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Schweiz. Arch. Tierheilk. © 2010 by Verlag Hans Huber, Hogrefe AG, Bern S. Blickenstorfer et al., Band 152, Heft 12, Dezember 2010, 555 – 560 DOI 10.1024/0036-7281/a000124 Originalarbeiten 555 Rhino-trachéite infectieuse bovine (IBR) dans le canton du Jura: enquête épidémiologique S. Blickenstorfer1, M. Engels2, C. Guerdat3, C. Saucy3, M. Reist4, H. Schwermer 4 *, L. Perler 4 * 1Institut de Santé publique vétérinaire de l’Université de Berne, 2Institut de Virologie de l’Université de Zürich, 3Service vétérinaire de la République et du Canton du Jura, Delémont, 4Office vétérinaire fédéral, Berne Résumé En été 2009, trois cas de rhino-trachéite infectieuse bovine (IBR) ont été diagnostiqués dans les cantons du Jura et de Neuchâtel, suite à un avortement dans un troupeau de vaches mères. Une enquête épidémiologique des exploitations touchées et de leurs mouvements d’animaux a été menée, afin d’identifier la source d’infection avec l’herpès-virus bovin 1 (BoHV-1) et d’empêcher la propagation de l’épizootie. Les taux d’attaque dans les exploitations touchées s’élevaient à 0.89, 0.28 et 0. On a réussi à isoler et à caractériser, à l’aide d’analyses de restriction, le virus dans les sécrétions nasales de deux bovins provenant d’une des exploitations. Les isolats des deux animaux n’étaient pas tout à fait identiques, mais montraient une forte similarité avec deux anciens isolats de BoHV-1 du canton du Jura, ainsi qu’avec un isolat de BoHV-1 français. Cette réapparition d’IBR a démontré l’importance d’annoncer et d’analyser les avortements. Les cas actuels d’IBR rappellent les facteurs de risque les plus important pour la propagation de cette épizootie en Suisse: l’achat et le trafic de bovins et de semences à statut d’IBR souvent inconnu. Mots clés: IBR, herpès-virus bovin 1 (BoHV-1), mouvements d’animaux, avortement, bovin, épidémiologie Introduction La Suisse est déclarée indemne de rhino-trachéite infectieuse bovine (IBR) depuis 1994 (Ackermann et Engels, 2006). Le 22 juin 2009, un cas d’IBR a été diagnostiqué dans une exploitation bovine de production mixte dans le district de Porrentruy/JU (ferme «A»). L’infection due à l’herpès-virus bovin 1 (BoHV-1) a été découverte lors * Les deux auteurs ont contribué à part égale à cette publication Infectious bovine rhinotracheitis (IBR) in the canton of Jura: An epidemiological outbreak investigation Following an abortion in a beef herd in the summer of 2009, three outbreaks of infectious bovine rhinotracheitis (IBR) were diagnosed in the cantons of Jura and Neuchatel. An epidemiological outbreak investigation was conducted with the aims to identify the source of introduction of the bovine herpes virus 1 (BoHV-1) into the affected herds and to prevent further spread of the disease. The attack rates in the three outbreak farms were 0.89, 0.28 and 0, respectively. BoHV-1 could be isolated from nasal swabs of two animals originating from one of the affected farms. Comparative restriction enzyme analysis revealed slight differences between the isolates of the two animals, but a high similarity to previous BoHV-1 isolates from the canton of Jura, as well as to a French BoHV-1 isolate. This IBR outbreak has shown the importance of reporting and analyzing abortions. The current disease outbreaks recall the main risk factors for the spread of IBR in Switzerland: purchase and movement of bovines and semen of often unknown IBR status. Keywords: IBR, bovine herpes virus 1 (BoHV-1), animal movements, abortion, cattle, epidemiology d’un examen d’IBR effectué en laboratoire, suite à un avortement dans le troupeau de vaches mères. L’exploitation affectée par le virus consistait en un troupeau de vaches laitières et de veaux, un troupeau de vaches mères et d’animaux d’engrais et un groupe de génisses et comportait en tout 248 bovins. Sur les 248 animaux détenus à la ferme, 221 ont par la suite été confirmés positifs, lors de l’échantillonnage complet du cheptel. Dans le cadre de l’enquête épidémiologique, un deuxième foyer d’IBR a été découvert le 2 juillet 2009, dans le district de S. Blickenstorfer et al., Band 152, Heft 12, Dezember 2010, 555 – 560 Schweiz. Arch. Tierheilk. © 2010 by Verlag Hans Huber, Hogrefe AG, Bern 556 Originalarbeiten Porrentruy (ferme «B»). Il s’agissait d’une exploitation de vaches laitières, de laquelle un veau avait été vendu à la ferme «A» en mars 2009. Ce deuxième troupeau touché par la maladie comportait 68 bovins, parmi lesquels 11 vaches et 8 veaux identifiés positifs à l’IBR. Le 8 juillet 2009, un troisième cas de rhino-trachéite infectieuse bovine a été identifié dans une exploitation d’engraissement neuchâteloise, dans le district du Val-de-Ruz (ferme «C»). Dans ce troisième et dernier cas, il s’agissait d’un veau positif solitaire, provenant de l’exploitation «B». Chez les 80 bovins détenus dans cette ferme, aucune contagion entre les animaux n’a été observée. La Suisse, comme certains autres pays européens, a réussi à éradiquer cette épizootie durant les années 1980 et possède donc le statut «indemne d’IBR» (Ackermann et al., 1990a; Ackermann et Engels, 2006) . Afin que ce statut puisse être maintenu en Suisse, les enquêtes épidémiologiques en cas de réapparition de la maladie, ainsi que l’échantillonnage par sondage annuel pour l’IBR se révèlent être nécessaires. Il existe des vaccins capables de réduire la gravité des symptômes de l’IBR, mais sans empêcher l’établissement d’une infection latente. En posant des problèmes pour le contrôle sérologique, la vaccination contre l’IBR n’est pas autorisée en Suisse, tandis que certains pays membres de la Communauté Européenne permettent l’usage de vaccins marqueurs (Ackermann et Engels, 2006). Le but de cette étude épidémiologique était d’identifier la source d’introduction de l’herpès-virus bovin 1 dans les exploitations affectées, ainsi que de circonscrire sa propagation. A cette fin, une enquête des exploitations touchées et de tous leurs mouvements d’animaux pendant une période possible d’infection, a été menée. important et détenait des vaches d’exposition à haute performance. Une partie des animaux pâturaient régulièrement avec d’autres troupeaux de la région. Cette ferme n’avait jamais été sélectionnée pour un échantillonnage par sondage annuel. Un avortement dans le troupeau de vaches mères, suivi par un deuxième chez une vache laitière, ainsi que quelques faibles signes de conjonctivite étaient les seuls symptômes cliniques observés chez les bovins touchés par l’IBR dans cette ferme. Le deuxième cas de rhino-trachéite infectieuse bovine dans le canton du Jura s’est produit le 2 juillet 2009 dans une exploitation de vaches laitières (ferme «B»), située à proximité de la frontière avec la France et a été découvert au cours de l’enquête épidémiologique du premier cas d’IBR. Les bovins étaient détenus à l’attache (vaches) ou dans des boxes (veaux) et les vaches pâturaient ensemble régulièrement, avec possibilité de contact à travers les clôtures avec les animaux de l’exploitation voisine. En outre, les génisses étaient envoyées en estivage avec d’autres bovins de la région. L’exploitation «B» était constituée d’animaux provenant de son propre élevage et aucun achat de bovins n’avait eu lieu au cours des dernières années. La ferme était desservie par un vétérinaire ayant son cabinet en France. Cette exploitation n’a jamais été testée lors d’un échantillonnage par sondage pour l’IBR. Dans l’exploitation «B», aucun symptôme clinique relatif à l’IBR n’a été observé par le propriétaire des bovins. Le 8 juillet 2009, le troisième et dernier cas d’IBR a été diagnostiqué dans une exploitation bovine d’engraissement à stabulation libre (ferme «C») située dans le Val-de-Ruz/NE. Il s’agissait d’un veau positif solitaire qui a été introduit dans le troupeau récemment depuis la ferme «B». Enquête des mouvements d’animaux Matériel et méthode Investigations effectuées dans les trois exploitations touchées Le premier cas d’IBR a été diagnostiqué, le 22 juin 2009, dans une exploitation bovine de production mixte (ferme «A»), consistant en un troupeau de vaches laitières, un troupeau de vaches mères et de bovins d’engrais et un troupeau de jeunes génisses. Chaque unité de production était détenue en stabulation libre, dans un bâtiment et des pâturages séparés. Des contacts physiques à travers les clôtures entre les trois troupeaux, ainsi qu’avec des bovins d’exploitations voisines restaient cependant possibles. Les nouvelles vaches laitières introduites dans la ferme étaient toujours détenues d’abord avec les vaches mères, avant de rejoindre le troupeau de vaches laitières. Les restes de fourrage non consommé par les veaux étaient utilisés pour alimenter les animaux d’engrais et par la suite, les restes des taureaux d’engrais étaient donnés aux vaches mères et laitières aussi, dans une moindre mesure. L’exploitation «A» avait un trafic de bovins assez Tous les animaux ayant pu entrer en contact avec les bovins infectés, ainsi que leurs exploitations de provenance (traçage en aval) ou de destination (traçage en amont) ont été identifiés pour la durée de la période d’infection en question. Nous avons fait nos recherches des mouvements de bovins à l’aide de la Banque de données sur le trafic des animaux à onglons (BDTA) suisse. Nous avons identifié 35 exploitations de contact dans 6 cantons (JU, NE, BE, VS, VD, FR), pendant une période possible d’infection de janvier à mi-mai 2009. Dans la Figure 1 les mouvements de bovins dans les trois cas d’IBR sont illustrés plus en détail. Pour le troisième cas, l’on a renoncé à une enquête détaillée des fermes de contact en aval et en amont, étant donné qu’aucune contagion entre les animaux détenus dans l’exploitation n’avait eu lieu. Isolation et caractérisation du virus Deux vaches positives à l’IBR provenant de l’exploitation «A» ont été transférées à l’Institut de virologie et d’immunoprophylaxie (IVI) pour un essai de réactivation du virus. A cette fin, 0.1 mg par kg de poids corporel Schweiz. Arch. Tierheilk. © 2010 by Verlag Hans Huber, Hogrefe AG, Bern S. Blickenstorfer et al., Band 152, Heft 12, Dezember 2010, 555 – 560 Rhino-trachéite infectieuse bovine (IBR) dans le canton du Jura 557 2 exploitations voisines négatives ««A» A »(JU) (JU) Cas secondaire (221 positifs) Traçage en amont (sorties): 3 exploitations de contact négatives Traçage en amont 2ème degré: 5 exploitations négatives Traçage en aval (entrées): 11 exploitations de contact négatives 1 exploitation voisine négative ««B» B» (JU) (JU) Cas primaire (19 positifs) X 1 veau de vache négative, testé positif Y 1 veau de vache positive, testé positif ««C» C »(NE) (NE) Cas secondaire (1 positif) Traçage en amont (sorties): 6 exploitations de contact négatives Traçage en amont 2ème degré: 1 exploitation négative 3 exploitations voisines négatives de dexamethasone (Voren Depot, Boehringer Ingelheim GmbH, Basel) ont été injecté i. v. aux bovins pendant 5 jours successifs. Les deux bovins ont excrété le virus dans leur sécrétion nasale à partir du 5ème, respectivement du 6ème jour suivant le début du traitement. Les virus isolés sur culture de cellules MDBK (NBL-1, ATCC No. CCL 22) ont été identifiés comme BoHV-1 à l’aide d’une real-time PCR spécifique au BoHV-1 (Abril et al., 2004). L’ADN d’isolats sélectionnés des deux animaux et caractérisés selon la technique «cluster», basée sur l’analyse d’enzyme de restriction décrite par Wyss (2001) s’est présenté de manière suivante: (1) les profils de restriction HindIII correspondaient au motif HindIII des souches BoHV-1 «IBR-like» (ne sont pas montrées), qui circulaient lors des épidémies d’IBR en Suisse et en Europe (Metzler et al., 1985). (2) Les profils de restriction HpaI (Figure 2) correspondaient au code 4 + 2 + 1 selon Wyss (2001), qui peut être trouvé dans la plupart des souches examinées jusqu’à présent. (3) Les profils de restriction SfiI (Figure 2) correspondaient au code 431222, respectivement 441221, définis par Wyss (2001). Les isolats ont été, en premier lieu, comparés avec des anciens isolats du canton du Jura, desquels un est considéré comme souche de référence «Jura», étant donné que celui-ci avait été isolé lors des premières années de l’épidémie d’IBR en Suisse (Probst et al., 1985). Dans cet article, la souche du virus est nommée «Jura 1985» pour pouvoir la différencier des autres virus cités. Le deuxième isolat de comparaison avait été isolé en 1999, après l’éradication de l’épizootie, Figure 1: Mouvements de bovins et fermes de contact des 3 exploitations positives à l’égard de l‘IBR. Les rectangles représentent les exploitations touchées par l’IBR; les ovales correspondent aux fermes ayant acheté ou vendu des bovins aux fermes infectées; les ovales pointillés sont les exploitations voisines des fermes affectées. «X» représente le veau de vache négative vendu depuis la ferme «B» en mars 2009 et testé positif après son introduction dans le troupeau, lors de l’échantillonnage complet du cheptel; nous ne savons donc pas si celui-ci était positif avant d’entrer à l’exploitation «A». «Y» représente le veau vendu de «B» à la ferme «C» en avril 2009. Ce veau a également été testé positif après son introduction dans le nouveau troupeau, mais étant donné que c’était le seul bovin positif dans l’exploitation, nous pouvons partir du fait qu’il était déjà positif à l’IBR dans l’exploitation «B». De plus, il provenait d’une mère positive et était donc très probablement porteur d’anticorps maternels. d’un bovin positif à l’IBR provenant du canton du Jura et traité à la dexamethasone (Wyss, 2001). Résultats Les cas d’IBR dans les trois fermes touchées Le taux d’attaque (= nombre de bovins infectés par le virus / nombre de bovins susceptibles d’attraper la maladie) dans l’exploitation «A» s’élève à 0.89 (221/248), signifiant que ~ 90 % du cheptel ont été infectés par l’herpèsvirus bovin 1 et étaient donc positifs à l’IBR. Parmi les 27 animaux restés négatifs après l’introduction du virus dans le troupeau, 22, des taureaux d’engrais, étaient les derniers introduits dans l’exploitation (entre le 30 avril et le 19 mai 2009) avant la détection du premier cas d’IBR et 5 étaient des jeunes génisses nées sur l’exploitation, dont les mères étaient également dans l’exploitation, et positives à l’IBR. Un animal acheté le 30 avril a été testé positif; c’était le seul bovin infecté par l’IBR parmi les dernières bêtes introduites à la ferme; une situation qui pourrait être expliquée par le fait que celui-ci était le premier de ces derniers achats et avait donc été exposé le plus longtemps au virus. Aucun de ces derniers bovins achetés entre fin avril et mi-mai ne provenait de la ferme «B». Le taux d’attaque d’IBR dans l’exploitation «B» s’élève à 0.28 (19/68), signifiant que 28 % du cheptel avaient été infectés par l’herpès-virus bovin 1. Les 19 bovins S. Blickenstorfer et al., Band 152, Heft 12, Dezember 2010, 555 – 560 Schweiz. Arch. Tierheilk. © 2010 by Verlag Hans Huber, Hogrefe AG, Bern 558 Originalarbeiten Figure 2: Profils de restriction HpaI (à gauche) et SfiI (à droite) de l’ADN des nouveaux isolats du virus IBR en comparaison avec ceux d’anciennes souches de virus IBR du canton du Jura. A: isolat «Jura 2009/6077»; B: isolat «Jura 2009/5071»; C: Souche de référence «Jura 1985» (Probst et al., 1985); D: isolat «Jura 1999» (Wyss, 2001). M1: marqueur, 100 bp (TrackitTM 100 bp DNA ladder; Invitrogen). M2: marqueur, 1000 bp (DNA Ladder, DirectloadTM, 1 kb; Sigma). Les chiffres à gauche, respectivement à droite des images correspondent au nombre de paires de bases de la bande du marqueur. La répartition en «cluster» est marquée à l’aide de traits. Les flèches réfèrent à des différences spécifiques de la souche dans le cluster 3 (HpaI), respectivement les clusters 2 et 6 (SfiI). Les lettres «A, B, C» dans l’illustration ne correspondent pas aux trois exploitations affectées par l’IBR. M1 A B 1: 4 2: 2 C D M2 M1 A „Cluster“ No.: nombre de 1: 4 bandes par „cluster“ 2: 3,4 individuel 3: 1 3: 1 B C D M2 10‘000 5000 4: 2 5: 2 3000 6: 1,2 2000 1500 1000 600 positifs à l’IBR se composaient de 11 vaches âgées de 6 à 14 ans et de 8 de leurs veaux, nés en 2009. Deux échantillons de sang, un avant et un après la prise du colostrum, qui avaient été prélevés chez un veau né d’une vache positive le 6 juillet 2009 dans l’exploitation «B» et testés à l’égard de l’IBR ont résulté en un ELISA négatif avant et positif après l’absorption du colostrum. Le taux d’attaque d’IBR dans la ferme «C» est de 0, vu qu’aucune contagion avec le virus n’a été observée chez les bovins détenus dans cette exploitation. Analyse des isolats de BoHV-1 L’analyse «cluster» de tous les trois profils de restriction a démontré une similarité frappante des nouveaux isolats avec les deux anciens. Un fait intéressant était, que les deux nouveaux isolats présentaient entre eux des petites différences individuelles. Le profil HpaI du nouvel isolat «2009/6077» avait des similitudes avec la souche «Jura 1985», celui de l’isolat «2009/5071» avec la souche «Jura 1999». Quant au profil SfiI, les deux nouveaux isolats ont démontré une forte ressemblance avec la souche «Jura 1985» (voir Figure 2, clusters 2 et 3). Au niveau du cluster 2, on remarque dans l’isolat «2009/5071» un mélange, du fait que cette souche présente deux bandes; la plus grande correspond à celle de l’isolat «2009/6077», la plus petite à celle de la souche «Jura 1985». Le cluster 6 montre une similarité entre le nouvel isolat «2009/6077» et la souche «Jura 1999» (deux bandes), respectivement entre le nouvel isolat «2009/5071» et la souche «Jura 1985» (une bande). Discussion Causes possibles de l’introduction de l’IBR en Suisse Le BoHV-1 pourrait avoir été introduit dans l’exploitation «B» lors d’une importation illégale d’animaux ou de semences au cours des 15 dernières années; un fait qui est toujours difficile à exclure. Cependant, durant nos enquêtes, nous n’avons décelé aucun indice concret qui pourrait nous mener dans cette direction (Kupferschmied et al., 1986). Le contrôle des journaux d’insémination n’a également révélé aucune irrégularité. L’exploitation «B» achetait et détenait des jeunes veaux d’engraissement en 2001; il serait donc possible que le troupeau «B» ait eu, par hasard ou non, contact avec des bovins infectés par le BoHV-1 et importés illégalement en Suisse. Etant donné que la plus vieille vache positive dans la ferme «B» avait 14 ans, une nouvelle infection ou la réactivation d’une infection latente au cours des 15 dernières années serait possible. Cependant, nous considérons une infection active si ancienne peu probable; dans ce cas, l’IBR aurait dû se manifester plus tôt. Nous favorisons plutôt la théorie que le BoHV-1 s’est réactivé, ou alors a été introduit dans le troupeau «B» plus récemment. Le vétérinaire français de l’exploitation «B» pourrait éventuellement avoir introduit le BoHV-1 depuis un troupeau de bovins français infecté par l’IBR. Etant donné le fait que la France n’est pas indemne d’IBR et qu’un traitement vétérinaire a été prodigué à deux vaches positives en automne 2008, respectivement en février 2009, nous ne Schweiz. Arch. Tierheilk. © 2010 by Verlag Hans Huber, Hogrefe AG, Bern S. Blickenstorfer et al., Band 152, Heft 12, Dezember 2010, 555 – 560 Rhino-trachéite infectieuse bovine (IBR) dans le canton du Jura 559 pouvons ni exclure, ni prouver une possible contribution du vétérinaire français à la réapparition de l’IBR dans le canton du Jura. Causes possibles de la réapparition et propagation de l’IBR dans les fermes touchées Une réactivation ou une introduction du virus a eu lieu dans l’exploitation «B» qui, dans ce cas, représenterait la source du BoHV-1 et aurait transmis celui-ci aux deux autres exploitations à la faveur du trafic de bétail. Nous ne possédons aucun élément qui pourrait prouver scientifiquement que l’exploitation «B» était véritablement la source des cas d’IBR découverts dans le canton du Jura. Mais par manque de preuves du contraire et du fait que deux veaux ont été déplacés de «B» à «A» et «C» et qu’aucun mouvement de bovin n’a eu lieu en sens contraire, nous devons considérer cette hypothèse comme le scénario le plus plausible. La différence marquée entre les taux d’attaque des exploitations «A» (90 %) et «B» (28 %), ainsi que l’âge avancé de la plupart des vaches positives à l’IBR à «B», sont des indices qui soutiennent l’hypothèse d’une vieille infection latente à «B», qui se serait réactivée à la faveur d’un stress et se développant dans l’exploitation «A», au milieu d’une population naïve. L’herpès-virus bovin 1 a été introduit dans l’exploitation «A» par le veau provenant de la ferme «B». Les trois veaux de fermes différentes qui avaient été transportés avec le veau vendu de «B» à «A», mais à destination différente, ont été testés à l’IBR, afin d’obtenir plus d’informations sur l’infectiosité de celui-ci avant son introduction dans le troupeau «A». Ces tests, ayant donné un résultat négatif, n’ont pas pu confirmer notre hypothèse. Mais, étant donné que nous n’avons aucun indice pour prouver le contraire, cette hypothèse reste valable. Il est possible qu’au moment de son transport, le veau en question se trouvait encore en phase d’incubation de la maladie. L’IBR a été introduite dans la ferme «C» par le veau provenant de «B» et n’a pas pu se propager, car le veau n’avait que des anticorps maternels, mais n’était pas porteur du virus. L’ELISA négatif avant et positif après l’absorption de colostrum apportait la confirmation qu’il s’agissait d’anticorps maternels chez ce veau, et par conséquent, très probablement aussi chez les 7 autres. En outre, plusieurs bovins nés en 2008 de vaches positives de l’exploitation «B» et vendus ailleurs, ont été identifiés et testés négatifs à l’IBR. Le veau vendu en mars à «A» provenait d’une mère négative à l’IBR et ne pouvait donc pas être porteur d’anticorps maternels; un fait qui accréditerait la thèse d’une contagion de ce veau par une vache positive au BoHV-1. Cette étude épidémiologique démontre qu’une enquête systématique des exploitations affectées et de leurs mouvements d’animaux, que de bonnes connaissances de l’épidémiologie de l’agent infectieux en question, ainsi qu’une bonne collaboration entre les autorités cantonales et fédérales et les laboratoires sont indispensables à la gestion efficace d’une épizootie. Grâce à cela, nous avons réussi à circonscrire les foyers d’IBR et à garder notre statut «indemne d’IBR». Pour bénéficier d’une traçabilité sans faille des animaux suspects et pour connaître avec précision chacun de leurs déplacements, une banque de données fiable et complète est absolument nécessaire. Cette réapparition d’IBR a démontré clairement l’importance d’annoncer et de tester à l’égard du BoHV-1 les avortements. L’enquête épidémiologique des cas d’IBR actuels a rappelé les facteurs de risque centraux pour cette épizootie: l’achat et le trafic de bovins et de semences, dont le statut IBR est souvent inconnu. L’alimentation des vaches avec les restes de fourrage des taureaux d’engrais et des veaux est également un fait important dans l’épidémiologie de l’IBR et a très probablement contribué à la forte propagation de l’infection dans la ferme «A» (Ackermann et al., 1990b). L’analyse des isolats de virus provenant de l’exploitation «A» a démontré une forte ressemblance avec des anciennes souches de BoHV-1 circulant dans le canton du Jura. Ce résultat soutient l’hypothèse de la réactivation du virus. Une autre possibilité également soutenue par ce résultat, serait une introduction d’un ancien virus IBR à partir d’une autre source en Suisse. Tout de même, il faut prendre en compte, qu’un isolat de BoHV-1 français de 2005 montrait des codes de profils d’enzymes de restriction identiques avec ceux des souches «Jura 1985» et «Jura 1999» (non publié). Pour cette raison, nous ne pouvons pas exclure l’hypothèse de l’introduction du virus par la France. Des mutations dans ou des recombinaisons entre les virus lors de la réplication virale dans l’animal pourraient expliquer les petites différences individuelles entre les isolats et les souches de comparaison (Whetstone et al., 1989, Muylkens et al., 2009). Conclusions Les foyers d’IBR ont été circonscrits et élucidés efficacement. Tout de même, la source du virus, ainsi que son mode d’introduction n’ont pas été identifiés. Remerciements Nous remercions tous les collaborateurs et collègues des Services vétérinaires cantonaux touchés, de l’Office vétérinaire fédéral, du Laboratoire de référence compétent pour l’IBR et de l’Institut de virologie et d’immunoprophylaxie, ainsi que tout particulièrement, les propriétaires et les exploitants des fermes concernées pour leur coopération. Nous remercions également Mme Eva Loepfe d’avoir fait les analyses de laboratoire à l’Institut de virologie de la faculté Vetsuisse de l’Université de Zürich. S. Blickenstorfer et al., Band 152, Heft 12, Dezember 2010, 555 – 560 Schweiz. Arch. Tierheilk. © 2010 by Verlag Hans Huber, Hogrefe AG, Bern 560 Originalarbeiten Infektiöse bovine Rhinotracheitis (IBR) im Kanton Jura: Epidemiologische Ausbruchsuntersuchung Rinotracheite infettiva bovina (IBR) nel canton Giura: esame epidemiologico del focolaio Nach einem Abort in einer Mutterkuh-Herde im Sommer 2009 wurden in den Kantonen Jura und Neuenburg drei Fälle von infektiöser boviner Rhinotracheitis (IBR) diagnostiziert. Um mögliche Einschleppungswege des BoHV-1 in die betroffenen Betriebe zu identifizieren und eine Ausbreitung der Seuche zu verhindern, wurde eine epidemiologische Ausbruchsuntersuchung vorgenommen. Die AttackRaten in den drei Betrieben betrugen 0.89, 0.28 und 0. Von zwei Tieren aus dem einen Betrieb konnte das Virus aus dem Nasensekret isoliert und mittels Restriktionsanalyse charakterisiert werden. Die Isolate der beiden Tiere waren nicht ganz identisch, zeigten aber eine grosse Ähnlichkeit mit zwei älteren BoHV-1 Isolaten aus dem Kanton Jura sowie mit einem französischen BoHV-1 Isolat. Dieser IBR-Ausbruch hat die Bedeutung der Abortmeldung und -Untersuchung aufgezeigt, sowie die wichtigsten Risikofaktoren für eine Ausbreitung der Seuche in der Schweiz in Erinnerung gerufen: der Zukauf und Verkehr von Rindern und Samen mit unbekanntem IBR-Status. Nei cantoni Giura e Neuchâtel sono stati diagnosticati nell’estate 2009, 3 casi di rinotracheite infettiva bovina (IBR) in una mandria di vacche nutrici dopo un aborto. Per identificare le possibili vie di contagio di BoHV1 nelle aziende interessate ed evitare una propagazione dell’epidemia è stato effettuato un esame epidemiologico del focolaio. La percentuale degli attacchi nelle 3 aziende era dello 0.89, 0.28 e 0. In due animali di una azienda si è potuto isolare il virus dal secreto nasale e caratterizzarlo tramite un’analisi di restrizione. Gli isolati dei due animali non erano identici ma mostravano molte similitudini con due vecchi isolati di BoHV-1 provenienti dal canton Giura e con un isolato di BoHV-1 francese. Questo focolaio di IBR sottolinea l’importanza della notifica e dell’esame nel caso di un aborto con lo scopo di riportare l’attenzione sui fattori di rischio maggiori per una propagazione dell’epidemia in Svizzera: il traffico e l’acquisto supplementare di bovini e semi con stato di IBR sconosciuto. Références Abril C., Engels M., Liman A., Hilbe M., Albini S., Franchini M., Luter M., Ackermann M.: Both viral and host factors contribute to neurovirulence of bovine herpesviruses 1 and 5 in interferon receptor-deficient mice. J. Virol. 2004, 78: 3644 – 3653. Ackermann M., Engels M.: Pro and contra IBR-eradication. Vet. Microbiol. 2006, 113: 293 – 302. Ackermann M., Müller H. 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