Vendredi 10 juillet 009

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Vendredi 10 juillet 009
Francofolies de La Rochelle
Le magazine du festival
Vendredi 10 juillet 009
Hubert-Félix Thiéfaine
Parmi les artistes invités ce soir pour les 25 ans des Francos,
il en est un qui ne pouvait rater la soirée...
Jackie Berroyer sort son billet
Nous, les professionnels, assistons aux
répétitions. Et je peux d’orges et d’orgeat
vous dire que ça va être un sacré festival de
variétés françaises. En vedette, en star des stars,
un rappeur caennais qui dit, avec toute sa moderne
et saine franchise : « Toutes des putes, même ma
mère ». C’est un souffle d’air frais. À côté de ça, on a
l’hypocrisie de Françoise Hardy : « Tous les garçons
et les filles de mon âge savent bien ce qu’aimer veut
dire ». Mais tout le monde a compris que tous les garçons et les filles de son âge savent bien que ça veut dire : « S’enfiler par tous les trous ». Seulement, c’est
dit en langue de bois des années cinquante. Quand
j’ai su que ce festival existait pour lutter contre l’hypocrisie féminine, je suis venu tout de suite comme rédacteur en chef du prestigieux « Paplar ». On est bien
content de savoir que, pour pouvoir s’offrir le coûteux
rappeur, le festival a opéré un transfert et que, dans le
mercato des chanteurs de variétés, la direction a dû
fourguer Françoise aux Vieilles Charrues. On ne peut
pas tout avoir. Néanmoins, j’espère qu’il y aura des
t-shirt de François Deguelt et des casquettes Jean
Galtier et Michel Leduc, No 1 de demain.
J’espère également me faire signer un poster par le
général Franco que je trouve dingue au bon sens. Et
je ne raterai pas l’autodafé du Guernica de Picasso.
Maintenant faut-il interdire la burqa à la piscine ?
Faut-il interdire la chasse aux Ouigour dans les rues
de Pampelune ? Ce sont de grandes questions que
j’aborderai peut-être dans mon tour de chant si l’on
me passe le micro. En tout cas, bienvenue à ce jeune
Caennais qui est plus grand que Jésus de Liverpool.
Stevie Wonder et Ray Charles ont admiré ses pas de
danse. Et, par pure jalousie en mangeant du Kentucky
Friend Chicken, ils ont essuyé leurs doigts sur son
costume car, à l’image de Dr Alimentado, il est « the
best dressed chicken in town ». Vraiment la chanson
française à le vent en poupe et quoi de plus émouvant que ces chœurs d’enfants qui disent avec leurs voix
d’anges : « Même ma mère, même ma mère » ?
Programmé ce soir pour l’anniversaire des Francofolies de La Rochelle,
Hubert-Félix Thiéfaine (en photo ici avec Guizmo de Tryo, lors des répétitions)
est sans conteste l’invité le plus légitime de la soirée puisqu’il inaugurait la scène
Saint-Jean d’Acre le 10 juillet 1985. Dans les fanzines montrés à l’exposition de
La Coursive durant tout le festival, on apprend que, ce soir-là, le chanteur s’était
fait embarquer sa voiture par la fourrière...
Hadopté ?
Frédéric Mitterrand, le nouveau
ministre de la Culture, est attendu
aujourd’hui aux Francofolies de La
Rochelle. Un premier test de popularité pour le successeur de Christine
Albanel, surnommée « Madame 22
heures » par le monde du spectacle.
On espère que le nouveau ministre ne
se couchera pas à cette heure-là...
Covoiturage
Partageant la scène avec Les Ogres
de Barback, hier à Albi, les membres
de Tryo ont invité ces derniers dans
leur tour-bus pour se rendre à La
Rochelle… Si la semaine prochaine,
vous souhaitez aller à Dour, il reste six
places dans leur car.
ILS N’ONT PAS PU VENIR
Quelques abonnés absents pour
la soirée des 25 ans des Francos :
Jacques Higelin, qui prépare son
prochain album avec Rodolphe Burger, Bernard Lavilliers, en concert
au Château de Blois, Émily Loizeau,
programmée au festival Terre du Son,
et Cali qui, officiellement, fait une première partie, mais on ne sait pas où.
Quant à Renaud, il a été contacté...
FOULQUIER FOR EVER
L’ancien directeur du festival n’est pas
oublié pour autant. Jean-Louis Foulquier est en effet exposé à La Coursive.
Pas lui, ses peintures…
LES FRANCOS À L’INTERNATIONAL
Les Francofolies se mettent à l’international. En effet, de nombreux journalistes
et programmateurs étrangers se sont
fait accréditer par la direction du festival.
Dernier inscrit, hier soir sur les coups de
22 heures, un producteur de l’Est du nom
de Mikhaïl Strogoff. Ce dernier, venu en
repérage, aurait collaboré avec Patricia
Kaas, James Brown et… Michael Jackson.
THE PLACE TO BE
L’endroit où il fallait être hier soir : le Bistrot
de Rémi Massé, rue Saint-Jean du Pérot.
S’y sont succédé à la table Jean-Louis
Aubert, Arthur H, Hubert-Félix Thiéfaine
et Jean-Louis Foulquier...
PAS DE PITIÉ POUR LES CROISSANTS
Hélène Bohie, chanteuse pour enfant et
fondatrice du label Enfance et Musique,
se produit ce matin dans le cadre des
Francos juniors… Elle fait aussi partie de
l’équipe Tryo puisque c’est leur coach
vocal…
Rédacteurs en chef / Sylvain Chantal et Jerome Taudon – Invité / Jackie Berroyer– Graphisme /
Gregg Bréhin – Journalistes / Jean II Kev, Céline Fion – Photos / DoTheAndyGibbon, Youri
Lenquette – Thanks / Maryz, Kevin et toute l’équipe des Francofolies de La Rochelle
– Imprimerie La Rochelaise – Mail / [email protected]
Anniversaire
—Les 25 ans—
Pour la soirée anniversaire des Francos, programmée ce soir sur la Grande scène de Saint-Jean
d’Acre, Tryo a invité toute une ribambelle d’artistes. De Diam’s à Jean-Louis Aubert, en passant
par Alain Souchon, tous fêteront dignement les 25 ans du festival. La parole à Christophe Mali...
« Joyeux anniversaire les Francos ! 25 ans est le bel âge
où l’on se trémousse entre la vingtaine fougueuse et la
trentaine plus assurée… Nous te convions à cette fête
que nous t’avons préparée à la demande généreuse de
tes parents… Car elle est longue la liste des artistes qui
ont foulé tes scènes et se sont fait la main sur ton passage… Comme tu as l’âme légère et l’esprit partageur,
nous avons réuni sur ton esplanade ceux qui ont fait ton
histoire, les fidèles de la première heure, Hubert-Félix
Thiéfaine, Jean-Louis Aubert, Maurane, oiseaux de nuit et
de passage que rejoindra une nouvelle génération débarquée de ton chantier des Francofolies, Ours et Carmen
Maria Vega… Comme leurs chansons te vont si bien, de
Nougaro au Rita Mistouko, de Bashung à Léo Ferré, nous
avons retrouvé tes plus belles parures pour les revêtir le
temps d’un anniversaire et les offrir à Jane Birkin ou Arthur H… Comme tu aimes les mélanges, qu’on déborde
du cadre, de la chanson au rock, du reggae au hip hop,
souffle un vent de liberté et d’échange sur la Rochelle…
Diam’s et Tryo mêlent leurs styles et leurs mots pendant
qu’Alain Souchon redécouvre son morceau réorchestré
sous le soleil… La famille des Ogres de Barback rappelle
celle que tu as su créer en 25 ans, sachant tendre la
main et faire rêver, les artistes autant que ton public…
Tu aurais dû voir les répétitions, les sourires et l’envie en
chacun de t’offrir une soirée qui te ressemble… Tu aurais
dû entendre la déception de ceux qui ne peuvent pas
nous rejoindre, pris par la route et les tournées… Ce soir,
c’est ton anniversaire et nous sommes fiers d’en être les
maîtres de cérémonie… À ce soir, tu sais où : juste sous
la lune au bord des étoiles… »
Christophe Mali, Tryo
Photo : Danielito
—Katerinettes—
Cette année marque la 25e édition des Francofolies de La Rochelle. Le festival a décidé de fêter
l’événement en concoctant tout un programme d’anniversaire. Mais avant d’en parler, revenons
quelques décennies en arrière...
Que dit la légende ? Tout aurait commencé à La Rochelle par un sombre et humide soir de l’hiver 1984.
Jean-Louis Foulquier, animateur sur les ondes de
France Inter, erre aux abords des fortifications de cette
cité millénaire, le regard perdu dans le lointain, la pluie
glacée lui fouettant le visage, quand soudain, un éclair
de génie le frappe : dans un élan de folie, il a l’idée des
Francos. Dès l’année suivante, la première édition du
festival voit le jour. Le pari est gagné : les Francofolies
ont rapidement le vent en poupe.
Fort de son succès, le festival prend alors l’accent
québécois et belge, à l’occasion de la création des
Francofolies de Montréal et de celles de Spa. Cellesci fêtent en 2008 leur 20e et 15e anniversaire. On voit
même fleurir, pour un temps, des éditions bulgares
en 91, argentines et chiliennes en 95, allemandes en
96, et suissesses en 99. En 2004, Jean-Louis Foulquier décide de voguer vers d’autres horizons et c’est
Morgane Production qui reprend le navire avec Gérard
Pont en capitaine.
Et maintenant ?
Aujourd’hui les Francofolies ont vingt-cinq ans et sont
plus âgées que les 2/5e des festivaliers. Et plusieurs
jeunes artistes qu’elles accueillent cette année n’étaient
même pas nés lors de la première édition. Alors les Francos
se font-elles vieilles ? Pas si l’on considère que le festival est
encore tourné vers l’avenir. Grâce au Chantier des Francos,
de jeunes pousses peuvent affûter leurs performances scéniques en participant à des ateliers de perfectionnement. Ces
nouvelles recrues, passées dans la bétonneuse du Chantier,
sont ensuite présentées au grand public et peuvent bénéficier, en plus, d’une tournée. Le concept marche bien et les
programmateurs semblent avoir l’oreille. Depuis le début de
l’expérience, il y a de cela onze ans, les Chantiers ont permis
à quelques artistes de se faire un nom : Émily Loizeau, Cali,
Pauline Croze, La Maison Tellier, Bensé… D’autres repartent
comme ils sont venus, inconnus, mais certainement gonflés
à bloc par cette formation et capables de tout déchirer à
la prochaine fête de la saucisse de Trifouilly-Les-Oies. Certains ont plus de chance, comme Ours, ancien du Chantier,
qui revient cette année et reprendra, en clôture de l’événement, des titres de Gainsbourg, des Rita Mitsouko ou de
MC Solaar.
Pour ce qui est du soufflage de bougies, le festival ouvre en
grande pompe, laissant à Tryo le soin de jouer les maîtres de
cérémonie et de revenir en musique sur les 25 ans passés.
On attend, pour les accompagner, un panel générationnel
d’artistes estampillés Francos : Alain Souchon, Diam’s, Hubert-Félix Thiéfaine, Arthur H, Jean-Louis Aubert et d’autres
surprises.
Pour les nostalgiques, le festival sort également un livre retraçant, par l’image, son quart de siècle d’histoire. Enfin, les
Francos en remettent une couche et s’exposent à la Coursive, en peintures, photos, vidéos et témoignages. À La Rochelle on n’y va pas avec le dos de la cuillère. Reste maintenant aux 150 000 festivaliers attendus de croquer dans ce
gros gâteau d’anniversaire. Bon appétit.
Nouveauté
Not Ze Francos :
« Le côté obscur de la force ! »
Pour la première fois, les Francofolies se dotent d’un
« festival dans le festival » : Not Ze Francos, monté en
partenariat avec Les Inrockuptibles. Explications avec
Gérard Pont, directeur du festival, et Kevin Douvillez,
programmateur de l’événement.
Quelle est la particularité de ce festival dans le festival ?
La scène Not Ze Francos ouvre sur des expressions musicales qui
n’avaient pas de place sur d’autres scènes du festival. Lieux trop
grands, lieux assis, lieux trop petits, etc. Nous souhaitions réunir
ces expressions et donner le micro à des artistes qui flirtent avec
notre ligne éditoriale : artistes étrangers installés et développés en
France (Hugh Coltman, Grace…), la jeune génération d’artistes français s’exprimant en anglais (Cocoon, Yodélice), projet particulier et
inédit comme The Fitzcarraldo Sessions… Bref, montrer notre côté
« obscur » de la force !
Qui est à l’origine de cette idée?
L’idée vient de nous. Tout cela bien évidemment en accord avec
Fredéric Charpail, directeur général du Festival, qui a trouvé à cette
scène une place de choix dans la ville.
Les groupes ont-ils été spécialement programmés pour Not Ze
Francos, ou s’agit-il d’un regroupement de musiciens déjà prévus
pour le festival ?
Cette scène a été considérée en tant que telle. Chaque soirée a une
couleur musicale ou une cohérence : électro/tendances le 11 juillet,
artistes étrangers qui vivent et développent leur musique dans un
pays francophone le 10 juillet, Hip Hop le 14 juillet… Si cette scène
n’avait pas existé, la plupart de ces artistes n’auraient pas été programmés aux Francos. Nous souhaitions créer un espace où l’amateur des nouvelles tendances s’y retrouve… Tout cela dans le cadre
détendu, aéré, boisé et intime de cette scène de la Motte Rouge.
Quelle est la nature du partenariat entre les Francos et les Inrockuptibles ? Ont-ils eu carte blanche sur la programmation ? Ou avezvous conservé un regard sur les différents choix artistiques ?
Une fois que nous avons eu une idée précise de ce que nous souhaitions faire, nous avons sollicité JD Beauvallet et Christian Feuvret
des Inrocks. Le concept et la programmation leur ont plu… Le partenariat devenait naturel.
Qui finance cette opération ?
Cette scène est financée intégralement par les Francofolies et s’intègre dans le budget général du festival. Les recettes proviennent
essentiellement de la billetterie et d’éventuels partenaires privées.
Autant vous dire qu’avec sa relative faible capacité (800 places) et
son entrée à 15€ elle est largement déficitaire !
Not Ze Francos est-il un moyen d’attirer d’autres publics qui pourraient être freinés par l’image «chanson française» du festival ?
La scène Not Ze Francos est aussi née d’une demande : par manque
de structures, de salles, un bon nombre d’artistes de la scène française ne passent pas par La Rochelle durant l’année. Nous avons
donc souhaité aussi bien pallier ce manque auprès des Rochelais
que d’ouvrir vers de nouveaux genres, de nouveaux artistes… Si au
passage on trouve un nouveau public, c’est byzance !