n°132 / février 2003 - Archives municipales de Nantes

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n°132 / février 2003 - Archives municipales de Nantes
S UPPLÉMENT
À
N ANTES PASSION N °132
LES 11 QUARTIERS NANTAIS
HISTOIRES DE QUARTIERS
Quinze pages
d’actualité
Ce mois-ci :
Longchamp
et Doulon
sur votre lieu de vie
HISTOIRES DE QUARTIER
Les ateliers de réparation
du Blottereau, qui abritent
notamment la “141 R”, en
cours de restauration.
La mémoire
Doulon--
cheminote
du quartier
À Doulon, l’histoire se mêle intimement à celle du chemin de fer. En 1995, la
fermeture de la gare de triage bouleverse tous les habitants du quartier...
toute nouvelle gare de Nantes du
premier train de “la compagnie du
chemin de fer de Tours à Nantes”. Des
trains à réparer et entretenir... En février
1918, l’état-major américain établit un
dépôt de locomotives au Blottereau et la
compagnie Paris-Orléans - la SNCF n’existe pas encore - acquiert le terrain nécessaire, sur lequel se trouve déjà le sanatorium de la Bonnetière (le bâtiment, très
modifié, abrite aujourd’hui les vestiaires
des cheminots). Le “pont des Américains”
qui surplombe le triage est ouvert à la circulation en 1923. Le Blottereau compte
alors des ateliers de réparation (construits
en 1921 et toujours en activité) desquels
partent sept voies de garage. Dans ces
bâtiments on trouve notamment aujourd’hui la “141-R”, une locomotive à vapeur
de 1947, retapée patiemment par une
équipe de bénévoles.
Peu avant la Seconde Guerre, de lourds
travaux sont entrepris pour la construction
du triage et le dépôt de Nantes-Blottereau,
est mis en service à la fin de l’année 1941.
“Se tenir les coudes”. “Après la
guerre, poursuit Robert Bernier, retraité et
passionné d’histoire du quartier, l’état
d’esprit était très bon. Les gens pouvaient
souffler un peu, penser à une vie nouvelle.
Beaucoup de gars des campagnes ont été
recrutés pour l’entretien des voies et des
passages à niveaux”. À cette époque, la
}
[février 2003]
Na n te s a u q u o t i d i e n
L
a commencé à s’écrire le 16
’ histoire
août 1851, lors de l’arrivée dans la
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HISTOIRES DE QUARTIER
} cité des Enklays est construite en hâte
Na n te s a u q u o t i d i e n
pour reloger les sinistrés et abriter les
nouveaux venus. Le provisoire durera vingt
ans... Pour ceux qui ont connu ces années,
le mot solidarité revient souvent, riche de
sens et de souvenirs. “Le quartier était
marqué “rouge”, se souvient Marc Aubert,
né au Vieux-Doulon et qui a vu les cinq
tours du boulevard Peneau sortir de terre.
C’est une attitude qui se traduisait aussi
dans les actions collectives. En 68, la
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grève était dure, il n’y avait pas de salaire.
À l’école, les enfants des grévistes avaient
droit à des repas gratuits et une caisse de
soutien a été créée pour aider les familles.
En cas de coup dur, les cheminots étaient
toujours là pour se serrer les coudes”.
Entre 1950 et 1960, le centre ferroviaire
du Blottereau compte un millier de cheminots. Le quartier de Doulon vit au rythme des trois-huit et les enfants apprennent à faire silence pour ne pas réveiller
les voisins. Solidarité encore, un économat — “coopérative” ouvrière — permet
aux cheminots de s’approvisionner à des
conditions avantageuses. Quand l’argent
manque, l’habitude veut que l’on note sur
“le carnet” en attendant la paye prochaine.
Dans les années 50, le centre de loisirs
accueille les enfants du quartier, donc
ceux des cheminots. Aujourd’hui, la tradition persiste mais le centre est ouvert à
Un esprit de lutte bien ancré. La solidarité fait un retour en force en juin 1994,
lorsque la SNCF décide la suppression du
triage. À Doulon, la mobilisation est forte
et dans le quartier, les commerçants n’hésitent pas à baisser le rideau. La fermeture
de la gare de triage bouleverse tout le
monde. Ne restent plus que les agents de
conduite, les agents d’exploitation (pour la
circulation des trains), les agents d’équipement (à l’entretien des voies), les agents
du matériel tracté (réparation des engins
moteurs). “Il y a eu de dures luttes ici”
raconte Carlos Fernandez, agent au dépôt.
“mais on a tenu bon et ça nous a même
valu d’être désignés comme “le village
gaulois”.
Devant le dépôt, trois petits bouleaux, “les
arbres de la lutte”, plantés au moment de
la grève de 1995, en perpétuent le souvenir. À côté d’eux, une sculpture faite de 49
mains sur lesquelles pointe un doigt
menaçant rappelle d’autres jours de mobilisation pour l’emploi, en mai 1997.
ANNE MATHIEU
Marc Aubert, Carlos Fernandez et Robert Bernier
évoquent la mémoire cheminote de Doulon.
Guerre et résistance
➜ Marin Poirier
Le 26 décembre 1940, place Royale, des grenades font sauter le foyer du
soldat (le Soldatenheim). Il s’agit d’un des premiers actes de
Résistance active de la Seconde Guerre mondiale, mené par le groupe
Bocq-Adam que vient de rejoindre un cheminot de Doulon, Marin
Poirier. Arrêté fin janvier, il est inculpé quelques jours plus tard et placé
au secret. Condamné à 4 ans 1/2 de forteresse, il fait appel de la
décision mais le 27 août 1941 la cour martiale allemande prononce
contre lui la peine capitale. Trois jours plus tard, il est fusillé sur le
terrain du Bêle. Son corps, d’abord transféré à Saint-Julien-deConcelles, sera rapatrié à Nantes en juin 1945. Marin Poirier est le
premier fusillé nantais de la guerre 39-45.
Un de ses amis, Léon Jost, fera partie des “50 otages” exécutés
après la mort du colonel Hotz, abattu rue du Roi-Albert-1er le 20 octobre 1941.
➜ La Résistance
A partir du 22 juin 1940, les Chemins de Fer sont placés sous la tutelle allemande et toutes
les installations sont surveillées par les nazis. Les actes de sabotage se multiplient. On glisse
du sable dans les filtres à huiles des machines, les boyaux de freins sont entaillés, les outils
disparaissent et les aiguillages sont endommagés. Une stèle commémorative au dépôt de
Doulon rend hommage aux 23 agents SNCF de Nantes et du département fusillés, déportés
ou disparus durant la Seconde Guerre.
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tous. Derrière les voies, près du dépôt, des
jardins ouvriers perpétuent la tradition,
mais les surfaces sont plus rares aujourd’hui et assez dégradées. Et puis il y a le
Racing Athletic Club Cheminots, le RACC,
qui, du foot à la musique en passant par le
vélo ou la gym, mobilise encore les énergies.
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HISTOIRES DE QUARTIER
Breil-Barberie
Le vélodrome
de Longchamp
Nantes accueillera en juillet prochain le centenaire du Tour de France
cycliste. L’occasion de s’arrêter sur l’histoire du vélodrome de
Longchamp, théâtre de l’arrivée de l’étape nantaise de la “grande
boucle” de 1903... Un lieu de mémoire du sport local.
À
Na n te s a u q u o t i d i e n
la fin du XIXe siècle, le Véloce
Sport Nantais, principal club
cycliste de Nantes, organise
chaque année en mai une épreuve
sur le cours Saint-André. Pourtant, Nantes
possède alors deux vélodromes, l’un à
Beauséjour, l’autre à Longchanp. Ce dernier ne manque pas d’atouts lorsqu’il est
érigé...
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La construction. Situé près de la route de
Rennes, à environ quatre kilomètres du
centre-ville, desservi par le tramway, le
vélodrome de Longchamp est créé sur une
initiative privée, par Eugène Chéreau, passionné de vélo et marchand de cycles rue
de Strasbourg. Il est inauguré en août
1897. “Cette piste est magnifique ; elle fait
honneur à la conception de M. Eugène
Chéreau et aux ingénieurs MM. Terrien et
Emery”, écrit dans son édition du 19 août
1897 Le Populaire. “L’aménagement extérieur de la piste n’est pas moins bien compris. Les tribunes vont être disposées de
manière à dominer complètement la piste
pour permettre au public de voir toutes les
péripéties de la course. De plus, un espace
suffisant est ménagé au milieu, sous la tribune centrale, pour l’entrée et la sortie
des coureurs. Le public pourra ainsi voir
les coureurs après et avant les épreuves,
contempler de près le vainqueur et l’acclamer à son aise. (...) Le vélodrome que nous
inaugurons ce soir ne le cède en rien aux
vélodromes les mieux disposés de France
et d’Angleterre”. Outre la piste en ciment,
longue de quatre cents mètres, très roulante aux dires des coureurs, le vélodrome
est doublé d’une piste intérieure en terre
de trois cents mètres pour les débutants.
Une pelouse pour poser les machines, des
cabines de repos pour les coureurs et surtout des tribunes pouvant accueillir plus
de quatre mille personnes achèvent d’en
Le premier Tour de France
arrive à Longchamp
C’est au vélodrome de Longchamp qu’est jugée l’arrivée de la cinquième et
avant dernière étape du premier Tour de France cycliste, le 14 juillet 1903. Elle
se déroule dans un grand enthousiasme patriotique, comme le rapportent les
chroniqueurs. Le vainqueur de l’étape, Maurice Garin, devance avec deux
autres échappés, le reste du peloton parti de Bordeaux sur les coups de
minuit. C’est après avoir accompli trois tours de piste que le futur vainqueur
du premier Tour de France franchit le premier la ligne d’arrivée, après 425 km
d’effort. Il est 15h20... Les coureurs resteront cinq jours à Nantes avant de
rallier Paris, pour l’ultime étape de ce Tour historique.
faire une réalisation soutenant la comparaison avec les plus grands vélodromes de
l’époque, comme le Parc des Princes à
Paris.
Chronique sportive. Le vélodrome de
Longchamp accueille des courses auxquelles participent certains des meilleurs
cyclistes de l’époque. Les grandes
réunions peuvent rassembler régulièrement jusqu’à 8 000 spectateurs. Pour une
réunion en mai 1902, l’Auto-Vélo et le Vélo
délèguent un reporter. Le premier titre,
ancêtre de l’Équipe, compare cette
réunion au Grand Prix de Paris. En 1909,
Dupré, alors champion du Monde de vitesse sur piste, dispute cette réunion. Poulain
et Jacquelin, deux des meilleurs coureurs
}
[février 2003]
Na n te s a u q u o t i d i e n
PRESSE SPORT / L’ÉQUIPE
PRESSE SPORT / L’ÉQUIPE
Arrivée des coureurs
sur le vélodrome lors
du 1er Tour de France.
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HISTOIRES DE QUARTIER
COLLECTION J.-L. JOSSIC
}
} de l’époque, y participent également. Ils
Na n te s a u q u o t i d i e n
ont d’ailleurs vu leurs noms associés à la
voirie du quartier de Longchamp.
En 1911, le vélodrome accueille pour la dernière fois le Grand prix du conseil municipal. Il est désormais supplanté par le parc
des sports du Champ de Mars, inauguré en
1912, et cesse toute activité avec la Grande
Guerre. Laissé à l’abandon, ses tribunes
tombant en ruines, les jeunes du quartier y
trouvent un terrain de jeux des plus appréciables.... Dans un quartier qui s’urbanise
rapidement, ce vaste terrain conserve malgré tout un intérêt réel. Plusieurs groupes
scolaires doivent être construits. Longchamp sera l’un d’eux.
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La construction du groupe scolaire. Pour
la municipalité dirigée par le maire Cassegrain, l’une des difficultés consiste à
acquérir ce terrain à un prix raisonnable
dans un contexte de crise économique. Ce
sera chose faite en 1931. Sur les 8 500 m2
de terrain, sera inauguré en 1936 le plus
grand groupe scolaire nantais, fort de dix
classes de garçons et dix de filles. Un demi
siècle plus tard, devant la baisse des effectifs et l’ouverture de différentes écoles
dans le quartier, les deux établissements
sont regroupés au sein d’un unique groupe
scolaire de dix classes primaires. La rue
du Vélodrome-de-Longchamp demeure
aujourd’hui le seul témoignage lisible de
[Février 2003]
la période de gloire de la “petite reine” et
des as de la piste...
LOÏC ABED-DENESLE
Ouvert le 1er octobre 1935,
le groupe scolaire de
Longchamp est inauguré
officiellement le 1er mars 1936.
Remerciements : les Archives Municipales de Nantes.
Sources bibliographiques : Longchamp, cent
ans, Archives Municipales de Nantes et Nantes,
cité sportive, par Hervé Padiskau.
Retrouvez toute l’histoires du Tour de France à
Nantes sur : www.nantes.fr
Les vélodromes nantais
Outre celui de Longchamp, trois autres vélodromes ont été construits à Nantes en un quart de
siècle.
Le 14 juillet 1895 est inauguré le premier vélodrome nantais, à Beauséjour. Il accueille les
entraînements du Véloce-Sport Nantais, puis ceux du Sport Vélocipédique Nantais.
En juin 1912, près de 5 000 spectateurs assistent à l’inauguration du stade vélodrome du Parc
des Sports, équipement municipal implanté sur le Champ de Mars, non loin du centre-ville et
proche de la gare du réseau ferroviaire Paris-Orléans. La piste, longue de 400 mètres, est
cimentée et entourée d’un gazonné pour la pratique du rugby.
En août 1924 le vélodrome-stade Petit-Breton est inauguré officiellement près de la Contrie et de
la Durantière en présence 10 000 spectateurs passionnés. Initiative privée, dénommé ainsi en
hommage au coureur natif de Plessé, mort en décembre 1917 sur le front, dont la carrière sportive
fut courte mais intense (avec deux Tour de France notamment). En 1938, le Stade Vélodrome est
acheté par la Ville. Notons qu’il accueillit les arrivées du Tour de France, dont celle du 14 juillet
1939 et la dernière en 1968. Il constitue aujourd’hui le dernier équipement de ce type à Nantes.