Avenant - UGGC Avocats

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Avenant - UGGC Avocats
Dossier Aspects Juridiques et Fiscaux des LBO
Organisation des relations
entre associés
Ali Bougrine,
Avocat,
Anne-Laure Legout,
Avocat,
UGGC & Associés
Dans le cadre d’un LBO les investisseurs en
capital financent la création, la reprise ou le
développement de sociétés non cotées en y
investissant des fonds propres versés par des
institutionnels et/ou des personnes physiques,
dont l’objectif est de valoriser au maximum leur
investissement par cet intermédiaire. A ce titre,
le but des investisseurs consistera à dégager une
plus value maximum lors de la cession des titres
de ces sociétés à moyen terme, généralement 4
à 6 ans après leur acquisition, tout en gardant
un certain contrôle pendant toute la durée de
l’investissement sur la gestion de la société.
Dans le but d’atteindre une rentabilité optimale
de leur investissement, les investisseurs
accorderont leur confiance à des managers qui
possèdent les qualités et compétences pour
développer le potentiel déjà existant de la
société. Le management prendra ainsi en charge
la gestion opérationnelle de la société. En
revanche, la quote-part de capital social détenue
par le management variera selon l’opération
envisagée, les managers étant généralement
minoritaires dans le cadre d’une opération de
LBO classique et, éventuellement, majoritaires
dans le cadre de certaines opérations de LBO
secondaires.
Afin de préserver les intérêts de chacun, la
mise en place d’un encadrement juridique de
leurs relations au sein de ce partenariat est
nécessaire.
1) Article 227-15 du Code de
commerce relatif aux sociétés
par actions simplifiée : « Toute
cession effectuée en violation des
clauses statutaires est nulle. »
2) Cass. mixte, 26 mai 2006,
Rev. Soc. 2006. 808 note J.F. Barbièri ; Cass. civ. III, 31
janvier 2007, D. 2007. 1698 ;
Cass. civ. III, 14 février 2007,
D. 2007. AJ.657, note P.-Y.
Gauthier.
JOURNAL DES SOCIÉTÉS
Une formalisation statutaire de ces relations
est envisageable. L’utilisation des statuts dans
le but de gérer les relations entre actionnaires
a, par ailleurs, été renforcée par l’apparition de
la société par actions simplifiée, qui renforce le
caractère contractuel de la société en autorisant
une plus grande liberté dans la rédaction des
stipulations statutaires que les autres formes
sociales. De plus, l’insertion des clauses régissant
les relations entre actionnaires dans les statuts
offre une meilleure sécurité juridique dans
la mesure où les statuts, qui font l’objet d’une
publication au Greffe du Tribunal de commerce,
sont opposables aux tiers. En outre, en principe,
la mise en œuvre des stipulations statutaires
peut être obtenue par voie d’exécution forcée.
La création par l’ordonnance du 24 juin 2004
des actions de préférence tend à favoriser
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l’utilisation des statuts pour régir les relations
entre les actionnaires dans les opérations de
LBO. En effet, elles se caractérisent par une
plus grande souplesse puisqu’elles accordent
des prérogatives pécuniaires et/ou financières
particulières à leurs porteurs, pouvant même
être exercées au sein de la société cible.
Toutefois, le recours aux statuts est freiné
(i) par l’exigence de confidentialité requise
généralement dans le cadre des opérations
de LBO (les statuts étant publiés au Greffe),
et (ii) par un encadrement légal en raison du
caractère institutionnel que revêt la société,
même constituée sous la forme d’une société par
actions simplifiée.
Face à ces difficultés, le caractère purement
contractuel des pactes d’actionnaires offre
de nombreux avantages, à savoir (i) une plus
grande confidentialité, les pactes ne faisant
pas, en principe, l’objet de publicité, (ii) une
importante liberté dans la rédaction des clauses
(les règles légales applicables aux relations
contractuelles étant peu nombreuses, ce qui
permet d’anticiper de manière plus complète
l’ensemble des évènements qui pourraient
intervenir), et (iii) une large souplesse dans la
modification de leurs stipulations, facilitant
d’éventuels aménagements ultérieurs dans
l’organisation des relations entre les parties.
En outre, la jurisprudence récente tend
à rapprocher le régime des statuts et des
pactes d’actionnaires au regard des sanctions
applicables à l’inexécution des clauses régissant
les relations entre les actionnaires. En effet,
la loi permettait de procéder à l’exécution
forcée des stipulations statutaires régissant les
relations entre les actionnaires et la nullité des
actes intervenus en violation de ces stipulations
(1), ce que refusait la jurisprudence, lors de
la violation des stipulations extrastatutaires.
Désormais, la jurisprudence admet que
l’inexécution des stipulations d’un pacte
d’actionnaires puisse être sanctionnée de la
même façon que si elles avaient été insérées
dans les statuts, à la seule condition que les
intéressés aient eu connaissance desdites
stipulations et de la volonté de leur bénéficiaire
de s’en prévaloir (2). Dans le même temps
et à l’inverse, les restrictions quant à la
liberté d’organisation des relations entre les
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Dossier Aspects Juridiques et Fiscaux des LBO
actionnaires par les statuts semblent faire
l’objet d’un renforcement, ainsi qu’en témoigne
l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de
cassation en date du 23 octobre 2007, qui refuse
aux actionnaires la possibilité de stipuler dans
une clause statutaire d’exclusion une privation
des droits de l’actionnaire exclu (3).
En pratique, les investisseurs et managers
recourent le plus souvent à un pacte
d’actionnaires. Toutefois, certaines stipulations
extrastatutaires peuvent être reprises dans
les statuts dans le but d’assurer une meilleure
sécurité juridique auxdites stipulations et une
opposabilité indiscutable non seulement aux
tiers, mais également aux autres actionnaires
minoritaires présents ou futurs. Le pacte
d’actionnaires étant l’instrument privilégié des
actionnaires pour organiser leurs relations,
seule l’organisation des relations entre les
investisseurs et les managers dans le cadre d’un
pacte d’actionnaires sera ici traitée.
Le pacte d’actionnaires doit mettre en œuvre
une organisation prenant en considération la
qualité et les intérêts particuliers de chacun
des acteurs dans les opérations de LBO, à
savoir essentiellement les investisseurs et les
managers. Leur partenariat est généralement
fondé sur l’idée d’une rentabilité à moyen terme
de la société. Afin de garantir un rendement
maximum de leur investissement auprès de
leurs commanditaires, les investisseurs confient
aux managers, dont le rôle est d’optimiser la
gestion opérationnelle, la direction de la société
au regard de leurs qualités intrinsèques, tout
en gardant un contrôle sur cette direction (I).
Toutefois, les managers sont également des
actionnaires de la société holding d’acquisition.
A ce titre, le pacte d’actionnaires doit
organiser leurs relations avec les investisseurs,
notamment en ce qui concerne le maintien et
l’évolution du capital social (II). L’objectif des
investisseurs consistant à sortir à moyen terme
de la société, le pacte devra également aménager
les conditions de sortie du capital de la société
pour chacune des parties (III).
I. Organisation de la gestion de la
société par les managers sous le
contrôle des investisseurs
La gestion optimale de la société nécessite la
concertation des investisseurs et des managers
afin d’organiser au mieux sa direction (A). Le
contrôle des investisseurs sur la gestion de
la société pourra varier selon qu’il ne leur est
accordé qu’un simple renforcement de leur
droit d’information ou qu’ils bénéficient d’un
véritable contrôle sur la direction (B).
A. Organisation de la direction
Le pacte peut régler les modalités de mise en
place et de fonctionnement des organes sociaux
(A 1), mais également renforcer les liens qui
unissent les managers à la société (A 2).
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1. Modalités de fonctionnement des
organes sociaux
3) Cass. Com. 23 octobre 2007,
BRDA 22/07, p. 12
Les parties peuvent librement organiser les
règles gouvernant la composition des organes
sociaux sous réserve des restrictions légales
applicables. En pratique, les investisseurs
préfèrent s’en remettre entièrement aux
managers en ce qui concerne la gestion de
la société. En effet, leur rôle se limite au
financement, leur objectif étant de rentabiliser
leur investissement. De plus, la direction
de la société fait peser un risque de mise en
œuvre de la responsabilité de l’actionnaire qui
y prend part, notamment en cas d’ouverture
d’une procédure collective de la société. Or, les
investisseurs souhaitent minimiser les risques
liés à la prise de participation au sein de la
société. Ainsi, en principe, seul le management
obtiendra des postes de direction au sein des
sociétés, afin d’assurer la gestion quotidienne
de la société cible et du holding d’acquisition.
Toutefois, l’implication des investisseurs dans
la direction des sociétés confiée aux managers
sera certes discrète mais réelle.
Afin d’exploiter au mieux les compétences de
chacun, les parties s’accorderont préalablement
sur la répartition entre les managers des
différentes fonctions à remplir au sein des
organes sociaux de la société. Des clauses
de désignation des membres des organes de
direction au sein du holding d’acquisition,
mais également de la société cible, pourront
notamment être stipulées au sein du pacte
d’actionnaires afin d’organiser au mieux la
répartition des rôles au sein des sociétés.
La mise en œuvre pratique de ces clauses
consistera en une convention de vote, étant
précisé que l’engagement ne peut être pris de
manière irrévocable, et porter atteinte à la libre
révocabilité des dirigeants et à l’intérêt de la
société.
La participation dans le capital social accordée
aux managers est généralement conditionnée à
leur participation dans la direction de la société.
Ainsi, il est usuel de prévoir dans les pactes
d’actionnaires la révocation d’un manager en
cas de cession de ses titres ou en cas d’absence
de résultats probants, notamment lorsqu’il n’a
pas atteint les objectifs fixés. Il conviendra
également de prévoir une clause d’exclusion
du capital social d’un manager révoqué ou
démissionnaire.
A titre exceptionnel, certains investisseurs
souhaiteront une prise de participation hands
on qui leur assure un rôle actif au sein de la
gestion de la société. Le choix d’une forme
dualiste d’organisation des organes sociaux
(société anonyme à directoire et conseil de
surveillance, ou société par actions simplifiée
dotée d’un système similaire) pourra être
suffisante et offrir aux investisseurs un rôle
actif de contrôle de la gestion des managers.
Toutefois, les parties pourront également
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JOURNAL DES SOCIÉTÉS
Dossier Aspects Juridiques et Fiscaux des LBO
4) Cass. Soc., 18 mars 2003,
Bull. soc., juin 2003, inf. 579.
p.319.
réserver des postes au sein des organes sociaux
de direction aux investisseurs, notamment
au sein du conseil d’administration dans une
société anonyme à conseil d’administration.
Les parties pourront choisir d’instituer une
alternance entre les représentants des catégories
d’actionnaires au sein des organes de direction
de la société. Toutefois, il sera généralement
convenu entre les parties que les organes
sociaux (tels le conseil d’administration au sein
d’une société anonyme, ou le comité de direction
au sein d’une société par actions simplifiée,
si un tel organe est institué) devront être
composés de représentants des deux catégories
d’actionnaires, les managers et les investisseurs,
sans les désigner nominativement, afin que les
actionnaires conservent une liberté de choix.
L’efficacité de ces clauses et leur opposabilité
à la société nécessiteront néanmoins de les
stipuler dans le pacte d’actionnaires et dans les
statuts, et plus particulièrement de créer des
actions de préférence comportant des droits
privilégiés non financiers.
La participation des investisseurs à la gestion
de la société pourra également intervenir de
manière plus informelle par l’instauration de
comités spéciaux, tel un comité de suivi qui
permettra d’instituer un dialogue régulier
entre les dirigeants et les actionnaires sur les
modalités de développement de la société, sur
ses résultats, et de débattre sur la stratégie que
la société doit adopter, sans que ledit comité
ne devienne un véritable organe décisionnel.
Une opération de LBO faisant également
appel à un véritable levier social, un comité
de rémunération réunissant managers et
investisseurs pourra également discuter des
diverses rémunérations, intéressement et
avantages à accorder aux dirigeants et aux
cadres afin d’assurer leur fidélité à la société
et, par conséquent, assurer leur motivation et la
rentabilité de la société.
Les parties pourront également fixer des
règles de quorum et de majorité en imposant
notamment la présence de membres d’organes
sociaux représentant les titulaires de certaines
catégories d’actions à leur réunion. Les
investisseurs pourront exiger des règles de
majorité plus élevées que celles prévues par
la loi, notamment lors de la soumission au
vote de décisions pouvant remettre en cause la
rentabilité de leur investissement. Toutefois,
afin de ne pas créer des situations de blocage au
sein de la société, il conviendra de réserver les
droits de veto ou l’unanimité des décisions des
actionnaires à des décisions particulièrement
significatives (en règle générale, les opérations
de haut de bilan).
2. Renforcement de l’implication des
managers dans la gestion du holding
La viabilité de l’opération de LBO est
essentiellement
fonction
de
l’implication
des managers dans la direction de la société
afin d’assurer sa rentabilité. Les actionnaires
JOURNAL DES SOCIÉTÉS
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s’attacheront à fidéliser les managers, d’une part
en leur attribuant une participation motivante,
mais également en s’assurant de leur fidélité à
la société.
Les actionnaires chercheront, dans un premier
temps, à préserver les spécificités qui ont
rendu la société particulièrement attractive,
en particulier lorsque la société a innové dans
un domaine précis. Ainsi, ils conviendront
d’insérer dans leur pacte, une clause de
confidentialité afin de protéger les secrets
industriels de la société. Cette clause devra
néanmoins être limitée dans le temps. Une
clause similaire pourra également être stipulée
en ce qui concerne l’opération d’investissement
proprement dite, tout en excluant de son champ
d’application les situations où la communication
de documents ou d’information est imposée par
la loi ou les règlements, ou en raison de leur
inexécution par l’une des parties.
Une clause de non concurrence pourra
également être imposée aux managers. Pour être
efficace, cette clause devra couvrir la période
pendant laquelle les managers assureront la
direction de la société, mais également s’étaler
sur une durée limitée postérieure à leur départ,
quelle qu’en soit la raison (licenciement,
révocation, démission…). Son insertion au sein
d’un pacte d’actionnaires, et non dans le contrat
de travail liant le dirigeant à la société, permet
de rendre inapplicables les règles du droit du
travail qui imposent une contrepartie financière
à la conclusion d’une telle clause (4). De plus,
le dirigeant n’est pas nécessairement salarié
de la société mais peut être uniquement lié à la
société par un mandat social. L’insertion de cette
clause dans le pacte d’actionnaires sera alors
particulièrement utile. Les actionnaires auront
également intérêt à prévoir, parallèlement à
cette clause, une clause de non débauchage
prohibant la sollicitation par l’ancien dirigeant
de la société des cadres et des salariés de la
société.
Enfin, et particulièrement lorsque le dirigeant
est lié à la société par un simple mandat social
et non un contrat de travail, les actionnaires
auront intérêt à introduire dans leur pacte
d’actionnaires une clause d’exclusivité lui
interdisant d’accepter tout autre mandat social
ou de conclure tout contrat de travail au sein
d’une société tierce, afin de s’assurer qu’il
emploiera la totalité de son temps de travail au
bénéfice de la société.
Une clause de maintien pendant une période
déterminée pourra également être stipulée afin
de s’assurer de la fidélisation et de la cohésion
de l’équipe dirigeante.
La violation de ces clauses ne pourra néanmoins
donner lieu qu’à l’octroi de dommages et
intérêts. L’insertion de clauses pénales sera
ainsi particulièrement opportune dans un esprit
dissuasif et dans le but de fixer préalablement
N°51 Février 2008
Dossier Aspects Juridiques et Fiscaux des LBO
les indemnités qui seraient dues à titre de
sanction, bien qu’elles puissent toujours faire
l’objet d’une récision par les juges du fond.
par les investisseurs comme insuffisant et ces
derniers peuvent souhaiter encadrer la gestion
de la société par un contrôle accru.
B. Le contrôle de la direction par les
investisseurs
Si, comme évoqué précédemment (5), les
investisseurs peuvent choisir de participer
directement à la gestion de la société, il convient
de souligner qu’en pratique, les investisseurs
préfèreront limiter leur intervention à une
consultation préalable de certaines décisions
qu’ils estiment significatives au regard de
la préservation et de l’optimisation de leur
investissement.
Afin de suivre de près l’évolution de leur
investissement, les investisseurs exigeront un
renforcement du droit d’information institué
par la loi, afin de contrôler a posteriori la
gestion des managers (B 1). Toutefois, un
contrôle a priori des décisions sociales pourra
être mis en place afin d’anticiper celles qui
pourraient mettre en péril l’investissement de
cette catégorie d’actionnaires (B 2).
1. Contrôle a minima par le renforcement
du droit à l’information
Alors que les managers ont accès à l’intégralité
des informations relatives à la société, les
investisseurs, en leur qualité d’actionnaires,
ont, en principe, droit aux seules informations
dont la communication leur est légalement ou
statutairement accordée.
Or, leur investissement a été décidé sur le
fondement des informations relatives à la
société qui leur avaient été antérieurement
communiquées. En conséquence, et afin de
vérifier que les résultats prévisionnels qui
avaient été fixés sont atteints, les investisseurs
souhaiteront généralement recevoir de façon
périodique (mensuellement, trimestriellement
et
annuellement)
un
reporting
portant
notamment sur le budget et les comptes et, plus
généralement, des informations sur l’activité de
la société, principalement financières, et dont la
liste est fixée librement entre les parties.
La conclusion d’un pacte d’actionnaires
renforçant le droit d’information offre un
avantage certain. En effet, le renforcement du
droit d’information statutaire au profit d’un ou
de plusieurs actionnaires déterminés exigerait
l’intervention du commissaire aux avantages
particuliers sur le fondement de l’article L. 225147 du Code de commerce. Cette obligation n’est
pas nécessaire lorsque ce droit est organisé dans
le cadre d’un pacte d’actionnaires.
2. Renforcement du contrôle de gestion
Les décisions de gestion prises par le
management doivent être prises dans l’intérêt
de la société qui doit, en principe, correspondre
aux intérêts de l’ensemble des actionnaires
et notamment ceux des investisseurs. Il est
possible de renforcer la prise en compte des
intérêts des investisseurs en stipulant une clause
d’ingérence limitée par laquelle les dirigeants
se portent fort que la société accomplisse ou
s’interdise d’accomplir certaines opérations
strictement déterminées afin de préserver ou de
rentabiliser leur investissement. Toutefois, cet
engagement de porte fort peut être considéré
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5) Cf. paragraphe I.A.1.
6) N.-L. Ravisy et M.-I.
Levesque, « Les accords conclus
entre actionnaires dans les
opérations de LBO », Gaz. Pal.,
doctr., mai-juin 2004.1629.
7) Sur le fondement de l’abus de
biens sociaux ou de distribution
de dividendes fictifs (N.-L.
Ravisy et M.-I. Levesque, op.
cit.1630).
8) N.-L. Ravisy et M.-I.
Levesque, op. cit.1630.
Ainsi, il peut être prévu dans le pacte que
certaines décisions, limitativement énumérées,
devront faire, préalablement à leur mise en
œuvre ou leur soumission au vote de l’assemblée
générale des actionnaires, l’objet d’une
communication préalable par les managers aux
investisseurs. Le pacte peut prévoir soit une
consultation, soit une autorisation préalable de
ces décisions. La consultation préalable s’avère
moins contraignante, puisque les investisseurs
n’ont alors qu’un rôle consultatif, théoriquement
neutre, alors que le mécanisme d’autorisation
préalable impose l’accord des investisseurs sur
les décisions soumises à leur appréciation avant
leur mise en œuvre. Il est possible, dans le cadre
du pacte, de prévoir que certaines décisions
seront uniquement soumises à consultation et
d’autres à autorisation.
Toutefois, cette immixtion dans la gestion peut
être préjudiciable aux investisseurs, dans la
mesure où ils pourront être considérés comme
étant des dirigeants de fait. La notion de
dirigeant de fait se définit comme « l’exercice
en toute liberté et indépendance, de façon
continue et régulière, d’activités positives
de gestion et de direction engageant la
société (6) ». Leur responsabilité pénale
pourrait alors être engagée (7). Le risque
consiste surtout, si une procédure collective
était ouverte à l’encontre de la société, à devoir
supporter tout ou partie des dettes sociales.
Les tribunaux se fonderont sur un faisceau
d’indices pour apprécier souverainement et
in concreto si les investisseurs répondent à la
définition de dirigeant de fait.
Par conséquent, il est recommandé de prévoir,
lors de la rédaction d’une clause instituant
une autorisation préalable des investisseurs,
un champ d’application limité aux décisions
particulièrement importantes et significatives, et
ainsi d’en exclure les décisions qui entrent dans
la gestion courante de la société. Le rédacteur
pourra judicieusement se référer aux covenants
bancaires pour fixer lesdites décisions, objet
de l’autorisation préalable, la question de
la
requalification
de
l’interventionnisme
du banquier en gestion de fait ayant été
depuis longtemps abordée et délimitée par la
jurisprudence (8).
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JOURNAL DES SOCIÉTÉS
Dossier Aspects Juridiques et Fiscaux des LBO
9) Article 1844-1 alinéa 2 du
Code civil : « Toutefois, la
stipulation attribuant à un
associé la totalité du profit
procuré par la société ou
l’exonérant de la totalité des
pertes, celle excluant un associé
totalement du profit ou mettant
à sa charge la totalité des pertes
sont réputées non écrites. »
II. Maîtrise du capital pendant la
durée de l’opération de LBO
sur la nécessité d’insérer une clause antidilution dans le pacte d’actionnaires.
Une opération de LBO ne s’inscrit pas dans
la durée. Tout au plus, le partenariat entre
les investisseurs et les managers s’étalera
généralement sur six ou sept années. A cet
égard, il convient de réguler au maximum les
mouvements de capitaux au sein du capital
de la société holding d’acquisition (A), mais
également de prévoir et de gérer l’entrée dans le
capital social d’un tiers (B).
Ainsi, les parties concernées détiendront une
quote-part identique du capital social et seront
mises en mesure de souscrire à l’augmentation
de capital envisagée ou à une augmentation de
capital complémentaire qui leur sera réservée, à
des conditions identiques, notamment de prix.
L’exercice de cette clause pourra être garantie
par une émission de bons de souscription
d’actions en faveur des investisseurs, dont
l’exercice sera subordonné à une décision
d’augmentation de capital ou de fusion. Une
autre solution peut consister en un engagement
des autres actionnaires de céder une partie de
leurs titres correspondant aux bénéficiaires
si ces derniers n’ont pas été mis en mesure de
souscrire à l’augmentation de capital.
A. Les outils de stabilisation du capital
D’une manière générale, les investisseurs
souhaitent au maximum, au cours de l’opération
de LBO, limiter les mouvements sur le capital
de la société holding d’acquisition, ces derniers
pouvant avoir des conséquences sur la société
cible et, de manière indirecte, sur leur retour sur
investissement. A cet effet, ils ont recours à des
mécanismes contractuels assurant le maintien
de l’équilibre capitalistique au sein du holding
d’acquisition (A 1). A contrario, dans certaines
hypothèses déterminées, afin de se garantir une
dépréciation de leur participation, il est usuel
que soit introduit dans le pacte d’actionnaires
des mécanismes contractuels de rééquilibrage
capitalistique pour assurer aux investisseurs une
rentabilité de leur investissement (A 2).
1. Le maintien de l’équilibre capitalistique
La
rentabilité
de
l’investissement
est
généralement subordonnée au maintien des
managers dans le capital de la société. Par
conséquent, les clauses d’inaliénabilité peuvent
être utilisées afin de figer la participation de
certaines catégories d’actionnaires (le plus
souvent, les managers) au sein de la société
pendant une période déterminée.
L’article 900-1 du Code civil impose que
l’inaliénabilité des titres soit temporaire et
justifiée par un intérêt sérieux et légitime.
Selon l’article L. 227-13 du Code de commerce,
l’inaliénabilité des titres ne peut excéder
dix ans, lorsqu’elle est stipulée dans les statuts
d’une société par actions simplifiée. La durée
d’une inaliénabilité stipulée dans un pacte
d’actionnaires pourra être librement fixée.
Le rédacteur devra néanmoins se garder de
fixer une durée qui pourrait être considérée
comme excessive. En pratique, l’interdiction
de céder des titres sera limitée à la durée de
l’investissement.
Le pacte doit également prévoir tout évènement
qui pourrait intervenir au sein de la société et
qui aurait notamment pour conséquence de
modifier le montant du capital social ou sa
structure.
Afin de se protéger contre une dilution de sa
participation dans le capital social de la société
par le biais d’une augmentation de capital ou
d’une fusion, les parties concernées insisteront
JOURNAL DES SOCIÉTÉS
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Afin de compléter la clause anti-dilution et
de garantir l’équilibre de la répartition du
capital entre les investisseurs et les managers,
une clause pari passu peut être insérée dans
le pacte d’actionnaires, aux termes duquel
un alignement des prérogatives accordées à
certains actionnaires, notamment en cas de
transformation de certaines actions en actions
de préférence, sera accordé à ses bénéficiaires.
2. Outils de l’investisseur contre la
dépréciation de son investissement
Afin de garantir la valeur de leur investissement,
les investisseurs, si le rapport de force leur
est favorable, pourront exiger des managers
un engagement de compenser la perte qu’ils
pourraient potentiellement subir en cas de
dépréciation de leur participation.
Cette compensation peut prendre la forme
d’une cession en blanc de leurs titres par les
managers au profit des investisseurs, ou de
l’affectation de titres portés ab initio sur un
compte nominatif administré conjoint. Il peut
également être attribué aux investisseurs
des bons de souscription d’actions qu’ils
exerceront si les titres atteignent un certain
degré de dévalorisation fixé entre les parties.
La procédure pourra être déclenchée par toute
dévalorisation des titres (full ratchet), mais un
seuil de déclenchement ou une franchise peuvent
également être stipulés.
Il est nécessaire d’agir avec une certaine
prudence lors de la rédaction de cette clause.
L’insertion de ce type de clauses dans les
rapports entre les actionnaires suscite des
interrogations sur l’existence d’un affectio
societatis des investisseurs, sur l’égalité entre les
actionnaires, mais surtout sur leur compatibilité
avec la prohibition des clauses léonines dont
dispose l’article 1844-1 du Code civil (9), ces
clauses pouvant alors être réputées non écrites.
Afin de réduire ce risque, il est possible de
prévoir que l’assiette du calcul de la nouvelle
participation se situe entre la valorisation
N°51 Février 2008
Dossier Aspects Juridiques et Fiscaux des LBO
initiale et la valorisation de refinancement et de
ne pas appliquer uniquement le ratio découlant
de ces valorisations (10). Une clause de retour à
meilleure fortune et une limitation de la clause
dans le temps tempèreront également ce risque.
B. Contrôle de l’évolution du capital
Le
pacte
doit
prévoir
l’ensemble
des
évènements pouvant intervenir pendant la
durée de l’investissement. Les parties seront
particulièrement attentives à ne pas intégrer un
tiers indésirable au sein de la société. A ce titre,
des mécanismes pourront être mis en place afin
de s’en prémunir (B 1). Toutefois, l’intervention
d’un tiers peut également être considérée comme
bénéfique à la société, et donc aux intérêts des
actionnaires. Néanmoins, les parties veilleront
à ce que l’arrivée de ce tiers ne perturbe pas
l’équilibre institué entre elles (B 2).
1. Mécanisme de défense contre l’arrivée
d’un tiers indésirable
Des clauses de préemption et d’agrément ayant
pour objet de préserver les parties de l’entrée,
au sein du capital social, d’un tiers indésirable
seront généralement insérées dans les statuts.
Toutefois, les parties auront intérêt à intégrer
dans leur pacte de telles clauses, afin de pouvoir
plus librement fixer leurs modalités de mise en
œuvre.
La clause de préemption, dans le cadre des
opérations de LBO, répond à un double objectif :
assurer la stabilité de la répartition du capital
au sein des différentes catégories d’actionnaires,
et, à défaut, empêcher l’arrivée au sein de la
société d’un tiers indésirable, en la couplant
éventuellement avec une clause d’agrément.
En effet, le mécanisme de la préemption permet
aux actionnaires qui en bénéficient d’acquérir
les titres, objets du projet de cession, de façon
prioritaire. L’exercice du droit de préemption
peut être modulé afin de bénéficier en priorité
aux actionnaires de même catégorie, puis à
l’ensemble des autres actionnaires, catégorie par
catégorie ou de manière globale, si l’exercice de
ce droit n’a pas porté sur l’ensemble des titres
dont la cession est envisagée.
Le rédacteur devra notamment prévoir, de
manière précise, les conditions de mise en
œuvre du droit de préemption, notamment en
ce qui concerne les délais et le prix. Les délais
devront être strictement encadrés. Le prix doit
s’aligner sur celui qui a été convenu dans le
cadre de la cession envisagée ou être fonction
de plusieurs critères déterminés. Une expertise
indépendante devra être envisagée en cas de
désaccord du cédant et du bénéficiaire sur le
prix pour éviter toute situation de blocage.
L’efficacité de cette clause a été renforcée par
l’évolution récente de la jurisprudence sur les
sanctions de son inexécution. En effet, un arrêt
N°51 Février 2008
de la Chambre mixte de la Cour de cassation en
date du 26 mai 2006 (11) a admis le principe de
la nullité d’une cession intervenue en violation
du droit de préemption et de la substitution du
cessionnaire par le bénéficiaire dans la propriété
des titres, principe repris par des décisions
ultérieures (12). Toutefois, l’application de cette
sanction est subordonnée à l’existence de deux
conditions cumulatives : la connaissance par le
cessionnaire, lorsqu’il a contracté, de l’existence
d’un pacte de préférence sur les titres et de
l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir. A
défaut, la seule sanction possible réside dans
l’octroi de dommages et intérêts. Or, la preuve
d’une telle connaissance par le cessionnaire
est difficile à établir et la doctrine doutait de
la possibilité d’une application pratique de
la sanction dont le principe théorique avait
été admis par la Chambre mixte. Toutefois, la
troisième Chambre civile, dans un arrêt en date
du 14 février 2007, a mis fin au scepticisme des
auteurs en substituant le bénéficiaire d’un pacte
de préférence dans la propriété des titres dont la
cession était intervenue en fraude de ses droits
(13). Cette position a récemment été réitérée par
les juges consulaires, confirmant la possibilité
pratique de l’application d’une telle sanction
(14).
10) R. Routier, « les clauses de
Ratchet en droit des sociétés »,
Bull. Joly - Stés, 2002 § 193.
11) Cass. mixte, 26 mai 2006,
Rev. Soc. 2006. 808 note J.-F.
Barbièri.
12) Cass. civ. III, 31 janvier
2007, D. 2007. 1698 ; Cass. civ.
III, 14 février 2007, D. 2007.
AJ.657, note P.-Y. Gauthier.
13) Cass. civ. III, 14 février
2007, op. et loc. cit.
14) T. Com. Paris, 1ère ch. B.
suppl., 25 juin 2007, n° Lexbase :
A0580DY7 ; note J.-B. Lenhof,
n° Lexbase N0241BDB ; note A.
Lienhard, D. 2007. 2171.
La nullité de la cession intervenue en fraude des
droits du bénéficiaire d’un droit de préemption et
sa substitution dans la propriété des titres sera,
sans nul doute, la sanction que les actionnaires
souhaiteront voir appliquer en cas d’inexécution
de la clause de préemption, cette dernière
répondant au principe même de la préemption.
Le rédacteur devra alors proposer des solutions
afin de ménager au mieux les preuves par les
bénéficiaires de la connaissance par le tiers
de l’existence d’un pacte de préférence sur les
titres et de l’intention du bénéficiaire de s’en
prévaloir.
La clause d’agrément a pour unique objectif
d’empêcher un tiers indésirable de devenir
actionnaire de la société. Cette clause
complétera fréquemment une clause de
préemption. Cette double procédure permettra
ainsi aux actionnaires bénéficiaires du droit de
préemption de s’assurer que, même en l’absence
d’exercice du droit de préemption par l’un
d’eux, un tiers indésirable ne pourra pas devenir
actionnaire de la société.
Il sera nécessaire de s’assurer que la mise
en œuvre de la procédure d’agrément soit
strictement encadrée, c’est-à-dire définir les
différents faits générateurs de la procédure, les
délais applicables, l’organe social compétent, le
sort des titres en cas de refus d’agrément ou de
silence dudit organe.
2. Arrivée d’un tiers dans le capital
Même en cas de prise de participation d’un tiers
dans le capital de la société, les parties pourront
41
JOURNAL DES SOCIÉTÉS
Dossier Aspects Juridiques et Fiscaux des LBO
15) Gilles Mougenot, in
« Tout savoir sur le Capital
Investissement », Gualino, Mai
2007 éd. p. 303.
16) Cf. paragraphe III. B
17) J.-J. Daigre in « Pacte
d’actionnaires et capital risque
– Typologie et appréciation »,
Bull. Joly Sociétés 1993, §40.
18) Cass. Com. 23 octobre 2007,
op. et loc. cit.
souhaiter que les droits qui leur ont été accordés
restent inchangés. En conséquence, les parties
pourront, dans le cadre du pacte qui les lie,
insérer une clause de sortie pactée aux termes
de laquelle le cessionnaire des titres de la
société devra, préalablement à son entrée dans
le capital, adhérer au pacte conclu initialement
entre les acteurs de l’opération de LBO, sous
peine de ne pas acquérir lesdits titres. Toutefois,
l’insertion d’une telle stipulation peut faire
courir un risque de divulgation des informations
contenues dans le pacte, si le cessionnaire refuse
d’en devenir signataire (15).
Les avantages, que les actionnaires initiaux
se sont accordés dans le cadre de leur pacte,
pourront également constituer un plafond, audelà duquel aucune prérogative supplémentaire
ne pourra être accordée à un nouvel actionnaire.
L’insertion au sein du pacte d’une clause
de traitement égal permettra de limiter les
privilèges accordés aux tiers entrant dans le
capital de la société, aux droits déjà accordés
aux autres actionnaires.
Toutefois, les parties peuvent également
convenir que les tiers disposeront des mêmes
droits et prérogatives qui leur ont été accordés,
en stipulant une clause dite de l’associé le plus
favorisé. A contrario, les actionnaires peuvent
également convenir que tout droit nouveau
accordé au tiers sera étendu à l’ensemble des
actionnaires ou à certains d’entre eux.
III. La fin du partenariat par la
sortie du capital
La finalité des investisseurs dans une
opération de LBO est de sortir à moyen terme
du capital de la société en réalisant une plusvalue conséquente, afin de rentabiliser leur
investissement. Ainsi, la sortie de l’opération de
LBO conditionnera le succès de cette dernière,
les causes de sortie conditionnant en partie
cette réussite (A), ainsi que l’ensemble des
clauses extrastatutaires organisant cette sortie
du capital (B).
A. Causes de sortie du capital
Il existe deux catégories de causes de sortie d’un
actionnaire du capital social après la réalisation
d’une opération de LBO : des causes extérieures
(A 1) et des causes internes à la société (A 2).
1. Causes extérieures
La sortie de l’opération de LBO peut
logiquement consister en une introduction en
bourse. L’intérêt de ce type de sortie réside,
pour l’investisseur, dans l’assurance de céder
ses titres, et pour le management, dans la
possibilité de continuer à gérer la société, sans
avoir à concilier avec les intérêts d’un tiers.
La société peut également faire l’objet d’une
cession au profit d’un tiers, notamment une
société concurrente ou lorsque celui-ci souhaite
procéder à une intégration verticale, attirée par
JOURNAL DES SOCIÉTÉS
42
la rentabilité nouvelle de cette société.
La plupart des clauses stipulées dans le pacte
d’actionnaires anticiperont les conséquences
d’un projet d’acquisition par un tiers (16).
Les opérations de LBO secondaire, autre cause
de sortie des investisseurs, se développent de
plus en plus. Ce procédé consiste à substituer
aux investisseurs initiaux d’autres investisseurs
financiers, en réalisant un nouveau montage
sur le montage initial, en créant un nouveau
holding ayant pour finalité d’acquérir le
holding déjà existant, à charge pour ce
dernier de rembourser la dette nécessaire
à son acquisition. Un LBO secondaire n’est
cependant envisageable que si la société offre
des perspectives de développement suffisantes
pour permettre au nouvel investisseur d’espérer
sortir de cet investissement avec une plus-value
intéressante.
2. Causes internes
Les managers peuvent également décider
d’acquérir l’ensemble des titres de la société,
afin de contrôler entièrement la société.
L’opération de LBO s’apparentera alors à une
opération de portage de titres (17).
Les actionnaires peuvent également convenir
qu’en cas de désaccord entre les actionnaires,
certains pourront sortir du capital de la société,
afin d’éviter toute situation de blocage durable.
Le pacte d’actionnaires pourra prévoir, dans une
clause de retrait, les causes autorisant un des
actionnaires à mettre en œuvre cette procédure.
Ses titres devront alors être rachetés par les
autres actionnaires, cet engagement pouvant
prendre la forme d’une promesse d’acquisition
des titres.
Il est également possible, afin d’anticiper
la situation dans laquelle un actionnaire
deviendrait indésirable, de stipuler au sein du
pacte d’actionnaires, une clause d’exclusion de
l’actionnaire dont la présence n’est plus admise.
Il conviendra de déterminer précisément les
causes d’exclusion de l’actionnaire, qu’elles
soient liées directement à la personne de
l’actionnaire ou à la survenance d’éléments
extérieurs. Il sera également nécessaire
d’encadrer scrupuleusement la procédure
d’exclusion, étant précisé que si la jurisprudence
récente refuse strictement aux actionnaires la
possibilité d’exclure l’actionnaire du vote de
la décision l’excluant (18), aucune stipulation
extrastatutaire similaire n’a encore fait
l’objet d’une telle décision jurisprudentielle.
Par prudence, il conviendra d’aménager la
procédure d’exclusion au regard de cette
décision jurisprudentielle aux termes de laquelle
l’associé, dont l’exclusion est proposée, ne peut
pas être privé statutairement de son droit de
participer à l’assemblée à laquelle est soumise
cette proposition et d’y voter. Si plusieurs
solutions existent afin de contourner cette
difficulté, la moins risquée consistera à prévoir
N°51 Février 2008
Dossier Aspects Juridiques et Fiscaux des LBO
que l’exclusion de l’associé ne fera pas l’objet
d’une décision collective mais sera décidée par
un organe de direction, par un comité ad hoc
ou un tiers arbitre, ou qu’elle sera automatique
si un évènement déterminé préalablement
survient.
B. Organisation de la sortie du capital
Les parties s’attarderont sur la rédaction des
clauses encadrant la sortie du capital social de
la société. En effet, le succès de l’opération de
LBO étant conditionné par la sortie du capital
social, les actionnaires souhaiteront anticiper
les conditions et la mise en œuvre de cette
dernière.
Les investisseurs ne souhaitent pas rester au
sein du capital social pendant une durée trop
longue. En effet, tant que dure l’opération
de LBO, les fonds qu’ils ont investis dans la
société restent immobilisés. En conséquence, la
majorité des pactes d’actionnaires conclus dans
le cadre d’une opération de LBO contiendra
des stipulations aux termes desquelles les
autres actionnaires s’engagent à acquérir, au
terme d’une période prédéterminée, les titres
détenus par les investisseurs. En pratique,
cet engagement prendra la forme d’une
promesse d’achat des titres, d’un engagement
de faire acquérir les titres, d’introduire les
titres en bourse ou bien encore de mandater
un intermédiaire (généralement une banque
d’affaires), désigné à l’avance ou selon certains
critères déterminés, afin de trouver un
acquéreur pour ces titres. Une telle clause peut
également prévoir de combiner l’ensemble de
ces procédures de sortie. Il conviendra, lors de
la rédaction de ce type de clauses, d’opter pour
une date qui ne soit ni trop éloignée, afin que les
investisseurs n’attendent pas trop longtemps la
sortie du capital social, ni trop proche, afin que
la rentabilité de la société soit optimale et, par
conséquent, que la plus-value soit importante.
Le partenariat entre plusieurs catégories
d’actionnaires peut aussi constituer un obstacle
à l’acquisition par un tiers de l’intégralité
des titres de la société. En conséquence, les
actionnaires majoritaires peuvent souhaiter la
conclusion d’une clause de cession conjointe
(clause dite de « drag along ») afin d’anticiper
cette difficulté. En effet, la clause de cession
conjointe permet à l’actionnaire majoritaire ou
à plusieurs actionnaires représentant une quotepart significative du capital et envisageant de
céder leurs titres à un tiers, de contraindre
les autres actionnaires à céder, aux mêmes
conditions, leurs titres auxdits tiers, afin que
la cession à son profit porte sur l’intégralité du
capital social.
d’une sous évaluation des titres. A cet effet,
une valorisation sur le fondement du taux de
rendement interne (soit TRI) pourra constituer
un outil performant afin de déterminer le prix
de sortie.
Afin de bénéficier des opportunités de liquidité
que l’un des actionnaires pourrait obtenir, une
clause de sortie conjointe peut être stipulée
(clause dite de « tag along »). Ainsi, si un
actionnaire envisage une cession de l’ensemble
ou d’une partie de ces titres à un tiers, les autres
actionnaires auront la faculté de céder à ce
tiers leurs titres, dans les mêmes conditions et
mêmes proportions.
Toutefois, il est nécessaire, lors de la rédaction
de cette clause, de prévoir les modalités de
fixation du prix de cession, et particulièrement
l’intervention
d’une
opération
complexe
(échange de titres…) entre le cédant initial et le
tiers cessionnaire.
Les opérations de LBO offrent une voie
attractive pour le financement de l’acquisition
d’une société et de son développement. En
conséquence, ces opérations se sont multipliées,
ce qui a, entre autres, permis aux praticiens
de perfectionner la rédaction des clauses
extrastatutaires organisant les relations entre
les investisseurs et les managers, principaux
acteurs dans ce type d’opérations, afin de
mieux prendre en compte les intérêts de
chacun. La sophistication et l’exhaustivité des
pactes d’actionnaires conclus dans le cadre
de ces opérations, conséquence des pratiques
anglo-saxonnes en la matière, permettent aux
actionnaires d’organiser au mieux leurs relations
au sein de la société, mais également de prévenir
tout risque de conflit qui pourrait survenir, que
la cause soit extérieure ou engendrée par leurs
rapports. En conséquence, chaque opération
de LBO donnera naissance à un pacte dont la
rédaction sera unique. Toutefois, ces pratiques
peuvent également produire un effet indésirable
en ce qu’elles peuvent complexifier à l’excès les
relations entre les investisseurs et les managers
en instaurant une certaine lourdeur dans les
procédures à mettre en œuvre. Le rédacteur doit,
en outre, être particulièrement attentif à ne pas
créer de contradiction entre différentes clauses
au sein du pacte mais également au regard des
statuts, risque qui augmente au fur et à mesure
que la documentation extrastatutaire s’épaissit.
Une rédaction minutieuse des clauses du pacte
serait peut-être préférable à l’énumération des
évènements envisageables et des procédures à
mettre en œuvre pour y répondre, afin d’alléger
ce document tout en lui assurant une plus
grande efficacité.
Cette clause devra être rédigée avec attention,
notamment en ce qui concerne la détermination
des modalités de fixation du prix, afin que
les actionnaires minoritaires soient protégés
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