strasbourg et kehl : doubles permanences du mouvement du nid
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strasbourg et kehl : doubles permanences du mouvement du nid
interview\délégation Rhône-Alpes Rejoindre les clients de la prostitution… La délégation du Mouvement du Nid tente des expériences à Lyon. Explications de Michel, délégué départemental ¬De quelle manière votre délégation se propose-t-elle d'interpeller le client ? Depuis deux ans et demi, nous avons mis en place des rencontres entre hommes. Elles rassemblent 3, 4 clients accompagnés de 3, 4 personnes du Nid. Les clients sont contactés par le biais d'une annonce positionnée au milieu de publicités pour des rencontres, dans deux journaux gratuits lyonnais. S'ils nous appellent, nous leur proposons de nous rencontrer pour ‹ parler et réfléchir ›. ¬Avez-vous eu des difficultés à rencontrer ces clients ? Au tout début, l'annonce leur proposait de laisser leurs coordonnées pour que nous puissions les rappeler. Les réponses étaient très favorables. Mais déontologiquement, nous ne pouvons plus le faire. Depuis, ils sont deux fois moins nombreux à nous contacter. Nous sommes bien là en face du client, cette ombre, cet homme que l'on ne voit jamais. ¬Vous avez aussi entrepris une réflexion sur le soutien du client par sa compagne, de quelle façon ? Nous avons réfléchi, avec ‹ Vie Libre ›, aux soutiens possibles à apporter aux personnes alcooliques car le client a également comme pour l’alcoolisme une conduite dépendante. Ensuite, nous avons sollicité neuf associations centrées sur les problèmes de couple, afin de les interpeller sur les difficultés qui peuvent amener l'homme à devenir un client. Aucune ne se posait la question. La personne qui vit avec le client peut pourtant jouer un rôle clef dans sa prise de conscience. Les femmes ont une qualité d'accompagnement que nous n'avons pas. ¬Quels résultats ont ces rencontres ? Elles permettent aux clients de s'exprimer, de mettre des mots sur leurs questions sous-jacentes. Plus de la moitié reviennent. Ils se sentent concernés. Certains expriment le besoin d'un suivi médical, d'une aide psychologique. J'ai compris que le client n'était pas tellement différent des autres hommes. Mais quand il se précipite dans une conduite addictive, il se dégrade en tant qu'homme. Le client renvoie plus largement à des questions de manque de respect des femmes. enquête\délégation du Bas-Rhin STRASBOURG ET KEHL : DOUBLES PERMANENCES DU MOUVEMENT DU NID Strasbourg, ville frontière, connaît un paysage prostitutionnel particulier. Beaucoup de jeunes femmes prostituées sur les quais de Strasbourg — Bulgares, Tchèques, Slovaques — habitent à Kehl, en Allemagne, éventuellement avec leurs proxénètes, et n’ont que le pont à traverser pour passer en France. Cette réalité spécifique, le Mouvement du Nid l’a aujourd’hui suffisamment expérimentée pour espérer mettre en place des réponses adéquates et qui dépassent désormais le cadre étroit des frontières. L’ampleur des trafics, notamment depuis 1996, ajoutée aux spécificités de cette situation de carrefour, ont ainsi conduit la délégation à ouvrir en octobre 2003 une permanence d’accueil, d’écoute et d’orientation de l’autre côté du Rhin, à Kehl ; le pendant, côté allemand, de la permanence tenue traditionnellement à Strasbourg, temps de convivialité et d’échange bi-hebdomadaire. Cette nouvelle étape vient compléter le travail bénévole des membres de l’association qui arpentent chaque mercredi pendant cinq à six heures les lieux de prostitution de la ceinture strasbourgeoise pour rencontrer les personnes prostituées. Lors de ces contacts, est remise une carte du Mouvement du Nid en différentes langues — français, allemand, anglais, tchèque et russe — désormais assortie de deux adresses, l’une à Strasbourg, l’autre à Kehl. L’idée s’inscrit logiquement dans les démarches de partenariat engagées depuis 2001. Elle fait suite au travail mené avec les associations Solwodi en Allemagne et Fondation maison de la porte ouverte au Luxembourg, mais aussi à la formation transfrontalière pour les représentants d’ONG, de la police et de la justice d’Allemagne et de France, montée par la délégation du Mouvement du Nid de Strasbourg en septembre 2002 et qui avait réuni une cinquantaine de participants du district de Kehl. ‹ On ne peut plus travailler sans associer les Allemands ›, explique Isabelle Collot. Mais tout n’est pas simple. À Kehl, la prostitution est interdite. Le réglementarisme allemand organise la prostitution dans les grandes villes mais l’interdit dans celles de moins de 35 000 habitants. En revanche, le proxénétisme hôtelier n’existe pas. Les jeunes femmes ont donc de petits studios ou résident dans des familles. Les réseaux ont compris qu’il fallait être le plus banal possible. ‹Ce que nous souhaitons, c’est constituer une équipe mixte, franco-allemande, à Kehl, avec l’espoir que ces jeunes femmes s’y rendront plus facilement ›. Ici, à Strasbourg, elles ‹ travaillent ›. À Kehl, aucun service spécifique pour les personnes prostituées n’existait à ce jour. Reste à surmonter les différences de sensibilité et de cadre légal entre France abolitionniste et Allemagne réglementariste — sans se montrer ‹ colonial ›. ‹ Les travailleurs sociaux allemands ont leur propre cadre juridique, explique Isabelle Collot ; ils ne peuvent pas demander d’aides sociales pour ces jeunes femmes. Cet aspect sera donc traité en France. › Si elle relève les besoins de formation des acteurs sociaux allemands, elle se félicite de voir avancer une autre forme, décisive, de partenariat : ‹ Maintenant, les polices allemande et française coopèrent. La proximité géographique a rendu cette collaboration indispensable ›. 26 p&s|automne 2003 éric|le client par lui-même| ‹ ce n’est pas devant la prostituée qu’on se met à nu. › hugo|témoignage d’un client |‹ la rencontre avec des prostituées était liée à des questions sur mon statut d’homme. › mickaël|témoignage d’un prostitué au sujet du client| ‹ ils font des caresses pour se justifier. › Marc Helleboid benoît|témoignage d’un client |‹ aller voir une prostituée, c’était comme un défi que je me donnais. › CLIENTS DE LA PROSTITUTION : UNE EXPO POUR LEVER LE TABOU Jamais aucune exposition n’avait encore été consacrée aux clients de la prostitution. Pour cerner ces acteurs de l’ombre, le Mouvement du Nid lance un nouvel outil de prévention : dix panneaux photographiques destinés à ouvrir le débat. Des hommes, des silhouettes. Pas de visages. Juste une approche attentive et sensible, un travail sur la pénombre et sur les corps. Sur ces panneaux, Pierre, Hugo, Fabrice et les autres ont accepté de se livrer au regard du photographe, mêlés à quelques femmes prostituées. Sous chaque image, une phrase, extraite des échanges du photographe avec ses ‹ modèles › et de leur patiente mise en confiance, indépendamment de tout jugement : un client qui accepte d’en parler avec sa femme, un homme qui a eu son premier rapport sexuel avec une prostituée, un citoyen interpellé par la prostitution… Tous ont accepté de jouer le jeu de la réflexion en livrant quelque chose d’eux-mêmes, même si la crainte d’être identifié est allée jusqu’à empêcher l’un d’entre eux de montrer ses mains. Pour le photographe, Marc Helleboid, qui a tenu à rendre à chacun ses propres opinions, à incarner intimement le texte par l’image, il ne s’agit pas d’un simple travail d’illustration, mais bien d’une 27 démarche de portraitiste. Une démarche destinée à libérer la parole : ‹ On est dans le silence. Les clients eux-mêmes sont enfermés dans le silence. › Outils de débat, ces dix panneaux, destinés à un public jeune ou adulte, s’inscrivent dans une démarche de prévention. Pilier de la campagne lancée par le Mouvement du Nid sur les clients de la prostitution, cette exposition est un support d’animation tout trouvé pour aborder un sujet qui commence seulement à sortir de l’ombre… p&s|automne 2003 délégation des Nord-Pas-de-Calais\B. Lemettre PRÉVENTION : MUSIQUE ET PAROLES DE JEUNES Chaque année, le conseil régional Nord-Pas-de-Calais et la préfecture de région organisent une opération dite ‹ Nos quartiers d’été ›. Il s’agit en fait de soutenir des projets locaux durant les mois d’été, s’inscrivant dans le développement du lien social et culturel, par la fête et la réflexion. La délégation du Mouvement du Nid Nord-Pas-deCalais, en partenariat avec l’association Pour la Vie, maître d’œuvre de l’action, participe à cette activité. Il s’agissait d’accueillir les adolescents et de les inviter à s’inscrire à un concours régional consistant à mettre des paroles sur Carte blanche, du CD C’est ta vie. Chacun des 1500 jeunes rencontrés a reçu le CD comportant trois chansons et une création musicale sans paroles, intitulée Carte blanche. Cinq jeunes de la ville d’Houdain du Pasde-Calais, qui se sont mis ensemble pour une création, seront récompensés et seront invités à venir se produire lors d’un rassemblement régional. compte-rendu\délégation des Hauts-de-Seine\Florence Hodan NANTERRE : 300 ACTEURS SOCIAUX S’INTERROGENT SUR LA PROSTITUTION DES JEUNES La délégation du Mouvement du Nid des Hauts-de-Seine a réuni avec succès 300 acteurs sociaux du département le 8 octobre pour une journée de formation dans la salle de conférence du Conseil général à Nanterre 1 Après avoir traité de la prévention et de la réinsertion en 1999, la délégation a choisi d’approfondir les aspects psychologiques et sociaux en lien avec la prostitution des jeunes. Les thèmes abordés : les maltraitances, le sexisme dans les relations fillesgarçons, l’estime de soi, la résilience, ont été plébiscités par un public qui sait intuitivement qu’ils sont liés à la prostitution sans savoir exactement comment ni dans quelle mesure. Bien sûr, une seule journée ne suffit pas à faire le tour de la question, mais elle aura montré le désir de formation du public sur ces thèmes et elle a, d’ores et déjà, permis à certains de prendre conscience que la qualité du lien créée entre eux et leur public en général, et à fortiori lorsqu’il s’agit de personnes en risque ou en situation de prostitution, est au cœur de ce qui peut faire réussir ou échouer la relation de suivi et d’accompagnement. Quand on regarde de près les témoignages des personnes prostituées, on se rend compte à quel point la question du lien est centrale. C’est un lien défaillant ou impossible à créer, notamment avec les parents, qui, à travers la maltraitance, rend le jeune vulnérable. C’est un lien aliénant, de dépendance, qui précipite dans la prostitution. Christophe André l’a bien expliqué : plus l’estime de soi est basse, plus les personnes sont vulnérables à des discours manipulatoires parce qu’elles ont tendance à ‹ idéaliser les autres › et ‹ adoptent les avis extérieurs comme des vérités ›. Ce n’est pas un hasard si, sur les 16 témoignages avec lesquels a été préparée cette journée, tous disent avoir commencé pour faire comme une copine qui trouvait ça facile, parce que leur mari ou petit ami le leur demandait ou pour faire des rencontres dans le cas des garçons. C’est enfin un lien positif, comme le soulignait le Pr Manciaux, qui permet de continuer ou de reprendre un ‹ chemin de développement ›, en dépit des expériences douloureuses, qui permet aux personnes prostituées de percevoir d’autres vies possibles pour elles, loin de la prostitution. Cette journée a également été l’occasion de présenter, à un public large, la recherche-action conduite dans le département par l’association Altaïr, sur les conduites et les risques prostitutionnels chez les jeunes, répondant à l’une des préoccupations majeures des acteurs sociaux, bien identifiée dans l’enquête que nous avons menée auprès d’eux, de connaître les initiatives et les structures départementales auxquelles faire appel lorsqu’ils sont confrontés à des jeunes en risque ou en situation de prostitution. En bref, ce fut une journée bien chargée et, pour citer l’un des participants, ‹ il y a encore beaucoup à apprendre et à écouter ›. 1| Les actes du colloque seront disponibles en mars 2004. 28 p&s|automne 2003 Mouvement du Nid et le projet du CIAF\Bernard Lemettre 12 JEUNES LILLOIS AU BRÉSIL POUR UN CHANTIER DE SOLIDARITÉ INTERNATIONAL L'action internationale du Mouvement du Nid concerne aussi les jeunes. La Délégation du Nord-Pas-de-Calais, très impliquée dans des démarches de citoyeneté en direction des jeunes, a mis au point une ‹ Mission › de solidarité avec une structure d'accueil de personnes prostituées au Brésil. Depuis plusieurs années, le Mouvement du Nid soutient le projet du CIAF 1 de Ribeirao Preto au Brésil, prenant en charge l’accueil des personnes prostituées. Nos amis brésiliens sont confrontés à un développement de la prostitution dans cette ville de 500000 habitants, située au centre de l’État de Sao Paulo. Devant cette situation, le CIAF développe des activités et met en place des outils de prévention et d’aide à la réinsertion sociale et professionnelle. Du 5 au 25 juillet 2003, six étudiants de l’EDHEC 2 de Lille et six adolescents engagés dans un processus de réinsertion sont partis à Rebeirao Preto pour prêter main-forte à la construction du centre. Dans le cadre du programme TRACE de la Mission locale de Lille-centre, cette initiative est conduite par Philippe Stalin, un potentiel énorme. Partir au Brésil ne leur pose pas de problème. Ils ont du mal à s’occuper d’euxmêmes, mais donnent énormément d’eux-mêmes. › Le but est aussi de créer un lien social entre ces jeunes qui ont été en échec scolaire et des étudiants qui ont réussi. Il ajoute que les différences sont importantes et on ne peut les gommer comme ça. Il ne s’agissait pas d’un voyage d’agrément, mais bien d’une action valorisant tellement les participants que l’on prépare déjà le séjour 2004 avec d’autres jeunes étudiants et apprentis. directeur de l’atelier menuiserie de l’ABEJ 3. Le Mouvement du Nid Nord-Pas-de-Calais, partenaire de l’ABEJ dans le cadre de son action de réinsertion sociale et professionnelle des adolescentes et des adolescents, a contribué à la réalisation de ce projet. De leur côté, les responsables de la mairie de quartier du centre de Lille ont soutenu fortement ce séjour. Une fondation, alertée par le Mouvement du Nid a, quant à elle, permis l’achat du terrain sur lequel, peu à peu, s’étendra la structure du CIAF. Ce large partenariat offre à des jeunes, d’origines sociales différentes, de s’inscrire dans une démarche de solidarité internationale et de développer ainsi leur citoyenneté universelle. Philippe Stalin souligne qu’à l’occasion de ce séjour il a découvert ces jeunes apprentis sous un nouveau jour : ‹Ils ont 1|Centre intégré d’appui familial 2|École des hautes études commerciales 3|Association Baptiste d’entraide de la jeunesse www.prostitutions.info, le premier site sur le web lié à l'information du phénomène prostitutionnel. Une actualité nationale et internationale aux forums débats et de remplir en ligne relayée régulièrement pour apporter l'enquête ‹ client ›. une information brève sur les événements ayant trait à la prostitution. Mais aussi des articles de fond, des témoignages qui prolongent la réflexion et une rubrique ‹ ressources › pour les plus demandeurs. Des internautes de plus en plus nombreux qui pour le quart d'entre eux se connectent au moins deux fois dans le mois, avec la possibilité d'exprimer leurs idées par leur participation 29 p&s|automne 2003 Festival de cinéma\Julienne Lemb RÉSISTANCES ! Résistances, le Festival international de films de Foix, dans l'Ariège, qui s’est tenu du 4 au 13 juillet 2003, avait choisi pour thème de réflexion ‹ Sexe et pouvoir › . En toute logique, il a donc consacré une journée au thème : ‹ la prostitution entre réglementation et abolition ›. La projection du film d’Hubert Dubois, ‹ La vitrine hollandaise ›, a provoqué émoi et consternation dans le public. Tout était en place pour un débat passionné. À commencer par le choix des invité-e-s : Anny Poursinoff militante abolitionniste à la commission Femmes des Verts, Marie-Cécile Périllat de la Lutte Communiste Révolutionnaire 31 (LCR), Françoise Guillemaut, qui milite à Cabiria en faveur d’un statut pour les personnes prostituées, et Serge Regourd, professeur de droit. Tous les intervenants se sont inquiétés de la tendance, flagrante en Europe, de normaliser la prostitution en tant que secteur commercial et ont souligné l’importance de s’attaquer avant tout aux causes de la prostitution. Nombre de sujets ont été abordés : rapports Nord/Sud, place de la prostitution et de ses profits dans les échanges commerciaux internationaux, question du ‹ choix › dénoncée comme pernicieuse, criminalisation de la précarité… La loi dite de sécurité intérieure instaurée par le Ministère de l'Intérieur a au moins eu l'avantage de souder les participant-e-s dans une unanime condamnation. La politique suédoise a également été évoquée, suscitant des réactions opposées entre crainte d’une réponse répressive et soulagement de voir reconnu le rôle majeur des clients dans l’exploitation des personnes prostituées. Au terme des discussions, un accord s’est toutefois dessiné dans le sens d’un refus de toute réglementation de la prostitution, réponse modelée sur une pure logique de marché qui déshumaniserait les personnes. Après un échange un peu vif dû à l’absence à la table des intervenants de personnes vivant ou ayant vécu la prostitution, celles-ci sont intervenues depuis la salle, déplorant la ‹ moralisation › des discours autour de leur activité et redoutant elles aussi la pente réglementariste empruntée par l’Europe. Des hommes, dans le public, ont à leur tour pris la parole pour dénoncer la vision insultante véhiculée de l'homme pulsionnel à l'irrépressible besoin de ‹ décharger› au nom duquel des êtres devraient être sacrifiés. Créer un observatoire du système prostitutionnel, ouvrir des lieux d'hébergement et de réinsertion, développer l'accompagnement des personnes ; miser sur la prévention, en particulier auprès des pays source de la traite ; favoriser l'accès à l'éducation, encourager l'éducation sexuelle ; lutter contre la précarité, qui touche majoritairement les femmes ; protéger les victimes de la prostitution et de la traite ; sensibiliser les acteurs sociaux et les professionnels de la santé… C’est l’inventaire à la Prévert qui a conclu ces échanges, avec la demande de moyens pour les partenaires associatifs et institutionnels, fondés sur un engagement politique clair. www.marievictoirelouis.net une nouvelle mine à explorer La chercheuse Marie-Victoire Louis, tête de file du féminisme abolitionniste , a désormais son site : marievictoirelouis.net On y puisera parmi une vingtaine de rubriques, classées par ordre alphabétique : critique féministe du droit, des politiques publiques et des politiques internationales, domination masculine, harcèlement sexuel et droit de cuissage, luttes de femmes, parité, travail des femmes, violences masculines, etc… Un important chapitre est consacré à la prostitution et au proxénétisme, domaines privilégiés parmi les nombreux centres d’intérêt de la chercheuse féministe. Une liste imposante de textes, articles publiés dans la presse et dans diverses revues (y compris dans « Prostitution et Société ›) , analyses touffues, constitue une véritable mine pour qui souhaite prendre le temps de réfléchir en profondeur. On citera, entre autres, quelques textes-clé : « A propos des violences, de la prostitution, de la traite, de la sexualité › interview parue dans Chronique féministe en mai 1997, ‹ Quand les Pays-Bas décriminalisent le proxénétisme › (Monde Diplomatique, mars 1997) ou ‹ Pour un nouvel abolitionnisme › (Cahiers Marxistes, juin 2000). On lira avec un intérêt tout particulier des textes non publiés, notamment un ‹ Non, M. Badinter › adressé au Monde suite aux réticences 30 p&s|automne 2003 , du sénateur socialiste dans le domaine de la pénalisation des clients de prostitué-e-s mineur-e-s, lors du débat qui aboutit au vote de la loi du 4 mars 2002. Rien n’est omis, ni les lettres adressées par Marie-Victoire Louis aux politiques, de Lionel Jospin à Marie-George Buffet, ni les pétitions et manifestes.Les engagements de Marie-Victoire Louis se dessinent avec une parfaite clarté qu’il serait possible de résumer ainsi : oui à la pénalisation des clients, non à l’Europe proxénète. 3 questions à Pierre Henry de France Terre d’Asile\par Claudine Legardinier ‹ LE DROIT D’ASILE DÉTOURNÉ PAR LES RÉSEAUX › L’association France Terre d’Asile a mis en place un numéro Vert à l’intention des jeunes femmes victimes de la traite. Une initiative à double tranchant, selon un premier bilan tiré par le directeur général, Pierre Henry, qui a bien voulu répondre à nos questions. ! Qu’est-ce que France Terre d’Asile ? Comment avez-vous été confrontés à la question de la traite des jeunes femmes ? Créée en 1971 pour la promotion et la défense du droit d’asile, France Terre d’Asile a une vingtaine de sites sur la France, avec quatre missions : l’hébergement des demandeurs d’asile, la protection des mineurs isolés demandeurs d’asile, l’accès aux droits et l’intégration des réfugiés statutaires par l’emploi et la formation. Pour déposer une demande d’asile, la personne doit avoir une domiciliation, soit chez un tiers, soit chez un avocat ou dans une association. À Paris, nous avons ainsi 16 000 personnes domiciliées chez nous. La domiciliation donne droit au processus d’asile, et donc à une autorisation provisoire de séjour, à la couverture sociale de la CMU et sert d’adresse postale. C’est par ce biais que nous avons découvert certaines choses, comme l’existence de vente de jeunes femmes sur catalogue. Nous avons très vite compris que ce processus de demande d’asile n’était pas choisi, mais bien contraint, pour certaines jeunes femmes. Les réseaux utilisent la méthode de la demande d’asile pour les asservir. Vous avez donc mis en place un " numéro Vert à l’intention des victimes. Quel bilan tirez-vous de cette expérience ? Nous avons eu l’idée de mettre en place un programme d’assistance, de soutien et d’orientation aux personnes victimes de la traite et nous avons donc créé ce numéro Vert anonyme et gratuit permettant aux personnes victimes d’exploitation sexuelle de trouver une écoute et une aide de la part d’un travailleur social. Nous avons édité des cartes disponibles en six langues. Depuis sa mise en place, au printemps dernier, nous avons eu des appels, notamment concernant ce que nous appelons des mineurs/majeurs (des jeunes dont l’examen osseux ne correspond pas à l’âge affiché à l’état Pierre Henry : ‹ La politique actuelle ne sert qu’à ghettoïser les victimes ›. civil). Avec un peu de recul, on peut parler de demi-succès…ou de demiéchec. Les réseaux ont une faculté d’adaptation impressionnante. Ils ont agi pour retirer ces jeunes femmes du circuit qui les amenait jusqu’à nous. De plus, j’ai reçu personnellement des menaces. Il nous est apparu qu’il fallait garantir la sécurité de notre personnel mais aussi que faire du bruit autour de ce numéro Vert avait des conséquences opposées à celles recherchées : éloigner les gens qui ont besoin de nous. Aujourd’hui, nous préférons choisir la discrétion. Nous avons par exemple des plateformes d’accueil de jour pour les mineur(e)s. En fait, on s’aperçoit qu’on arrive à toucher autant de victimes potentielles ou réelles par ces canaux de contacts quotidiens. Que faudrait-il selon vous pour faire # avancer la lutte contre ces réseaux ? Nous, qui avons contribué à démanteler deux gros réseaux de prostitution, avons également compris que lutter contre les réseaux n’est pas notre métier ; nous ne sommes pas outillés pour ça. Ce type d’opération ne peut être mené qu’en partenariat avec la police spécialisée. Or, c’est très compliqué aujourd’hui, d’autant plus que la loi Sarkozy sur le racolage passif criminalise la victime. Je suis sidéré par cette loi qui laisse les personnes dans la vulnérabilité et dit en gros : ‹ tu coopères ou tu dégages ›. Ce qu’il faut avant tout, c’est les protéger. Là, elles pourront peut-être parler, mais après. Il n’y a pas de volonté politique réelle au plus haut niveau, du moins pas de moyens à la hauteur du défi. Ce qu’il faut, c’est une coordination de l’ensemble des acteurs concernés, avec un pilote. Ce n’est pas en agitant des éléments de com’ et en criminalisant les victimes que l’on y arrivera. La politique actuelle est catastrophique ; elle ne sert qu’à ghettoïser les victimes et à les condamner à subir encore plus durement le joug des réseaux. Pour mener notre action, nous avons reçu l’aide de la Ville de Paris. Mais une collectivité locale ne peut pas tout faire toute seule. Il faut une volonté de l’État. Numéro Vert \0800 800 157 {à destination des femmes victimes d’exploitation sexuelle, du lundi au vendredi de 11h à 18h} @ www.France-terre-asile.org 31 p&s|automne 2003