A genoux, en robe de bure, et la corde au cou

Transcription

A genoux, en robe de bure, et la corde au cou
A genoux, en robe de bure, et la corde au cou...
Au terme de trois mois de procédure pour faire annuler en référé la décision de Mme Filippetti de ne pas me renouveler pour un deuxième mandat à la direction du Théâtre des 13 vents à Montpellier, j'ai proposé une sortie de crise à son ministère.
J'ai offert de retirer ma requête en appel cassation auprès du Conseil d'Etat de l'ordonnance de rejet du Tribunal Administratif de Montpellier (04/06/13), en échange d'une année supplémentaire (jusqu'au 31/12/2014) à la tête du théâtre de Montpellier.
Mme la Ministre, qui est remarquablement absente de ce dossier depuis le début de la crise, puisqu'elle ne m'a jamais reçu, jamais rencontré, jamais lu, qu'elle n'a jamais été spectatrice d'aucun de mes spectacles, pas plus à Montpellier qu'à Paris, fait preuve d'une exceptionnelle constance fantomatique.
M'ayant fait appeler le 20 juin au soir à une heure inhabituelle (21H) par sa directrice de cabinet (Mme Engel) très courroucée, puis recevoir par son conseiller technique au spectacle vivant (M.Dréano) le 21 juin à 17H30, dans un entretien plus calme mais tout aussi implacable, elle m'a opposé une fin de non recevoir, refusant tout armistice, et exigeant une capitulation.
En effet, il m'a été signifié que mon comportement était outrageant, que j'osais défier l'Etat, que j'insultais la Ministre dans mon éditorial de saison et par voie de presse, et que j'avais eu le front de faire appel du jugement de Montpellier alors que j'avais "perdu mon procès". Il m'a été redit que la voie judiciaire où je m'étais engagé me condamnait d'avance. Qu'il fallait obtempérer dès le 21 mars et accepter de partir avec l'accompagnement de sortie qui m'était "par faveur" accordé -cent cinquante mille euros annuels sur trois ans de conventionnement de ma compagnie (précisons que tous les directeurs sortants d'un CDN bénéficient d'une telle subvention).
Il m'a été indiqué que si je souhaitais désormais apaiser les choses, il fallait au préalable présenter des excuses publiques à Mme Filippetti, reconnaitre mon erreur, retirer sur le champ mon recours juridique, et accepter de partir sans broncher à la date prévue. Moyennant quoi, on réfléchirait à rétablir cette subvention de sortie de CDN qui pour l'heure était supprimée par mesure de rétortion.
Sur le fond, il m'a été répété que ma programmation n'était pas compatible avec le service public du théâtre. Que le théâtre anglo-saxon que j'adapte, que les pièces que j'écris ont leur place dans le théâtre privé et pas dans un centre dramatique national. On m'a cité l'exemple de ma consoeur, Yasmina Reza, qui avait récemment sollicité la direction d'un centre, et qui avait été aimablement éconduite pour les mêmes raisons.
Je suis sorti de cet entretien abasourdi par tant de violence, tant d'injustice, tant de fermeture d'esprit, tant de pensée unique, tant d'arrogance d'Etat.
Non, je n'irai pas comme un garnement insolent présenter des excuses à la maîtresse Filippetti. Non, je ne ferai pas mon auto-critique en public comme pendant la Révolution Culturellechinoise. Non je ne fléchirai pas et ne transigerai pas.
J'ai l'intention d'en appeler à Emmanuel Barroso et de saisir la Commission Européenne pour atteinte à la diversité culturelle dans un état membre. Le théâtre, c'est ceci et cela. D'éphémères occupants du Ministère de la Culture se mêleraient de dévoyer l'Etat en imposant une ligne unique? Non. Tennessee Williams, Edward Albee, Harold Pinter, Oscar Wilde, et Jean-Marie Besset ont le droit d'être présentés sur les scènes publiques françaises.
Jean-Marie Besset