Productions animales dans les pays en développement et relations

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Productions animales dans les pays en développement et relations
A l’heure de la mondialisation, des négociations de l’OMC mais aussi au
moment où la pauvreté, la faim, le déficit en protéines animales touchent
encore des dizaines de millions d’êtres humains, nous n’aurions pas pu
terminer cette revue de nos activités sans évoquer les productions animales
dans les pays en développement où nos enseignants et scientifiques sont
très actifs de longue date.
La situation des productions animales dans ces pays est bien entendu très
différente de ce que nous connaissons chez nous : non seulement l’élevage
y remplit des fonctions multiples mais les systèmes de production sont très
diversifiés allant de l’extensif au très intensif, de l’élevage familial aux
élevages industriels.
M. Buldgen nous fait un point rapide de la situation et des perspectives en la
matière. Plusieurs de ces activités sont menées en étroite collaboration avec
d’autres institutions belges et étrangères, notamment avec nos collègues de
la Faculté de Médecine Vétérinaire de l’Ulg.
Productions animales dans les pays
en développement et relations nord-sud
A. Buldgen1, J. Bindelle1 et Ph. Lebailly2
1
Unité de Zootechnie, Faculté universitaire des Sciences agronomiques,
Passage des Déportés 2, 5030 Gembloux
2
Unité d’Economie et de développement rural, Faculté universitaire des Sciences agronomiques,
Passage des Déportés 2, 5030 Gembloux
Les productions animales des pays du sud sont très diversifiées et remplissent des
fonctions importantes qui sont parfois méconnues ou oubliées dans les pays développés.
Parmi ces fonctions, on peut citer en premier lieu la satisfaction des besoins alimentaires
des populations, en particulier les plus démunies. Viennent ensuite la diversification des
revenus et le développement de systèmes agricoles performants et respectueux de la
fertilité des sols, grâce à l’utilisation de la traction animale ou à une gestion améliorée des
déjections produites par les animaux. Les ruminants et les herbivores permettent aussi la
mise en valeur de grands espaces naturels qui ne sont pas ou ne peuvent pas être cultivés
pour différentes raisons. Les ruminants jouent en outre très souvent un rôle primordial
dans la fonction d’épargne. Enfin, les animaux élevés dans les pays du sud remplissent des
fonctions sociales ou religieuses qui ne doivent pas être sous-estimées.
Dans pratiquement tous les pays en développement se côtoient des productions très
extensives et des systèmes améliorés, voire dans certains cas très intensifiés. D’une
manière générale, ces systèmes d’élevage sont complexes et mettent en jeu une maind’œuvre familiale abondante qui trouve dans ces activités un emploi et un revenu. Les
systèmes d’élevage villageois participent à l’approvisionnement des villes, mais n’ont
certainement pas l’impact des productions industrielles sur la satisfaction des besoins en
produits animaux des pays du sud. Basés sur l’utilisation de ressources locales, et parfois
non conventionnelles, ils offrent cependant l’avantage d’être relativement indépendants de
1
l’importation d’animaux, de matériels et de produits alimentaires ou pharmaceutiques en
provenance des pays développés. Ces systèmes manquent cependant très souvent de
filières d’écoulement structurées et bien organisées.
1. La satisfaction des besoins en produits animaux dans les pays en
développement
A l’heure actuelle, la population employée par des activités agricoles dans les pays en
développement représente à peu près 57 % de la population totale. Les projections de la
FAO (FAOSTAT 2004) montrent que ce pourcentage ne sera plus que de 44 % en 2030, en
raison de la progression de l’exode agricole et rural. Toutefois, eu égard à des taux de
croissance démographique situés entre 2 et 3 %, le nombre total d’agriculteurs des pays en
développement ne cessera pas de croître au cours des 25 prochaines années. Cette
situation est donc bien différente de celle qui est attendue dans les pays développés.
En 1983, Walker et Rotar estimaient que la consommation en protéines animales des pays
en développement se situait entre 6 et 10 g par jour et par habitant. Le tableau 1 montre
qu’à l’exception de l’Afrique la disponibilité en protéines animales des pays en
développement s’est nettement améliorée. Elle reste toutefois déficitaire et inférieure à
celle des pays développés. Malgré la croissance spectaculaire des productions animales (+
30 % pour la production bovine, + 53 % pour la production porcine et + 105 % pour la
production avicole de 1992 à 2002), les fournitures en protéines animales de ces régions
sont encore largement dépendantes des importations pour tous les produits animaux
commercialisés à grande échelle.
Tableau 1. Disponibilités en protéines animales dans les différentes régions du monde.
Monde
Afrique
Amérique du Sud
Amérique centrale
Asie
Amérique du Nord
Europe
Pays en développement
Pays développés
Disponibilité par personne (g/j)
1992
2002
25,1
28,7
12,5
12,7
33,9
39,5
28,7
35,2
16,1
21,8
68,8
72,5
54,3
55,4
15,8
55,4
21,0
56,9
La raison de ces importations tient évidemment dans les plus faibles productivités des
productions animales en climats chauds, même lorsque les systèmes de production sont
intensifiés. A titre d’exemple, le tableau 2 fournit les importations nettes des principaux
produits animaux en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie. Le développement de
l’aviculture intensive sur ces trois continents a permis d’équilibrer les importations et
2
exportations en œufs. L’Afrique et l’Asie sont toujours très dépendantes de l'importation
de produits laitiers et l’Amérique du Sud est très nettement exportatrice de viande.
Tableau 2. Importations nettes (en négatif les exportations nettes) en lait ou équivalent,
œufs et viande en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie (moyenne 2000-2002 en
millions de tonnes).
Amérique
Afrique
Asie
0,485
-0,065
-2,912
4,921
0,002
0,575
14,702
0,014
4,793
Produits animaux
Lait ou équivalent
Œufs
Viande
Ces chiffres globaux cachent toutefois des situations qui peuvent être très différentes selon
les pays ou les régions. Par exemple, le tableau 2 ne montre pas que les importations de
viande et de lait en Afrique subsaharienne représentent 70 % et 40 %, respectivement, du
total des importations de ce continent. Par ailleurs, un pays comme le Brésil exporte
actuellement plus de 1 million de tonnes de lait et 2 millions de tonnes de viande.
Quoi qu’il en soit, les productions animales se sont donc globalement très développées
dans les pays du sud. Depuis plus d’une quarantaine d’années, la Faculté universitaire des
Sciences agronomiques (FUSAGx) a réalisé différentes actions de recherche et de
développement de filières plus ou moins intensives dans différents pays du sud. C’est ainsi
qu’elle a participé à l’élaboration de plans de développement de l’élevage dans plusieurs
pays africains, à la mise en place de filières basées sur l’utilisation des ressources
alimentaires locales (aviculture semi-industrielle au Sénégal et production porcine en
Colombie, filière laitière au Brésil ou dans le Bassin méditerranéen) et, depuis quelques
années, à un programme de Coopération Universitaire Institutionnelle dans le domaine des
productions animales au Vietnam.
Les tableaux 1 et 2 masquent également une autre réalité des pays en développement. En
effet, les importations de produits animaux et les productions réalisées au sein de systèmes
améliorés ou intensifs sont dans la plupart de ces pays écoulées en majeure partie vers les
villes, laissant parfois les populations rurales dans une grave situation de déficit
alimentaire en protéines de haute valeur biologique. Ceci est particulièrement vrai pour les
peuples d’agriculteurs ne pratiquant pas l’élevage. C’est ainsi que la recherche en
production et santé animales, d’abord focalisée sur les opérations à grande échelle ou
industrielles (ranching, engraissement en feed-lot, aviculture intensive, développement de
la traction animale pour l’intensification des cultures de rente, etc.), a petit à petit pris
conscience de l’importance des animaux élevés dans des conditions extrêmement
extensives (porcs, petits ruminants, etc.) et de l’intérêt des petits élevages utilisant parfois
des espèces animales non conventionnelles (pintades, cobayes, aulacodes, crisetomes, etc.).
Ces élevages, très rudimentaires dans certains cas, participent en très grande partie à la
satisfaction des besoins des populations rurales ou urbaines. Ils constituent aussi un mode
d’épargne et une précieuse ressource monétaire pour les éleveurs. Selon les espèces
animales et le contexte de production, la rentabilité de ces élevages varie souvent entre 30
et 70 %, en raison des faibles investissements réalisés. Dans bien des cas, des
améliorations techniques relativement simples permettent d’accroître les revenus qu’ils
3
engendrent. C’est ainsi que depuis plusieurs années, l’Unité de Zootechnie a mené des
recherches en collaboration avec d’autres Institutions sur les productions avicoles et
porcines locales en Afrique et en Amérique du Sud. Tout récemment, grâce à la mise en
place d’un Centre Agronomique et Vétérinaire à Kinshasa (CAVTK) en collaboration avec
l’Université de Liège et le Ministère congolais de l’agriculture, la pêche et l’élevage, sur
financement de la Région wallonne, la FUSAGx a initié un projet de développement du
mini-élevage urbain et périurbain en faveur de la ville de Kinshasa.
2. Élevage et environnement dans les pays chauds
Une grande partie des élevages de ruminants dans les pays en développement est réalisée
au sein de systèmes pastoraux extensifs situés dans les régions les plus sèches du globe, sur
des reliefs ou dans des zones à très faibles densités démographiques. Au sein de ces
systèmes, la dégradation des parcours, le comportement alimentaire des animaux au
pâturage et la mise au point de systèmes de gestion rationnels des herbages a fortement
retenu l’attention des chercheurs au cours des 30 dernières années. Dans ce cadre, l’Unité
de Zootechnie de la FUSAGx a conduit des programmes de recherche sur la mise au point
de systèmes de gestion des milieux savanicoles, sur les possibilités de stratification de
l’élevage dans le Sahel, sur le comportement alimentaire des ruminants au sein de
différents systèmes de production et, enfin, sur la création ou la valorisation de ressources
fourragères d’appoint : régénération de bourgoutières au Mali, cultures fourragères en
clairières forestières pour l’élevage de chèvres dans le nord-ouest de la Tunisie, etc.
En ce qui concerne les milieux agricoles, l’introduction de la traction animale dans les pays
en développement a surtout été réalisée au sein d’exploitations pratiquant une culture de
rente, telle que l’arachide ou le coton, par exemple. La traction animale a constitué un
investissement en capital qui a permis de développer l’élevage au sein des systèmes
agricoles, mais qui a surtout amélioré la productivité de la terre et du travail. A l’heure
actuelle, la possibilité d’expansion de la traction animale paraît très limitée, mais le
développement de l’intégration agriculture-élevage dans les pays en développement est une
absolue nécessité si l’on veut maintenir la croissance des productions agricoles dans le
futur. En effet, excepté dans les zones où de l’espace reste disponible et où les exploitants
agricoles ont la possibilité de pratiquer une agriculture itinérante (mais au détriment des
forêts tropicales), la baisse constante de la fertilité des sols et des prix des denrées
produites ne permet plus aux agriculteurs de tirer un revenu décent de leurs activités voire,
dans certains cas, de subvenir aux besoins de leur famille à partir des productions
céréalières de leur exploitation. Selon des estimations récentes (Thornton et al., 2002), 84
% des populations rurales des pays en développement sont confrontés à cette
problématique. Dans ce contexte, la mise en place d’exploitations mixtes et durables
devient un impératif de plus en plus pressant. Alors que les productions animales
intensives des pays occidentaux voient actuellement leurs marges bénéficiaires s’effondrer
et sont confrontées à des problèmes de rejets polluants, le développement de l’élevage, en
particulier des ruminants, dans les systèmes agricoles des pays du sud constitue une
nécessité pour assurer de véritables solutions, capables de re-dynamiser économiquement
les exploitations et de restaurer ou préserver la fertilité du sol au travers d’une gestion
améliorée des déjections animales. Dans cette optique, de nombreuses études doivent
encore être consacrées à une meilleure valorisation technique et économique des sousproduits et coproduits agricoles et, surtout, à l’introduction de ressources fourragères
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adaptées au sein des systèmes d’exploitation. Alors que la jachère améliorante a été
découverte, mise au point et utilisée par les exploitants au cours des 17e et 18e siècles en
Europe, de nombreux pays du sud n’ont pas encore franchi ce pas. De multiples raisons
expliquent pourquoi les pays en développement n’ont pas encore intégré cette véritable
« clé » de la durabilité des systèmes agricoles : la priorité donnée aux cultures de rente et le
manque d’espace disponible pour la réalisation de cultures fourragères; le peu d’attention
prêté par la recherche à cette problématique qui englobe la production, la conservation et la
valorisation des fourrages; la faible valorisation de la biodiversité locale et de ressources
fourragères parfaitement adaptées à différents contextes écologiques, parfois très difficiles;
les faibles moyens et soutiens à long terme consacrés par les pouvoirs publics à ce domaine
de recherche et le manque d’adoption des résultats par les organismes de développement et
les exploitants; etc.
Depuis déjà de nombreuses années, l’Unité de Zootechnie de la FUSAGx a conduit
différentes recherches (production, conservation, amélioration génétique, etc.) à propos de
plantes de jachères améliorantes et nettoyantes telles que Setaria sphacelata en Afrique
centrale, Andropogon gayanus au Sénégal, différentes espèces locales au Bénin, etc. Grâce
aux techniques mises au point en Europe, elle a aussi étudié la digestibilité de nombreux
fourrages et sous-produits agricoles au moyen d’espèces animales locales, en cage à
métabolisme ou au pâturage. Elle a aussi adapté des techniques de laboratoire utilisées au
nord pour l’étude d’aliments non conventionnels utilisés dans les pays en développement
(études de la dégradabilité des matières azotées et des taux de fermentations dans le rumen,
caractérisation de la fermentation des fibres dans le gros intestin du porc, etc.). Malgré
tous les progrès réalisés au niveau international, il faut toutefois avouer que beaucoup reste
à faire dans ce domaine de recherche.
3. Les échanges Belgique et pays du sud en productions animales
Comme souligné dans les paragraphes précédents, les productions animales sont très
importantes pour le développement des pays du sud. Elles impliquent toutefois aussi des
échanges commerciaux entre la Belgique et les pays du sud. A titre d’exemple, le tableau
3 fournit une synthèse des exportations nettes entre 1995 et 2002 pour les principaux
produits animaux, de la Belgique vers les différents continents situés au sud.
Les exportations belges en viandes et abats comestibles concernent essentiellement
l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, de même que Cuba et l’Asie centrale et du Sud.
Les importations à partir du continent africain proviennent essentiellement d’Afrique du
Sud, du Botswana et de la Namibie, mais les quantités sont relativement limitées
comparées aux importations en viande du Brésil, de l’Argentine et de l’Uruguay. Par
ailleurs, des quantités limitées de viandes et abats sont également importées d’Indonésie et
de Thaïlande. Le bilan dressé au tableau 3 montre que la Belgique constitue un exportateur
net en abats comestibles vers les pays du sud, mais ceci est lié en grande partie à la
demande importante des pays asiatiques. Le tableau 3 montre aussi que certains pays
d’Amérique du Sud (Brésil, Argentine et Uruguay), et dans une moindre mesure l’Asie,
constituent une concurrence pour nos élevages de bovins viandeux, de porcs et de poulets
de chair.
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Tableau 3. Bilan des échanges commerciaux entre la Belgique et les pays du sud de 1995
à 2002 (bilans exportateurs en positif et importateurs en négatif, en tonnes).
Produits
Viandes et abats
Afrique
280.126
0
98
4.447
579.660
Amérique
latine et du
Sud
-443.901
-27.285
-27.223
-73.828
106.792
Asie
Totaux
718.836
0
131
-21.503
734.920
555.061
-27.285
-26.994
-90.884
1.421.372
Carcasses de bovins
Carcasses de porcs
Viandes de volailles
Lait, œufs, miel et
prod. anim.
En ce qui concerne le lait et les œufs, les exportations belges sont réalisées dans un grand
nombre de pays sur tous les continents du sud, tandis que les importations en Belgique
proviennent en très grande partie de l’Argentine et de la Chine. D’une manière globale, le
tableau 3 montre que le bilan de ces dernières années est aussi très largement en faveur de
la Belgique, même si les exportations vers les pays américains sont en régression.
Les échanges commerciaux vers le sud concernent aussi des géniteurs, du matériel
d’élevage, des aliments et additifs alimentaires, des produits pharmaceutiques, etc. Dans
ce domaine, le FUSAGx a toujours veillé à promouvoir le savoir-faire des entreprises
belges et a notamment contribué au travers de certains programmes de coopération, en
collaboration avec l’ULg et le CRA-W, au transfert de technologies adaptées en faveur des
pays en développement.
A côté des échanges commerciaux, la Faculté est également très active dans la formation
des ingénieurs et des techniciens travaillant dans le domaine de l’élevage. Grâce à un
programme de coopération bilatéral, l’Unité de Zootechnie de la FUSAGx a notamment
assuré la création et le soutien pendant plus de 10 ans d’un Département des productions
animales à l’Ecole nationale supérieure d’Agriculture de Thiès au Sénégal. La FUSAGx a
aussi mis en place depuis la fin des années 80 une formation spécialisée en développement
des pays tropicaux, au sein de laquelle une large part de l’enseignement était réservée aux
productions fourragères et animales. Depuis quelques années, un diplôme d’études
spécialisées en « Gestion des ressources animales et végétales en milieux tropicaux » a été
créé en collaboration avec l’Université de Liège. Au sein de ce cursus existe une filière
spécialisée en productions animales. Chaque année, cette formation de troisième cycle
accueille plus d’une vingtaine d’étudiants provenant essentiellement des pays du sud. La
FUSAGx diplôme aussi régulièrement des doctorants ayant réalisé leurs travaux
scientifiques dans le domaine des productions fourragères et animales en pays chauds.
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Enfin, l’ONG de la FUSAGx, dénommée « Aide au Développement » (ADG), organise
chaque année deux formations spécialisées dans le domaine de la gestion du cycle du
projet, selon les méthodes en vigueur à l’heure actuelle. A cette formation participent des
techniciens du sud travaillant dans le domaine des productions animales.
4. Quel avenir pour les productions animales dans les pays du sud ?
En 1980, les productions de lait et de viande des pays en développement représentaient
respectivement 25 et 31 % de la production mondiale. On estime que ces pourcentages
représenteront 52 et 60 % d’ici 2020 (Delgado et al., 1999). Plusieurs spécialistes pensent
donc que nous allons véritablement assister à ce qu’ils nomment une « révolution des
productions animales » dans les pays en développement. Alors que la demande en produits
animaux est proche de la saturation dans les pays développés, l’accroissement annuel de
consommation de ces produits attendue dans les pays du sud est de 2 % pour le lait, 4 %
pour les œufs et 6 % pour la viande (Upton M., 2004). Cette augmentation est
essentiellement due à la croissance démographique, à l’urbanisation galopante et à
l’augmentation des revenus dans ces régions du globe. Par ailleurs, on s’attend pour les
prochaines années à des croissances annuelles supérieures à 3 % pour la production laitière
et 5 % pour la production de viande dans ces pays.
Jusqu’à présent, le secteur privé a joué un rôle très important dans le développement des
productions animales dans les pays du sud. Souvent, celui-ci a d’ailleurs été assuré par
simple transposition des technologies utilisées au nord lorsqu’il s’agissait d’élevages
intensifs de porcs et de volailles installés à proximité des villes. Ces élevages industriels
hors sol, qui se sont souvent développés au sud grâce à des politiques qui les ont nettement
favorisés et qui sont qualifiés par certains de « déloyaux » envers les petits producteurs,
sont actuellement souvent confrontés aux mêmes externalités négatives que celles
rencontrées au nord, notamment en relation avec l’environnement. C’est pourquoi la
véritable révolution des productions animales pressentie pour le futur nécessitera des
actions collectives pour le développement de filières durables et équitables en faveur des
petits exploitants, en veillant aussi à mettre en place des institutions traitant des problèmes
environnementaux et de santé qui doivent également être maîtrisés dans les pays du sud.
Certains considèrent que ce domaine d’activité, réorienté vers les petits producteurs, est
capable d’assurer le développement économique et d’enrayer la pauvreté dans les pays
moins avancés.
Toutefois, ceci nécessite des moyens supplémentaires pour la formation technique et la
conduite de recherches interdisciplinaires bien orientées : exploitation de la biodiversité
végétale, alimentation animale, reproduction, génétique, amélioration et santé animales,
valorisation des produits animaux et économie. Par ailleurs, la mise en place de politiques
institutionnelles et de prix, les changements structurels et l’adoption d’innovations
technologiques par les petits producteurs doivent aussi être encouragés et financés par les
gouvernements locaux et les aides bilatérales ou multilatérales. A l’heure actuelle, les
avantages comparatifs des pays du sud dans la production animale s’expriment souvent
difficilement, compte tenu des soutiens octroyés par les pays riches à leur agriculture et
aux productions animales en particulier.
Le faible niveau d’infrastructures de
communication, de marché et d’information isole souvent aussi les petits producteurs des
pays du sud. De plus, les taxations, les aides, les barrières commerciales et les standards
de qualité mis en place au nord limitent encore les importations dans nos pays, malgré la
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libéralisation des échanges. Malgré tout, il est probable que le développement des
productions animales dans le sud, s’il se produit selon les prévisions, limitera nos
exportations dans le futur.
Compte tenu des besoins croissants en produits animaux dans les pays du sud, le
développement des productions animales dans ces régions ne constitue pas une réelle
menace pour le nord. Il convient toutefois d’être très attentif aux avantages comparatifs
dont bénéficient le Brésil, l’Argentine ou l’Uruguay. D’autres pays pourraient également
bénéficier dans le futur de politiques adaptées pour mettre en œuvre des systèmes durables
et productifs. Dans des conditions de libre échange, malgré les standards de qualité
adoptés au nord, ces pays pourraient fortement concurrencer nos productions. Et ceci
d’autant plus que les technologies développées par le secteur de l’agroalimentaire sont de
plus en plus capables de transformer un produit sain, mais de faible qualité (aux yeux du
monde occidental), en un produit de consommation répondant parfaitement aux attentes de
la société et du consommateur.
5. Références bibliographiques
Delgado C., Rosegrant M., Steinfeld H., Ehui S. and Courbois C. (1999). Livestock to 2020 : The Next Food
Revolution. Washington D.C. : International Food Policy Research Institute, 72 pp.
Thornton P.K., Kruska R.L., Henninger N, Kristjanson P.M., Reid R.S., Etieno F., Odero A.N. and Ndegwa
T. (2002). Mapping poverty and livestock in the developping world. Nairobi : International Livestock
Research Institute.
Upton M. (2004). The role of livestock in economic development and poverty reduction. FAO. PPLPI
Working Paper n° 10, 57 pp.
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