Le DHEA : quel potentiel de prévention chez les
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Le DHEA : quel potentiel de prévention chez les
ACTUALITES EN MEDECINE GERIATRIQUE DE BOBIGNY Ouverture : Pr J Belmin, Coordonateur de la Capacité de Gérontologie de Bobigny Démences nouvelles et anciennes Modérateurs : Dr C Berbezier (Institut Universitaire de Gérontologie , Bobigny) & Dr P Frémont (Hôpital de Lagny, Marne-le-Vallée) • Comment reconnaître les démences fronto-temporales. Dr F Hy (Centre René Pleven, Dinan) • Le diagnostic des démences à corps de Lewy Dr S Ferchichi, Dr A Smagghe (Hôpital Notre-Dame de Bonsecours, Paris) • Démence et alcool : le point en l’an 2000 Dr S Pariel-Madjlessi (Hôpital René Muret, Sevran) 1. Les démences vésaniques existent-elles encore ? Un nouveau regard à partir des troubles cognitifs des malades psychotiques. Dr N Bazin (Centre Hospitalier, Versailles) La prévention chez les personnes âgées Modérateurs : Pr J Doucet (Hôpital de Bois-Guillaume, Rouen) & Pr J Belmin (Hôpital René Muret, Sevran) • La DHEA : quel potentiel de prévention chez les personnes âgées ? Dr A Raynaud-Simon (Hôpital Charles Foix, Ivry-sur-Seine) • La prévention des chutes et des fractures Dr V Kostek, Pr B Vellas (Hôpital Casselardit, Toulouse) • La prévention des effets indésirables des médicaments chez les personnes âgées Pr J Doucet (Hôpital de Boisguillaume, Rouen) Déjeuner sur place 2 ACTUALITES EN MEDECINE GERIATRIQUE DE BOBIGNY La prévention chez les personnes âgées (2) Modérateurs : Pr JM Léger (CHU, Limoges) & Dr Ph Taurand (Eaubonne) • Dépistage de la dépression et prévention du risque suicidaire chez les personnes âgées. Pr JM Léger (CHU, Limoges) • La prévention des escarres en gériatrie Dr P Senet, Dr S Meaume (Hôpital Charles Foix, Ivry-sur-Seine) • La prévention des maladies infectieuses chez les personnes âgées Dr C Trivalle (Hôpital Paul Brousse, Villejuif) • La prévention des maladies cardiovasculaires chez les personnes âgées Dr J Boddaert (Hôpital Pitié-Salpétrière, Paris) Nutrition clinique en gériatrie Modérateurs : Dr B Derycke (Hôpital Joffre-Dupuytren, Draveil) & Dr A Raynaud-Simon (Hôpital Charles Foix, Ivry-sur-Seine) • Efficacité de la supplémentation orale chez le sujet âgé dénutri Dr A Bruhat (Hôpital René Muret, Sevran) • Comparaison de 3 modalités de supplémentation diététique orale en gériatrie Dr B Derycke (Hôpital Joffre-Dupyutren, Draveil), Dr D Bielikova (Centre Hospitalier, Pithiviers) • Présentation d’un guide de procédures d’assistance nutritionnelle en gériatrie. Dr J Sibony-Prat (Hôpital René Muret, Sevran) Conclusions de la journée Mme G Laroque, Présidente de l’Institut Universitaire de Gérontologie, Bobigny 3 Remerciements aux partenaires de la journée : Les laboratoires : Aventis Biopharma Chiesi Eisai Ipsen Janssen Lafon Novartis Pfizer Schwartz Servier La Faculté de Médecine de Bobigny Remerciements au Secrétariat des Enseignements de Gérontologie de la Faculté de Bobigny, Secrétariat Médical du service du Pr Belmin, Hôp. René Muret, Sevran, Service AudioVisuel de la Faculté de Bobigny, Service Reprographie de la Faculté de Bobigny, 4 SOMMAIRE DES RESUMES Comment reconnaître les démences fronto-temporales. P7 Dr F Hy (Centre René Pleven, Dinan) Le diagnostic des démences à corps de Lewy P 13 Dr S Ferchichi, Dr A Smagghe (Hôpital Notre-Dame de Bonsecours, Paris) Démence et alcool : le point en l’an 2000 P 19 Dr S Pariel-Madjlessi (Hôpital René Muret-Bigottini, Sevran)) Les démences vésaniques existent-elles encore ? Un nouveau regard à partir des troubles P 22 cognitifs des malades psychotiques. Dr N Bazin (Centre Hospitalier, Versailles La DHEA : quel potentiel de prévention chez les personnes âgées ? P 24 Dr A Raynaud-Simon (Hôpital Charles Foix, Ivry-sur-Seine) La prévention des chutes et des fractures En annexe Dr V Kostek, Pr B Vellas (Hôpital Casselardit, Toulouse)) La prévention des effets indésirables des médicaments chez les personnes âgées P 25 Pr J Doucet (Hôpital de Boisguillaume, Rouen) Dépistage de la dépression et prévention du risque suicidaire chez les personnes âgées. Non parvenu Pr JM Léger (CHU, Limoges) La prévention des escarres en gériatrie P 29 Dr P Senet, Dr S Meaume (Hôpital Charles Foix, Ivry-sur-Seine) La prévention des maladies infectieuses chez les personnes âgées P 36 Dr C Trivalle (Hôpital Paul Brousse, Villejuif) La prévention des maladies cardiovasculaires chez les personnes âgées P 40 Dr J Boddaert (Hôpital Pitié-Salpétrière, Paris Efficacité de la supplémentation orale chez le sujet âgé dénutri P 42 Dr A Bruhat, J Sibony-Prat, S Pariel-Madjlessi, N Bojic, J Belmin (Hôpital René MuretBigottini, Sevran) Comparaison de 3 modalités de supplémentation diététique orale en gériatrie P 45 5 Dr D Bielikova (Centre Hospitalier, Pithiviers), Dr B Derycke (Hôpital Joffre-Dupyutren, Draveil). Présentation d’un guide de procédures d’assistance nutritionnelle en gériatrie. P 47 Dr J Sibony-Prat, A Bruhat, S Medjahed, F Soumah, C Vogler, A Frou, J Belmin (Hôpital René Muret-Bigottini, Sevran) 6 Comment reconnaître les démences fronto-temporales Dr. Fabienne HY Centre René Pleven, Dinan Définition : Le premier cas de démence fronto-temporale (DFT) est décrit par A. Pick en 1892. Pendant très longtemps, la maladie de Pick a été synonyme de DFT. Les DFT sont redécouvertes dans les années 80. De nouveaux syndromes cliniques sont individualisés, corrélés non pas à l’histologie mais à la localisation de l’atrophie cérébrale. La maladie de Pick devient alors un concept histologique (présence de corps de Pick). Actuellement, on considère qu’elle représente moins de 2% des DFT. Depuis 1994, le terme de DFT est adopté pour regrouper différentes entités, hétérogènes sur le plan clinique et génétique, sans préjuger du type d’atteinte histologique sous-jacente. Les DFT sont des démences de type dégénératif. Leur caractéristique commune est l’existence d’une atrophie des lobes frontaux et/ou temporaux du cortex cérébral, avec souvent des modifications sous-corticales. Les DFT représentent jusqu’à 15% de toutes les démences confondues. Il s’agit de la troisième cause de démences dégénératives, après la maladie d’Alzheimer (MA) et la maladie des corps de Lewy. Sémiologie de la forme clinique commune des DFT (la démence fronto-temporale) : Le tableau clinique est classiquement identique à celui de la maladie de Pick. Les troubles initiaux sont des troubles non cognitifs : il s’agit de troubles du comportement (modification des habitudes alimentaires, apathie…), de troubles des conduites sociales et de l’humeur (signes de dépression, hallucinations…). Ces symptômes peuvent survenir plusieurs années avant l’altération des fonctions supérieures. Les troubles cognitifs sont des troubles tardifs 7 Les fonctions instrumentales touchées dans les DFT sont l’attention (de façon précoce et massive), la mémoire, le langage (ce sont les patients les plus apathiques, qui présentent davantage de troubles du langage), le jugement et le raisonnement. Il existe une anosognosie ou une anosodiaphorie. Les fonctions instrumentales, préservées dans les DFT, sont l’orientation spatiale, les gnosies, la compréhension du langage, les activités visuo-constructives, et les praxies. Le stade terminal se caractérise par une activité effondrée du patient, une apathie et un mutisme. Les fonctions exécutives ( = fonctions frontales) correspondent à toutes les opérations qui permettent d’effectuer des tâches abstraites (organiser, faire des projets, résoudre des problèmes …). Les tests évaluant ces fonctions comportent notamment le Trail Making test A et B, le test de Stroop et le test de la tour d’Hanoi. Ils sont classiquement perturbés, ainsi que les séquences gestuelles (séquence de Luria) et la fluence verbale. Les troubles des fonctions instrumentales seraient davantage liés aux troubles de l’attention et des fonctions exécutives, témoignant de l’atteinte des lobes frontaux, plutôt qu’à une atteinte cérébrale postérieure. L’examen neurologique Il montre - un syndrome frontal : préhension pathologique (grasping), comportement d’imitation, stéréotypies gestuelles, akinésie parfois pseudo-parkinsonienne, démarche “traîne- savates ”... Les réflexes archaïques (1/3 des cas) apparaissent généralement en début d’évolution. Il s’agit principalement du réflexe palmo-mentonier. - des signes extrapyramidaux axiaux (inconstants et tardifs). - parfois des signes en faveur d’une atteinte du motoneurone (réflexes vifs et diffusés, amyotrophie des membres) => faire un EMG. Les examens complémentaires L’électroencéphalogramme (EEG) est normal même aux stades tardifs. L’imagerie morphologique L’atrophie n’est pas souvent évidente au scanner cérébral. L’atrophie lobaire est temporale antérieure et frontale. Les lobes pariétaux et occipitaux sont en revanche épargnés. Une atteinte des lobes temporaux internes est possible. L’imagerie fonctionnelle La tomographie par émission monophotonique peut être normale. Sinon, elle montre une hypofixation antérieure des hémisphères cérébraux (lobes frontal et temporal antérieur). Les critères diagnostiques de la démence fronto-temporale 8 Critères diagnostiques du consensus de Lund et Manchester (1998) : Extraits : Liste 1 Les critères diagnostiques cliniques de démence fronto-temporale : un changement de caractère et des conduites sociales perturbées sont les critères dominants initialement et au cours de l’évolution de la maladie. Les fonctions instrumentales (perception, capacités visuo-spatiales, praxies et mémoire) sont intactes ou relativement bien préservées. 1-critères diagnostiques principaux début insidieux et évolution progressive déclin précoce de la vie de relation affectivité émoussée précocement 2-critères diagnostiques facultatifs A- troubles comportementaux déclin de l’hygiène personnelle et de l’aspect physique distractibilité et déconcentration hyperoralité et modifications alimentaires comportements d’utilisation B- Paroles et langage réduction du débit verbal stéréotypies du langage persévérations C- signes physiques réflexes archaïques incontinence tension artérielle basse et fluctuante D- investigations neuropsychologie : perturbations significatives aux tests du lobe frontal en l’absence d’amnésie sévère, d’aphasie ou de troubles des fonctions visuo-spaciales électroencéphalogramme : EEG conventionnel normal malgré une démence évidente cliniquement imagerie cérébrale (anatomique et/ou fonctionnelle) : anomalies prédominant en frontal et/ou en temporal antérieur 9 Liste 4 Critères communs aux syndromes cliniques de dégénérescence fronto-temporale 1-critères facultatifs A- début avant 65 ans : avec histoire familiale de troubles similaires dans la lignée du premier degré B- paralysie bulbaire, faiblesse musculaire et amyotrophie, fasciculations (l’association à une maladie du motoneurone est présente chez une minorité de patients) 2-critères diagnostiques d’exclusion A- histoire et clinique début brutal avec un événement déclenchant traumatisme crânien inaugurant la maladie amnésie sévère précoce désorientation spatiale ataxie cérébelleuse choréo-athétose B- investigations imagerie cérébrale : déficit fonctionnel ou anatomique prédominant en postéro-central ; lésions multifocales au scanner cérébral ou à l’IRM examens biologiques indiquant une atteinte cérébrale par troubles métaboliques ou inflammatoires tels que sclérose multiple, syphilis, encéphalopathie VIH ou herpétique 3-critères diagnostiques d’exclusion relative histoire typique d’alcoolisme chronique antécédents de maladie vasculaire (angor, claudication…) Il n’est pas précisé par les auteurs, combien de critères doivent être remplis, pour répondre à la définition de DFT. S’il faut remplir tous les critères du groupe de Lund et Manchester, le diagnostic de DFT ne peut être posé qu’à un stade évolué de la maladie. Le diagnostic différentiel Les DFT restent une source de confusion diagnostique avec des démences mieux connues et les pathologies psychiatriques, le syndrome frontal n’étant pas spécifique de ces DFT. Nous prenons comme exemple, la maladie d’Alzheimer qui est le premier diagnostic différentiel parmi les démences. Le diagnostic différentiel entre ces deux maladies pose des difficultés aux stades initiaux de la maladie, essentiellement. Les critères diagnostiques cliniques de MA (NINCDS-ADRDA) ne sont pas assez spécifiques pour éliminer une DFT. Les éléments diagnostiques discriminants entre DFT et maladie d’Alzheimer. Critères non cognitifs : 10 Les troubles non cognitifs comportementaux sont statistiquement discriminants (hyperoralité, jovialité excessive, apathie…). Une échelle rend compte de ce caractère discriminant, entre DFT et MA : l’échelle de dysfonctionnement frontal de Lebert et Pasquier. Elle a une spécificité de 93% et une sensibilité de 100%, pour les DFT. Un résultat supérieur ou égal à 3, chez un patient atteint de démence légère, est en faveur d’une DFT Echelle de dysfonctionnement frontal, de Lebert et Pasquier. Troubles du contrôle de soi Modifications alimentaires (nouvelles préférences alimentaires) Hyperphagie Conduites alcooliques Désinhibition verbale Désinhibition comportementale Irritabilité Trouble du contrôle des émotions Instabilité psychomotrice (incapacité à rester longtemps à la même place, hyperactivité physique) Négligence physique portant sur Hygiène corporelle (négligence de la toilette, malpropreté) Vêtements (harmonie, propreté) Cheveux (coupe) Manifestation d’une baisse d’intérêt Apathie (manque d’initiative, besoin d’être stimulé pour initier une action, tendance à s’assoupir en l’absence de stimulation) Persévérations idéiques, comportements stéréotypés (préoccupations rituelles, anxiété inhabituelle au sujet de l’argent, la nourriture, le tabac, l’heure des repas…) Hypochondrie (plaintes somatiques) Désintérêt social Troubles de l’humeur Exaltation Tristesse apparente (à n’importe quel moment, le faciès est inexpressif) Indifférence affective (notamment envers les membres de la famille) Hyperémotivité (pleurs plus fréquents, plus intenses lors de circonstances déclenchantes : pensées tristes, expression de sympathie, arrivée ou départ de visiteurs, présence d’étrangers, scènes de tragédie à la télévision, écoute musicale.) Critères cognitifs : C’est essentiellement la mémoire à long terme qui permet de distinguer DFT et maladie d’Alzheimer (bénéfice de l’indiçage). Critères paracliniques : Le diagnostic basé uniquement sur la clinique reste très difficile. La différence la plus statistiquement significative, entre DFT et MA, reste la mesure de l’atrophie du lobe temporal interne au scanner. Cette mesure, bien connue maintenant, est un argument en faveur d’une MA, lorsqu’elle est inférieure à 11,5 mm. 11 Conclusion : Il est important d’établir un diagnostic précoce et fiable de DFT, pour organiser une prise en charge optimale de ces démences (le traitement et l’information donnée aux familles sont différents de ceux de la MA ou d’une pathologie psychiatrique) Le grand diagnostic différentiel des DFT, depuis l’amélioration des critères de dépression, reste la maladie d’Alzheimer. Cette démence correspond d’avantage à un désordre cognitif progressif, touchant les fonctions instrumentales, alors que les DFT correspondent à un désordre comportemental, avec des troubles de l’attention et une altération des fonctions exécutives. L’interrogatoire des proches aidants, sur les troubles initiaux, reste fondamental pour établir le diagnostic différentiel. Les examens complémentaires sont également d’une grande utilité. Principales différences entre DFT et maladie d’Alzheimer. Age Symptômes inauguraux Présentation Mémoire Troubles du comportement DFT Maladie d’Alzheimer 50 (35-65) 65 (40-90) troubles précoces de la personnalité et du comportement perte des convenances sociales troubles de la mémoire bonne troubles du rappel perturbations de la mémoire sémantique prédominent constants troubles de l’encodage, du stockage et du rappel troubles de la mémoire épisodique prédominent tardifs et rares Attention atteinte précoce et massive Langage réduction progressive mutisme conservées atteintes conservée atteinte plus fréquemment perturbé moins fréquemment perturbé Praxies Orientation spatiale Raisonnement Mesure du lobe temporal interne (scanner cérébral) Tomographie par émission monophotonique E.E.G Pas d’atrophie aphasie Atrophie < 11,5 mm Jamais d’hypofixation postérieure Hypofixation postérieure normal Ondes lentes 12 La démence à corps de Lewy Dr. S. FERCHICHI, Dr. A. SMAGGHE Service de Réadaptation Gérontologique Hôpital Notre Dame de Bon Secours - 75014-Paris. La démence à corps de Lewy est une entité clinique ancienne, puisque la publication des premiers cas remonte à 1961, mais sa description a été formalisée surtout à partir de 1980 par les auteurs japonais (1). Elle représente la deuxième cause de démence neurodégénérative dans certaines séries de patients déments recrutés de façon consécutive, après la maladie d’Alzheimer, soit 15 à 25% des vérifications anatomiques (2). Elle est définie par l'association d'un syndrome démentiel de profil clinique particulier, et d'une lésion anatomique, la présence de corps de Lewy au niveau du cortex cérébral. La nature du lien entre les signes cliniques et les lésions anatomiques reste discutée. ANATOMO-PATHOLOGIE Les corps de Lewy sont des inclusions neuronales intra-cytoplasmiques éosinophiles et habituellement sphériques. Ils sont principalement constitués de filaments neuronaux dits “ intermédiaires ”, éléments normaux du cytosquelette, et d'une protéine normale du neurone, anormalement agrégée en filaments insolubles, l’alphasynucleine, protéine présynaptique qui aurait un rôle dans l'apprentissage (3,4). La présence de l'Ubiquitine dans les corps de Lewy témoigne d'un processus plus général d'élimination des dépôts intracellulaires anormaux. Les maladies à corps de Lewy sont multiples. Les corps de Lewy ont été décrits pour la première fois par Friedrich H. Lewy en 1912 dans les neurones de la substantia inomata de cas de maladie de Parkinson et sont retrouvées anatomiquement dans un large éventail de situations cliniques. Dans certaines affections la présence des corps de Lewy associées à la perte neuronale représente la lésion anatomo-pathologique principale (maladie de Parkinson, Démence à corps de Lewy, essentiellement). Dans d’autres affections la présence des corps de Lewy s’associe avec d’autres lésions anatomo-pathologiques caractéristiques de ces affections (maladie d’Alzheimer, atrophie multisystémique, paralysie supra nucléaire, dégénérescence cortico basale, syndrome de Down, maladies du motoneurone…) La Démence à corps de Lewy se définit anatomiquement par la présence de corps de Lewy corticaux, toujours associés à des corps de Lewy sous-corticaux, mais en nombre variable. Les corps de Lewy corticaux sont retrouvés de façon préférentielle dans certaines aires cérébrales avec le ratio de fréquence suivant : 13 Cortex entorhinal = cortex cingulaire > cortex temporal > cortex frontal = cortex pariétal > cortex occipital. Les corps de Lewy s'associent à la présence, dans certains prolongements neuronaux, de filaments d'Alphasynucléine non-agrégés en corps de Lewy ("Lewy related neurites").. Il est probable que le dépôt anormal d'Alpha-synucléine dans les neurites précède la formation des corps de Lewy. Les corps de Lewy s'associent également à des pertes neuronales d'importance discutée : - Au niveau de la substantia nigra, avec une diminution des projections dopaminergiques striatales responsable du syndrome Parkinsonien - Au niveau du locus coeruleus, origine des projections noradrénergiques corticales - Au niveau du noyau basal de Meynert, origine des projections cholinergiques corticales. Au niveau de ce noyau la perte neuronale est identique voire supérieure à celle retrouvée dans la maladie d’Alzheimer (5). Enfin, des lésions compatibles avec l’existence d’une maladie d’Alzheimer associée (plaques de tout type et dégénérescences neurofibrillaires) ne sont pas rares. Selon le critère utilisé pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer (plaques et dégénérescences neurofibrillaires ou plaques seules) la fréquence d’une maladie d’Alzheimer associée varie de 32% à 89% dans une même série autopsique. L’association anatomique des lésions des deux affections est donc fréquente, mais il est important de noter qu’il existe des démences à corps de Lewy sans aucune lésion de maladie d’Alzheimer (ni plaque ni dégénérescence neurofibrillaire). Ces démences à corps de Lewy sont dites “ pures ” (6). CLINIQUE Les signes cliniques de la Démence à corps de Lewy ont été précisés par un groupe de travail international qui s'est réuni en octobre 1995 à NEWCASTLE (7). Ces signes associent un requis obligatoire et des critères associés. REQUIS : Détérioration cognitive progressive suffisante pour interférer avec une activité sociale ou professionnelle normale avec une altération de la mémoire absente ou au second plan et une altération surtout de la vigilance, de l’attention, de la fluence verbale, des fonctions visuo-spatiales et des fonctions exécutives. CRITERES ASSOCIES PRINCIPAUX : Deux des signes cardinaux suivant sont nécessaires pour un diagnostic de forme probable, un pour une forme possible : - Fluctuations cognitives notamment de la vigilance et de l’attention - Hallucinations visuelles élaborées et persistantes - Syndrome Parkinsonien CRITERES ASSOCIES SECONDAIRES : De fréquence plus rare, ils renforcent le diagnostic : - Syncopes et/ou pertes de conscience transitoires (probablement secondaires à une dysautonomie) - Hypersensibilité aux neuroleptiques 14 - Délire systématisé - Hallucinations autres que visuelles CRITERES D’ELIMINATION : Le diagnostic est moins probable si l'on retrouve : - Un accident vasculaire cérébral avec des signes focaux et/ou neuroradiologiques - Une maladie générale ou une autre affection cérébrale pouvant expliquer le tableau clinique La sensibilité et la spécificité des critères cliniques du consensus restent à estimer dans des séries suffisamment larges. Pour l'équipe de NEWCASTLE elles sont respectivement de 83% et 92%, identique à celles des critères NINCDS-ADRDA pour la maladie d’Alzheimer (8). Quelques précisions sur la clinique Les fluctuations (9) Elles peuvent se traduire par : - Soit des variations d’un jour à l’autre des performances cognitives - Soit des épisodes confusionnels en apparence spontanés et d’évolution régressive - Soit des épisodes de plusieurs minutes de baisse importante de la vigilance avec retour rapide à l’état antérieur pouvant être confondus avec des AIT. Les Hallucinations visuelles (9, 10) Elles sont élaborées (personnages, objets, enfants, animaux) et souvent mobiles. Elles peuvent être angoissantes et sont souvent persistantes. Elles peuvent être le premier symptôme et simuler une psychose hallucinatoire chronique tardive ou une dépression psychotique jusqu'à l’apparition du déficit cognitif. Le syndrome Parkinsonien (9) Il est en général moins sévère que celui de la maladie de Parkinson et le tremblement de repos est souvent absent. La relation dans le temps entre le syndrome Parkinsonien et le syndrome démentiel n’a pas été précisée par le consensus clinique final, mais un certain nombre de membres de la conférence avaient proposé de limiter à un an le délai d'apparition entre les troubles cognitifs et le syndrome parkinsonien, quel que soit l'ordre d'apparition des ces deux types de signe. Si ce critère temporel n'est pas retenu, il est très difficile de différencier cliniquement la démence à corps de Lewy de certaines formes de Démence parkinsonienne tardive. PHYSIOPATHOLOGIE La physiopathologie de la démence à corps de Lewy est un puzzle à nombreuses pièces dont l'emboîtement n'est pas clair. L'accumulation intracellulaire sous forme insoluble de l'Alpha-synucléine semble jouer un rôle équivalent à celui du peptide amyloïde dans la maladie d'Alzheimer (11). 15 Le mécanisme de déclenchement de cette accumulation est très rarement génétique dans certaines formes familiales de maladie de Parkinson et peut-être de démence à corps de Lewy, par mutation du gêne de l'Alphasynucléine. Les facteurs épigénétiques pouvant conduire à la même accumulation sont inconnus. La nature du lien entre cette accumulation pathologique et les altérations fonctionnelles ou les lésions neuronales est à déterminer. Dans la production des symptômes, le rôle respectif du nombre et de la topographie des corps de Lewy limbiques et néocorticaux, de l'altération des noyaux sous-corticaux notamment cholinergiques, et des lésions de maladie d'Alzheimer souvent associées reste à préciser. TRAITEMENT Le traitement de la démence à corps de Lewy est symptomatique et ne peut s'appuyer sur des études contrôlées. Pour autant les études de cas imposent de ne pas céder au défaitisme thérapeutique et des améliorations cliniques prolongées sont parfois possibles. La prise en charge non pharmacologique du patient et de son entourage doit être identique à celle proposée dans la maladie d'Alzheimer. La prise en charge médicamenteuse est difficile car le traitement de chaque manifestation symptomatique est susceptible d'en aggraver une autre, notamment à l'intérieur du triptyque : syndrome parkinsonien, hallucinations, troubles cognitifs. a) L'interruption de certains médicaments anti-Parkinsoniens est systématique du fait de leur rôle possible dans la production des hallucinations : Anticholinergiques, agonistes dopaminergiques, selegiline. b) L'interruption éventuelle de la Dopathérapie est à discuter cas par cas, car cette arrêt risque d'aggraver l'état moteur, et la Dopathérapie ne paraît pas jouer un rôle important dans la production des hallucinations qui persistent le plus souvent après son interruption. c) Les inhibiteurs de l'acétylcholinestérase peuvent être utiles car les hallucinations seraient favorisées par la diminution de l'activité cholinergique du cortex parieto-temporal, plus importante dans les cas avec hallucinations que dans les cas ou elles sont absentes (12). Par ailleurs, les inhibiteurs de l'acétylcholinestérase seraient globalement plus actifs sur le déficit cognitif de la démence à corps de Lewy que sur celui de la maladie d'Alzheimer du fait de l'importance du déficit cholinergique cortical. Il existe cependant un risque théorique d'aggravation du syndrome extra-pyramidal par les inhibiteurs de l'acétylcholinestérase qui peuvent majorer, au niveau du striatum, l'hypercholinergie secondaire au déficit en dopamine. d) L'utilisation des neuroleptiques, en cas d'hallucinations sévères et sources de souffrance pour le malade, est très problématique du fait de la possible hypersensibilité de certains patients liée à la perte de neurones dopaminergiques au niveau de la substantia nigra qui ne serait pas compensée par une augmentation des récepteurs D2 post-synaptiques striataux (13). 16 Les effets secondaires graves sont fréquents, se traduisant par la survenue d'une somnolence puis d'une hypertonie sévère avec instabilité posturale et chutes, confusion majeure et complications de décubitus parfois létales. Ils surviennent en règle dès les premiers jours de traitement. Bien que moins fréquents avec les nouveaux antipsychotiques (Risperidone, Olanzapine, Clozapine) ces effets graves peuvent être observés avec tous les produits de cette classe thérapeutique (14). Leur utilisation éventuelle ne peut être envisagée qu'en milieu hospitalier avec une surveillance attentive des premiers jours de traitement et un arrêt immédiat dès les moindre signe d'intolérance. e) L'utilisation symptomatique du Méprobamate, des thymorégulateurs, des antidépresseurs peut-être une alternative aux neuroleptiques (13). CONCLUSION Les anomalies de l'Alpha-synucléine jouent probablement un rôle central dans les maladies à corps de Lewy et donc principalement dans la maladie de Parkinson et la démence à corps de Lewy, conduisant à introduire pour ces affections le concept d'Alpha-synucléinopathies(15). Ce concept s'intègre bien dans le cadre plus vaste des affections neuro-dégénératives secondaires à l'agrégation anormale de protéines conduisant à des dépôts fibrillaires insolubles, de topographie : • Intranucléaire, comme dans la maladie de Huntigton, • Intracytoplasmique, comme dans la Démence à corps de Lewy, les dégénérescences neuro-fibrillaires de la maladie d'Alzheimer ou les Tauopathies, • Extracellulaire, comme dans les plaques de la maladie d'Alzheimer ou les maladies à Prion. Nul doute que des reclassements nosologiques sont à venir dans ce vaste cadre pathologique. RÉFÉRENCES 1 : Kosaka K, Matsushita M, Oyanagi S, Mehraein P. A clinicopathological study of the Lewy body disease . Psychiatr Neurol Japon 1980 ; 82 : 292-311 2 : L.M Drach, S Schubert. Evaluation of clinical diagnostic criteria for dementia with Lewy bodies. Neurobiol Aging 1998 ; Supp 4S : Abstract n° 857 3 : M G Spillantini et al. Alpha synucleine and Lewy bodies. Nature 1997 ; 388 : 839-840 4 : K A Conway et al. Structure and function of synucleine. Neurobiol Aging 1998 ; Supp 4S : A 849 5 : Jellinger K A, Bancher C. Dementia with Lewy bodies : relationships to Parkinson’s and Alzheimer’s diseases in dementia with Lewy bodies : Perry R H, Mc Keith IG, E K(eds) 1996 : 268. Cambridge University Press 6 : Kosaka K et Iseki I. Diffuse Lewy body disease within the spectrum of Lewy body disease. In Dementia with Lewy bodies. Perry R H Mc Keith I G, Perry EK (eds) 1996 : 238 Cambridge University Press 7 : Mc Keith I.G. et al. Consensus guidelines for the clinical and pathologic diagnosis of dementia with Lewy Bodies (DLB): report of the consortium on DLB international workshop. Neurology 1996 ; 47 : 1113-1124 8 : Perry R et al. Dementia with Lewy bodies. Diagnostic accuracy using consensus criteria. Neurobiol Aging 1998 ; Supp 4S : Abstract n° 853 9 : E Londos, A Brun, U Passant Lewy body dementia-clinical characteristics and neuropathology. Neurobiol Aging 1998 ; Supp 4S : Abstract n° 855 10 : Klatka La, Louis ED, Schiffer RB. Psychiatric features in diffuse Lewy body disease : a clinicopathological study using Alzheimer’s disease and Parkinson’s disease comparaison groups. Neurology 1996 ; 47 : 1148-1152 17 11 : Trojanowski et al. Fatal attractions : abnormal protein aggregation and neuronal death in Parkinson's disease and Lewy body dementia. Cell death and differenciation 1998 : 5: 832-837 12 : Kaufer D et al. Dementia with lewy bodies: Response of delirium-like features to donezepil. Neurology 1998; 51(5) : 1512 13 : Perry R et al. Management of the noncognitive symptoms of Lewy body dementia. In dementia with Lewy bodies. Perry R H Mc Keith I G, Perry EK (eds) 1996 : 381 Cambridge University Press 14 : Ballard C et al. Neuroleptic sensitivy in dementia with Lewy bodies and Alzheimer’s disease. Lancet 1998 ; 351 : 1032-1033 15 : Van Duinen SG et al. Numerous and widespread alpha-synuclein-negative Lewy bodies in an asyptomatic patient. Acta Neuropathol (Berlin) 1999; 97(5): 533-539 18 Démence et Alcool : Actualités en 2000 Dr. S. PARIEL-MADJLESSI Service de Médecine Interne Gériatrique, Hopital René Muret et Université Paris Nord L’alcoolisme est une conduite addictive qui affecte les personnes âgées comme les plus jeunes, même si son diagnostic n’est pas toujours évoqué. Certaines études américaines s’intéressant aux problèmes liés à l’alcool chez les personnes âgées, mettent en avant une diminution de la fréquence de l’alcoolisme dans cette population (1,2), alors que des recherches plus récentes s’accordent à reconnaître qu’elle augmente plutôt, en Amérique du Nord et en France (3-5). Le rôle de l’alcool est souvent controversé comme cause directe de démence ou comme facteur de risque d’autres types de démences et surtout pour la maladie d’Alzheimer. La pathologie démentielle présentant une morbi-mortalité importante avec l’avance en âge (5), le rôle de l’alcool est intéressant à clarifier parmi d’autres. Dans notre revue de la littérature sur le sujet, nous nous sommes attardés dans un premier temps sur les implications de l’alcoolisme chez le sujet âgé, au point de vue épidémiologique et aussi pour les pathologies reconnues être en rapport avec les effets neurotoxiques directs de l’alcool ou les carences nutritionnelles qui y sont plus souvent associées (Gayet-Wernicke, Korsakoff). Nous nous sommes interrogés ensuite, sur l’existence de la démence alcoolique en tant qu’entité clinique et neuropathologique définie, avant d’essayer de retrouver les interactions de l’alcool avec la maladie d’Alzheimer. L’existence d’une démence liée à l’alcool est controversée. Les différentes hypothèses proposées sont : L’alcool contribue à la démence par de multiples mécanismes, dont les principaux sont les effets neurotoxiques directs de l’alcool éthylique, la dysfonction métabolique et immunologique, les traumatismes, les lésions vasculaires, le déficit en thiamine et les autres déficits nutritionnels. Cette hypothèse est en faveur d’une contribution de l’alcool comme facteur aggravant de la démence, en particulier de la maladie d’Alzheimer. L’alcool n’influencerait pas directement la survenue d’une pathologie cérébrale dégénérative. 19 Le syndrome de Wernicke-Korsakoff au même titre que l’alcoolisme est sous diagnostiqué chez le sujet âgé. Le diagnostic de démence alcoolique serait alors évoqué à tort à la place de ce syndrome. La démence associée à une grande consommation d’alcool est plus fréquente que le syndrome de Wernicke-Korsakoff. Il existerait donc bien une maladie à part entière que l’on pourrait nommer démence alcoolique. Il existe des arguments en faveur de chacune de ces trois hypothèses. Les données les plus récentes de la littérature s’orientent néanmoins vers l’existence d’une démence alcoolique. Pour finir, nous avons examiné les possibles effets protecteurs d’une consommation modérée d’alcool et en particulier de vin sur la maladie d’Alzheimer. Ces effets semblent se confirmer à dix ans de suivi dans la cohorte PAQUID, qui est l’étude la plus significative dans ce domaine. REFERENCES : 1- Jarman CMB, Kellett JM. Alcoholism in the general hospital. Br Med J 1979 ; 2: 469-472. 2- Adams WL, Garry PJ, Rhyne R, Hut WC, Goodwin JS. Alcohol intake in the healthy elderly : changes with age in a cross-selectional and longitudinal study. J Am Geriatr Soc1990 ; 38 : 211-216. 3- Egbert AM. The older alcoholic : recognizing the subtle clinical clues. Geriatrics 1993 ; 48 : 63-69. 4- Miller NS, Belkin BM, Gold MS. Alcohol and drug dependance among the elderly : epidemiology, diagnosis, and treatment. 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Wine consumption and dementia in the elderly : a prospective community study in the Bordeaux area. Rev Neurol 1997 ; 153 : 185-192. 35- Lemeshow S, Letenneur L, Dartigues JF, Lafont S, Orgogozo JM, Commenges D. Illustration of analysis taking into account comples survey considerations the association between wine consumption and dementia in the Paquid study. Am J Epidemiol 1998 ; 148: 298-305. 36- Barberger_Gateau P, Rouch I, Letenneur L. PAQUID : 10 ans déjà… La Revue de Gériatrie 2000 ; 25: 443-452. 37- Gronbaek M, Deis A, Serensen TA, et al. Mortality associated with moderate intake of wine beer, or spirits Br Med J 1995 ; 310 : 1165-1169. 38- Friedmann RK, Klatsky AL. Is alcohol good for your health ? N Engl J Med 1993 ; 329 : 1189-1193. 39- Leibovici D, Ritchie K, Ledésert B, Touchon J. The effects of wine and tobacco consumption on cognitive performance in the elderly : a longitudinal study of relative risk. Int J Epidemiol 1998 ; 28 : 77-81. 21 Les démences vésaniques existent-elles encore? Un nouveau regard à partir des troubles cognitifs des malades psychotiques Dr. Nadine BAZIN Service de Psychiatrie, Centre Hospitalier, Versailles Les premières descriptions cliniques des patients que nous appelons aujourd'hui des patients schizophrènes évoquaient l'évolution vers une démence. C'est ainsi que la Démence Vésanique servait à décrire l'évolution déficitaire des psychoses chroniques schizophréniques dans les asiles et que le terme de Démence Précoce a été proposé par Kraepelin en 1899 pour décrire ces formes de psychoses qui évoluent vers un "affaiblissement de la personnalité d'aspect déficitaire". Mais dès 1911, grâce à Bleuler qui conteste l'évolution inéluctablement déficitaire de la maladie, l'accent est mis sur la dissociation et le terme de schizophrénie (la pensée divisée) est proposé. C'est encore aujourd'hui autour de cette notion que se fédèrent la majorité des auteurs alors que le terme de démence pour ces patients est totalement abandonné car inadapté. Les travaux explorant les capacités cognitives des sujets schizophrènes ont par la suite permis de réfuter l'hypothèse d'un déficit cognitif généralisé ou d'un trouble motivationnel en montrant que les schizophrènes étaient particulièrement performants dans certaines tâches. La poursuite de ces travaux a ensuite permis de réfuter l'hypothèse de l'atteinte spécifique d'une seule fonction cognitive (attention, mémoire, langage) pour montrer que toutes ces fonctions étaient atteintes à des degrés divers, qu'il existe un déficit au niveau de fonctions cognitives complexes qui sont mises en jeu dès que les tâches ne sont pas automatiques. Ces fonctions cognitives complexes mises en cause sont la planification de l'action, l'intentionnalité ou le traitement du contexte ... Ces travaux qui se sont beaucoup développés ces dernières années ne sont pas aboutis et la recherche de tâches qui seraient spécifiquement altérées dans la schizophrénie est encore en cours. La question des troubles cognitifs du sujet schizophrène vieilli apparaît donc à ce jour prématurée. La littérature dans ce domaine fait état d'altérations cognitives majeures mais aspécifiques que l'on ne sait comment interpréter: effet de l'évolution de la maladie? effet des traitements psychotropes au long court? effet du manque 22 de stimulation cognitive? effet du manque d'opportunité d'interactions? effet lié aux symptômes négatifs? etc... La prise en compte de toutes ces variables est difficile voire impossible. Mais surtout, ces études montrant l'existence d'un déficit cognitif chez les vieux schizophrènes utilisant des tâches totalement aspécifiques tel que le Mini Mental Status test (MMS) ne nous mènent-t-elles pas à un retour en arrière violent qui serait la "Démence Tardive" alors que nous avons mis des années à rejeter la notion de Démence Précoce? La question intéressante est celle de l'évolution des troubles cognitifs spécifiques du sujet schizophrène sur une étude longitudinale de suivi. Les travaux dans ce sens ne sont rares puisque les troubles spécifiques ne sont pas encore pleinement identifiés mais ils sont particulièrement intéressants. 23 Le DHEA : quel potentiel de prévention chez les personnes âgées ? Dr. Agathe RAYNAUD-SIMON Service de Gériatrie, Hôpital Charles Foix, Ivry-sur-Seine Le DHEAS est l’hormone stéroïde la plus abondante dans le sérum, et pourtant sa fonction biologique demeure inconnue. Son rôle dans le vieillissement a été évoqué en raison : 1. de la diminution de sa concentration plasmatique avec l’âge, 2. d’études épidémiologiques chez l’homme, montrant un lien entre les taux de DHEA et certains effets de maladies ou du vieillissement, 3. d’études d’administration de DHEA chez l’animal rapportant un effet protecteur de DHEA vis à vis de pathologies liées à l’âge. Le rôle du DHEAS a ainsi été évoqué dans l’immunosénescence, l’athérosclérose, le cancer, le déclin des fonctions cognitives, avec des résultats contradictoires. 4. L’administration de DHEA chez les sujets âgés n’avait fait jusqu’à présent l’objet que d’études de courte durée, sur un nombre restreint de sujets. Les effets observés concernaient une principalement augmentation de la sensation de bien-être. L’étude DHEAge a pour objectif d’évaluer le bénéfice en matière de prévention des manifestations liées à l’âge et la tolérance de l’administration de DHEA chez des sujets âgés. Deux cent quatrevingt sujets (70 hommes et 70 femmes âgés de 60 à 69 ans, 70 hommes et 70 femmes âgés de 70 à 79 ans) ont participé à cette étude multicentrique, randomisée, contre placebo, en double aveugle, concernant l’effet de l’administration de DHEA, 50 mg/jour, per os, pendant un an. Les concentrations plasmatiques de DHEAS ont atteint les valeurs observées chez l’adulte jeune. Chez les femmes, les concentrations plasmatiques de testostérone et d’oestradiol ont augmenté modérément mais significativement. Les résultats positifs concernent des modifications significatives de la densité minérale osseuse et des marqueurs biologiques du remodelage osseux, une augmentation de la production de sébum, de l’hydratation et de la pigmentation de la peau, et une augmentation de l’activité et de la satisfaction sexuelle. Ces effets ont été observés principalement dans le groupe des femmes âgées de plus de 70 ans. Aucun effet secondaire n’a été noté. En conclusion, l’administration de DHEA semble apporter un bénéfice sur le métabolisme osseux, la qualité de la peau et la libido des femmes âgées. Ces effets pourraient être en partie liés à la transformation du DHEAS en estrogènes et en androgènes. Les effets secondaires (signes de virilisation) et les risques (cancers hormonodépendants) de traitements plus prolongés restent à déterminer. 24 La prévention des effets indésirables des médicaments chez les personnes âgées Pr. Jean DOUCET Service de Gériatrie - CHU de Rouen Les accidents médicamenteux sont en moyenne deux fois plus fréquents après 65 ans. Ils sont aussi plus graves. Dix à 20 % des hospitalisations de personnes âgées sont dues à un effet indésirable médicamenteux. De nombreux facteurs, souvent associés, favorisent les accidents médicamenteux chez le sujet âgé. Cependant, la iatrogénie gériatrique n'est pas toujours inéluctable : on considère que 30% à 60% des effets indésirables sont évitables si l'on corrige certains facteurs favorisants. La question est donc de déterminer les facteurs qui peuvent être corrigés. Il ne s'agit pas des facteurs inévitablement liés au vieillissement (modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques, contexte polypathologique…) : ils doivent être évidemment pris en compte lors de toute décision thérapeutique mais le prescripteur peut difficilement en prévoir l'impact exact sur un malade déterminé, d'autant qu'il ne peut souvent pas extrapoler, en pratique médicale courante, les principes d'utilisation établis à partir des essais thérapeutiques. En revanche, il est possible d'intervenir sur d'autres facteurs en rapport avec le médicament, le malade ou le prescripteur. Certains facteurs favorisants sont en rapport avec les médicaments eux-mêmes et peuvent être corrigés. 25 Les médicaments à marge thérapeutique étroite ou de longue demi-vie doivent être évités ou utilisés avec une adaptation posologique (digitaliques, théophylline, aminosides et anti-histaminiques H2). Les associations médicamenteuses à l'origine d'interactions dangereuses sont responsables de 15 % à 20 % des effets indésirables et doivent être évitées. Ces interactions proviennent de l'administration de plusieurs médicaments dans un contexte polypathologique ou d'une attitude de prescription excessive, notamment vis à vis des psychotropes (association d'un anxiolytique et d'un somnifère). Ces interactions médicamenteuses sont d'autant plus insidieuses qu'elles peuvent concerner deux médicaments appartenant à des classes pharmacologiques différentes : c'est le cas, par exemple, de la potentialisation d'effets anticholinergiques. D'autres facteurs favorisants les effets indésirables sont en rapport avec le comportement du malade et peuvent bénéficier de mesures éducatives. Les erreurs d’observance des traitements touchent 60 % des personnes âgées, notamment celles atteintes de troubles cognitifs. Les erreurs d'administration concernent plus spécifiquement les malades qui reçoivent des psychotropes, indépendamment de toute démence sous-jacente. Les erreurs de manipulation de certains dispositifs médicaux sont fréquentes (systèmes d'inhalation de bronchodilatateurs). Quant à l'automédication (anti-inflammatoires non stéroïdiens, laxatifs, somnifères), elle comporte, bien entendu, des risques qui doivent être prévenus par le médecin, le pharmacien et les soignants. Le comportement du prescripteur lui-même peut favoriser certains effets indésirables. Le médecin ne doit pas sous-estimer l'importance de certaines modifications physiologiques liées au vieillissement. La détermination de la clairance de la créatinine (formule de Cockcroft) objective l'altération de la filtration glomérulaire de près de 50 % à 80 ans. La découverte d'une altération cognitive débutante (MMS) ou la mise en évidence d'un isolement social, permet de prévoir des erreurs d'observance. Une hypotension orthostatique doit être régulièrement recherchée, notamment avant la prescription d'un traitement antihypertenseur. Le prescripteur ne doit pas seulement connaître la maladie qu'il soigne mais il doit tenir compte des maladies associées et de leurs traitements : cette notion est d'autant plus importante que les personnes âgées sont généralement prises en charge par plusieurs médecins. Il est donc impératif d'harmoniser les prescriptions de l'ensemble des prescripteurs, sans hésiter à "déprescrire" des médicaments redondants et/ou inutiles. La prise en charge de la personne âgée impose de hiérarchiser ses maladies en privilégiant le traitement de celles qui comportent un risque vital à court ou moyen terme et celles qui altèrent sa qualité de vie. La dépression, l'anxiété, l'insomnie et l'agitation entraînent souvent des prescriptions injustifiées de psychotropes. Le médecin connaît parfois insuffisamment les médicaments qu'il prescrit (effets indésirables, interactions, précautions d'emploi). Certaines études ont noté que près de 25 % des personnes âgées ambulatoires et 12 % des malades en institution recevaient un médicament considéré comme inapproprié (c'està-dire sans efficacité démontrée, à dose inadaptée ou pouvant être remplacé par un autre produit moins dangereux) : il s'agissait notamment de benzodiazépines, d'hypoglycémiants oraux de longue demi-vie, d'antidépresseurs très anticholinergiques ou de médicaments inefficaces sur la démence. 26 Chez les déments, les troubles du comportement sont souvent mal acceptés par l'entourage (familial ou soignant) et ne doivent pas conduire à une prescription de sédatifs, a fortiori "à la demande", sans évaluation de l'efficacité ni de la tolérance. Tout "renouvellement d'ordonnance" ou toute introduction d'un nouveau médicament doit s'accompagner d'une réévaluation du traitement antérieur en terme d'efficacité, de tolérance ou d'interférence avec une pathologie supplémentaire intercurrente. Il est dangereux de relâcher la surveillance de médicaments sous prétexte qu'ils sont administrés depuis plusieurs semaines et qu'ils sont jusqu'à présent bien tolérés (diurétiques, psychotropes…). Enfin, l'information et l'éducation du malade et de son entourage doivent être renforcées pour améliorer l'observance et diminuer les erreurs d'administration : les personnes âgées (et …leur entourage) ignorent souvent les indications précises de leurs médicaments. En conclusion… La iatrogénie médicamenteuse est fréquente, grave et, dans bon nombre de cas, évitable par des mesures préventives aux trois étapes de la prise en charge thérapeutique: Avant de prescrire : prendre la décision thérapeutique adaptée au malade et à ses maladies. Lors de la prescription : discerner la meilleure attitude en fonction des maladies que l'on choisit de traiter et des risques auxquels on expose le malade. Après la prescription : évaluer régulièrement l'efficacité et la tolérance du traitement, sans hésiter à "déprescrire" en cas de pathologie intercurrente modifiant les priorités de prise en charge. Cette évaluation thérapeutique doit s'appuyer sur les informations obtenues auprès de l'ensemble des personnes intervenant auprès du malade (infirmières, pharmacien). REFERENCES Beers M.H., Ouslander J.G. Risk factors in geriatric drug prescribing: a practical guide to avoiding problems. Drugs 1989, 37 : 105-112. Brennan T.A., Leape L.L., Laird N.M. et al. Incidence of adverse events and negligence in hospitalized patients. Results of the Harvard Medical Practice Study I. N Engl J Med 1991 ; 324: 370-376. Doucet J., Queneau P. Principes généraux de prescription thérapeutique. In : Thérapeutique de la personne âgée. Doucet J, Massol J, Lejonc JL, Mottier D, Queneau P. Paris : Maloine, 1998: 69-74. Gurwitz JH, Avorn J. The ambiguous relation between aging and adverse drug reactions. 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PREVENTION (3,6) Une fois le malade à risque identifié, il importe de mettre en place rapidement les mesures de prévention qui ont pour but de réduire ou d'éliminer les facteurs mécaniques qui entraînent des escarres (pression, cisaillement), et d'identifier les facteurs associés pour les traiter. Il faut éviter que le malade soit en appui continu sur une même partie de son corps, et ne pas hésiter à installer sur un support. adéquat les zones susceptibles d’être le siège d’une escarre. L’efficacité des massages, souvent encore pratiqués en France, n’a jamais été prouvée. Ils risquent même d’augmenter la dilacération des tissus et sont de ce fait à éviter. L’alitement permanent doit être évité au maximum dans la mesure du possible. Certaines positions sont à proscrire, comme le décubitus latéral strict (avec appui sur le trochanter) ou la position demi assise avec une inclinaison supérieure à 30° par rapport au plan du lit car elle risque de majorer les forces de cisaillement s’exerçant au niveau du sacrum. On lui préfère les positions en décubitus latéral arrière à 30° en stabilisant le sujet par des coussins spécifiques (triangle de positionnement). En aucun cas il ne faut omettre de changer de position le malade toutes les 2 à 3 heures, afin de soulager les tissus soumis à la pression. Cette manipulation devra être effectué avec méthode, en évitant de “ traîner ” le malade sur le plan du lit. Il est recommandé d’utiliser des potences ou des appareils de levage qui réduisent les forces de cisaillements. Dès que possible l’installation au fauteuil doit être réalisée, avec un coussin adapté et la prescription d'une mobilisation passive puis active par un kinésithérapeute. Le nombre croissant de supports de plus en plus perfectionnés que les fabricants mettent à notre disposition rend complexe le choix que nous devons effectuer (5). Ce dernier doit s’établir selon des critères précis. Une évaluation est souhaitable en milieu spécialisé en utilisant si possible des capteurs de pression. Deux tableaux résument les principales caractéristiques des supports utilisables lors de l’alitement et de la mise en fauteuil (Tableaux II et III). La prévention doit s'inscrire dans les objectifs des soins à domicile des personnes âgées et la prescription du matériel et des soins doit être adaptée à l'environnement du malade. Le remboursement des supports d'aide à la prévention des escarres vient d'être amélioré dans le cas de patients non hospitalisés 28 TRAITEMENT (4,7) Si la prévention a été négligée, insuffisante, ou plus souvent rendue inopérante par l’état du patient, la personne âgée développe des escarres. Selon le contexte, les objectifs du traitement seront déterminés : curatifs, ou, à défaut, palliatifs. Le traitement curatif de l'escarre associe toujours un traitement local adapté au stade de la plaie et un traitement général étiologique : installation sur un support adapté, changements de position, prise en charge nutritionnelle et traitement des complications. Les mesures préventives sont maintenues et renforcées. Le traitement palliatif ne cherche pas à atteindre la cicatrisation de la plaie mais à permettre au patient de diminuer la souffrance physique et morale engendrée par ses escarres (1). Le traitement curatif local doit respecter l'écosystème bactérien de la plaie et éviter l'utilisation d'antiseptiques ou d'antibiotiques locaux (8). Il repose sur une détersion, si possible mécanique, complétée le plus souvent par une détersion auto lytique utilisant des pansements maintenant l'humidité au niveau de la plaie : pansements hydrocolloïdes, alginates, hydrofibres, charbons, hydrogels selon l'importance des exsudats. Au stade de bourgeonnement et d'épithélialisation, des pansements gras ou humides ou des pansements plus modernes comme les hydrocellulaires, les hydrocolloïdes, les films de polyuréthane pourront être utilisés (Tableaux IV et V). La prescription de matériel de pansement adaptés et de soins varie selon que le patient est hospitalisé ou maintenu à domicile. REFERENCES 1 - Meaume S. Douleurs et escarres chez les personnes âgées. Soins, avril 1999, supplément, n° 634 : 11-12 2 - Senet P, Meaume S. Hydrocolloides. Ann Dermatol Venereol 1999;1:71-75 3 - Meaume S. (Traducteur). Recommandations pour la prévention des escarres. Fiche technique European Pressure Ulcer Advisory Panel, 1999 4 - Meaume S. (Traducteur). Recommandations pour le traitement des escarres. Fiche technique European Pressure Ulcer Advisory Panel, 1999 5 - Meaume S., Ramamonjisoa M., Merlin L., Moulias R. Supports d’aide au traitement et à la prevention des escarres pour les personnes âgées hospitalisées. Journal des Plaies et Cicatrisations, mars 1997, n° 6 : 17-21 6 - Meaume S, Senet P. Prévention des escarres chez la personne âgée. Presse Médicale, 1999, 28, n° 33 : 1846-1853 7 - Senet P., Meaume S. Traitement local et général des escarres de la personne âgée. Presse Médicale, 1999, 28, n° 33 : 1840-1845 8 - Senet P., Meaume S, Dubertret L. Cicatrisation normale et pathologique. Revue du Praticien, 2000, N° 8, 50 : 891-895 Tableau I : Echelle de Norton NOM DU MALADE ETAT GENERAL 4 BON 3 MOYEN 2 PAUVRE 1 TRES MAUVAIS ETAT MENTAL ACTIVITE 4 ALERTE 3 APATHIQUE 2 CONFUS 1 INCONSCIENT 4 AMBULANT 3 MARCHE AVEC AIDE 2 ASSIS AU FAUTEUIL 1 ALITE MOBILITE INCONTINENCE 4 AUCUNE 4 TOTALE 3 OCCASIONNELLE 3 DIMINUEE 2 TRES LIMITEE 2 URINAIRE 1 IMMOBILE 1 URINAIRE ET FECALE SCORE TOTAL /20 29 DATE /20 DATE /20 SCORE ≥ 15 risque faible 12 < SCORE < 15 supérieur risque élevé SCORE ≤ 12 risque très élevé Informations pour la cotation de l’échelle de Norton A Etat Général Etat clinique et santé physique (considéré le statut nutritionnel, l’intégrité des tissus, la masse musculaire, l’état de la peau) 4.Bon Etat clinique stable, parait en bonne santé et bien nourri B Etat Mental Niveau de conscience et d’orientation C Activité Degré et capacité à se déplacer D Mobilité degré de contrôle et de mobilisation des membres E Incontinence Degré de capacité à contrôler intestins et vessie 4. Alerte Orienté, a conscience de son environnement 4. Ambulant Capable de marcher de manière indépendante (inclue la marche avec canne) 4. Aucune Contrôle total des intestins et de la vessie, a une sonde urinaire et aucune incontinence 3. Moyen Etat clinique généralement stable, parait en bonne santé 3. Apathique Orienté (2 fois sur 3), passif 3. Marche avec aide Incapable de marcher sans aide humaine 2. Pauvre Etat clinique instable , en mauvaise santé 2. Confus Orienté (1 fois sur 2) Conversation quelque fois inapropriée 4. Totale Bouge et contrôle tous ses membres volontairement, indépendant pour se mobiliser 3. Diminuée Capable de bouger et de contrôler ses membre, mais avec quelques degrés de limitation, a besoin 2. Très limitée Incapable de changer de position sans aide, offre peu d’aide pour bouger, paralysie, contractures 1. Très mauvais Etat critique ou précaire 1. Inconscient généralement difficile à stimuler, léthargique 2. Assis au fauteuil Marche seulement pour aller au fauteuil, confiné au fauteuil à cause de son état et/ou sur prescription médicale 1. Alité Confiné en raison de son état et/ou sur prescription médicale 1. Immobile Incapable de bouger, incapable de changer de position 3. Occasionnelle A 1 à 2 incontinences d’urine ou de selle par 24 H, a une sonde urinaire ou un pénilex mais a une incontinence fécale 2. Urinaire A de 3 à 6 incontinences urinaires ou diarrhéiques dans les dernières 24 H 1. Urinaire et fécale Ne contrôle jamais intestins et vessies, a de 7 à 10 incontinence par 24H. 30 Tableau II : Support d'aide à la prévention et traitement des escarres au lit REMBOURSEMENT TYPE DE SUPPORT CARACTÉRISTIQUES DES SUPPORTS sur-matelas de fibres (type Spenco™) fibres synthétiques dans une enveloppe de tissu compartimentée recouvert d'une housse imperméable. Prévention boudins se gonflant et se dégonflant rythmiquement, grâce à un compresseur silencieux. Prévention remboursé SS mousse à plots fixes ou amovibles dont la partie supérieure est découpée en gaufrier, remplaçant le matelas standard, recouverte d'une housse imperméable. Prévention idem avec "inserts" de mousse remplacé par "insert" en gel, à air (cellules téléscopiques), à eau. Prévention mousse gardant la "mémoire" des formes, recouvert d'une housse imperméable. Prévention remboursé SS surmatelas à air alterné (type Bercendor™, Alphatranscell™) matelas de mousse découpée en gaufrier (type Aplot™, Cliniplot™, Préventix™, Cliniplus™) (Epsus™) remboursé SS (surmatelas et compresseur) sur-matelas et matelas de remboursé SS mousse "à mémoire de forme" (type Alova™, Tempur-Med™, Mémoba™) matelas, sur-matelas et lit à enveloppe souple de PVC remplie d'eau ordinaire à remboursé SS eau (type Hydromat™) 37°, maintenant le malade en flottaison, cadre d'air ou de mousse. Prévention - matelas à air gonflé initialement de façon adaptée remboursé SS - sur-matelas à air au sujet. Prévention statique en une seule remboursé SS partie (type - matelas d'air à "tétines" utilisant le principe de la Sof'Care™, Repose™,) flottaison sèche, pas de pression alternante, à - surmatelas poser sur matelas standard. Prévention et pneumatique à traitement cellules téléscopiques (type Kinéris™, Roho™) matelas et sur-matelas à air boubins pneumatiques interconnectés avec air diffusé non remboursé SS par micro perforations, gonflés en fonction du poids assurant une aérosuspension (type First du patient, avec parfois des capteurs de pression intégrés, "impulsions" d'air créant une "flottaison" à Step™, Medidev ™, poser sur matelas standard ou en remplacement, Plexus™, Duo™, Debut électrique. Matelas ou surmatelas disponible. MR ™, Airworks™, Prévention et traitement BAR™, Nimbus™, Autoexcell™, Clinimat™) lits fluidisés (type micro particules de céramique siliconées en non remboursé SS Clinitron™, Fluidair™) suspension dans un courant d'air chaud (31 à 38°) permettant une excellente répartition des pressions, lit complet. Traitement lit articulé, sur le principe des matelas et sur-matelas à non remboursé SS lits à air (type Kinair™, Therapulse™, Ultimate™) air avec aérosupension, comprend des capteurs de pression intégrés. Traitement électriques 31 Tableau III : Support d'aide au traitement des escarres au fauteuil Les coussins sont utilisés essentiellement pour la prévention des escarres ischiatiques. En effet, un patient présentant une escarre ischiatique ne doit plus être installé en position assise Par contre, un sujet ayant une escarre sacrée peut être mis au fauteuil avec un coussin, sous réserve de l’absence d'extension de son escarre à la région coccygienne. CARACTÉRISTIQUES DES SUPPORTS TYPE DE SUPPORT REMBOURSEMENT coussin de gel (type Reston™, Voyageur™, Oscare™, Gelscar™) coussin en gel remboursé SS coussin de gel fluide (type Jay™) ou autre fluide (Rik™) coussin en gel de haute densité, réticulé remboursé SS coussin de fibres (type Spenco™) remboursé SS coussin de fibres synthétiques dans une enveloppe de tissu compartimentée recouvert d'une housse imperméable coussin de mousse à plots fixes ou remboursé SS amovibles dont la partie supérieure est découpée en gaufrier, recouverte d'une housse imperméable, mousse gardant la "mémoire" des formes, remboursé SS recouvert d'une housse imperméable coussin de mousse découpée en gaufrier (type Préventix™) coussin de mousse viscoélastique dite "mousse à mémoire de forme" (type Alova™, Tempur-Med™, Mémoba™) coussin composé de mousse et de gel (Handiflow™, Ergomix ™) coussins mixtes coussin à eau (type Hydromat™) enveloppe souple de PVC remplie d'eau remboursé SS ordinaire à 37 cadre d'air ou de mousse, coussins à air statique - cellules pneumatiques téléscopiques (type Roho™, Kinéris™) - un seul compartiment (Sofcare™, Repose™) - coussin (Vicair™) coussin à air alterné (type Aura™) remboursé SS coussin d'air à "tétines" utilisant le - remboursé SS principe de la flottaison sèche - remboursé SS - coussin à air gonflé initialement de - non remboursé SS façon adaptée au sujet - coussin composé de "berl!ngots" remplits d'air non remboursé SS boudins se gonflant et se dégonflant rythmiquement, grâce à un compresseur silencieux - 32 Tableau IV : Tableau des principaux pansements et biomatériaux utilisés dans le traitement des plaies Classe de pansement Hydrocolloïdes Films semi-perméables Alginates/ Alginate + CMC Hydrofibres Hydrocellulaires et mousses Hydrogels Pansements au charbon Tulles non médicaux neutres Interfaces Pansements osmotiques Produit commercialisés (Laboratoire) Algoplaque™ / Urgoderm™ (Urgo) Askina Biofilm™ (Braun-Biotrol) Comfeel™ Plus (Coloplast) Duoderm™ E (Convatec) Hydrocol™ (Hartmann) Restore™ (Incare) Sureskin™ (Euromédec) Tegasorb™ (3M) Tetracolloid™ (Tetramedical) Dermafilm™ (Vygon) Epiview™ (Convatec) Hydrofilm™ (Hartmann) Mefilm™ (Mölnlycke) Opraflex™ (Lohmann) Opsite ™ (Smith & Nephew) Optiskin™ (Urgo) Stéridrap™ (3M) Tegaderm™ (3M) Visulin™ (Wuhrling Soplamed) Algisite™* (Smith & Nephew) Algosteril™ (Brothier) Comfeel-Seasorb™ (Coloplast) Dosastéryl™ (LDM) Kaltostat™* (Convatec) Melgisorb™ (Mölnlycke) Sorbalgon™ (Hartmann) Sorbsan™ (Braun-Biotrol) Urgosorb™ (Urgo) Aquacel™ (Convatec) Allevyn™ (Smith & Nephew) Askina transorbent™ (Braun-Biotrol) Biatain™ (Coloplast) Combiderm™ (Convatec) Lumiderm 6000™* (Sarbach) Lyomousse™ (Seton HealthCare Group) Mepilex™ (Mölnlycke) Sysspur-med™ (Hartmann) Tielle™ (Johnson & Johnson) Comfeel Purilon™ (Coloplast) Duoderm hydrogel™ (Convatec) Hydrosorb™ (Hartmann) Intrasite gel™ (Smith & Nephew) Normlgel™* (Mölnlycke) Nu-Gel™ (Johnson & Johnson) Urgo hydrogel™ (Urgo) Surskin hydrogel™ (Euromedex) Actisorb Plus™ (Johnson & Johnson) Carboflex™ (Convatec) Carbonet™ (Smith & Nephew) Lyomousse C™ (Seton Health Care) Vaselitulle™ (Sarbach) Unitulle™ (Cassenne) Lomatuell™ (Lohmann) Jelonet™ (Smith & Nephew) Adaptic™ (Johnson & Johnson) Atrauman™ (Hartmann) Mépitel™ (Mölnlycke) Urgosorb™ (Urgo) Debrisan™ (Pharmacia-Upjohn) Hypergel™* (Mölnlycke) Mesalt™* (Mölnlycke) * Produit non remboursé au 15 septembre 2000 Tableau IV (suite) : 33 Classe de pansement Polyacrylate Produit commercialisés (Laboratoire) Cutinova™ (Beiersdorf)) Tenderwet™ (Hartmann) Hyalgin™* (Convatec) (AH film + eau) Hyalofill™* (Convatec) (AH pur) Hyalogran™* (Convatec) (AH + alginate) Jaloskin™* (Convatec) (AH film) Ialuset™ (Genevrier) (AH tulle et crème) Pansements à base d’acide hyaluronique (AH) * Produit non remboursé au 15 septembre 2000 Tableau V : Indications des principaux pansements en fonction du stade évolutif de l'escarre et de ses caractéristiques. Détersion Hydrocolloïdes Hydrocellulaires Bourgeonnement Epidermisation <—————————— plaies modéremment exsudatives—————> <———————— idem———————> Hydrogels <———————————————— plaie sèche —————> Hydrofibres <——————————————> plaie infectée, suintante Alginates <——————————————>plaie infectée, suintante, hémorragie Charbons <———————–––––––––> + plaie infectée, malodorante Interface grasse <———————— plaies peu exsudatives ——————————> Films <——— idem --———> * Cette présentation a également été réalisée au cours des Journées Annuelles de la Société Française de Gériatrie, à Paris le 13 octobre 2000 et sera publiée dans l'Année Gérontologique 2001. 34 La prévention des maladies infectieuses chez les personnes âgées Dr. Christophe TRIVALLE Service de Gérontologie et de Soins Palliatifs, Hôpital Paul Brousse, Villejuif En ce qui concerne la prévention des maladies infectieuses en gériatrie, deux domaines sont particulièrement importants, la prévention vaccinale (grippe, tétanos et pneumocoque) et la prévention des infections nosocomiales. PREVENTION VACCINALE ET PERSONNES AGEES Les personnes âgées ayant une plus grande susceptibilité aux infections (polypathologie, dénutrition, déficit relatif du système immunitaire), c’est dans cette population que la grippe, le tétanos et le pneumocoque sont les plus fréquents et les plus mortels. Il est maintenant bien établi que les vaccinations sont efficaces même chez les personnes très âgées. Pourtant, il n’existe aucune obligation vaccinale concernant les personnes âgées. De plus, la majorité des personnes âgées n'ont jamais été vaccinées au cours de leur vie. Vaccination anti-grippale Il existe 3 souches de virus de la grippe (Myxovirus influenzae A, B, et C), sans immunogénicité croisée entre elles. Chaque souche comprend de nombreux variants. Les épidémies annuelles concernent essentiellement les souches A (décembre - février) et B (mars - avril). La dernière grande épidémie remonte à 1969-1970. Elle a fait 18000 décès en 2 mois en France, dont 80% chez des personnes de plus de 65 ans. La mortalité annuelle est estimée à 2500 décès par an en moyenne. La couverture vaccinale est de l'ordre de 40 à 70%. Les indications de ce vaccin concernent l'entrée en institution et toutes les personnes de plus de 65 ans. Bien entendu, il est très important de vacciner les personnels responsables de personnes âgées car malgré des taux de couverture vaccinale de 100%, il peut apparaître des épidémies grippales en institution si le personnel n'est pas vacciné. Pour les sujets âgés polypathologiques et dénutris, il semble illusoire de pouvoir obtenir des réponses satisfaisantes et il est alors très important de vacciner l'entourage. La seule contre-indication est l'allergie vraie aux oeufs. Les effets secondaires sont fréquents, et il faut bien prévenir la personne vaccinée, car c'est souvent une cause de refus lors des revaccinations ultérieures. Les effets secondaires sont locaux dans 20% à 50% des cas (rougeur, douleur,...) et généraux dans 3% à 12% des cas (syndrome pseudo-grippal qui répond à un traitement par le paracétamol). Le vaccin peut être associé aux vaccins anti-tétanique (TETAGRIP), anti35 poliomyélite et anti-pneumococcique (injection dans un autre site). Le vaccin se fait en intra-musculaire ou en sous-cutané profond, en une injection par an en septembre-octobre. L'immunité est acquise en 2 à 3 semaines. Le vaccin est efficace même chez les personnes très âgées. Il permet une réduction de fréquence des épisodes grippaux de 30% à 40% et il diminue surtout la fréquence des complications de 40% à 70% (surinfection, décompensation respiratoire, hospitalisation) et la mortalité dans 70% des cas. Le vaccin coûte environ 43 francs. Il est pris en charge à 100% à partir de 65 ans et avant en cas de pathologie sévère. Vaccination anti-tétanique Il y a moins de 50 cas de tétanos par an en France (39 cas en 1996). Dans 70% des cas, les malades ont plus de 65 ans avec une mortalité multipliée par 10. En France, le nombre très faible de cas de tétanos est plus en rapport avec une excellente qualité de la prévention post-exposition qu'avec la couverture vaccinale. En effet, seulement 30% des personnes âgées auraient des anticorps. Pour le vaccin, il s'agit d'une anatoxine qui n'a pas de contre-indication. Les effets indésirables sont rares, faits essentiellement de réactions douloureuses locales. Pour une première vaccination, il faut faire 2 injections en intra-musculaire ou en sous-cutané profond à 1 mois d'intervalle avec un rappel à 6 ou 12 mois, puis tous les 10 ans. Lors des 2 premières injections, il semble que si l'intervalle est supérieur à 1 mois (5-6 mois), la réponse vaccinale soit meilleure. Le vaccin peut être associé aux vaccins contre la poliomyélite, la diphtérie et la grippe. Vaccination anti-pneumoccocique Quarante pour cent des pneumococcies surviennent chez des sujets de plus de 65 ans. C'est la première cause de mortalité par maladie infectieuse après 70 ans. Il y aurait environ 4000 à 12000 décès par an en France du au pneumocoque. Deux facteurs sont importants à prendre en considération pour développer cette vaccination chez les personnes âgées. Le premier est que quels que soient les antibiotiques utilisés, le taux de mortalité durant les 3 premiers jours de l'infection est très élevé (10 à 20%). Le deuxième facteur est l'augmentation constante du nombre de souches résistantes aux ß-lactamines. En 1996, 21 à 35% des souches étaient de sensibilité diminuée à la pénicilline, et il a été décrit des épidémies à pneumocoque résistant en maison de retraite. Actuellement la couverture vaccinale est quasiment inexistante en France. Pourtant, depuis septembre 1997, une extension des indications de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) a été délivrée par l’Agence du Médicament. Les nouvelles indications concernent les “ sujets âgés de plus de 65 ans, particulièrement ceux vivant en institution ”, et les “ sujets immunocompétents fragilisés (diabète, bronchite chronique, insuffisance cardiaque, ...) ”. Le vaccin contient 23 sérotypes sur les 90 répertoriés. Ces 23 sérotypes sont responsables de 85% des infections sévères. Il n'y a pas de contre-indication en dehors de la revaccination qui ne doit pas être faite dans un délai inférieur à 3 ans en raison du risque de choc anaphylactique par phénomène d'Arthus. Le vaccin se fait en intra-musculaire ou en sous-cutané profond. L'injection peut être faite en même temps que la grippe, à un site différent. Les effets secondaires peuvent être locaux dans 40 à 50% des cas (douleur ± érythème pendant 48 heures) ou généraux dans moins de 1% des cas (fièvre pendant 24 heures). Le vaccin est efficace dans 40 à 75% des cas chez la personne âgée. Il diminue le nombre d'hospitalisations pour pneumopathie, grippe et insuffisance respiratoire et la mortalité globale de 39 à 54%. La protection dure 3 à 6 ans minimum. Le vaccin est remboursé à 65% pour certaines indications (insuffisance respiratoire, insuffisance cardiaque, alcoolisme,...) avec un prix de l’ordre de 89 francs. 36 PREVENTION DES INFECTIONS NOSOCOMIALES EN GERIATRIE Les infections nosocomiales (IN) représentent une cause importante de morbidité et de mortalité. Dans 64% des cas, elles concernent des malades de plus de 60 ans. L’infection nosocomiale se définit comme une infection qui n’est ni présente, ni en incubation à l’entrée du malade à l’hôpital, et qui se déclare 48 heures ou plus après l’admission. La prévalence des IN est estimée à 7,6-9% en court séjour, 10,2-18,4% en moyen séjour (SSR) et à 4,3-9,4% en long séjour (SLD). Dans les services de longue durée, la totalité des infections acquises étant nosocomiales, il serait peut-être plus logique de surveiller les infections iatrogènes (liées à un geste invasif) ou les infections à germes multirésistants spécifiques à l’hôpital : Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM), Klebsiella pneumoniae productrices de bétalactamases, Acinetobacter baumanii,… Les principaux facteurs de risques d’IN sont intrinsèques (âge, altération des défenses immunitaires, dénutrition, troubles neuro-psychiques, troubles de la déglutition, troubles sphinctériens, polypathologie...) et extrinsèques (sonde urinaire, SNG, gastrostomie,...). Les sites les plus souvent infectés sont : l’appareil urinaire (17-47%), les poumons (25-48%) et la peau (9-25%). La mesure de prévention la plus efficace est le lavage des mains, 75 à 80% des infections nosocomiales étant manuportées. Cependant, il a été établi que c’était les médecins qui se lavaient les mains le moins fréquemment. C’est pourquoi il est actuellement proposé d’avoir au moins recours, comme par le passé, à une désinfection des mains avec une solution alcoolique. Certaines mesures générales ont également démontré leur intérêt : corriger la dénutrition, limiter le nombre et la durée des dispositifs invasifs, surveillance des bactéries multirésitantes (BMR), bonne utilisation des antibiotiques. Enfin, il est important de pratiquer au moins un isolement technique des patients infectés par des BMR. Parfois, bien que contraignant, l’isolement géographique peut être nécessaire. 37 La prévention des maladies cardiovasculaires chez les personnes âgées Dr. Jacques BODDAERT Service de Médecine Interne Gériatrique Hôpital de la Pitié-Salpétrière - Paris. La prévention des maladies cardio-vasculaires chez le sujet âgé repose essentiellement sur la prévention des complications d’un processus pathologique qui a débuté dans l’enfance, l’athérosclérose. De plus, le vieillissement vasculaire est étroitement lié à l’athérosclérose, dont il favorise le développement et les conséquences. Ainsi, cette prévention repose t-elle en partie sur des modèles expérimentaux de prévention du vieillissement vasculaire, et surtout sur les données d’études épidémiologiques d’intervention thérapeutique. En effet, après avoir fait de la limite d’âge une quasi-constante dans les grandes études, la démonstration d’un bénéfice thérapeutique souvent plus important dans cette classe d’âge, a modifié la conception de ces essais. - Sur le plan expérimental, certains modèles ont montré l’intérêt de molécules telles que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, ou encore d’inhibiteurs de la glycation des protéines sur la rigidité artérielle ou la dégradation de la fonction endothéliale. Cependant, ces résultats ne sont pas toujours exploitables en pratique clinique. - La nécessité d’une prise en charge de certains facteurs de risque cardio-vasculaire en prévention primaire est démontrée chez le sujet âgé. C’est le cas de l’hypertension artérielle, en prévention des accidents vasculaires cérébraux. De même, l’activité physique régulière diminue le risque de maladies coronariennes. A l’opposé, certaines préventions utiles chez le sujet jeune sont encore débattues, comme l’hypercholestérolémie, dont l’association à un risque cardio-vasculaire plus important n’est pas retrouvée dans le grand âge. Enfin, le bénéfice évoqué dans des travaux expérimentaux ou par certaines études n’est pas retrouvé dans des études contrôles, comme pour l’efficacité du traitement hormono-substitutif de la ménopause. - Le sujet âgé a également bénéficié des résultats d’un certain nombre d’études en prévention secondaire, souvent par l’analyse d’un sous-groupe de patients plus âgés: dans le post-infarctus, les β-bloqueurs, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion en cas d’altération de la fonction ventriculaire, les statines sont des thérapeutiques dont l’efficacité est démontrée. Dans la fibrillation auriculaire, les AVK et, en cas de contre38 indication, les antiagrégants plaquettaires, réduisent significativement le risque d’accident vasculaire cérébral ischémique. Ainsi, la prévention des pathologies cardio-vasculaires du sujet âgé est maintenant bien documentée, même si nous manquons encore souvent de données spécifiques dans cette tranche d’âge. Reste maintenant à appliquer le résultat de ces différentes études, car en pratique, l’âge est souvent le facteur essentiel limitant la prescription d’une thérapeutique dont le bénéfice est pourtant clairement démontré. 39 Efficacité de la supplémentation diététique orale chez le sujet âgé dénutri Dr. A BRUHAT, Dr. J SIBONY-PRAT, Dr. S PARIELMADLESSI, Dr. N BOJIC, Pr. J BELMIN Service de Médecine Interne Gériatrique, Hôpital René Muret-Bigottini, Sevran La dénutrition proteino-energétique est fréquente chez le sujet âgé fragile et dépendant atteint de pathologie(s) chroniques(s) invalidante(s) et au décours d'affection aiguë intercurrente (infection, fracture, acte chirugical, troubles digestifs...). Elle concernerait environ 50% des sujets âgés admis à l'hôpital et 30% des sujets âgés vivant en institution. Bien qu'étant fréquente, la dénutrition protéino-énergétique est souvent sous diagnostiquée1. Or la dénutrition protéino-énergétique entraîne des complications secondaires graves: immunodépression augmentant le risque d'infections, fonte musculaire augmentant le risque de chutes et majorant la perte d'autonomie fonctionnelle, réduction de la masse maigre et des protéines plasmatiques augmentant le risque d'effets indésirables médicamenteux, diminution des capacités de cicatrisation tissulaire, asthénie et fatigabilité entravant la rééducation motrice1. Toutes ces complications altère la qualité de vie du sujet âgé, compromettent sa guérison et la restauration de ses capacités fonctionnelles antérieures et diminue ses chances de retourner à domicile après son hospitalisation1. Aussi, il est important d'évaluer précocement et de manière régulière l'état nutritionnel des sujets âgés fragiles admis à l'hôpital ou vivant en institution en les pesant et en les observant s'alimenter au moment des repas. Ces mesures simples permettent de dépister une dénutrition débutante et de la traiter rapidement pour éviter la survenue de complications secondaires liées à la dénutrition1. Une dénutrition est suspectée en cas (i) d'amaigrissement ou de faible indice de masse corporelle (IMC≤ 21) et/ou (ii) de prise alimentaire insuffisante1. La supplémentation orale hyperprotéique (SOH) est indiquée en cas de dénutrition modérée. Elle consiste à enrichir l'alimentation en energie et en protéine1. Les suppléments diététiques oraux (SDO) sont des produits de fabrication industrielle qui apportent sous un faible volume une quantité élevée d'énergie, de protéine et vitamines et oligoéléments. Ils sont largement utilisés à l'hôpital et en institution parce qu'ils sont faciles à utiliser (ils sont prêts à l'emploi) et parce que l'enrichissement naturel de l'alimentation est souvent plus difficile à réaliser à l'hôpital et en institution qu'au domicile2. L'existence d'une gamme variée de SDO permet d'adapter la prescription à la plupart des situations cliniques2. Les SDO existent sous la forme de préparations sucrées (boissons lactées, jus de fruit enrichis, crèmes-desserts, flans) ou salées 40 (soupes enrichies, plats principaux mixés à texture modulable)2. La posologie habituelle est de 2 à 3 suppléments en fonction des ingesta spontanés et des besoins nutritionnels du sujet âgé2. Les SDO sont poursuivis jusqu'à la correction de la dénutrition, la durée de la SOH étant variable selon la pathologie causale2 . Les études prospectives contrôlées et randomisées ayant comparé une SOH à l'alimentation habituelle ont montré qu'une SOH administrée sous la forme d’une collation à distance des repas préservaient l'appétit des malades au moment des repas et permettaient donc d'augmenter réellement les apports calorico-azotés3, 4, 5. Une SOH peut améliorer l'état nutritionnel des sujets âgés modérément dénutris à la phase de convalescence de diverses affections médicale et/ou chirurgicale3, 5, 6,7, 8, 9, 10. Une SOH débutée précocement à la phase aiguë d'une affection médicale et/ou chirurgicale est capable de prévenir une détérioration de l'état nutritionnel4, 11,12, 13,14. Une SOH est incapable à elle seule d'augmenter la force musculaire15. Mais, l'autonomie fonctionnelle du sujet âgé peut s'améliorer si la SOH est associée à une rééducation motrice précoce15 De plus, une SOH administrée précocement au cours de diverses situations médicales et/ou chirurgicales, pourrait diminuer la mortalité, comme l'a montré la méta-analyse de Potter et coll16. En conclusion, une SOH peut améliorer le devenir clinique du sujet âgé modérément dénutri6, 8, 17, 18, 19, 20, si elle est débutée précocement, si la cause de la dénutrition (affection médicale, chirurgicale ou psychologique) a pu être identifiée et traitée efficacement, si le sujet âgé a compris et croit en l’efficacité de la SOH et si la SOH est intégrée à la prise en charge globale du sujet âgé1, 2. L'intervention d'une diététicienne et l'implication du personnel soignant ont aussi une grande importance1, 2. Par ailleurs, l'efficacité de la SOH sera régulièrement évaluée sur le poids, la surveillance des ingesta spontanés, l’état général et le taux sanguin de préalbumine) afin de s’assurer de la correction de la dénutrition ou le cas échéant pouvoir adopter rapidement une assistance nutritionnelle plus intensive par sonde naso-gastrique. La compliance de la SOH sera aussi régulièrement évaluée afin de déterminer rapidement les raisons de non compliance1, 2. 41 REFERENCES 1. Lesourd B, Ferry M. Le sujet âgé. In: X Leverve, J Cosnes, P Erry, M Hasselmann, eds. Traité de nutrition artificielle de l'adulte. Paris: Mariette Guéna, 1998: 647-663 2. Pichard C, Girod V, Kammer A, Ponard D, Sottas MC. Conseils diététiques et supplementation nutritive orale. In: X Leverve, J Cosnes, P Erry, M Hasselmann, eds. Traité de nutrition artificielle de l'adulte. Paris: Mariette Guéna, 1998: 433-43 3. Lipschitz D, Mitchell C, Steele R, Milton K. 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Delmi M, Rapin C, Bengoa J, Delmas P, Vasey H, Bonjour J. Dietary supplementation in elderly patients with fractured neck of the femur. Lancet 1990; 335: 1013-16. 42 Pratiques et coût de la supplémentation diététique orale : comparaison dans 3 services hospitaliers de gériatrie Dr. D. BIELIKOVA*, Dr. B. DERYCKE**, Dr. N. ETIENNE***, Pr. J. BELMIN****, Dr. A. BIZIEN*** *Centre Hospitalier Pithiviers; **Hôpital Joffre, Draveil; ***Hôpital G. Clemenceau, Champcueil; **** Hôpital René Muret-Bigottini, Sevran La dénutrition concerne 40 à 60% des personnes âgées de plus de 65 ans hospitalisés, si bien que le recours à des supplémentations diététiques orales est très répandue en gériatrie. Toutefois les produits de supplémentation diététique orale (SDO) sont nombreux et les modalités de supplémentation sont variées et les modalités pratiques de la supplémentation diététique orale (SDO) sont mal codifiées. Il existe de nombreux produits commercialisés sous différentes formes (poudre, liquide, flan, mixé) et ce marché évolue chaque année. Ils peuvent être normo-caloriques apportant environ 1 kcal par ml ou par gramme de produit, hypercaloriques apportant plus de calories (>1,2 kcal/ml) sous un même volume, normo-protidiques apportant 12 à 20 % de l’énergie sous forme de protides et hyperprotidiques apportant 25 à 35 % de l’énergie sous forme de protides. Enfin, les effets de différentes modalités de la SDO sur les ingesta restent mal connus. Nous avons mené une enquête d’observation portant sur 360 patients présents en soins de suite et de réadaptation (SSR) et de soins de longue durée (SLD) dans trois services hospitaliers de gériatrie sur 3 sites différents dans le but d’étudier la fréquence et les modalités de la supplémentation diététique orale et son coût. La méthode utilisée a consisté à mesurer des ingesta sur 3 jours chez les patients dénutris pour lesquels une SDO était prescrite. On a évalué la prise alimentaire journalière réelle, calculé des apports calorico-protidiques journaliers et en évalué le coût. 43 Une SDO était prescrite chez 62 patients, soit 17% des patients présents. Les modalité de SDO était très différentes d’un site à l’autre : le site 1 utilisait la poudre de lait et des produits laitiers, site 2 utilisait les produits industriels et le site 3 utilisait les 2 types de produits. Les apports caloriques moyens étaient de 1639 ± 280 kcal avec un apport protidique de 18% (entre 18 et 19%). Il y avait une différence significative concernant ces apports entre les 3 sites: le site 1: 1425 ± 336 kcal avec 18% de protides, site 2: 1801 ± 166 kcal avec 18% protides, site 3: 1692± 340 kcal avec 19% de protides. Il faut noter que dans le site 1 les apports caloricoprotidiques journaliers ingérés par les patients sont inférieurs aux 2 autres sites. Ceci est peut-être du au fait que l’âge de ces patients est significativement plus élevé 90±7 ans contre 83±10 et 84±7 dans les deux autres sites. Il n’y avait pas de différences significatives quand à la fréquence du syndrome inflammatoire entre les patients des 3 sites, en moyenne c’est 37% de patients. Le coût de SDO varie en fonction du type de produit utilisé. Le coût d’un gramme de protides supplémentées variait d’un site à l’autre passant de 0,10 F dans le site 1 à 0,25F dans le site 3 et à 0,35F dans le site 2 La consommation réelle des produits de SDO par les patients était un peu inférieure à la quantité proposée au patient, elle même un peu inférieure à la quantité prescrite, ce qui est un facteur mineur de surcoût. La SDO basée sur la poudre de lait et les produits laitiers est moins coûteuse, mais est associée à des ingesta plus faibles. Rappelons que d’après des données de littérature, seulement 32 à 37 % de patients dénutris sont pris en charge sur le plan nutritionnel à l’hôpital. Ces patients ont le plus souvent des syndromes inflammatoires chroniques, une anorexie et nécessitent une stimulation importante pour garder une alimentation orale suffisante. Pendant notre enquête globalement 17% des malades présents dans les trois sites recevaient une SDO. Le pourcentage nous a semblé relativement faible par rapport à la forte prévalence de la dénutrition décrite dans la littérature. De plus, il faut noter que, vu les ingesta obtenus par la SDO, il parait important de prendre les malades en charge plus précocement et se poser la question, du fait des coûts générés, d’un enrichissement peut-être plus global à partir des compositions des repas dans les cuisines hospitalières. Par ailleurs, à l’heure actuelle, nous ne pouvons pas évaluer ni le “ bénéfice/coût ” de différents types de SDO à long terme ni évaluer la “ qualité/coût ” et il serait intéressant de développer des études prospectives pour évaluer la qualité des différents types de supplémentation. Bien sûr certains patients en soins de suite sortent au domicile, d’où l’intérêt d’un suivi éventuel par un réseau de consultations de nutrition dans les hôpitaux gériatriques. Au sein même de l’hôpital un travail important de sensibilisation d’information et de formation est à développer vis à vis des équipes soignantes. Ceci devrait s ’améliorer dans les années à venir du fait de la création des Comités de Liaison d’Alimentation et de Nutrition (CLAN) et de la mise en place des unités mobiles de nutrition. 44 Procédures d’asssistance nutritionnelle chez le sujet âgé dénutri : un guide de bonne pratique à l’usage des soignants en gérontologie SIBONY-PRAT Joyce, BRUHAT Anne, MEDJAHED Smahane, SOUMAH Fatou, VOGLER Catherine, FROU Agnès, BELMIN Joël Service de Médecine Interne Gériatrique, Hôpital René Muret-Bigottini et Université Paris Nord, Sevran, La prévalence de la dénutrition est de l’ordre de 3 % pour les personnes âgées en bonne santé de plus de 65 ans, de 5 % pour les personnes âgées de 80 ans et plus. La prévalence de la malnutrition protéino-énergétique atteint 50 % lors de l’admission à l’hôpital en court séjour. Elle varie entre 30 à 60 % chez les personnes âgées institutionnalisées. Ce taux de prévalence augmente significativement avec l’âge. Les personnes âgées de 80 ans et plus représentant 4 % de l’ensemble de la population sont les plus atteintes. Ce groupe reflétant la moyenne d’âge des personnes âgées institutionnalisées. La malnutrition protéino-énergétique est définie par une perte de poids de plus de 10 % en moins de 6 mois aux dépens préférentiellement de la masse musculaire par un indice de masse corporelle inférieur à 21 (IMC = poids/taille 2). La dénutrition est en partie liée au vieillissement physiologique affectant à la fois l’apport énergétique mais aussi son utilisation. La malnutrition protéino-énergétique augmente de 2 à 6 fois la morbidité infectieuse et multiplie par 2 à 4 fois le risque de mortalité chez la personne âgée. C’est un facteur de mauvais pronostic. 45 Il est fréquent de retrouver chez la personne âgée la notion de restriction alimentaire. Les apports énergétiques sont insuffisants pour des raisons multiples et intriquées contribuant ainsi à la diminution des réserves protéinocaloriques. C’est la survenue d’une pathologie qui est à l’origine d’un état d’hypercatabolisme permettant le passage à l’état de malnutrition protéino-énergétique. Les réserves protéino-caloriques de l’organisme sont constituées essentiellement par le tissu musculaire. Le vieillissement physiologique s’accompagne d’une fonte musculaire de l’ordre de 50 % qui a, comme corollaire, une diminution des réserves protéiques et aussi une diminution des réponses immunitaires rendant la personne âgée plus vulnérable aux infections. Pour répondre à une agression, l’organisme nécessite la mobilisation d’acides aminés afin de produire de nouvelles protéines dites défensives impliquées dans la réponse inflammatoire et le fonctionnement des cellules du système immunitaire. Ce pool d’acides aminés est prélevé dans la réserve protéique que constitue le muscle. Les conséquences de la malnutrition protéino-énergétique sont multiples : 1. majoration du déficit immunitaire lié au vieillissement, 2. majoration de la sensibilité aux infections, 3. ralentissement des mécanismes de cicatrisation, 4. diminution de la force musculaire, 5. majoration de l’ostéoporose, 6. sédentarité, 7. majoration du risque d’escarre lors d’immobilisation, 8. majoration du risque de chutes et fractures, 9. perte d’autonomie et diminution de la qualité de vie, 10. augmentation du risque d’entrée en institution Le diagnostic de la dénutrition doit être précoce ; la prise en charge efficace et rapide, toujours associée au traitement de la pathologie causale. La prise en charge thérapeutique d’une dénutrition nécessite une assistance nutritionnelle adaptée à visée préventive ou thérapeutique, ce qui est fréquemment mis en œuvre dans les centres hospitaliers de gériatrie. Toutefois, les modalités de soins de l’assistance nutritionnelle sont variées et le personnel soignant ne dispose pas toujours d’informations suffisantes et claires pour réaliser cette assistance de façon optimale. Nous avons élaboré un guide de bonne pratique de soins pour apporter une aide aux personnels soignants tout au long de la mise en œuvre des procédures d’assistance nutritionnelle par voie orale ou entérale. Il rappelle les définitions, la réglementation, les indications, le matériel de pose et la technique de pose d’une sonde nasogastrique, les soins nécessaires et les éléments de surveillance, les modalités d’administration et le suivi nutritionnel de l'alimentation. Le contenu a été élaboré par un groupe pluridisciplinaire d’un service hospitalier de gériatrie (médecins, infirmiers, diététiciens) sur la base d’une revue de la littérature sur ce sujet. La présentation du guide a été conçue pour former un classeur facile à consulter dans un poste de soin , en privilégiant la clarté des consignes. Le guide a été validé par 3 experts reconnus dans le domaine de la nutrition clinique. Une version informatique a 46 été développée pour permettre une consultation sur un micro-ordinateur et une publication sur internet est envisagée. 47