Prise en charge de la première demande de contraception de l
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Prise en charge de la première demande de contraception de l
Recherche Service universitaire de médecine générale, université Jean-Monnet de Saint-Étienne Contraception Prise en charge de la première demande de contraception de l’adolescente par les médecins généralistes The first birth control requested by teenage girls cared for by general practitioners Les auteures remercient les médecins généralistes qui ont participé à l’étude. Mots-clés Fabienne Garnier, Charlotte Bilgorajski, Josette Vallée exercer 2014;111:12-9. [email protected] Context. The number of undesired teen pregnancies remains high despite informations and facilities dedicated to this population. The consultation for the first birth control request seems to be crucial. Objective. Exploring general practitioners (GPs) management of birth control requested by teenage girls. Method. Qualitative analysis of semi-structured interviews of twelve GPs between March and July 2012. Results. GPs mainly agreed with the health authorities guidelines in this situation. They respected confi- Key words dentiality, adapted to the constraints of the teenager - especially the financial ones - and took her choice into account. They primarily prescribed a refunded oestroprogestative pill. The «Quick Start» method was not used. They insisted on the risks related to forgetting the pill. Emergency contraception was not discussed. Other birth control methods were sometimes used, depending on the situation, except for intrauterine devices. They had never used the «Pass Contraception» (an assistance and financial package provided to teenagers). They thought that the request for a first birth control consultation was frequent, should be considered as an emergency and was rarely the subject of a dedicated consultation. They pointed out the time-consuming aspect of a complete information. Contraception Conclusion. The role of the GPs regarding birth control among teenagers will tend to develop in our Adolescent health system. To complete this mission, specific aspects of their training should be improved. A specific fee for this longer consultation, a third party payment system could also allow for an easier access to contraception for teenagers. Contraception Adolescent Médecine générale QUALICO General practice QUALICO Introduction Les auteures déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêts. La contraception chez l’adolescente implique de nombreux acteurs : l’adolescente elle-même, les professionnels de santé concernés et le système de soins1- 9. Le nombre d’interruptions volontaires de grossesse (IVG) est stable en France depuis les années 1990, environ 200 000 par an. Il tend à progresser chez les plus jeunes9. 15 % des IVG concernent les femmes de 15 à 19 ans. Chez les mineures, le nombre est passé de 8 766 à 13 400 entre 1990 et 200710. Plusieurs mesures législatives ont été prises pour améliorer la prise en charge. Depuis 1975, toute adolescente mineure peut bénéficier d’une consultation anonyme et de la délivrance gratuite de contraceptifs dans les centres d’orthogénie, sans autorisation parentale. Depuis 2001, tout praticien peut prescrire, sans autorisation parentale, un contraceptif à une mineure qui bénéficie d’un accès gratuit et anonyme à la contraception orale d’urgence depuis 2002. 12 e x e r c e r la revue française de médecine générale Selon Nisand, plusieurs obstacles à une contraception efficace chez les adolescentes existent : un manque d’information, avec notamment de fausses croyances qui perdurent chez les jeunes filles (risques de stérilité, de cancer, de prise de poids liée à la pilule, premiers rapports non fécondants), un manque de maîtrise de la méthode utilisée, quelle qu’elle soit, de faibles ressources financières et un besoin de confidentialité important. La difficulté d’instaurer une contraception au long cours chez les adolescentes tient également aux caractéristiques de leur sexualité : rapports sexuels peu fréquents, irréguliers2. La première demande de contraception de l’adolescente survient souvent dans un contexte d’urgence relative où la confidentialité, la gratuité de la prise en charge, la disponibilité et la proximité seraient des critères déterminants2. L’accessibilité des médecins généralistes (MG), la féminisation de la profession devraient favoriser le recours à eux pour cette demande. Toutefois, elle semble complexe et perfectible pour certains MG8. Vo l u m e 2 5 N ° 1 1 1 Contraception Cette consultation est par ailleurs déterminante pour un suivi ultérieur de qualité et a fait l’objet de recommandations par la Haute autorité de santé (HAS) en 2004 : recevoir la jeune fille seule, réaliser un examen clinique général et, en l’absence de symptomatologie particulière, reporter l’examen gynécologique et le frottis cervico-utérin. Le bilan biologique (glycémie à jeun, cholestérol total, triglycérides) est prescrit sans urgence en l’absence de facteur de risque, et un dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) est proposé. Enfin, la méthode contraceptive prescrite est choisie avec l’adolescente, une information adaptée est donnée sur les IST et leur prévention, sur la conduite à tenir en cas d’oubli et sur la possibilité de recours à la contraception d’urgence4. 1. La situation clinique est la suivante : « Une jeune fille de 17 ans, sans antécédent particulier, vient vous voir seule pour une demande de première contraception ». Comment se déroulerait pour vous cette consultation ? Si la question est posée : elle fume 10 cigarettes par jour, elle n’a pas de partenaire régulier. 2. De façon plus précise, quel(s) moyen(s) contraceptif(s) proposez-vous à cette patiente ? Qu’est-ce qui vous amène à prescrire, ou ne pas prescrire, tel ou tel moyen contraceptif ? Si non évoqué : – quelle information donnez-vous concernant les oublis de contraceptif ? – est-ce que vous évoquez voire prescrivez la contraception d’urgence ? 3. Quelles sont, selon vous, ses particularités ? 4. Est-ce que vous avez parfois réorienté l’adolescente vers un autre professionnel ? 5. Est-ce que les thèmes de la sexualité, des infections sexuellement transmissibles, sont parfois évoqués avec les adolescentes ? 6. Est-ce que vous avez rencontré des patientes ayant eu recours à une IVG alors qu’elles étaient mineures ? Étaient-elles alors sous contraceptif ? 7. Avez-vous connaissance des nouvelles mesures mises en place récemment par la région Rhône-Alpes pour promouvoir l’accès à la contraception chez les jeunes (Pass-contraception) ? Recherche À notre connaissance, il n’existe pas d’étude ayant analysé les déterminants de la décision du MG lors d’une demande de première contraception par l’adolescente. Au sein du projet QUALICO explorant les représentations des professionnels de santé et des usagers sur la contraception, cette étude visait à comprendre les décisions prises par le MG lors de la prise en charge d’une première demande de contraception de l’adolescente. Méthode Une étude qualitative, par entretiens individuels, a été réalisée auprès de MG installés dans le Rhône et la Loire (France) du 9 mars au 31 juillet 2012. Un échantillonnage raisonné a été effectué, en recherche de variation maximale selon les critères suivants : âge, genre, ancienneté d’installation, milieu d’activité (rural, semi-rural, urbain), exercice éventuel en centre de planification familiale et formation initiale et continue en gynécologie. Les entretiens semi-dirigés ont été conduits au cabinet, au domicile des MG ou par téléphone, jusqu’à saturation des données. Un guide d’entretien a été élaboré à partir de l’analyse thématique de contenu par trois chercheurs d’un focus group (FG) réalisé le 4 octobre 2011 en présence de onze internes de médecine générale de l’université de Saint-Étienne (annexe)11. Les entretiens ont été enregistrés après autorisation des participants et sous couvert d’anonymat, et retranscrits sous Word®. Leurs contenus ont été analysés par thème par l’enquêtrice et le troisième auteur. Le logiciel QSR NVivo9® a été utilisé pour l’analyse. Une déclaration simplifiée a été enregistrée à la CNIL sous le numéro 1577864v0. Résultats 17 MG ont été sélectionnés, 12 ont accepté l’entretien, 7 femmes et 5 hommes, âgés de 36 à 60 ans (âge moyen 48,5 ans). Les entretiens ont duré de 7 à 40 minutes (18 en moyenne), 7 ont eu lieu au cabinet, 1 au domicile du MG et 4 par téléphone. Leurs caractéristiques sont reportées dans le tableau 1. La saturation des données a été atteinte au onzième entretien et confirmée par le douzième. L’accueil Annexe. Guide d’entretien Pour la plupart des MG rencontrés, il n’était pas fréquent que les adolescentes présentent leur demande de première contraception de façon aussi explicite Vo l u m e 2 5 N ° 1 1 1 e x e r c e r la revue française de médecine générale 13 Recherche Contraception que celle exposée. D’après eux, elle était plus évasive et venait souvent en fin d’une consultation pour un autre motif. Les MG auraient tous recueilli les antécédents familiaux connus de l’adolescente, notamment thromboemboliques, d’autant qu’ils ne la connaissaient pas. Ils se seraient informés des antécédents personnels, plus particulièrement gynécologiques, et du tabagisme. Certains se seraient également enquis d’une prise médicamenteuse régulière. Quelques MG auraient profité de cette consultation pour faire le point sur les vaccinations et les proposer si besoin. Une majorité aurait interrogé l’adolescente sur son activité sexuelle et sa protection : « Je vais lui demander si elle a déjà des rapports sexuels, depuis longtemps ou si c’est tout récent, ou si elle compte en avoir » (M10). Ils auraient également évalué les connaissances de l’adolescente sur la contraception et les IST. Il est apparu important pour plusieurs MG de connaître les motivations de la demande de contraception et le moyen contraceptif éventuellement envisagé. Toutefois, un MG ne s’y intéressait pas, et a dit prescrire sans vouloir en savoir davantage sur les raisons de la demande : « Je vois si en gros c’est à visée contraceptive ou si c’est à visée plutôt de confort : acné, règles douloureuses » (M2) ; « Je ne pose pas de question quant à l’indication de contraception. Je prescris toujours une contraception » (M12). Un examen gynécologique motivé La totalité des MG aurait réalisé un examen clinique général (pesée, prise de la pression artérielle, auscultation cardiopulmonaire). Certains auraient réalisé un examen mammaire de façon systématique, d’autres auraient expliqué l’autopalpation. Toutefois, un MG a précisé ne pas pratiquer cet examen pour éviter toute ambiguïté avec l’adolescente : « Je ne le fais pas la première fois, peut-être parce que je suis un homme et je ne veux pas prêter à confusion » (M6). Concernant l’examen gynécologique, aucun MG ne l’aurait pratiqué de façon systématique, le jugeant inapproprié dans ce contexte ou en raison d’une gêne ressentie liée à l’âge de la jeune fille. Plusieurs MG l’auraient néanmoins réalisé sous certaines conditions : adolescente active sexuellement, plainte ou demande expresse. La plupart des MG aurait informé du suivi gynécologique ultérieur : « C’est tout le contexte de l’examen gynécologique qui va être difficile, donc c’est pour ça que sur la première consultation, moi je me précipite pas sur l’examen gynécologique » (M9) ; « J’en profite toujours de cette première consultation, pour aborder un peu le suivi gynécologique, souvent je leur montre le spéculum, ce qu’on aura à faire dans les temps à venir » (M10) ; « Le jour où la jeune fille se sent prête à un examen gynécologique, je le fais » (M12) ; « Je leur explique la surveillance de la Genre Âge Durée d’installation en année Département 1 F 51 23 69 Semi-rural 1 semestre d’internat, FMC* 12 mm 45 s 2 F 56 28 69 Semi-rural 2 semestres d’internat 14 mm 50 s 3 F 38 5 42 Semi-rural 1 semestre d’internat 7 mm15 s 4 M 40 6 69 Rural aucune 9 mm 2 s 5 F 40 11 42 Semi-rural FMC*, DIU** 11 mm 20 s 6 M 60 32 42 Semi-rural FMC* 26 mm 26 s 11 mm 35 s MG Lieu d’exercice Formation en gynécologie Durée des entretiens 7 M 59 30 42 Semi-rural séminaire d’obstétrique de 2 jours 8 M 46 2,5 69 Urbain aucune 39 mm 50 s 9 F 53 19 42 Urbain FMC*, DU*** 22 mm 36 s 10 F 36 3 69 Rural FMC*, DU*** 28 mm 49 s 11 F 45 12 69 Rural FMC* 12 mm 7 s 12 M 60 32 42 Urbain DU*** gynécologie de l’adolescente 15 mm 11 s Tableau 1 : Caractéristiques des médecins généralistes. * FMC : formation médicale continue ; ** DIU : diplôme interuniversitaire de gynécologie ; *** DU : diplôme universitaire de gynécologie 14 e x e r c e r la revue française de médecine générale Vo l u m e 2 5 N ° 1 1 1 Contraception pilule avec les bilans sanguins réguliers, les frottis à partir du moment où elles ont eu des rapports » (M11). Prescription d’une pilule Tous les MG auraient prescrit un moyen contraceptif à l’issue de cette consultation, sauf un qui aurait préféré le faire lors d’un deuxième rendez-vous. La première prescription aurait été faite pour un à six mois, trois mois le plus souvent. Dans la situation clinique évoquée, la totalité des MG aurait proposé, parfois exclusivement, une pilule œstroprogestative (POP), d’autant plus que l’adolescente exprimait d’emblée la vouloir. Dans ce cas, ils ne l’informaient pas forcément des autres moyens disponibles : « Une jeune femme qui a souvent des règles douloureuses, qui peuvent être un peu abondantes, irrégulières, si elle prend une pilule c’est quand même en général ce qui va marcher le mieux, j’essaie de lui montrer l’intérêt de ce moyen-là » (M9) ; « Je pense que la contraception de cette fille jeune, qui vient toute seule consulter, c’est une jeune fille qui a priori a besoin d’une contraception rapidement. Donc, il faut que ce soit quelque chose d’effectif rapidement » (M10). Pour guider leur prescription, ils prenaient en compte d’éventuelles contre-indications, notamment le tabagisme, le contexte de vie et le souhait de l’adolescente : « Si elle fume, pour moi, c’est assez rédhibitoire de donner la pilule » (M11) ; « Je n’ai jamais refusé de donner la pilule à une adolescente qui fumait, en incitant en général à arrêter le tabac » (M1). Certains ont considéré que la pilule constituait le moyen contraceptif le plus adapté à l’adolescente, surtout en raison de son faible coût. La plupart prescrivaient préférentiellement une POP minidosée et remboursée par les organismes de Sécurité sociale. Ils orientaient leur choix en fonction de différents critères : prise continue pour diminuer le risque d’oubli, refus d’utiliser les pilules de troisième génération en raison d’un risque thromboembolique accru : « La plupart du temps, j’essaie de partir sur une pilule qui soit remboursée, parce qu’a priori, chez une jeune fille de 17 ans dont la maman n’est pas forcément au courant, qui a peut-être pas beaucoup de sous…» (M10). Aucun MG n’aurait proposé le « quick-start », qui consiste à démarrer la pilule dès que possible, sans attendre les règles, pour obtenir un effet contraceptif plus rapide. La prescription de POP se serait accompagnée pour la totalité des MG d’un bilan glucido-lipidique, pour plusieurs d’une sérologie de la rubéole, et plus rarement d’une détermination du groupe sanguin, d’une numération formule sanguine ou d’une ferritinémie en cas de ménorragies. Le bilan de coagulation aurait été rarement demandé. Un dépistage d’IST aurait été Vo l u m e 2 5 N ° 1 1 1 Recherche proposé par la moitié d’entre eux, essentiellement la sérologie VIH. Plusieurs auraient demandé à l’adolescente de réaliser l’examen biologique avant de débuter le contraceptif, mais la majorité aurait préconisé de le faire après, dans des délais variant de un à six mois, majoritairement trois mois. Quelques MG pensaient que la nécessité de renouveler la prescription de POP permettait d’instaurer le suivi gynécologique à long terme. Le choix unanime de la POP était aussi lié à l’absence de remboursement par la Sécurité sociale d’autres contraceptifs, aux effets indésirables qui leur étaient attribués et au manque d’habitude. Certains ont néanmoins évoqué l’émergence de réticences des patientes envers les œstroprogestatifs, qui justifierait de s’intéresser aux autres contraceptifs : « Je trouve qu’on assiste depuis quelques années à une crainte vis-à-vis des contraceptions œstroprogestatives. Les gens maintenant vont sur Internet, voient qu’il y a des risques de cancer, des risques de complications, surtout avec le tabagisme, donc souvent ils demandent des moyens non hormonaux » (M9). Des réticences envers les autres moyens contraceptifs Quand la POP et son mode de prise étaient jugés inadaptés à la jeune fille, les MG auraient fréquemment proposé l’implant sous-cutané. Ils l’auraient aussi prescrit à sa demande : « Ça peut paraître absurde à notre époque, mais il y a des filles qui ont vraiment du mal, même avec toute la bonne volonté, à comprendre comment il faut prendre une pilule correctement » (M9). En fonction des mêmes critères et de façon très variable pour chaque MG, les autres contraceptifs existants auraient été proposés, à l’exception du dispositif intrautérin (DIU), qui soulevait plus de réserve. L’implant progestatif jugé responsable de spotting ou de douleurs paraissait pour certains MG peu adapté. Certains ont estimé qu’il était nécessaire de tester auparavant une pilule progestative afin de juger de la survenue ou non de métrorragies. L’absence de maîtrise de l’insertion de l’implant était un argument de nonprescription. D’après les MG concernés, le recours à un confrère retardait la prescription de la contraception, retard jugé dommageable pour l’adolescente : « Le problème de l’implant c’est quand même qu’il est non dénué d’effets secondaires, il y a les spottings, les saignements qui sont non négligeables, les douleurs sous implant et quand même des douleurs abdominales qui persistent souvent » (M9). L’anneau vaginal a été considéré par plusieurs MG comme non adapté à l’adolescente qui connaissait encore mal son anatomie. Une rupture possible de l’anneau a été citée, ainsi que son coût. Pour le dispositif transdermique, les griefs à son encontre concernaient son coût, sa mauvaise tolérance et e x e r c e r la revue française de médecine générale 15 Recherche le risque de décollement. « Les patchs, ce n’est pas toujours gagné non plus, certaines disent : " mais ça va se voir ! " » (M2). Pour le DIU, il existait un frein majeur, la majorité des MG le jugeant inadapté à l’adolescente du fait des douleurs provoquées par l’insertion et de la nulliparité, même si certains reconnaissaient que ce n’était plus une contre-indication. Par ailleurs, l’absence de maîtrise de l’insertion du DIU par une majorité de MG était un obstacle. Ils estimaient qu’ils n’auraient pas facilement pu diriger les patientes vers leurs collègues gynécologues qui, d’après eux, ne les inséraient pas chez la nullipare. La crainte de survenue de salpingite sous DIU a été citée : « Maintenant, la nullipare n’est pas une contre-indication pour le DIU, mais même si on met un petit DIU, si une jeune femme a déjà des règles un peu douloureuses, un peu abondantes, avec un DIU au cuivre, parce que un Mirena®c’est quand même un peu plus gros, mettre un Mirena® chez une jeune fille, chez une nullipare, c’est pas toujours très facile à mettre » (M9) ; « Je me vois mal proposer ça (le DIU) à une jeune fille, sachant que la grosse difficulté ce sera de trouver celui qui va le mettre » (M8). Information sur la contraception et les IST Plusieurs MG auraient donné des informations générales, à l’aide de brochures, sur la physiologie, la contraception au sens large et le mode de fonctionnement de la POP. Cette dernière étant choisie, ils auraient prévenu la patiente de possibles effets indésirables : spotting, douleurs mammaires et migraines. Un MG aurait particulièrement insisté sur le fait que la pilule était un médicament : « Je trouve que quand on prend le temps d’expliquer en disant que le premier mois il peut y avoir des spottings, qu’il peut y avoir une tension des seins, mais que c’est pas bien méchant, on a en général une meilleure compliance, une meilleure adhésion de la femme, donc c’est important de le faire » (M9) ; « Si elle a une connaissance un peu sur l’anatomie, si déjà à l’école, elle a appris des choses sur la contraception » (M10). L’information essentielle à leurs yeux était la régularité de prise de la POP. La plupart aurait donné des consignes en cas d’oubli. Ils se seraient montrés disponibles et auraient fréquemment recommandé à l’adolescente de téléphoner au cabinet si elle avait un doute : « Elles ont pour mission de le garder dans leur pharmacie à la maison (le médecin montre la feuille sur la conduite à tenir en cas d’oubli de pilule qu’il remet à ses patientes), de le relire et surtout d’en faire des copies pour les copines » (M8). La contraception d’urgence a été évoquée par plusieurs MG, mais ils n’auraient pas toujours expliqué ses modalités de délivrance et de prise. Certains l’auraient prescrit de façon systématique. 16 e x e r c e r la revue française de médecine générale Contraception Les mêmes informations auraient été données, que la POP soit prescrite à but contraceptif ou pour un autre motif : acné ou troubles menstruels. Certains auraient donné des informations sur le préservatif comme moyen de contraception transitoire en attendant la prise de POP. Un message sur le tabagisme aurait été délivré si nécessaire. La plupart auraient abordé les IST. Le plus souvent, ils auraient insisté sur le fait que la POP ne protégeait pas des IST et auraient préconisé l’utilisation du préservatif conjointement. Un MG avait orienté une adolescente vers un centre de dépistage gratuit et anonyme du sida. Un MG a jugé que l’adolescente n’appartenait pas à un groupe à risque d’IST et n’en aurait pas parlé : « Je leur parle du papillomavirus » (M10) ; « À cet âgelà, dans le groupe des jeunes, on attrape rien. Donc ce n’est pas à nous à dire, attention, il y a toutes les maladies » (M8). Spécificités de la consultation D’une façon générale, cette consultation n’a pas posé de problème particulier aux MG. Elle a été jugée intéressante et habituelle. La plupart des MG se sont senti suffisamment à l’aise et compétents au sujet de la contraception pour ne pas avoir besoin d’adresser d’adolescentes à un confrère, sauf dans certaines situations : à la demande de la patiente, pour la pose d’un implant sous-cutané, pour la délivrance gratuite de POP au planning familial ou si la consultation était mal maîtrisée. L’ensemble des MG a considéré que cette consultation était habituellement longue, en raison de la densité des informations à donner et de la nécessité d’adapter son discours à l’adolescente. Pour ces raisons, un MG exerçant au planning familial nous a indiqué que la consultation y était réalisée en deux temps : d’abord avec une conseillère, puis avec le médecin : « C’est une consultation quand même assez longue parce que je trouve que c’est à ce moment-là qu’elles sont le plus attentives, quand même une bonne demi-heure en général, pour arriver à donner toutes les infos » (M10). La majorité des MG ont dit s’attacher à mettre l’adolescente à l’aise et ont mis l’accent sur l’écoute. Il semblait primordial pour eux d’établir une relation de confiance pour la réussite de la contraception et son suivi. Dans cette optique, plusieurs MG ont souligné qu’ils réalisaient toujours ces consultations en tête-à-tête avec l’adolescente, en l’absence des parents même si ces derniers l’accompagnaient. L’aspect confidentiel et le respect du secret médical leur ont paru capitaux, surtout dans certains contextes culturels. Plusieurs se seraient renseignés sur la position des parents au sujet de cette consultation. Afin de garantir la confidentialité, certains MG ont noté qu’il était important d’aller dans le sens de l’adolescente et d’adhérer à certains stratagèmes pour cacher la prise de contracepVo l u m e 2 5 N ° 1 1 1 Contraception Recherche tif. L’adolescente pouvant également être confrontée à des difficultés financières et toujours dans un souci de confidentialité, plusieurs MG ont déclaré faire si besoin des actes gratuits ou se mettre d’accord sur un motif de consultation sans lien avec la contraception : « Je ne vais pas avoir la même attitude avec une fille qui vient me voir pour la première fois parce qu’elle est suivie par un confrère homme, qu’elle ne veut pas en parler à la maison » (M2) ; « Beaucoup de jeunes filles viennent, qui me disent " j’ai peur que si je vais voir mon médecin traitant, il va en parler à mes parents " » (M9) ; « D’abord je lui demande si ses parents sont au courant, si elle souhaite que ses parents soient au courant ou pas » (M11) ; « On a une population maghrébine, parfois il y a des problèmes dans le sens où les filles cachent la prise de contraception » (M5) ; « Elles me demandent parfois d’avoir une ordonnance à part pour la pilule » (M6). En raison de difficultés financières ressenties par le MG ou alléguées par l’adolescente, certains MG ont déclaré avoir adressé certaines adolescentes au centre de planification familiale pour obtenir une contraception gratuite après avoir eux-mêmes mené la consultation. D’autres ont donné des échantillons gratuits quand c’était possible ou ont conseillé la patiente sur des lieux d’achat et, comme écrit plus haut, ils privilégiaient les POP remboursées. Les MG ont estimé que la consultation était plus facile quand ils connaissaient la jeune fille. Le tutoiement a semblé aller de soi pour certains. Ils ont majoritairement estimé que cette consultation était un peu particulière du fait qu’elle touchait à l’intimité, mais que l’absence de nécessité d’examen gynécologique rendait les choses plus simples. Ils ont parfois estimé que la vaccination contre le papillomavirus (HPV) permettait d’aborder la sexualité et la contraception qui, sinon, étaient difficiles à évoquer. Aucun MG n’a été bien informé sur le « Pass-contraception » : certains ne se sont pas rappelé avoir reçu une quelconque information sur le sujet, d’autres ont reçu une documentation non consultée ou survolée. Aucun des MG n’a rencontré d’adolescente par ce biais. Leurs avis variaient : certains ont considéré qu’il s’agissait d’une bonne démarche, d’autres la pensaient redondante avec les offres des centres de planification et auraient préféré d’autres mesures sans les énoncer. Enfin, la majorité des MG ont rencontré des adolescentes ayant eu recours à une IVG. Ces grossesses étaient aussi bien dues à un échec de contraception qu’à son absence pour diverses raisons : rareté des relations sexuelles, premier rapport sexuel, méconnaissance de la possibilité d’avoir accès à une contraception, refus catégorique de la mère de l’adolescente. Discussion Vo l u m e 2 5 N ° 1 1 1 e x e r c e r la revue française de médecine générale Les MG interrogés pour cette étude étaient à l’aise avec la prise en charge de la première demande de contraception de l’adolescente. Ils différaient l’examen gynécologique et délivraient des informations adaptées à la jeune fille sur la contraception, la prévention des IST et le suivi. Si la plupart des MG essayaient d’informer sur les différents moyens contraceptifs, la POP constituait leur premier choix. Cette préférence s’expliquait par le moindre coût de certaines POP, leurs habitudes, leurs craintes d’effets indésirables liés aux autres contraceptifs, leur inaptitude à poser DIU ou implant. Malgré l’urgence ressentie de la demande de l’adolescente, aucun n’a évoqué le « quick-start ». Ils composaient volontiers avec les contraintes financières et la confidentialité, qui ne leur posaient aucun problème. Il existe des limites à cette étude. Les MG ayant accepté l’entretien étaient probablement plus intéressés et relativement à l’aise avec le sujet. Pour une majorité d’entre eux, ils avaient eu une formation en gynécologie. Le choix d’une situation clinique en début d’entretien – adolescente se présentant seule – a probablement influencé l’évocation des MG. Toutefois, cela ne les a pas empêché d’aborder des situations différentes : présence des parents, demande moins explicite. Enfin, les MG ont pu se sentir jugés par l’enquêtrice, médecin généraliste remplaçante. Pour mener leur consultation, l’ensemble des MG suivait le modèle « BERCER » établi par l’OMS. Contrairement à ce qui a été noté dans un rapport du Haut conseil de la population et de la famille en 2006, aucun MG interrogé n’aurait pratiqué d’examen gynécologique de façon systématique chez l’adolescente, et la réalisation du frottis cervico-utérin aurait été repoussée à une consultation ultérieure, comme le préconise la HAS1,3. Les MG prescrivaient fréquemment une contraception à l’occasion d’une consultation pour un autre motif, et ce le plus souvent sans délai. Ainsi, une consultation dédiée, recommandée par la HAS, n’est-elle pas toujours réalisable pour une première prescription de contraception3. Cependant, malgré l’urgence ressentie, les MG ne semblaient pas connaître la méthode du « quick-start » alors qu’elle permet de réduire la survenue de grossesse non désirée2. Ils délivraient de nombreuses informations conseillées par différents auteurs2,3,5. Parmi ces informations, les MG accordaient une importance particulière à la régularité de la prise de la POP. La contraception d’urgence n’était pas prescrite systématiquement. Dans la littérature, les avis concernant la prescription systématique ou au cas par cas de ce type de contraception de « rattrapage » divergent. Les jeunes y ont cependant fréquemment recours : un tiers des 15-24 ans l’avaient utilisé en 200512,13. © Diana Talium – Fotolia.com 17 Recherche Les MG abordaient le dépistage et la prévention des IST. Dans cette optique, en accord avec les recommandations de la HAS et de nombreux auteurs, ils préconisaient l’utilisation du préservatif pour son double effet protecteur3,4. Les méthodes contraceptives les plus utilisées chez les adolescents sont le préservatif et la POP3,4. Les préservatifs, seuls, ne constituent pas un moyen contraceptif satisfaisant dans cette tranche d’âge, en raison d’accidents fréquents14. La POP, mode de contraception le plus connu des adolescentes, représente 78,9 % des prescriptions de contraception chez les 15-19 ans tandis que la part cumulée des patchs, implants et anneaux était de 2,8 % en 20107. Pourtant, la POP ne paraît pas être le moyen contraceptif le plus adapté, car elle impose une prise quotidienne, et que la sexualité des adolescents caractérisée par des rapports irréguliers et sporadiques n’encourage pas une observance rigoureuse14. Par ailleurs, il est établi que l’adhésion d’une femme à sa contraception est meilleure si elle participe activement à son choix. Les MG de cette étude, bien conscients de cette notion, essayaient de proposer l’ensemble des moyens contraceptifs existants. Pourtant, force est de constater qu’ils prescrivent largement et parfois exclusivement la POP, qui leur paraît plus adaptée à l’adolescente. Notre étude permet d’en comprendre certaines raisons : réponse à la demande de l’adolescente qui vient « pour la pilule », prescription d’une POP remboursée. Ce choix pourrait être discutable, comme cela a été souligné dans différents rapports, il semble toutefois qu’il soit nécessaire d’agir sur trois niveaux pour promouvoir les moyens contraceptifs plus récents : les rembourser au même titre que certaines POP, informer et familiariser les MG sur ces moyens, informer les adolescentes qui les connaissent moins elles aussi1,15. Bilgorajski a montré une faible intention de prescription de l’anneau et du patch par les internes de médecine générale (IMG), qui pourtant ont reçu une formation plus récente. Par ailleurs, la notion de risque thromboembolique accru avec ces dispositifs pourrait aussi intervenir dans le choix des MG11. Cette tendance semble néanmoins se modifier, puisque l’enquête FECOND a montré une diminution du recours à la POP chez les 18-19 ans en faveur du préservatif et de l’implant hormonal sous-cutané notamment7. Les MG interrogés proposaient ce dernier aux patientes qu’ils jugeaient incapables de prendre correctement la pilule. Certains pensaient qu’il fallait tester d’abord la tolérance à ce dispositif au moyen d’une pilule microprogestative alors que Gronier et al. ne le conseillaient pas16. Les MG paraissaient toujours très réticents à proposer le DIU à une adolescente même s’ils étaient informés pour la majorité que la nulliparité n’est pas une contre-indication. La crainte d’effets indésirables, l’absence de formation pour l’insertion de ces dispositifs nuisent à leur prescription. Ainsi, il semble souhai18 e x e r c e r la revue française de médecine générale Contraception table que les MG soient davantage formés à ces gestes techniques pour diffuser ces moyens contraceptifs. La confidentialité, notion primordiale pour l’adolescente, est apparue capitale dans tous nos entretiens. Les MG essayaient de la gérer au mieux : ils recevaient généralement l’adolescente seule, la rassuraient sur le secret professionnel et adhéraient à certains stratagèmes pour cacher la prise de contraceptifs aux parents. Les MG ont paru plus sereins avec le secret envers les parents que les IMG de l’étude citée précédemment11. De plus, pour assurer cette confidentialité et pour répondre aux contraintes financières de l’adolescente, ils réalisaient sans difficulté des actes gratuits. Ceci laisse à penser qu’ils pourraient assumer sans difficulté le règlement en tiers payant de cette consultation à condition que la confidentialité soit respectée. C’est à ce critère que répondent le « Pass contraception » mis en place dans plusieurs régions de France, mais mal connu des MG rencontrés17. Dans cette étude, alors que les MG ont paru plus à l’aise avec des jeunes filles qu’ils connaissaient, ces dernières pouvaient être, d’après eux, plus gênées de les consulter pour leur contraception. Cette notion a été retrouvée par Gambiez, qui a relevé que la familiarité avec leur MG empêchait certaines femmes de lui confier leur suivi gynécologique18. Pour l’adolescente, se pose de plus la crainte de voir divulguer sa contraception à ses parents. Les MG gèrent régulièrement et généralement seuls la demande de contraception de l’adolescente. Il revient évidemment à chaque MG de s’investir dans ce domaine et de se former, en rappelant toutefois que la consultation de première demande de contraception est apparue longue pour nombre des MG rencontrés et qu’une rémunération spécifique pourrait y être attachée en raison de sa spécificité, comme cela a été proposé dans un rapport de l’IGAS13. Sans doute les nouveaux modes d’exercice des MG permettront-ils, surtout en milieu rural où les centres de planification sont peu nombreux, de déléguer l’éducation thérapeutique contraceptive à un personnel formé à cette approche. Conclusion Si la POP est majoritairement utilisée par les adolescentes, cette étude permet de comprendre certains déterminants de sa prescription par les MG, fondés essentiellement sur la notion de devoir débuter rapidement une contraception plutôt bien supportée par l’adolescente et peu coûteuse. Pour pouvoir diversifier leur réponse à la demande contraceptive, les MG pourraient parfaire leur formation sur les autres méthodes disponibles. L’instauration d’un système de tiers payant, avec respect de la confidentialité, devrait faciliter l’accès des adolescentes à la contraception. Vo l u m e 2 5 N ° 1 1 1 Contraception Recherche Résumé Contexte. Le nombre de grossesses non désirées chez l’adolescente reste important malgré l’existence d’informations et d’accès dédiés à cette population. Le médecin généraliste, du fait de son accessibilité et de ses compétences, est amené à prendre en charge les adolescentes pour leur demande de première contraception. Objectif. Analyser la prise en charge et la décision des médecins généralistes (MG) lors d’une première demande de contraceptif de l’adolescente. Méthode. Étude qualitative par entretiens semi-dirigés de douze MG entre mars et juillet 2012. Les résultats ont été retranscrits et analysés par thème. Résultats. Les MG adhéraient aux recommandations de la Haute autorité de santé pour mener cette consultation. Ils respectaient la confidentialité, s’adaptaient aux contraintes perçues par l’adolescente, notamment financières, et tenaient compte de son choix. Ils prescrivaient préférentiellement une pilule œstroprogestative remboursée, qui leur paraissait bien adaptée à l’adolescente. Le « quick start » était mal connu. Ils insistaient sur les risques d’oubli. La contraception d’urgence, peu abordée, était peu prescrite par anticipation. Les autres contraceptifs étaient prescrits en deuxième intention en fonction du contexte, en dehors du dispositif intra-utérin. Ils n’avaient jamais utilisé le « Pass-contraception ». Cette demande fréquente était perçue comme une urgence relative et faisait rarement l’objet d’une consultation dédiée de la part de l’adolescente. Ils ont pointé l’aspect chronophage de toutes les informations de prévention à dispenser. Conclusion. La place des MG dans la contraception des adolescentes va être amenée à se développer dans notre système de santé. Pour remplir au mieux cette mission, certains aspects de leur formation sont à parfaire. Une rémunération spécifique de cette consultation longue, l’instauration d’un système de tiers payant pourraient également permettre un accès plus aisé des adolescentes à la contraception. Références 1. Naves MC, Saunero S. Comment améliorer l’accès des jeunes à la contraception? Une comparaison internationale. La note d’analyse 2011;2261-11. Disponible sur : http://www.strategie. gouv.fr/system/files/2011-06-09-contraception-na226_0.pdf. 2. Nisand I, Toulemon L, Fontanel M. Pour une meilleure prévention de l’IVG chez les mineures. Paris : HCPF, 2007. Disponible sur : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapportspublics/074000104/. 3. Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé. Stratégies de choix des méthodes contraceptives chez la femme. Recommandations pour la pratique clinique. Paris : Anaes, 2004. 4. Pourcelot AG. Contraception des adolescentes. Réalités en gynécologie-obstétrique 2010;144. 5. Gallois P, Vallée JP, Le Noc Y. Contraception de l’adolescente. Médecine 2012;3:112-7. 6. Quentel-Archier L. Première contraception hormonale chez l’adolescente. Rev Prat-Med Gen 2004;654/655:677-8. 7. Bajos N, Bohet A, Le Guen M, Moreau C. La contraception en France : nouveau contexte, nouvelles pratiques? Population & Sociétés 2012;492:1-4. 8. Aubin-Auger I, Berbé C. 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