Projet de l`Ecole de Culture Générale Henry

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Projet de l`Ecole de Culture Générale Henry
Projet de l’Ecole de Culture Générale Henry-Dunant, GE, membre du RSES
Handicap mental et intégration
Douze élèves de 2ème et 3ème année de l’Ecole de Culture Générale Henry-Dunant à Genève, appartenant aux
filières santé et socio-éducative, se destinant à des professions dans le domaine social et de la santé, ont
choisi de s’inscrire dans une option complémentaire nouvellement crée lors de l’année scolaire 2004-2005.
Cette option intitulée « Intégration de la différence » a pour objectif d’établir une relation avec un atelier protégé
de quinze travailleurs-euses mentalement handicapés adultes de la SGIPA (société genevoise pour l’intégration
professionnelle d’adolescents et d’adultes). Ces personnes sont âgées de 19 à 56 ans.
Dans le cadre de cet article, je ne relaterai que les rencontres entre ces deux populations en faisant
volontairement abstraction d’autres volets de ce cours.
De la première prise de contact au camp final, nous avons franchi toutes les étapes nous permettant de faire
simplement connaissance pour aller jusqu’à une harmonieuse collaboration.
Pour ce faire, des visites sur nos lieux respectifs de travail ont d’abord été organisées.
Puis les étudiants ont participé aux tâches des travailleurs en atelier, les explications des uns, les conseils des
autres ont permis de nouer des contacts.
Les travailleurs sont venus dans notre école aussi pour suivre des appuis pédagogiques préparés et donnés
par les étudiants.
Par la préparation et l’application de ces appuis, dont les thèmes vont de la fabrication du papier à la cuisine
thaïlandaise en passant par l’étude de la gamme sur un piano, les étudiants ont pu réellement prendre
conscience des difficultés et des différentes limites de chacun.
Le camp est le prolongement de tout le processus de rencontres mis en place pendant l’année scolaire à
travers un cours hebdomadaire.
L’objectif final de cette option était de terminer nos échanges par un camp d’une semaine. Celui-ci s’est déroulé
du 18 au 22 avril sur les hauts de Bevaix à 15 km de Neuchâtel.
Elèves et travailleurs-euses ont participé à de multiples activités communes, encadrés par deux maîtres de
l’ECG et trois maîtres d’atelier de la SGIPA.
L’intégration de personnes mentalement handicapées dans un groupe de personnes dites ordinaires s’est
extrêmement bien réalisée. Les apports des uns pour les autres ne sont de loin pas majoritairement dans le
sens que l’on imagine.
Des activités variées ont favorisé ce mélange de population différente. Nous avons pratiqué des activités
sportives : travail de coordination générale, jeux de groupe tels que le basket et le football, course d’orientation
dans les environs de notre logement, initiation au tennis et visite du centre national à Bienne. Nous avons
également découvert les mines d’asphalte à Travers, le musée Baud à l’Auberson, le papillorama à Kerzers.
Nous nous sommes détendus dans les bains d’Yverdon. Chaque soirée était consacrée à des jeux de société,
à du tennis de table, à du baby-foot et de la danse.
Des barrières sont tombées, de la compréhension, du dialogue et beaucoup d’émotion sont nés.
Je peux me permettre de dire que l’école a favorisé l’éclosion de 12 ambassadeurs-drices pour défendre la
cause des personnes handicapées.
Il faut encore aborder l’aspect psychologique de ce partenariat.
Tout le suivi de l’année a été encadré par une psychologue de la SGIPA pour les travailleurs.
Cet aspect psychologique a été d’autant plus important lorsque nous avons passé une semaine ensemble à
l’extérieur de Genève.
Nous avons pu vivre une semaine riche en émotion, en acceptation, en compréhension qui a fait un bien
énorme aux personnes handicapées par le partage de nombreuses activités avec des élèves motivés. Ce camp
a permis à ces derniers de mieux comprendre cette déficience encore trop souvent sujette aux rejets.
Durant l’année, nous avons noué des contacts, mais le camp a permis de réaliser l’intégration de la différence,
de la vivre au quotidien, de collaborer, de discuter, de mieux se comprendre, de développer une notion de
partage et d’apport mutuel.
Le facteur émotionnel est l’élément le plus difficile à maîtriser. Nous avions des craintes, maîtres d’atelier et
nous-mêmes, pour la gestion des émotions, pour la justesse dans l’attitude afin que nos relations ne soient pas
empreintes d’ambiguïté destructrice.
Nous avons organisé des moments de discussion sous la forme de bilan où chacun pouvait s’exprimer. Cette
possibilité de libérer ses demandes, ses craintes, ses questions sans retenir ses sentiments, fût très positive.
La séparation en fin de camp a été difficile, tout autant pour les étudiants que pour les travailleurs, et nous
réservions notre enthousiasme en attendant de connaître les répercussions négatives éventuelles après le
retour.
La psychologue et les maîtres d’atelier n’ont eu que des échos favorables. Aucun comportement de
décompensation n’est à signaler.
Les personnes handicapées ont souligné, malgré la difficulté de la séparation, le bienfait que l’intégration leur
procure et leur désir de recommencer un autre partenariat. Cette expérience leur permet aussi de continuer à
se construire dans le monde auquel ils appartiennent.
Ce projet a été une réussite totale.
Enfin une action interne à notre école a été mise en place par la classe « Intégration de la différence ». Nous
avons décidé d’intervenir auprès de tous les groupes de 1ère année pour faire connaître les personnes
mentalement handicapées et essayer de sensibiliser et de faire tomber les préjugés.
Environ 220 élèves de 16 ans ont été approchés. Une bonne moitié s’est montrée intéressée et participante,
l’autre a davantage subi sans vouloir s’investir dans la réflexion.
Ce moyen d’intervention est le plus approprié pour atteindre notre objectif, qui est d’informer, d’expliquer ce
qu’est le handicap mental, de relater l’expérience vécue, de toucher l’élève personnellement et très directement
dans son for intérieur afin de faire reconnaître ces personnes en tant que telles.
Il faut avoir une vision à moyen terme et patienter afin que tous atteignent une plus grande maturité. J’espère
qu’à l’âge adulte, ou lorsqu’ils rencontreront une personne handicapée, le discours tenu par mes élèves leur
reviendra. et qu’alors ils agiront en conséquence et le retransmettront à leur tour.
Cet automne, tous les élèves de notre école ont déjà été informé de la présence de personnes handicapées.
Des enseignants, des membres du personnel administratif et technique m’ont déjà interpellé pour s’informer sur
notre partenariat. L’effet boule de neige s’est mis en action…
Pour conclure, l’expérience décrite par un élève :
Deuxième lundi de la rentrée, un lundi de fin août 2004, le soleil est au rendez-vous et brille sur notre bâtiment
scolaire. Pour cette nouvelle année, j’ai opté pour une nouvelle branche, elle se nomme « intégration à la
différence ». En retard et l’esprit encore au bord de la plage, je saisis mon horaire, celui-ci m’indique la salle
204. Je monte les escaliers l’esprit quelque peu sceptique. J’entre dans la classe, le maître n’est autre que M.
Rey, mais à ma grande surprise, cette classe n’est composée que d’un garçon et de 10 filles. 12 élèves dont
moi ne sachant pas encore à quoi s’attendre et ne doutant pas une seule seconde qu’ils finiront par partager
d’énormes émotions passant du rire jusqu’aux larmes. Le but de cette option est de travailler avec un atelier de
personnes handicapées de la SGIPA, de voir ce que nous faisons réciproquement, de tenter de créer nousmêmes des ateliers et de conclure cette expérience par un camp. J’avoue que les premiers contacts n’étaient
pas évidents, j’avais l’impression d’être inexistant aux yeux des employés de l’atelier, mais avec le temps, il
s’est avéré que j’avais totalement tort. Les saisons ont défilé très rapidement, et c’est en plein printemps, lors
de ce fameux camp, que cette expérience a vraiment porté ses fruits. Un partage d’émotions et de sensations
indéfinies à travers des visites et des ateliers. Mais les moments les plus forts restent pour moi les soirées
bercées par la musique et la bonne ambiance, on pouvait lire la joie sur chaque visage et les soucis du
quotidien n’étaient plus que de vulgaires mirages, mais pour dire vrai, je résumerais ce camp en quelques
mots : « Une réunion de 27 cœurs pour 120 heures de pur bonheur ». J’aimerais ajouter que bien que j’aie déjà
pu rencontrer des personnes handicapées par le passé, j’avoue que, comme je le disais avant, je ne savais pas
à quoi m’attendre en accomplissant cette expérience. En réalité, une part de moi l’appréhendait, je savais
combien il était difficile de « s’initier » dans un groupe, mais j’ai compris très tôt que je n’avais pas de quoi m’en
faire. Pour conclure, je trouve formidable qu’on puisse avoir la chance en tant qu’élève de communiquer et
d’avoir des contacts avec des personnes handicapées, cela nous enrichit et je pense les enrichir aussi. Je
pense que c’est en les côtoyant, en partageant des moments et des choses avec eux, qu’on apprend ce qu’il
sont vraiment, ce qu’ils vivent et combien il est important de lutter pour les aider à s’intégrer car ils en sont
capables. Comme dirait Coralie, si nous sommes des personnes ordinaires, eux sont extraordinaires.
Aujourd’hui, ma vision a totalement changé, cette expérience m’a encore plus ouvert les yeux et je me rends
compte que je ne pourrais plus les appeler « handicapés » ou « travailleurs » mais tout simplement « mes
amis ». Des amis à qui l’on donne un peu et qui nous rendent beaucoup.
Vincent Criscuolo 3H15 et Didier Rey ([email protected])