Période d`essai

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Période d`essai
An international group of law firms
Juillet 2008 - 2
La lettre d’information du pôle social du Cabinet Granrut Avocats
Modernisation du marché
du travail
Pour faire suite à notre précédente
lettre d’information du mois de mai,
et comme annoncé lors du petitdéjeuner organisé par le pôle social
le 19 juin dernier, nous vous
présentons
les
principales
dispositions de la loi portant
modernisation du marché du travail,
entrée en vigueur le 27 juin 2008, et
ses textes d’application parus le 19
juillet.
Période d’essai
Définition légale et rupture de la période
d’essai
« La période d’essai permet à l’employeur
d’évaluer les compétences du salarié dans son
travail, notamment au regard de son expérience,
et au salarié d’apprécier si les fonctions
occupées lui conviennent » (Art. L.1221-20 du
code du travail).
Cette nouvelle définition légale de la période
d’essai constitue un risque car elle permet
d’autant plus au juge, qui avait déjà tendance à
le faire, d’apprécier les causes de la rupture de
la période d’essai.
Notre conseil : L’employeur, qui n’a pas à
motiver la rupture de la période d’essai, devra
donc se ménager des éléments de preuve de
nature à en justifier en cas de contestation par
le salarié.
Durée de l’essai
Les durées légales maximales de période
d’essai sont dorénavant les suivantes : 2
mois (ouvriers et employés), 3 mois (agents de
maîtrise et techniciens), 4 mois (cadres).
La
loi
prévoit
des
dispositions
transitoires lorsque des accords de branche
conclus avant son entrée en vigueur contiennent
des dispositions relatives à la durée de la
période d’essai :
les accords de branche prévoyant des
durées d’essai plus longues restent
applicables sans limitation de durée,
les accords prévoyant des durées
d’essai plus courtes
restent
applicables seulement jusqu’au 30
juin 2009.
Il reste possible de prévoir des durées d’essai
plus courtes dans des accords collectifs (de
branche ou d’entreprise) et/ou dans les lettres
d’engagement ou les contrats de travail.
Notre conseil : Pour connaitre les durées
d’essai désormais applicables, il faut donc se
référer à la convention collective. A défaut de
convention collective applicable, les durées
légales doivent être appliquées. Il est toujours
possible de déroger aux durées légales par le
contrat de travail dans un sens plus favorable
au salarié (durée d’essai plus courte). En tout
état de cause, pour être opposable au salarié,
la période d’essai doit être mentionnée dans la
lettre d’engagement ou le contrat de travail.
Renouvellement de l’essai
Le renouvellement de l’essai n’est possible que
lorsqu’un accord de branche le prévoit et en
définit les conditions et durées de
renouvellement.
En l’absence d’accord de branche applicable
à l’entreprise, ou si cet accord ne prévoit pas
de dispositions sur le renouvellement de la
période d’essai, il n’est pas possible de le
prévoir par le contrat de travail.
La loi fixe les durées maximales de la période
d’essai, renouvellement inclus, à 4 mois
(ouvriers et employés), 6 mois (agents de
maîtrise et techniciens) et 8 mois (cadres). Les
dispositions
transitoires
et
dérogations
applicables à la durée initiale de l’essai le sont
également pour son renouvellement.
Notre conseil : Il convient de s’assurer que les
modalités du renouvellement de la période
d’essai sont prévues dans l’accord de branche.
De plus, le renouvellement ne se présume pas.
Il doit être expressément mentionné dans la
lettre d’engagement ou le contrat de travail.
Délai de prévenance
L’employeur qui souhaite mettre fin à la
période d’essai devra désormais respecter un
délai de prévenance de 24 h (en deçà de 8 jours
de présence du salarié dans l’entreprise), 48
heures (entre 8 jours et un mois de présence), 2
semaines (après un mois de présence), 1 mois
(après trois mois de présence). Le salarié doit
quant à lui respecter un délai de prévenance de
24 heures s’il compte moins de 8 jours de
présence dans l’entreprise, et de seulement 48
heures au-delà.
La période d’essai ne peut être prolongée du
fait de la durée du délai de prévenance.
Notre conseil : En l’absence de précision dans
la loi quant aux conséquences du non-respect
du délai de prévenance (licenciement sans
cause réelle et sérieuse, indemnisation du
salarié jusqu’au terme du délai de
prévenance…), il est préférable de le respecter
scrupuleusement en notifiant au salarié la
rupture de la période d’essai à l’intérieur de ce
délai, en respectant également le délai de
préavis éventuellement prévu par la convention
collective applicable.
La rupture conventionnelle
L’arrêté prévoyant les modèles de demande
d’homologation
d’une
rupture
conventionnelle, joint à la présente lettre
d’information, est paru au Journal Officiel du
19 juillet 2008.
Il est donc désormais possible d’utiliser ce
nouveau mode de rupture du contrat de
travail à durée indéterminée, hors rupture
négociée dans le cadre d’un plan de sauvegarde
de l’emploi ou d’un accord de gestion
prévisionnelle de l’emploi et des compétences.
Cette rupture du contrat de travail ouvre droit
pour le salarié aux allocations de l’assurance
chômage dans les conditions de droit commun.
Négociation et formalisme
Au cours d’un ou plusieurs entretiens, les
parties conviennent de rompre le contrat de
travail par accord mutuel. La loi exige de
l’employeur qu’il informe le salarié de la
possibilité qu’il a d’être assisté lors du ou des
entretien(s). Si le salarié choisit d’être assisté,
l’employeur peut l’être également - sous réserve
d’en informer le salarié - par une personne de
l’entreprise, un membre de l’organisation
syndicale d’employeur à laquelle il est affilié
(dans les entreprises de moins de 50 salariés),
ou un autre employeur relevant de la même
branche d’activité.
L’employeur doit informer le salarié qu’il peut
contacter le service public de l’emploi pour
Granrut avocats – 91 rue du Faubourg Saint Honoré – 75008 Paris - Contact : [email protected]
l’aider à « prendre sa décision en pleine
connaissance de ses droits ».
Notre conseil : Le principe de la rupture
conventionnelle repose sur la liberté du
consentement des parties. Il est donc
primordial de formaliser par écrit les étapes de
la négociation, notamment l’information du
salarié de son droit d’être assisté lors du ou des
entretiens et d’être informé tout au long de la
négociation par le service public de l’emploi.
Les dates des entretiens doivent être
mentionnées sur le formulaire.
Contenu de l’accord et signature
A l’issue du dernier entretien entre les parties,
l’accord est signé. Il doit impérativement
prévoir :
- la date envisagée de la rupture du contrat de
travail qui ne peut se situer avant le jour
d’homologation par la DDTEFP (notre
conseil : compter au moins un mois de délai
entre la signature de la convention et son
homologation)
ou
d’autorisation
du
licenciement du salarié protégé par l’inspection
du travail, étant entendu qu’aucun préavis n’est
alors dû par l’une ou l’autre des parties ;
- le montant de l’indemnité spécifique de
rupture conventionnelle négociée entre les
parties, qui ne peut être inférieure au montant
de l’indemnité légale de licenciement (1/5 de
mois de salaire par année d’ancienneté puis 1/3
de mois par année au-delà de 10 ans
d’ancienneté).
Le formulaire prévoit également que la
convention de rupture mentionne les droits
afférents à la rupture du contrat de travail.
Attention : La loi prévoit que l’indemnité de
rupture conventionnelle est exonérée d’impôt
sur le revenu et de charges sociales dans les
mêmes
conditions
que
l’indemnité
transactionnelle. En revanche, la loi ne prévoit
pas d’exonération aux CSG et CRDS.
Délai de rétractation
La signature de la convention fait courir un
délai de 15 jours calendaires pendant lequel
chaque partie peut se rétracter sous la forme
d’une lettre attestant de sa réception par l’autre
partie.
Notre conseil : L’expiration du délai de
rétractation ne suffit pas à purger toute
rétractation du salarié, ce dernier pouvant faire
valoir auprès de la DDTEFP que son
consentement a été vicié, même à l’issue du
délai de rétractation. Le salarié pourra donc se
rétracter jusqu’à la veille de l’homologation
par la DDTEFP.
Demande d’homologation ou d’autorisation
de rupture conventionnelle
A l’issue du délai de rétractation, l’une ou
l’autre des parties doit envoyer le formulaire
d’homologation à la DDTEFP qui dispose alors
d’un délai de 15 jours ouvrables pour se
prononcer. Le défaut de réponse dans ce délai
vaut homologation. La DDTEFP doit vérifier le
respect des règles d’assistance, le montant de
l’indemnité de rupture conventionnelle, le
respect du délai de rétractation, la liberté du
consentement des parties, et tout autre élément
qu’il doit alors préciser…
Concernant les salariés protégés titulaires d’un
mandat, visés par les articles L.2411-1 et -2 du
code du travail, la rupture conventionnelle est
soumise à l’autorisation de l’inspection du
travail. Cette autorisation se substitue à
l’homologation de la convention par la
DDTEFP.
Contestation postérieure
Toute contestation relative à la convention de
rupture, son homologation ou le refus
d’homologation doit être engagée dans un délai
de douze mois à compter de la date de la
décision de la DDTEFP devant les juridictions
prud’homales. Concernant l’autorisation de
rupture
conventionnelle
délivrée
par
l’inspection du travail, le délai de recours
administratif de 2 mois reste applicable.
Attention : La rupture conventionnelle ne
permet pas de sécuriser la rupture du contrat
de travail.
En cas d’homologation, outre les contestations
relatives à la rupture conventionnelle ellemême, le salarié pourra toujours contester les
conditions d’exécution de son contrat de
travail.
La
rupture
conventionnelle,
contrairement à une transaction, ne solde
donc pas définitivement les comptes…
Par ailleurs, en l’absence d’homologation,
l’employeur sera bien en peine de justifier
devant les juridictions prud’homales un
licenciement intervenu postérieurement à la
tentative de rupture conventionnelle, les
pourparlers engagés dans le cadre de la
rupture
conventionnelle
n’étant
pas
confidentiels.
De plus, une circulaire ministérielle du 22
juillet incite la DDTEFP à vérifier, lors de son
contrôle, que la rupture conventionnelle n’a
pas pour effet d’éluder les garanties légales
accordées aux salariés, notamment en cas
d’accident du travail, maladies professionnels,
maternité, inaptitude médicale, et qu’elle ne fait
pas suite à une procédure de licenciement déjà
engagée…
Enfin, la rupture conventionnelle ne doit pas, à
notre sens, être utilisée si vous avez un réel
motif
de
licenciement
(économique,
disciplinaire…).
Réforme de la prescription : application au contentieux
prud’homal
La loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile est
applicable depuis le 19 juin 2008.
Cette loi réduit à 5 ans le délai de prescription de droit commun des actions
prud’homales. Ce nouveau délai s’applique aux prescriptions en cours sans que la
durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieurement applicable. Par
ailleurs, ce nouveau délai ne s’applique pas aux instances déjà introduites avant le 19
juin 2008.
Ce délai court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû
connaitre les faits lui permettant d’exercer l’action en justice.
Les actions en discrimination, jusqu’alors soumises à la prescription trentenaire, sont
désormais également soumises à la prescription quinquennale. Toutefois, une question
primordiale réside dans le point de départ du délai de prescription qui correspond au
jour où le salarié disposera de l’ensemble des éléments permettant d’établir qu’il a été
victime d’une discrimination. De plus, le préjudice subi du fait de la discrimination
devra être intégralement réparé et ne se limitera donc pas aux 5 années précédent la
connaissance de sa discrimination par le salarié.
Discrimination en raison du handicap d’un tiers
Faisant suite à notre précédente lettre d’information, nous attirons votre attention sur
un arrêt aux conséquences potentiellement très importantes. La CJCE a en effet
reconnu à une salariée la possibilité d’invoquer une discrimination qu’elle aurait subie
du fait du handicap de son fils (CJCE, 17 juillet 2008, Coleman c. Attridge Law, aff. C303-06). La salariée estimait avoir fait l’objet d’un traitement défavorable en raison
du fait qu’elle avait la charge principale d’un enfant handicapé et estimait que la
discrimination et le harcèlement subis de ce fait l’avaient forcée à démissionner.
La CJCE a considéré que les dispositions de la directive 2000/78 sur l’égalité de
traitement en matière d’emploi et de travail ne visent pas seulement les personnes ayant
elles-mêmes un handicap, cette directive ayant pour objet de prohiber toutes les
discriminations fondées sur le critère du handicap. Seul le critère de discrimination
doit être apprécié par le juge et non pas l’appartenance de la personne discriminée à
une catégorie.
Le CJCE retient donc une interprétation extensive de la discrimination en raison du
handicap qui pourrait faire échec à une interprétation stricte de l’article L.1132-1 du
code du travail qui prévoit qu’une personne ne peut faire l’objet de discrimination en
raison de son handicap.
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