Faille du sentier géologique de l`Espace Pierres Folles

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Faille du sentier géologique de l`Espace Pierres Folles
Faille du sentier géologique de l'Espace Pierres Folles Contexte géologique et chronologique détaillé (un résumé accompagne chaque étape) par Bruno ROUSSELLE, responsable animation du musée de l'Espace Pierres Folles ­ Etape initiale (on plante le décor !) : Au commencement de notre histoire, c'est le début de l'ère secondaire il y a 250 millions d'années (Ma), existe un vaste continent, la Pangée, né de la réunion de tous les continents du globe. Le reste de la planète est occupé par un immense océan, la Panthalassa. Le niveau de la mer est alors comparativement plus bas que le niveau marin actuel. A cette époque, la région de Saint Jean des Vignes est émergée. Elle s'ouvre sur une vaste plate­forme continentale désertique aplanie, battue par les vents, qui fait face à l'est (en direction du domaine alpin dont les montagnes n'existent pas encore !) à un océan, l'océan Téthys, division de la Panthalassa. La Téthys s'individualise entre deux grandes masses continentales constituant la Pangée : au nord, l'Eurasie, comprenant notamment l'Europe et l'Amérique du Nord, et au sud le Gondwana qui réunit l'Afrique, l'Amérique du Sud, l'Australie, l'Inde, l'Arabie et l'Antarctique. Note : le socle de roches cristallines primaires, qui composait le substratum continental à cette époque, est visible au site 0 du parcours géologique des Pierres Folles (un peu avant Civrieux d'Azergues en venant de Lyon). Il s'agit ici d'un granite du Carbonifère inférieur. Le climat est plutôt chaud. C'est au début du Trias qu'apparaissent les reptiles à allure moderne (lézards, crocodiles). Ce qu'il faut retenir : Au début de l'ère secondaire (début du Trias), vers ­250 Ma, le Beaujolais est partie intégrante d'un vaste continent aplani ; la mer est loin à l'est ­ climat chaud ­ apparition des lézards et des crocodiles. ­ Etape initiale (suite) : Sur ce continent arasé, la mer va commencer à monter : on parle de transgression. Ce phénomène est à relier à l'éclatement de la Pangée et aux processus géodynamiques (magmatiques) qui accompagnent cet éclatement. Arrivant d'abord du nord­est depuis le bassin germanique, la mer atteint la région de Saint Jean des Vignes au début du Trias moyen, il y a 240 Ma ; c'est l'âge des premiers témoins sédimentaires déposés sur le socle primaire régional. Il s'agit de dépôts littoraux et deltaïques, essentiellement sableux (aujourd'hui transformés en grès), parfois calcaires (dolomitiques). Des argiles à empreintes de cristaux de sel, sédimentées dans des lagunes salées, s'interstratifient aussi dans la série triasique. Note : les grès et les argiles lagunaires du Trias peuvent être observés au site 1 du parcours géologique des Pierres Folles, à Lozanne (en face de la cimenterie Lafarge). Au Trias moyen, le climat local devient un peu plus chaud et tend même vers l'aridité. C'est dans la deuxième moitié du Trias qu'apparaissent les premiers dinosaures (des traces fossiles démontrent leur présence en France, notamment sur le pourtour du Massif Central). C'est également au Trias supérieur qu'apparaissent les reptiles volants (ptérosaures), les reptiles marins (ichthyosaures et plésiosaures)… et les mammifères !
Ce qu'il faut retenir : Entre ­240 et ­200 Ma (au Trias), la mer s'avance sur le continent arasé et arrive dans le Beaujolais, situé alors dans un environnement littoral et deltaïque ­ climat très chaud, voire semi­aride ­ apparition des dinosaures, des reptiles volants et des reptiles marins, des mammifères. ­ Etape 1 (on commence ici l'explication du site 2) : Au début du Jurassique, il y a 200 Ma, la mer poursuit sa lente progression sur les continents. Corrélativement, elle continue donc à monter dans le secteur de St. Jean des Vignes. Là, des sédiments argilo­calcaires fins se déposent dans un environnement marin de côte tropicale abritant des lagunes peu profondes, ensoleillées et donc chaudes, où précipite parfois un peu de sel (gypse) du fait de l'évaporation (calcaires fins moirés et argiles jaunes et bleues à gypse). A certains endroits et certains moments, ce domaine côtier s'ouvre un peu plus vers le large et ses influences (agitation, oxygénation, salinité normale, etc...), permettant la formation de calcaires coquilliers. A un autre moment, dans une ambiance peu profonde, chaude, agitée et soumise à l'évaporation, des sédiments oolitiques (calcaires oolithiques) prennent naissance, à l'instar de ceux qui se forment actuellement sous les tropiques, aux Bahamas ou dans le sud du Golfe Persique. Etant donné la proximité des zones deltaïques, des grès et des calcaires gréseux, incorporant du sable fluviatile et littoral repris par la mer, s'interstratifient dans les dépôts lagunaires. Note : la succession sédimentaire [calcaires coquilliers ­ calcaire oolithique ­ calcaires fins et marnes azoïques ­ grès ­ calcaires noduleux ­ calcaires fins lités ­ calcaire gréseux ­ calcaires à gryphées] est facilement observable depuis le pont vers l'est sur le site 2 du sentier géologique des Pierres Folles. Le climat n'est plus aride mais reste chaud (tropical). C'est l'époque où les dinosaures commencent à se développer vraiment et à envahir l'ensemble des aires écologiques terrestres. Ces animaux restent encore relativement petits ou de taille moyenne. Les plus gros (grands sauropodes et grands carnosaures) n'arriveront qu'au milieu du Jurassique. Ce qu'il faut retenir : Au début du Jurassique, vers ­200 Ma, la mer continue timidement sa montée : St. Jean des Vignes parvient dans un environnement côtier peu profond ­ climat chaud ­ développement des dinosaures de petite et moyenne taille. ­ Etape 1 (suite) : D'autres couches sédimentaires continuent à se déposer au­dessus des précédentes, soit au­dessus de celles que l'on voit aujourd'hui dans la tranchée du site 2. Ces nouvelles couches s'accumulent sur une épaisseur totale de plusieurs centaines de mètres entre le Jurassique inférieur (­200 Ma) et le milieu du Crétacé (­100/­90 Ma), soit sur une durée de 100 à 110 millions d'années. Note : cette série sédimentaire est en grande partie érodée aujourd'hui dans le Beaujolais. Le début de cette série est visible au site 3 (calcaire à gryphées) puis plus à l'est du musée (marnes liasiques sous les vignes et pierre dorée au sommet de la colline de la madone). Dans la région de St. Jean des Vignes, les derniers témoins de la présence de la mer au Secondaire ne dépassent pas la fin du Jurassique moyen ou le début du Jurassique supérieur.
C'est au cours de cette période que la région beaujolaise, du fait de la dérive vers le nord du continent européen, quitte progressivement la zone tropicale. Le climat reste toutefois globalement assez chaud et peu contrasté. Cette époque très longue voit le développement des grands dinosaures herbivores (sauropodes) et carnivores (carnosaures). C'est aussi l'époque des grands reptiles marins (ichthyosaures et plésiosaures) et volants (ptérosaures). C'est enfin au Jurassique supérieur qu'apparaissent les oiseaux et au Crétacé inférieur que commencent à s'épanouir les plantes à fleurs, celles­là même dont de nombreux descendants parsèment aujourd'hui les plates­bandes du jardin botanique des Pierres Folles ! Ce qu'il faut retenir : La période ­200 à ­90 Ma (Jurassique inférieur à milieu du Crétacé) est caractérisée par l'installation de la mer qui dépose un épaisse série de roches sédimentaires ­ climat chaud ­ essor des dinosaures, des reptiles volants et des reptiles marins. ­ Etape 2 : Au milieu du Crétacé, vers ­100/­90 Ma, la série sédimentaire beaujolaise émerge, en partie sous l'effet des premiers soubresauts du domaine alpin. Du fait de son émersion et de son exposition aux agents atmosphériques, cette série commence à s'éroder. Le climat est toujours assez chaud. Le milieu du Crétacé est caractérisé par une grande évolution des dinosaures. Ce qu'il faut retenir : Aux environs de ­100 Ma (milieu du Crétacé), la série géologique beaujolaise émerge et commence à s'éroder ­ climat encore assez chaud ­ grande évolution dinosaurienne. ­ Etape 3 : Entre le Crétacé supérieur (fin du Secondaire) et le début de l'ère tertiaire (Eocène), soit entre ­100/­90 et ­35 Ma, la série géologique locale reste globalement émergée et s'érode de façon importante. Quelques dépôts continentaux et marins côtiers se déposent au­dessus, transitoirement, mais sont très vite érodés. L'activité alpine s'accroît et affecte tout le domaine péri­alpin. Les saisons tendent à devenir contrastées mais le climat reste globalement chaud. La fin du Crétacé est l'époque notamment des dinosaures de "Jurassic Park" : les dinosaures carnivores de grande taille tels les tyrannosaures (T­rex), ceux coureurs de plus petite taille (Velociraptor), les dinosaures herbivores à bec de canard (ex. Parasaurolophus avec sa grande crête crânienne) ou à cornes (Triceratops). L'extinction des dinosaures intervient à la fin du Secondaire. L'essor des mammifères débute avec l'ère tertiaire (ancêtres des chevaux, des baleines, des éléphants, premiers ruminants, etc…). Ce qu'il faut retenir : Entre ­100/­90 et ­35 Ma (fin Crétacé ­ début Tertiaire), la série géologique beaujolaise s'érode, recouverte transitoirement par des dépôts continentaux de basse plaine ­ saisons contrastées mais climat globalement chaud ­ fin des dinosaures, essor des mammifères. ­ Etape 4 (formation de la faille des Pierres Folles) : A l'Oligocène, vers ­30 Ma, l'activité alpine s'amplifie dans l'axe de la chaîne. En réponse à ces contraintes, les régions périphériques aux Alpes (régions péri­alpines, dont la région
beaujolaise) subissent à l'inverse une importante distension. La croûte terrestre se fracture et des pans entiers de croûte s'effondrent (ex. le fossé bressan). En lien avec ce phénomène, sur le bord occidental de ce fossé, la série géologique beaujolaise bascule vers l'est. Simultanément, ou quasi simultanément au basculement, de nombreuses failles se forment et accompagnent ces mouvements. C'est à ce moment­là que se forme la faille du sentier géologique des Pierres Folles. Le climat saisonnier est relativement chaud. C'est l'époque des premiers vrais chevaux, encore de petite taille, et des premiers cervidés, mais aussi des premières vraies formes d'éléphants (le mammouth n'arrivera que bien plus tard, il est contemporain de l'évolution humaine). Ce qu'il faut retenir : La période oligocène (­30 Ma) est marquée par le basculement et la fracturation de la série géologique beaujolaise. C'est l'époque de la formation de la faille des Pierres Folles ­ climat saisonnier relativement chaud ­ premiers chevaux. ­ Etape 5 : Les terrains géologiques de la région beaujolaise continuent de s'éroder, depuis leur émersion (il y 90 ou 100 millions d'années), jusqu'aux temps actuels, pour donner cet aspect collinaire que nous reconnaissons dans les environs de St. Jean des Vignes. Les ensembles géologiques plus résistants à l'érosion se localisent sur les points hauts des reliefs environnants : le calcaire à gryphées sur la colline des Pierres Folles et la pierre dorée au sommet des collines de St. Jean des Vignes ou de Belmont­Charnay. L'érosion qui continue son travail inlassablement enlève une grande partie des terrains géologiques (et donc la partie supérieure de la faille) jusqu'au niveau actuel du sol que nous pouvons observer dans la tranchée du site 2. Naturellement, cette érosion se poursuit aujourd'hui (des pierres tombent, le ruissellement emporte la terre), « accentuée » ici par l'activité humaine (travaux d'excavation à l'origine de la création du sentier et travaux d'entretien du site). Notre histoire se termine par les temps quaternaires, marqués par un brusque rafraîchissement du climat et la survenue d'au moins 4 grandes glaciations. Les deux dernières ont notamment vu des glaciers descendre des Alpes jusqu'à Lyon (et jusqu'aux portes du Beaujolais) ! L'homme apparaît au début du Quaternaire, il y a environ 2 Ma, ce qui est bien sûr peu de choses en comparaison aux 250 Ma de l'histoire que nous venons de conter. Ce qu'il faut retenir : Depuis l'Oligocène (­30 Ma) jusqu'à aujourd'hui, l'érosion a continué son travail, dégageant la partie supérieure des couches géologiques et de la faille du site 2 des Pierres Folles ­ climat amplement refroidi (glaciations répétitives) – apparition de l'homme tout à fait en fin d'histoire, il y a seulement 2 Ma. Compléments d'information sur l'histoire géologique régionale : ­ Livre "Le Mont d'Or, une longue histoire inscrite dans la pierre" (L. Rulleau & B. Rousselle ­ Espace Pierres Folles). ­ Animation flash sur la géologie du Mont d'Or (Syndicat Mixte du Mont d'Or ­ site laclasse.com, ERASME).