainsi seulement
tous les mauvais côtés de notre caractère nous deviennent réellement perceptibles. La conscience, par exemple, accompagne chaque action de ce commentaire : «
Tu pourrais bien agir autrement », tandis que sa
signification réelle est: «Tu pourrais bien être un autre
homme». Maintenant que, d'un côté, par l'immuabilité
du caractère, de l'autre, par la nécessité rigoureuse avec
laquelle s'imposent toutes les circonstances dans
lesquelles ce caractère est successivement placé, le
cours de la vie d'un chacun est exactement déterminé
de A à Z, il faut cependant reconnaître que telle existence dans toutes ses conditions, subjectives aussi bien
qu'objectives, est incomparablement plus heureuse,
plus noble, plus digne que telle autre. Ceci conduit, si
l'on ne veut pas éliminer toute justice, à admettre, avec
le brahmanisme et le bouddhisme, que les conditions
subjectives avec lesquelles chacun est né, aussi bien
que les conditions objectives dans lesquelles chacun est
né, sont la conséquence morale d'une existence
antérieure.
70
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
Machiavel, qui semble ne s'être nullement occupé de
spéculations philosophiques, est conduit, grâce à la |
pénétration aiguisée de son intelligence si unique, à
l'affirmation suivante, vraiment profonde, qui présuppose une connaissance intuitive de l'entière .nécessité
avec laquelle s'affirment toutes les actions, les caractères et les motifs étant donnés. C'est le début du prologue de sa comédie Clitia : «Senel mondo tornassino i
medesimi uomini, corne tornano i medesimi casi, non
passarebbono mai cento anni, che noi non ci
trovassimo un al Ira voila insieme, a fare le medesime
cosa que ora ».'
Le fatum, l'tipupuévri des anciens, est simplement la
certitude portée à la conscience que tout ce qui arrive
est solidement lié à la chaine causale, et arrive par
conséquent en vertu d'une stricte nécessité ; l'avenir est
donc déjà complètement fixé, déterminé sûrement et
exactement, et on ne peut pas plus y changer qu'au
passé. C'est seulement la prescience de celui-là qu'on est
en droit de qualifier de fabuleuse dans les mythes
fatalistes des anciens, si nous éliminons la possibilité de
la clairvoyance magnétique et de la seconde vue. Au
lieu de prétendre écarter par un bavardage inepte et par
de sottes défaites la vérité fondamentale du fatalisme,
on devrait chercher à la comprendre et à la reconnaître
clairement, car elle est une vérité démontrable, qui
nous fournit un fait important
1. « Si les mêmes hommes revenaient an monde, comme y reviennent
les mêmes événements, il ne se passerait jamais cent ans, sans que nous
ne nous retrouvions ensemble, à faire _ les mômes choses qu'à présent^
Machiavel semble cependant s'être souvenu ici d'un passage de saint
Augustin. De civi/ale ^eL-ihanSK^Livre XII, chap. xm.
nhaa-^^i—
M
ÉTHTQTJE
71
pour la compréhension de notre si énigoialique existence.
La prédestination et le fatalisme diffèrent non dans leur
essence, mais en ceci, que le caractère donné et la
détermination de l'action humaine qui vient du dehors,
procèdent, dans celle-là, d'un être connaissant, dans
celui-ci, d'un être sans connaissance. Dans le résultat
ils se rencontrent : il arrive ce qui doit arriver. La
conception d'une liberté morale est, au contraire,
inséparable de celle A'origination. Qu'un être en effet
soit l'ouvrage d'un autre, et que malgré cela il soit libre
dans sa volonté et dans ses actes, cela peut se dire, mais
non se comprendre. Celui qui l'a appelé du néant à
l'existence, a par là même créé et déterminé aussi sa
nature, c'est-à-dire toutes ses qualités. Car on ne peut
jamais créer sans créer quelque chose, c'est-à-dire un
être exactement déterminé dans toutes ses qualités. Mais
de ces qualités ainsi déterminées, découle ensuite
nécessairement l'ensemble des manifestations et des
opérations de cet être, lesquelles sont simplement ces
qualités mêmes mises en jeu, qui n'attendaient, pour se
manifester, qu'une impulsion du dehors. Tel qu'est
l'homme, il doit agir : ses fautes et ses mérites sont
donc liés, non à ses actes personnels, mais à son
essence et à son être. Aussi le théisme et la
responsabilité morale de l'homme sont-ils incompatibles : c'est que la responsabilité retombe toujours sur
l'auteur originel de l'essence, comme à l'endroit où elle
a son centre de gravité. C'est en vain qu'on a cherché à
jeter un pont entre ces deux incompatibilités, grâce à la
conception de la liberté morale de l'homme : ce pont
s'écroule toujours de nouveau. L'essence libre doit être
72
ETHIQUE, DROIT ET POLITIQCK
aussi l'essence primordiale. Si notre volonté est libre,
elle est aussi l'essence primordiale, et réciproquement.
Le dogmatisme prékantien, qui aurait voulu séparer
ces deux attributs, était ainsi forcé d'admettre deux
libertés : celle d'une première cause cosmogonique,
pour la cosmologie, et celle de la volonté humaine,
pour la morale et la théologie. En conformité de cela,
Kant traite aussi de la troisième non moins que de la
quatrième antinomie de la liberté.
Dans ma philosophie, au contraire, la reconnaissance
directe de la stricte nécessité des actions implique la
doctrine que, même chez les êtres dépourvus de conscience, ce qui se manifeste est la volonté. Autrement,
l'action de cette nécessité évidente seraitmise en opposition avec la volonté, s'il y avait réellement une telle
liberté du fait individuel, et si celui-ci n'était pas plutôt
aussi strictement nécessité que toute autre action.
D'autre part, cette même doctrine de la nécessité des
actes de volonté exige que l'existence et l'essence de
l'homme soient elles-mêmes l'œuvre de sa liberté, par
conséquent de sa volonté, et que cette dernière ait donc
de l'aséité'. Dans l'opinion opposée, toute responsabilité disparaîtrait, ainsi que nous l'avons montré, et
le monde moral comme le monde physique serait une
pure machine que son fabricant du dehors ferait servir
à son propre amusement. C'est ainsi que les vérités
tiennent toutes ensemble, s'appellent, se complètent,
tandis que l'erreur se heurte à tous les angles.
i- Littré définit ainsi ce mot : « Terme de scolastique, qui
signifie l'existence par soi-même, et qui ne peut être dit par
conséquent que de î)ieu seul, ou, suivant les systèmes matérialistes, de la matière ».
(Le trad.)
ÉTHIQUE
73
De quelle espèce est l'influence que l'enseignement .
moral peut avoir sur la conduite, et quelles sont ses
limites, c'est ce que j'ai suffisamment recherché dans
mon traité sur le Fondement de la morale. L'influence de
Yexemple est analogue au fond à celle de l'enseignement moral, mais elle est toutefois plus puissante.
Elle mérite donc une courte analyse.
L'exemple agit directement, soit qu'il arrête, soit
qu'il stimule. Dans le premier cas, il détermine l'homme à
renoncer à ce qu'il aurait volontiers fait. Il voit que
d'autres ne le font pas : d'où il conclut en général que ce
n'est pas raisonnable, que cela doit mettre en danger ou
sa personne, ou sa fortune, ou son honneur ; il I s'en
tient là, et se voit avec plaisir affranchi de toute
investigation personnelle. Ou il constate même qu'un
autre, qui l'a fait, en subit les mauvaises conséquences:
c'est l'exemple terrifiant. Quant à l'exemple stimulant, il
agit de deux manières : ou il pousse l'homme à faire ce a
quoi il renoncerait volontiers, en lui montrant que la
renonciation pourrait l'exposer à un danger ou lui nuire
dans l'opinion d'autrui ; ou il l'encourage a faire ce
qu'il ferait volontiers, mais qu'il n'a pas fait jusqu'ici
par crainte du danger ou delà honte: c'est' l'exemple
tentant. Enfin, l'exemple peut encore l'amener à
quelque chose qui ne lui serait jamais venu à l'idée.
Dans ce cas, il agit manifestement d'une façon directe
sur l'intellect seul ; l'effet sur la volonté est alors
secondaire, et, quand il se produit, est produit f" par
un acte de jugement personnel, ou par la confiance en
celui qui donne l'exemple. L'effet très énergique de
l'exemple a pour base que l'homme, en règle générale, est
trop dépourvu de jugement, souvent aussi de
ÉTirroPE, DROIT ET POHTÏQDE
savoir, pour explorer sa route lui-même ; aussi
ch t-il
volontiers sur les traces des autres. Chacun est donc
d'autant plus accessible à l'influence de l'exemple, qu'il
manque davantage de ces deux mérites. L'étoile
conductrice de la majorité des hommes est, cependant,
l'exemple d'aulruî, et toute leur conduite, dans les
grandes choses comme dans les petites, se réduit à la
pure imitation ; ils ne font rien de leur propre initiative '. La cause en est leur horreur de toute espèce de
réflexion et leur méfiance justifiée de leur propre jugement. En .même temps, cet instinct de l'imitation si
étonnamment fort chez l'homme, porte témoignage de
sa parenté avec le singe. Mais le mode d'action de
l'exemple est déterminé par le caractère d'un chacun ;
aussi le même exemple peut-il attirer l'un et repousser
l'autre. Certaines malhonnêtetés sociales, qui n'existaient pas auparavant et se glissent en tapinois peu a
peu, nous permettent facilement d'observer cela. En
constatant telle d'entre elles pour la première fois,
quelqu'un pensera : « Fi ! comment peut-on se comporter de cette façon ? Quel égoïsme ! quelle inconsidération ! Je me garderai bien de jamais agir ainsi ».
Mais vingt autres penseront : « Ah, ah ! puisqu'il fait
cela, je puis le faire également ».
Sous le rapport moral, l'exemple peut, comme l'enseignement, amener une amélioration civile ou légale,
mais non l'amélioration intérieure, qui est en réalité
l'amélioration morale. Car il n'agit jamais que comme
un motif personnel, c'est-à-dire sous la présupposition
qu'on est accessible à cet ordre de motifs. Mais c'est
4. L'imitation et l'habitude sont les moteurs de la plupartdès_
actions dos hommes. _
ÉTHIQUE
75
précisément si un caractère est plus accessible à tel ou tel
ordre de motifs, que cela est décisif pour sa véritable
moralité, qui, cependant, n'est jamais qu'innée. L'exemple
agit en général avantageusement pour faire prédominer les
bonnes et les mauvaises qualités du caractère, mais il ne les
crée pas. Aussi le mot de Sénèque ; Velle non discilur1, estil vrai également ici.
Que l'innéité de tou tes les véritables qualités morales, des
bonnes comme des mauvaises, convienne mieux à la
doctrine de la métempsycose des brahmanes et des
bouddhistes qu'au judaïsme, je le sais très bien ; en vertu de
celle-là, « les bonnes et les mauvaises actions d'un homme
le suivent d'une existence dans l'autre comme son ombre »,
tandis que celui-ci exige plutôt que l'homme vienne au
monde comme un zéro moral, pour décider, au moyen d'un
liberi arbilrii indi/ff-rentiae inimaginable, c'est-à-dire d'une
réflexion rationnelle, s'il veut être un ange, ou un démon, ou
n'importe quoi entre les deux. Mais je ne me préoccupe pas
de cela, car mon étendard est la vérité. Je ne suis pas
professeur de philosophie, et ne tiens donc pas pour mon
devoir de fixer sûrement avant toute autre chose les idées
fondamentales du judaïsme, celles-ci dussent-elles barrer à
jamais la voie à toute connaissance philosophique. Liberum
arbitrium indifferenlise, sous le nom de « liberté morale »,
est un délicieux jouet pour les professeurs de philosophie. Il
faut le leur laisser,— à ces gens spirituels, honnêtes et de
bonne foi !
1. « On n'apprend pas a vouloir ».
D R0TTJ5TJP 011 TiQILE
-------T
f
Un défaut particulier aux Allemands, c'est qu'ils
cherchent dans les nuages ce qui se trouve à leurs
pieds. Un excellent exemple de ce genre nous est livré
par la manière dont les professeurs de philosophie traitent le droit naturel. Pour expliquer les conditions
humaines bien simples qui en constituent le fond, —
droit et tort, propriété, Etat, droit pénal, etc.,—ils font
appel aux notions les plus extravagantes, les plus
abstraites, c'est-à-dire les plus larges et les plus vides,
et ils bâtissent ainsi dans les nuages leur tour de Babel,
suivant leur caprice spécial à chacun. Les conditions
les plus claires et les plus simples de la vie, qui nous
affectentdirectement, sont ainsi rendues inintelligibles,
au grand détriment des jeunes gens formés à une
pareille école. Les choses elles-mêmes, au contraire,
sont parfaitement simples et compréhensibles, comme
le lecteur peut s'en convaincre par l'analyse que j'en ai
faite. (Voir le Fondement de la morale, § 17, et le
Monde comme volonté et comme représentation, |
C2). Mais au son de certains mots, tels que droit,
liberté, le bien, l'être, — cet infinitif illusoire du rapport de liaison, — et d'autres de la même sorte, l'Aile-
DROIT ET POLITIQUE
77
mand est pris de vertige, tombe bientôt dans une
espèce de délire, et s'échappe en phrases ampoulées et
vides de sens. Il coud artificiellement ensemble les
notions les plus éloignées et par conséquent les plus
creuses, au lieu de fixer ses yeux sur la réalité et de
voir les choses telles qu'elles sont. C'est de ces choses
que sont tirées les idées en question, et ce sont elles
qui, par suite, leur donnent leur seule signification
vraie.
Celui qui part de l'idée préconçue que la notion du
droit doit être positive, et qui ensuite entreprend de la
définir, n'aboutira à rien ; il veut saisir une ombre,
poursuit un spectre, entreprend la recherche d'une
chose qui n'existe pas. La notion du droit, comme celle
de la liberté, est négative ; son contenu est une pure
négation. C'est la notion du tort qui est positive ; elle a
la même signification que nuisance — lassio — dans le
sens le plus large. Cette nuisance peut concerner ou la
personne, ou la propriété, ou l'honneur. Il s'ensuit de là
que les droits de l'homme sont faciles à définir :
chacun a le droit de faire tout ce qui ne nuit pas à un
autre.
Avoir un droit à quelque chose ou sur quelque chose
signifie simplement ou faire cette chose, ou la prendre,
ou en user, sans nuire par là à qui que ce soit. Sim-plex
sigillum veri. Cette définition montre l'absurdité de
maintes questions : par exemple, ei nous avons le droit
de nous enlever la vie. Quant aux droits que, dans cette
conjecture, d'autres pourraient avoir personnellement
sur nous, ils sont soumis à la condition que nous
vivions, et tombent avec elle. Réclamer d'un
ETHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
homme qui ne veut plus vivre pour lui-môme, qu'il
continue à vivre comme une simple machine pour l'utilité
d'autres hommes, c'est là une exigence extravagante.
Quoique les forces des hommes soient inégales, leurs
droits sont égaux. Ces droits en effet ne reposent pas sur les
forces, parce que le droit est de nature morale; ils reposent
sur le fait que la même volonté de vivre J s'affirme dans
chaque homme au même degré d'objec-tivation. Ceci ne
s'applique toutefois qu'au droit primordial et abstrait que
l'homme possède en tant qu'homme. La propriété, de même
que l'honneur, que chacun acquiert au moyen de ses forces,
dépend de la mesure et de la nature de ces forces, et offre
alors à son droit une sphère plus large ; ici, par conséquent,
cesse l'égalité. L'homme mieux équipé, ou plus actif, agrandit par son industrie non son droit, mais le nombre des
choses auxquelles celui-ci s'étend.
Dans les Suppléments au Monde comme volonté et
comme représentation (chap. XLVII), j'ai prouvé que l'Etat,
dans son essence, n'est qu'une institution existant en vue de
la protection de ses membres contre les atta- | ques
extérieures ou les dissensions intérieures. Il s'ensuit de là
que la nécessité de l'Etat repose, en réalité, sur la
constatation de l'injustice de la race humaine. Sans elle, on
ne penserait nullement à l'Etat ; car personne ne craindrait
une atteinte à ses droits. Une simple union contre les
attaques des bètes féroces ou des éléments n'aurait qu'une
faible analogie avec ce que nous entendons par Etat. De ce
point de vue, il est aisé de
DROIT ET POLITIQUE
79
voir combien sont bornés et sots les philosophasses
qui, en phrases pompeuses, représentent l'Etat comme
la Qn suprême et la fleur de l'existence humaine. Une
telle manière de voir est l'apothéose du philislinisme.
Si l& justice gouvernait le monde, il suffirait d'avoir
bâti sa maison, et l'on n'aurait pas besoin d'autre protection que de ce droit évident de propriété. Mais parce
que l'injustice est à l'ordre du jour, il est-nécessaire que
celui qui a bâti la maison soit aussi en état de la
protéger. Autrement son droit est imparfait de facto :
l'agresseur a le droit de la force (Fauslrecht). C'est
précisément la conception du droit de Spinoza, qui n'en
reconnaît pas d'autre. Il dit : « Unusquisque lantumjuris hauet, quantum potentia valet » (Tractatus
theologico-politicus, chap. n, § 8), et : « Uniuscujusque
jus potentia ejus definitur » (Ethique, propos. 37, scolie
lr°.) C'est Hobbes qui semble lui avoir suggéré cette
conception du droit, particulièrement par un passage du
De Cive (chap. i, § 14), où il ajoute ce commentaire
étrange, que le droit de Dieu en toutes choses repose
uniquement sur son omnipotence.
Mais c'est là une conception du droit qui, en théorie
comme en pratique, est abolie dans le monde civil ;
dans le monde politique, elle ne l'est qu'en théorie, et
continue à agir en pratique. Les conséquences de la
négligence de cette règle peuvent se voir en Chine.
Menacé par la rébellion à l'intérieur et par l'Europe à
l'extérieur, cet empire, le plus grand du monde, reste là
incapable de se défendre, et doit expier la faute d'avoir
cultivé exclusivement les arts de la paix et ignoré ceux
de la guerre.
80
ETHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
Il y a entre les opérations de la nature créatrice et
celles de l'homme une analogie particulière, mais non
fortuite, qui est basée sur l'identité de la volonté dans
l'une et dans l'autre. Après que les herbivores eurent pris
place dans le monde animal, les carnassiers apparurent,
nécessairement les derniers, dans chaque classe
d'animaux, pour vivre de ceux-ci, comme de leur proie.
Juste de la même façon, après que des hommes ont
arraché au sol, loyalement et à la sueur de leur front, ce
qui est nécessaire pour alimenter leur société, on voit
arriver souvent une troupe d'individus qui, au lieu de
cultiver le sol et de vivre de son produit, préfèrent
exposer leur vie, leur santé et leur liberté, pour assaillir
ceux qui possèdent leur bien honnêtement acquis, et
s'approprier les fruits de leur travail. Ces carnassiers de la
race humaine sont les peuples conquérants, que nous
voyons surgir en tous lieux, depuis les temps les plus
reculésj usqu'aux plus récents. Leursfortunesdiverses,
avec leurs alternatives de succès et d'échecs, constituent
la matière générale de l'histoire universelle. Aussi
Voltaire a-t-il dit avec raison : « Dans toutes les guerres,
il ne s'agit que de voler » '. Que les gouvernements qui
font ces guerres en aient honte, ils le prouvent en
protestant chaque fois qu'ils ne prennent les armes que
pour se défendre. Mais au lieu de chercher à excuser cet
acte par des mensonges publics officiels, presque plus
révoltants que l'acte lui-même, ils devraient s'appuyer
carrément sur la doctrine de Machiavel. Celle-ci admet
entre individus, au point de vue de la morale et du droit,
la valeur du principe : Quod tibi
1. En français dans le texte.
DROIT ET POLITIQUE
81
\fleri non vis, id alteri ne feceris; tandis qu'entre peuples et
en politique, c'est le contraire : Quod tibi fleri \non vis, id
alteri tu feceris. Veux-tu ne pas être assujetti : assujettis à
temps ton voisin, c'est-à-dire dès que sa faiblesse t'en offre
l'occasion. Si tu laisses celle-ci s'envoler, elle passera un jour
dans le camp ennemi, et c'est ton adversaire qui t'assujettira;
il se peut même que ce ne soit pas la génération coupable de
la faute, mais la suivante, qui en fasse expiation. Ce principe
de Machiavel est en tout cas un voile beaucoup plus décent à
l'usage de la rapacité, que le haillon transparent des
mensonges les plus palpables dans les discours des chefs
d'Etat, discours dont quelques-uns rappellent l'histoire bien
connue du lapin accusé d'avoir attaqué le chien. Chaque Etat
regarde au fond l'autre comme une horde de brigands qui
tomberont sur lui, dès que l'occasion s'en offrira.
Entre le servage-, comme en Russie, et la propriété
foncière, comme en Angleterre, et, d'une façon générale,
entre le serf, le fermier, le tenancier, le débiteur
hypothécaire, la différence est plutôt dans la forme que dans
le fond. Si c'est le paysan qui m'appartient, ou la terre qui
doit le nourrir; si c'est l'oiseau, ou sa pâture ; si c'est le fruit,
ou l'arbre, — cela, en réalité, ne diffère pas beaucoup.
Comme le dit Shylock :
... You take my life, When
you do take the means, whereby I live '.
Le paysan libre a cet avantage, qu'il peut quitter sa
1. « Vous m'enlevez la vie, si vous m'enlovez les moyens par
lesquels je vis ».
SCIIOPKNIIAUBH. —. Ethique.
6
82
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
terre et parcourir le vaste monde. Le serf, glehse miser ip tus, a de son côté l'avantage peut-être plus grand
que, lorsque la mauvaise récolte, la maladie, la vieillesse ou l'incapacité le condamnent à l'impuissance,
son maître est obligé de pourvoir à ses besoins. Aussi
le serf dort-il tranquille, tandis que, en une année de
mauvaise récolte, le maître s'agite sur son lit, rêvant
aux moyens de procurer du pain à ses hommes. Voilà
pourquoi Ménandre a déjà dit : 'u; xptlnov i<n 8eaft6-rou ^pqctoO tu^ïîv, 4\ ÇY)V Taneivûç xxl xaxw; âl.eOGepov1 (Stobée,
Florilège, t. II, p. 389, édit. Gaisford, 1822). Un autre
avantage de l'homme libre est la possibilité d'améliorer
sa situation grâce à certains talents ; mais cette
possibilité n'est pas non plus complètement enlevée à
l'esclave. S'il se rend utile à son'maître par des travaux d'un ordre un peu élevé, celui-ci le traitera suivant ses mérites. C'est ainsi qu'à Rome les artisans,
contremaîtres, architectes et même médecins étaient
pour la plupart des esclaves, et que de nos jours encore
il y a en Russie, afOrme-t-on, de gros banquiers qui
sont des serfs. L'esclave peut aussi se racheter grâce
à son industrie, comme cela arrive souvent en Amérique.
Pauvreté et esclavage ne sont donc que deux formes,
on pourrait presque dire deux noms de la même chose,
dont l'essence est que les forces d'un homme sont
employées en grande partie non pour lui-même, mais
pour d'autres : d'où pour lui, d'une part, surcharge de
travail, de l'autre, maigre satisfaction de ses besoins.
Car la nature n'a donné à l'être humain que les forces
1- « Combien il est préférable de subir un maître, que do vivre
pauvre en qualité d'homnffe libre ! »
DROIT ET POLITIQUE
83
nécessaires pour tirer sa nourriture du sol, en faisant
d'elles un usage modéré ; il n'en a guère de superflues.
En conséquence, si un nombre assez considérable
d'hommes sont déchargés du commun fardeau de subvenir à l'existence de la race humaine, le fardeau des
autres est démesurément accru, et ils sont malheureux.
C'est la première source du mal qui, sous le nom
d'esclavage ou sous celui de prolétariat, a toujours
accablé la grande majorité de la race humaine.
La seconde source, c'est le luxe. Pour qu'un petit
nombre de personnes puissent avoir l'inutile, le superflu, le raffiné, puissent satisfaire des besoins artificiels,
une grosse part des forces humaines existantes doit être
employée à cet objet, et dérobée à la production de ce
qui est nécessaire, indispensable. Au lieu de bâtir des
cabanes pour eux, des milliers de gens bâtissent des
demeures magnifiques pour un petit nombre ; au lieu
de tisser des étoffes grossières pour eux et pour les
leurs, ils tissent des étoffes fines, ou de soie, ou des
dentelles, pour les riches, et confectionnent mille objets
de luxe pour le plaisir de ceux-ci. Une grande partie de
la population des villes se compose d'ouvriers de cette
catégorie. Pour eux et leurs employeurs le paysan doit
conduire la charrue, semer et faire paître les troupeaux,
et il a ainsi plus de travail que la nature n'e lui en avait
primitivement imposé. En outre, il doit consacrer
encore beaucoup de forces et de terrain à la culture du
vin, de la soie, du tabac, du houblon, des asperges, etc.,
au lieu d'employer celles-là et celui-ci pour les
céréales, les pommes de terre, l'élevage des bestiaux.
De plus, une multitude d'hommes sont enlevés à
l'Agriculture et occupés à la construction- des
84
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
vaisseaux, à la navigation, en vue de l'importation du
sucre, du café, du thé, etc. La production de ces superfluités redevient ensuite la cause du malheur de ces
millions d'esclaves noirs, qui sont arrachés par la violence à leur patrie, pour produire par leur sueur et leur
martyre ces objets de jouissance. Bref, une grande partie
des forces de la race humaine est enlevée à lai production
de ce qui est nécessaire à l'ensemble, pour procurer au
petit nombre ce qui est tout à fait superflu et inutile. Tant
que le luxe existera, il y aura donc une somme
correspondante d'excès de travail et de vie malheureuse,
qu'on la nomme pauvreté ou esclavage, qu'il s'agisse de
proie larîi ou de servi. La différence: fondamentale entre
les deux, c'est que l'origine des esclaves est imputable à
la violence, celle des pauvres à la ruse. L'état antinaturel
tout entier de la société, la lutte générale pour échapper à
la misère, la navigation sur mer qui coûte tant de vies
humaines, les intérêts commerciaux compliqués et enfin
les guerres auxquelles tout cela donne naissance, — ces
choses ont pour seule et unique racine le luxe, qui, loin
de rendre heureux ceux qui en jouissent, les rend plutôt
malades et de mauvaise humeur. Le moyen le plus efficace d'alléger la misère humaine serait donc de diminuer
le luxe, et même de le supprimer.
Il y a incontestablement beaucoup de vérité dans ce
courant d'idées. Mais la conclusion en est refutée par un
autre, que fortifie en outre le témoignage de l'expérience. Ce que, par ces travaux consacrés au luxe, la race
humaine perd en forces musculaires (irritabilité) pour
ses besoins les plus indispensables, lui est peu à peu
rendu au centuple par les forces nerveuses (sensi-
DROiT ET POLITIQUE
85
bililé, intelligence) s'affranchissant (dans le sens chimique)
précisément à cette occasion. Comme celles-ci sont d'un
ordre plus élevé, leur action surpasse au centuple aussi
l'action de celles-là :
tuç IV 9000V pooÀs'jjAoc *ca; noXAwv vîîoa; vix$ '.
(Euripide, Antiope).
Un peuple composé uniquement de paysans découvrirait
et inventerait peu de chose ; mais les mains oisives font les
tètes actives. Les arts et les sciences sont eux-mêmes enfants
du luxe, et ils lui paient leur dette. Leur œuvre est ce
perfectionnement de la technologie dans toutes ses branches,
mécaniques, chimiques et physiques, qui, de nos jours, a
porté le machinisme aune hauteur qu'on n'aurait jamais
soupçonnée, et qui, notamment par la vapeur et l'électricité,
accomplit des merveilles que les temps antérieurs auraient
attribuées à l'intervention du diable. Dans les fabriques et
manufactures de tout genre, et jusqu'à un certain point dans
l'agriculture, les machines accomplissent mille fois plus de
travail que n'auraient jamais pu en accomplir les mains de
tous les gens à l'aise, des lettrés et des intellectuels devenus
oisifs, et qu'il n'aurait pu s'en accomplir par l'abolition du
luxe et par la pratique universelle de la vie campagnarde. Ce
ne sont pas les riches seuls, mais tous, qui bénéficient de ces
industries. Des objets que jadis on pouvait à peine se
procurer, se trouvent maintenant en abondance et à bon
marché, et l'existence des plus basses classes elles-mêmes a
beaucoup gagné en confort. Au moyen âge, un
1. H Un seul conseil sage l'emporte sur le travail d'un grand
nombre de moins ».
f
ÉTHIQUE, OllOIT ET POLITIQUE
roi d'Angleterre emprunta un jour une paire de bas de
soie à l'un de ses lords, pour donner audience à l'ambassadeur de France. La reine Elizabeth elle-même fut
très heureuse et très étonnée de recevoir, en 1560, sa
première paire de bas de soie comme présent de nouvelle
année. ' Aujourd'hui chaque commis de magasin en
porte. Il y a cinquante ans, les dames s'habillaient de
robes de coton qui sont portées aujourd'hui par les servantes. Si le machinisme continue dans la même mesure
ses progrès quelque temps encore, il en arrivera peut-être
à supprimer presque complètement l'usage de la force
humaine, comme il a déjà supprimé en partie l'usage de
la force chevaline. On pourrait alors concevoir une
certaine culture intellectuelle générale de l'humanité, qui
est impossible tant qu'une grande partie de celle-ci doit
rester soumise à un pénible travail corporel. Irritabilité
musculaire et sensibilité nerveuse sont toujours et
partout, en général comme en particulier, en antagonisme
: la raison en est que c'est une unique et même force
vitale qui réside au fond de l'une et de l'autre. Puisque, en
outre, arles molliunt mores3, il est possible que les
querelles grandes et petites, les guerres ou les duels,
disparaissent de la terre. Celles-là et ceux-ci sont déjà
devenus beaucoup plus rares. Mais je ne me propose pas
ici d'écrire une Utopie.
En dehors toutefois de ces raisons, les arguments
allégués plus haut en faveur de l'abolition du luxe et de
la répartition uniforme du travail corporel, sont
1. Voir D'Israëli. Curiosilies of Lileralure, au chapitre
Anecdotes of Fashiou.
'. %. « Les arts amollissent les moeurs ». -.
DROIT ET POLITIQUE
87
sujets à l'objection que le grand troupeau humain,
toujours et partout, a nécessairement besoin de guides,
conducteurs et conseillera, sous formes diverses, suivant les circonstances ; ce sont les juges, gouverneurs,
généraux, fonctionnaires, prêtres, médecins, lettrés,
philosophes, etc. Ils ont pour tâche d'accompagner ce
troupeau, si incapable et si pervers dans sa majorité, à
travers le labyrinthe de la vie, dont chacun, suivant sa
position et sa capacité, a dû se faire une idée plus ou
moins large. Que ces guides soient affranchis du travail
corporel aussi bien que des besoins vulgaires et des
tracas de l'existence ; que même, en proportion de leurs
services bien supérieurs, ils possèdent plus et jouissent
plus que l'homme vulgaire, — cela est naturel et
rationnel. Même les grands négociants doivent être
rangés dans cette classe privilégiée, quand ils prévoient
à longue échéance les besoins de la population, et y
pourvoient.
La question de la souveraineté du peuple est au fond
la même que celle de savoir si un homme peut avoir le
droit de gouverner un peuple contre sa volonté.
Gomment pourrait-on soutenir raisonnablement cette
idée? Je ne le vois point. Sans doute, le peuple est souverain; mais c'est un souverain toujours mineur, qui
doit être soumis à une tutelle éternelle et ne peut exercer lui-même ses droits, sans provoquer des dangers1
énormes. D'autant plus que, comme tous les mineurs, il
devient facilement le jouet de coquins rusés, que pour
cette raison on nomme démagogues.
Voltaire a dit :
Le premier qui fut roi fut un soldat heureux-
88
ETHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
Tous les princes ont évidemment été à l'origine des chefs
victorieux, et pendant longtemps c'est à ce titre seul qu'ils
ont régné. Après l'établissement des armées permanentes,
ils considérèrent le peuple comme destiné à les nourrir, eux
et leurs soldats, c'est-à-dire comme un troupeau sur lequel
on veille, afin qu'il vous donne laine, lait et viande. Ceci
résulte, ainsi que je l'expliquerai plus loin, de ce qu'en vertu
de la nature, c'est-à-dire originellement, ce n'est pas le droit,
mais la violence, qui domine sur la terre; celle-ci a sur
celui-là l'avantage ptïmi occupantis. Aussi ne se laisse-lelle pas abolir et s'obstine-t-elle à ne pas disparaître
complètement; toujours elle revendique sa place. Ce qu'on
peut simplement désirer et réclamer, c'est qu'elle soit du
côté du droit et associée avec lui. En conséquence, le prince
dit à ses sujets : « Je règne sur vous par la force. Ma force
en exclut donc toute autre. Je n'en souffrirai en effet aucune
autre auprès de la mienne, ni une force extérieure, ni, à
l'intérieur, celle de l'un contre l'autre. Ainsi vous voilà
protégés ». Cet arrangement s'étant produit, la royauté s'est,
avec les progrès du temps, développée tout autrement, et a
rejeté l'idée antérieure dans l'arrière-fond, où on la voit
encore de temps en temps flotter à l'état de spectre. Cette
idée a été remplacée par celle du roi père de son peuple, et
le roi est devenu le pilier ferme et inéj branlable sur lequel
seul reposent l'ordre légal tout entier, par conséquent les
droits de tous, qui n'existent que de cette façon '.- Mais un
roi ne peut remplir ce rôle ' r
■
1. Slobée dit. Florilège, t. II, p. 201. édit. citée : ïlspéxiq vo^oç YJV,
ôuoxs paaiXeû? àiroûavoi, àvojjuav etvai TTIVTE ■îjfiepujv, lv'
aùrOoiyto ôaou àÇioç ioxw ô paatXsofi xai ô vojjioi. (C'était
DHOIT ET POLITIQUE
80
qu'en vertu de sa prérogative innée, qui lui donne, et à lui
seul, une autorité que n'égale aucune autre, qui ne peut être
ni contestée ni combattue, à laquelle chacun obéit comme
par instinct. Aussi dit-on avec raison qu'il règne « par la
grâce de Dieu ». Il est toujours la personne la plus utile de
l'Etat, et ses services ne sont jamais trop chèrement payés
par sa liste civile, si élevée qu'elle soit.
Mais Machiavel lui-même est parti si décidément de cette
ancienne notion moyenâgeuse du prince, qu'il la traite
comme une chose évidente par elle-même; il la présuppose
tacitement et en fait la base de ses conseils. Son livre est
tout bonnement l'exposé de la pratique encore régnante,
ramenée à la théorie et présentée dans celle-ci avec une
logique systématique; et cette pratique, sous sa nouvelle
forme théorique et dans son achèvement, revêt un piquant
intérêt. On peut dire la même chose, remarquons-le en
passant, de l'immortel petit livre de La Rochefoucauld, qui a
pour thème non la vie publique, mais la vie privée, et qui
offre non des conseils, mais des observations. Le titre de ce
mer* veilleux petit livre est en tout cas blâmable : le plus
souvent l'auteur ne donne ni des maximes, ni des réflexions,
mais des aperçus. C'est donc ce dernier titre qu'il devrait
porter. Il y a d'ailleurs chez Machiavel même beaucoup
d'idées applicables aussi à la vie privée.
Le droit en lui-même est impuissant ; dans la nature
règne la force. Mettre celle-ci au service de celui-là,
chez lus Perses une loi (pie, quand un roi mourait, il y avait)
cinq jours d'anarchie, afin que le peuple pût apprécier le bienfait
d'un roi et de la loi).
**"*"*'
90
KTHKjCE, DîlOIT ET POUTIQDÉ
de manière à fonder le droit au moyen de la force, c'est le
problème que doit résoudre l'art politique. Et c'est un
problème difficile. On le reconnaîtra, Si l'on songe quel
égoïsme illimité loge dans presque chaque poitrine
humaine, égoïsme auquel s'ajoute le plus souvent un
fonds accumulé de haine et de méchanceté, de sorte
qu'originellement le vstxo; (l'inimitié) l'emporte de
beaucoup sur la eO.Ca (l'amitié). Et il ne faut pas oublier
que ce sont de nombreux millions d'individus ainsi
constitués qu'il s'agit de maintenir dans les limites de
l'ordre, de la paix, du calme et de la légalité, tandis
qu'originellement chacun a le droit de dire à l'autre : « Ce
que tu es, je le suis aussi ». Ceci bien pesé, on est en
droit de s'étonner que les choses de ce monde aillent en
somme d'une marche aussi tranquille et pacifique,
équitable et réglée, que nous les voyons aller; c'est la
machinerie de l'Elat qui seule produit ce résultat.
Ce n'est en effet que la force physique qui peut agir
directement; constitués comme ils le sont en général, c'est
pour elle seule que les hommes ont du sens et du respect.
Si, pour s'en convaincre par expérience, on supprimait
toute contrainte et si on leur représentait de la façon la
plus claire et la plus persuasive ce qui est seul
raisonnable, juste et bon, mais contraire à leurs intérêts,
on ne constaterait que l'impuissance des seules forces
morales, et la réponse serait le plus souvent un rire de
mépris. C'est donc la force phy- ' sique seule qui est
capable de se faire respecter. Or, cette force réside
originellement dans la masse, où elle est associée à
l'ignorance, à la stupidité et à l'injustice. La première
tâche de l'art politique, dans des condi-
DROIT ET t>()LlTIQUË
91
lions si difficiles, est cependant de soumettre la force
physique à l'intelligence, à la supériorité intellectuelle,
et de fa rendre utile. Mais si cette dernière n'est pas
associée à la justice et à de bonnes intentions, le résultat est que l'Etat ainsi organisé se compose de dupeurs
et de dupes. Ceci devient peu à -peu évident par les
progrès de l'intelligence de la masse, si fortement qu'on
cherche à les entraver, et conduit à la révolution. Mais
si, au contraire, l'intelligence est associée à la justice et
aux bonnes intentions, on arrive à un Etat parfait,
autant que peuvent être parfaites les choses humaines.
Il est très utile à ce point de vue que la justice et les
bonnes intentions non seulement existent, mais qu'elles
soient démontrables et publiquement exposées, de
manière à être soumises au jugement et au contrôle
publics. Il faut toutefois empêcher que cette
participation de plusieurs personnes à l'œuvre
gouvernementale n'affecte, à l'intérieur comme à l'extérieur, l'unité de l'Etat, et ne fasse perdre à celui-ci en
concentration et en force. C'est presque toujours le cas
dans les républiques. Produire une constitution qui
satisferait à toutes ces exigences, serait en conséquence
la tâche la plus haute de l'art politique. Mais, en réalité,
celui-ci doit compter aussi avec le peuple et avec ses
particularités nationales. C'est la matière première dont
les éléments exerceront toujours une forte influence
sur la perfection de l'œuvre.
Ce sera déjà beaucoup, si l'art politique pousse si
loin sa tache, qu'il supprime la plus grande somme
d'injustice dans la communauté. L'extirper totalement,
c'est là le but idéal qui ne peut être qu'approximativemenl atteint. Si l'on extirpe l'injustice d'un coté, elle
rfTHIQfrR, DBOlT iï POUTIQ^Sl___T____
se faufile d'un autre ; car elle a de profondes racines
dans la nature humaine. On cherche à atteindre ce but
par la forme artificielle de la constitution et la perfection de la législation ; mais c'est une asymptote. La
première raison en est que les notions établies n'épuisent pas tous les cas particuliers et ne peuvent être
ramenées aux cas individuels. Elles ressemblent aux
pierres d'une mosaïque, non aux coups de pinceau
nuancés d'une peinture. En outre, toutes les expériences sont ici dangereuses, parce qu'on a affaire à la
matière la plus difficile à manier, la race humaine, qui
offre presque autant de périls qu'un explosif.
A ce point de vue, la liberté de la presse est pour la
machine de l'Etat ce que la soupape de sûreté est pour la
machine à vapeur. "Elle permet à tous les mécontents de
trouver bientôt une voix, et si ces mécontents n'ont pas
de très grands griefs, cette voix s'éteint vite. Mais si les
griefs sont réels, il est bon qu'on les reconnaisse à temps,
pour y porter remède. Cela vaut infiniment mieux que
de laisser le mécontentement se concentrer, couver,
fermenter, bouillonner et s'accroître, jusqu'à ce qu'il se
termine par une explosion. D'autre part, aussi, on peut
envisager la liberté de la presse comme r la permission
accordée de vendre du poison : poison pour l'esprit et
pour le cœur. Que ne peut-on pas, en effet, faire entrer
dans les têtes ignorantes et sans jugement de la
multitude, surtout si l'on fait miroiter devant elles le
profit et l'argent ? Et quand un homme a accueilli
certaines idées, de quels crimes n'est-il pas capable? Je
crains donc beaucoup que les dangers de la liberté de la
presse ne l'emportent sur son utilité, là surtout où les
voies légales permettent de se faire
DROIT ET POLITIQUE
93
rendre justice. En tout cas, la liberté de la pressé devrait être
soumise à l'interdiction la plus sévère de tout anonymat.
On pourrait admettre, d'une manière générale, que le droit
est d'une nature analogue à certaines substances chimiques,
qu'on ne peut présenter à l'état pur et isolé, mais tout au plus
à l'aide d'un faible mélange avec d'autres substances qui leur
servent de support, ou leur donnent la consistance
nécessaire; il en est ainsi du fluor, même de l'alcool, de
l'acide prussique, etc. On peut dire que le droit aussi, s'il
veut sérieusement s'imposer et même dominer, a
nécessairement besoin d'une faible addition d'arbitraire et de
force, pour parvenir, nonobstant sa nature purement idéale et
par conséquent éthérée, à opérer et à subsister dans ce
monde réel et matériel, sans s'évaporer et s'évanouir dans les
nuages, comme cela arrive chez Hésiode '. Tout droit de
naissance, tous privilèges héréditaires, toute religion d'Etat
et maintes choses encore peuvent être regardés comme une
base chimique nécessaire, ou un alliage de cette
1. Schopenhauer fait sans aucun doute allusion aux vers
suivants, les seuls d'Hésiode qui puissent s'appliquer à l'idée en jeu :
r, os « itapOêvoç ITZI AtXT),„A(ô( ÈXYeyavïa, X'jovïj x"
aiooÎTj T6 Osoïç o" OX'j|«nov lv_ou<>tv. x»î p'.ÔTtô-wv
tif (JLtv pXâwc-r) axoXuu*; âvot&Çtov, eakixa iràp A'J
7taTpt xaOsÇofxivr, Kpovdovt Yr.pû&x' dvOpcôiîiov
aoixov vôov...
Les Travaux et les Jours, vers 254-258.
(La Juslice, cotte vierge divine, fille de Jupiter, est auguste o[
respectée parmi les habitants de l'Olympe. Si quelqu'un lui fait
Injure et l'insulte, aussitôt elle va s'asseoir près de son père ;
elle se plaint à lui de la malice des hommes et demande ven
geance).
„ , ,,
{Le Irad.) ■
94
ETHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
nature. C'est seulement, en effet, sur un fondement
solide de cette espèce, que le droit peut prévaloir et
imposer logiquement ses prescriptions. Ce fondement'
serait donc en quelque sorte le o<5< pontoS mû1 du droit.
Le système végétal artificiel et arbitraire de Linné ne
peut être remplacé par un système naturel, si raisonnable que serait celui-ci, et si fréquemment qu'on
l'ait tenté; c'est qu'en effet le système naturel n'offrirait
jamais la certitude et la stabilité de définitions qu'offre
le système artificiel et arbitraire. De la même façon, la
base artificielle et arbitraire de la constitution de l'Etat,
telle qu'elle est indiquée plus haut, ne peut être
remplacée par une base purement naturelle. Celle-ci,
faisant abstraction des conditions mentionnées,
substituerait aux privilèges de la naissance ceux du
mérite personnel, à la religion nationale les résultats'
de la recherche rationaliste, et ainsi de suite. Or, si
conformes ù la raison que pourraient être toutes ces
choses, il leur manque cette certitude et cette fixité de
définitions qui seules assurent la stabilité de la chose
publique. Une constitution qui incarnerait seulement
le droit abstrait, serait excellente pour d'autres êtres
que les hommes. Mais puisque la grande majorité de
ceux-ci est profondément égoïste, injuste, inconsidérée,
menteuse, parfois même méchante et douée de peu
d'intelligence, il s'ensuit la nécessité d'un pouvoir concentré en un seul homme, au-dessus même de la loi et
du droit, absolument irresponsable, devant lequel tout
se courbe, et dont le détenteur soit considéré comme
un être d'essence supérieure, comme un maitre par la
1. « Donne-moi un levier ».
BBH
DROIT ET POLITIQUE
9S
grâce de Dieu. C'est seulement ainsi que l'humanité se
laisse brider et conduire.
Nous voyons d'autre part les États-Unis, de l'Amérique
du Nord tenter de se tirer d'affaire sans cette base
arbitraire, c'est-à-dire en laissant prévaloir le droit
absolument sans alliage, pur, abstrait. Mais le résultat
n'est pas attrayant. Car, en dépit de toute la prospérité
matérielle du pays, qu'y trouvons-nous comme
sentiment prédominant ? Le vil utilitarisme avec sa
compagne inévitable, l'ignorance, qui a frayé la voie £ la
stupide bigoterie anglicane, aux sots préjugés, à la
grossièreté brutale associée à la niaise vénération pour
les femmes. Et même des choses pires y sont à l'ordre
du jour : l'esclavage révoltant des nègres, uni à la plus
excessive cruauté contre les esclaves, la plus injuste
oppression des noirs libres, la loi de Lynch, les meurtres
fréquents et souvent impunis, les duels d'une sauvagerie
inouïe, le mépris de temps en temps affiché du droit et
des lois, la repu-1 diation des dettes publiques,
l'escroquerie politique abominable d'une province
voisine, suivie de raids rapaces sur son riche territoire,
raids que le chef de l'Etat cherche ensuite à excuser par
des mensonges que chacun; dans le pays, sait être tels,
et dont on se moque. Ajoutez à cela l'ochlocratie
toujours montante, et, finalement, l'influence désastreuse
que la dénégation de la justice dans les hautes sphères
doit exercer sur la moralité privée. Ce spécimen d'une
constitution purement fondée sur le droit, du côté
opposé de la planète, parle peu en faveur des
républiques, et moins encore les imitations de ce
spécimen au Mexique, au Guatemala, en Colombie et au
Pérou.
96
ETHIQUE, DROIT ET POLÎTjKjOE
Un désavantage tout particulier des républiques,
auquel on ne s'attendrait pas, est aussi celui-ci, qu'il doit
y être plus difficile aux intelligences supérieures
d'arriver à de hautes situations, et, par la, à une influence
politique directe, que dans les monarchies. Partout et
toujours, en effet, dans toutes les circonstances, il y a
une conspiration, ou une alliance instinctive, des
intelligences bornées, débiles et vulgaires, contre les
intelligences supérieures; celles-là font bloc, par suite
d'une crainte commune, contre celles-ci. Il est facile au
grand nombre des premières, sous une constitution
républicaine, de supprimer et d'exclure les dernières,
pour ne pas être débordées par elles. Ne sont-elles pas,
en vertu du même droit originel, toujours cinquante
contre une?
Dans une monarchie, au contraire, cette ligue naturelle
et universelle des têtes bornées contre les têtes
privilégiées n'existe que d'un côté, — en bas. D'en haut,
au contraire, l'intelligence et Fe talent reçoivent des
encouragements et une protection également naturels. En
premier lieu, la situation du monarque est beaucoup trop
haute et trop solide, pour qu'il ait à craindre une
compétition quelconque. D'autre part, lui-même sert l'État
plus par sa volonté que par son intelligence, qui ne peut
absolument suffire à toutes les tâches qui lui incombent. Il
doit donc toujours recourir à l'intelligence d'autrui.
Voyant que son propre intérêt est étroitement lié à celui de
son pays, qu'il en est inséparable et ne fait qu'un avec lui,
il donnera naturellement la préférence aux hommes les
meilleurs, parce qu'ils sont ses plus utiles instruments; il
lui suffira de les trouver, ce qui ne lui est pas très difficile,
f
DROIT ET POLITIQUE
97
s'il les cherche sincèrement. Dans le.même ordre
d'idées, les ministres ont une trop grande avance sur
les hommes politiques qui se mettent en lumière, pour
les jalouser; et, en vertu de raisons analogues, ils discerneront volontiers les hommes distingués et les
mettront à l'œuvre, pour utiliser leurs aptitudes. Ainsi,
de cette façon, l'intelligence a, dans les monarchies,
toujours de bien plus grandes chances contre son
ennemie irréconciliable et omniprésente, la sottise, que
dans les républiques. Et c'est là un avantage
considérable.
La forme gouvernementale monarchique est naturelle à l'homme, à peu près comme elle l'est aux
abeilles et aux fourmis, aux grues voyageuses, aux
éléphants nomades, aux loups et aux autres animaux
réunis pour leurs razzias, qui tous placent un seul
d'entre eux à leur tête. Chaque entreprise humaine
périlleuse, chaque expédition militaire, chaque vaisseau doit de même obéir à l'autorité d'un seul chef; il
faut qu'il y ait partout une seule volonté dirigeante.
Même l'organisme animal est construit sur un principe
monarchique : c'est le cerveau seul qui guide et gouverne, qui est r^ye(i<ivix<Sv (la faculté directrice). Bien
que le cœur, les poumons et l'estomac contribuent
beaucoup plus au maintien de l'ensemble, ici ces philistins ne peuvent guider ni gouverner. C'est l'affairé du
cerveau seul; la direction doit venir d'un seul point. Le
système planétaire lui-même est monarchique. Le
système républicain est pour l'homme aussi contre
nature qu'il est défavorable à la vie intellectuelle
supérieure,'aux arts et aux sciences. Aussi voyons-nous
que partout et de tout temps, dans le monde, les
SoHoi'ENiiAUEii. — Éthique.
7
98
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
peuples, civilisés ou sauvages, ou occupant une situation intermédiaire, ont été gouvernés monarchiquement.
O'ix àyaOôv iroXuxotpavéi}-cTç xolpavoç ÏTZM,
(Iliade, chant II, vers 204).
Autrement, comment serait-il possible que nous
vissions partout et de tout temps des millions d'hommes — même des centaines de millions — se soumettre et obéir volontairement a un seul, parfois
même à une femme, provisoirement aussi à un enfant,
si l'homme ne possédait pas au fond de lui un instinct
monarchique qui le pousse vers cette forme de gouvernement, comme vers celle qur Jui convient le
mieux? Ceci en effet n'est pas le produit de la réflexion.
Partout un homme est le roi, et sa dignité est généralement héréditaire. II est en quelque sorte la personnification, ou le monogramme, du peuple entier, qui
revêt par lui une individualité. En ce sens, il peut
même dire à juste titre : « l'Etat, c'est moi ». C'est
pour cette raison que nous voyons, dans les drames
historiques de Shakespeare, les rois d'Angleterre et
de France s'interpeller mutuellement par les noms de
« France » et « Angleterre », et appeler « Autriche »
le duc de ce pays !; cela vient de ce qu'ils se regardent en quelque sorte comme l'incarnation de leurs
nationalités. Tout cela est conforme à la nature
humaine ; et, pour cette raison, le monarque héréditaire ne peut absolument pas séparer son bonheur ni
1. « Ce n'est pas une bonne chose que le gouvernement de
plusieurs. Il faut un seul chef, un seul roi ».
2. Le roi Jean, acte III, acène i.
DHOIT ET POLITIQUE
99
celui de sa famille de celai du pays. C'est au contraire le
cas le plus fréquent dans les monarchies électives, comme
le montrent les États de l'Eglise. Les Chinois ne peuvent se
faire une idée que du gouvernement monarchique; ils ne
comprennent nullement ce que c'est qu'une république.
Quand, en 1658, une ambassade hollandaise arriva en
Chine, elle se vit forcée de présenter le prince d'Orange
comme roi du pays; autrement, les Chinois auraient été
tentés de prendre la Hollande pour un nid de pirates qui
vivaient sans chef ', Slobée, dans un chapitre de son
Florilège, t intitulé : 6?i xc&Xierov r, (xovapxt* (t. II, pp. 256263, édit, citée), a réuni les meilleurs passages où les
anciens exposent les avantages de la monarchie. Bref,
les républiques sont contre nature, artificielles, un produit
de la réflexion; aussi ne constituent-elles que de rares
exceptions dans l'histoire universelle. Il y a les petites
républiques grecques, les républiques romaine et
carthaginoise, rendues possibles aussi par le fait que les
cinq sixièmes, peut-être même les sept huitièmes de la
population, étaient des esclaves. Les Etats-Unis
d'Amérique ne comptaient-ils pas eux aussi, en 1840, sur
16 millions d'habitants, 3 millions d'esclaves? En outre, la
durée des républiques de l'antiquité, comparée à celle des
monarchies, a été très courte. Il est facile de fonder les
républiques, mais difficile de les maintenir. C'est
exactement le contraire avec les monarchies.
Si l'on veut des plans utopiques, voici le mien :
•1. Voir Jean NiouholT, L'Ambassade de la compagnie orientale
des Provinces-Unies vers l'empereur de la Chine (traduction par
Jean le Charpentier), Leyde, 1605, cliap. XLV.
JIÔO
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
l'unique solution du problème serait le despotisme
des sages et des nobles d'une véritable aristocratie,
d'une véritable noblesse, en rue de la génération,1
par le mariage des mâles les plus dignes avec les
femmes les plus intelligentes et les plus intellectuelles. Cette idée est mon Utopie, ma République de
Platon.
Les rois constitutionnels ont une ressemblance
incontestable avec les dieux d'Épicure, qui goûtent
dans- les hauteurs de leur empyrée une félicité et un
calme parfaits, sans se mêler des affairés humaines.
Us sont maintenant à la mode. Toute principauté aile"
mande de douzième ordre offre une parodie complète
de la constitution anglaise, avec Chambre haute et
Chambre basse, y compris Yllabeas corpus et l'institu-1
Lion du jury. Ces formes, qui procèdent du caractère
anglais et des conditions historiques anglaises, et qui
présupposent celui-là et celles-ci, sont naturelles et
accommodées au peuple anglais. Mais il est tout aussi
naturel pour le peuple allemand d'être partagé en
beaucoup de souches soumises à autant de princes
régnants, avec, à leur tête, un empereur qui maintient
la paix au dedans et représente au dehors l'unité du
royaume; car cet arrangement procède du caractère
et des conditions historiques des Allemands. Je suis
d'avis que si l'Allemagne ne veut pas subir le même
destin que l'Italie, elle doit rétablir, et aussi effectivement que possible, la dignité impériale, supprimée
par son ennemi acharné, le premier Bonaparte. Car
l'unité allemande dépend d'elle et sera toujours, sans
elle, simplement nominale, ou précaire. Mais comme
nous ne vivons plus au temps de Ounther de Schwarz-
?■?■&-«?■
DROIT ET POLITIQUE
101
bourg ', où le choix de l'empereur était une affaire
sérieuse, la couronne impériale devrait passer alterna'
tivement, à vie, à l'Autriche et à la Prusse. En tout bas,
la souveraineté absolue des petits Etats est illu»j soire.
Napoléon Ie'* a fait pour l'Allemagne ce qu'a fait
Charlemagne pour l'Italie : il l'a partagée en beaucoup
de petits États indépendants, d'après le principe :
divide et impera.
Les Anglais montrent aussi leur grande intelligence
en ceci, qu'ils restent religieusement attachés à leurs
anciennes institutions, mœurs et coutumes, au risque
de pousser trop loin, et jusqu'au ridicule, cette ténacité.
C'est que, pour eux, ces choses-là ne sont pas
l'invention d'un cerveau oisif, mais naissent graduellement de la force des circonstances et de la sagesse de
la vie même, et leur conviennent conséquemment, en
tant que nation. D'autre part, le Michel allemand -s'est
laissé insinuer par son maître d'école qu'il doit revêtir
un vêtement anglais, que cela ne va pas autrement; il
finit donc par l'obtenir de papa, et, avec ses manières
gauches et ses gestes empruntés, y fait une
1. Brave chevalier allemand, qui avait mis son épée au ser
vice de l'empereur Louis et de son (ils, le margrave do Brande
bourg. Les Willelsbach l'opposèrent à l'empereur Charles IV et
l'élurent, non empereur, mais roi des Romains, à Francfort, le
30 janvier 434U. Il ne put toutefois résister a son rival, qui le
vainquit à Eltville, et il abdiqua le 20 mai 434'J, en échange de
30.000 marks d'argent. H mourut trois semaines après, le
14 juin, peut-être empoisonné, à l'Age de quarante-cinq ans. Il
fut inhumé dans la cathédrale de Francfort, ou l'on voit encore
sa curieuse pierre tombale, peinte et dorée.
(Le trad.)
S. On sait que ce surnom de « Michel » personnifie l'ancienne
lourdeur et l'ex-bonhomie nonchalante et pou pratique des Alle
mands (car tout cela est bien changé aujourd'hui), comme
« John Bull » personnifie les Anglais, et « Jonathan » les Améri
cains du Nord.
(Le Ivad.)
102
. ÉTHIQUE, DROIT ET POLÏTIQTJE
figure assez ridicule. Mais ce n'est pas tout : ledit vêtement finira par le serrer et par l'incommoder beaucoup
encore, et c'est le jury qui amènera tout d'abord ce
résultat..
Cette institution, née dans la période la plus barbare
'du moyen âge anglais, au temps du roi Alfred le Grand,
alors que la connaissance de la lecture et de l'écriture
exemptait encore un homme de la peine de mort, est la
pire de toutes les procédures criminelles. Au lieu de
juges savants et expérimentés, qui ont Ivieilli à démêler
journellement les mensonges et les ruses des assassins,
voleurs et coquins de toute espèce, et sont ainsi capables
d'aller au fond des choses, nous voyons siéger des
tailleurs et des tanneurs ; c'est leur lourde et grossière
intelligence, sans culture, pas même capable d'une
attention soutenue, qui est appelée à démêler la vérité du
tissu décevant de l'apparence et de l'erreur. Tout le
temps, de plus, ils songent à leur drap et à leur cuir,
aspirent à rentrer chez eux, et n'ont absolument aucune
notion claire de la différence entre la probabilité et la
certitude. C'est avec cette sorte de calcul des probabilités
dans leurs têtes stupides, qu'ils décident en confiance de
la vie des autres.
On peut leur appliquer ce que disait Samuel Johnson
au sujet d'un conseil de guerre réuni pour une affaire
importante, et auquel il se fiait peu : que peut-être pas un
seul de ses membres n'avait jamais passé, dans le cours
de sa vie, même une heure à peser en lui-même des
probabilités ' ! Mais les jurés en question, affirme1. Boswell, Life of Johnson, année 1780, alors ijuo son- héros avait
soixante et onze ans.
"isr *
DROIT ET POLITIQUE
--
103
t-on, sont si impartiaux!— Le malignum vulgus que
voilà! — Comme si la partialité ne serait pas dix fois
plus à craindre d'hommes de la même classe que l'ac-|
cusé, que de juges qui lui sont complètement étran-|
gers, qui vivent dans de tout autres sphères, sont inamovibles, et conscients de leur dignité? Mais laisser le
jury juger les crimes contre l'État et son chef, ou lesj
méfaits de la presse, c'est réellement donner la brebis j
à garder au loup.
En tout lieu et en tout temps, gouvernements, lois et
institutions publiques ont soulevé de vifs mécontentements. La principale raison en est qu'il existe une
tendance générale à leur imputer la misère inséparable
de l'existence humaine, puisque, pour parler
mythiquement, elle est la malédiction infligée à Adam,
et, en même temps, à toute sa race. Mais jamais cette
fausse assertion n'a été présentée d'une manière plus
mensongère et plus impudente que par les démagogues
du « temps présent ». Gomme ennemis du
christianisme, ils sont optimistes; le monde est pour
eux son « propre but »; par conséquent, en lui-même,
c'est-à-dire d'après sa constitution naturelle, il est
excellemment arrangé, et forme un séjour de
bénédiction. Les maux énormes et criants qui s'y
manifestent, ils les attribuent uniquement aux gouvernements; si ceux-ci faisaient leur devoir, le ciel existerait sur la terre, c'est-à-dire que tous les hommes
pourraient s'empiffrer, se soûler, se propager et crever,
sans effort ni peine. Ceci est la paraphrase de leur
monde qui est son « propre but » et le point d'aboutissement du « progrès indéfini de l'humanité », qu'ils
104
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
proclament en phrases pompeuses, d'une voix infatigable.
Jadis, c'était la foi qui servait avant tout d'appui au
trône; aujourd'hui, c'est le crédit. Il est probable que
le pape lui-même fait plus de cas de la confiance de
ses créanciers que de celle de ses croyants. Si l'on
déplorait autrefois les péchés du monde, on envisage
aujourd'hui avec terreur les dettes de ce monde, et, de
même que jadis on prophétisait le jugement dernier,
on prophétise aujourd'hui la future grande «ici/Oeia,
l'universelle banqueroute des nations, avec, dans ce
cas comme dans l'autre, le ferme espoir de ne pas en
être témoin soi-même.
Au point de vue éthique et rationnel, le droit de propriété est incomparablement mieux fondé que le droit
de naissance. Cependant le premier est intimement lié
au second, et il serait difficile de vouloir les séparer,
sans mettre en péril celui-là. La raison en est que la plus
grande partie de la propriété provient d'héritage, et
constitue en conséquence aussi une sorte de droit de
naissance. C'est ainsi que l'ancienne noblesse porte seulement le nom de la propriété patrimoniale, c'est-à-dire
que, par ce nom, elle exprime seulement sa possession.
Aussi tous les possédants, s'ils étaient intelligents au
lieu d'être envieux, devraient-ils tenir également au
maintien des droits de naissance.
La noblesse a donc cette double utilité d'aider à soutenir,! d'une part, le droit de propriété, et, d'autre
part, le droit de naissance du roi. Cal* le roi est le premier gentilhomme du pays, et il traite aussi, en règle
r ri— MEM°
DROIT ET POLITIQUE
108
générale, le noble comme un modeste parent et tout
autrement que le bourgeois, si loin qu'aille sa confiance envers celui-ci. Il est aussi tout naturel qu'il se
fie davantage à ceux dont les ancêtres ont été pour la
plupart les premiers serviteurs et ont toujours constitué
l'entourage immédiat de ses ancêtres à lui. Un
gentilhomme fait donc appel avec raison au nom qu'il
porte, quand, ayant peut-être fourni matière à un
soupçon, il réitère au roi l'assurance de sa fidélité et de
son dévouement. Comme mes lecteurs le savent, c'est
du père que s'hérite le caractère '. C'est le fait d'un
esprit ridiculement borné, de se refuser à examiner de
qui un homme est le fils.
Toutes les femmes, à peu d'exceptions près, inclinent à la prodigalité. Aussi faut-il assurer contre leur
folie toute fortune acquise, à part les cas assez rares où
elles l'ont acquise elles-mêmes. Voilà pourquoi je suis
d'avis que les femmes ne sont jamais complètement
majeures, mais devraient toujours être soumises à la
tutelle de l'homme, celle du père, du mari, du
1. C'est \k une théorie chère à notre philosophe et qu'il déve
loppe longuement dans le Monde comme volonté et comme repré-,
senlation (Supplément au livre III, chap. sua). Il affirme non
seulement que les penchants, les aptitudes sont héréditaires, et
que le iils est ce qu'était le père, mais ik prétend déterminer,
dans la transmission des qualités morales, la part de chacun des
deux géniteurs. Le père fournit l'élément primordial et fonda
mental de tout être vivant, le besoin d'agir, la volonté ; la mère,
l'intelligence, faculté d'ailleurs secondaire, 11 va de soi que
Sclioponhauor trouve facilement dans l'histoire des faits qui
semblent ôtayer sa théorie. Que, par exemple. Donatien ait été
le vrai frère de Titus, « c'est ce que je ne croirai jamais, dit-il,
et j'incline à mettre VMpasion au rang dos paris trompés ».
Tout ce chapitre, on dépil do «et assertions hasardées, ost
curieux et instructif.
(Le trad.)
056
ÉTHIQUE, DROIT IT POLITIQUE
fils, — ou de l'Etat, comme dans l'Inde. La conséquence,
c'est qu'elles ne devraient jamais pouvoir dis-' poser, de
leur libre autorité, d'une fortune qui ne leur appartient
pas en propre. Qu'une mère puisse devenir tutrice et
administratrice de la part héréditaire paternelle de ses
enfants, ceci m'apparatt comme un non sens
impardonnable et une abomination. Dans la grande
majorité des cas, cette femme mangera avec son amant
— qu'elle l'épouse ou non — ce que le père a, par le
travail de toute sa vie, épargné pour ses enfants, et aussi
pour elle. Père Homère nous donne déjà cet
avertissement :
OiorOa fip CHOC OO|AÔI èvt vzVfleaai y.oyar/.oç.
Kelvou poûXerat oîxov ooiXXetv, fiç zsv iifjlr,,
îta(8iov Si rcpQïipw xal xoopiSfoio ©JXoio,
OùxiTt'jjtéjjivTjXat TeOvr,c5toî, oùôs i-isxa/.Â? '.
H
(Odyssée, chant XV, vers 20-23.)
La mère devient souvent, après la mort du mari, une
belle-mère. Or, ce sont les belles-mères seules qui
jouissent du si mauvais renom qui a donné naissance au
terme de «marâtre». Ce renom, elles le possédaient déjà
au temps d'Hérodote 2 (Histoires, livre IV, § 154), et
1. « Tu sais quelle âme renferme le sein d'une femme. Elle aspire
toujours à augmenter les domaines de celui dont elle devient l'épouse.
Le souvenir de ses premiers enfants, du mari défunt, s'efface, et
jamais elle ne s'informe de ceux qui lui ont été si chers. »
t. 11 s'agit de la seconde femme d'Etéarque, roi d'Axos, qui, «
aussitôt dans la maison, fut pour Phronime (fille du premier mariage)
une marâtre, la maltraitant et toujours machinant quelque chose
contre elle; finalement, elle l'accusa d'impudicité, et se fit croire de
son mari ». Celui-ci obtint par serment d'un marchand, son hôte, la
promesse qu'il jetterait la jeune fille a la mer; mais le marchand, pour
satisfaire au serment que le roi lui
DROIT ET POLITIQUE
107
ont sa se le conserver depuis. Les beaux-pères, au contraire, n'ont jamais été en jeu. Quoi qu'il en soit, une
femme, ayant toujours besoin d'une tutelle, ne peut
jamais être tutrice. En tout cas, une femme qui n'a pas
aimé son mari n'aimera pas non plus les enfants qu'elle
a eus de lui, surtout après qu'est passé le temps de
l'amour maternel purement instinctif, dont on ne peut
lui tenir compte au point de vue moral. Je suis en outre
d'avis qu'en justice le témoignage d'une femme,
caeteris paribus, devrait avoir moins de poids que celui
d'un homme; ainsi, par exemple, deux témoins
masculins devraient valoir trois, et même quatre
témoins féminins. Car je crois que l'espèce féminine,
prise en masse, profère chaque jour trois fois autant de
mensonges que l'espèce masculine, et cela avec un air
de vraisemblance et de sincérité auquel ne peuvent
parvenir les hommes. Les mahomélans, d'autre part,
exagèrent en sens contraire. Un jeune Turc cultivé me
disait un jour : « Nous considérons la femme uniquement comme le sol où l'on dépose la semence. Aussi
leur religion est-elle indifférente. Nous pouvons épouser une chrétienne, sans exiger qu'elle se convertisse».
Comme je lui demandais si les derviches étaient mariés
: « Cela va de soi, me répondit-il; le Prophète était
marié, et ils ne peuvent avoir la prétention d'être plus
saints que lui ».
Ne vaudrait-il pas mieux qu'il n'y eût pas de jours
fériés, et qu'il y eût à la place beaucoup d'heures
avait arraché par surprise, mit a la voile, et, en pleine mer,
attacha Chronicité avec des cables, la jeta dans les flots, l'en retira
et la conduisit chez lui.
(Le trad.)
108
ÉTHIQ0K, DROIT ET POLITIQUE
fériées ? Quelle action bienfaisante n'exerceraient pas|
les seize heures de l'ennuyeux et, par là même, dangereux dimanche, si douze d'entre elles étaient réparties sur
tous les jours de la semaine I Deux exercices religieux
suffiraient amplement an dimanche; on ne lui en
consacre presque jamais davantage, et on en consacre
moins encore à la méditation pieuse. Les anciens
n'avaient pas non plus de jour de repos hebdomadaire.
Mais, à dire vrai, il serait très difficile d'assurer réellement aux gens, contre les empiétements du dehors, la
possession des deux heures quotidiennes de loisir ainsi
achetées.
Le juif-errant Ahasvérus n'est autre chose que la
personnification du peuple juif tout entier. S'élant
comporté criminellement à l'égard du Sauveur et
Rédempteur du monde, il ne doit jamais être affranchi de
la vie terrestre et de son fardeau, et se trouve condamné,
de plus, à errer sans patrie à l'étranger. C'est précisément
là le crime, et la destinée du petit peuple juif, qui, chose
vraiment merveilleuse, chassé depuis bientôt deux mille
ans de son ancien séjour, continue à exister et à errer
sans patrie ; tandis qu'un si grand nombre de peuples
glorieux, auprès desquels on ne peut même pas
mentionner l'insignifiante petite nation en question,
Assyriens, Mèdes, Perses, Phéniciens, Egyptiens,
Etruriens, etc., sont entrés dans l'éternel repos et ont
complètement disparu. C'est ainsi qu'aujourd'hui encore
on trouve sur toute la surface de la terre cette gens
eïctorris, ce Jean sans Terre des peuples. Nulle part chez
lui, étranger nulle part, il maintient avec un entêtement
sans exemple sa nationalité.
DROIT ET POLITIQUE
109
En souvenir d'Abraham, qui vivait en étranger à Ghanaan, mais devint peu à peu, conformément aux promesses de son Dieu, maitre de tout le pays (Moïse,
livre I, chap. xvn, § 8), il voudrait bien aussi prendre
solidement pied quelque part et pousser des racines,
pour posséder de nouveau un pays, faute duquel un
peuple est une balle lancée en l'air1. Jusque là il vit en
parasite aux dépens des autres peuples et sur leur sol,
mais n'en est pas moins possédé du plus ardent patriotisme pour sa propre nation. Il le révèle par l'union la
plus étroite et la plus solide, en vertu de laquelle tous
sont pour un et un est pour tous ; de sorte que ce
patriotisme sans patrie exerce une action plus enthousiaste qu'aucun autre. La patrie du juif, ce sont les
autres juifs; aussi combat-il pour eux, comme pro avû
el focis, et nulle communauté sur la terre n'est aussi
étroitement unie que celle-ci. Il ressort de là combien il
est absurde de vouloir leur attribuer une part dans le
gouvernement ou dans l'administration de n'importe
quel Etat. Leur religion, fondue dès l'origine dans leur
Etat, et formant un tout avec lui, n'est nullement le
1. Moïse (livro IV. chap. xm et suiv., et livre V, chap. H) nous
donne un exemple instructif des procédés de « la popula-j lion
définitive de la terre », en nous montrant comment des h on les
errantes venues du dehors cherchaient :'i refouler des peuples
établis qui possédaient un bon sol. Le dernier acte de ce genre fut
1' « émigration », ou plutôt la conquête de l'Amérique, lo
refoulement, qui dure toujours, des sauvages do l'Amérique, et
aussi de ceux de l'Australie.
Le rAlo des juils, quand ils s'établirent dans la Terre Sain te, | et
celui des Romains, quand ils prirent possession de l'Italie, est au
lond lo même : celui d'un peuple Immigré qui combat constamment ses anciens voisins et finît par les assujettir. La seule
différence, c'est que les Romains sont allés inlinimcul plus loin
dans cette voie que les juifs.
HO
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
principe, mais plutôt seulement le lien qui les unit, leur «
point de ralliement1 », et le signe dislinctif auquel ils se
reconnaissent. Ceci se montre encore en ce que même le
juif baptisé, loin d'attirer sur lui, comme en général les
apostats, la haine et le mépris des autres juifs, ne cesse
pas, en règle générale,— si l'on en excepte quelques
orthodoxes, — d'être leur ami et leur compagnon, et de
les considérer eux-mêmes comme ses véritables
compatriotes. Même pour la célébration régulière et
solennelle de la prière, qui exige, chez les juifs, la
présence de dix personnes, l'une d'elles peut être
remplacée par un juif baptisé, mais non par un chrétien
proprement dit. De même pour tous leurs autres actes
religieux. La chose apparaîtrait plus clairement encore, si
le christianisme venait à sombrer et à disparaître : les juifs
ne cesseraient pas pour cela de faire bloc, en tant que
juifs, (l'est donc une manière de voir très superficielle et
très fausse, que de considérer les juifs uniquement
comme secte religieuse. Mais si, pour favoriser cette
erreur, on qualifie, par une expression empruntée à
l'Eglise chrétienne, le judaïsme de « confession juive »,
c'est là une expression radicalement fausse, employée à
dessein pour iuduire eu erreur, qui devrait être
absolument interdite. « Nation juive » est le terme exact.
Les juifs n'ont pas de confession : le monothéisme
appartient à leur nationalité et à leur constitution
politique, et, chez eux, se comprend de lui-, même. Oui,
cela est bien entendu, le monothéisme et le judaïsme sont
des notions réciproques. Les défauts connus des juifs,
inhérents à leur carac4. En français dans le texte.
DROIT ET POLITIQUE
411
tère national, sont peut-être surtout imputables à la
longue et injuste oppression qu'ils ont subie. (De ces
défauts, le plus apparent est l'absence étonnante de tout
ce qu'on entend par le mot verecundia, et cette lacune
sert plus dans le monde que peut-être une qualité positive). Mais, si cela excuse ces défauts, cela ne les supprime pas. J'approuve absolument le juif raisonnable
qui, rejetant les vieilles fables, les bourdes et les préjugés d'antan, sort par le baptême d'une communauté
où il ne trouve ni honneur ni avantage, — bien
qu'exceptionnellement ce dernier,—même s'il ne prend
pas très au sérieux la foi chrétienne. En est-il bien
différemment de chaque jeune chrétien qui récite son
Credo lors de sa confirmation ? Pour épargner toutefois
au juif d'en venir là aussi, et pour en finir de la façon la
plus douce possible avec cet état de choses tragi-comique, le meilleur moyen est assurément de permettre, et
même de favoriser les mariages entre juifs et chrétiens
; l'Eglise ne pourrait rien y objecter, puisqu'ils ont pour
eux l'autorité de l'apôtre lui-même (Première Epitre de
saint Paul aux Corinthiens, chap. vu, % 12-16). Alors, au
bout de cent et quelques années, il n'y aura plus que
très peu de juifs, puis, bientôt après, le spectre sera
complètement conjuré, Ahasvérus enseveli, et le peuple
élu ne saura pas lui-même où il est resté. Ce résultat
désirable échouera toutefois, si l'on pousse si loin
l'émancipation des juifs, qu'on leur accorde des droits
politiques, c'est-à-dire qu'on leur permette de participer
à l'administration et au gouvernement des nations
chrétiennes. Car c'est seulement alors qu'ils seront et
resteront juifs con amore. Qu'ils jouissent des mêmes
droits civils que les autres, l'équité le réclame ;
«
112
ÉTHIQUE, DROIT Et POMTIQUE
mais leur accorder une part dans l'Etat, c'est absurde : ils
sont et restent un peuple étranger, oriental, et ne doivent
jamais être regardés que comme des étrangers établis
dans un pays. Quand, il y a environ vingt-cinq ans, la
question de l'émancipation des juifs fut débattue au
Parlement anglais, un orateur posa le .cas hypothétique
suivant : Un juif anglais arrive à Lisbonne, où il
rencontre deux hommes réduits à la dernière détresse,
mais dont il a toutefois le pouvoir de sauver l'un. Personnellement, tpus deux lui sont inconnus. L'un est un
Anglais chrétien, l'autre un Portugais juif. Lequel des
deux sauvera-t-il ?—Je crois qu'aucun chrétien perspicace, comme nul juif sincère, ne sera en doute sur la
réponse. Mais celle-ci donne la mesure quant aux droits à
accorder aux juifs.
En aucune circonstance la religion n'intervient aussi
directement et visiblement dans la vie pratique et matérielle, qu'en matière de serment. Il est Vraiment fâcheux
que la vie et la propriété de l'un dépendent ainsi des
convictions métaphysiques d'un autre. Mais si un jour,
comme on est en droit de s'en préoccuper, toutes les
religions sombraient et toute foi disparais-sait,
qu'adviendrait-il du serment? Il vaut donc la peine de
rechercher s'il n'y a pas une signification du serment
purement morale, indépendante de toute foi | positive, et
cependant réductible à des notions claires, qui, comme un
sanctuaire d'or pur,'pourrait survivre à cet incendie
universel de l'Eglise ; cette signification apparaîtrait
toutefois un peu nue et sèche, à coté de la pompe et du
langage énergique du serment religieux.
Le but incontesté du serment est de remédier uni-
DROIT ET POLITIQUE
113
quement par la voie morale à l'habitude fréquente de la
fausseté et du mensonge chez l'homme, en rehaussant
par une considération extraordinaire, en portant \
vivement à sa conscience l'obligation "morale, reconnue
par lui, de dire la vérité. Je vais tâcher d'exposer clairement, conformément à mon éthique, le sens purement
moral, dégagé de tout accessoire transcendant et
mythique, d'une telle mise en relief de ce devoir.
J'ai établi dans le Monde comme volonté et comme
représentation, et plus en détail, dans* mon Mémoire
couronné sur le Fondement de la morale, le principe
paradoxal, mais vrai, qu'en certains cas l'homme a le
droit de mentir; et ce principe, je l'ai appuyé sur une
base et des explications sérieuses. Les cas prévus
étaient d'abord ceux où il aurait le droit d'employer la
force contre les autres, puis, ensuite, ceux où on lui
adresserait des questions absolument hors de lieu, dont
la teneur, qu'il refuse d'y répondre ou qu'il y réponde
au contraire très sincèrement, est de telle nature qu'elle
serait pour lui une source de danger. Précisément parce
que, en pareils cas, on est incontestablement autorisé à
ne pas dire la vérité, il faut, dans les circonstances
importantes dont la solution dépend de la déclaration
d'un homme, comme dans les promesses dont
l'accomplissement est d'une grande importance, d'abord
que celui-ci affirme en termes formels et solennels
qu'il ne rencontre pas ici les cas dont il s'agit ; qu'il
sache et se rende compte, par conséquent, qu'on ne lui
fait aucune violence ou aucune menace, et que le droit
seul est en jeu; et, également, qu'il regarde la question
à lui adressée comme pleinement autorisée, en ajoutant
qu'il est conscient de l'action que sa déclaration va
ScHopmMusk. — Éthique.
8
114
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
exercer sur celle-ci. Cet exposé implique que s'il meut
dans ces circonstances, il commet consciemment une
grosse faute : ne lui a-t-on pas donné, en comptant sur son
honnêteté, pleins pouvoirs-pour ce cas, qu'il peut faire
servir à la cause de l'injuste ou du juste? S'il ment, il
constate clairement qu'il est un de ces individus qui, ayant
le libre choix, met celui-ci, après la plus calme
délibération, au service de l'injuste. Le parjure commis loi
fournit ce témoignage sur lui-même. A cela s'ajoute la
circonstance que nul homme n'étant affranchi de quelque
besoin métaphysique, chacun porte aussi en soi la
conviction, même obscure, que le monde n'a pas
seulement une signiûcation physique, mais a aussi une
signification métaphysique quelconque, et même aussi
que notre action individuelle, d'après sa simple moralité, a,
par rapport à cette signiûcation, des conséquences toutes
différentes et beaucoup plus importantes que celles qui
résultent de son activité empirique, et qu'elle est, en
réalité, d'une importance transcendante. Je renvoie à ce
sujet à mon Mémoire couronné sur le Fondement de la
morale, § 21. J'ajoute seulement que l'homme qui refuse à
sa propre action toute autre signification que celle de
l'empirisme, n'établira jamais cette affirmation sans
éprouver une contradiction intérieure et sans exercer une
contrainte sur lui-même.* L'invitation à prêter serment
place expressément l'homme au point de vue où il doit se
regarder, c'est-à-dire uniquement comme un être moral,
avec la conscience de la haute importance pour lui-même
de ses décisions en-cet ordre d'idées; celles-ci doivent
écarter toutes les autres considérations, au point de les
faire complètement disparaître.
DROIT ET POLITIQUE
115
Ceci dit, peu importe si la conviction d'une signification métaphysique et en même temps morale de notre
existence, ainsi excitée*chez nous, est simplement à
l'étal vague, ou revêtue de toutes sortes de mythes et
*de fables qui lui donnent de l'animation, ou éclairée
par la lumière du penser philosophique ; d'où cette
seconde conséquence, que peu importe, au fond, si la
formule du serment exprime un rapport mythologique,
ou est complètement abstraite, comme, en France, le : «
Je le jure ». La formule devrait être choisie d'après le
degré de culture intellectuelle de celui qui prête serment
; ne la choisit-on pas aussi conformément à la foi
positive qu'il professe ? La chose ainsi considérée, on
pourrait même très bien admettre à prêter serment un
homme qui ne professerait aucune religion.
PHILOSOPHIE DU DROIT
Les philosophes de l'antiquité ont réuni dans la même
idée beaucoup de choses absolument hétérogènes; chaque Dialogue de Platon nous en fournit des preuves en
masse. La plus grave confusion de ce genre est celle
entre l'éthique et la politique. L'Etat et le royaume de
Dieu, ou la loi morale, sont choses tellement différentes,
que le premier est une parodie du second, une amère
moquerie de l'absence de celui-ci, une béquille au lieu
d'une jambe, un automate au lieu d'un homme.
Les pseudo-philosophes de notre temps nous enseignent que l'Etat se propose de promouvoir les fins
morales de l'homme; mais cela n'est pas vrai, c'est plutôt
le contraire qui est vrai. La fin de l'homme —•)
expression parabolique — n'est pas qu'il agisse ainsi ou
autrement, car toutes les opéra opcrata, toutes les choses
faites, sont en elles-mêmes indifférentes. Non,] la fin est
que la volonté, dont chaque homme est un complet
spécimen, ou plutôt cette volonté même, se tourne où elle
doit se tourner ; que l'homme (l'union de la connaissance
et de la volonté) reconnaisse cette volonté, le côté
effrayant de cette volonté, qu'il se
r——\w i
PHILOSOPHIE DU DROIT
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117
reflète dans ses actions et dans leurs horreurs. L'Etat, qui ne
vise qu'au bonheur général, entrave les manifestations de la
volonté mauvaise, nullement la volonté elle-même, ce qui
serait impossible. C'est pour cette, raison qu'il est très rare
qu'un homme aperçoive toute] l'abomination de ses actes
dans le miroir de ceux-ci. Ou croyez-vous vraiment que
Robespierre, Bonaparte, l'empereur du Maroc, les assassins
que vous voyez rouer, soient seuls si méchants parmi tous
le» honi-J mes? Ne comprenez-vous pas que beaucoup
agiraient absolument comme eux, s'ils le pouvaient?
Maints criminels meurent plus tranquillement sur l'échafaud,
que maints innocents dans les bras des leurs. Ceux-là ont reconnu
leur volonté, et l'ont écar-|T~ tée. Ceux-ci n'ont pu l'écarter, parce
qu'ils n'ont jamais pu la reconnaître. Le but de l'Etat est de créer
un pays de Cocagne en opposition avec la véritable fin de la vie:
la connaissance de la volonté dans sa puissance terrible. Ï'J
Bonaparte n'était réellement pas pire que beaucoup
d'hommes, pour ne pas dire la plupart. Il était possédé du
très habituel égoïsme qui cherche son bonheur aux dépens
d'autrui. Ce qui le distingue, c'est simplement la force plus
grande avec laquelle il satisfaisait à cette volonté,
l'intelligence, la raison et le courage plus grands, et enfin le
champ d'action favorable que lui ouvrit le destin. Grâce à
tous ces avantages, il fit pour son égoïsme ce que des
milliers de gens voudraient bien faire pour le leur, mais ne
peuvent pas. Tout faible garçon qui se procure, par de
petites méchancetés, un mince avantage au détriment des
autres, si
11111
118
ÉTHIQUE, DBOIT ET POLITIQUE
peu grave que soit ce détriment, est aussi méchant que
Bonaparte.
Ceux qui se bercent de l'illusion qu'il y a une récompense après la mort, voudraient que Napoléon expiât
par des tortures indicibles les maux innombrables qu'il
a causés. Mais il n'est pas plus coupable que tous ceux
qui, ayant la même volonté, n'ont pas la même force.
Par le fait qu'il possédait cette force rare, il a révélé
toute la méchanceté de la volonté humaine ; et les souffrances de son époque, comme le revers de la médaille,
révèlent la misère inséparable de la volonté mauvaise,
dont l'apparition, dans son ensemble, est le monde luimôme. Mais la fin et le but du monde, c'est précisément
qu'on reconnaisse par quelle misère innommable la
volonté est liée à la vie, et ne fait en réalité qu'une avec
elle. L'apparition de Bonaparte contribue donc beaucoup à cette fin. Que le monde soit un fade pays de
Cocagne, ce n'est pas le but de cette apparition ; son
but, au contraire, c'est qu'il soit un drame où la volonté
de vivre se reconnaisse et s'écarte. Bonaparte est simplement un puissant miroir de la volonté humaine de
vivre. m La différence entre celui qui cause la
souffrance, et celui qui la subit, est seulement dans le
phénomène. Tout cela est une seule volonté de vivre,
identique à de grandes souffrances ; et la connaissance
de celles-ci peut détourner et faire cesser cette volonté.
B Le principal avantage qu'avait l'ancien temps sur le
nouveau, c'est peut-être que, jadis, « les paroles allaient
aux choses », pour employer l'expression de Bonaparte,
tandis que, maintenant, il n'en est pas ainsi. Je veux
PHILOSOPHIE DIT DROIT TV ""
119
dire ceci : dans l'aneien temps, le caractère de la vie
publique, de l'Etat et de la religion, comme celui de la
vie privée, était une affirmation énergique de la volonté
de vivre ; dans le temps nouveau, il est la négation de
cette volonté, puisque cette négation est le caractère du
christianisme. Mais maintenant on rabat en partie,
même publiquement, de cette négation, parce qu'elle
est trop en désaccord avec le caractère de l'humanité ;
on affirme secrètement en partie ce que publiquement
on nie. Aussi l'insuffisance et la fausseté se rencontrent-elles partout. Voilà pourquoi le temps nouveau
paraît si petit à côté de l'ancien.
La mort de Socrate et le crucifiement du Christ font
partie des grands traits caractéristiques de l'humanité.
La nature est plus aristocratique que tout ce que l'on
connaît sur la terre. Car chaque différence que le rang
ou la richesse en Europe, les castes dans l'Inde,
établissent entre les hommes, est petite en comparaison de la distance que la nature a irrévocablement établie sous le rapport moral et intellectuel ; et dans son
aristocratie, comme dans les autres, il y a dix mille
plébéiens pour un noble, des millions de ces gens-là
pour un prince ; quant à la grande masse, elle a nom
multitude, plebs, mob, rabble, la canaille.
Aussi ses patriciens et ses gentilshommes, soit dit en
passant, doivent-ils, aussi peu que ceux des gouvernements, se mêler à la racaille ; et plus ils sont
haut, plus ils doivent vivre à part et rester inaccessibles.
120
ÉTHIQUE, DROIT ET POttîIfJUB
On pourrait même considérer ces différences de rang
amenées par les institutions humaines, en quelque
sorte comme une parodie ou un faux remplacement
des différences naturelles. En effet, les signes extérieurs des premières, comme les témoignages de respect d'une part et les marques de supériorité d'autre
part, ne peuvent convenir et être appliqués sérieusement qu'à l'aristocratie naturelle', tandis que, en ce
qui concerne l'aristocratie humaine, ils ne peuvent
constituer qu'une apparence. Ainsi celle-ci est par
rapport à celle-là ce qu'est le clinquant à l'or, un roi
de théâtre à un roi véritable.
Toute différence de rang de nature arbitraire est
d'ailleurs reconnue volontiers par les hommes; la seule
qui ne le soit pas, c'est la différence de rang naturelle.
Chacun est prêt à reconnaître l'autre pour plus distingué ou plus riche que soi, et en conséquence à le vénérer; mais la différence infiniment plus grande que la
nature a mise irrévocablement entre les hommes, personne ne veut la reconnaftre. En matière d'intelligence, de jugement, de perspicacité, chacun se juge
l'égal de l'autre. Aussi, dans la société, sont-ce précisément les meilleurs qui ont le désavantage. Voilà
pourquoi ils évitent cette société.
Ce ne serait peut-être pas un mauvais sujet pour un
peintre, de représenter le contraste entre l'aristocratie
naturelle et l'aristocratie humaine. Par exemple, un
prince avec toutes les marques dislinctives de son rang
•J. Ils doivent môme dériver seulement de la constatation de
celle-ci, puisque tous paraissent indiquer bien autre chose
qu'une simple supériorité de puissance, pour la constatation de
laquelle ils n'ont manifestement pas été imaginés.
SU^UMflMii
PHILOSOPHIE DU DROIT
121
et une physionomie du dernier ordre, en conversation
avec un homme dont la figure révélerait la plus grande
supériorité intellectuelle, mais qui serait revêtu de
huilions.
Une amélioration radicale de la société humaine, et,
par là, des conditions humaines en général, ne pourrait
se produire d'une manière durable, que si l'on réglait la
liste des rangs positive et conventionnelle d'après la
nature. Ainsi les parias s'acquitteraient des occupations
les plus viles, les soudras se consacreraient aux
travaux purement mécaniques, les vaysias à la haute
industrie, et seuls les véritables tchatrias seraient
hommes d'Etat, généraux et princes ; quant aux arts et
aux sciences, ils ne seraient cultivés que par les
brahmines. Tandis qu'aujourd'hui la liste conventionnelle des rangs est bien rarement en accord avec
la liste naturelle, ou plutôt est fréquemment en
opposition criante avec elle. Mais, cela fait, on aurait
enfin une vita vilalis. Sans doute, les difficultés sont
incommensurables. Il serait nécessaire que chaque
enfant choisît sa vocation non d'après l'état de ses
parents, mais d'après l'avis d'un profond connaisseur
des hommes.
Agir par instinct, c'est là un acte que l'idée du but ne
précède pas, comme pour tout autre acte, mais au
contraire suit. L'instinct est par conséquent la règle a
priori d'un acte dont le but peut être inconnu, vu que
l'idée de celui-ci n'est pas nécessaire pour parvenir à
lai. Par contre, l'acte raisonnable ou intelligent obéit à
une règle que l'intelligence, conformément à l'idée d'un
bat, a trouvée elle-même. Aussi cette
122
ÉTITIQUE, DROIT ET POLITIQUE
règle peut-elle être erronée, tandis que l'instinct est1
infaillible1.
Il y a donc trois espèces d'à priori donnés :
4° La raison théorique, c'est-à-dire les conditions de
la possibilité de toute expérience ;
2° L'instinct, règle pour atteindre un but inconnu
favorable à mon existence matérielle ;
3° La loi morale, règle d'une action sans but.
1° L'acte raisonnable ou intelligent se produit d'après
une règle conformément à une idée de but ;
2° L'acte instinctif, d'après une règle sans idée de
but;
3° L'acte moral, d'après une règle sans but.
De même que la raison théorique est l'ensemble des
règles conformément auxquelles doit se dérouler toute
ma connaissance, c'est-à-dire tout le monde expérimental, ainsi l'instinct est l'ensemble des règles d'après
lesquelles doivent se dérouler tous mes actes, si nul
trouble ne survient. Aussi le nom de raison pratique
me semble-t-il le mieux approprié à l'instinct : car ce
nom détermine, comme la raison théorique, la mesure
de toute expérience.
La loi morale, au contraire, n'est qu'une vue unilatérale, prise du point de vue de l'instinct, de la conscience meilleure, qui gît au delà de toute expérience,
c'est-à-dire de toute raison, aussi bien théorique que
1. Dans le livre de Jacobi, lie» choses divines ■el de leur révélation, p. 18 (1811), on trouve un mélange de la conscience meilleure
avec l'instinct par un syncrétisme dont seul est capable un esprit aussi
antiphilosophicpio que Jacobi.
(Voir sur Jacobi la note d'Ecrivains jet style, p. 143.)
H
PHILOSOPHIE DO DROIT
■
123
pratique (instinct). Elle n'a rien à faire avec celle-ci, excepté
quand, par suite de son union mystérieuse avec elle en un
seul individu, elles se rencontrent toutes deux, ce qui laisse
à l'individu le choix d'être ou raison, ou conscience
meilleure.
Veut-il être raison : il sera, comme raison théorique, un
philistin ; comme raison pratique, un coquin.
Veut-il être conscience meilleure : nous ne pouvons rien
dire positivement de plus sur lui. car notre assertion réside
dans le domaine de la raison ; nous pouvons donc seulement
dire ce qui se passe dans celui-ci, en ne parlant que
négativement de la conscience meilleure. La raison éprouve
donc alors un trouble : nous la voyons écartée comme
théorique, et remplacée par le génie; nous la voyons écartée
comme pratique, et remplacée par la vertu. La conscience
meilleure n'est ni pratique ni théorique : car ce ne sont là que
des divisions de la raison1. Si l'individu se place encore au
point de vue du choix, la conscience meilleure lui apparaît
du côté où elle a écarté la raison pratique (vulgà, l'instinct)
comme loi impérative. comme obligation. Elle lui apparaît,
ai-je dit, c'est-à-dire qu'elle reçoit cette forme dans la raison
théorique, qui transforme tout en objets et en notions. Mais
en tant que la conscience meilleure veut écarter la raison
théorique, elle n'apparaît pas à celle-ci, purce que, dès
qu'elle se manifeste ici, la raison théorique se trouve subordonnée et ne sert plus que celle-là. Voilà pourquoi le
1. Voir, sur l'apriorild de l'instinct, Platon dans son Philèbe.i
Elle lui apparaît comme le souvenir d'une chose qu'on n'a pas
encore éprouvée. De même, dans le Phédon et ailleurs, tout
savoir est pour lui un souvenir ; il n'a pas d'autre mot pour
exprimer l'a priori avant toute expérience.
1
124
Il I
ETHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
génie ne peut jamais rendre compte de ses propres
œuvres.
Dans la moralité de nos actes, le principe juridique :
audienda et altéra pars, ne peut pas valoir ; c'est-à-j dire
que la sensualité et l'égoïsme n'ont pas le droit de se faire
entendre. Ce principe sera plutôt, dès que la volonté pure
8e sera exprimée : née.audienda altéra J pars.
HHI
Au sujet de la misère humaine, il y a deux dispositions
opposées de notre âme.
Dans l'une, la misère humaine nous affecte directement, elle se prend a notre propre personne, à notre
propre volonté, qui veut violemment et toujours est
brisée, ce qui précisément constitue la souffrance. La
conséquence, qui se manifeste dans tous les affects et
toutes les passions, c'est que la volonté veut toujours plus
violemment, et ce vouloir de plus en plus fort alleint sa
fin seulement là où la volonté se détourne et est
remplacée par une complète résignation, c'est-à-dire par
la délivrance. Celui qui se trouve en plein dans la
disposition décrite, verra avec envie le bonheur des
autres, et sans sympathie leurs souffrances.
Dans la disposition opposée à celle-ci, la misère—
humaine se présente à nous seulement comme connaissance, c'est-à-dire directement. La contemplation de la
souffrance des autres est prédominante, et détourne notre
attention de notre propre souffrance. Dans lai personne des
autres nous percevons la souffrance humaine, nous
sommes remplis de compassion, et le résultat de celte
disposition est la bienveillance univer-
1
PHILOSOPHIE DU DROIT
125
selle, l'amour des hommes. Toute envie a disparu, et
nous sommes heureux de constater, à sa place, chez
ces hommes torturés, un léger adoucissement, une
légère joie.
Il y a de même, au sujet de la méchanceté et de la
perversion humaines, deux dispositions opposées. I
Dans l'une, nous percevons directement la méchanceté
chez les autres. De là naissent l'indignation, la haine et le
mépris de l'humanité.
Dans l'autre, nous percevons indirectement la
méchanceté chez nous-mème. De là nait l'humilité, et
même la contrition.
Pour juger la valeur morale de l'homme, il est très
important de savoir lesquelles de ces quatre dispositions prédominent en lui par couples (à savoir une de
ehaque division). Dans les très excellents caractères,
c'est la seconde de la première division et la seconde
de la suivante qui prédomineront.
De même que le corps humain le plus beau recèle dans
son intérieur des ordures et des odeurs méphitiques , le
plus noble caractère a des traits méchants, et le plus
grand génie des traces de petitesse et de folie-Toutes
les règles générales sur l'homme et les prescriptions a
son usage ne sont pas suffisantes, parce qu'elles
partent de la fausse supposition d'une nature tout à fait
ou à peu près semblable chez tous les hommes, point
de vue qu'a même établi expressément la philosophie
d'Helvétius. Or, la diversité originelle des individus
sous le rapport intellectuel et moral, est
incommensurable
ïï-iw i»v
-
126
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
' |
La question de la réalité de la morale est celle-ci :
Y a-t-il véritablement un principe fondé, opposé au
principe de l'égoïsme ?
Puisque l'égoïsme limite au propre individu seul le|_
souci du bonheur, le principe opposé devrait étendre ce
souci à tous les autres individus.
La racine du méchant caractère et du bon consiste,
autant que nous pouvons la suivre par la connaissance,
en ce que la conception du monde extérieur et particulièrement des êtres animés, selon qu'ils sont plus
semblables au propre « moi » de l'individu, est accompagnée, dans le méchant caractère, d'un constant: «Pas
moi I pas moi ! pas moi I »
Dans le bon caractère, —- nous supposons le bon
caractère, comme le mauvais, développé à un haut degré,
— la base fondamentale de cette conception est au
contraire un : « Moi ! moi 1 moi ! » constamment senti,
d'où résultent bienveillance envers tous les hommes,
intentions secourables à leur égard, et en même temps
disposition d'âme gaie, rassurée, tranquillisée. C'estla.
disposition contraire qui accompagne le caractère
méchant.
Mais tout ceci n'est que le phénomène, quoique saisi -à
la racine. Ici se présente le plus^difficile de tous les
problèmes : d'où vient, étant données l'identité et l'unité
métaphysique de la volonté comme chose en soi,
l'énorme diversité des caractères ? la méchanceté
diabolique de l'un ? la bonté d'autant plus surprenante - 1
de l'autre ? Par quoi ceux-là ont-ils été Tibère, Cali-gula,
Caracalla, Oomitien, Néron ? ceux-ci, les Anto- j nins,
Titus, Adrien, Nerva, etc. D'où provient une diver-
■
PHILOSOPHIE DIT DROIT
127
site semblable dans les espèces animales ? même chez
les individus des races animales supérieures ? La
méchanceté de la race féline, développée le plus fortement chez le tigre? La malice perfide du singe? La
bonté, la fidélité, l'amour du chien? de l'éléphant? etc.
Le principe de la méchanceté est manifestement le
même chez l'animal que chez l'homme.
Nous pouvons atténuer un peu la difficulté du pro-!
blême, en remarquant que toute cette diversité ne concerne finalement que le degré, et que les inclinations
fondamentales, les instincts fondamentaux existent au
complet dans tout être vivant, mais seulement à un
degré et en rapports très différents. Gela toutefois ne
suffit pas.
Gomme explication, il nous reste seulement l'intellect et son rapport avec la volonté. L'intellect, toutefois,
n'est nullement en rapport direct avec la bonté du
caractère. Nous pouvons, il est vrai, dans l'intellect
même, distinguer de nouveau l'intelligence comme
conception de rapports d'après le principe de la raison,
et la connaissance apparentée au génie, indépendante
de cette loi, le principium individuationis, pénétrante,
plus directe, qui conçoit aussi les idées : c'est celle qui
se rapporte au moral. Mais l'explication à ce sujet laisse
aussi beaucoup encore à désirer. « Les beaux esprits
sont rarement de belles âmes », a remarqué justement
Jean-Paul; ils ne sont jamais non plus l'inverse. Bacon
de Vérulam, qui fut moins, il est vrai, un bel esprit
qu'un grand esprit, était un coquin.
J'ai allégué comme principium individuationis le
temps et l'espace, vu que la multiplicité des choses
homogènes n'est possible que par eux. Mais la multi-
128
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
plicité est aussi hétérogène ; elle et la diversité ne sont
pas seulement quantitatives, elles sont aussi qualitatives. D'où provient la dernière, surtout au point de
vue éthique ? Serais-je par hasard tombé dans la faute
opposée à celle de Leibnitz, quand il établit son identitas indiscernibilium?
La diversité intellectuelle a sa raison première dans
le cerveau et le système nerveux, et, par là, est un peu
moins obscure : intellect et cerveau sont appropriés
aux besoins de l'animal, par conséquent à sa volonté.
Chez l'homme seul se trouve parfois, par exception, un
excédent, qui. lorsqu'il est fort, donne le génie.
Mais la diversité éthique semble provenir directement de la volonté. Autrement elle ne serait pas non
plus hors du temps, vu que l'intellect et la volonté sont
réunis seulement dans l'individu. La volonté est hors
du temps, éternelle, et le caractère est inné, donc sorti
de cette éternité ; conséquemment, on ne peut l'expliquer par rien d'immanent.
Peut-être, après moi, quelqu'un viendra-t-il éclairer
et illuminer cet abime.
C'est seulement parce que la volonté n'est pas assujettie au temps, que les blessures de la conscience sont
incurables ; les souffrances qu'elles infligent ne s'apaisent pas peu à peu, comme les autres. Au contraire,
une mauvaise action continue à oppresser la conscience,
au bout d'un grand nombre d'années, avec la même
force que lorsqu'elle était récente.
Comme le caractère est inné, que les actions sont
seulement ses manifestations, que l'occasion de grands
PHILOSOPHIE DU DROIT
<29
méfaits ne se présente pas souvent, qu'on recule devant
des raisons opposées, que nos sentiments se révèlent à
nous-mêmes par des désirs, des idées, des affecls qui
restent inconnus pour les autres, —• on pourrait penser
qu'un homme a jusqu'à un certain point une mauvaise
conscience innée, sans avoir commis de grandes
méchancetés.
L'homme, en se confondant avec son objet immédiat,
en se reconnaissant comme un être dans le temps, en
croyant être devenu et devoir passer, ressemble à un
individu qui, debout sur le rivage, regarde les flots et
s'imagine nager lui-même, tandis que ceux-ci restent
immobiles ; et cependant il reste en repos, et les flots
seuls s'écoulent.
De même que nous n'entendons d'un orchestre qui se
prépare à jouer une superbe musique, que des sons
confus, des accords fugitifs, par intervalles des morceaux qui commencent, mais ne s'achèvent pas, bref,
des notes composites de tout genre, ainsi, dans la vie, !
transparaissent seulement des fragments, de faibles
accords, des commencements et des échantillons inachevés de félicité, d'état satisfait, apaisé, riche en soi,
qui se manifeste hors de la confusion de l'ensemble.
Et quelque morceau qu'un musicien de l'orchestre
entame, il doit l'abandonner, car ce morceau n'est pas à
sa place ; ce n'est pas le vrai morceau, le grand et beau
morceau qui doit venir.
Rien de plus sot que de railler les contes de Faust et
d'autres, qui se sont donnés au diable. La seule chose ;
SoaoruiAvn. — Kthiiiuc.
9
130
ETHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
fausse dans ces histoires, c'est qu'elles ne parlent que
de quelques individus, alors que nous sommes tous
dans le même cas et avons conclu le même pacte.
Nous vivons, peinons horriblement pour maintenir j
notre vie, qui n'est qu'un long délai entre la sentence
du juge et l'exécution du condamné ; nous engraissons
le délinquant qui doit néanmoins finir par être pendu ;
nous jouissons, et, pour tout cela, nous devons mourir
; pour tout cela, nous sommes soumis à la mort, qui
n'est pas une plaisanterie, mais une douloureuse
certitude ; elle est réellement la mort pour tous les
êtres terrestres, pour nous comme pour les animaux,
pour les animaux comme pour les plantes, comme
pour tout état de la matière. Il en est ainsi, et la conscience empirique raisonnable n'est vraiment capable
d'aucune consolation. En revanche aussi, les tourments
éternels après la mort sont une chose dépourvue de
sens, aussi bien que la vie éternelle : car l'essence du
temps, du principe même de la raison, dont le temps
n'est qu'une forme, est précisément qu'il ne peut rien
y avoir de fixe, de persistant, que tout est passager,
que rien ne dure. « La substance persiste », disent
quelques-uns. Mais liant leur répond : « Elle n'est pas
une chose en soi, elle n'est qu'un phénomène ». III
veut dire : elle n'est que notre représentation, comme
toute chose connaissable ; et nous ne sommes ni une
substance, ni des substances.
Quand j'écrase une mouche, il est bien clair que je
n'ai pas tué la chose en soi, mais seulement son phénomène.
PHILOSOPHIE DU DROIT
131
Je ne puis m'empècher de rire, quand je vois ces
hommes réclamer sur un ton assuré et hardi la continuation, à travers l'éternité, de leur misérable individualité. Que sont-ils autre chose, en effet, que les
pierres à face humaine emmaillotlées qu'on voit avec
bonheur Kronos dévorer, tandis que seul le vrai et
immortel Zeus, à l'abri des atteintes de celui-ci, grandit
pour régner éternellement?
L'unique témoin des mouvements et des pensera les
plus secrets de l'homme, c'est la conscience. Mais cette
conscience, il doit un jour la perdre, et il le sait ; et
c'est peut-être ce qui le pousse avant tout à croire qu'il
y a encore un autre témoin de ses mouvements et de
ses pensers les plus secrets.
L'homme est une médaille où est gravé d'un côté : «
Moins que rien », et, de l'autre : « Tout en tout ».
De même, tout est matière, et en même temps tout
est esprit. (Volonté et représentation.)
De même, ai-je toujours été et serai-je toujours ; et
en même temps je suis éphémère comme la Heur des
cbamps.
De même, la seule chose vraiment persistante est la
matière ; et, en même temps, seulement la forme. La
scolastique forma dat esse rei doit être modifiée ainsi :
{rei) dat forma essentiam, materta exislen-l tiam.
De même, il n'existe en réalité que les idées ; et, en
même temps, seulement les individus. (Réalisme, nominalisme.)
De même, le dieu de la mort, Yama, a deux visages ;
l'un féroce, l'autre infiniment aimable.
lia
■
19'CS** V
OMC exister
Ba«rT CI rfUTHCl
d'astres
la vraie pèdwpf4ie seele est
5* lesprrt de respéce i|si aû'iee wn aMMtstB s*expn-eaa es
iAoei chue*, as fies de sexrrisaer ~~Ib.kasle pme de lear
Jtkaaeat M parie, «| [laaaaa^-ses cft a* asrabsles idéaks. fae
4e éternels JaspiraFifta déstesaisa, 4e prs£-daae niasse sus
termes, d~sse iHkâîé Jde fidélité êtcraeUe. et «ai céltaec ea
soéîat-j-âsssss arperc^liçaes les pafes des desls de la
déesse «■'•as adc«e, les rase* de se* j«aea, le soleil de jeax,
laifeâbe de ssas scia, ses doas iatelkctadaT çiaaires. ete- —
cette feaafe poésie se trsdamit à près ea ces tersses :
busos. — Jessadrai* fane eadeaa 4 «a iadBvâiaâi la
aéaêrasiaa fetere, et je craie qse ta psanais lai
■!W.1J?sj et se '"23 sse smiit.
Ga&ac- — J'ai la saérss jateaiina. et je crois sae ta
poserais Iri daaaer ce «se je aai pas. VoyoasdJ
Dansa*. — Je lai doaae aae saste ataiare et la pjnx
aMucaSaire: lasas ai Foaeai laatre.
fin m' 1> lui IIIMIIIIL IIIJIIL LIIIMII nijenlin'ili il ni IHTII petits
pïeis ; la s as ai lase ai les astres .
Damas. — Je lai doaae eae fiae pesa Uaacae, «se ta a'as
pas.
Caud. —Je lai
des efasseex et des veax l
ta
Daraxt*. — Je la: dense «a aez samba
PHILOSOPHIE DU DROIT
133
GHLOE. — Je lui donne -une petite bouche.
DAPHXIS. — Je lui donne du courage et de la bonté
d'âme, qu'il ne pourrait tenir de toi.
GHLOE. — Je lui donne un front haut et bien modelé,
l'esprit et l'intelligence, qu'il ne pourrait tenir de toi.
DAPUNIS. — Taille droite, bonnes dents, santé solide,
voilà ce qu'il reçoit de nous deux. Vraiment, tous deux
ensemble nous pouvons douer en perfection l'individu
futur. Aussi je te désire plus que toute autre femme.
GHLOE. — Et moi aussi je te désire.
Plus on a d'esprit, plus l'individualité est déterminée;
plus sont déterminées aussi, par conséquent, les
exigences relatives a l'individualité de l'autre sexe
répondant à celle-ci. D'où il suit que les individus
spirituels sont particulièrement appropriés à l'amour
passionné.
Par un vœu monastique religieusement observé, ou
par n'importe quelle négation de la volonté de vivre,
l'acte d'affirmation qui a fait entrer l'individu dans
l'existence, est supprimé.
Celui qui affronte la mort pour sa patrie a triomphé
de l'illusion qui limite l'existence à la propre personne.
Il l'étend è l'amas d'hommes de sa patrie (et par là à
l'espèce) dans lequel il continue à vivre.
II en est de même à l'occasion de chaque sacrifice fait
dans l'intérêt des autres: on élargit son existence jusqu'à l'espèce, — quoique, pour l'instant, seulement à
une partie de cette espèce, celle qu'on a précisément
sous les yeux. La négation de la volonté de vivre pro-
134
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
vient en tout premier lieu de l'espèce. Aussi les professeurs d'ascétisme, quand on professe celui-ci, tiennentils les bonnes œuvres, et plus encore les cérémonies
religieuses, pour inutiles et indifférentes.
Les caprices résultant de l'instinct sexuel sont tout à
fait analogues aux feux follets. Ils produisent la plus
vive illusion. Qu'on les suive, ils nous conduisent dans le
marécage, et s'évanouissent.
'H aXaÇoveta TT)Ç -Jjoovîjs.
(L'illusion du plaisir).
"
Les illusions que nous apprêtent les désirs erotiques
sont comparables à certaines statues qui, par suite de
l'endroit où elles se dressent, sont destinées à n'être vues
que de face ; alors elles sont belles, tandis que, de dos,
elles offrent un vilain aspect. Il en est ainsi du mirage de
l'amour. Tant que nous l'avons en perspective, tant que
nous le voyons venir, c'est un paradis de volupté; mais
quand il est passé et que nous le contemplons par
derrière, il se montre comme une chose futile,
insignifiante, même répugnante.
SUR L'ÉDUCATION
D'après la nature de notre intellect, les idées doivent
naître, par abstraction, de nos perceptions ; celles-ci
doivent donc être antérieures à celles-là. Quand cette
marche est réellement suivie, comme c'est le cas chez
celui qui n'a eu d'autre précepteur et d'autre livre que
sa propre expérience, l'homme sait parfaitement
quelles sont les perceptions qui se trouvent sous chacune de ses idées et que celles-ci représentent; il connaît exactement les unes et les autres, et il les applique
avec justesse à tout ce qui se présente à lui. Nous pouvons donner à cette marche le nom d'éducation naturelle.
Au contraire, dans l'éducation artificielle, les racontages, les enseignements et les lectures bourrent la tête de
notions, avant l'existence de tout contact un peu sérieux
avec le monde visible. On compte que l'ex-/ périence
amènera plus tard les perceptions qui confirmeront toutes
ces notions ; mais, en attendant, celles-ci • sont
appliquées à faux, et, en conséquence, les choses et les
hommes sont faussement jugés, vus sous un faux jour,
maniés de travers. Il advient ainsi que l'éducation produit
des tètes biscornues. Voilà comment, dans
136
RTHIOCB, DROIT ET POUTIQGB
notre jeunesse, après avoir beaucoup appris et la, nous
entrons souvent dans le monde d'un air à la fois niais
et drôle, et nous y montrons tantôt inquiets, tantôt
présomptueux. C'est que nous avons la cervelle pleine
de notions que nous nous efforçons maintenant
d'appliquer, mais que nous appliquons presque toujours mal. C'est le résultat de ce fanprfv «poripovqui,
par un procédé directement opposé au développement
naturel de notre esprit, place les notions avant les perceptions. Les éducateurs, en effet, au lieu de reconnaître chez l'enfant les facultés elles-mêmes, de les
juger et de songer à les développer, ne s'appliquent
qu'à lui bourrer la tète d'idées étrangères et toutes faites.
Il s'agit plus tard de corriger par une longue expérience tous ces jugements nés d'une fausse application
des notions ; et cela réussit rarement Voilà pourquoi |
si peu de lettrés possèdent le sain bon sens qu'on
trouve si fréquemment chez les illettrés.
Il résulte de ce que je viens de dire que le point capital de l'éducation serait d'entreprendre par le bon bout
la connaissance avec le monde, but véritable de toute
éducation. Il faut avant tout, pour cela, qu'en chaque
chose la perception précède la notion, la notion étroite
la notion plus large, et que l'enseignement tout entier
s'effectue dans l'ordre présupposé par les notions des
ehoses. Dès qu'un anneau manque à cette chaîne, il en
résulte des notions défectueuses, qui amènent des
notions fausses, puis, à la fin, une vue du monde viciée
individuellement, comme presque chacun la promène
longtemps dans sa tète, et la plupart des gens,
toujours. Celui qui s'examine lui-même décou-
SUS L EDUCATION
137
vrira que la compréhension nette ou claire de maintes
choses et de maints rapports passablement simples ne lui est
venue que dans un âge très mûr, et parfois soudainement.
C'est qu'il y avait jusque-là, dans sa connaissance du monde,
un point obscur produit par une lacune de l'objet au temps
de sa première éducation, que celle-ci ait été artificielle,
donnée par les hommes, ou simplement naturelle, basée sur
l'expérience individuelle.
On devrait donc chercher à établir logiquement la série
naturelle des connaissances, pour initier ensuite
méthodiquement, d'après elle, les enfants aux choses et aux
rapports du monde, sans laisser entrer dans leurs tètes des
sornettes dont souvent ils ne parviennent pas à se
débarrasser. 11 faudrait avant tout veiller à ce que les
enfants n'emploient pas de mots auxquels ils n'associent
aucune notion claire1. Mais le point capital serait toujours
que les perceptions précédassent les notions, au lieu de
l'inverse, comme c'est le cas aussi habituel que regrettable,
analogue à celui de l'enfant qui vient au monde les jambes
les premières, ou du vers qui étale d'abord sa rime. Alors
que l'esprit de l'enfant .est tout à fait dépourvu de
perceptions, on lui inculque déjà des notions et des
jugements, de véritables préjugés ; cet appareil tout préparé
devient ensuite la source de ses perceptions et de ses
expériences, tandis qu'il devrait déduire celles-là de cellesci.
i. La plupart des enfanta ont déjà la malheureuse tendance
de se contenter des mots et de les apprendre par cœur, afin de
se tirer d'affaire par leur aide, le cas échéant, au lieu de chercher à comprendre les choses. Cette tendance subsiste par la
suite et fait que le savoir de beaucoup de gens instruits n'est
qu'un simple verbiage.
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
La perception est multiple et riche, mais non comparable
en brièveté et'en rapidité à la notion abstraite qui vient
bien vite à bout de tout; aussi ne rectifiera-t-elle que
tardivement, ou peut-être jamais, ces notions préconçues.
Qu'un homme constate, en effet, que la réalité des
choses contredit l'idée qu'il s'est faite de celles-ci, il
rejettera pour l'instant cette évidence comme
insuffisante, il la niera, il se fermera les yeux pour ne pas
la voir : il ne prétend pas que sa notion préconçue
subisse un démenti. Ainsi il advient .que beaucoup
d'êtres humains traînent avec eux toute leur vie un tas de
sornettes, de caprices, de fantaisies, d'imaginations et de
préjugés qui vont jusqu'à l'idée fixe. Ils n'ont jamais
essayé de tirer à leur propre usage des notions
approfondies de perceptions et d'expériences, parce qu'ils
ont reçu leurs idées toutes faites; voilà ce qui les rend,
eux et tant d'autres, si plats, si terre à terre. Aussi
conviendrait-il de maintenir dans l'enfance, pour
remédier à ce danger, la marche naturelle de l'éducation
appuyée sur la connaissance. Aucune notion ne devrait
être inculquée autrement que» par la perception, tout au
moins sans avoir confirmé celle-ci. L'enfant recevrait
alors un petit nombre de notions, mais approfondies et
exactes. 11 apprendrait à juger les choses d'après sa
propre mesure, et non d'après celle des autres. Puis il
échapperait à mille caprices et à mille préjugés dont
l'extirpation exige la meilleure partie de l'expérience et de
l'école de la vie subséquentes. Son esprit s'habituerait
pour toujours à la profondeur, à la clarté, au jugement
personnel et à l'indépendance.
Les enfants devraient d'ailleurs connaîtreja vie^soujL^
138
SUR L'EDUCATION
139
chaque rapport, d'abord par l'original, et seulement ensuite
par la copie. Ainsi donc, au lieu de se hâter de ne leur donner
que des livres, il faudrait les initier par degrés aux choses et
aux circonstances humaines. Qu'on prenne soin avant tout de
leur inculquer une conception nette de la réalité et de les
amener à toujours puiser directement leurs notions dans le
monde réel et à les former d'après cette réalité ; mais qu'ils
n'aillent pas les chercher ailleurs, dans les livres, les contes,
les discours d'autrui, pour les transporter ensuite toutes faites
dans la réalité. Gela reviendrait à dire que, la tête pleine de
chimères, ils concevraient, d'une part, faussement celle-ci,
s'efforceraient inutilement, d'autre part, de la modeler d'après
ces chimères, et tomberaient dans des erreurs théoriques ou
même pratiques. Car on aurait peine à croire quel mal font
les chimères implantées de bonne heure, et les préjugés qui
en résultent. L'éducation postérieure, qui nous vient du
monde et de la vie réelle, doit être principalement consacrée
à leur extirpation. C'est le sens d'une réponse d'Antisthène,
qu'enregistre Diogène Laerce (Vies des philosophes,
liv.IV.chap. vu) : âp«ix-ç,0«ç tiiûv fxaOij|Mfrôv|
dvaY*xfo'EOTOV) Ecpvj, « -cô xaxa àïtoftâOeïv ». (Comme on lui
demandait quelle était la discipline la plus nécessaire: c'est
de désapprendre les choses mauvaises, dit-il). I
Comme les erreurs sucées de bonne heure sont en général
indéracinables, et que le jugement ne mûrit qu'en tout
dernier lieu, il faut épargner aux enfants jusqu'à seize ans
toutes les études qui peuvent contenir une grande somme
d'erreurs, philosophie, religion, vues générales de toute
nature, et ne leur laisser cultiver
I
mi
Hé êé Hi
140
I
KTIIIOt'E, ÔBOIT ET POLITIQUE
que les matières où les erreurs sont impossibles, comme les
mathématiques, ou peu dangereuses, comme les langues, les
sciences naturelles, l'histoire, etc. ; en un mot, seulement les
branches de savoir accessibles à chaque âge et que celui-ci
peut comprendre. L'enfance J I et la jeunesse sont le temps
propre à recueillir des faits et à apprendre les détails
spécialement et à fond ; par contre, le jugement en général
doit rester encore en suspens, et les explications ultimes
doivent être ajournées. Il faut laisser reposer le jugement,
qui présuppose maturité et expérience, et se garder
d'anticiper son action, en lui insufflant des préjugés qui le
para- | lyseraient à jamais.
Par contre, la mémoire ayant dans la jeunesse sa
plus grande force et sa plus grande ténacité, c'est à
elle qu'il faut avant tout recourir ; mais avec le plus
grand soin, après desréflexions scrupuleuses.Les choses
qu'on a bien apprises dans la jeunesse ne s'oubliant
jamais, on devrait s'efforcer de tirer de cette disposition
précieuse le plus grand profit possible. Si nous nous
rappelons combien sont profondément enracinées dans
notre mémoire les personnes que nous avons connues
dans les douze premières années de notre vie; combien
sont indélébiles les événements de ce temps-là et la
majeure partie des choses que nous avons alors faites,
entendues, apprises, c'est une idée toute naturelle de H
fonder l'éducation sur cette réceptivité et cette ténacité
de l'esprit juvénile; il s'agit de diriger avec une sévé
rité méthodique et systématique toutes les impressions
vers ces deux propriétés.
»,
Mais les années de jeunesse accordées à l'homme sont
courtes, et la capacité de la mémoire, surtout de
SUR L'EDUCATION
444
la mémoire individuelle, est limitée ; le mieux serait donc de
remplir celle-ci de ce qu'il y a de plus essentiel et de plus
important en tout ordre de choses, en excluant tout le reste.
Ce sont les cerveaux les plus capables et les maîtres en
chaque spécialité qui devraient entreprendre un jour ce
choix, et l'établir après mûre réflexion. Il devrait s'appuyer
sur l'examen de ce qui est nécessaire à l'homme en général,
et à chaque métier en particulier. Les connaissances de la
première espèce devraient être ensuite partagées en cours
gradués, ou encyclopédies, adaptés au degré de culture
générale qu'on est en droit d'attendre de chacun, dans les
conditions où il est placé ; ces cours partiraient de l'enseignement primaire indispensable, et s'étendraient jusqu'à tous
les objets traités en philosophie. Quant aux connaissances de
la seconde espèce, elles resteraient au choix des vrais
maîtres en chaque branche. Le tout donnerait un canon
spécial de l'éducation intellectuelle, lequel aurait besoin, il
est vrai, d'être revisé tous les dix ans. Ces arrangements
auraient pour conséquence d'utiliser de la manière la plus
avantageuse la puissance juvénile de la mémoire, et de
fournir une base excellente au jugement qui se développera
plus tard.
La maturité de la connaissance, c'est-à-dire la perfection
à laquelle celle-ci peut atteindre en chaque individu,
consiste en l'existence d'une correspondance exacte entre
toutes ses notions abstraites et ses perceptions. Gela signifie
que chacune de ses notions repose, directement ou
indirectement, sur une base d'observation qui lui donne
seule une réelle valeur ; et aussi qu'elle est apte à placer
chaque perception qui se
142
ÉTHIQCE. D*0*T Kf pjtTTIffCt
^9
•
*
présente sons la notion exacte qui loi appartient. La
maturité est l'oearre de l'expérience seule, et par conséquent du temps. Cemme.nous acquérons le plus souvent séparément nos connaissances perceptibles et nos
connaissances abstraites, les premières par la voie
naturelle, les secondes par les bons et mauvais enseignements et par les communications des autres, il y a
d'ordinaire dans la jeunesse peu d'accord et d'union entre
nos notions, fixées par de simples mots, et notre
connaissance réelle, obtenue par la perception. C'est
seulement au fur et à mesure que celles-là et celle-ci se
rapprochent, et se corrigent mutuellement ; ce n'est
toutefois que quand leur union est tout à fait complète,
que la connaissance est mûre. Celte maturité est
absolument indépendante d'une autre espèce de perfection, celle plus ou moins grande des facultés d'un
chacun. Cette dernière perfection repose non sur la
cohésion de la connaissance abstraite et de la connaissance intuitive, mais sur le degré d'intensité de tontes
deux.
Pour l'homme pratique, l'étude la plus utile est Fac- J
quisition d'une connaissance exacte et approfondie du
train des choses de ce monde. Mais cette étude est aussi la
plus pénible, puisqu'on peut la prolonger jusqu'à un âge
très avancé, sans jamais arriver au bout ; tandis que, en
matière de sciences, on possède dès la jeunesse les
données les plus importantes. L'enfant et I l'adolescent ont
sons ce rapport, en leur qualité de novices, les premières
et les plus dures leçons à subir; mais il arrive souvent que
même l'homme mûr a encore beaucoup à apprendre.
• SIM» 'tïlDOCAï/OH
143
Celte difficulté déjà grande eh elle-même est encore
doublée par les romans, qui représentent un état de
choses et un cours d'événements humains* n'existant
pas dans la réalité. Or, la jeunesse accepte ces idées-là
avec sa crédulité habituelle, et elles deviennent une
part de son esprit. Ainsi, à la place d'une ignorance
simplement négative, on a tout un tissu de fausses
présuppositions, erreur positive qui déconcerte ensuite
jusqu'à l'école de l'expérience elle-même, et fait apparaître ses enseignements sous un faux jour. Si, auparavant, le jeune homme marchait dans les ténèbres, il
est maintenant égaré encore par des feux-follets. La
jeune fille l'est souvent encore plus. Les romans out
créé chez eux toute une fausse vue de l'existence et
éveillé des attentes qui ne peuvent être remplies. Ceci
exerce très fréquemment la plus fâcheuse influence sur
leur vie entière. A ce point de vue, ceux qui dans leur
jeunesse n'ont pas trouvé le temps ou l'occasion de lire
des romans, comme les ouvriers, par exemple, ont un
avantage décidé. Il y a peu de romans à excepter de ce
reproche, ou qui aient, surtout, un effet opposé. Citons
au premier rang Gil Blas et les autres œuvres de Le
Sage (ou plutôt leurs originaux espagnols), puis le
Vicaire de Wahefield, et une partie des romans de
Walter Scott. Don Quichotte peut être regardé comme
une démonstration satirique en règle de l'erreur à
laquelle je fais ici allusion.
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUE!
Chaque animai, et spécialement l'homme, a besoin,
pour pouvoir exister et prospérer dans le monde, d'une
certaine conformité et proportion entre sa volonté et son
intellect. Plus la nature les aura établies d'une façon
exacte et juste, plus sa course à travers le monde sera
légère, assurée, agréable. En attendant, un simple*
rapprochement vers le point exact suffît déjà à le protéger contre la destruction. Il y a, par conséquent, une
certaine latitude entre les limites de l'exactitude et de la
proportion dudit rapport. La norme valable est la
suivante : l'intellect ayant pour destination d'éclairer et
de guider les pas de la volonté, plus l'impulsion intime
d'une volonté sera violente, impétueuse et passionnée,
plus l'intellect qui lui est adjoint sera accompli et clair. Il
en est ainsi pour que la violence de la volonté et de
l'effort, l'ardeur des passions, l'impétuosité des affects
n'égarent pas l'homme, ou ne l'entraînent pas à des
actions inconsidérées, mauvaises, périlleuses : ce qui
résulterait infailliblement d'une Volonté violente
associée à un faibje intellect. D'autre part, un caractère
flegmatique, c'est-à-dire une volonté faible et molle, peut
se tirer d'affaire avec un mince
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
145
intellect : une volonté modérée a besoin d'un intellect
modéré. En général, une disproportion entre la volonté
et l'intellect, c'est-à-dire chaque écart de la proportion
normale indiquée, tend à rendre l'homme malheureux ;
et le même fait se produit, si la disproportion est renversée. Ainsi le développement anormal et trop puissant de l'intellect, et sa prédominance tout à fait
disproportionnée sur la volonté, qui constituent l'essence du génie, ne sont pas seulement superflus pour
les besoins et les fins de la vie, mais leur sont directement préjudiciables. Gela signifie que, dans la jeunesse,
l'excessive énergie avec laquelle on conçoit le monde
objectif, accompagnée par une vive fantaisie et dépourvue d'expérience, rend la tête accessible aux idées
exagérées et même aux chimères;d'où résulte un caractère excentrique, et même fantasque. Et si, plus tard,
après les leçons de l'expérience, cet état d'esprit a
disparu, le génie, dans le monde ordinaire, et dans la
vie bourgeoise, ne se sentira néanmoins jamais aussi
complètement chez lui, ne prendra jamais aussi nettement position et ne cheminera aussi à l'aise, que la tête
normale j il commettra même plutôt souvent
d'étranges méprises. Car l'homme ordinaire se sent si
parfaitement chez lui dans le cercle étroit de ses idées
et de ses vues, que personne ne peut y [avoir prise sur
lui, et sa connaissance reste toujours fidèle à son but
originel, qui est de servir la volonté ; cette
connaissance s'applique donc constamment à ce but,
sans jamais extravaguer. Le génie, au contraire, ainsi
que je l'ai démontré autre part, est au fond un
monstrum per excessum ; juste comme, à rebours,
l'homme passionné «t violent, dépourvu d'intelliScHOPENKAUIR. — KUliqUBj
40
146
I
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
gence, le barbare sans cervelle, est un monslrum per
defeclum.
La volonté de vivre, qui forme le noyau le plus intime
de tout être vivant, se manifeste de la façon la moins
dissimulée, et se laisse en conséquence le plus nettement
observer, chez les animaux supérieurs, c'est-à-dire les
plus intelligents. Car, au-dessous de ceux-ci, elle
n'apparaît pas encore nettement, elle a un degré moindre
d'objectivation ; mais, au-dessus, c'est-à-dire chez
l'homme, à la raison est associée la réflexion, et à celle-ci
la faculté de dissimuler, qui jette bien vite un voile sur
elle. loi ce n'est donc plus que dans les explo-" sionsdes
affects et des passions.qu'elle se manifeste sans masque.
C'est pourquoi la passion, chaque fois qu'elle
r
élève la voix, trouve créance, quelle que soit sa nature, et
avec raison. Pour la même cause, les passions sont
Ile thème principal des poètes et le cheval de parade
•des comédiens. La manifestation de la volonté de vivre
explique aussi le plaisir que nous causent les chiens,
les chats, les singes, etc. ; c'est la parfaite naïveté
de tous leurs actes qui nous charme tant.
,
H Quelle jouissance particulière n'éprouvons-nous pas à
voir n'importe quel animal vaquer librement à sa
besogne, s'enquêter de sa nourriture, soigner ses petits,
s'associer à des compagnons de son espèce, etc., en
restant absolument ce qu'il est et peut être ! Ne fût-ce
qu'un petit oiseau, je puis le suivre de l'œil longtemps
avec plaisir. Il en est de même d'un rat d'eau, d'une
grenouille, et, mieux encore, d'un hérisson, d'une belette,
d'un chevreuil ou d'un cerf. Si la vue des animaux nous
charme tant, c'est sur-
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
147
t.mit_ parue q"n_ nous» goûtons une satisfaction à voir
devant nous notre propre être si simplifié.
If y a seulement une créature mentensn - l'homme.
Chaque autre créature est vraie et sincère, car elle se
montre telle qu'elle est et se manifeste comme elle * se
sent. Une expression emblématique ou allégorique de
cette différence fondamentale, c'est que tous les
animaux se manifestent sous leur forme naturelle ; cela
contribue beaucoup à l'impression si heureuse que cause
leur vue. Elle fait toujours battre mon cœur de joie,
surtout si ce sont des animaux en liberté. L'homme, au
contraire, par son vêtement, est devenu une caricature,
un monstre; son aspect, déjà repoussant pour ce motif,
l'est plus encore par la pâleur qui ne lui est pas
naturelle, comme par toutes les suites répugnantes
qu'amènent l'usage contre nature de la viande, les
boissons spiritueuses, les excès et les maladies.
L'homme se tient là comme une tache dans*la nature !
— C'est parce que les Grecs sentaient toute la laideur
du vêtement, qu'ils le restreignaient à sa plus juste
mesure.
L'angoisse morale occasionne des battements de
cœur, et les battements de cœur occasionnent l'angoisse
morale. Chagrin, souci, agitation de l'âme ont une
[action déprimante sur les fonctions de la vie et les
rouages de l'organisme, qu'il s'agisse de la circulation
du sang, des sécrétions, de la digestion. Des causes
physiques paralysent-elles au contraire ou désorganisent-elles d'une façon quelconque ces rouages, qu'il
s'agisse du cœur, des intestins, de la veine porte, des
vésicules séminales, on voit s'ensuivre les préoccupa-
448
ÉTHIQUE, DBOIT ET POLITIQUE
tions, les caprices et les chagrins sans objet, c'est-à-dire
l'état qu'on nomme hypocondrie. De.même, par exemple,
la colère se manifeste par des cris, une attitude énergique, des gestes violents; mais ces manifestations physiques accroissent de leur côlé cette passion, ou la
déchaînent à la moindre occasion. Je n'ai pas besoin de
dire combien tout ceci conOrme ma doctrine de l'unité et
de l'identité de la volonté avec le corps ; doctrine d'après
laquelle le corps n'est autre chose que la volonté ellemême se représentant dans la perception du cerveau,
envisagée sous le rapport de l'espace.
Maints actes attribués à la force de l'habitude reposent
plutôt sur la constance et l'immuabililc du caractère
originel et inné; en vertu de ces conditions, dans les
circonstances analogues nous faisons toujours la même
chose, qui se produit par conséquent avec la même
nécessité la première fois que la centième. La véritable
force de l'habitude, au contraire, repose sur l'indolence,
qui veut épargner à l'intellect et à la volonté le travail, la
difficulté, et aussi le danger d'un choix immédiat, et qui
nous fait en conséquence faire aujourd'hui ce que nous
avons déjà fait hier et cent fois, en sachant que l'on
atteint ainsi son but.
Mais la vérité de ce fait a des racines plus profondes;
car on peut l'expliquer d'une façon plus précise qu'il
n'apparaît au premier aspect. La force d'inertie appliquée
aux corps qui ne peuvent être mus que par des moyens
mécaniques, devient force d'habitude quand elle est
appliquée aux corps qui sont mus par des motifs. Les
actions que nous accomplissons par pure habitude
s'effectuent en réalité sans motif individuel, isolé.
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
149
spécialement propre à ce cas ; aussi ne pensons-nous
pas en réalité à elles. Ce sont seulement les premières
actions, passées en habitude, qui ont eu un motif; le
contre-effet secondaire de ce motif est l'habitude actuelle, qui suffit à permettre à l'action de continuer.
C'est ainsi qu'un corps, mis en mouvement par une
poussée, n'a pas besoin d'une nouvelle poussée pour
poursuivre son mouvement; si rien n'arrête celui-ci, il
se poursuivra à jamais. La même règle s'applique aux
animaux : leur dressage est une habitude imposée. Le
cheval traîne tranquillement sa voiture, sans y être
contraint ; ce mouvement qu'il exécute est l'effet des
coups de fouet qui l'y forcèrent au début ; cet effet s'est
perpétué sous forme d'habitude, conformément à la loi
de l'inertie. Tout ceci est réellement plus qu'une simple
comparaison. C'est déjà l'identité de la volonté à des
degrés très différents de son objectivation, en vertu
desquels la même loi du mouvement prend des formes
si différentes.
Viva muchos aïlos ! C'est le salut habituel en Espagne, et sur toute la terre on a coutume de souhaiter aux
gens une longue vie. Ceci s'explique non par la
connaissance qu'on a de la vie, mais au contraire par la
connaissance qu'on a de l'homme d'après sa nature : la
volonté de vivre.
Le désir que nourrit chaque homme qu'on se souvienne de lui après sa mort, et qui s'élève chez les
grands ambitieux jusqu'à l'aspiration à la gloire
posthume, me semble né de l'attachement à la vie.
Quand on voit qu'il faut dire adieu à l'existence réelle,
on s'accroche à la seule existence encore pos-
siWe, qaoiqae uniquement idéale, c'est-à-dire à
ombre.
Xous désirons plus ou moins ea terminer avec tout
ee que usas faisons ; nous somme* impatienta d'en
finir, et heareax d'en avoir fini.
Cest seulement la fin
générale, la fia de
i—les k d'ordinaire r aussi él
Haye néparatioa donne aa avant -goût 4e la mort. |
et chaque nouvelle teacontie na avant-goût de la
résarreetion. Ceci explique que même des cens indifférents les ans ans antres se réjouissent tellement, |
quand, au bout de vingt ou trente ans. ils se retrouvent
ensemble.
La profonde douleur que nous fait éprouver la mort
d'an ami, provient du sentiment qa'en chaque individa
il vaquelque chose d'indéfinissable, de propre à fan
seul, et, par conséquent., d'absolument irréparable.
Omme indiridmmm ineffabUe. Ceci s'applique I même à
ranimai. Cent ce qu'ont pu constater ceux qai j ont
blessé mortellement, par hasard, an animal aimé, et
reçu son regard d'adieu, qui TOUS cause une dou-!Jear
infinie.
II peut arriver que nous regrettions, même longtemps après, la mort de nos ennemis et de nos adversaires presqae aussi virement que celle de nos amis :
c'est quand noas voudrions les avoir pour témoins de
■
i
(^ rannoujîejoudaiiie d"aa êïéuea^IJlêi
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
151
puisse facilement provoquer la mort, cela résulte du fait
que notre bonheur et notre malheur dépendent
seulement du rapport proportionnel^ entre nos exigences et notre situation matérielle. En conséquence, les
biens que nous possédons, ou sommes sûrs de posséder,
ne nous apparaissent pas comme tels, parce que toute
jouissance n'est en réalité que négative, et n'a d'autre
effet que de supprimer la douleur; tandis que, au
contraire, la douleur (ou le mal) est réellement positive
et sentie directement. Avec la possession, ou la
certitude de celle-ci, nos prétentions s'accroissent
immédiatement et augmentent nos désirs d'une possession nouvelle et de perspectives plus larges. Mais si
l'esprit est déprimé par une infortune continuelle, et nos
exigences rabaissées à un minimum, les événements
heureux imprévus ne trouvent pas de terrain où prendre
pied. N'étant neutralisés par aucune exigence antérieure,
ils agissent maintenant d'une manière qui semble
positive, et, par conséquent, avec toute leur force; ils
peuvent ainsi briser l'âme, c'est-à-dire devenir mortels.
De là les précautions connues que l'on prend pour
annoncer un événement heureux. D'abord on le fait
espérer, puis chatoyer aux yeux, ensuite connaître peu à
peu et seulement par portions; car chaque partie, ainsi
précédée d'une aspiration, perd la force de son effet, et
laisse place à plus encore. On pourrait donc dire que
notre estomac n'a pas de fond pour le bonheur, mais
qu'il a une entrée étroite. Gela ne s'applique pas de
même aux événements malheureux 1 soudains;
l'espérance se cabre toujours contre eux, cei qui les rend
beaucoup plus rarement mortels. Si la* crainte, en
matière d'événements heureux, ne rend pas
152
BTHIQCR, DROIT ET POLITIQUE
un service analogue, c'est que, instinctivement, nous
sommes plus enclins à l'espérance qu'à l'inquiétude. C'est
ainsi que nos yeux se tournent d'eux-mêmes vers la
lumière et non Vers les ténèbres.
t
Espérer, c'est* confondre le désir d'un événement avec
sa probabilité. Mais peut-être pas un seul homme n'est-il
affranchi de cette folie du coeur, qui dérange pour
l'intellect l'estimation exacte de la probabilité à j un degré
tel, qu'il en vient à regarder une chance sur mille comme
un cas très possible. Et cependant un événement
malheureux sans espoir ressemble à la mort brusque,
tandis que l'espoir, toujours désappointé et toujours
vivace, est comme la mort à la suite d'une lente torture '.
Celui qui a perdu l'espérance a aussi perdu la crainte :
c'est le sens du mot « désespéré ». II est naturel pour l'homme de croire ce qu'il désire, et de le croire
parce qu'il le désire. Si cette particularité bienfaisante
de sa nature vient à être déracinée par des coups durs et
répétés du destin, et s'il en arrive à | croire, an rebours, que
ce qu'il ne désire pas arrivera, 1 et que ce qu'il désire
n'arrivera jamais, précisément parce qu'il le désire, il se
trouve dans l'état qu'on a nommé le « désespoir ».
f
Que nous nous trompions si souvent au sujet des
1. L'espérance est un état auquel concourt tout notre être,
c'est-à-dife volonté et intellect : celle-là, en désirant son_ objet:
celui-ci, en le supputant comme vraisemblable- Plus forte est la
part du dernier facteur et plus faible celle du premier, et
mieux l'espérance s'en trouve; dans le cas inverse, c'est le
contraire.
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
153
autres, cela n'est pas toujours la faute de notre jugement; la raison doit en être cherchée d'ordinaire dans
cette remarque de Bacon, que intellectus luminis sicci
non est, sed recipit infusionem a vôlurilale et affectibus-, à notre insu, en effet, nous sommes, dès le commencement, influencés pour eux ou contre eux pat des
bagatelles. Gela provient souvent aussi de ce que nous
ne nous en tenons pas aux qualités que nous découvrons réellement chez eux, mais concluons de celles-ci
à d'autres que nous regardons comme inséparables de
celles-là, ou incompatibles avec elles. Ainsi, par
exemple, nous concluons de la générosité à la justice;
de la piété à l'honnêteté; du mensonge à la tromperie;
de la tromperie au vol, etc. Cela ouvre la porte à
beaucoup d'erreurs, par suite, d'une part, de l'élrangeté
des caractères humains, de l'autre, de l'étroitesse de
notre point de vue. Sans doute, le caractère est toujours conséquent et cohérent, mais les racines de
toutes ses qualités sont trop profondes pour qu'on
puisse décider, d'après des faits isolés, lesquelles, dans
un cas donné, peuvent ou non exister ensemble.
Le mot personne, employé dans toutes les langues i
-européennes pour désigner l'individu humain, est!
inconsciemment caractéristique; car persona signiOe à I
proprement parler un masque de comédien. Or, nul I
être humain ne se montre tel qu'il est, mais chacun/
porte un masque et joue un rôle.
*
Toute la vie sociale est fl"aj|lBuirH nnj», fiftmédje perpéluelle. Cela la rend insipide pour les gens intelligents; tandis que les imbéciles v trouvent beaucoup d
agrément.
154
ÉTHIQUE, DROIT Et POLITIQUE
Il nous arrive assez facilement de raconter des choses
qui pourraient avoir pour nous des résultais dangereux;
mais nous nous gardons bien de parler de ce qui pourrait
nous rendre ridicules. C'est qu'ici l'effet suit de près la
cause.
Une injustice subie déchaîne chez l'homme naturel une
soif ardente de vengeance, et l'on a souvent répété que la
vengeance est douce. Ceci est confirmé par les nombreux
sacrifices faits simplement pour la goûter, et sans
intention aucune d'obtenir une réparation. La perspective
certaine d'une vengeance raffinée, imaginée à son heure
suprême, adoucit pour le centaure Nessus l'amertume de
la mort!. La même idée, présentée sous une forme plus
moderne et plus plausible, fait le fond de la nouvelle de
Bertolotti1, Les deux si.eui'S, qui a été traduite en trois
langues. Wal ter Scott exprime en paroles aussi justes
qu'énergiques le penchant de l'homme à la vengeance : «
Revenge is j
•1. Est-il bien nécessaire de rappeler que Nessus, en mourant de la
flèche que lui avait lancée Hercule, donna à Déjanire, femme de ce
héros, sa tunique comme un talisman qui devait lui ramener son
époux, s'il devenait infidèle, et qui, empoisonnée, occasionna au Gis
de Jupiter, des souffrances tellement atroces, qu'il y mit fin en se
précipitant sur le bûcher qu'il avait | préparé de ses propres mains sur
le mont CE ta?
[Le trad.)
2. Bertolotti (Oavide). né à Milan, fut poète tragique et] lyrique,
nouvelliste, historien, biographe, auteur de guides de voyages, etc.
Son activité littéraire s'étend de la fin de l'Empire au règne de LouisPhilippe. La nouvelle à laquelle fait allusion Schopenhauer a été
traduite en français, sous ce titre -..L'Indienne, ou les funestes effets de
la jalousie, dans un petit volume de Romans et nouvelles, 1824, Paris,
in-12.
{Le trad.)
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
153
the stoeelesl morsel to the mouth, that ever ions coo-ked in
hell ' ».
Je vais essayer maintenant d'expliquer psychologiquement la vengeance.
Toutes les souffrances qui nous sont imposées par la
nature, le hasard ou le destin, ne sont pas aussi
douloureuses, cœleris paribu». que celles qui nous sont
infligées par l'arbitraire des autres. Cela provient de ce que
nous regardons la nature et le destin comme les maîtres
originels du monde, et comprenons que les coups qu'ils nous
ont portés peuvent être également portés à tout autre. Aussi,
dans les cas de souffrances dérivées de ces sources,
déplorons-nous plus le sort commun de l'humanité que notre
propre sort. Au contraire, les souffrances infligées par
l'arbitraire des autres sont une addition amère, d'une nature
toute spéciale, à la douleur ou au tort causés : elles impliquent la conscience de la supériorité d'autrui, soit en force,
soit en ruse, vis-à-vis de notre faiblesse. Le tort causé peut
être réparé par un dédommagement, lorsque celui-ci est
possible; mais celle addition amère : « Il me faut subir cela
de toit », souvent plus douloureuse que le tort même, ne
peut être neutralisée que par la vengeance. En causant de
notre côté du dommage, par force ou par ruse, à celui qui
nous a nui, nous montrons notre supériorité sur lui et
annulons par là la preuve de la sienne. Cela donne à l'âme la
satisfaction à laquelle elle aspirait. En conséquence, là où il
y a beaucoup d'orgueil ou de vanité, il y aura une ardente
1. « La vcnKoaneo est pour la bouche lo plu» suave morceau
qui ait jamais olû cuit un enfer ».
'.U-
CT«K>CX. DSOÏT ET KiUTIûrs
soif de vengeance- Mais chaque désir accompli occasionne plus ou moins de désillusion, et cela est vrai i
aussi de la vengeance. Le plaisir que nous en attendions nous est le plus son vent empoisonné par la
pitié. Oai. la vengeance qu'on a exercée déchirera
ensuite fréquemment le coeur et torturera la conscience.
Son motif n'agissait plus, et nous restons en face do
témoignage de notre méchanceté.
La souffrance du désir inaccompli est faible, comparé* à celle da repentir. Car celle-là a devant elle ï'aveaàr toujours ouvert et incommensurable; celle-ci, le
passé irrévocablement fermé.
La patieoce — patienti* en latin, mais particulièremeat le sufrimuemio espagnol — vient da mot souffrir;
elle indique par conséquent passivité, le contraire de
r&elîvité de l'esprit, avec laquelle, lorsque celle-ci est
grande, elle est difficilement compatible. La patieoce
eut la vertu innée des flegmatiques, comme celle des
gens dont l'esprit est indolent ou pauvre, et des fem
mes. Que néanmoins elle soit si utile et si nécessaire,
cela indique que le monde est tristement fait.
9
L'argent est la
sorte que celui qui
1 lui donne tout suacuearj
«
La base de l'entêtement, c'est que la volonté s'est
imposée aa lie* de la connaissance.
La morosité et la mélancolie sont fort éloignées l'une
de l'autre. U y a beaucoup moins loin de la
OBSERVATIONS PSTCllOLOniOCt»
157
gaieté a la mélancolie, que de la morosité à celle-ci.)
La mélancolie attire; la morosité repousse
L'hypocondrie ne nous torture pas seulement sans
raisons au sujet des choses présentes; elle ne nous remplit pas seulement d'une angoisse sans motifs au sujet
do malheurs imaginaires dans l'avenir; elle nous tourmente encore par des reproches immérités sur nos
actions dans le passé.
L'effet le plus direct de l'hypocondrie, c'est de rechercher constamment des motifs d'irritation ou de
tourment. La cause en est une dépression morbide
intérieure, à laquelle se joint souvent un trouble intérieur qui provient du tempérament. Quand tous deux
atteignent lu plus haut degré, lu résultat est lu suicide.
J'ai cité, dans mon chapitre sur Y Ethique, eu vers de
Juvénal :
Qunntulacunque adcoest occasio, sofflcit ira)'.
Je vais l'expliquer plus en détail.
La colère provoque immédiatement un mirage consistant en un agrandissement monstrueux et en une
distorsion non moins monstrueuse de la cause qui lui
a donné naissance. Or, ce mirage à son tour accroît la
colore, et, en vertu de cette colère accrue, s'agrandit
encore lui-même. Ainsi s'augmente continuellement
l'action réciproque, jusqu'à eu qu'elle aboutisse au
furur ©rerts.
Les personnes vives, dès qu'elles commencent à
1. Voir plus haut, pugtj
158
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITÏQCK
s'irriter, devraient chercher à prendre sur elles de prévenir cette « fureur brève », de façon à n'y plus penser
pour le moment. Si, en effet, la chose leur revient à
l'esprit une heure après, elle sera loin de leur paraître
aussi grave, et bientôt peut-être ils l'envisageront comme
insignifiante.
La haine concerne le cœur; le mépris, la tête. Le « moi
» n'a aucun des deux en son pouvoir. Son cœur est
immuable et est mû par des motifs, et sa tête juge d'après
des règles invariables et des faits objectifs. Le « moi »
est simplement l'union de ce cœur avec cette tète, le
Çsîîyu.a.
Haine et mépris sont en antagonisme décidé et s'excluent. Mainte haine n'a même d'autre source que le
respect qu'on ressent pour les mérites d'autrui. D'autre
part, si l'on voulait haïr tous les misérables coquins, on
aurait fort à faire. On peut les haïr à son aise en bloc. Le
véritable mépris, qui est l'envers du véritable orgueil,
reste absolument secret et ne laisse rien apparaître. Celui
qui laisse apparaître son mépris donne en effet déjà par
là une marque de quelque estime, en voulant faire savoir
à l'autre le peu de cas qu'il fait de lui ; il trahit ainsi de la
haine, qui exclut le mépris et l'affecte simplement. Le
véritable mépris, au contraire, est la -pure conviction du
manque de valeur de l'autre ; il est compatible avec les
égards et les ménagements, par lesquels on évite, pour
son propre repos et pour sa propre sécurité, d'exaspérer
celui qu'on méprise; car tout individu peut vous nuire.
Mais que ce pur mépris froid et sincère vienne une fois à
se manifester, il y sert répondu par la haine la plus san-
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
159
glante, TU l'impossibilité où est l'individu méprisé d'y
faire la même réponse.
Chaque événement qui nous transporte dans un état
d'esprit désagréable, y produira, même s'il est très
insignifiant, un contre-coup qui, tant qu'il dure, est
préjudiciable à la conception claire et objective des
choses et des circonstances. Toutes nos idées en subissent l'action, de même qu'un objet très petit, mis directement sous nos yeux, limite et dénature notre champ
visuel.
Ce qui rend les hommes durs de cœur, c'est que chacun croit avoir assez à supporter avec ses propres peines,
ou du moins se l'imagine. Aussi un état de bonheur
inaccoutumé a-t-il pour effet de développer chez la plupart des êtres humains des sentiments de sympathie et
de bienfaisance. Mais un état de bonheur durable, qui
a toujours existé, produit souvent l'effet contraire. Il
les rend si étrangers à la souffrance, qu'ils ne peuvent
plus y prendre part. Delà vient que les pauvres se
montrent parfois plus secourables que les riches.
Ce qui, d'autre part, rend les hommes si curieux,
comme nous le voyons à la façon dont ils épient et espionnent les actions des autres, c'est le pôle de la vie
opposé à la souffrance, — l'ennui; quoique l'envie contribue souvent aussi à cette curiosité.
Celui qui veut se rendre compte de ses sentiments
sincères envers une personne, n'a qu'à prendre garde à
l'impression qu'une lettre de cette personne, arrivée
tout à coup par la poste, produit sur lui à première vue.
H setBÈfe riiaàt «fœe ae«s ««sans d s ee ~è.—£ teceps
rrr; : ze :ir*f- cl ç^W] œêœs 5K»3s lèyaaàsssss et s&as
attnsSsss eat Ï£SBge«i*i ait trmwiL Si —«s iffm, f) aie. rater
sar sfejc-ste <fad Iniaia aa* èfweai* 4ecè-aicctbfw&l esa
très i»;-:cuaa — asas4asar-lir «ictenesx.
SSCES
sc«kufccae
«C »f»t temi<s le wat 4e s» teaae.
^aair* ces »c«s I i£itecâass.«gs£ <* i
«S* BOBS Fs?e^iî3 et ac*s afgiggga. à S*
iass: g«r ïâ chase. 4~aa« part.
caa&arie a** rees. et» 4e raaftnt.
la feare àmpariilr, 4*àsr»e. «ai aa
ries: fi££-
H
Es forai cas. «V*x awrfifr £2SSES5 «casse** «s rèfe-Ule sa
m&ES : aa piss faii. assis eieècaè. — le 4ësir | c* sMScsur
Téfcccve, «"arriver 4 rae shxùea; «t «s pSas fiiaH_ sus
■aafrwfcé. — le êesàr «"«Oc r-:«r fÏBâsEl cai repc<&, cl
ccatââfwata**; ea ssaee a&êrieae <âs rm>Un «jse rèStîT
berrâ4>»a«àras«rrissa*aarfVatfaw gtasàfetk-- i
prWsil4«aKiâaaia>ic»lcccjaîseacW«àtaaafc| q*x*L.étxs
mett* eaaaas nadai «ajel p*&^\ ctagnac^tBcsgRtieBi«iylfl8£
gsa*i, I
Laracsfw ÏXSS: a éreàt àêtre faïaW «t p«v«*««e -eBe aaas
pcè-peaâr <em eâei raneaâr. ceauae resùtat cl eaVtate **tre
ceaâaïte actae&e. Qk se rrrte 4aac par j bàa*«sl<aarea
a«àle,caua4 I» apaèti&s 4ela aa-j lapée, ks traasperts 4e la
tu liai «s Ses aariteli—r 4e
rfxmuMiamt aaas tami.
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
164
Le cours et les événements de notre vie individuelle
peuvent être comparés, quant à leur sens et à leur connexion véritables, aune mosaïque grossière. Tant qu'on
la regarde de tout près, on ne reconnaît pas très bien les
objets représentés et l'on ne se rend compte ni de leur
importance ni de .leur beauté; ce n'est qu'à quelque
distance que l'une et l'autre apparaissent. De même,
nous ne comprenons souvent la véritable connexion
des événements importants de notre propre vie ni pendant qu'ils se déroulent, ni un peu plus tard, mais
seulement assez longtemps après.
En est-il ainsi parce que nous avons besoin des verres grossissants de l'imagination? ou parce que l'ensemble ne se laisse saisir que de loin? ou parce que les
passions doivent être refroidies? ou parce que l'école
de l'expérience mûrit seule notre jugement?—-IPeutêtre pour toutes ces raisons à la fois. Ce qui est certain,
c'est que la véritable lumière ne se fait sou-vent dans
notre esprit sur les actions des autres, parfois même sur
les nôtres, qu'après de nombreuses années. Et ce qui se
passe en notre vie se passe aussi dans l'histoire.
II en est de l'état du bonheur humain comme le plus
souvent de certains groupes d'arbres. Vus de loin, ils
paraissent admirables ; les examine-t-on de tout près,
celte beauté disparaît. On ne sait pas ce qu'elle est
devenue, et l'on se trouve entre des arbres. Voilà d'où
vient que nous envions si souvent la situation d'autruj.
Pourquoi, en dépit de tous les miroirs, ne connaissons-nous pas exactement notre figure, et ne pouvonsJjciiopFKiiAveii. — Éthique. •
11
162
ETHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
nous représenter à notre imagination notre propre personne, comme nous faisons pour toute personne connue?
Une difficulté qui s'oppose, dès le premier pas, au yvwOi
GsauTôv (connais-toi toi-même).
Cela provient incontestablement en partie de ce qu'on ne
se voit jamais dans le miroir que le regard droit et
immobile, ce qui fait que le jeu si important des yeux, et
avec lui la véritable caractéristique de la face, sont à peu
près complètement perdus. A cette impossibilité physique
semble aussi se joindre une impossibilité éthique de
nature analogue. On ne peut jeter sur sa propre image,
dans un miroir, un regard étranger, condition nécessaire
pour se voir soi-même objectivement. Ce regard repose en
effet, en dernière analyse, sur Pégoïsme moral, avec son «
non moi » profondément senti ; et ceux-ci sont
indispensables pour percevoir au point de vue purement
objectif et sans défalcation toutes les défectuosités, ce qui
seul laisse apparaître le tableau fidèle et vrai. Au lieu de
cela, l'égoïsme en question nous murmure constamment, à
l'aspect de notre propre personne dans le miroir : « Ce
n'est pas un autre, mais moi-même », qui a l'effet préventif
d'un i noli tne tangere, et met obstacle à la vue purement
objective, qui ne parait pas possible sans un grain de
malice.
Personne ne sait quelles forces il porte en lai pour
souffrir et pour agir, tant qu'une occasion ne vient pas les
mettre en jeu. C'est ainsi qu'on ne voit pas avec quelle
impétuosité et quel vacarme l'eau tranquille et unie de
l'étang se précipite soudainement du rocher, ou comme
elle est capable de jaillir en haut sous forme
P
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
163
de fontaine; ni qu'on ne soupçonne la chaleur latente
dans l'eau glacée.
L'existence inconsciente n'a de réalité que pour les
autres êtres dans la conscience desquels elle se représente ; la réalité directe résulte de la conscience propre.
Par conséquent, l'existence individuelle réelle de
l'homme réside avant tout dans saconscience. Celle-ci,
comme telle, est nécessairement une conscience représentante, qui résulte de l'intellect, de la sphère et de la
matière de l'activité de celui-ci. Les degrés de clarté de
la conscience, par conséquent de réflexion, peuvent
donc être envisagés comme les degrés de réalité de
l'existence. Or, ces degrés de réflexion, ou de conscience
claire1 de sa propre existence et de celle d'autrui, sont
peut-être, dans la race humaine elle-même, émoussés
de nombreuses façons, selon lamesure des forces intellectuelles naturelles, du développement de celles-ci, et
des loisirs réservés à la pensée.
Quant à la diversité réelle et primordiale des forces
intellectuelles, il est assez difficile d'établir entre elles
une comparaison, tant qu'on les considère dans leur
ensemble et qu'on ne les examine pas en détail-; car
cette diversité ne peut être embrassée de loin, et elle
n'est pas non plus aussi distincte extérieurement que les
différences de développement, de loisir et d'occupation.
Mais, pour s'en tenir à celles-ci, il faut avouer que tel
homme a un degré d'existence au moins décuple à&-\
celle d'un autre, qu'il vit dix fois autant.
Je ne parlerai pas ici des sauvages, dont l'existence
n'est souvent que d'un degré supérieure à celle;ile*
singes qui vivent sur leurs arbres; mais que l'on è\a-
164
ETHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
mine seulement le cours de la vie ê'un portefaix dej Naples
ou de Venise. (Dans le Nord, la préoccupation de l'hiver
rend déjà l'homme plus réfléchi et plus sérieux). Harcelé
par le besoin, porté par sa propre force, pourvoyant par le
travail aux nécessités du jour, même de l'heure, beaucoup
de fatigues, agitation constante, misères infinies, nul souci
du lendemain, repos bienfaisant succédant à l'épuisement,
querelles fréquentes avec les autres, pas un instant pour
penser, jouissance sensuelle dans les climats doux et avec
une nourriture supportable, et, pour finir, comme élément
métaphysique, une couche d'épaisse superstition religieuse
: en résumé, donc, un genre de vie-passablement émoussé
sous le rapport conscient. Ce rêve agité et confus constitue
l'existence de nombreux millions d'êtres humains. Us
connaissent uniquement en vue de leur volonté présente ;
ils ne réfléchissent pas à la connexion de leur existence, à
plus forte raison à celte de l'existence même ; ils sont en
quelque sorte là sans vraiment s'en apercevoir. Aussi
l'existence du prolétaire dont la vie s'écoule sans penser, ou
celle de l'esclave, se rapproche-t-elle déjà beaucoup plus
que la nôtre de celle de l'animal qui est limité tout entier au
présent ; mais, pour cette raison même, elle est moins
douloureuse. Oui, toute jouissance, en vertu de sa nature,
étant
négative,
c'est-à-dire
consistant
dans
l'affranchissement ] d'un besoin ou d'une peine, la
succession alternative et rapide des misères actuelles, avec
leur terminaison, qui accompagne constamment le travail
du prolétaire 1 et s'affirme en dernier lieu par le repos et la
satisfaction des besoins de celui-ci, est une source
perpétuelle de jouissance, dont porte témoignage certain la
gaieté
UMUfATNiM rMCaaUMilgCI*
16$
qui se lit infiniment pins fréquemment mm se risoge
dea pauvres que sur celui des riches
I
Examine» ensuite le marchand ■•M*, réSéchi. qui
passe M vie è spéculer* exécute arec prudence des projets 1res eudacieni. fonde M waisai. pourvoit an»
heaume de ?a frimne, rie ta* entants et de aie deseca»
riants, et pr#n.J aeaaé une part active « la chose pubis»
•!»•• : il eal ananifeatesneat beaucoup plu conacieal
kjue le précèdes!, ■•eal .t lire que son eaisteoce a un
plus haut degré de réalité.
l'uisvoyes l'érudil, qui <-(udie, par csraipis, l'hiakHrlu passé. Celui ci eat déjà pleioeoieat conscient de]
Faxisteftee, H l'élève au deaeae dsj temps esj il ttt, |ft*
rieaaas de g* propre personne : tl niédjte sur le cours
ris» choses ria «a momie
M
ht finalement l« ports, ou même la philoawphe, ebes
lequel la reHesioo a atteint la degré ou, non satisfait
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:> conscience a grandi eaj lui jusqu'à* degré de clarté
•ii aile eal sVveeew conaessew* universelle; la reprêrapport, m sécréta rie la vulanM, H offre è esai !
rase par laquelle une» ^«noterons an tel homme
s» la peae réel rie toaa ». aura un sens et une
■*«* !•*# DOIBU inL»*r*
166
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
Ce vers d'Ovide :
Pronaque cum speclent animalia cetera terrain *,
ne s'applique en réalité, au sens physique, qu'aux animaux ; mais, au sens figuré et intellectuel, il s'applique
malheureusement aussi à la plupart des hommes. Toutes
leurs idées, pensées et aspirations s'ont tendues vers la
jouissance et le bien-être matériels, ou vers l'intérêt
personnel, dont la sphère renferme toutes sortes de
choses qui ne tirent leur importance que de leurs rapports
avec celui-ci ; ils ne s'élèvent pas plus haut. C'est ce que
témoignent non seulement leur manière de vivre et leur
conversation, mais leur seul aspect, leur physionomie et
son expression, leur tournure, leurs gestes. Tout chez eux
crie : in terrain prona!\ Ce n'est donc pas à eux, mais
seulement aux natures nobles et bien douées, aux
hommes qui pensent et s'interrogent véritablement, qui
apparaissent comme des exceptions parmi leur race, que
s'appliquent les vers suivants :
Os homini sublime dédit, cœlumque tueri
Jussit, et erectos ad sidéra tollere vultus *.
Pourquoi le mot a commun » est-il une expression de
mépris ? les mots « non commun », « extraordinaire », «
distingué », des expressions d'approbation ?
1. « Tandis que les autres animaux ont la face courbée vers
la terre... »
2. « ".% (Le fils de Japhet) donna à l'homme un front élevé, lui]
ordonna de contempler les ci eux et de lever ses regards vers les
astres ».
Ovide, Métamorphoses, livre I, chap. i".
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
467
Pourquoi tout ce qui est commun est-il méprisable?
« Commun » signifie originellement ce qui est propre et
commun à toute l'espèce, c'est-à-dire ce qui est inné en elle.
Voilà pourquoi celui qui n'a pas d'autres qualités que celles
de l'espèce humaine, est un « homme commun ». «Homme
ordinaire » est une expression beaucoup plus douce et qui
concerne davantage l'in-tellectualité, tandis qu' « homme
commun » concerne plutôt le moral.
Quelle valeur peut bien avoir un être qui n'est rien de plus
que des millions de son espèce? Des millions? Bien plutôt
une infinité, un nombre incommensurable d'êtres que la
nature fait jailliréternellement, in sœcula sœculorum, de sa
source intarissable, avec la prodigalité du forgeron dont le
marteau fait voler de toutes parts des étincelles.
Il devient même évident qu'un être qui n'a pas d'autres
qualités que celles de l'espèce, n'a pas non plus de droits à
une autre existence qu'à celle de l'espèce et qui est
conditionnée par elle.
J'ai expliqué plus d'une fois que, tandis que les animaux
ont seulement le caractère générique, l'homme, lui seul, a le
caractère individuel proprement dit. Néanmoins, chez le
plus grand nombre, il n'y a en réalité qu'une petite part
d'individualité ; ils se laissent presque tous classifier. Ce
sont des espèces '. Leur volonté et leur penser, comme leurs
physionomies, sont ceux de l'espèce entière, en tout cas de
la classe d'hommes à laquelle ils appartiennent, et voilà
pourquoi tout cela est trivial, banal, commun, tiré à des
milliers d'exem1. En français clans le texte
168
BTHIQUE, l'HOÎT IT POUTIQTJI
plaires. On peut prévoir aussi à l'avance, en général,
ce qu'ils (liront et feront. Ils n'ont pas d'empreinte propre : c'est une marchandise de fabrique.
De même que leur être, leur existence aussi ne doitelle pas être absorbée dans celle de l'espèce? La malédiction du caractère commun rabaisse l'homme, sous ce
rapport, au niveau de l'animal.
Il va de soi que tout ce qui est élevé, grand, noble
par nature, restera à l'état isolé dans un monde où l'on
n'a pu trouver, pour désigner ce qui est bas.et méprisable, une expression meilleure que celle indiquée
par moi comme généralement employée : «commun ».
La volonté, comme la chose en soi, est la matière
commune de tous les êtres, l'élément courant des
choses ; nous la possédons par conséquent en commun
avec tous les hommes et avec chacun, même avec les
animaux, et à un degré plus bas encore. En elle, à ce
point de vue, nous sommes donc égaux à chacun ; car
toute chose prise dans son ensemble ou en détail, est
emplie de volonté et en déborde. Par contre, ce qui
élève un être au-dessus d'un être, un homme au-dessus
d'un homme, c'est la connaissance. Aussi elle seule,
autant que possible, devrait-elle apparaître dans nos
manifestations. Car la volonté, propriété absolument
commune à tous, est aussi « le commun ». Toute
affirmation violente de sa part est en conséquence «
commune ». Elle nous rabaisse jusqu'à n'être qu'un
exemplaire de l'espèce, car nous ue montrons ensuite
que le caractère de celle-ci. Il convient donc d'appliquer
le mot « commun » à la colère, à la joie démesurée, à
la haine, à la crainte, bref, à tout affect, c'est-à-dire à |
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
169
tout mouvement de la volonté qui devient assez fort pour
faire prédominer incontestablement la connaissance dans la
conscience, et faire apparaître l'homme plus comme un être
voulant que comme un être connaissant. Livré à un tel
affect, le plus grand génie devient semblable au fils le plus
vulgaire de la terre. Celui, au contraire, qui veut être «non
commun», c'est-à-dire grand, ne doit jamais laisser les
mouvements de la volonté s'emparer complètement de sa
conscience, quelque sollicitation qu'il éprouve à ce sujet. Il
lui faut, par exemple, pouvoir entendre les autres émettre
leurs opinions détestables, sans qu'il ■ente les siennes
atteintes par ce fait. Oui, il n'y a pas de marque plus assurée
de grandeur que de laisser émettre, sans y attacher
d'importance, des propos blessants ou offensants, qu'on
impute tout bonnement, comme quantité d'autres erreurs, à
la débile connais' tance du discoureur, et que l'on se
contente de percevoir, sans qu'ils vous touchent. C'est en ce
sens qu'il faut entendre ce mot de Gracian : «• El mayor
desdoro de un hombre es dav muestras de que es nombre »
'.
Conformément à ce qui vient d'être dit, on doit cacher sa
volonté, comme ses parties génitales, quoique l'une et les
autres soient la racine de notre être. On ne doit laisser voir
que la connaissance, comme •on visage, sous peine de
devenir commun.
Même dans le drame, qui a proprement pour thème les
passions et les affecte, tous deux produisent facilement une
impression commune. C'est ce que l'on
1. « La plus grande honte pour an homme est de donner des
prouvi's qu'il est homme ». (Voir, sur (Ji'uciun, Ecrivains et
style, note de la page 163).
170
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
constate tout spécialement chez les tragiques français,
qui ne se proposent pas de but plus élevé que la représentation des passions, et cherchent à dissimuler la
banalité du fait tantôt derrière un pathos ridiculement
enflé, tantôt derrière des pointes épigrammatiques. La
célèbre M"0 Kachel, dans le rôle de Marie Stuart ',
quand elle invectiva la reine Elizabeth, me fît songer,
si excellent que fût son jeu, à une harengère. La
scène finale des adieux perdit aussi, interprétée par
elle, tout ce qu'elle a de sublime, c'est-à-dire de vraiment tragique, chose dont les Français n'ont aucune
idée. 'Ce même rôle fut mieux tenu, sans aucune
comparaison, par l'Italienne Ristori. C'est qu'Italiens
et Allemands, en dépit de grandes différences sous
beaucoup de rapports, ont le même sentiment pour ce
qu'il y a d'intime, de sérieux et de vrai dans l'art, et
contrastent sur ce point avec les Français, qui sont
absolument dénués de ce sentiment : lacune qu'ils
trahissent en tout. La noblesse, c'est-à-dire le « non
commun », voire le sublime, est aussi introduite
dans le drame, avant tout par la connaissance, en
opposition à la volonté. La connaissance plane en effet
librement sur tous ces mouvements de la volonté et les
prend même pour matière de ses considérations,
comme le fait voir particulièrement Shakespeare, surtout dans Hamlet. Et, quand la connaissance s'élève
au point où disparait pour elle l'inutilité de toute
volonté et de tout effort, par suite de quoi la volonté
s'abolit elle-même, alors seulement le drame devient
1. Dans la tragédie de Schiller, ou peut-être dans l'imitation qu'en a
donnée Pierre Lebrun.
(Le irad.
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
171
vraiment tragique, par conséquent véritablement
sublime, et atteint son but suprême.
Selon que l'énergie de l'intellect est tendue ou relâchée, la
vie apparaît à celui-ci toute différente. Dans le dernier cas,
elle apparaît si courte, si fugitive, que rien de ce qui y
advient ne mérite de nous émouvoir, et que tout semble sans
importance, même le plaisir, la richesse, la gloire; tellement
sans importance, que, quelque perte qu'on ait subie, il n'est
pas possible qu'on ait beaucoup perdu. Dans le premier cas,
à l'opposé, la vie apparaît si longue, si importante, tellement
tout en tout, si sérieuse et si difûcile, que nous nous
élançons sur elle de toute notre Âme, pour participer à ses
bienfaits, disputer ses récompenses et nous les assurer, et
exécuter nos projets. Ce second point de vue est celui qu'on
nomme immanent; c'est celui auquel songe Gracian, quand
il parle de tomar muy de veras el vivir *. Le premier point
de vue, au contraire, le point de vue transcendant, est le mot
d'Ovide : non est tanti -. L'expression est bonne, et celle-ci,
de Platon, est encore meilleure : oû3e ti TUV dvOpuHtivwv
àÇiov £OTI jAeyiAtjî OTTOUSYJÇ3.
La première disposition d'esprit résulte de ce que la
connaissance a pris la suprématie dans la conscience, où,
s'affranchissant du pur service de la volonté, elle saisit
objectivement le phénomène de la vie, et ne peut manquer
alors de voir clairement la futilité et le néant
1. « prendre très an sérieux la vie ». ' 2. «
Cela n'a pas grande importance ».
3. « Rien, dans les choses humaines, ne mérite qu'on se tra
casse beaucoup ».
,'
172
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQCE
de celle-ci. Dans la seconde disposition, par contre, la
volonté prédomine, et la connaissance n'est là que pour
éclairer les objets de la volonté et leurs voies. L'homme
est grand, ou petit, selon que prédomine chez lui l'une ou
l'autre manière d'envisager la vie.
Chacun tient le bout de son champ d'observation pour
le bout du monde. Ceci est aussi inévitable dans le
domaine intellectuel, qu'au point de vue physique
l'illusion qu'à l'horizon le ciel touche la terre. Mais une
des conséquences de ce fait, c'est que chacun nous jauge
avec sa mesure, qui le plus souvent n'est qu'une aune de
tailleur, et que nous devons en passer par là; domine
aussi chacun nous prêle sa petitesse, fiction qui est
admise une fois pour toutes.
Il y a quelques idées qui existent très rarement d'une
façon claire et déterminée dans une tète, et ne prolongent
leur existence que par leur nom; celui-ci n'indique en
réalité que la place d'une telle idée, et, sans lui, elles se
perdraient à tout jamais. L'idée I de sagesse, par exemple,
est de ce genre. Combien elle est vague dans presque
toutes les têtes! On peut se référer sur ce point aux
explications des philosophes.
La « sagesse » me paraît indiquer non seulement la
perfection théorique, mais aussi la perfection pratique. Je
la définirais : la connaissance exacte et accomplie des
choses, dans l'ensemble et en général, qui a si
complètement pénétré l'homme, qu'elle se manifeste
aussi dans sa conduite, dont elle est la règle en toute
circonstance.
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
173
Tout ce qui est primordial, et par conséquent
authentique dans l'homme, agit comme tel, de même
que les forces naturelles, inconsciemment. Ce qui a
pénétré par la conscience y est devenu une représentation; par suite, la manifestation de cette conscience
est en une certaine mesure la communication d'une
représentation. En conséquence, toutes les qualités
vraies et éprouvées du caractère et de l'esprit sont originellement inconscientes, et ce n'est que comme telles
qu'elles produisent une profonde impression. Tout ce
qui, sous ce rapport, est conscient, est déjà corrigé et
voulu, dégénère par conséquent déjà en affectation,
c'est-à-dire est une tromperie. Ce que l'homme
accomplit inconsciemment ne lui coûte aucune peine,
et aucune peine ne peut y suppléer. C'est là le caractère
des conceptions originelles qui constituent le fond et le
noyau de toutes les créations véritables. Voilà
pourquoi ce qui est inné est seul authentique et
valable. Ceux qui veulent faire quelque chose doivent,
en tout ordre d'idées, action, littérature, art, suivre les
règles sans les connaître.
II est certain que mainte personne n'est redevable du
bonheur de sa vie qu'à ce qu'elle possède un sourire
agréable, qui lui conquiert les cœurs. Cependant ceuxci feraient mieux de se tenir sur leurs gardes, et de se
rappeler, d'après la table mnémonique d'Hamlet, ' thaï
one may smile, and smile, and be a viliain1.
Les gens pourvus de grandes et brillantes qualités
I i. • On peut sourira, sourire encore, et cire un coquin ».
174
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
ne font guère difficulté d'avouer leurs défauts et leurs
faiblesses, ou de les laisser voir. Ils les considèrent
comme une chose qu'ils ont payée, ou sont même d'avis
que ces faiblesses leur font moins honte qu'eux-mêmes
ne leur font honneur. C'est particulièrement le cas, quand
ces défauts sont inséparables de leurs éminentes qualités,
qu'ils en sont des conditioner sine quibus non. Comme l'a
dit George Sand, « chacun a les défauts de ses vertus * ».
Par contre, il y a des gens de bon caractère et de tête
irréprochable qui, loin d'avouer leurs rares et petites
faiblesses, les cachent soigneusement, et se montrent très
susceptibles à toute allusion à leur sujet. La raison en est
que, tout leur mérite consistant en l'absence de défauts et
d'imperfections, ils se sentent amoindris par la révélation
de chaque défec-tuosité.
La modestie, chez les gens médiocres, est simplement
de l'honnêteté; chez les gens brillamment doués, elle est
de l'hypocrisie. Aussi le sentiment avoué et la conscience
non dissimulée de leur talent exceptionnel siéent-ils
autant à ceux-ci que la modestie sied à ceux-là. ValèreHaxime cite à ce sujet d'intéres- j sants exemples, sous sa
rubrique : De fiducia sut1.
•1. En français dans le texte.
2. Valent Maximi Diclorum Factorumgue memorabilium libri IX.
C'est au chap. vu du livre III que s,â> trouvent <5es exemples, qui
mettent en scène les Scipions, Licinius, Crdssus. Cuton l'ancien,
l'orateur Antoine, le poète Accius, et beaucoup d'autres, Romains et
Grecs.
(Le trad.)
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
175
Même en aptitude an dressage, l'homme dépasse
tous les animaux. Les musulmans sont dressés à prier
cinq fois par jour, le visage tourné vers La Mecque; ils
le font invariablement. Les chrétiens sont dressés à
faire en certaines occasions le signe de la croix, à
s'incliner, etc. La religion, en somme, est le cliefd'œuvre par excellence du dressage, le dressage de la
pensée; or, on sait que, dans cette voie, on ne peut
jamais commencer trop tôt. Il n'est pas d'absurdité si
évidente qu'on ne pourrait faire entrer dans la tête de
tous les hommes, si l'on commençait à la leur
inculquer avant leur sixième année, en la leur répétant
constamment et sur un ton convaincu. Le dressage de
l'homme, comme celui des animaux, ne réussit
parfaitement que dans la première jeunesse.
Les nobles sont dressés à ne tenir pour sacrée que
leur parole d'honneur, à croire en tout sérieux et en
toute rigueur au code grotesque de l'honneur chevaleresque, à le sceller, le cas échéant, par leur mort, et à
considérer le roi comme véritablement un être d'espèce
supérieure. Nos témoignages de politesse et nos
compliments, particulièrement nos attentions respectueuses envers les dames, reposent sur le dressage ; de
même, notre estime pour la naissance, la situation, les
titres; de même aussi le déplaisir que nous font
éprouver, suivant leur nature, certaines assertions
dirigées contre nous. Les Anglais sont dressés à considérer comme un crime digne de mort l'imputation de
manque de gentilhommerie et plus encore celle de
mensonge; les Français, celle de lâcheté; les Allemands, celle de sottise; et ainsi de suite. Beaucoup de
gens sont' dressés h une honnêteté invariable en une
176
ÈTIHQCE, DROIT ET POLITIQUE
chose, tandis que dans tontes les autres ils n'en montrent
pas beaucoup. Ainsi, bon nombre ne volent pas d'argent,
mais dérobent tout ce qui peut leur procurer
indirectement une satisfaction. Maint marchand trompe
sans scrupules; mais voler, c'est ce qu'il ne ferait certainement pas.
Le médecin voit l'homme dans toute sa faiblesse; le
juriste, dans toute sa méchanceté ; le théologien, dans
toute sa sottise.
Il y a dans ma tête un parti d'opposition constant qui
s'élève après coup contre tout ce que j'ai fait ou résolu,
même à la suite de sérieuses réflexions, sans néanmoins
avoir pour cela chaque fois raison. Ce parti d'opposition
n'est probablement qu'nne forme de l'esprit d'examen
susceptible de rectification, mais il m'adresse souvent
des reproches immérités. Je soupçonne que plus d'on
autre est aussi dans le même cas; quel est celui,qui ne
doit pas se dire, en effet :
... Qoid tam dextro pede concipis, ut te
Conatus non pajniteat, votique peracti ' ?
Celui-là a beaucoup d'imagination, dont l'activité
cérébrale intuitive est assez forte pour n'avoir pas besoin
chaque fois de l'excitation des sens, en vue d'agir.
Conformément à ce principe, l'imagination est d'autant
plus active que les sens nous apportent moins
1. « Quel projet conçois-tu d'une façon si heureuse, que In ne
te repentes de ton effort et de la réussite de ton désir? »
Juvénal, Satire X, vers 5-6.
OBSERVATIONS PsTCHOLÔÔlQUES
177
d'intuition extérieure. Un long isolement (soit en
prison, soit dans une chambre où vous retient, la maladie), le silence, le crépuscule, l'obscurité sont favorables à son activité; sous l'influence de ces conditions,
elle se met spontanément en jeu. A l'opposé, quand
l'intuition reçoit beaucoup de matière réelle du dehors,
comme en voyage, dans le tumulte du monde, par une
claire matinée, l'imagination chôme, et, même
sollicitée, n'entre pas en activité; elle se rend compte
que ce n'est pas son heure.
Cependant l'imagination doit, pour se montrer
féconde, avoir reçu beaucoup de matière du monde
extérieur; lui seul, en effet, peut l'approvisionner. Mais
il en est de la nourriture de l'imagination comme de
celle du corps : quand celui-ci a reçu du dehors
beaucoup de nourriture qu'il doit digérer, c'est alors
qu'il devient le plus incapable d'activité, et chôme
volontiers. C'est pourtant cette nourriture, à laquelle -il
est redevable de toutes ses forces, qu'il sécrète plus
tard, quand le moment est venu.
L'opinion obéit à la loi du balancement du pendule:
si elle dépasse le centre de gravité d'un côté, elle doit
le dépasser d'autant de l'autre. Ce n'est qu'avec le
temps qu'elle trouve le vrai point de repos et demeure
stationnaire.
L'éloignement, dans l'espace, rapetisse toute chose,
en la contractant; ainsi ses défauts et ses lacunes disparaissent, comme, dans une glace rapetissante ou
dans la chambre obscure, tout se montre beaucoup
plus beau que dans la réalité. Le passé agit de même
178
ÉTHIQ0E, DROIT ET POLITIQUE
dans le temps. Les scènes et les événements reculés,
avec leurs acteurs, se présentent au souvenir sous
l'aspect le plus aimable, car ils ont perdu ce qu'ils
avaient d'irréel et de troublant. Le présent, qui est
privé de cet avantage, est toujours défectueux.
Et, dans l'espace, de petits objets, vus de près,
paraissent grands ; vus de très près, ils couvrent même
tout le champ de notre vision; mais, dès que nous
nous éloignons un peu, ils deviennent petits et invisibles. De même, dans le temps, les petits événements
et accidents quotidiens de notre vie, tant qu'ils sont là
devant nous, nous paraissent grands, importants, considérables, et excitent en conséquence nos affects :
soucis, ennuie, passions; mais dès que l'infatigable
torrent du temps les a seulement un peu éloignés de
nous, ils deviennent insignifiants, sans importance, et
sont bientôt oubliés. C'est leur seul rapprochement
qui faisait leur grandeur.
La joie et la souffrance n'étant pas des représentations, mais des affections de la volonté, elles ne résident pas non plus dans le domaine de la mémoire, et
nous ne pouvons pas les rappeler elles-mêmes, comme
qui dirait les renouveler; ce sont seulement les représentations dont elles étaient accompagnées que nous
pouvons faire repasser devant nos yeux, et surtout
nous rappeler nos manifestations provoquées alors
par elles, pour mesurer par là ce qu'elles ont été.
Voilà pourquoi notre souvenir des joies et des souffrances est toujours incomplet, /et que, une fois passées, elles nous sont indifférentes. Il est inutile de
Chercher parfois à rafraîchir les plaisirs ou les dou-
OBSERVATIONS PSTCHOLOGIQCBS
' ' fff\
leurs du passé. Leur essence proprement dite gît dans la
volonté. Mais celle-ci, en soi et comme .telle, n'a | pas
de mémoire, la mémoire étant une fonction de
l'intellect qui, par sa nature, ne livre et ne renferme que
de simples représentations : chose dont il ne s'agit pas
ici. Il est étrange que, dans les mauvais jours, nous
puissions nous représenter très vivement les jours
heureux disparus ; et que, par contre, dans les bons
jours, nous ne nous retracions plus les mauvais que
d'une façon très incomplète et effacée.
Il y a lieu de craindre, pour la mémoire, l'enchevêtrement et la confusion des choses apprises, mais non
l'encombrement proprement dit. Ses facultés ne sont
pas diminuées de ce fait, pas plus que les formes dans
lesquelles on a modelé successivement la terre glaise
ne diminuent l'aptitude de celle-ci à de nouvelles formes. En ce sens, la mémoire est sans fond. Cependant,
plus un homme a de connaissances diverses, plus il lui
faudra de temps pour trouver ce qu'on exige
soudainement de lui. Il est comme un marchand qui
doit rechercher dans un énorme magasin la marchandise qu'on lui demande; ou, à proprement parler,
il a évaporé, parmi tant d'idées qui étaient à sa disposition, précisément celle qui, par suite d'un exercice
antérieur, l'amène à la chose réclamée. La mémoire n'est
pas en effet un récipient où l'on garde les objets, mais
simplement une faculté servant à l'exercice des forces
intellectuelles. Aussi le cerveau possède-t-il toutes ses
connaissances seulement potentiâ, jamais actu. Je
renvoie & ce sujet au § 45 de ma dissertation sur La
quadruple racine du principe de la raison suffisante.
î
480
ÉTHIQUE.. DROIT ET POLIT 10CE
Parfois ma mémoire s'obsline à ue pas reproduire un
mot d'une langue étrangère, ou un nom, ou un lerme d'art
que je connais pourtant très bien. Après que je me suis
plus ou moins longtemps inutilement tourmenté à leur
sujet, je ne m'en occupe plus. Puis, au bout d'une heure ou
deux, rarement davantage, parfois cependant au bout de
quatre à six semaines, le mot cherché m'arrive si
soudainement, au milieu d'un courant d'idées tout autre,
que je pourrais croire qu'on vient de me le souffler du
dehors. (Il est bon ensuite de fixer ce mot par un moyen
mnémonique, jusqu'à ce qu'il s'imprime de nouveau dans
la mémoire.) Après avoir fréquemment observé, en m'en
étonnant, ce phénomène depuis de longues années, j'en
suis arrivé à trouver vraisemblable l'explication suivante :
à la suite de la pénible recherche inutile, ma volonté
conserve la curiosité du mot et lui constitue un surveillant
dans l'intellect. Plus tard, quand, dans le cours et le jeu de
mes idées, se présente par hasard un mot commençant par
les mêmes lettres ou ressemblant à celui-là, le surveillant
s'élance, complète le mot cherché, dont il s'empare
brusquement et qu'il ramène en triomphe, sans que je
sache où et comment il l'a fait prisonnier; aussi semble-t-il
avoir été murmuré. C'est le cas de l'enfant qui ne peut pas
prononcer un j vocable. Le maître finit par lui en indiquer
la première et même la seconde lettre, et le mot lui vient.
Quand ce procédé échoue, il faut bien chercher le mot
méthodiquement, à travers toutes les lettres de l'alphabet.
Les images intuitives se fixent plus solidement dans la
mémoire que les simples notions. Aussi les cerveaux
OBSEItVATrONS PSYCHOLOGIQUES
181
imaginatifs apprennent-ils plus facilement les langues
que les autres. Ils associent immédiatement au mot
nouveau l'image intuitive de la chose; tandis que les
autres y associent seulement le mot équivalent de leur
propre langue.
On doit chercher à ramener autant que possible à une
image intuitive ce qu'on veut incorporer à la mémoire,
soit indirectement, ou comme exemple de la chose, ou
comme simple comparaison, analogie, et n'importe quoi
d'autre; parce que tout ce qui est intuitif se fixe
beaucoup plus solidement que ce qui n'est pensé qu'ïn
abslracto, ou que les simples mots. Voilà pourquoi
nous retenons si incomparablement mieux ce que nous
avons fait que ce que nous avons lu.
Le nom mnémonique convient moins à l'art de transformer artificiellement la mémoire indirecte en mémoire directe, qu'à une théorie systématique de celle-ci,
qui exposerait toutes ses particularités et les dériverait
de sa nature essentielle, et ensuite les unes des autres.
On n'apprend que de temps en temps; mais on
désapprend toute la journée.
Notre mémoire ressemble à un crible qui, avec le
temps et par l'usage, retient de moins en moins ce qu'on
y met. Plus nous vieillissons, d'autant plus vite
s'échappe de notre mémoire ce que nous lui confions
désormais. Elle conserve au contraire ce qui s'y est fixé
quand nous étions jeunes. Les souvenirs d'un vieillard
sont donc d'autant plus nets qu'ils remontent plus loin,
et le sont d'autant moins qu'ils se rapprochent
davantage du présent; de sorte que sa mémoire, comme
sa vue, est devenue aussi presbyte (ffpfo£ug^g
182
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
Il y a dans la vie des moments où, sans cause extérieure particulière, plutôt par un accroissement de la
sensibilité, venant de l'intérieur, et seulement explicable
d'une manière physiologique, les choses ambiantes et le
présent prennent un degré de clarté plus élevé et rare ; il
résulte de là que ces moments restent gravés d'une façon
indélébile dans la mémoire et se conservent dans toute
leur individualité, sans que nous sachions pour quelle
raison, ni pourquoi, parmi tant de milliers de moments
semblables, ceux-là précisément s'imposent. C'est
probablement par pur hasard, comme les exemplaires de
races animales complètement disparues que contiennent
les bancs de pierres, ou comme les insectes écrasés entre
les pages d'un livre. Les souvenirs de cette espèce,
ajoutons-le, sont toujours doux et agréables.
Il advient parfois, sans cause apparente, que des scènes
depuis longtemps oubliées se présentent soudainement et
vivement à notre souvenir. Cela peut provenir, en
beaucoup de cas, de ce que nous venons de sentir,
maintenant comme jadis, une légère odeur à peine
perceptible. Les odeurs, on le sait, éveillent avec une
facilité toute particulière le souvenir, et le nexus idearwm
n'a besoin en toute occasion que d'une inci-j tation très
faible. Soit dit en passant, l'oeil est le sens de
l'intelligence, l'oreille le sens de la raison, et l'odorat le
sens de la mémoire, comme nous le voyons ici.) Le
toucher et le goût sont des réalistes attachés au contact,
sans côté idéal.
La mémoire a aussi cette particularité, qu'une légère
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
183
ivresse renforce souvent beaucoup le souvenir des temps et
des événements passés, de manière qu'on se rappelle toutes
leurs circonstances plus complètement qu'on n'aurait pu le
faire à l'état de sobriété. Par contre, le souvenir de ce que
l'on a dit ou fait pendant l'ivresse même est plus incomplet
qu'en temps ordinaire ; après une forte ivresse, il n'existe
môme plus. L'ivresse renforce donc le souvenir, mais ne lui
apporte qu'un faible aliment.
Ce qui prouve que l'arithmétique est la plus basse de
toutes les activités intellectuelles, c'est qu'elle est la seule
qui puisse être exercée aussi à l'aide d'une machine. On se
sert déjà beaucoup, en Angleterre, par commodité, de
machines à calculer. Or, toute analyste flnitorum et
inflnilorum se ramène finalement au calcul. On peut
mesurer d'après cela le « profond sens mathématique », qu'a
déjà raillé Lichtenberg '. Il a dit en effet à ce sujet : « Les
mathématiciens de profession, appuyés sur la naïveté
enfantine des autres hommes, se sont acquis une réputation
de profondeur qui a beaucoup de ressemblance avec celle
de sainteté que s'arrogent les théologiens ».
En règle générale, les gens d'un très grand talent
s'entendront mieux avec les hommes d'une intelligence
extrêmement limitée, qu'avec ceux d'une intelligence
ordinaire. C'est pour la même raison que le despote et
1. Spirituel écrivain et penseur allemand (1742-1799) que
Schopenhauer aime a citer, et dont nous avons dit un mot dans
la Préface d'Ecrivains et style, page 16.
[I.e trad.l
184
ETHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
la plèbe, les grands-parents et les petits-enfants sont des
alliés naturels.
Les hommes ont besoin d'une activité extérieure, parce
qu'ils sont dépourvus d'une activité intérieure. Mais
quand celle-ci existe, celle-là produit plutôt une
perturbation très désagréable, et même souvent exécrée.
La première raison explique aussi l'agitation et la passion
des voyages sans but des gens désœuvrés. Ce qui les
chasse ainsi à travers le monde, c'est le même ennui qui,
à la maison, les réunit et les presse en tas, d'une façon
vraiment risible à voir.
Cette vérité me fut confirmée un jour d'une façon
exquise par un inconnu d'une cinquantaine d'années, qui
me parlait de son voyage de plaisir pendant deux ans
dans les contrées étrangères les plus lointaines. Comme
je remarquais qu'il avait dû subir à cette occasion de
grandes fatigues, de grandes privations et de grands
dangers, il me fit immédiatement et sans préambule,
mais en avançant des enthymèmes, la réponse excessivement naïve que voici : « Je ne me suis pas ennuyé un
seul instant ».
Je ne m'étonne pas qu'ils s'ennuient quand ils sont
seuls : ils ne peuvent pas rire seuls, et même cela leur
paraît fou. Le rire ne serait-il donc qu'un signal pour les
autres et un simple signe, comme le mot? Manque
général d'imagination et de vivacité d'esprit (dulnéts,
sottise, àvï'.iOrj-îva ■/.%'. fspaô^tuî 'i-j/f^ (hébétude et lourdeur d'âme), comme dit Théophraste (Caractères, chap.
xxvii), voilà ce qui les empêche de rire quand ils sont
seuls. Les animaux ne rient ni seuls ni en société.
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
185
Un homme de cette espèce ayant surpris Myson le
misanthrope à rire tout seul, lui demanda pourquoi il
riait: « Précisément parce que je suis seul », répondit-il.
Celui qui, avec un tempérament flegmatique, n'est
qu'un imbécile, serait un fou avec un tempérament
sanguin.
Les gens qui ne vont pas au théâtre ressemblent à
celui qui fait sa toilette sans miroir; mais celui-là agit
plus mal encore, qui prend ses décisions sans recourir
aux conseils d'un ami. Un homme peut avoir en effet
en toutes choses le jugement le plus juste et le plus
net, sauf dans ses propres affaires ; car ici la volonté
dérange aussitôt le concept de l'intellect. Voilà pourquoi il faut consulter les autres, pour la même raison
qu'un médecin, qui soigne tout le monde, ne se soigne
pas lui-même, et fait appeler un confrère.
La gesticulation naturelle ordinaire qui accompagne
toute conversation vive, est une langue à soi, et beaucoup plus universelle que celle des mots; étant indépendante de ceux-ci, elle est la même chez toutes les
nations, quoique chacune en fasse usage en proportion
de sa vivacité. Il en est même quelques-unes, comme
la nation italienne, par exemple, où elle s'augmente de
certains gestes purement conventionnels qui n'ont par
conséquent qu'une valeur locale.
L'usage universel de la gesticulation est analogue à
celui de la logique et de la grammaire, car elle exprime
simplement la forme, et non la matière de la conversation. Elle se distingue cependant de la logique et de la
grammaire, en ce qu'elle se rapporte non seulement au
186
ÉTHIQUE, DROIT ET POLITIQUE
côté intellectuel, mais aussi au côté moral, c'est-à-dire
aux mouvements de la volonté. Elle accompagne ainsi la
conversation, comme une basse correctement progressive
accompagne la mélodie, et sert, de même que cette basse,
à renforcer l'effet. Le caractère le plus intéressant de la
gesticulation, c'est que, dès que la parole prend la même
forme, il y a répétition des mêmes gestes. Il en est ainsi,
quelque différente que puisse être la matière, c'est-à-dire
la circonstance. De sorte que je puis très bien comprendre
la signification générale, c'est-à-dire simplement formelle
et typique d'une conversation animée, en regardant par la
fenêtre, sans entendre an seul mot. Je sens infailliblement
que la personne qui parle, argumente, expose ses raisons,
puis les résume, insiste, tire une conclusion victorieuse;
ou bien elle rapporte quelque tort qu'on lui a causé,
dépeint au vif et sur un ton d'accusation la dureté de cœur
et la sottise de ses adversaires; ou bien elle raconte
comment elle a imaginé un plan superbe dont elle décrit
le succès, à moins qu'elle ne se plaigne qu'an contraire ce
plan n'ait pas réussi, par la faute du hasard, on qu'elle
n'avoue son impuissance dans le cas en question; pu bien
enfin elle narre qu'elle a vu clair à temps dans les
machinations d'autrui, et, en affirmant ses droits on en
usant de sa force, les a déjouées et a puni leurs auteurs; et
mille autres choses semblables. Mais ce que la
gesticulation seule m'apporte en réalité, c'est la matière
essentielle — morale on intellectuelle — de la parole in
abslracto. La quintessence, la vraie substance de celle-ci
demeure identique au milieu des sujets les plus différents
et aussi de la matière la plus différente, et se comporte à
l'égard
OBSERVATIONS PSYCHOLOGIQUES
187
de celle-ci comme la notion à l'égard des individus. Le
côté le plus intéressant et le plus amusant de la chose
est, comme il a été dit, la complète identité et stabilité
des gestes pour dépeindre les mêmes circonstances,
même si ces gestes sont employés par les personnes les
plus différentes; juste comme les mots d'une langue sont
les mêmes dans la bouche de chacun, et ne subissent
que les petites modifications résultant de la
prononciation ou de l'éducation. Et cependant ces
formes persistantes et universellement suivies de la
gesticulation ne sont certainement pas le résultat d'une
convention ; elles sont naturelles et primordiales, un vrai
langage de la nature, bien qu'elles puissent être
fortifiées par l'imitation et l'habitude. L'aeteur et
l'orateur, celui-ci à un degré moindre, doivent, on le sait,
étudier soigneusement la gesticulation. Mais celle* ci
consiste principalement dans l'observation et l'imitation.
11 est en effet difficile de ramener cette matière à des
règles abstraites, si l'on en excepte quelques principes
tout à fait généraux, comme celui-ci, par exemple : le
geste ne doit pas suivre le mot, mais il doit plutôt le
précéder immédiatement, pour l'annoncer et provoquer
ainsi l'attention.
Les Anglais ont un mépris tout particulier pour la
gesticulation, qu'ils regardent comme une chose indigne et commune; mais je vois simplement en cela
l'un des sots préjugés de la pruderie anglaise. Il s'agit
en effet du langage que la nature donne à chacun et
que chacun comprend. Aussi, le supprimer et l'interdire
sans autre forme de procès, uniquement pour l'amour de
l'illustre « gentlemanry », me semble chose scabreuse.
TABLE DES MATIERES
Préface du traducteur . .
ETHIQCK . . . . ».
DHOIT ET POLIT100JS . -9f •
PHILOSOPHIE M DROIT ...
Se* L'EJHHUTTOX.......................
OBSERVATIONS psïcaoLOuigrEs .
ÉVBECS, IMPRIMERIE CH. HÉRISSEÏ ET FILS
«1 |
19
76
116
135
144
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FOtelEB. — Œuvres choisies, par M. Ch„G«E. .. xlii."— Y, LE Pùffît. — Économie
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