au Bal des ebs - Le Bal des Débutantes de Paris

Transcription

au Bal des ebs - Le Bal des Débutantes de Paris
Le monde s’invite
au Bal des debs
De l’Inde à la Chine en passant par Rome et Paris,
des jeunes filles modernes et connectées
viennent faire leurs premiers pas à la soirée
la plus traditionnelle
Altea Patrizi Naro Montoro, 16 ans
Avec sa mère, la marquise Flaminia Patrizi Naro Montoro, ses frères, Giulio, 12 ans,
et Filippo, 18 ans, au Palazzo Patrizi, leur demeure romaine.
L’une est déjà marquise, l’autre bientôt étoile.
Comme leurs dix-sept camarades, agées
de ­16 à 22 ans, elles ont été choisies pour
leur naissance, leur grâce ou leur talent. Et
ont répété, au bras de leurs pères, avec un
­professeur de danse anglais. Une valse, c’est
tout ce qu’il reste des origines du Bal des débutantes qui permettait d’intégrer les jeunes
filles bien nées à la cour d’Angleterre. Remis
au goût du jour par Ophélie Renouard, c’est
désormais une soirée incontournable pour le
gotha autant qu’un événement de la mode.
Les débutantes vont défiler en robe haute
­couture devant 200 invités. Les fonds récoltés
iront à l’association Enfants d’Asie, qui finance
la ­scolarité de 1 100 jeunes filles, et à l’Institut Seleni, qui aide les mères adolescentes.
Yu Hang, 17 ans
En tutu à Hyde Park pour son interprétation du « Lac des Cygnes »
avant de revêtir sa robe de bal pour la soirée du 26 novembre.
Daniela Figo,
17 ans
Chez ses parents à
Madrid. La fille du
footballeur portugais
Luis Figo, Ballon
d’or 2000, est plus
studieuse qu’elle ne le
paraît : elle veut être
chirurgienne. Le soir du
bal, c’est un prince
qui sera son chevalier
servant.
Maïa Twombly,
17 ans
En fidèle petite-fille
et fille d’artiste,
l’Américaine, qui vit en
Italie, est passionnée de
photographie. Elle
est venue faire les
essayages de sa robe dans
le showroom de
Giambattista Valli à Paris.
Pour elles,
c’est à Paris leur
premier
rendez-vous
avec la haute
couture
SAR la
princesse
Zita de BourbonParme, 17 ans
(au centre),
Hermine
Royant, 16 ans
La princesse et la fille d’Olivier
Royant, directeur de la
rédaction de Paris Match, avec
leurs cavaliers, le comte
Erik Law de Lauriston
(à g.) et Quentin Colinet.
A la porte de l’hôtel Peninsula
où a lieu le bal.
Ananya Birla,
22 ans
Une Indienne qui roule pour
son pays. L’âme entrepreneuse
comme son père, un industriel
influent de Bombay, elle a
étudié à Oxford, fondé une
association pour la santé
mentale des femmes et se
lance dans la chanson.
Pour la première fois,
la soirée a lieu au Peninsula, joyau
de l’hôtellerie internationale
1. Yu Hang a décroché une place dans une grande
école de ballet à Londres. 2. Maïa Twombly sera à
la rétrospective de Cy Twombly, son grand-père,
le 30 novembre au Centre Pompidou.
3. Altea Patrizi a grandi sous les ors d’un palais
romain. 4. Ananya Birla en répétition dans un studio
de danse. Elle a sorti son premier disque : « Livin’ the
Life ». 5. Daniela Figo (à dr.) avec son père, Luis
Figo, et ses sœurs, Martina (à g.) et Stella.
p a r M a r i e - F r a n c e C h at r i e r
e ses longues mains blanches, Ophélie Renouard repose
sa tasse de thé. « Il vient du Fujian, une région de
Chine », précise-t-elle d’une voix douce. Bien que
l’événement arrive à grands pas, madame la directrice
reste stoïque. En 1992, c’est elle qui a sauvé de l’extinction programmée cette tradition née au Royaume-Uni.
Il s’agissait alors, pour les jeunes filles bien nées, de se
marier dans leur monde. Un quart de siècle plus tard, le bal est,
selon le magazine « Forbes », l’une des dix soirées les plus attendues au monde. Et son organisatrice, une véritable « Fairy godmother », une marraine de conte de fées. Elle va donc pouvoir
assouvir notre curiosité : d’où, justement, viennent les fées…
« Je suis née au Vietnam, mais j’ai vécu jusqu’à l’âge de
10 ans au Cambodge. » Son père, diplômé de l’université de
Cornell, négociait l’or noir pour Caltex, une compagnie pétrolière. Dans la grande maison blanche de Phnom Penh remplie
de serviteurs, Ophélie, telle une héroïne de Duras, évoluait déjà
dans un monde empreint d’élégance. « Mes parents sortaient
souvent, ma mère portait de jolies robes. » Tous les ferments
romanesques qui vont la conduire à régner sur un grand bal
viennent de cette Indochine qu’elle ne quittait que pour les
vacances, avec sa mère. Elles embarquaient sur un paquebot,
direction Marseille. La traversée durait un mois.
A l’adolescence, parce qu’elle est la filleule de l’épouse du
sénateur de Californie, elle est invitée à passer les vacances à
San Francisco. « Je me souviens d’avoir participé à des campagnes électorales locales. Je faisais juste les photocopies, mais
j’assistais à tout sans en perdre une miette. » De retour à Paris,
cette expérience américaine sur son CV impressionnera davantage ses futurs employeurs que ses études de philo, et lui permettra de décrocher un job d’attachée en relations publiques
dans le groupe des hôtels Concorde, dont le fleuron est le
Crillon. Là, coup de maître, elle relance le Bal des débutantes.
Est-ce parce que les jeunes filles priOphélie Renouard a repris vilégiées, dont elle fait les héroïnes d’un
les rênes du Bal des débutantes en 1992. soir, lui ressemblent qu’elles ont répondu
présentes dès la première année ? Pour
booster le concept, Ophélie a eu l’idée
d’ajouter le nom d’un couturier à ceux,
prestigieux, qu’elles portent dans leur vie
de « filles de ». Le succès est immédiat.
Tout le gotha mondial, mais aussi les filles
d’acteurs, d’entrepreneurs, d’artistes
défilent place de la Concorde. Jusqu’aux
politiques, comme Lauren Bush, nièce du
président des Etats-Unis, ou Anastasia
Gorbatchev. Comment fait-on converger
vers le bal le meilleur d’une certaine jeunesse dont l’âge oscille entre 16 et 22 ans ?
« La plupart du temps, ce sont les familles
qui me contactent. Le profil de leurs
bébés VIP est très semblable : les jeunes
filles fréquentent souvent les mêmes
écoles, les mêmes universités, voyagent
92 PA R I S M ATC H DU 17 au 2 3 nov e mb re 2016
beaucoup, parlent plusieurs langues, sont hyperconnectées et
soucieuses d’agir pour le mieux-être de l’humanité. » Sur quels
critères la directrice les choisit-elle ? « Le premier est très
­prosaïque : il faut qu’elles puissent entrer dans les robes haute
couture qu’on nous prête. Sur ce point, je suis très exigeante, je
ne laisse rien passer. Mais la silhouette parfaite ne suffit pas.
Celles qui postulent doivent avoir quelque chose en plus. »
Comme Ananya Birla, l’Indienne née au Rajasthan, 22 ans (en
Azzedine Alaïa), qui apporte sa pierre dans la lutte contre la
misère : elle a créé l’entreprise de microfinance Svatantra. Même
si on lui disait qu’elle est trop jeune pour s’occuper des populations exclues du système bancaire, notamment des transferts
de fonds ? Que c’est « trop périlleux » ? Elle a tenu bon.
Aujourd’hui, plus de 140 000 femmes bénéficient de cette aide,
essentiellement dans les campagnes. Maïa Twombly, 17 ans (en
Giambattista Valli), moins engagée sur le terrain, l’est intellectuellement. Née à New York, elle vit à Rome. Passionnée,
Aller à Paris pour la première
fois, dans le cadre du bal, une
chance pour cette jeunesse VIP
entière, Maïa n’est pas une page blanche à l’image de certaines
toiles de son grand-père, le peintre américain Cy Twombly,
chantre de l’expressionnisme abstrait, disparu en 2011, à qui, à
la fin du mois, le Centre Pompidou consacre une rétrospective.
Maïa déborde d’idées, d’envies. Elle étudie l’histoire pour, ditelle, « connaître ceux qui ont influencé la société au cours des
décennies passées ». Elle apprend la photo et souhaite faire du
commerce dans le monde de l’art.
On rencontre toutes sortes de profils au bal. Ainsi, parmi
les trois représentantes de la France : SAR la princesse Zita de
Bourbon-Parme, affiliée à toute la noblesse européenne (en
robe Zuhair Murad), Olympia Taittinger, 16 ans, de l’illustre
dynastie de champagne (en Chanel Haute Couture), et
Hermine Royant, 16 ans, née dans le monde des médias (en
Elie Saab Haute Couture). Côté portugais, Daniela, 17 ans (en
Jean Paul Gaultier Haute Couture), la fille de Luis Figo, Ballon
d’or, l’un des plus grands footballeurs du monde. Sportive
comme papa, Daniela pratique le tennis, la course à pied, le
kick boxing. Belle comme maman, Helen Svedin, ex-mannequin suédois, elle ne se destine pas à la mode mais à la reconstruction chirurgicale. « J’ai déjà fait un stage dans un hôpital
en Tanzanie », explique-t-elle avec fierté. Sympathisera-t-elle
avec la marquise Altea Patrizi Naro Montoro, 16 ans (en
Stephane Rolland Haute Couture), dont la famille continue à
vivre dans le somptueux palazzo Patrizi, à Rome ? Elle participe au bal pour « connaître des garçons et des filles de [son]
âge avec des mentalités, des cultures et des traditions différentes ». La jeune marquise est une créature de rêve qui se souvient avoir voulu, à 6 ans, imiter Mary Poppins s’envolant, grâce
3
1
2
4
à son parapluie, de 4 mètres de hauteur. Le choc a été brutal.
Et pourtant, le rêve continue. Les dieux romains protègent les
aristocrates novices éprises d’aventure.
Par nostalgie de son enfance en Asie, et parce qu’elle aime
les contes où les Cendrillon rencontrent leur prince, Ophélie
a invité Yu Hang, 17 ans (en Alexander McQueen). Son histoire vaut toutes les fortunes et tous les titres du monde : en
2016, elle a été élue la jeune Chinoise la plus influente du son
pays. Originaire de la province de Jilin, dans le nord-est de la
Chine, à la frontière nord-coréenne, la jeune prodige ne savait
toujours pas marcher à l’âge de 4 ans. Refusant de s’avouer
impuissante, sa mère l’inscrit dans un cours de danse. Et là,
miracle, non seulement elle commence à se déplacer normalement mais elle se révèle étrangement douée, grâce à une souplesse inégalée. Elle a 10 ans quand le Ballet de Shanghai la
repère. Sa mère quitte tout pour la suivre. « Nous étions à plus
5
de 1 000 kilomètres de chez
nous. Ma mère a dû trouver
un petit boulot dans un restaurant pour subvenir à nos
besoins. » Yu Hang progresse si rapidement qu’on
l’inscrit dans tous les
concours de danse internationaux, qu’elle gagne. En
février 2016, elle présente
« La bayadère » au plus
prestigieux des concours de
danse, le Prix de Lausanne.
Trois cents inscrits, 71 candidats de 19 nationalités
sélectionnés par vidéo. Et 7 lauréats dont Yu Hang, premier
prix. « Cette compétition, pour la danse, c’est un peu l’équivalent des Oscars », explique-t-elle. Depuis, elle a intégré une
grande école de ballet à Londres. « Sans parler un mot d’anglais,
j’ai déménagé en septembre. Je danse six heures par jour et je
dors à l’école. Le week-end, je rentre dans ma famille d’accueil.
Mon “parrain” et ma “marraine” prennent soin de moi. » Même
si sa famille lui manque, la jeune Chinoise dit qu’elle se sent
bien. « J’ai plein de copines. Je vais rester deux ans encore, pour
me perfectionner. » Aller à Paris pour la première fois dans le
cadre du Bal des débutantes, elle ne sait pas comment qualifier
cette chance... « Un honneur », résumera-t-elle en souriant, fragile et forte à la fois. En tout cas, elle s’y sentira chez elle : clin
d’œil à la jeune danseuse, cette année, c’est le Peninsula Paris,
première enseigne d’hôtellerie de luxe de Chine, qui accueil@MFCha3
lera le bal, les débutantes et leurs familles. n pa r i s ma t ch .co m 93