Changements climatiques - Les grands barrages alourdissent le

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Changements climatiques - Les grands barrages alourdissent le
Changements climatiques - Les grands barrages
alourdissent le bilan de GES
Louis-Gilles Francoeur 23 janvier 2012 Actualités sur l'environnement
Photo : Source: Hydro-Québec
La centrale hydroélectrique René-Lévesque, située sur la rivière
Manicouagan sur la Côte-Nord, est alimentée par le réservoir Manic
3.
Le recours massif aux grands barrages par le
Québec alourdit de 8 millions de tonnes le bilan
des gaz à effet de serre (GES) du Québec,
selon une étude de Global Forest Watch
Canada (GFWC), un groupe de recherche et
d'intervention en environnement qui suit tout
particulièrement l'évolution de l'écosystème
boréal canadien.
Or ces 8 mégatonnes (Mt) de GES n'apparaissent pas dans le bilan du Québec sur les
changements climatiques, constate l'organisme environnemental. Si le Québec les inscrivait
à son bilan d'émissions, qu'il présente comme exceptionnel en raison précisément de son
recours massif à l'hydroélectricité, ce dernier serait modifié sensiblement.
Le Devoir a récemment calculé que le surplus d'émissions de GES du Québec entre 2008 et
2012 par rapport aux règles du protocole de Kyoto atteindrait 11 Mt. Les 8 Mt non déclarées
pour cause de recours à l'hydroélectricité sont aussi nettement supérieures aux 5,1 Mt que
le Québec doit retrancher de son bilan de 1990 pour atteindre la cible de Kyoto de - 6 %,
soit 78,8 Mt.
Le Canada tire 60 % de son électricité des grands barrages; or 45 % de cette production se
concentre au Québec, qui monopolise par ailleurs 50 % du potentiel encore inexploité au
pays.
Global Forest Watch Canada établit à 8,1 Mt les émissions des barrages hydroquébécois à
partir de la toute récente étude de Teodoru et coll., publiée en 2011 dans le journal
Ecosystems. Celle-ci a basé ses conclusions à partir de l'étude des émissions du réservoir
Eastmain 1 à la baie James.
Non seulement cette étude est la plus récente, explique Peter Lee de GFWC, mais c'est la
première où on ne s'est pas contenté de capter en surface les émissions de méthane
provenant du fond d'un réservoir hydroélectrique, là où se dissout la matière organique
provenant de la décomposition du stock de carbone noyé sous l'eau. L'étude du professeur
Teodoru s'est en effet penchée sur l'importance du stock de carbone contenu dans les sols,
les forêts, les marais et les tourbières des forêts boréales ennoyées.
Le Canada, note l'étude de GFWC, se borne à calculer les émissions des grands réservoirs
hydroélectriques pendant 10 ans. Il devrait plutôt parler d'émissions sur des périodes de 20
à 50 ans. L'étude Teodoru donne à penser que les émissions, quoique décroissantes,
pourraient s'échelonner avec constance pendant plus de 200 ans, comme cela a été calculé
pour le réservoir Eastmain 1.
Mais il y a plus. L'étude de GFWC n'a pas tenu compte, comme toutes les études jusqu'à
présent sur cette question, de la perte des puissants «puits» ou capteurs de GES que
constituent les forêts, les marais et les tourbières des régions nordiques. Comme la création
des grands réservoirs fait disparaître certains des principaux mécanismes de fixation du
carbone, convient Peter Lee, il faudra tenir compte à l'avenir de cette perte permanente
dans les études d'impacts réalisées sur les projets hydroélectriques.
Selon le porte-parole de GFWC, les réservoirs québécois couvrent 41,6 % des 50 000 km
carrés ennoyés au Canada pour produire de l'hydroélectricité au moyen de 271 grands
barrages. Leurs émissions globales atteignent 16,9 Mt de GES. Selon l'étude, les émissions
de GES attribuables à l'hydroélectricité demeurent néanmoins des dizaines de fois
inférieures à celles des combustibles fossiles utilisés pour produire une énergie équivalente.
Au Canada, les centrales hydroélectriques émettent en moyenne de 20 à 36 kg de CO2 par
MWh, souligne l'étude. En comparaison, la centrale thermique au charbon de Nanticoke, en
Ontario, en émet environ 1000 kg par MWh. Le problème du Québec provient du fait que
presque toute son électricité, soit 98 %, est d'origine hydraulique et que cette électricité
représente 40 % de son bilan énergétique global. En somme, peu de GES par MWh, mais
beaucoup au total, en raison du recours massif à la filière.
De son côté, le Worldwatch Institute révélait la semaine dernière que le recours croissant à
l'hydroélectricité avait fait un bond de 5 % entre 2009 et 2010 ailleurs dans le monde en
raison de la priorité accordée aux changements climatiques.