ecole nationale veterinaire de lyon
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ECOLE NATIONALE VETERINAIRE DE LYON Année 2007 - Thèse n° …. CONTRIBUTION A L’ETUDE DE LA DETECTION DES CHALEURS PAR VIDEOSURVEILLANCE CHEZ LA VACHE LAITIERE. COMPARAISON AVEC LES PROFILS DE PROGESTERONE. THESE Présentée à l’université CLAUDE - BERNARD - LYON I (Médecine et Pharmacie) et soutenue publiquement le 19 octobre 2007 pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire Par Franck POINT Né le 29 avril 1982 A Saint Etienne (Loire) 2 3 4 A Monsieur le professeur Michel PUGEAT, De la Faculté de Médecine de Lyon, Pour nous avoir fait l’honneur d’accepter la présidence de notre Jury de thèse, Hommages respectueux. A Monsieur le professeur François BADINAND, De l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, Qui nous a fait l’honneur d’encadrer ce travail avec disponibilité et bienveillance, Qu’il trouve ici l’expression de notre reconnaissance et de notre respect les plus sincères. A Monsieur le professeur Pierre GUERIN, De l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, Qui nous a fait l’honneur de faire partie de ce jury de thèse, Sincères remerciements. 5 6 A mes parents. Vous m’avez tant apporté. Je vous remercie de m’avoir soutenu et aidé depuis toujours. Je vous aime. A ma Grand-mère, pleine d’énergie. Merci pour tout l’amour que tu m’as donné. A la mémoire de mon Grand-père, qui m’a toujours poussé à faire les choses jusqu’au bout. A Nico, mon petit frère qui me supporte depuis 21 ans. Je te souhaite plein de bonheur dans le Sud-Ouest. A mon parrain, Marc, merci pour ta gentillesse et ton intérêt pour mon travail. A toute ma famille. A Jeanne-Lise, mon petit cœur, qui m’apporte tellement de bonheur depuis quatre ans. Chaque jour que je vis avec toi me montre à quel point nous sommes faits l’un pour l’autre. Je t’aime… 7 8 A tous les vétos : A Jam, la classe lyonnaise, et à Piwi, l’italo-helvetico-créole, mes deux compères depuis le Parc. Tous les moments passés avec vous n’ont été que du bonheur, même les lendemains de derby. Merci pour toujours avoir été à mes cotés et vive les soirées gastronomiques. A Nouye, le sudiste, ton huile d’olive et tes Boubous me font rêver. Et les ptits z’oiseaux… A Fan, ta bonne humeur et ta joie de vivre, tes imitations de Pokemon et ton déguisement de Beetlejuice. Tiiliii… A Tigrou et Doumé, mes deux fistons. Votre papa est fier de vous. A Bat, l’américain, notre goût partagé pour les RHCP, les baptêmes que je n’aurais jamais réalisés sans toi. J’adore ta grande gueule. A Marianne, ma co-impétrante. Ta cuisine et ton sourire sont un régal. A Aurore, ma ptite courgette, au bad-trip sur ta pelouse et aux nuits dans ton lit. A Lob, la grande blonde, aux dartos que je ne pourrai jamais faire et aux grands plaquages de fin de boum. A Jane, la cavalière québécoise, ma partenaire de sexy, à toutes les fois où tu m’a sauvé la vie en équine. A Adrien, Jo le cynique, qui égayait mes matinées de D2, ton humour me plie en deux. A Béa, ma partenaire de coinche, aux soirées fondues et cartes à Francheville. A Tiflette, mon rayon de soleil de cinq heures du mat’ au bar, nos aller-retour au ptit Marcy, à nos paillardes de fin de soirées. A tous les IDG qui m’ont accompagné au cours de ces cinq années : Miko, Mél, Pissette, Dibule, Ped et Mathieu. A tous ceux avec qui j’ai vécu de merveilleux moments en soirée et ailleurs : Lolo, et son Beagle, Garga, le motard, Emilie, Roger et Rogette, Yoko, Loul, Trocho, Pockie, PH et tous les autres… Au groupe d’anciens qui m’a accueilli dans cette école : Bartim, mon ancienne, Marie, Pat, Alliage, Bed et Goupil. A ceux qui m’ont fait découvrir la Faluche : Titi, qui m’a tout appris depuis mon premier jour à l’ENVL, Thomas, et son rire tellement contagieux, Colt, mon mentor Faluchard, Jéremy et Bertrand. A mes poulots JJP : Agathe, Clem, Thiébault, Pierrick… 9 10 A tous ceux que j’ai rencontré grâce au rugby : A Crams mon petit poulet, nos passes et nos essais, les férias et les semaines de repos en Corrèze, je te souhaite plein de bonheur avec Sophie. A Boule, talonneur grincheux, à tes interceptions et aux arrêts à la station en rentrant de Givors. A Lio, le papa de l’équipe, et à Julie. A Maff, le G.O., à Poy, Pierrot, Coco et Bweb, aux soirées à la Bodéga. A tous les joueurs et entraîneurs du CASE et du SOG. A tous les rugbymen et rugbyquettes de l’ENVL… A toutes les personnes hors-catégorie : A Boris, mon toulonnais, aux parties de huit américain et aux café-clopes à l’internat, aux balades en zodiac dans les parcs à moules et aux photos devant la coupe du monde, plein de bonheur avec ta Cynthia. A Jo et Thom, les supporters des Verts, à nos années à Sainté, à Alain, Math et Pierre. A tous ceux que j’ai pu oublié et qui se sentent concernés, désolé et encore merci à tous et pour tout. 11 12 Table des matières LISTE DES FIGURES........................................................................................................... 15 LISTE DES TABLEAUX ...................................................................................................... 16 LISTE DES ANNEXES ......................................................................................................... 16 INTRODUCTION.................................................................................................................. 17 1. RAPPELS SUR LA SEXUALITE DES BOVINS ........................................................ 18 1.1. RAPPELS SUR LA PHYSIOLOGIE SEXUELLE DE LA VACHE .............................................. 18 1.1.1. Introduction sur le cycle œstral............................................................................ 18 1.1.2. Le cycle comportemental...................................................................................... 19 1.1.3. Evénements anatomo-histologiques au cours du cycle ........................................ 20 1.1.4. Sécrétion et dynamique des hormones impliquées dans le cycle ......................... 26 1.2. ANŒSTRUS POST-PARTUM ET REPRISE DE LA CYCLICITE .............................................. 29 1.2.1. Reprise de l’activité ovarienne............................................................................. 29 1.2.2. Reprise de l’activité hormonale ........................................................................... 32 1.2.3. Facteurs influençant la reprise d’activité ............................................................ 36 1.2.4. Schémas de reprise de la cyclicité et anomalies possibles................................... 38 1.3. PLACE DE LA PROGESTERONE DANS LE CYCLE DE LA VACHE ........................................ 42 1.3.1. Rappel biochimique et physiologique .................................................................. 42 1.3.2. Evolution de la progestéronémie.......................................................................... 44 1.3.3. La progestérone et le lait de vache ...................................................................... 46 1.3.4. Dosage de la progestérone en pratique ............................................................... 49 2. EXPRESSION ET DETECTION DES CHALEURS .................................................. 55 2.1. IMPORTANCE DE LA DETECTION DES CHALEURS ........................................................... 55 2.2. LE COMPORTEMENT D’ŒSTRUS .................................................................................... 55 2.3. LES DIFFERENTES METHODES D’ASSISTANCE A LA DETECTION DES CHALEURS ............ 61 2.3.1. Techniques basées sur l'« acceptation du chevauchement»................................. 61 2.3.2. Techniques complémentaires............................................................................. 67 2.3.3. Techniques alternatives.................................................................................... 69 3. L’EXPERIMENTATION: « COMPARAISON DE DIFFERENTES METHODES D’UTILISATION D’UN DISPOSITIF DE VIDEOSURVEILLANCE POUR LA DETECTION DES CHALEURS »....................................................................................... 71 3.1. MATERIEL .................................................................................................................... 71 3.1.1. L’élevage .............................................................................................................. 71 3.1.2. Le système de vidéosurveillance .......................................................................... 71 3.2. METHODES................................................................................................................... 74 3.2.1. Détection des chaleurs par l’éleveur ................................................................... 74 3.2.2. Le dépouillement des vidéos................................................................................. 75 3.2.3. Courbes de progestérone et détermination de la phase ovulatoire ..................... 75 3.3. RESULTATS .................................................................................................................. 76 3.3.1. Les phases ovulatoires ......................................................................................... 76 3.3.2. Durée d’observation............................................................................................. 76 3.3.3. Temps d’identification.......................................................................................... 77 13 3.3.4. Sensibilité des différentes méthodes ..................................................................... 77 3.3.5. Spécificité ............................................................................................................. 79 3.3.6. Temps réel observé............................................................................................... 79 3.3.7. Premier chevauchement ....................................................................................... 81 3.3.8. Intervalle première acceptation de chevauchement – I.A. ................................... 82 3.4. DISCUSSION ................................................................................................................. 83 3.4.1. Les résultats des différentes méthodes ................................................................. 83 3.4.2. Limites de l’étude et améliorations souhaitables pour une prochaine expérimentation ................................................................................................................. 90 CONCLUSION....................................................................................................................... 91 ANNEXES............................................................................................................................... 93 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 111 14 Liste des figures Figure 1 : Schéma de l'ovaire (Laforest, 2005) ........................................................................ 23 Figure 2 : Courbe des différentes hormones au cours du cycle ............................................... 29 Figure 3 : Pourcentage de vaches en anœstrus en fonction de leur note d'état corporel (Lopez et al., 2005)....................................................................................................................... 38 Figure 4 : Formule développée de la progestérone .................................................................. 42 Figure 5 : Courbe de progestérone au cours du cycle (D’après Horan et al., 2005) ................ 45 Figure 6 : Acceptation de chevauchement ............................................................................... 56 Figure 7 : RAIDL-stick© (www.raidex.de) ............................................................................. 63 Figure 8 : Capsule Kamar (www.kamarinc.com) .................................................................... 64 Figure 9 : Une capsule Kamar fixer sur la croupe.................................................................... 64 Figure 10 : La sonde Ovatec© (Saint-Dizier, 2005) ................................................................ 68 Figure 11 : Les deux types de caméras .................................................................................... 72 Figure 12 : Plan du bâtiment et disposition des caméras ......................................................... 72 Figure 13 : Interface du logiciel et passage d’un écran à l’autre.............................................. 73 Figure 14 : Interface de réglage du détecteur de mouvements................................................. 74 Figure 15 : Observation des vaches par l’éleveur .................................................................... 74 Figure 16 : Illustration des trois classes de résultats ................................................................ 76 Figure 17 : Répartition des chaleurs "vues" par les différentes méthodes ............................... 78 Figure 18 : Répartition moyenne des minutes écartées par caméras au cours de trois périodes de trente minutes .............................................................................................................. 80 Figure 19 : Répartition des minutes écartées pendant 24h....................................................... 80 Figure 20 : Répartition des premières acceptations de chevauchement au cours de la journée82 Figure 21 : Angle de vue des caméras 1 et 2........................................................................... 84 Figure 22 : Le biais de la méthode « Caméra – 3x30 »............................................................ 86 Figure 23 : Moment propice à l'insémination (Murray, 1996)................................................. 87 15 Liste des tableaux Tableau I : Données sur la reproduction de la vache ............................................................... 18 Tableau II : Durée des différentes phases du cycle sexuel de la vache.................................... 19 Tableau III : Modifications histologiques du tractus génital pendant le cycle sexuel d’après Dérivaux (1971) ............................................................................................................... 25 Tableau IV : Date moyenne de la première ovulation post-partum ......................................... 31 Tableau V : Date moyenne d’apparition de la première positivité de progestérone post-partum .......................................................................................................................................... 35 Tableau VI : Niveau de production laitière et reprise de la cyclicité (Marion et Gierh, 1968) 37 Tableau VII : Synthèse du retour de la cyclicité post-partum chez la vache laitière ............... 41 Tableau VIII : Interprétation des dosages de progestérone (Thimonier, 2000) ....................... 50 Tableau IX : Caractéristiques laitières des vaches de l’élevage............................................... 71 Tableau X : Durée d’observation selon les différentes méthodes ............................................ 77 Tableau XI : Sensibilité 1 des différentes méthodes (n P.O. = 71) .......................................... 78 Tableau XII : Sensibilité 2 des différentes méthodes (n P.O.=67)........................................... 79 Tableau XIII : Nombre d’icônes ouvertes et temps de visualisation (Méthode « Caméra – Icônes ») ........................................................................................................................... 81 Tableau XIV : Durée réelle observée selon les différentes méthodes...................................... 81 Tableau XV : Influence de l’intervalle début de chaleurs – I.A. sur la réussite à l’I.A. .......... 82 Tableau XVI : Sensibilité et spécificité de différentes méthodes de détection des chaleurs ... 88 Tableau XVII : Avantages et limites du système de vidéosurveillance................................... 90 Liste des annexes Annexe 1 : Les vagues folliculaires chez la vache (Maillard et al., 2005)............................... 94 Annexe 2 : Courbe de progestérone de la vache n°194............................................................ 95 Annexe 3 : Courbe de progestérone de la vache n°1065.......................................................... 96 Annexe 4 : Courbe de progestérone de la vache n°3090.......................................................... 97 Annexe 5 : Photo prise le 28.03 à 11:51 caméra 1................................................................... 98 Annexe 6 : Photo prise le 28.03 à 11:51 caméra 2................................................................... 98 Annexe 7 : Protocole de choix des séquences de 10 minutes .................................................. 99 Annexe 8 : Une page d'un cahier de dépouillement ............................................................... 100 Annexe 9 : Une partie de l’imagier (profil droit) ................................................................... 101 Annexe 10 : Photos prises au même moment, caméra opposées ........................................... 102 Annexe 11 : Monographie du protocole de dosage................................................................ 103 Annexe 12 : Données concernant les cycles des vaches de l'étude........................................ 107 16 Introduction Le constat du déclin des performances de reproduction chez la vache laitière est une donnée commune à beaucoup d’études effectuées depuis la fin du XXème siècle (Lucy, 2001). Or la maîtrise de la reproduction est la clef de l’élevage moderne. L’objectif des éleveurs est d’avoir un veau par vache et par an ; cela implique d’avoir un intervalle entre le vêlage et l’insémination artificielle fécondante inférieur à 90 jours. Pour respecter ce délai, trois conditions sont nécessaires. Il faut tout d’abord que les vaches reviennent bien en chaleurs (absence d’anœstrus prolongé, bon état au vêlage, pas de métrite...), que ces dernières soient repérées le plus tôt possible après le vêlage et enfin que l’insémination soit réalisée à un moment propice à la fécondation. Cette étude s’intéresse à un nouveau protocole de détection de l’œstrus : la vidéosurveillance. La première partie, bibliographique, a pour but de rappeler les bases physiologiques du cycle sexuel et du retour à la cyclicité post-partum chez la vache laitière. La deuxième partie, bibliographique également, aborde le comportement des bovins en chaleurs et les différentes méthodes d’aide à la détection couramment utilisées à ce jour. La troisième, enfin, est dédiée à l’expérimentation, son protocole, ses résultats et leur confrontation aux données de la littérature. 17 1. Rappels sur la sexualité des bovins Dans cette partie nous nous emploierons à décrire le cycle sexuel de la vache du point de vue physiologique et histologique, puis nous expliquerons la reprise de cyclicité post-partum ; enfin nous développerons les propriétés ainsi que le dosage de la progestérone. Nous ne traiterons que de la vache laitière, car c’est celle-ci qui est le sujet de l’étude. 1.1. Rappels sur la physiologie sexuelle de la vache 1.1.1. Introduction sur le cycle œstral 1.1.1.1. Propriété du cycle œstral de la vache La vache appartient aux espèces à cycle continu, c'est-à-dire des cycles sans interruption et se succédant toute l'année. La durée du cycle est en moyenne de 15 à 25 jours, avec une succession de plusieurs (2 ou 3) vagues folliculaire (Annexe 1) ; les variations dépendent de l'âge mais aussi de la race, de la saison et des conditions d'entretien de l'animal (Derivaux, 1971). Par définition, les vaches sont en œstrus (ou chaleurs) quand elles acceptent la monte (en se tenant immobiles) par un taureau ou d'autres vaches). Cet œstrus dure en moyenne 20 heures. La ponte ovulaire se situe en moyenne 12 - 15 heures après la fin de l'œstrus (Derivaux, 1971). Les données relatives à la sexualité et la reproduction de la vache sont regroupées dans le tableau I. Propriété Donnée Référence Age de la puberté Saison sexuelle 6-17 mois Toute l’année (Driancourt et al., 1991) (Driancourt et al., 1991) Type d’ovulation Spontanée (Derivaux, 1971) Durée du cycle 14-25j (Driancourt et al., 1991) Type du cycle Polyœstrus (Driancourt et al., 1991) Moment de l’ovulation 10-12h après la fin de l’œstrus (Driancourt et al., 1991) Moment de l’implantation Durée de gestation 35j (Derivaux, 1971) 280j (210-360) (Driancourt et al., 1991) Nombre de veaux par portée 1 (Driancourt et al., 1991) 1-2 (McDonald, 1969) Tableau I : Données sur la reproduction de la vache L'activité de l'ovaire est mise en évidence par l'apparition d'un comportement d'œstrus, celuici permettant de caractériser le début d'un cycle œstral. 18 L'évolution cyclique comprend alors deux phases distinctes: - La phase folliculaire, œstrogénique qui correspond à la maturation des follicules de De Graaf. - La phase lutéinique, ou lutéale, progestéronique, qui s'étend au cours de l'activité des corps jaunes cycliques. A l'exception de la femme et de quelques primates, la période pendant laquelle les cycles peuvent se manifester s'étend de la puberté jusque vers la fin de la vie (Derivaux, 1971). Chez la vache, on peut définir un âge et surtout un poids moyen de la puberté. L'aptitude à la reproduction est acquise quand le jeune atteint 40 à 50% du poids adulte. Ainsi la notion de cycle œstral peut être caractérisée par plusieurs composantes selon que l’on s’intéresse aux événements ovariens, comportementaux, histologiques ou hormonaux. 1.1.1.2. Les phases du cycle On peut définir quatre périodes (Marien, 1993) : * Le proœstrus : période de maturation folliculaire (= phase folliculaire) * L'œstrus: période de fin de maturation et ovulation (= chaleurs) * Le postœstrus ou metœstrus : formation et fonctionnement du corps jaune * Le diœstrus : fonctionnement du corps jaune et lutéolyse. Les durées des différentes phases du cycle sexuel de la vache sont regroupées dans le tableau II: Proœstrus (jours) Œstrus (heures) Metœstrus (jours) Diœstrus (jours) Durée du cycle (jours) 3-4 (McDonald, 1969) 19 (McDonald, 1969) 2 (McDonald, 1969) 15 (McDonald, 1969) 14-25 (McDonald, 1969) Tableau II : Durée des différentes phases du cycle sexuel de la vache 1.1.2. Le cycle comportemental Une vache pubère extériorise régulièrement tous les 21 jours un comportement d'œstrus (Dalichampt, 1989)). L'œstrus (ou chaleurs) correspond à la période d'acceptation du mâle. Cela désigne l'ensemble des manifestations génitales et comportementales précédant et/ou accompagnant l'ovulation, directement induites par les œstrogènes. Celles-ci seront étudiées dans la 2ème partie. 19 1.1.3. Evénements anatomo-histologiques au cours du cycle 1.1.3.1. Les modifications au niveau de l’ovaire 1.1.3.1.1. L'ovaire (Vaissaire, 1977) L'ovaire est à la fois une glande exocrine et endocrine. Il produit des ovules (glande exocrine) et des hormones (glande endocrine), principalement des œstrogènes et de la progestérone. La structure de l'ovaire varie considérablement avec l'âge et la phase du cycle. Chez l'animal pubère, les ovaires sont constitués de deux zones : * la médulla au centre, constituée de tissu conjonctif et parcourue de nerfs et de vaisseaux sanguins. * le cortex, zone périphérique contenant les follicules et le corps jaune. Il est recouvert par un épithélium de surface cubique, le stroma cortical et un tissu lâche de connexion, l'assise conjonctive encore nommée la tunique albuginée. 1.1.3.1.2. 1.1.3.1.2.1. Les follicules ovariens Les follicules primaires (Vaissaire, 1977) Ils sont composés d'un ovocyte primaire de 20µm de diamètre, entouré par une simple couche de cellules épithéliales cubiques ou squameuses, les cellules folliculaires. Les follicules primordiaux sont des follicules primaires surmontés par un simple épithélium squameux. Le stade plus avancé possède un épithélium cubique. Les follicules primaires mesurent environ 40µm de diamètre, sont limités par une membrane basale et sont localisés juste sous l'épithélium de surface du cortex. 1.1.3.1.2.2. Les follicules secondaires (Laforest, 2005) Il s'agit d'un ovocyte primaire entouré d'un épithélium stratifié de cellules de la granulosa. Chez la vache, le follicule secondaire mesure environ 120µm de diamètre et contient un ovocyte de 80µm de diamètre. Ce follicule se caractérise par le développement d'une couche glycoprotéique de 3 à 5µm d'épaisseur, c'est la zone pellucide, autour de la membrane plasmatique de l'ovocyte. Cette zone pellucide est sécrétée par les cellules de la granulosa immédiatement autour de l'ovocyte et en partie par l'ovocyte lui même. Lors du développement folliculaire, de petites cavités liquidiennes se forment parmi les cellules de la granulosa. Une couche vascularisée de cellules en forme de fuseau, les cellules thécales, commence à se former autour de la couche de cellules de la granulosa dans les follicules secondaires plus âgés. 20 1.1.3.1.2.3. Les follicules tertiaires ou antraux ou de De Graaf (Laforest, 2005) Ils sont caractérisés par une cavité centrale, l’antrum. Celui-ci se forme lorsque les cavités liquidiennes, entre les cellules de la granulosa des follicules secondaires, deviennent coalescentes pour former une seule grande cavité contenant le liquide folliculaire. Ce follicule tertiaire juste avant l'ovulation est appelé follicule mûr ou de De Graaf. L'ovocyte mesure alors 150 à 300µm de diamètre. Il est excentré et au sein d'un amas de cellules de la granulosa appelé cumulus oophorus. Les cellules de la granulosa se disposent ensuite radialement en colonne, on parle alors de corona radiata. On pense que cette couronne de cellules fournit les nutriments nécessaires à la vie de l'ovocyte. Ces cellules ne sont plus visibles au moment de l'ovulation des ruminants. Les cellules de la granulosa forment une couche pariétale le long de la membrane basale appelée le stratum granulosum. Ce dernier est entouré par la thèque qui dans les follicules tertiaires comprend deux couches différenciées : la thèque interne vasculaire et la thèque externe de soutien. Un système de capillaires sanguins et lymphatiques est présent dans la thèque interne mais il ne pénètre pas le stratum granulosum. Dans les follicules matures, certaines cellules en fuseau grossissent et prennent des caractéristiques épithélioïdes. Les organismes cytoplasmiques de ces cellules deviennent typiques de cellules sécrétant des stéroïdes. La thèque externe consiste en une fine couche de tissu lâche de connexion disposée de manière concentrique autour de la thèque interne. Les vaisseaux sanguins de la thèque externe fournissent les capillaires de la thèque interne. Un ou plusieurs follicules atteignent un développement maximal au moment de l'ovulation L'ovocyte primaire achève la première division de méiose pour devenir un ovocyte secondaire. Il en résulte la production du premier globule polaire. La seconde division commence tout de suite après la première mais est bloquée en métaphase et n'est achevée que si la fécondation a lieu. 1.1.3.1.3. L'ovulation (Laforest, 2005) Lorsque le follicule est à son développement maximal, il est protubérant à la surface de l'ovaire. Le système vasculaire sanguin et lymphatique autour du follicule favorise un taux croissant de sécrétion d'un fin fluide folliculaire le liquor folliculi. Cette sécrétion est influencée par une augmentation de la pression et de la perméabilité dans les capillaires sanguins au cours du proœstrus et de l'œstrus. L'accumulation de liquide fait gonfler les follicules mais la pression intra folliculaire n'augmente pas. De petites hémorragies ont lieu dans la paroi folliculaire. Cette paroi devient très mince et transparente à la périphérie du site d'ovulation. C'est le stigma. Ces changements dans la paroi du follicule précèdent la rupture qui est due à la libération de collagénases. La LH stimule la production de prostaglandines PGF2α et PGE2. On pense que la PGF2α entraîne la libération des collagénases à partir de cellules folliculaires, causant la digestion de la paroi folliculaire et sa distension au niveau du stigma. Le processus de digestion libère également des protéines qui provoquent une réponse inflammatoire avec une 21 infiltration de leucocytes et la libération d'histamine. Tous ces processus dégradent la paroi et l'épithélium germinatif, alors le follicule se rompt au niveau du stigma et l'ovocyte est libéré. 1.1.3.1.4. L’atrésie (Laforest, 2005) Puisque seulement un petit pourcentage des ovocytes potentiels est libéré par l'ovaire lors de l'ovulation (généralement un seul chez la vache) plusieurs follicules régressent à un certain moment. Cette régression est appelée atrésie. Dans l'atrésie des follicules primaires et secondaires chez la vache, la cellule œuf dégénère avant la membrane folliculaire alors que pour les follicules tertiaires, c'est l'inverse qui se produit. Les changements atrésiques dans les follicules tertiaires résulteraient de la formation de deux types morphologiques différents des follicules atrésiques : oblitératif et kystique. Dans l'atrésie oblitérative, les couches de la granulosa et de la thèque pourraient s'atrophier ou seule la couche de granulosa s'atrophie et la thèque se lutéinise, se fibrose ou se hyalinise autour de l'antrum. Dans les cas d'insuffisance hormonale, ce phénomène pourrait expliquer la persistance pathologique de kystes folliculaires ou lutéiniques. 1.1.3.1.5. Les cellules de la glande interstitielle Chez la vache, les cellules interstitielles proviennent principalement des cellules de la thèque externe des follicules antraux atrésiques ou des cellules hypertrophiées de la granulosa des follicules préantraux (Laforest, 2005) et des vestiges du tissu glandulaire embryonnaire (Guraya, 1968). A la différence des rongeurs, ces cellules ne sont pas organisées en une glande individualisée mais elles jouent également un rôle dans la synthèse des stéroïdes. 1.1.3.1.6. Le corps lutéal ou corps jaune A l'ovulation, le follicule se rompt, collapse et se rétrécit jusqu'à ce que la pression soit réduite La multiplication de la paroi folliculaire est extensive. Le follicule rompu est appelé corps hémorragique en raison du sang qui remplit l'antrum. Immédiatement avant l'ovulation, quelques cellules du stratum granulosum montrent des signes de pycnose. Après l'ovulation, cependant, le stratum est vascularisé par les vaisseaux de la thèque interne. Alors, les cellules de la granulosa s'élargissent, se lutéinisent et forment la population des grosses cellules lutéales du corps jaune. Les cellules de la thèque contribuent à la population des petites cellules lutéales du corps jaune. La lutéinisation est le processus par lequel les cellules de la granulosa et de la thèque se transforment en cellules lutéales. Ceci inclut l'hypertrophie et l'hyperplasie des deux types de cellules. Un pigment jaune, la lutéine, apparaît dans les cellules lutéales chez la vache. Des mitoses post-ovulatoires continuent pendant 40 heures pour les grosses cellules lutéales de la granulosa, et pendant 80 heures pour les petites cellules lutéales de la thèque. L'augmentation de taille du corps jaune, après cette période d'activité mitotique, est principalement due à l'hypertrophie des grandes cellules. Les petites représentent une part 22 mineure du corps jaune et occupent essentiellement les zones trabéculaires périphériques. Cependant, les deux types de cellules sont mélangés dans le corps jaune. Chez la vache, le corps jaune est totalement développé et vascularisé 9 jours après l’ovulation mais il continue à grossir jusqu'au 12ème jour où il atteint environ 25 mm. Au cours du metœstrus et du diœstrus, les grosses cellules lutéales contiennent des organites caractéristiques de cellules synthétisant des stéroïdes. Les petites cellules sont plus chargées en lipides mais contiennent moins de caractéristiques types de synthèse des stéroïdes. Dans les cellules du corps jaune développé et mature, les lipides sont surtout des phospholipides, avec des traces de triglycérides, de cholestérol et leurs esters (Laforest, 2005). Les premiers signes de régression lutéale apparaissent à la fin du diœstrus et entraînent la condensation du pigment lutéal (alors rougeâtre) suivie d'une fibrose. Chez la vache, ces signes sont observés 15 jours après l'ovulation. La régression ultérieure et la résorption du corps jaune ont lieu rapidement après le 18ème jour et sont complètes un à deux jours après l’œstrus. La cicatrice du tissu de jonction restant après la régression s'appelle le corpus albicans (Laforest, 2005). Toutes les structures abordées sont représentées sur la figure 1: Figure 1 : Schéma de l'ovaire (Laforest, 2005) 23 En résumé: Cette description histologique de l'ovaire et de ses structures souligne l'aspect glandulaire de cet organe. En effet, outre la production d’ovocytes, l'ovaire possède d'importantes fonctions endocrines. Il sécrète les hormones sexuelles femelles, œstrogènes et progestérone. * Les œstrogènes sont essentiellement produits par les cellules de la granulosa qui convertissent les androgènes sécrétés par les cellules de la thèque interne. * la progestérone est principalement produite par les grandes cellules lutéales au cours du metœstrus, du diœstrus et de la gestation (Laforest, 2005). 1.1.3.2. Modifications des différentes structures du tractus génital Les modifications ovariennes s'accompagnent de changements au niveau des organes du tractus génital. L'épithélium des trompes, l'endomètre et les glandes utérines, l'activité sécrétoire du col de l'utérus et de la muqueuse vaginale évoluent au cours du cycle. Ces changements permettent: - Le transport et la survie des spermatozoïdes et des œufs fécondés - L'implantation de l’embryon au niveau de l’utérus Ces modifications anatomo-histologiques sont résumées dans le tableau III : 24 25 Ramolli follicule mûr Muqueuse tuméfiée. Sécrétion importante. Rigidité et contractilité marquées. Col ouvert. Glaire cervicale élastique Très dilaté dans sa portion antérieure. Sécrétions vaginales abondantes. Cellules cornifiées. Grandes cellules épithéliales. Nombreux leucocytes Volume plus gros que pendant le diœstrus Congestion. Cellules épithéliales hautes, ciliées Volume accru. Muqueuse turgescente Epithélium cylindrique de hauteur maximale le 3ème Jour. Sécrétion importante Myomètre tonique. Fortement hyperhémié Ovaire Oviducte Utérus Vagin Début de développement du corps jaune. Postœstrus Vagin encore congestionné. Cellules basophiles. Nombre de cellules cornifiées faible. Nombre de leucocytes élevé. Grandes cellules épithéliales. Ecoulement sanguinolent. Tableau III : Modifications histologiques du tractus génital pendant le cycle sexuel d’après Dérivaux (1971) Grand développement des glandes utérines. Nombre de cellules ciliées faible à la fin de cette phase. Corps jaune à la période d'état. vésicule molle de 2 à 3 cm (de long) Diœstrus Muqueuse multiplie ses invaginations. Epithélium glanduliforme. Sécrétion dans la lumière. Nombre élevé de cellules ciliées. Très congestionné. JI à15 : Cellules épithéliales Cellules ciliées en (45 µm) multiplication. Hauteur J16 à JI5 : Cellules des cellules épithéliales 45 épithéliales (27µm) µm. Œstrus Proœstrus Organe 1.1.4. Sécrétion et dynamique des hormones impliquées dans le cycle Le cycle sexuel au niveau de l'ovaire de la vache se caractérise par la succession de deux phases: - Folliculaire, de courte durée, 3 jours, qui consiste en une croissance explosive et une maturation du futur ovule qui va être libéré : elle est caractérisée par la production intense d'œstrogènes. - Lutéale, plus longue, qui est la conséquence de l'ovulation, elle se définit comme la période pendant laquelle le corps jaune est actif et elle est caractérisée par la production de progestagènes (le principal étant la progestérone). Le contrôle hormonal du cycle intervient à quatre niveaux (Bruyas, 1991) : - L'ovaire avec les hormones stéroïdiennes et des polypeptides - L'hypophyse libérant les gonadotropines - L'hypothalamus et son messager hormonal : la gonadolibérine - L'utérus qui synthétise la PGF2α 1.1.4.1. Les hormones ovariennes Ici, nous traiterons essentiellement de la dynamique et du rôle des œstrogènes ; la progestérone sera plus précisément abordée dans le §1.3. 1.1.4.1.1. Sécrétion et dynamique des œstrogènes L'ovaire et les différentes structures dont nous venons de décrire la formation ont des activités endocrines importantes. Pendant la phase folliculaire, les œstrogènes : l'œstrone et surtout le 17β-œstradiol, sont sécrétés par les cellules de la thèque interne aidées par les cellules de la granulosa du (ou des) follicule(s) en maturation. Le taux est de 3-4 pg /ml et triple en 3 ou 4 jours pour atteindre 15-20 pg/ml 24 heures avant l'ovulation (Saumande, 1991). 1.1.4.1.2. Rôle des œstrogènes Ces hormones sont responsables du comportement de “chaleurs” durant l'œstrus. Elles provoquent : - sur l'utérus une hyperhémie, une hypertrophie de la musculeuse (myomètre) et un œdème de la muqueuse (endomètre). Ces phénomènes donnent une consistance "tonique" aux cornes utérines, entraînent l'ouverture du col par relâchement des anneaux musculeux et la sécrétion de mucus. L’imprégnation de l’utérus en œstrogènes augmente sa motricité spontanée et le sensibilise à l’action de l’ocytocine. -sur le vagin, les œstrogènes entraînent une kératinisation des cellules épithéliales de la muqueuse avec modification des propriétés tinctoriales. -sur la mamelle, les œstrogènes entraînent le développement du système canaliculaire. 26 Ces hormones ovariennes interagissent également avec les hormones hypothalamiques et hypophysaires jouant ainsi un rôle dans le déterminisme du cycle œstral. 1.1.4.2. Les hormones hypophysaires gonadotropes 1.1.4.2.1. Sécrétion et dynamique des hormones hypophysaires Elles sont sécrétées par les cellules basophiles de l'hypophyse antérieure, ce sont des glycoprotéines de fort poids moléculaire (3 000 daltons). Ce sont la FSH (follicle stimulating hormone) et la LH (luteinizing hormone). La concentration plasmatique de LH est à un niveau bas dit "tonique" de l'ordre de 1 à 2 ng/ml alors qu'au moment de l'œstrus, 24 h approximativement avant l'ovulation, il y a une décharge cyclique intense (de 40 à 50 fois le taux basal) et de courte durée (6 heures) de LH (Dalichampt, 1989). La cinétique de libération de FSH est analogue à celle de LH : niveau tonique puis décharge cyclique (de plus faible amplitude 3 à 5 fois) au moment de l'ovulation. Par ailleurs, les sécrétions de FSH et surtout de LH ont la particularité d'être pulsatiles (Dalichampt, 1989). Pour la FSH, le pic pré-ovulatoire correspond seulement à une augmentation d'amplitude. Les pics de LH sont peu fréquents pendant la phase lutéale. Leurs fréquence et amplitude augmentent fortement pour donner la décharge cyclique pré-ovulatoire pendant la phase folliculaire. 1.1.4.2.2. 1.1.4.2.2.1. Rôle des hormones hypophysaires FSH Elle provoque la maturation et la croissance folliculaire, elle stimule le développement des follicules jusqu'au stade pré-ovulatoire mais ne déclenche pas l'ovulation. Elle permet d'éviter l'atrésie des follicules et augmente la capacité de liaison des cellules folliculaires vis-à-vis de LH. Elle favorise la multiplication des cellules de la granulosa, mais aussi certains aspects de leur différenciation (stéroïdogenèse, apparition de récepteurs à LH...) (Saumande, 1991). La FSH augmente également la capacité des follicules à synthétiser une aromatase qui permet la transformation des androgènes en 17β-œstradiol (Humblot et Grimard, 1996)). 1.1.4.2.2.2. LH Elle stimule la maturation du follicule de De Graaf et provoque l'ovulation. Mais seule, elle n'est pas efficace. Elle n'est active que si le follicule est développé et possède des récepteurs à LH. Ces derniers augmentent sous l'influence de la FSH. La LH induit la lutéinisation. Elle agit sur les cellules thécales en stimulant la stéroïdogenèse (Saumande, 1991). 27 La LH stimule la sécrétion des œstrogènes et les transformations du cholestérol en progestérone et de la progestérone en androgène. Elle active également la production de progestérone par l'intermédiaire du tissu lutéinique. 1.1.4.3. L’hormone hypothalamique (Bruyas, 1991) L'hypothalamus contrôle la libération de LH et de FSH par l'intermédiaire de la gonadolibérine ou GnRH. L'hypothalamus possède deux régions fonctionnellement différentes : l'hypothalamus médian qui est le centre de la tonicité et l'hypothalamus antérieur, centre de la cyclicité, qui permet la décharge ovulatoire de LH. Il existe donc deux types de sécrétion de la gonadolibérine : une sécrétion tonique responsable de la sécrétion de base de FSH et de LH, et une sécrétion sous forme de pulses très fréquents à l’origine de la décharge cyclique ovulante de gonadotropines. Par ailleurs, l'hypothalamus en connexion avec le thalamus est en étroite relation avec le cortex cérébral et les organes des sens. Des stimuli nerveux tels que la lumière, la température extérieure, le stress et d'autres facteurs de l'environnement influencent l'activité sexuelle. 1.1.4.4. Régulation de la fonction gonadotrope Il s'agit de rétroactions exercées par les hormones ovariennes sur la fonction gonadotrope hypothalamo-hypophysaire. 1.1.4.4.1. Les œstrogènes Ils interviennent par un rétro contrôle positif ou négatif sur l'axe hypothalamo-hypophysaire. Les œstrogènes exercent une rétroaction négative sur l'hypothalamus. En effet, suite à une ovariectomie complète, on constate une hypertrophie de certaines cellules de l'hypophyse antérieure sécrétant de la LH et de la FSH ; parallèlement à cette hypertrophie il y a une augmentation du taux de GnRH. Ce phénomène existe au début de la croissance folliculaire. Un taux élevé d'œstrogènes permet une rétroaction positive sur l'hypophyse antérieure ou sur l'hypothalamus (Humblot et Grimard, 1996) avant l'ovulation, ce qui induit la décharge ovulante de LH. Ce phénomène a lieu en fin de croissance folliculaire. 1.1.4.4.2. La progestérone Sécrétée par le corps jaune, elle exerce une rétroaction négative tant sur l'hypothalamus que sur l'hypophyse, ce qui entraîne une diminution du taux de LH, interdisant ainsi l'ovulation. 1.1.4.5. Les prostaglandines Molécules polyinsaturées, ce sont des dérivés de l'acide arachidonique. Elles sont sécrétées au niveau de l'appareil génital femelle et retrouvées au niveau de l'ovaire et de la paroi utérine. 28 La PgF2α est synthétisée par l'utérus à la fin de la phase lutéale et passe par l'artère utérine qui a des rapports étroits avec l'artère ovarienne: il y a échange à contre-courant entre ces deux structures. Elle provoque la lyse du corps jaune et l'arrêt de la sécrétion de progestérone. Les prostaglandines E1 et E2 agissent sur l'ovaire en stimulant la synthèse d'une collagénase à l'origine d'une rupture du follicule. La sécrétion des différentes hormones au cours du cycle est représentée sur la figure 2 : Figure 2 : Courbe des différentes hormones au cours du cycle P4 PGF2α α 1.2. LH FSH 18 19 20 21 0 18 19 20 0 21 Anœstrus post-partum et reprise de la cyclicité 1.2.1. Reprise de l’activité ovarienne 1.2.1.1. Reprise de la cyclicité Le rétablissement de la cyclicité après le vêlage nécessite trois étapes fondamentales: la reprise d'une activité ovarienne (succession de follicules et de corps jaunes), d'une activité hormonale (sécrétion d'hormones hypothalamiques, hypophysaires, et ovariennes), et d'une activité œstrale (expression de chaleurs). 1.2.1.2. Rétablissement de l'activité ovarienne La reprise de l'activité ovarienne en période post-partum jusqu'au premier follicule ovulatoire est plus souvent observée au niveau de l'ovaire controlatéral à la corne précédemment gravide (Slama et al., 1996). Il semblerait que ce soit par l'intermédiaire des prostaglandines qu'elle 29 synthétise que la corne gestante en involution exerce une influence différente sur l'ovaire ipsi ou controlatéral (Hanzen et Castaigne, 2004). 1.2.1.3. Période d'inactivité ovarienne La période d'inactivité ovarienne peut se définir comme l'intervalle séparant le vêlage de la première ovulation (Humblot et Grimard, 1996). La reprise d'activité commence très tôt en période post-partum et se caractérise par la croissance et la régression de petits (moins de 4 mm de diamètre) et moyens (5 à 9 mm de diamètre) follicules. Chez la vache laitière, au cours de la première semaine du post-partum, la population folliculaire est ainsi essentiellement constituée de petits follicules (Beam et Butler, 1997). Le faible taux de progestérone circulant n'autorise pas le développement et le maintien de la dominance folliculaire (Murphy et al., 1990). Ainsi, on peut observer 1 à 3 vagues folliculaires (chacune de 10 à 12 jours) sans qu'aucune ovulation ne se produise (Savio et al., 1990 ; Slama et al., 1996). 1.2.1.3.1. 1.2.1.3.1.1. Premier cycle ovulatoire Première sélection Dans un second temps, la proportion de follicules de taille moyenne augmente; c'est une étape obligatoire pour que s'effectue la première ovulation. Ces follicules croissent et régressent systématiquement. La sélection parmi ceux-ci du premier follicule dominant (unique et de taille supérieure à 10 mm (Humblot et Grimard, 1996)) a lieu 7 à 15 jours après la mise bas (Slama et al., 1996), ou à 10,2 ±0,5 jours (Murphy et al., 1990), ou à 11,6 ±8,9 (Savio et al., 1990). Beam et Butler (1997) ont décrit trois types de développement folliculaire basés sur le devenir du follicule dominant de la première vague de croissance folliculaire: - dans 46% des cas (75 à 80% selon Savio et al., 1990), il y a ovulation 20 jours en moyenne après le vêlage. Cette croissance folliculaire s'accompagne d'une synthèse d'œstrogènes par le follicule. Il est capable d'inhiber la croissance des autres follicules d'une même cohorte. Ce follicule forme un corps jaune sécréteur de progestérone par la suite; - dans 31 % des cas (10 à 20% selon Savio et al., 1990), cette première vague ne s'accompagne pas d'ovulation mais est suivie d'au moins deux autres vagues 2 à 3 jours après. Cette première croissance folliculaire ne s'accompagne pas de synthèse d'œstrogènes, le follicule s'atrésie. La première ovulation a alors lieu environ au 51ème jour du post-partum ; - dans 23% des cas enfin (0 à 5% selon Savio et al., 1990), le follicule dominant de la première vague continue de grossir et devient kystique. Il secrète des œstrogènes et supprime l'émergence d'une seconde vague folliculaire pendant une période variable. Après régression, il est suivi de l'apparition d'un nouveau follicule dominant. La première ovulation a alors lieu environ au 48ème jour du post-partum. Le devenir du follicule dominant de la première vague a donc un impact sur la durée de la période anovulatoire. 30 1.2.1.3.1.2. Première ovulation Dans la majorité des cas, le premier follicule qui ovule est issu de la première vague. Cette première ovulation s'observe généralement vers 25-30 jours (du 17ème au 42ème jour) chez les vaches laitières selon Butler et Smith (1989). Cependant, la variabilité est élevée (Tableau IV). La première ovulation engendre le premier cycle dit ovarien, car souvent non accompagné de signes de chaleurs (Savio et al., 1990). Référence Bulman et Lamming, 1978 Webb et al., 1980 Savio et al., 1990 Slama et al., 1996 Lamming et Darwash, 1998 Tainturier, 1999 Opsomer et al., 1998 et 2000 Date moyenne de la première ovulation postpartum 24,1 (±0,6) jours post-partum 15,7 (±2,0)jours post-partum 27 (±23) jours post-partum 15 à 17 jours post-partum 28,7 (±14,6) jours post-partum 15 jours post-partum 32 (±27) jours post-partum Tableau IV : Date moyenne de la première ovulation post-partum 1.2.1.3.1.3. Première phase lutéale Les trois schémas de croissance folliculaire vus précédemment ne sont pas sans relation avec la durée variable des premiers cycles au cours du post-partum. La précocité d'apparition du follicule dominant influence la durée du cycle. Plus précoce est la détection du follicule dominant (avant 10 jours post-partum), plus élevée sera la proportion de cycles longs. A l'inverse, une détection tardive (après 20 jours post-partum) s'accompagne habituellement d'un raccourcissement du cycle. Selon Savio et al. (1990) et Slama et al. (1996), on peut ainsi définir trois types de cycles en fonction du niveau d'imprégnation en progestérone du premier follicule dominant ovulatoire : lorsqu'elle est suffisante, le follicule dominant est recruté avant le 10ème jour du post-partum, le cycle peut être: -soit de durée normale (18 à 24 jours, 22 jours en moyenne) avec 2 vagues folliculaires. La phase de durée normale (« inadequat luteal phase ») s'accompagne de concentrations en progestérone plus faibles (Hanzen et Castaigne, 2004) ; -soit plus long (plus de 25 jours, 45 jours en moyenne) avec 3 ou plus rarement 4 vagues folliculaires (Hanzen et Castaigne, 2004); lorsqu'elle est insuffisante, le recrutement s'effectue plus tardivement, après 20 jours post-partum, ce qui détermine un cycle court de 9 à 13 jours avec 1 ou plus rarement 2 vagues folliculaires (« short luteal phase »). Dans ce cas, la durée de vie du corps jaune est limitée, c'est donc la phase lutéale au niveau du plateau de concentration de progestérone (qui est donc plus faible) qui est raccourcie à 5-6 jours (Humblot et Grimard, 1996). Ce type de cycle est le plus 31 fréquemment observé (Webb et al., 1980 ; Savio et al., 1990 ; Murphy et al., 1990 ; Eldon, 1991); lorsqu'elle est intermédiaire, le cycle est normal, court, ou long avec 1, 2, 3 ou 4 vagues folliculaires. 1.2.1.3.2. Cycles suivants La deuxième ovulation se produit en moyenne entre le 30ème et le 35ème jour selon Slama et al. (1996), et au 30ème jour selon Tainturier (1999); on observe 2 ou 3 vagues folliculaires. Le second cycle est généralement un peu plus long qu'un cycle normal: 23,1 ±2,1 jours selon Slama et al. (1996). La troisième ovulation a lieu environ au 48-51ème jour selon Slama et al. (1996), et au 47ème jour selon Tainturier (1999). Le troisième cycle, comme tous les cycles ultérieurs, présente 3 vagues de croissance folliculaire et dure environ 21 jours. La quatrième ovulation a lieu en moyenne au 68ème jour (Tainturier, 1999). 1.2.2. Reprise de l’activité hormonale 1.2.2.1. Rétablissement de l'activité hormonale Le fonctionnement cyclique ovarien a cessé pendant la gestation. Dès le part, des mécanismes hormonaux se mettent en place pour rétablir des cycles sexuels réguliers. 1.2.2.1.1. Période quiescente Pendant la gestation, la progestérone réduit la fréquence et l'amplitude des pics de LH (feedback négatif). De même, la présence de concentrations élevées en œstrogènes en fin de gestation contribue à réduire celles de l'hormone FSH. La mise bas s'accompagne d'une augmentation du cortisol, d'une chute de la progestérone, et de l'augmentation puis d'une diminution dans les 48 heures suivantes des œstrogènes. On observe également un pic de prolactine et d'hormone de croissance, mais pas de modifications immédiates des concentrations en LH et FSH (Humblot, 1978). La progestérone et le 17β-œstradiol atteignent ensuite leur niveau basal au cours, respectivement des 48 et 72 premières heures post-partum (Hanzen et Castaigne, 2004). Avant l'émergence de la première vague folliculaire, les concentrations plasmatiques de progestérone sont faibles (inférieures à 0,2 ng/mL), de même que les concentrations plasmatiques de 17β-œstradiol (inférieures à 5 pg/mL) (Humblot et Grimard, 1996 ; Slama et al., 1996). Il en résulte le passage au cours des 3 à 7 premiers jours du post-partum d'un rétro contrôle négatif à un rétrocontrôle positif sur l'axe hypothalamo-hypophysaire (Hanzen et Castaigne, 2004). 32 1.2.2.1.2. Stimulation de l'axe hypothalamo-hypophysaire On observe ainsi successivement une reprise de la pulsatilité tonique puis cyclique de la GnRH, la libération de la FSH (plus sensible à la stimulation de la GnRH que la LH), l'augmentation de la synthèse hypophysaire de la LH et enfin la sécrétion de la LH (Hanzen et Castaigne, 2004). La sécrétion de GnRH pourrait être affectée par les opioïdes endogènes. L'action inhibitrice de ces molécules a été démontrée chez de nombreuses espèces. En effet, l'injection de naloxone (inhibiteur des opioïdes endogènes) induit une augmentation des concentrations en LH. La sécrétion de ces molécules pourrait expliquer les effets inhibiteurs du stress et de la sous-nutrition (Butler et Smith, 1989 ; Humblot et Grimard, 1996). 1.2.2.1.3. Rôle (moindre) de la FSH Le niveau plasmatique moyen de FSH est faible en fin de gestation (de l'ordre de 20 ng/mL) et augmente rapidement après vêlage jusqu'à 40-100 ng/mL, dès les 5 à 6 premiers jours postpartum (Humblot et Grimard, 1996). La croissance des follicules au-dessus d'un diamètre de 4 à 5 mm, valeur considérée comme valeur seuil, fait suite à cette augmentation de la concentration en FSH (Beam et Butler, 1997). Mais c'est la LH bien plus que la FSH qui constitue l'élément clé de la réponse d'activité ovarienne (Humblot et Grimard, 1996; Beam et Butler, 1999): la dominance folliculaire. La capacité d'un des follicules ainsi recrutés à poursuivre sa croissance et à exercer sa dominance physiologique au cours de la seconde semaine du post-partum va dépendre d'une augmentation de la pulsatilité de la LH et donc indirectement de celle de la GnRH (Hanzen et Castaigne, 2004). 1.2.2.1.4. Stimulation de la sécrétion de LH La quantité de LH contenue dans l'hypophyse antérieure est diminuée de 95% au cours de la gestation. Le niveau plasmatique de LH est donc faible en fin de gestation (inférieur à 1ng/mL) (Humblot et Grimard, 1996). La sensibilité hypophysaire augmente au fur et à mesure du post-partum, notamment sa réponse à la GnRH (Humblot et Grimard, 1996). Chez la vache laitière, la libération pulsatile de la LH et la sensibilité de l'hypophyse à la GnRH endogène ou à une injection exogène apparaît dès le 10ème jour après le vêlage et est maximale entre le 12ème et le 15ème jour (Hanzen et Castaigne, 2004). Ainsi la concentration en LH augmente lentement après le vêlage pour atteindre 2 ng/mL après 10 jours post-partum chez la vache laitière (Humblot et Grimard, 1996; Hanzen et Castaigne, 2004). Deux ou trois pics de LH de faible amplitude sont observés toutes les 6 heures au cours des 10 premiers jours (Slama et al., 1996); soit 0 à 0,25 pulses/heure (Humblot et Grimard, 1996). L'augmentation de la concentration moyenne de LH résulte de l'augmentation de la fréquence et de l'amplitude des pics de cette hormone (Humblot et Grimard, 1996). Au cours de la première vague folliculaire, on observe ainsi 5 ou 6 pics de LH toutes les 6 heures (Slama et al., 1996); soit 0,66 pulses/heure 5 jours avant l'ovulation (Humblot et Grimard, 1996). 33 Par ailleurs, les premiers follicules dominants sécrètent des œstrogènes de façon soutenue (jusqu'à 15 pg/mL) (Slama et al., 1996), ce qui entraîne un rétrocontrôle positif sur l'axe hypothalamo-hypophysaire. Donc, la sécrétion de LH est stimulée à la fois par l’hypothalamus et par les ovaires. De plus, les follicules dominants acquièrent progressivement un nombre croissant de récepteurs à la LH, ce qui améliore son action au niveau de ces organites (Slama et al., 1996). 1.2.2.1.5. 1.2.2.1.5.1. Reprise de la sécrétion de progestérone Lutéinisation folliculaire précoce Lors des vagues folliculaires anovulatoires, Slama et al. (1996) ont remarqué que la croissance du follicule dominant était souvent associée à une augmentation du taux de progestérone jusqu'à 6-8 ng/mL pendant 2 à 3 jours. En effet, la LH induit une lutéinisation précoce des follicules. Ainsi, chez de nombreuses vaches en post-partum, la première ovulation est précédée d'une augmentation légère (jusqu'à 3 ng/mL) de la progestéronémie pendant 3 à 4 jours. Ce phénomène particulier de lutéinisation des follicules sans ovulation avait été soupçonné dans les expériences de Webb et al. (1980). Humblot (1978) affirme que la progestérone a un rôle sensibilisateur de l'ovaire à la LH et du système nerveux central aux œstrogènes. 1.2.2.1.5.2. Pic ovulatoire de LH Dès le 10ème jour post-partum, le taux basal et l'amplitude des pics de LH augmentent progressivement (Webb et al., 1980), mais la fréquence des pulses chute pendant les 5 jours précédant l'ovulation (comme au cours du cycle œstral) (Humblot et Grimard, 1996). De plus, la concentration en 17β-œstradiol augmente suivant les vagues folliculaires jusqu'à une valeur seuil déclenchant un pic ovulatoire de LH. Le premier pic ovulatoire de LH, de grande amplitude, apparaît vers le 15ème jour post-partum, ce qui correspond bien à la date d'ovulation débutant le premier cycle. Ensuite, la reprise de la sécrétion endogène de LH active la lutéinisation du follicule et stimule la sécrétion de progestérone par formation du premier corps jaune. 1.2.2.1.5.3. Lutéinisation folliculaire post-ovulatoire La détermination régulière de la progestéronémie au cours du post-partum révèle que la première positivité de progestérone apparaît en moyenne 5 jours après l'ovulation (Opsomer et al., 1998). Ceci correspond à la date d'apparition du premier corps jaune. Toutes les études ne sont pas d’accord sur la date moyenne d’apparition de la première positivité de progestérone (Tableau V) : 34 Références Lamming et Bulman, 1976 Webb et al., 1980 Opsomer et al., 1998 et 2000 Disenhaus et al., 2003 Taylor et al., 2003 Date moyenne d’apparition de la première positivité de progestérone 24,3 (±1,1) jours post-partum 16,6 (±1,1) jours post-partum 37 (±27) jours post-partum 28 (de 14 à 70) jours post-partum 30 (±4,1) jours post-partum Tableau V : Date moyenne d’apparition de la première positivité de progestérone post-partum Selon plusieurs études, 50% des animaux suivis ont déjà présenté une activité lutéale 20 jours après le vêlage et 90-95% des vaches ont une progestéronémie positive à 50 jours post-partum (Opsomer et al.. 1998 ; Disenhaus et al., 2003). Ainsi, selon Thimonier (2000), la très grande majorité des vaches laitières ont retrouvé une activité sexuelle au moment de la mise à la reproduction. Webb et al. (1980), Staples et al. (1990) et Eldon (1991) précisent que le taux de progestérone maximal du premier cycle est inférieur en moyenne à celui du second cycle (5,95 ng/mL contre 8,79 ng/mL) et des suivants, car la fonction lutéale n'est pas maximale au cours du premier cycle. 1.2.2.1.6. Rôle hypothétique du corps jaune gestatif Selon Humblot (1978), le corps jaune de gestation régresse rapidement dans la semaine suivant le part, il n'est plus fonctionnel à ce moment. Cependant Slama et al. (1996) n'excluent pas sa participation dans la régulation et la reprise de l'activité folliculaire en période postpartum. Le corps jaune gestatif peut montrer une sécrétion résiduelle de progestérone durant les 15 premiers jours après le vêlage. 1.2.2.2. Rétablissement de l'activité œstrale Selon Webb et al. (1980), les premières chaleurs post-partum surviennent entre le 30ème et le 72ème jour chez la vache laitière, ce qui concorde avec les données de Humblot (1978) : entre le 30ème et le 60ème jour. Ainsi, selon Humblot et Thibier (1978), 80% des animaux ont été observés en chaleurs au 60ème jour après le vêlage. D'un point de vue pratique, le retour en chaleurs est le premier signe que l'éleveur va prendre en compte pour considérer qu'une vache a retrouvé une cyclicité normale; c'est également un repère pour détecter les chaleurs suivantes. Cependant, il existe un décalage important entre les premières manifestations œstrales et le rétablissement de l'activité cyclique. Chez la vache, chaque ovulation successive en période post-partum a une plus grande chance d'être associée à un comportement œstral normal. La première ovulation survient presque invariablement sans chaleurs (ovulation dite « silencieuse ») ; les chaleurs n'apparaissent que dans 50% des cas selon Humblot et Thibier (1978), voire seulement dans 10 à 20% des cas selon Humblot et Grimard (1996) ou 11 % des cas selon Murphy et al. (1990). Les chaleurs des cycles suivants sont ensuite raccourcies ou discrètes, mais de plus en plus marquées au fur et à mesure qu'on avance en période postpartum. Ceci peut résulter d'une imprégnation préalable par la progestérone de plus en plus 35 importante et/ou d'un ajustement métabolique et endocrinien à la lactation en cours (Slama et al., 1996). Lors des 2 ou 3 ovulations suivantes, 70 à 80% des animaux manifestent un comportement œstral normal (Humblot et Thibier, 1978). 1.2.3. Facteurs influençant la reprise d’activité 1.2.3.1. Facteurs individuels 1.2.3.1.1. La génétique (Guillaume, 1985) La réponse de l'activité ovarienne après le vêlage comme le retour en chaleurs sont des événements à héritabilité faible (h² < 0,10). L'influence du facteur génétique est donc infime et de toute façon masquée par les autres facteurs. 1.2.3.1.2. La race Une étude de Barton et al., 1996, indique une différence de précocité du retour en chaleurs entre les races Jersey et Holstein avec une première observation en chaleurs à 38,5 jours postpartum pour la première et à 42,4 jours post-partum pour la deuxième. 1.2.3.1.3. L'âge Les vaches primipares ont plus de besoins énergétiques que les multipares, puisque leur croissance est encore inachevée (Guillaume, 1985). Or les déficits énergétiques ont des effets néfastes sur la sécrétion de LH et la croissance folliculaire (Humblot et Grimard, 1996); cela explique que le taux d'anœstrus des primipares soit de l5 à 30% plus élevé que celui des multipares (Tribble et al., 1973). Par ailleurs, la fréquence d'ovulations silencieuses et de chaleurs discrètes est supérieure chez les femelles âgées (Guillaume, 1985). Pour d'autres auteurs, l'âge n'a aucune influence sur la durée de la période acyclique (Staples et al., 1990). 1.2.3.1.4. Les conditions de vêlage Les conditions de vêlage semblent influencer le taux d'anœstrus, il est supérieur chez les vaches ayant eu des dystocies, nécessitant l'intervention humaine (Ducrot et al., 1994). 36 1.2.3.1.5. La production laitière D'une manière générale, la lactation et la fonction de reproduction sont antagonistes. On a démontré que l'ablation de la mamelle provoque la réapparition de l'œstrus dès le 12ème jour post-partum (Short et al., 1972). Le niveau de production laitière joue un rôle dans la reprise de l'activité ovarienne, de fortes productions laitières allongent à la fois l'intervalle vêlage-1ère ovulation et l'intervalle vêlage1er œstrus. L'importance de cette influence varie quelque peu selon les auteurs. Certains ne leur accordent qu'un faible rôle (Marion et Gierh, 1968) (Tableau VI). Certains auteurs ont montré qu'il existait une différence de production de lait significative de 172,8 kg pour une lactation de 305 jours en faveur des vaches nécessitant plusieurs inséminations par rapport aux vaches fécondées à la première insémination (Humblot et Grimard, 1996). Production journalière <22 L 22 à 30 L >30 L Intervalle vêlage - première ovulation 13,1 j 14,0 j 15,5 j Intervalle vêlage - premier œstrus 28,4 j 33,1 j 26,9 j Tableau VI : Niveau de production laitière et reprise de la cyclicité (Marion et Gierh, 1968) De nombreuses publications ont mis en évidence une incidence supérieure de la lactation sur la fertilité. Néanmoins, la production laitière n'agirait plus au delà de 50 jours. La production interviendrait par l'intermédiaire de l'alimentation, un niveau de production élevé induisant un déficit énergétique néfaste à la fonction sexuelle, la notion classique de l'antagonisme lactation - fécondité doit être révisée en tenant compte de la part de responsabilité de l'alimentation, tant au plan quantitatif que qualitatif. 1.2.3.1.6. Le poids et la note d'état corporel De nombreux travaux montrent que le poids influence très fortement le rétablissement de la cyclicité (Crowe et al., 1993 ; Ramirez Iglesia et al., 1992). Il y a une corrélation négative entre le poids de la première semaine après le vêlage et la durée de la période acyclique (Peters et Riley, 1982). Mais il n'y a pas de corrélation entre la perte de poids et l'intervalle vêlage - première ovulation (Staples et al., 1990). La note d'état corporel, mesurée en France sur une échelle de 1 à 5 est un bon indicateur de l’état nutritionnel des animaux. Sa mesure à différents moments du post-partum (ou ses variations) montre qu'elle est en relation avec la durée de l'anœstrus. Une note légèrement supérieure à la moyenne (3 sur 5) paraît optimale pour obtenir des taux de cyclicité élevés. L'état corporel le plus adapté à la reproduction tant pour le vêlage que pour les chaleurs est de 3 (Ramirez Iglesia et al., 1992) (Figure 3). 37 Figure 3 : Pourcentage de vaches en anœstrus en fonction de leur note d'état corporel (Lopez et al., 2005) (Body condition score ou note d’état corporel de 0 à 5) 1.2.3.2. L’alimentation et la balance énergétique Les troupeaux laitiers ont une période d'énergie déficiente, car la production maximale de lait se trouve avant le retour à une capacité d'ingestion maximale. La balance énergétique et le régime alimentaire influencent le nombre de follicules postpartum, chez la vache laitière en lactation (Lucy et al., 1990). Il a été remarqué que les vaches ayant une faible couverture énergétique mettent plus de temps pour former un follicule de 10 mm de diamètre (Staples et al., 1990). 1.2.4. Schémas de reprise de la cyclicité et anomalies possibles L'établissement du type de cyclicité en période post-partum doit tenir compte à la fois de la reprise de cyclicité ovarienne, hormonale et œstrale. C'est pourquoi le diagnostic du type d'anœstrus repose sur la palpation transrectale ou l'échographie du tractus génital, sur les dosages hormonaux, et sur l'observation du comportement (Van de Wield et al., 1979). 38 1.2.4.1. Activités ovarienne et hormonale normales 1.2.4.1.1. Avec activité œstrale normale: cyclicité normale Dans ce premier cas, la cyclicité est normale: les ovulations sont régulières et accompagnées de chaleurs. L'évolution de la progestérone montre une alternance régulière de valeurs faibles en phase œstrale et de valeurs élevées en phase lutéale. Lorsque les chaleurs sont mal détectées, et donc que l'on conclut faussement à un anœstrus, on parle d'anœstrus de détection. Humblot et Thibier (1978) ont pu mettre en évidence que le pourcentage de vaches observées en chaleurs à 60 jours post-partum est beaucoup plus faible dans les troupeaux où les chaleurs sont mal surveillées (35%) que dans les troupeaux où l'observation est continue (80 à 89%). Toutefois, même lorsque les vaches sont bien surveillées, 10 à 20% des animaux ne sont pas vus en chaleurs. Cela souligne bien l'existence d'autres profils d' anœstrus. 1.2.4.1.2. Avec activité œstrale anormale: subœstrus Dans ce cas, la vache est cyclée mais en anœstrus comportemental: une observation continue des chaleurs montre qu'elles sont absentes. A la palpation transrectale à 10-12 jours d'intervalle, les ovaires présentent des remaniements (croissance ou régression d'un corps jaune par exemple) et suggèrent ainsi l'existence d'une activité ovarienne cyclique. Un corps jaune et un follicule (qui est dit anœstrien) sont alternativement palpables. Il existe donc des ovulations, mais elles sont silencieuses. On parle de « subœstrus » ou « d' anœstrus cyclique» (Humblot, 1978; Humblot et Thibier, 1978). Le subœstrus concerne un ou plusieurs cycles, mais c'est sans compter la première ovulation post-partum qui est physiologiquement silencieuse. Selon Bertrand et Chartre (1976), Humblot (1978) et Tainturier (1999), cet état s'observe plus volontiers l'hiver chez les femelles laitières fortes productrices en stabulation entravée. 1.2.4.2. Activités ovarienne et hormonale anormales 1.2.4.2.1. Corps jaune persistant Après la première ovulation, le corps jaune persiste sur l'ovaire, bloquant l'ovulation des follicules. Son activité fonctionnelle est présente au-delà du 18ème (Tainturier, 1999) ou 25ème (Humblot et Thibier, 1978) jour du cycle. Après l'ovulation, la concentration en progestérone augmente rapidement et demeure à un niveau élevé jusqu'à la lyse de ce corps jaune. Cette structure est souvent liée à l'absence de facteur lutéolytique sécrété par l'utérus, dû notamment à la présence d'une métrite de troisième degré ou d'un pyomètre. Les phases lutéales prolongées sont plus fréquentes après le premier cycle qu'après les cycles suivants et sont souvent associées à une première ovulation précoce (Opsomer et al., 2000 ; Royal et al., 2002). 39 Parfois le corps jaune peut être inclus dans le stroma ovarien et donc impossible à percevoir; par conséquent cela fausse le diagnostic s'il est établi uniquement par palpation transrectale (Humblot et Thibier, 1978). 1.2.4.2.2. Kyste ovarien On parle de « maladie ou syndrome kystique» ; cela est lié initialement à la présence d'un ou de plusieurs kystes folliculaires. Le kyste folliculaire est un follicule ovarien qui n'a pas ovulé, qui persiste au moins 10 jours en l'absence de corps jaune, et dont le diamètre excède 25 mm. Tous les phénomènes inhibant l'ovulation (comme une décharge insuffisante en LH) et par conséquent empêchant l'installation d'une phase lutéale normale semblent être des facteurs favorables à la formation des kystes. Un kyste est l'expression d'un cycle anovulatoire. Les kystes apparaissent plutôt en début de période post-partum (premier mois surtout) (Constantin, 1985 ; Tainturier, 1999 ; Lopez-Gatius, 2002). Ce follicule kystique peut être plus ou moins lutéinisé ; lorsque sa paroi est épaisse, elle commence un processus de lutéinisation (on parle de « kyste lutéal»); la progestéronémie peut dépasser 1 ng/mL. L'épaisseur de la paroi du kyste est proportionnelle à son degré de lutéinisation. Un kyste folliculaire peu lutéinisé a une paroi fine facilement rompue à la main. Le kyste lutéal ne doit pas être confondu avec le corps jaune kystique, dû au creusement d'une cavité interne dans le corps jaune périodique; son diamètre n'excède pas 20 mm et il n'influence pas l'activité ovarienne différemment d'un corps jaune normal (Constantin, 1985). Les kystes ovariens s'accompagnent de quatre dominantes comportementales: comportement normal, irrégularité et allongement des cycles, anœstrus (plutôt avec un kyste lutéal), nymphomanie (plutôt avec un kyste folliculaire) (Tainturier, 1999). Quelques rares cas de virilisme sont également observables (Constantin, 1985). Chaque structure kystique est dynamique: elle tend à évoluer dans le même sens que le corps jaune physiologique (50% des kystes régressent spontanément selon Lopez-Gatius (2002)), mais cela retarde la reprise d'activité ovarienne normale. La régression des kystes lutéofolliculaires peut ainsi fort bien apparaître aussi rapidement que pour le corps jaune (Constantin, 1985). 1.2.4.2.3. Interruption de cycle Parfois, après une ovulation, le corps jaune formé a été lysé normalement mais la cyclicité est interrompue pour une durée variable; elle reprend ensuite normalement. On attribue cette interruption de cycle aux kystes ovariens (notamment folliculaires par défaut d'ovulation), à la formation d'un corps jaune incompétent (faiblement sécréteur de progestérone) ou à une mise au repos totale des ovaires (Lamming et Darwash, 1998). Les cycles apparaissent donc irréguliers et rendent plus difficile la détection des chaleurs. 40 1.2.4.3. Activités ovarienne et hormonale absentes: anœstrus vrai La vache n'a toujours pas été vue en chaleurs jusqu'au 60ème jour post-partum. L'ovaire présente souvent plusieurs dizaines de vagues folliculaires successives sans jamais donner naissance à un follicule dominant ; il n'y a jamais eu d'ovulation. A la palpation transrectale, les deux ovaires sont petits (de la taille d'une amande) et lisses (sans structure saillante bien nette). Ce type de cyclicité est associé à un taux bas et prolongé de progestérone. On parle « d’anœstrus vrai, d’anœstrus anovulatoire ou d'inactivité ovarienne» (Humblot, 1978; Tainturier, 1999). Ce type d’anœstrus est plus volontiers observé chez les vaches fortes laitières (Tainturier, 1999). 1.2.4.4. Synthèse des données (Tableau VII) Ce qui est anormal est en italique Cyclicité normale Subœstrus Corps jaune persistant Kyste ovarien Anœstrus vrai Chaleurs Palpation transrectale ou échographie Régulières Alternances follicules/corps jaunes Absentes Alternances follicules/corps jaunes Absentes Corps jaunes > 1825 jours Régulières, Follicule > 25mm et irrégulières, absentes > 10 jours ou persistantes Paroi plus ou moins épaissie Absentes Ovaires petits et lisses Progestéronémie Alternances valeurs faibles / élevées Alternances valeurs faibles / élevées Valeurs élevées Valeurs faibles ou élevées Valeurs faibles Tableau VII : Synthèse du retour de la cyclicité post-partum chez la vache laitière 41 1.3. Place de la progestérone dans le cycle de la vache Dans cette section, nous allons centrer nos propos exclusivement sur la progestérone, son rôle et son intérêt dans la détection de l’œstrus. 1.3.1. Rappel biochimique et physiologique 1.3.1.1. Structure de la progestérone Les progestagènes et la progestérone sont des stéroïdes dérivant du cholestérol et dont la structure fondamentale est le noyau pregnane à quatre cycles qui possède ici, et à la différence d'autres stéroïdes, 21 atomes de carbone, et caractérisé par une double liaison entre les carbones 4 et 5 et par des fonctions cétone en 3 et 20 (Figure 4). Cette molécule possède six centres d'asymétrie dont cinq (les carbones 8, 9, 10,13 et 14) ont toujours la même orientation. Le sixième (carbone 17) détermine les isomères alpha et bêta (Thibier et al., 1973). Figure 4 : Formule développée de la progestérone 1.3.1.2. Propriétés physiques (Beaudouin-Reinartz, 1985) La progestérone est une structure cristalline incolore de poids moléculaire faible. Elle n’est pas antigénique. Elle est peu soluble dans l'eau mais très soluble dans de nombreux solvants organiques (éther, essence, ...). Elle est active sur la lumière polarisée et présente une bande d'absorption dans l'ultra violet avec un maximum d'absorption à 240 µm ainsi qu'une fluorescence en milieu alcalin. 1.3.1.3. Propriétés chimiques (Beaudouin-Reinartz, 1985) La rareté des groupements fonctionnels de la molécule conditionne le peu de dérivés possibles de la progestérone. Les propriétés chimiques sont peu nombreuses. Il faut noter quelques dérivés d'addition et de substitution (utilisés notamment comme substance contraceptive) et la réduction aisée par des enzymes spécifiques telles que la 20-α-hydroxystéroïdogénase dans le métabolisme de la progestérone. Soulignons également que la progestérone étant peu polaire, sa migration chromatographique sera importante. 42 1.3.1.4. Métabolisme de la progestérone chez la vache 1.3.1.4.1. Synthèse Synthétisée à partir du cholestérol, la progestérone est sécrétée principalement par les ovaires, dans une faible mesure par le placenta et les corticosurrénales. Elle a une place particulière dans la synthèse des stéroïdes hormonaux à partir du cholestérol : elle apparaît en effet comme une plaque tournante capitale pour la biosynthèse des minéralocorticoïdes, des glucocorticoïdes, des androgènes et des œstrogènes (Dalichampt, 1989). Comme nous l’avons vu plus haut, la progestérone est essentiellement sécrétée par le corps jaune (de 10 à 300µg/g) (Forest et Levasseur, 1991), glande endocrine très particulière. Le stroma ovarien en synthétise également un peu (1,7 à 3,8 µg/g). L'activité sécrétoire du corps jaune est en effet transitoire, elle a une évolution parallèle à sa morpho-histologie. Deux transformations de cette glande sont capitales: - Tout d'abord lors de la lutéinisation, on assiste en particulier à un remaniement enzymatique permettant la sécrétion par ces cellules lutéales de la progestérone exclusivement. La montée du taux de progestérone est donc décalée de 3 à 7 jours (Webb et al., 1980). - La deuxième transformation importante consiste en une régression brutale de cette glande. Ce phénomène est nommé lutéolyse. Pendant la gestation, le corps jaune assure l'essentiel de la sécrétion de progestérone chez la vache, malgré l'intervention du placenta qui aura un rôle secondaire contrairement à ce qui se passe dans d'autres espèces. Ainsi la castration d'une vache gravide avant les 170-180éme jours de gestation est toujours suivie d'un avortement dans les deux jours. Une castration plus tardive entraîne une réduction de la durée de gestation et une rétention annexielle. Une insuffisance lutéale a donc toujours de graves conséquences chez la vache (Beaudouin-Reinartz, 1985). On constate donc que la sécrétion de progestérone se fait parallèlement à la modification morpho-histologique de ce corps jaune. On reconnaît trois phases, soit J0 étant le jour de l'ovulation. De Jl à J4: développement du corps jaune et activité sécrétrice réduite, il est peu productif (Kelton et al., 1991). De J5 à J16 : croissance du corps jaune et sécrétion en plateau. De J17 à J21 : dégénérescence du corps jaune. Au niveau du corps jaune, on observe un cycle de production de la progestérone au cours duquel la sécrétion est multipliée par 30 (Dalichampt, 1989). 1.3.1.4.2. Diffusion et stockage de la progestérone dans l'organisme Le transport de la progestérone dans le sang se fait quasi exclusivement (à 95%) liée à des protéines. La principale protéine porteuse est la CBG ou Corticosteroïd Binding Globuline, et à un degré moindre, l'albumine sérique. Le rôle de ces protéines est d'une part d'assurer le transport de l'hormone jusqu'à l'organe cible, d'autre part de constituer une réserve circulante de progestérone permettant ainsi une régulation du taux de progestérone libre disponible pour 43 les tissus récepteurs. La concentration dans le plasma est extrêmement variable au cours du cycle œstral (de 0,1 ng/ml à l0 ng/ml) et reste toujours très élevée pendant la gestation. Le tissu adipeux, dans lequel la concentration est de cinq à dix fois celle du plasma, représente le principal tissu de réserve (Thibier et al., 1973). 1.3.1.4.3. Transformation et élimination La progestérone est réduite par le foie en pregnan3-20diol. Cette réaction est rapide et permanente ce qui explique l'inactivité de la progestérone naturelle par voie orale. Elle est également dégradée par les globules rouges chez les bovins, ceci pose donc des problèmes lors du dosage de la progestérone dans le plasma lorsque les échantillons de sang utilisés n'ont pas été centrifugés assez rapidement. L'interaction entre la progestérone et les globules rouges a été étudiée in vitro (Vadhat et al., 1968). Ces auteurs démontrent la dégradation de la progestérone en métabolites tels que la 20-α-dihydroprogestérone. Une enzyme, la 20-α-hydroxystéroïd-déshydrogénase présente dans le sang et les érythrocytes des bovins, cataboliserait cette interconversion. De plus la présence de glucose favoriserait cette réaction (Vadhat et al., 1968). Alors que la progestérone est éliminée à 50% sous forme de pregnanediol urinaire (d’où les dosages colorimétriques chez la femme), l'élimination urinaire de la progestérone chez la vache ne représente que 3% (Williams, 1962). L'élimination se fait principalement par la bile (avec une réabsorption partielle au niveau de l'intestin grêle) et dans les fèces (50% du catabolisme de la progestérone) (Williams, 1962). 1.3.1.5. Propriétés biologiques de la progestérone Seule elle est peu active, ses effets n'apparaissent que si il y a eu auparavant imprégnation œstrogénique. Elle empêche les chaleurs et encourage un comportement approprié à la gestation. Elle diminue la tonicité des cornes utérines et stimule le développement des glandes utérines, induit leur sécrétion et rend l'endomètre réceptif à l'implantation du zygote. Elle développe les acini mammaires. Elle possède également un effet analgésique pour ses dérivés et un effet hyperthermisant. Ceci explique que chez 70% des femelles, on observe une chute thermique d' 1°C environ suite à la diminution de la progestéronémie pré-partum (Bertrand et Chartre, 1976). 1.3.2. Evolution de la progestéronémie 1.3.2.1. Au cours du cycle œstral La progestéronémie péri-œstrale est très faible: inférieure à 1 ng/mL (Bertrand et Chartre, 1976; Tainturier, 1977). C'est à partir de J4 qu’elle va significativement s'accroître (Tainturier, 1977) ; elle continue à augmenter proportionnellement à la taille du corps jaune jusqu'à atteindre un plateau entre J10 et J16 à 5-10 ng/mL selon Bertrand et Chartre (1976) ou à 7-8 ng/mL selon Tainturier (1977). 44 Elle va finalement s'effondrer autour de J18 lors de la lutéolyse (Bertrand et Chartre, 1976; Tainturier, 1977). La demi-vie de la progestérone est courte (22 minutes), ce qui explique que la diminution de la concentration dans le sang soit soudaine (Bertrand et Chartre, 1976). Synthèse graphique (Figure 5) : Il est intéressant de représenter graphiquement l'évolution de la progestéronémie en fonction du temps au cours d'un cycle œstral; on distingue bien le plateau de progestérone caractéristique de la phase lutéale : Figure 5 : Courbe de progestérone au cours du cycle (D’après Horan et al., 2005) Légende : AI : Insémination artificielle CLA : Début d’activité lutéale ; ILI : Intervalle interlutéal ; IOI : Intervalle interovulatoire LP : Phase lutéale ; TPR : Pic transitoire de progestérone 1.3.2.2. Au cours de la gestation En cas de gestation, la concentration en progestérone est similaire à celle du diœstrus dans les 14 premiers jours. Puis vers le 15-17ème jour du cycle, la transformation du corps jaune cyclique en corps jaune gestatif est assurée d'une part par une intervention locale de l'embryon qui bloque l'action lutéolytique de l'utérus en inhibant la sécrétion de PGF2α (par la sécrétion d'interféron Tau), et d'autre part par le maintien de l'action lutéotrope d'hormones hypophysaires (LH et prolactine). Le corps jaune gestatif se situe sur l'ovaire du côté de la corne gravide. Il est responsable de la sécrétion de progestérone. Vers 15-19 jours de gestation, la progestéronémie chute légèrement, puis elle remonte à un taux élevé pendant le reste de la gestation (Eldon, 1991). Le taux de progestérone est relativement stable chez les femelles gravides; le taux maximum a été mesuré à 26 ng/mL autour du 245ème jour de gestation. La progestéronémie décline ensuite 20 à 30 jours avant le part; elle est de 14 ng/mL au 260ème jour. Puis, elle diminue brutalement la veille du part (30 à 40 heures avant selon Humblot (1978)). Ainsi, dès les premiers jours suivant la mise bas, la progestéronémie n'excède généralement pas 0,61 ng/mL (Bertrand et Chartre, 1976; Humblot, 1978). 45 Le corps jaune de gestation ne sécrète la progestérone que jusqu'au 160ème jour de gestation pour Tainturier (1977) ou jusqu'au 165-180ème jour pour Bertrand et Chartre (1976). Au delà du 160ème jour, c'est le placenta qui prend le relais de cette synthèse. Ainsi, l'ovariectomie après le 200-230ème jour n'entraîne plus l'avortement, mais raccourcit la gestation et s'accompagne d'une rétention annexielle (Bertrand et Chartre, 1976). 1.3.3. La progestérone et le lait de vache Cette hormone est retrouvée en grande quantité dans le lait de vache où elle atteint des concentrations nettement supérieures aux concentrations plasmatiques. Néanmoins les taux de progestérone du lait sont étroitement corrélés aux taux plasmatiques. L'utilisation du lait pour le contrôle du statut sexuel de la vache présente par rapport au sang l'avantage d'une collecte plus facile et d'une meilleure conservation par l'ajout de substances adéquates. Mais les taux présents dans le lait subissent l'influence de plusieurs facteurs et sont moins réguliers que ceux observés dans le sang (Cardinaud, 1987). Nous verrons que la progestérone dans le lait se caractérise par une absence de régulation propre et par une liaison avec les facteurs lipidiques du lait. 1.3.3.1. Explication de la présence de progestérone dans le lait de vache La présence de progestérone s'expliquerait par la filtration de cette hormone du plasma dans la mamelle. Sa concentration dans le lait est donc similaire, avec un décalage de 24 heures, à celle du plasma (Beaudouin-Reinartz, 1985). Cependant la concentration de la progestérone est plus élevée dans le lait notamment au cours de la gestation. Ceci pourrait s'expliquer par une augmentation du transfert à travers la glande mammaire ou bien par la présence durant cette période de métabolites interférant avec la progestérone du point de vue de son dosage. Certains auteurs remettent en cause l'origine de la présence de progestérone dans le lait et évoquent soit une filtration du sang vers le lait, soit une réelle synthèse par la glande mammaire (Beaudouin-Reinartz, 1985). En conclusion, si la présence de progestérone dans le lait a été très clairement établie, son origine demeure incertaine. Il y a tout lieu de penser cependant qu'il s'agit d'une filtration passive suivant le gradient de concentration du plasma vers le lait : une sécrétion active de progestérone par la glande mammaire nécessiterait une dépense d'énergie tout à fait superflue. 1.3.3.2. Relation entre la progestérone et le pourcentage de matière grasse (=taux butyreux) La progestérone, hormone stéroïde liposoluble, se lie aux globules gras présents dans le lait. Cette association a été démontrée par de nombreux auteurs (Thibier et al., 1973 ; Hoffmann et al., 1974), et certains d'entre eux ont essayé d'établir une relation directe entre ces deux facteurs: ils montrent que d'une façon générale la concentration en progestérone augmente de 3ng/ml pour toute augmentation de 1% en matières grasses (Hoffmann et al., 1974). 46 Ces résultats confirment donc l'importance de l'interaction entre la progestérone et la matière grasse du lait. Il y a aussi tout lieu de penser qu'une variation du taux butyreux aura des répercussions sur le taux de cette hormone. 1.3.3.3. Variations, dues au cycle sexuel, du taux de progestérone dans le lait au cours du cycle œstral La concentration de progestérone dans le lait reflète aussi le fonctionnement ovarien, et son évolution au cours du cycle œstral. Elle est tout à fait parallèle à celle observée dans le plasma. Cependant, si la variation du taux de progestérone dans le plasma et la variation du taux de progestérone dans le lait sont comparables, ce dernier est toujours plus élevé que dans le plasma. Ainsi le taux de progestérone dans le lait est un excellent témoin de l'activité ovarienne (Ginther et al., 1976). 1.3.3.4. Variation d’origine non sexuelle du taux de progestérone dans le lait La progestéronémie est régulée par un mécanisme complexe expliqué précédemment. Elle est ainsi parfaitement adaptée aux besoins de l'organisme suivant le stade de reproduction (activité cyclique, gestation). Quant au taux de progestérone dans le lait, celui-ci n'est sous la dépendance d'aucun système propre de régulation. Il est directement lié à la concentration plasmatique de cette hormone ainsi qu'à la composition du lait. 1.3.3.4.1. La race Les taux les plus élevés en progestérone dans le lait se retrouvent chez les races à taux butyreux également très élevé (cf. §1.3.3.2) (Pennington et al., 1981 ; Ginther et al., 1976). 1.3.3.4.2. Les mammites Les études de Kassa et al. (1986) ont permis de montrer qu'en cas de mammite il existait une chute significative du taux de progestérone. Dans le cadre d'un diagnostic de gestation, il n'est cependant pas nécessaire d'exclure le lait des quartiers à mammite, contrairement au cas d'un diagnostic de cyclicité (Kassa et al., 1986). 1.3.3.4.3. Moment du prélèvement Indépendamment de toute fluctuation d'origine endocrine, le taux de progestérone du lait varie de façon notable d'un jour à l'autre du cycle œstral ainsi qu'au cours même de la journée. 47 1.3.3.4.3.1. Variation du taux de progestérone dans le lait d'un jour à l'autre du cycle œstral Nous avons vu que la courbe représentant les variations de la progestéronémie au cours du cycle œstral a une allure relativement constante et présente classiquement 4 phases. On observe une concentration basse de progestérone lors de l'œstrus à laquelle succède une augmentation progressive puis un plateau relativement élevé avec, pour terminer, un effondrement de cette concentration . En réalité, une courbe représentée de façon moins schématique révèle, tout en conservant la même allure générale, des fluctuations notables d'un jour à l'autre. Ces fluctuations d'un jour à l'autre sont très atténuées lorsque cette hormone est dosée dans le plasma ou le lait écrémé (Pope, 1976). 1.3.3.4.3.2. Variation du taux de progestérone du lait entre les traites du matin et du soir Chez une même vache, la concentration en progestérone du lait varie de façon notable entre les traites du matin et du soir. Sont obtenues comme valeurs de la concentration de progestérone dans le premier lait respectivement 21,8 ng/ml (+/- 2,0 ng/ml) et 13,9ng/ml (+/1,7ng/ml) à la traite du soir et à celle du matin (Pennington et al., 1981). Donc la concentration en progestérone du lait est généralement plus élevée le soir que le matin. 1.3.3.4.3.3. Variation du taux de progestérone au cours de la traite De nombreux auteurs ont également observé une fluctuation entre les concentrations de progestérone obtenues dans un échantillon de lait prélevé en début de traite et fin de traite, ainsi que dans un échantillon prélevé à partir de la traite complète : le lait du début de traite (se rapproche le plus du taux plasmatique) est relativement pauvre en progestérone par rapport au lait de fin de traite et à celui de la traite complète. Ces deux derniers types de lait présentent un taux de progestérone à peu près similaire (Pennington et al., 1981). 1.3.3.4.3.4. Relation entre la variation suivant le moment de prélèvement, du taux de progestérone d'une part et du taux de matières grasses d'autre part Le taux butyreux du lait varie au cours du cycle œstral et présente une valeur relativement basse au moment de l’œstrus. Les fluctuations du taux de progestérone d'un jour à l'autre ne se retrouvant ni dans le plasma ni dans le lait écrémé, il y a tout lieu de penser que cette variation d'un jour à l'autre est liée à la variation du taux butyreux. Certains auteurs constatent que la variation de la concentration en progestérone du lait suivant le moment du prélèvement est directement liée aux fluctuations du taux butyreux (Ginther et al., 1976). Pour d’autres, le pourcentage de matière grasse ne serait pas seul à l'origine des variations de concentration de la progestérone dans le lait in vivo (en excluant toujours les variations dues au cycle sexuel). Ces auteurs mettent en évidence une corrélation entre ces variations et le pourcentage de matières azotées (Thibier et al., 1976). 48 En résumé: La corrélation entre le taux de progestérone et le taux butyreux est moins importante chez les vaches non gestantes que chez les vaches gravides. En effet, l'importance de la variation d'origine sexuelle de la concentration de cette hormone suivant le jour du cycle chez les vaches vides prédomine (Pennington et al., 1981). 1.3.4. Dosage de la progestérone en pratique 1.3.4.1. Intérêts du dosage Pour déterminer l'état physiologique d'une femelle, les informations issues de l'observation du troupeau sont primordiales mais trop souvent incomplètes; la simple détection visuelle des chaleurs présente des limites. Ainsi, le dosage de progestérone est une information supplémentaire pour affirmer une reprise de la cyclicité post-partum, confirmer un œstrus, ou diagnostiquer une gestation. 1.3.4.1.1. Diagnostic de cyclicité Le dosage permet ici de connaître l'état physiologique d'une vache laitière qui n'a pas été vue en chaleurs depuis le vêlage. Il est possible de commencer les analyses depuis le vêlage pour avoir un bilan complet de la cyclicité ou seulement dès 50 jours post-partum pour diagnostiquer les anœstrus pathologiques (Thimonier, 2000). 1.3.4.1.1.1. Principe Il n'existe pas de développement spontané de corps jaune sans ovulation préalable. Si le taux de progestérone est élevé chez une vache, cela signifie qu'un corps jaune est présent ; or celuici, témoin fiable de l'ovulation, permet d'affirmer que l'animal est cyclé. Ainsi, d'une part, pendant la période d'anœstrus anovulatoire, la progestéronémie reste inférieure à 0,5 ng/mL ; d’autre part, chez les femelles cyclées, les niveaux de progestérone sont caractérisés par une alternance de valeurs faibles (moins de 1 ng/mL) pendant la période péri-ovulatoire et élevées (plus de 1 ng/mL) pendant la majeure partie de la phase lutéale. Ainsi, la progestéronémie de la phase folliculaire est environ dix fois moins élevée que celle mesurée en phase lutéale (Bertrand et Chartre, 1976). Selon Thibier (1983), le diagnostic de cyclicité doit impliquer des dosages de progestérone tous les 10 à 12 jours, alors que selon Thimonier (2000), deux prélèvements à 8 ou 11 jours d'intervalle suffisent. On se place dans le cas d'une femelle laitière en post-partum, non vue en chaleurs et encore non inséminée, pour laquelle on veut savoir si la cyclicité est établie ou non. Dans cette hypothèse, plusieurs états physiologiques sont possibles: - anœstrus vrai : les ovaires ne sont pas fonctionnels et ne sécrètent pas d'hormones; - anœstrus lié à la persistance d'une structure sécrétante ; - corps jaune persistant (dont l'activité fonctionnelle sécrétoire est présente au delà du 18ème jour du cycle (Tainturier, 1999)) ou kyste folliculaire lutéinisé (kyste dit lutéal) ; - kyste folliculaire non lutéinisé : c'est un follicule kystique dont la sécrétion de progestérone n'excède pas 1 ng/mL (Tainturier, 1999) ; 49 - subœstrus : la vache est cyclée mais en anœstrus comportemental; - anœstrus de détection: la cyclicité est régulière avec des chaleurs existantes mais non détectées. Il s'agit de quatre cas d'anœstrus dans lesquels par définition on n'observe pas de chaleurs. On ne sait donc pas si la cyclicité est effectivement rétablie. 1.3.4.1.1.2. Interprétation Voici donc les quatre possibilités de résultats résumant les deux dosages successifs de la progestérone (Tableau VIII): 1er Dosage à 2ème dosage entre J8 Etat Physiologique J0 et J11 <1 ng/mL <1 ng/mL Anœstrus vrai ou kystes folliculaires non lutéinisés <1 ng/mL >1 ng/mL Anœstrus de détection ou subœstrus >1 ng/mL <1 ng/mL Anœstrus de détection ou subœstrus >1 ng/mL >1 ng/mL Corps jaune persistant ou kyste lutéinisé Tableau VIII : Interprétation des dosages de progestérone (Thimonier, 2000) 1.3.4.1.1.3. Exactitude L'exactitude de cette méthode d'interprétation a été estimée en comparant les résultats obtenus avec l'endoscopie. La concordance est de 97% avec cette technique (Thimonier, 2000). 1.3.4.1.1.4. Limites (Thimonier, 2000) Le dosage de progestérone ne permet pas de différencier un anœstrus de détection d'un subœstrus. Seule une observation rigoureuse des chaleurs permettra de faire la différence. Un seul prélèvement avec une valeur élevée est indicatif d'une activité lutéale, mais on ne peut pas toujours faire la différence entre une cyclicité correctement établie et un corps jaune persistant. Dans le premier cas, les deux dosages ont pu être effectués au cours d'une même phase lutéale ou au cours de deux cycles consécutifs. Pendant la période post-partum, il est également difficile de mettre en évidence les cycles ovulatoires de courte durée, d'une part parce que leurs durées réduites ne correspondent pas aux intervalles fixés, et d'autre part à cause des faibles taux de progestérone sécrétée. 1.3.4.1.1.5. Autres applications Le suivi de la progestéronémie permet d'affiner le diagnostic de cyclicité: dater la première ovulation post-partum, suivre l'évolution des corps jaunes successifs, et détecter des cycles atypiques (Pryce et al., 2004). Cette analyse présente l'avantage de bien mettre en évidence la dissociation entre l'œstrus et l'ovulation: elle détecte les œstrus sans ovulation et les ovulations sans œstrus (Thimonier, 2000). 50 Dans des élevages laitiers comportant une même race, il est possible d'avoir une bonne estimation du pourcentage de femelles cyclées à un moment donné. Il suffit de le corréler avec le pourcentage de femelles ayant un taux de progestérone élevé (environ les 2/3 de la population trouvée car la phase lutéale représente les 2/3 du cycle œstral en jours) (Thimonier, 2000). 1.3.4.1.2. Confirmation d'œstrus Avec une analyse ponctuelle, le jour présumé des chaleurs, on pourra confirmer si la vache est bien en phase œstrale où la progestéronémie devrait être inférieure à 1 ng/mL. Il est intéressant de noter que dans 10 à 20% des inséminations (15% selon Thibier (1983)), les taux de progestérone sont supérieurs à 1 ng/mL, ce qui renforce bien l'impact zootechnique et financier de la mauvaise détection des chaleurs: mauvaise connaissance de la cyclicité des animaux et pertes dues à une insémination mal conduite (Thimonier, 2000). 1.3.4.1.3. 1.3.4.1.3.1. Diagnostic de (non)-gestation Principe On ne peut différencier une femelle gravide d'une femelle non gravide qu'à partir du moment où le taux de progestérone chute chez la femelle non gestante alors qu'il reste élevé chez la femelle gestante. Le dosage ne s'effectue donc qu'entre le 19éme et le 24éme jour (ou entre le 21éme et le 24éme jour selon les auteurs) après l'insémination (Tainturier, 1977; Thimonier, 2000). Selon Thimonier (2000) un seul prélèvement suffit, cependant la fiabilité du dosage peut être augmentée en effectuant une mesure supplémentaire le jour de l'insémination (Bulman et Lamming, 1978). 1.3.4.1.3.2. Interprétation Pour interpréter un dosage de progestérone, il existe deux points fondamentaux (Thibier et al., 1976). D'une part, la gestation n'est possible que si un corps jaune sécrétant de la progestérone en quantité importante est présent, et d'autre part, cette sécrétion est identique à celle du corps jaune cyclique. La concentration sanguine minimale prise en considération pour déclarer l'animal gestant est comprise entre 1 et 3 ng/ml selon les auteurs (Hanzen et Castaigne, 2004). Donc, il existe plusieurs cas possibles: - à J19-24, la progestéronémie est faible (< 2 ng/mL) : la vache est en phase folliculaire, elle est donc assurément vide (Thimonier, 2000) ; - à J19-24, la progestéronémie est élevée (> 2 ng/mL) : c'est une gestation ou la phase lutéa1e d'un cycle anormalement court ou long (Thimonier, 2000). Cette valeur n'exclut pas une éventuelle mortalité embryonnaire ou fœtale à venir (Tainturier, 1977). 1.3.4.1.3.3. Fiabilité Utilisant la méthode de dosage de référence et considérant un seuil minimal de 1 ng/mL pour déclarer l'animal gestant, des études ont rapporté une spécificité de 58-67 %, une sensibilité 51 de 90 % et des valeurs prédictives positives et négatives respectivement de 66-77 % et de 9097 %. Le dosage de progestérone est donc davantage un diagnostic de non gestation qu'un diagnostic de gestation (Hanzen et Castaigne, 2004). 1.3.4.2. Méthodes de dosage Deux types de dosage de la progestérone sont actuellement utilisés: les dosages radioimmunologique et immuno-enzymatique. Quelle que soit la méthode utilisée, ce dosage peut s'effectuer aussi bien dans le sang que dans le lait. 1.3.4.2.1. Méthode radio-immunologique La méthode radio-immunologique se base sur l'utilisation d'anticorps anti-progestérone et de progestérone marquée à l'H3 ou à l’I25. Il s'agit de mettre en contact le prélèvement avec la progestérone marquée en quantité connue et importante, et avec des anticorps en quantité connue. Ces anticorps sont saturés par la progestérone du prélèvement et par une partie de la progestérone marquée. L'excès d'hormone radioactive est ensuite séparé des complexes antigène-anticorps selon divers procédés et mesuré par un spectrophotomètre. A l'aide de cette valeur et d'une courbe étalon, la concentration en progestérone dans le prélèvement peut être déterminée (Thibier et al., 1973). 1.3.4.2.2. Méthode immuno-enzymatique La méthode immuno-enzymatique repose sur une technique ELISA (Enzym Linked ImmunoSorbent Assay) de compétition. Le principe de cette technique est la suivante : la paroi du tube de réaction est recouverte d'un anticorps anti-progestérone. Après introduction du prélèvement, une solution renfermant une quantité connue de progestérone liée à une enzyme est ajoutée. Ce faisant, la progestérone du prélèvement entre en compétition avec la progestérone liée à l'enzyme au niveau des sites de fixation des anticorps tapissant la paroi du tube. La lecture au bout de quelques minutes du résultat de cette compétition de fixation permet d'identifier la proportion de progestérone de chaque origine. Ainsi, si la quantité de progestérone du prélèvement est élevée, les sites de fixation auront davantage fixé ce type de progestérone que celui lié à l'enzyme et inversement. Une fois la réaction réalisée, le tube est vidé et un révélateur est ajouté. L'intensité de la réaction colorée obtenue sera inversement proportionnelle à la quantité de progestérone présente dans l'échantillon. La comparaison des couleurs obtenues à celles d'échantillons standards ou leur lecture par spectrophotométrie permet d'évaluer qualitativement ou quantitativement la concentration en progestérone de l'échantillon (Hanzen et Castaigne, 2004). 1.3.4.3. Dosage dans le lait In vitro, dans un prélèvement de lait, la progestérone se conserve bien, quelles que soient les conditions de stockage. En pratique, afin de prévenir tout catabolisme de l'hormone lorsque 52 l'analyse est différée, il est conseillé d'utiliser des conservateurs (dichromate de potassium ou acide borique) et de congeler le prélèvement. Comme nous l’avons vu précédemment il existe de nombreuses causes de variation de concentration dans le lait. 1.3.4.3.1. Attitude à adopter face à ces variations Les variations de concentrations en progestérone dans le lait tiennent essentiellement au taux butyreux du milieu considéré, mais celles-ci sont toujours moins importantes que la fluctuation brutale due à la lutéolyse (Tainturier, 1977). Ceci ne remet donc pas en cause l'intérêt du dosage. Il est cependant préférable, pour un suivi de cyclicité, de standardiser les paramètres de prélèvements (Thimonier, 2000) ; par exemple, on choisit le lait entier prélevé en début de traite (après expulsion du lait résiduel), systématiquement lors de la traite du matin. En pratique, on prélève sur les quatre quartiers, en excluant les éventuels quartiers à mammite (Thibier, 1983). 1.3.4.3.2. 1.3.4.3.2.1. Critères de qualité du dosage Exactitude et fiabilité La radio-immunologie demeure la méthode de référence car il s'agit d'une méthode spécifique, sensible, reproductible, et surtout précise (dosage quantitatif au pg près, la limite du dosage est de 0,02 ng/ml) (Thibier, 1983 ; Hanzen et Castaigne, 2004). La reproductibilité de la méthode immuno-enzymatique est plus faible. Selon les études, la concordance est de 86,6 à 96,6 % avec la méthode radio-immunologique (Loussouarn, 1999). 1.3.4.3.2.2. Précocité Pour ce qui est de la précocité, c'est un critère qui est utile lors d'un diagnostic de gestation. Le dosage s'effectue entre J19-21 et J24 après l'insémination, ce qui permet de remettre rapidement l'animal à la reproduction en cas de résultat négatif (Thimonier, 2000). 1.3.4.3.2.3. Commodité Le prélèvement de lait est facile à faire, et peut être effectué par l'éleveur lui-même. De plus, la conservation de la progestérone est bien meilleure dans le lait que dans le sang. Par contre, le dosage dans le lait implique des contraintes dans la standardisation des conditions de prélèvements qui ne sont pas indispensables pour un dosage dans le sang. La radio-immunologie ne peut s'effectuer que dans des laboratoires spécialisés compte tenu de l'utilisation d'éléments radioactifs. A l’inverse, la méthode immuno-enzymatique présente l'avantage d'être facile à mettre en œuvre et donc de pouvoir être effectuée dans n'importe quel laboratoire. Son application pourrait même être étendue au cabinet vétérinaire avec l'apparition de kits de dosage. 53 1.3.4.3.2.4. Rapidité d'obtention des résultats Pour les dosages en laboratoire, le résultat peut être obtenu en 24 heures après réception du prélèvement. 1.3.4.3.2.5. Innocuité Le prélèvement ne nécessitant qu'un échantillon de lait, les risques encourus pour l'animal et le manipulateur sont minimes. 1.3.4.3.2.6. Coût Le dosage de progestérone présente un coût modéré (environ 7,65 € par analyse) et est donc rentable pour une analyse ponctuelle (confirmation d'œstrus et diagnostic de non gestation). Le coût d'un suivi de cyclicité n'est par contre pas négligeable. 54 2. Expression et détection des chaleurs 2.1. Importance de la détection des chaleurs De nombreux progrès génétiques actuels sont au service de la reproduction des vaches laitières, encore faut-il bien les mettre en place. L'insémination artificielle (IA) permet la sélection des croisements, l'amélioration de la diffusion des meilleurs gènes et une meilleure maîtrise du calendrier. L'IA doit donc être efficace pour bénéficier de ces avancées techniques, et cela est conditionné par le choix du moment à inséminer, point critique de la maîtrise de la reproduction. Cette étape est à améliorer, mais elle est souvent sous-estimée. Ce qui est une erreur, puisque l'objectif de fécondité des vaches laitières est d'un veau par vache et par an. L'important est donc d'assurer à la vache une bonne fertilité, notamment par un bon repérage du moment propice à son insémination (Williamson et al., 1972). La mise en place d'une bonne détection de l'œstrus (et des comportements associés, les « chaleurs ») permet un meilleur suivi de l'élevage, également profitable à la détection et au traitement des pathologies. Mais cette approche de l'élevage est rendue difficile, à cause notamment de l'accroissement des effectifs par élevage, ce qui a laissé apparaître une baisse de fertilité des vaches laitières. Cette étape critique, la détection de l'œstrus, est souvent laissée à l'appréciation d'une ou de plusieurs personnes. Elles disposent de multiples méthodes pour franchir cette étape délicate. Le signe majeur admis de 1'« état d'œstrus» est l'acceptation du chevauchement (il en est même la définition en général). Les proportions dans lesquelles il est suffisant (sensible) et pertinent (spécifique) conditionnent l'efficacité des techniques s'appuyant sur ce comportement, aussi idéales soient-elles. Leur fiabilité relève donc des deux points ci-dessous: • D'une part l'étude de la validité des signes à détecter est nécessaire pour qualifier la pertinence de l'usage des principes sur lesquels se base la méthode de détection (signe comportemental, physiologique) ; • D'autre part la mesure de l'efficacité de la méthode à détecter les signes recherchés est utile pour déterminer dans quelle mesure elle est applicable au troupeau étudié, facile à mettre en place et à suivre et rentable financièrement ainsi qu'en organisation du temps de travail. 2.2. Le comportement d’œstrus Nous avons vu dans la première partie, la base hormonale de l’œstrus. Dans celle-ci nous nous intéresserons au comportement que développent les vaches pendant cette période. 55 2.2.1. Signe majeur, l' « acceptation du chevauchement» Les pratiques d'élevage les plus répandues se ramènent à la méthode traditionnelle de détection de la période d'œstrus: l'observation visuelle des comportements dit d'œstrus, les « chaleurs ». L'acceptation du chevauchement définit l'œstrus. La vache en œstrus reste immobile quelques secondes, malgré l'autre vache qui pèse sur sa croupe et l'enserre généralement (Figure 6). Figure 6 : Acceptation de chevauchement La plupart du temps, une durée minimale de deux secondes est prise en compte pour différencier une acceptation d'un refus, et la vache chevauchée doit avoir la possibilité physique de se dégager. L'acceptation du chevauchement reste le signe décrit le plus spécifique, bien qu'il ne soit pas assez sensible. Il ne se rencontre que chez 18 à 56 % des vaches en œstrus (Gwazdauskas et al., 1983, Senger, 1994). De plus, même parmi les vaches concernées, cette activité ne se répète qu'un nombre de fois limité, en moyenne entre 10 et 60 fois par période d’œstrus soit 1 à 10 fois par heure durant cette période (Dransfield et al., 1998 ; Xu et al., 1998). L'activité d'acceptation du chevauchement ne représente qu'une infime partie d'apparition des signes secondaires (cf. 2.2.2.2. ci-dessous), moins de 1 % (Senger, 1994 ; Xu et al., 1998)). La période d'apparition des signes secondaires est elle-même limitée, de 6 à 24 heures avant ovulation (Senger, 1994 ; Walker et al., 1996). L'ensemble des acceptations de chevauchement est inclus dans cette période qui dure elle-même moins de 7 heures. Le très faible nombre de "faux positifs" est mis en évidence par une très bonne spécificité supérieure à 90 % (Orihuela, 2000). C'est le signe le plus fiable rencontré pour l'étude d'un ensemble d'animaux. En effet chaque vache exprime l'œstrus d'une manière différente. Le plus intéressant pour l'observateur est donc de recueillir le (ou les) quelque(s) signe(s) lui permettant la détection de la plus grande part du troupeau. La prise en compte de ce seul comportement laisse des failles qui expliquent l'intérêt des signes secondaires. 56 2.2.2. Signes secondaires Ils ne sont pas à négliger et semblent satisfaire certains, ils donnent parfois de bons résultats. Mais, s'ils ne font pas consensus, leur étude reste intéressante ne serait-ce que par leur persistance et leur diffusion dans les pratiques d'élevage. On pourrait les répartir en deux classes : Chevaucher (ou tenter de chevaucher) une autre vache (Van Eerdenburg et al., 1996) Chevaucher ou tenter de chevaucher par l'avant une autre vache (Van Eerdenburg et al., 1996) Appuyer le menton sur la croupe ou l’encolure d’une autre vache (Williamson et al., 1972) Flairer (et/ou lécher) la vulve (et zone périnéale - voire arrière-train) d'une autre vache (Williamson et al., 1972) Suivre d'autres vaches « à la trace» (Diskin et Sreenan, 2000) Se faire chevaucher sans acceptation (Van Eerdenburg et al., 1996) - Avec interactions : Sans interactions : Grande agitation, nervosité (Senger, 1994) Baisse d'ingestion, baisse de production (Diskin et Sreenan, 2000) Meugler (Williamson et al., 1972) Fréquence augmentée de la miction (Williamson et al., 1972) Tremblements et levé de la queue en crosse (Williamson et al., 1972) Immobilisation au pincement lombaire (Williamson et al., 1972) Ces signes doivent être considérés comme secondaires: c'est-à-dire qu'ils complètent d'autres informations (et en premier lieu l'acceptation du chevauchement, signe primaire). Mais ils ne peuvent pas conduire seuls à un "diagnostic" d'œstrus. Selon leur fréquence (Van Eerdenburg et al., 1996) et/ou leur association (Senger, 1994), ils peuvent cependant laisser penser qu'une vache est probablement "en chaleurs". Ajoutés à la connaissance individuelle des vaches par l'éleveur, ces signes peuvent amener ce dernier à inséminer. Ce type de décision repose plus sur l'appréciation personnelle que sur des faits objectifs. Cette appréciation reste nécessaire dans certains cas comme celui des vaches à «chaleurs discrètes» (signes d'œstrus peu détectables) voire « silencieuses» (pas d'acceptation de chevauchement). Les tentatives de chevauchement (réussites ou échecs, et non seulement leur acceptation) ne sont par exemple pas à interpréter hâtivement comme positives, même si certains ont réussi à les corréler avec l'état d'œstrus. Lorsqu'une vache en chevauche une autre, au moins une (dans 98 % des cas) serait en œstrus, et les deux (71 % des cas) dans la majorité des cas. Et si ce rapport n'est pas constaté par tous, certains trouvent cependant que dans un grand nombre de cas (85 %) la vache chevauchant (et non chevauchée) est en œstrus (Orihuela, 2000). Cela affecte donc au chevauchement (ou tentatives) une bonne sensibilité à la détection des comportements d'œstrus. Par contre la spécificité est faible: plus de 90% des vaches qui chevauchent ou tentent de chevaucher sont également en dehors de leur période d'œstrus (Williamson, 1972). Certains conseillent d'attendre la répétition de ce signe jusqu'à six fois avant d'en lire là une signification. Le chevauchement par l'avant (ou tentative, en moindre mesure), lui, offre une spécificité 57 soulignée par divers auteurs et une sensibilité acceptable (expression par 25 % des vaches en œstrus). Le fait pour une vache de se faire chevaucher, même si elle refuse (esquive, retournement), peut trahir chez elle une certaine forme d'attractivité pour les autres potentiellement liée à son état physiologique. Mais cela ne doit pas interférer avec l'interprétation fausse de comportements hiérarchiques, ni avec l'évaluation d'une situation de blocage physique. La quantification des déplacements de la vache est également un signe exploité pour la détection de l'œstrus. L'augmentation de la marche et la diminution des couchages peut être le témoignage d'une certaines fébrilité œstrale. L'étude de ce signe, complexe, sera développée au chapitre ayant trait au podomètre, principal instrument de mesure de cette activité. Les autres signes les plus suivis sont divers. Les cajolements entre vaches sont présents et plus longs au diœstrus mais plus fréquents durant l'œstrus, de même pour les flairages de la vulve alors deux fois plus fréquents et quatre fois plus pour les appuis du menton (Van Eerdenburg et al., 1996). Les divers signes de recherche des congénères (rapprochements, frottements, flairages) accroissent l'activité globale d'une vache. Lorsque cette activité est quantifiée, elle peut servir de moyen de détection. Elle se note soit par l'appréciation globale de l'éleveur, soit par l'utilisation, encore ici, de podomètres. Les signes secondaires peuvent donc constituer de bons repères par leur détection aisée et leur bonne répartition au sein des troupeaux mais ils manquent de spécificité, puisqu'ils peuvent être couramment observés, même en dehors des périodes d'œstrus. Des solutions existent pour exploiter ces informations, et leur recoupement permet d'améliorer la spécificité globale de la détection. L'activité globale regroupe d'ailleurs déjà plusieurs signes en elle-même. 2.2.3. Validité relative des différents signes De multiples facteurs modulent les comportements bovins, individuels (propres) et collectifs (interactions). L'étude comportementale d'une vache, et a fortiori d'un groupe de vaches, se heurte à diverses variations d'expression. 2.2.3.1. Facteurs individuels influençant l’expression des chaleurs Le premier d'entre eux reste la vache elle-même. C'est le facteur premier de variation et le principal obstacle à l'élaboration d'une méthode transposable à tout bovin. Une vache a ses propres habitudes comportementales. Les facteurs de variation individuelle de l'expression des chaleurs sont la race, l'âge, le rang de lactation, le stade physiologique. - L’âge : avec l'âge et le rang de vêlage, la durée de l'œstrus augmente, ainsi que le nombre de chevauchements. Il apparaît aussi que l'acceptation du chevauchement est plus présente chez les vaches âgées que chez les nullipares et primipares. De même, une vache multipare aura tendance à mieux exprimer ses chaleurs qu'une nullipare (Orihuela, 2000). Les multipares manifestent principalement l'acceptation du chevauchement, les flairages et l'appui du menton, le matin. Tandis que les primipares le font plutôt l'après-midi (Amyot et Hurnik, 1987) 58 - La race (Orihuela, 2000) : au sein d'un groupe, certaines races semblent plus enclines à chevaucher, et d'autres à dissuader le chevauchement. Les vaches hautes productrices expriment moins leurs chaleurs que les vaches faibles productrices. - Une maladie, et en particulier une atteinte des pieds, pourra aussi soit dissuader une vache à accepter le chevauchement, soit au contraire l'empêcher d'esquiver (Diskin et Sreenan, 2000). - La hiérarchie : les vaches en œstrus ont tendance à se détacher du lot et à former entre elles des groupes de 2 à 5 vaches actives. Elles partagent leurs activités, acceptent un contact plus rapproché (Williamson, 1972), et interagissent de manière privilégiée. Ainsi elles se stimulent mutuellement, lorsqu'une vache déclare son œstrus elle active ses congénères. La formation de ces groupes interfère avec les relations hiérarchiques déjà en place. L'initiative du chevauchement est souvent du ressort d'une autre vache, le plus souvent plus grande et plus lourde et, si ces dernières sont aussi les vaches dominantes, elles risquent d'inhiber les chevauchements des moins massives (Orihuela, 2000). Enfin, le nombre de vaches simultanément en œstrus modifie l'intensité de leurs expressions comportementales individuelles. Pour une vache, le nombre de chevauchements par période d'œstrus peut varier d'une à cinq dizaines (Diskin et Sreenan, 2000). Ces stimulations se ressentiront d'autant plus dans des grands troupeaux où la probabilité d'avoir plusieurs vaches simultanément en œstrus augmente. 2.2.3.2. Facteurs extérieurs influençant l’expression des chaleurs 2.2.3.2.1. Locaux L'environnement tient un grand rôle dans l'expression de l'œstrus, et donc dans sa détection. Selon que les animaux sont en pâturage, en logettes ou en stabulations, ils seront plus ou moins inhibés voire bloqués physiquement. Les types possibles de revêtement du sol contribuent également à cette variabilité. Herbe, paille, matières plastiques, béton (et les variantes) laissent, dans l'ordre, moins de possibilités aux vaches pour agir et interagir avec leurs congénères. Elles ne démontrent des signes comportementaux que si elles en ont la place et si le sol le leur permet. L'illustration la plus explicite est celle de la traite. Même des vaches repérées en chaleurs avant et après leur passage dans la salle de traite n'y montrent rien la plupart du temps, et les chevauchements durant leurs allers et retours, bien qu'existants, restent mal identifiables (Williamson, 1972). De même, l'ambiance des locaux a son importance et les activités des vaches y varient selon les « zones spéciales », les saisons, le moment de la journée (Amyot et Hurnik, 1987) et plus généralement les horaires. Ces zones peuvent correspondre aux points stratégiques: points d'eau, auges ou distributeurs automatiques de concentrés (DAC), ouvertures et portes. Ces coins de rencontre (Auges, DAC) favorisent les interactions tandis que les coins souillés sont le plus souvent évités. Concernant les saisons, les vaches européennes semblent moins inhibées en hiver qu'en période estivale chaude (Orihuela, 2000). Les vaches en œstrus le matin semblent le rester 59 plus longtemps que celles qui le sont l'après-midi. De même, les vaches actives la nuit sont plus démonstratives que celles qui le sont la journée (Williamson, 1972). 2.2.3.2.2. Stade physiologique Enfin, d'autres aspects physiologiques peuvent interférer, masquant les manifestations attendues: le stade de production, la croissance, la puberté, la lactation des multipares. Les signes eux-mêmes, représentés dans le comportement d'œstrus de certaines vaches, ne sont pas toujours présents tout au long de l'œstrus. Ce dernier est découpé en 3 périodes où plusieurs signes se retrouvent préférentiellement. Une vache aura tendance, en fonction de l'évolution de son cycle (Diskin et Sreenan, 2000) : d'abord à tenter de chevaucher les autres vaches; ensuite à accepter le chevauchement, à présenter des glaires vulvaires visqueuses en longs filaments élastiques, à diminuer son ingestion alimentaire et sa production (œstrus ou œstrus imminent); puis à tenter de chevaucher les autres vaches, à appuyer son menton, à refuser le chevauchement tout en présentant des glaires plus aqueuses collées à la queue et/ou aux flancs, avec ou non un aspect mat. 2.2.4. Signes non comportementaux Des données physiologiques et physiques, si elles sont recueillies efficacement, peuvent aider à la détection de l’œstrus. 2.2.4.1. Données physiologiques Parmi les données physiologiques disponibles, outre la progestéronémie, c'est l'impédance (résistance électrique) du tractus génital qui est la plus exploitable. La mesure de l'impédance des tissus du tractus génital livre des informations (Senger, 1994) : la résistance la plus faible est mesurée au moment du pic de LH soit quelques heures après le début de l’oestrus (Saint-Dizier, 2005). Les glaires ont une densité croissante à l'œstrus et les tissus deviennent 74 % plus denses. Cela est dû à l'augmentation des concentrations sériques d'œstradiol, qui accroît l'hydratation du mucus et du tractus génital (Saumande, 2000). Ce paramètre reste cependant très sensible à toute autre modification telle que métrite et variation interindividuelle (Senger, 1994). 2.2.4.2. Données physiques Les données physiques sont assez nombreuses, et leur facilité d'accès leur confèrent un certain intérêt: 60 Glaires (Mucus) vaginales translucides Turgescence et congestion des lèvres de la vulve Légères pertes sanguines (metœstrus) à la vulve Poils ébouriffés à la naissance de la queue, certaines salissures sur le dos et/ou les flancs dus aux chevauchements Pelage de la queue ainsi que de la zone périnéale collé et à l'aspect mat dus aux glaires vaginales translucides (Diskin et Sreenan, 2000) La présence de glaires translucides et ses conséquences, poils mats et collés, peut retenir l'attention. Certains accordent une valeur diagnostique si les glaires peuvent s'étirer en de longs fils supérieurs à 50 cm (Van Eerdenburg et al., 1996). L'aspect turgescent de la vulve, bien que facile à décrire, est peu souvent caractérisable, et peut se confondre avec d'autres phénomènes. Certaines autres méthodes couplent le recueil de diverses informations. Ainsi certaines vaches sont surveillées sur plusieurs critères à la fois, mêlant par exemple le niveau d'activité, l'acceptation du chevauchement et l'impédance du tractus vaginal. Des machines automatiques sont même conçues pour effectuer des mesures durant la traite. Elles peuvent relever l'impédance (résistance électrique) vaginale, la température, l'ingestion et les variations de la courbe de lait (Senger, 1994). 2.3. Les différentes méthodes d’assistance à la détection des chaleurs L'étude précédente de l'état d'œstrus, observé sur l'animal, est directement utile à l'élevage pour permettre à l'homme de repérer le moment de l'insémination. A cette fin, il s'aide de techniques (protocoles) basées sur les différents signes exprimés. 2.3.1. Techniques basées sur l'« acceptation du chevauchement» Signe primaire, l'acceptation du chevauchement reste l'un des premiers signes exploités dans la détection des vaches en chaleurs. Outre l'observation visuelle directe, l'éleveur peut avoir recours à un témoin. Soit mécanique soit électronique, ce témoin lui permet d'identifier les animaux ayant été chevauchés. Dans certains cas, il lui permet même de situer la période (heures) d'acceptation du chevauchement. 2.3.1.1. Observation visuelle Déjà amplement abordée lors de la description des comportements dits d'œstrus, il reste à préciser les résultats obtenus lors de l'utilisation de cette méthode, au travers de diverses techniques (fréquence, durées, signes recherchés) mises en œuvre. L'observation visuelle, bien qu'ancienne, a évolué dans sa méthodologie. En effet, elle est devenue dépendante tant des emplois du temps des éleveurs (durée et moments d'observation) 61 que des évolutions techniques (rendements, vaches laitières hautes productrices) ou de la mutation générale du monde rural (intensification, stabulations). Rationalisée depuis le milieu du siècle dernier, une recommandation semble largement admise (Shipka, 1999), même si elle n'est pas toujours suivie: observer le troupeau deux à trois fois par jour, 20 à 30 minutes à chaque fois. Ce temps à consacrer à l'observation doit se réserver en dehors des moments de traite, sous peine de tripler le nombre de faux positifs sans même augmenter celui des vaches correctement détectées (Williamson et al., 1972). Ainsi, malgré l'ensemble des comportements exprimés par les vaches (partie précédente), l'homme perdra inéluctablement de précieuses informations, à raison d'une surveillance de 2 ou 3 fois par jour ,40 à 90 minutes (respectivement 2x20 minutes et 3x30 minutes). Et cela même s'il s'organise de façon optimale dans le temps tout en privilégiant les moments les plus favorables. Ces derniers correspondent aux moments de la journée non seulement où un maximum de vaches sont en œstrus mais aussi où elles le manifestent le mieux. Et afin de s'assurer une bonne attention et d'éviter de déranger les animaux, il doit se préserver de tâches à accomplir en parallèle à la surveillance du troupeau. L'optimum revient à consacrer une demi-heure à 10H00 plus une autre à 20H00 (Van Eerdenburg et al., 1996). Malheureusement, réduire ainsi la surveillance dans le temps diminue aussi la probabilité de voir une acceptation de chevauchement (cf. supra): en suivant cette recommandation 30 à 70 % des chevauchements sont susceptibles d'être observés par l'homme (Diskin et Sreenan, 2000). Ce qui aboutit, toutes vaches confondues, à un faible taux de détection des acceptations de chevauchement. Il passe de 37% (l2x30') à 12% (3x30' à 10h, 12h, 20h), laissant dans ce dernier cas les trois quarts des périodes d'œstrus (et non des vaches) non déterminées par ce seul signe, pourtant majeur (Van Eerdenburg et al., 1996). Au final, seulement un à deux tiers des cas peuvent être relevés visuellement. De plus, tous signes confondus (signe majeur plus signes secondaires), les résultats de cette technique restent en deçà de la moitié des vaches en œstrus détectées. Et ils donnent un huitième de « fausses détections » (Williamson et al., 1972). 2.3.1.2. Témoins (mécaniques) du chevauchement Ces moyens techniques permettent en théorie de bénéficier d'une surveillance continue des animaux, avec seulement quelques réels passages dans le troupeau. Les signes recherchés, s'ils sont détectés par la méthode, doivent laisser une marque (témoin) sur l'animal concerné, ou au moins permettre d'identifier ce dernier même après la fin de ce signe. A titre d'exemple, le chevauchement ébouriffe souvent des poils à la base de la queue, ce qui reste visible bien après l'acceptation. Des techniques ont été développées pour assurer un marquage de meilleure qualité (plus visible et plus durable), plus sensible (moins de faux négatifs) et plus spécifique (moins de faux positifs). 2.3.1.2.1. Colliers Marqueurs Le principe du collier ou harnais marqueur réside dans l'affectation d'un bovin à la tâche du marquage des autres. Celui-ci est équipé d’un harnais muni, sous l’auge, d'un marqueur gras. C'est soit une craie à visser soit un bloc marqueur et il laisse un trait coloré en redescendant des animaux qu'il chevauche. Ainsi, les animaux qui se laissent chevaucher deviennent repérables et le restent un certain temps. Les animaux utilisés à cette tâche sont généralement des mâles vasectomisés (ayant 62 subi ou non une intervention de déviation du pénis). Ce choix a pour but d'exploiter leur tendance naturelle à la saillie, sans les risques de fécondation non désirée ou de contamination. On rencontrait aussi des femelles androgénisées (interdit depuis 1988), d'usage moins contraignant. En effet, les mâles vasectomisés nécessitent autant d'attention qu'un mâle entier, sans toutefois apporter le confort des «rattrapages » par monte naturelle que peut apporter ce dernier Ces mâles peuvent en même temps stimuler le troupeau par leur propre activité. Leur usage est particulièrement intéressant lorsque la saison de la mise à la reproduction arrive à sa fin et que le taux de vaches gestantes est important (Diskin et Sreenan, 2000). C'est en effet la période qui correspond aux plus faibles interactions au sein du troupeau, seules quelques vaches viennent encore en œstrus. Peu de résultats sont disponibles, mais la sensibilité de la technique semble faible, d'environ 50 %. Ce résultat est d'autant plus faible qu'il prend pour référence les observations visuelles et non l'état physiologique. La spécificité, elle, est supérieure à 50 % (Gwazdauskas et al., 1990). 2.3.1.2.2. Peinture sur la base de la queue Des marques systématiques sur la croupe des animaux suivis sont également un moyen de les surveiller. Il faut pour cela marquer régulièrement tous ces animaux à l'aide d'un crayon marqueur comme les RAIDL-stick© (www.raidex.de) (Figure 7), ou de peinture spécifique. Ainsi, lorsqu'ils sont chevauchés, leur marque est étalée ou enlevée. Pour obtenir une bonne lecture de ces repères, des vérifications individuelles régulières s'imposent, afin de pouvoir différencier des marques étalées de celles juste effacées par les mouvements de la vache. Combinée à une observation visuelle tôt le matin et tard dans la soirée, la vérification de l'état de la peinture pendant les moments de traite (2 fois par jour) aboutit à une détection de l'œstrus de 44 à 96 % (Diskin et Sreenan, 2000). Figure 7 : RAIDL-stick© (www.raidex.de) 2.3.1.2.3. Capsules de peintures (Œstruflash®, KaMar®, HotFlash®) Sur le même principe que la peinture, mais pour un marquage plus durable il est possible de fixer une capsule de couleur sur la croupe de l'animal, à l'image du KaMaR© de Kamar Inc. avec de l'encre rouge (http://www.kamarinc.com)(Figure 8). 63 Figure 8 : Capsule Kamar (www.kamarinc.com) Lorsqu'il y a chevauchement, la capsule interne et opaque est percée. L'encre contenue se répand dans une seconde poche, transparente et la coloration apparaît (Figure 9). Figure 9 : Une capsule Kamar fixer sur la croupe Avant chevauchement Après chevauchement Certains affichent en plus de cette coloration, une certaine fluorescence, comme Œstruflash©. La durée de ce dernier phénomène est annoncée aux alentours de 6 heures, ce qui peut parfois permettre d'obtenir une indication, mais imprécise, du début d'œstrus. La sensibilité de ce type de détecteurs varie de 56 à 94 % et leur spécificité de 36 à 80 %. Concernant le KaMaR, sa spécificité est annoncée de 98 % (Diskin et Sreenan, 2000), avec pour référence une observation visuelle continue 24h/24h. Elle approche 77 % en prenant pour référence les observations visuelles des animaliers, soit 2 fois 30 minutes par jour. Cette étude affiche des résultats semblables pour Œstruflash : respectivement autour de 70 % et autour de 50 % avec cependant un fort effet troupeau. La faible spécificité de ces appareils s'illustre aussi par un taux de progestérone incompatible pour plus de 10 % des vaches 64 «détectées» par le KaMaR (Saumande, 2000). De plus, la chute de ces systèmes concerne entre le tiers et le huitième des appareils (Gwazdauskas et al., 1990). Les faibles chiffres de sensibilité et de spécificité des différents types de témoins mécaniques s'expliquent par le fait qu'un simple chevauchement sans acceptation, ou un appui voire un simple frottement peut déclencher le système. Et un chevauchement avec acceptation peut ne pas le déclencher, s'il s'effectue trop à côté du détecteur. De plus, d'autres facteurs d'erreurs sont à noter: la garantie de leur fixation à la vache et leur bon fonctionnement en cas de pression. La chute du détecteur peut cependant s'interpréter soit comme une défaillance technique soit comme témoin d'un chevauchement rendu responsable (Gwazdauskas et al., 1990). Ces outils restent donc des aides et non des techniques abolissant l'intérêt des observations directes. 2.3.1.3. Surveillance électronique (capteurs de pression) Ces outils se basent sur le même principe de détection que les précédents : identifier les animaux qui se sont laissés chevaucher. Grâce à l'apport d'électronique, ces capteurs de pression permettent en plus de mettre en place un réel algorithme de détection. C'est-à-dire qu'ils peuvent ne pas tenir compte des chevauchements courts (à priori sans acceptation), modérer l'importance de chevauchements isolés, intégrer leur répétition et leur fréquence. Certains peuvent même comparer l'état individuel de la vache à différents moments, afin de préciser l'heure de début de l'œstrus. En contrepartie, l'usage de ce type de techniques implique un investissement financier élevé, au moins 50 € par module individuel en plus de l'installation de base, la fixation sur la croupe des animaux. Les aléas de l'électronique s'ajoutent aux contraintes de l'utilisation de modules individuels, déjà rencontrées ci-dessus (fixation, perte, fonctionnement). 2.3.1.3.1. Compteurs de pression Les premiers appareils apparus servent à compter les pressions subies par le module fixé à l'animal. Ils se déclenchent lorsque le nombre ou la fréquence des pressions dépasse la valeur seuil décidée par le constructeur. Le manque d'information à ce sujet, ainsi que le « secret industriel» ne permet pas d'en connaître les algorithmes. Parmi ces types d'appareils se trouvent: le Bovin Beacon®, le Mate Master®, le Mount Count and Trade® (Diskin et Sreenan, 2000). 2.3.1.3.2. Détecteurs électroniques de chevauchements Le DEC® (Détecteur Electronique de Chevauchements, du Laboratoire IMV Technologies France) est un module de détection à fixer par encollage d'une base textile à la croupe de l'animal. Sur cette dernière est cousue une pochette fermée par une bande «scratch », dans laquelle le module doit être inséré. Il détecte les pressions, leur intensité, leur durée, leur nombre et leur fréquence, et un algorithme (tenu secret) en déduit l'heure de début de l'œstrus. Cet algorithme détermine le premier enregistrement attribuable à un comportement d'œstrus et le 65 définit comme étant le début des chaleurs. Dès la deuxième heure, le DEC émet un clignotement se répétant toute les 10 secondes, par une diode intégrée au module et visible à distance sans l'ôter de la pochette. Ensuite le nombre de clignotements (espacés de moins d'une seconde) est incrémenté toutes les 2 heures. L'algorithme se remet à zéro après 9 clignotements soit 18 heures, et recommence à "attendre" une période de chaleurs. L'information disponible est donc simple, c'est la durée qui nous sépare de l'œstrus de la vache qui porte le DEC qui clignote. Une fois considéré ce mode de fonctionnement, plusieurs défaillances potentielles doivent être envisagées : - défauts de fixation du module : chute voire perte de ce dernier par décollage de la base textile, rupture de la toile constituant la pochette ou des coutures de cette dernière, ouverture involontaire du scratch; - fragilité du boîtier: intégrité, étanchéité ; - dysfonction des composants électroniques : insensibilité, blocage allumé de la diode, non enregistrement; - implémentation incorrecte de l'algorithme: non pertinence des prises en compte des poids, durée, nombre et fréquence de chevauchements, mauvaise détermination du début de l’œstrus, mauvaise incrémentation du nombre de clignotements, nombre erroné de ces derniers à l'affichage. Il semble que ce dispositif ait une bonne spécificité (autour de 96 %), mais une faible sensibilité (autour de 30 %). Ces valeurs comprennent les vaches qui n'expriment pas le signe recherché, ainsi que celles pour lesquelles le système a été défaillant. Cela attribue au système une valeur prédictive négative (VPN) de 98 % et une valeur prédictive positive (VPP) de seulement 14 %. A noter que la référence pour ce calcul n'a pas été l'observation visuelle 24/24, mais la détection visuelle habituelle effectuée par le personnel, soit 3 fois 20 minutes par jour, en plus des passages réguliers au sein du troupeau. On peut donc émettre 1 'hypothèse que si le seul signe retenu en référence était le chevauchement et son acceptation, la spécificité serait équivalente mais que la sensibilité serait meilleure (Saumande, 2000). 2.3.1.3.3. Système Radio-Télémétrique Le terme « radio-télémétrie» ne précise pas le moyen de détection lui-même, mais signifie que les données sont transmises à distance. Et c'est bien ce qui distingue les principes du DEC® (cf. ci-dessus) et du Heat-Watch® (DDx Inc., Denvers, CO). Pour les deux, un capteur de pression est fixé à la croupe de l'animal, et analyse les différents chevauchements perçus. Grâce au système radio-télémétrique, ces informations sont directement transmises à un ordinateur central, au lieu d'être directement affichées sur le module. Les transmetteurs du Heat-Watch® ont une portée de 400 mètres, et les relais une portée de 800 mètres. Les signaux sont ensuite acheminés à un récepteur d'un rayon de 1200 mètres, puis à une mémoire tampon. Ils sont constitués de l'identification du module fixé à l'animal, de la date et de l'heure, de la durée du chevauchement ainsi que de la force (1 à 7) du signal. Seuls les chevauchements de plus d'une seconde déclenchent le capteur de pression (Xu et al., 1998). Les données sont donc téléchargées, traitées puis consultables sur un seul et même ordinateur, à l'exploitation ou dans tout autre lieu choisi à la convenance de l'exploitant. L'attention est portée sur une vache dès qu'elle se fait chevaucher une seule fois, et elle est considérée en œstrus à partir de 3 chevauchements en moins de quatre heures. Les données restent en mémoire, ce qui permet de trier les vaches selon leur cycle et d'adapter les suivis individuels. Celles qui n'ont jamais été considérées en œstrus dans les 25 jours post-partum (JPP) sont 66 classées en « non retour ». Celles qui apparaissent deux fois en œstrus dans un délai de moins de 13 jours sont classées en cycles courts (At-Taras et Spahr, 2001). Un tel dispositif voit son utilité lorsqu'il sert pour des troupeaux de grande taille et/ou qui pâturent à distance des bâtiments d'élevage. Le Heat-Watch® évite les nombreux déplacements et les gênes occasionnées par une observation directe et régulière. Lorsqu'il est appliqué à un élevage en stabulation, la télétransmission n'apporte que peu d'avantages face aux coûts d'installation. Ce qui explique la bonne implantation de ce système dans les zones de grands élevages comme l'Australie, la Nouvelle Zélande et sa moindre présence en Europe. Les études semblent indiquer que dans les conditions d'utilisation conseillées pour le HeatWatch®, ce système détecte les œstrus avec autant de succès que l'observation visuelle, même aidée par l'application de peinture à la base de la queue. Des chiffres de 95 % ou plus sont avancés, tant pour la sensibilité que la spécificité (Xu et al., 1998). D'autres auteurs retournent le point de vue et préfèrent conclure que ces systèmes n'apportent rien de mieux que l'observation visuelle classique (Senger, 1994). Les études faites sur des systèmes électroniques ont permis de conclure que la moitié (5 sur 10) des défaillances observées (œstrus non détectés) est attribuable à la perte du module (Xu et al., 1998). Sa fixation est un réel souci, d'autant plus que ces chiffres n'incluent qu'une partie des modules tombés, ces derniers étant généralement remis en place systématiquement, sauf lorsque c'est impossible. Et même si leur chute peut être interprétée comme indicatrice de chevauchement (responsable de la chute), ils restent «insensibles » le temps où ils sont restés à terre. De plus, certaines chutes de modules sont incompatibles avec l'état d'œstrus (taux de progestérone trop hauts). Cela peut concerner 5 à 15 % de celles-ci, ce qui reste proche de la proportion de faux positifs lors d'observations visuelles classiques (Gwazdauskas et al., 1990). Des systèmes à implanter sous la peau sont à l'étude, ils devraient fonctionner de la même manière, les risques de chute en moins mais des soucis d'implantation, de rejet, de migration, et surtout d'alimentation. 2.3.2. Techniques complémentaires Les techniques déjà envisagées ont pour ambition de se suffire à elles-mêmes. Mais en fait la détection qu'elles apportent peut être améliorée par d'autres, qui testées seules ne donnent pas de résultats satisfaisants. Ces techniques, complémentaires, servent de confirmation ou de signal d'appel. 2.3.2.1. Impédance Utérine Cette méthode est non seulement peu sensible (nombreux faux négatifs), peu spécifique (nombreux faux positifs) mais également difficile à mettre en place (Senger, 1994). Une étude préliminaire a fourni de bons résultats en apparence, mais à corriger par l'effet troupeau et le faible nombre d'animaux: sensibilité de 91 % et spécificité de 80 % (Saumande, 2000). De plus, les conditions de l'expérience ainsi que la méthode de référence ne sont pas détaillées. Malgré les informations complémentaires qu'elle peut apporter sur l'involution utérine de la vache, son installation (implantation d'électrodes et télérécepteur) reste difficile à justifier. 67 2.3.2.2. Impédance Vaginale Une sonde mesurant la résistance électrique des sécrétions vaginale a été conçue et commercialisée aux Etats-Unis puis en France (depuis 1998) sous le nom d’Ovatec© (Figure 10). Les mesures de résistance doivent être effectuées au moins deux fois par jour et débuter quelques jours avant le moment attendu de l’œstrus, avec pour corollaire, un investissement en temps et des risques inflammatoires pour la muqueuse vaginale. Le fabricant recommande d’inséminer lorsque l’impédance est inférieure ou égale à 55 Ohms. La position de la sonde dans l’animal, les infections vaginales et les réactions de l’animal au moment de la mesure. Testée sur 80 vaches laitières d’une ferme expérimentale de l’INRA, la sonde a permis d’atteindre un taux de réussite satisfaisant en première I.A. (51 % sur deux ans), mais ne s’est pas révélé plus efficace que l’observation visuelle. Au vu de ces résultats et du prix de la sonde (2750 €), il ne semble pas raisonnable de conseiller cet outil aux éleveurs (Saint-Dizier, 2005). Figure 10 : La sonde Ovatec© (Saint-Dizier, 2005) 2.3.2.3. Température Corporelle & Température du Lait La température corporelle de la vache, ainsi que celle du lait, subit également des variations dues à l'œstrus (Heres et al., 2000). Cependant, la difficulté de quantification de celles-ci ainsi que les interférences avec de nombreux autres facteurs rendent inexploitables ces données. 2.3.2.4. Ingestion/Production (Courbe de lait) Ces paramètres sont mesurés une fois par mois dans le cadre de l'alimentation et de la production du troupeau, il en faudrait un suivi quotidien pour obtenir une indication sur l'état d'œstrus, ce qui est directement mesurable dans le cas de l'ingestion dans les élevages munis de DAC. Ils peuvent 68 rester un élément de consultation pour conforter une impression, dans le cas où les valeurs sont individuelles. L'approche de la période d'œstrus se traduit souvent chez la vache par une baisse d'ingestion. En effet, l'augmentation de l'activité et des interactions avec d'autres vaches la détourne de l'auge. Une légère diminution dans la courbe de lait s'observe également. Mais ces variations ne sont pas toujours quantifiables ni significatives. Les conclusions sur les variations de production aux alentours de l'œstrus sont même contradictoires (Saumande, 2000). 2.3.3. Techniques alternatives 2.3.3.1. Suivi de l'activité individuelle L'activité motrice globale s'accroît en période d'œstrus. Sa mesure permet d'en préciser le moment, et cette évaluation doit être rapportée au niveau d'activité normale de la vache concernée. C'est seulement le calcul du ratio activité ponctuelle / activité normale qui pourra renseigner sur la période de l'œstrus, par son augmentation mesurable et suffisamment significative. 2.3.3.2. Podomètres Le Heat-Seeker® (Boumatic, Madison WI) est un module encapsulé dans une pochette en plastique, à fixer au canon de la vache. Il se compose d'un capteur de mouvement et d'un système électronique auto-alimenté par une batterie. Le capteur de mouvement est un commutateur de mercure sensible aux pas de l'animal. Les pas de la vache, ainsi comptés, sont analysés par un progiciel (ActivityTagSoftware®) et enregistrés par créneau de deux heures. Les données sont ensuite récupérées du module à l'aide d'un lecteur électromagnétique, identifiées par un stylo optique et stockées sur un ordinateur. La détection de l'œstrus est possible grâce à la comparaison de l'activité ponctuelle de la vache à sa propre moyenne d'activité. Cette période de référence, afin d'être biaisée le moins possible, est en général définie sur les deux à trois jours précédant (ou suiivant) l'œstrus (At-Taras et Spahr, 2001). Le principe du podomètre est de mesurer la distance parcourue par une vache et d'en tenir compte comme indice de l'activité de la vache. Une vache marche plus durant l'œstrus, de 2 à 4 fois (Diskin et Sreenan, 2000), ce qui valide cette utilisation. L'activité est augmentée dès la fin du diœstrus et le début du proœstrus et encore durant le metœstrus (Senger, 1994). Les premières générations de podomètres affichaient une sensibilité entre 60 et 100 % et une spécificité entre 22 et 100 % (Senger, 1994). Ces grands écarts peuvent s'expliquer par un grand nombre de faux-positifs et des dysfonctionnements matériels. Depuis, une mémoire propre permet d'étudier l'évolution de l'activité et non plus seulement le niveau ponctuel d'activité. L'interface informatique permet l'intégration de calculs statistiques ainsi qu'une récolte plus aisée des données et la possibilité de programmer des alertes personnalisées. Le réglage du podomètre doit se faire animal par animal, afin de pouvoir détecter un maximum d'œstrus sans toutefois maximiser les faux positifs (Saumande, 2000), puisque les niveaux moyens d'activité varient d'une vache à l'autre. Des craintes émanent également de la littérature à propos de la gêne occasionnée par la pose d'un tel dispositif, qui peut interférer avec l'attitude comportementale habituelle des animaux. 69 Mais cela n'a pas encore été objectivé. Ce système est plus adapté à la stabulation, si les animaux ne sortent pas à l'herbe. 2.3.3.3. Animaux Renifleurs Certains mâles bovins peuvent être utilisés pour la détection de l'œstrus. Ces «mâles renifleurs» sont à l'image des boute-en-train. Ils sont en contact visuel et olfactif avec les vaches, mais sans saille possible (case attenante). Tout comme pour les mâles vasectomisés, l'entretien d'un tel animal, sans le bénéfice du « rattrapage» des vaches encore infécondes, reste non rentable. Des «chiens renifleurs» peuvent également être dressés au reniflage des vaches et à la reconnaissance de celles en chaleurs qui en découle. Peu de données sont disponibles pour en estimer la fiabilité. (Williamson et al., 1972) 70 3. L’expérimentation: « Comparaison de différentes méthodes d’utilisation d’un dispositif de vidéosurveillance pour la détection des chaleurs » 3.1. Matériel 3.1.1. L’élevage L’expérience s’est déroulée au centre d’élevage « Lucien Bizet » de Poisy en Haute-Savoie (74330). Le bâtiment des vaches laitières abrite 77 animaux en moyenne, c’est une stabulation libre qui comprend deux aires paillées en pente pour un total de 360m² (Figure 12). Le troupeau est composé de trois races : Montbéliarde, Abondance et Prim’Holstein. Quelques informations concernant le troupeau sont disponibles dans le tableau IX. % du troupeau Montbéliardes Abondances Prim’Holstein Moyenne 48 28 14 Production moyenne de lait (en kg) 7658 6903 7776 7093 TB (en g/kg) TP (en g/kg) 37,3 37,2 37 37,3 32,5 34,4 32 33 Tableau IX : Caractéristiques laitières des vaches de l’élevage Les vêlages sont étalés tout au long de l’année ce qui fait que l’on a pu observer des chaleurs durant toute la période de l’expérience. L’état corporel des animaux est de 3 en moyenne sachant que le minimum est de 2 (5 % des animaux) et le maximum de 5 (10 % des animaux). 3.1.2. Le système de vidéosurveillance 3.1.2.1. Les caméras Le système de vidéosurveillance est composé de 2 caméras Infra Rouge (CAM1 et CAM2) disposées aux extrémités d’une aire paillée et de 2 caméras Couleur / Noir et Blanc (CAM3 et CAM4) aux extrémités de la seconde (Figure 11 et 12). 71 Figure 11 : Les deux types de caméras Les deux caméras I.R. Les deux caméras Couleur/N&B Figure 12 : Plan du bâtiment et disposition des caméras CAM2 CAM1 CAM3 CAM4 72 3.1.2.2. Le logiciel Ces caméras sont reliées à un logiciel de gestion des séquences vidéos dont la société installatrice n’a pas souhaité dévoiler le fonctionnement précis non plus que les caractéristiques techniques. Ce logiciel permet la numérisation d’images en continu et surtout la visualisation rapide de n’importe quelle séquence enregistrée sur le disque dur. Il est possible de naviguer facilement dans le temps et d’une caméra à l’autre car il découpe la journée de 24 heures en séquences d’une heure (mode 24 heures) puis de 10 minutes (mode 10 minutes) et enfin d’une minute (mode minute) et affiche une vignette correspondant à chaque séquence sur trois écrans correspondant chacun à un mode. Pour passer d’un écran à l’autre il suffit de double-cliquer sur une vignette. Une barre de recherche en bas de l’écran permet de changer de caméra à tout moment. Par exemple, si on est en mode 24 heures, le logiciel affiche 24 vignettes correspondant chacune à 1 heure ; en double-cliquant sur la vignette 5H on change d’écran (on passe en mode 10 minutes (Figure 13)), le logiciel affiche alors six vignettes, chacune correspondant à une séquence de dix minutes. Si on clique sur une de ces vignettes, on passe alors en mode minute, on a dix images sur l’écran, chacune pour une minute. On peut à ce moment sélectionner une de ces images et faire défiler la vidéo. On peut également accéder directement à une heure précise grâce à la fonction « recherche ». La lecture de la vidéo peut s’effectuer soit à vitesse réelle, soit en accéléré grâce à « avance/retour rapide » paramétrable de 1 à 22 fois la vitesse normale. Figure 13 : Interface du logiciel et passage d’un écran à l’autre Mode 24 heures Mode 10 minutes 73 3.1.2.3. Le capteur de mouvements Le système est aussi équipé d’un capteur de mouvement dont la sensibilité est réglée sur 90 % (Figure 14). Les caméras filment 24H/24H mais uniquement les images sur lesquelles il y a du mouvement sont enregistrées sur le disque dur. Figure 14 : Interface de réglage du détecteur de mouvements 3.2. Méthodes 3.2.1. Détection des chaleurs par l’éleveur L’observation des vaches par l’éleveur a lieu 40 minutes dans la journée, réparties en 4 séquences (Figure 15), on appellera cette méthode « Directe – Eleveur » : Figure 15 : Observation des vaches par l’éleveur 74 3.2.2. Le dépouillement des vidéos Chaque jour du 19 décembre 2006 au 2 avril 2007 les bandes ont été visionnées selon trois méthodes que nous allons décrire, afin de déterminer s’il y a eu chevauchement et quelle vache a été chevauchée. - La méthode « Caméra – 3x30 » : La recommandation pour les éleveurs afin d’optimiser la détection des chaleurs est de consacrer trois périodes de 30 minutes par jour à l’observation du troupeau. Dans cette méthode, trois périodes de 30 minutes ont été visualisées par l’opérateur : de 5H à 5H30, de 11H à11H30 et de 22H à 22H30.Ces horaires ont pu varier légèrement si les vaches étaient bloquées au cornadis pendant ces périodes ou s’il y avait une activité inhabituelle. - La méthode « Caméra – Icônes » : elle est basée sur le fait que le logiciel découpe la journée en séquences et affiche des « vignettes » correspondant aux séquences. L’opérateur a visionné les étiquettes en mode 10 minutes en comparant chacune d’elles avec la suivante pour essayer de déterminer s’il y avait des mouvements, ou des regroupements de vaches pouvant faire penser qu’il y aurait des chevauchements. Si c’était le cas, il pouvait passer en mode minute et visionner la vidéo pour chercher le chevauchement (Annexe 7). - La méthode « Caméra – Continu » : l’opérateur a visionné la vidéo de toute la journée (24H). Cette méthode permet de détecter tous les chevauchements, elle est donc utile pour définir le nombre de chaleurs détectables à la caméra. Pour chaque méthode d’observation, seule l’acceptation du chevauchement a été retenue comme signe spécifique de chaleurs. C’est le signe le plus fiable décrit dans la bibliographie et il est facilement repérable sur des séquences vidéo, même visionnées en accéléré. De plus, c’est le signe employé habituellement sur la ferme pour détecter les chaleurs. La première acceptation marque le début des chaleurs. On dit qu’une vache accepte le chevauchement si elle reste immobile plus de deux secondes. Le dépouillement s’est fait uniquement sur les caméras CAM1 et CAM4. CAM2 et CAM3 sont utilisées en cas de doute et pour l’identification des vaches. L’opérateur visionnait les vidéos non pas en vitesse réelle (cela prendrait trop de temps) mais en vitesse accélérée, jusqu’à 22 fois la vitesse réelle. Un cahier de dépouillement était prévu pour chaque méthode, l’opérateur notait alors chaque chevauchement observé en face de l’heure correspondante (Annexe 8). Les cahiers de dépouillement comportaient deux pages par jour, une page qui allait de 6h. à 18h. et la deuxième qui allait de 18h. à 6h. le lendemain, le dépouillement était donc réalisé en deux temps. Afin de pouvoir reconnaître les vaches sur la vidéo, un imagier a été réalisé (Annexe 9), comportant une photographie du flanc droit, du flanc gauche et une vue de dessus de chaque vache. Enfin, le dépouillement (est ce qu’il y a chevauchement ?) et l’identification (quelle vache se fait chevaucher ?) étaient chronométrés séparément. 3.2.3. Courbes de progestérone et détermination de la phase ovulatoire 75 Un prélèvement bihebdomadaire de lait a été réalisé le mardi et le vendredi matin. Ils concernaient 33 vaches. Ils commençaient au 20ème jour post-partum et s’arrêtaient quand la vache était déclarée gestante par échographie ou exploration transrectale. Après que les premiers jets ont été tirés, on remplit avec le lait des quatre quartiers un flacon de 10 mL. Les dosages ont été réalisés au Laboratoire de dosages hormonaux du Département Recherche et Développement de l’U.N.C.E.I.A. (L'union nationale des coopératives agricoles d'élevage et d'insémination animale ) La méthode de dosage (Annexe 11) utilisée était un test E.L.I.S.A. (Enzyme Linked ImmunoSorbent Assay) qui a permis d’analyser 1050 échantillons. Les dosages de progestérone réalisés sur ces prélèvements ont permis d’établir des courbes afin de déterminer les périodes ovulatoires (P.O.) de chaque vache. Il s’agit de la méthode de référence de l’expérience afin de déterminer les ovulations et donc les chaleurs potentielles. Les résultats de dosage sont répartis en trois classes (Figure 16): Figure 16 : Illustration des trois classes de résultats Une période ovulatoire est définie par la succession d’au moins deux prélèvements strictement négatifs précédant soit : - une phase lutéale (succession d’au moins 3 points positifs) ; - une phase lutéale courte (1 ou 2 prélèvements positifs) ; - un pic transitoire (élévation du taux de progestérone d’au moins 1 ng/mL par rapport à la sécrétion basale mais inférieur à 3,5 ng/mL). On peut prendre plusieurs exemples pour illustrer l’interprétation des courbes : - Exemple de P.O. : Annexe 2 - Exemple de phase lutéale courte : Annexe 4 - Exemple de pic transitoire : On peut prendre les cas des vaches n°194 et n°1065 (Annexe 2 et 3): la différence entre le pic et la valeur basse suivante est respectivement de 0,9 ng/mL pour la 194 et de 1,5 ng/mL pour la 1065 : on conclut à une P.O. pour la 1065 mais pas pour la 194. 3.3. Résultats 3.3.1. Les phases ovulatoires Grâce aux courbes de progestérone on connaît les périodes ovulatoires des vaches suivies et donc des chaleurs potentielles. On a réussi à déterminer 71 phases ovulatoires (Annexe 12) 3.3.2. Durée d’observation 76 Elle représente le temps d’observation passé par l’éleveur dans la méthode « Directe – Eleveur » et le temps de dépouillement dans les trois autres méthodes. Pour dépouiller une journée, il faut 20 minutes et 10 secondes avec la méthode « Caméra – Icônes », 40 minutes avec la méthode « Directe – Eleveur » et 61 minutes avec la méthode « Caméra – Continue ». Il faut donc respectivement deux et trois fois plus de temps avec les méthodes « Directe – Eleveur » et « Caméra – continu » pour surveiller 24 heures qu’avec la méthode « Caméra – icônes ». La méthode « Caméra - 3x30 » prend respectivement 3,2 fois, 6,4 fois et 10 fois moins de temps que les méthodes « Caméra - icônes », « Direct – éleveur » et « Caméra – Continue ». Les résultats des différentes méthodes sont regroupés dans le tableau X : Méthode Directe Eleveur Caméra – 3x30 Caméra – Icônes Caméra Continue Période 24h. Moyenne 40 min. 00 Durée d’observation Maximum Minimum - 6h.-18h. 18h.-6h. 24h. 6h.-18h. 18h.-6h. 24h. 6h.-18h. 18h.-6h. 24h. 2 min. 20 4 min. 00 6 min. 15 8 min. 40 11 min. 40 20 min. 10 28 min. 40 32 min. 25 61 min. 00 7 min. 30 12 min. 00 14 min. 00 21 min. 00 22 min. 00 32 min. 10 45 min. 00 66 min. 00 109 min. 00 1 min. 00 1 min. 00 3 min. 00 3 min. 00 3 min. 00 8 min. 00 15 min. 00 6 min. 20 34 min. 00 Ecart-type 1 min. 00 1 min. 40 2 min. 15 3 min. 50 4 min. 00 5 min. 45 18 min. 00 7 min. 20 10 min. 20 Tableau X : Durée d’observation selon les différentes méthodes 3.3.3. Temps d’identification En moyenne il faut entre 2 min. et 2 min. 30 pour identifier une vache. À noter qu’il faut environ 1,5 fois plus de temps pour identifier une Abondance qu’une autre race. 3.3.4. Sensibilité des différentes méthodes L’éleveur a détecté 54 chaleurs dont 6 non vues par les autres méthodes. La méthode « Caméra – Icônes » en a détecté 55 alors que « Caméra – Continue » en a détecté 61. 44 chaleurs ont été détectées par les trois méthodes et 13 chaleurs qui n’avaient pas été détectées par l’éleveur ont été diagnostiquées par le dépouillement vidéos dont seulement 2 par la méthode « Caméra – Continue » seule (Figure 17). 77 Figure 17 : Répartition des chaleurs "vues" par les différentes méthodes La sensibilité d’une méthode c’est sa capacité à détecter les chaleurs par rapport à une méthode de référence. Si comme méthode de référence on prend la méthode « Progestérone » (sensibilité 1), on obtient les sensibilités suivantes (Tableau XI) : Directe – Eleveur Caméra – 3x30 Caméra – Icônes Caméra – Continue Toutes méthodes confondues Sensibilité 1 76 % (54/71) 44 % (31/71) 77 % (55/71) 86 % (61/71) 94 % (67/71) Tableau XI : Sensibilité 1 des différentes méthodes (n P.O. = 71) Les méthodes « Directe – Eleveur » et « Caméra – Icônes » détectent respectivement 76 % et 77 % des P.O. La méthode « Caméra – continue » est plus sensible avec 86 %. Donc en faisant la synthèse des observations de toutes les méthodes, on peut dire que 94 % des P.O., soit 67 chaleurs sur 71 potentielles ont été détectées. On conclut que ces 6 % de P.O. non détectées sont en fait des chaleurs « silencieuses ». On peut recalculer la sensibilité (sensibilité 2) des méthodes avec pour référence une méthode fictive qui aurait détecté toutes les chaleurs exprimées (n=67). Les résultats sont exposés dans le tableau XII : 78 Directe – Eleveur 3x30 Caméra – Icônes Caméra – Continue Sensibilité 2 80,6 % (54/67) 46,3 % (31/67) 82,1 % (55/67) 91,5 % (61/67) Tableau XII : Sensibilité 2 des différentes méthodes (n P.O.=67) Les valeurs des sensibilités sont ici plus élevées et les écarts entre les méthodes sont quelque peu modifiés : les écarts entre la méthode « Directe – Eleveur » et les méthodes « Caméra » sont supérieurs dans le deuxième calcul et passe de 1 à 1,5 point pour « Icônes » et de 10 à 10,9 point pour « Continue ». 3.3.5. Spécificité Dans cette expérience, la spécificité d’une méthode correspond à la spécificité du signe choisi pour décider qu’une vache est en chaleurs (acceptation du chevauchement). La spécificité est la probabilité qu’il n’y ait pas chevauchement lorsque la vache n’est pas en chaleurs. Ici, 2 chevauchements ont été observés en dehors d’une P.O., cela donne une spécificité de 97 %. 3.3.6. Temps réel observé 3.3.6.1. Images enregistrés / écartées Nous pouvons rappeler que grâce au capteur d’activité, seules les images sur lesquelles le taux de mouvement suffisant sont enregistrées sur le disque. Si on prend les trois séquences de 30 minutes auxquelles on s’est intéressé pendant l’étude on s’aperçoit qu’environ 80 minutes sur 90 sont gardées en mémoire. Sur la figure 18 on peut voir le nombre de minutes écartées en fonction de la caméra : 79 Figure 18 : Répartition moyenne des minutes écartées par caméras au cours de trois périodes de trente minutes On peut remarquer qu’un nombre plus important de minutes a été écarté du coté des caméras IR (1 et 2) que des caméras Couleur/N&B (3 et 4). On peut réaliser le même type de traitement de données pour la méthode « Caméra – Continue », voici la figure 19 rendant compte des minutes écartées au cours de la journée : Figure 19 : Répartition des minutes écartées pendant 24h 80 En moyenne, environ 12 minutes par heure ont été écartées. Là aussi, on retrouve un écart entre le nombre de minutes écartées avec CAM1 et avec CAM4. Enfin, le temps réel observé avec la méthode « Caméra – Icônes » a été estimé par le rapport entre le nombre d’icônes ouvertes pour le dépouillement de la journée et la durée de la séquence visualisée pour chacune d’elles (Tableau XIII) : Nombre d’icônes “ouvertes” Durée 2 min. Durée 5 min. Durée 10 min. 13,5 23,7 22,1 Nombre d’icônes ouvertes 59,3 Tableau XIII : Nombre d’icônes ouvertes et temps de visualisation (Méthode « Caméra – Icônes ») 3.3.6.2. Temps réel visualisé On peut dire qu’avec la méthode « Icônes » on visualise 22 séquences de 10 minutes, 24 de 5 minutes et 13 de 2 minutes. Cela fait un total de 366 minutes, auxquelles il faut retrancher 12 minutes par heure, il nous reste environ 294 minutes réelles visionnées sur une journée. Les données des différentes méthodes sont synthétisées dans le tableau XIV : Directe - Eleveur Caméra – 3x30 Caméra – Icônes Caméra - Continue Durée moyenne d’observation sur 24h. Temps réel observé sur 24h. 40 min. 00 6 min. 15 20 min. 10 61 min. 00 40 min. 00 1 h. 20 min. 00 5 h. 00 min. 00 20 h. 30 min. 00 Durée moyenne observée en 1 minute d’observation 1 min. 00 12 min. 50 14 min. 50 20 min. 10 Tableau XIV : Durée réelle observée selon les différentes méthodes Le rapport « Temps réel observé / Durée d’observation » varie selon les méthodes, alors qu’il est de 1 pour la méthode « Directe – Eleveur » il passe respectivement à 13, 15 et 20 pour les méthodes « Caméra – 3x30», « Caméra – Icônes » et « Caméra – Continue » ; on visualise donc beaucoup plus d’images dans un même laps de temps, grâce à la vidéo. Ces temps tiennent compte des pauses, changements de caméras et retours en arrière. La vitesse de défilement lors du dépouillement est 19,5 fois la vitesse réelle. 3.3.7. Premier chevauchement Grâce au visionnage des 24 heures de la journée, nous avons pu déterminer l’heure de la première acceptation de chevauchement. Cela permet de définir assez précisément le début des chaleurs. La répartition de ces premières acceptations est représentée dans la figure 20 : 81 Figure 20 : Répartition des premières acceptations de chevauchement au cours de la journée Les débuts de chaleurs sont répartis tout au long de la journée : 57 % de 7H à 19H et 43 % de 19H à 7H. L’effectif est trop faible pour pouvoir dire statistiquement qu’ils sont répartis uniformément, cependant aucune période ne semble privilégiée pour le début des chaleurs. 3.3.8. Intervalle première acceptation de chevauchement – I.A. Grâce au visionnage 24H/24 et aux données du technicien de la coopérative, on a pu établir le rapport entre cet intervalle et le taux de réussite après I.A. (Tableau XV) : Nombre I.A.F. Nombre % 2 50 Intervalle moyen négatif 4 Intervalle moyen > 0h et < 12h 7 4 57 Intervalle moyen > 12h et < 24h 11 5 45 Intervalle moyen > 24h 9 2 22 TOTAL 31 13 42 Tableau XV : Influence de l’intervalle début de chaleurs – I.A. sur la réussite à l’I.A. On remarque que le taux de réussite optimal se situe dans l’intervalle 0 – 12 heures. 82 3.4. Discussion 3.4.1. Les résultats des différentes méthodes On peut commencer ce paragraphe en citant deux études (Roelofs et al., 2005 et Kerbrat et Disenhaus, 2004) dans lesquelles le taux de P.O. avec chaleurs silencieuses , c’est-à-dire de non détection de chaleurs potentielles, varie entre 42 et 50 %. Dans cette étude il est bien moindre puisque seulement 6 % de P.O. n’ont pas été détectées. Ce taux peut être relié à différentes causes : - les pratiques d’élevage : nous décrirons ce qui a pu influencer ce taux dans le paragraphe ci-dessous ; - la méthode de détermination des P.O. à partir des courbes de progestérone, qui a pu être faussée. 3.4.1.1. Les pratiques d’élevage 3.4.1.1.1. Le bâtiment Son organisation en deux aires paillées a tout d’abord déterminé le nombre de caméras. En effet dans un élevage à une seule aire paillée, seulement deux caméras pourraient être utilisées, et donc le temps de dépouillement pourrait être divisé par deux (visualisation d’une seule caméra, l’autre servant en cas de doute et à l’identification). De plus selon Gwasdauskas et al. (1983), le logement en aire paillée est plus propice à l’expression des chaleurs que les « logettes ». Or le système « logette » est en pleine expansion (Capdeville et al., 2003), il serait donc intéressant de tester la vidéosurveillance dans un tel type de bâtiment, où la zone de détection se limite aux zones de circulation et permettrait sans doute de diminuer le temps de dépouillement. 3.4.1.1.2. Les animaux Les vaches dans cet élevage sont en grande majorité des Abondances et des Montbéliardes au niveau de production peu élevé. Cette catégorie de vaches a tendance à plus exprimer ses chaleurs que des Prim’Holstein hautes productrices (Diskin et Sreenan, 2000). De plus, les N.E.C. (Note d’Etat Corporel) réalisées durant l’expérimentation ont révélé une moyenne de trois (ce qui est assez élevé pour un élevage laitier) or on sait que la note d’état corporelle affecte l’expression des signes au moment des chaleurs. La race des vaches a également une influence sur le temps d’identification ; en effet on a vu que le temps nécessaire à l’identification d’une Abondance était plus élevé que celui d’une autre race. Cela tient au fait que ces animaux possèdent une robe unie sans signe vraiment caractéristique, distinguer deux vaches à partir de l’imagier devient alors assez compliqué. 83 3.4.1.1.3. La surveillance des animaux Le taux de détection visuelle est souvent donné autour de 50 % (At-Taras et Spahr, 2001) pour un temps de surveillance de 4 x 5 minutes dans la journée. A Poisy, la détection est bien meilleure avec une sensibilité pour la méthode « Directe – Eleveur » de 76 % ; elle peut être expliquée surtout par le temps d’observation plus long (4 x 10 minutes par jour), réalisable sur le site grâce à la participation de deux stagiaires du centre, qui chaque jour sont affectés à la surveillance du troupeau (l’étude a, de plus, motivé les observateurs à être encore plus vigilants). Ceci est peu représentatif des pratiques moyennes d’élevage, car rares sont les éleveurs qui acceptent de passer autant de temps spécifiquement à la surveillance des chaleurs : Pour expliquer que l’éleveur ait détecté 6 chaleurs que les caméras n’ont pas “vu”, il faut savoir qu’une grande partie des chaleurs observées par l’éleveur le sont au moment du rassemblement des animaux pour la traite. Une partie de la stabulation, l’accès à la salle d’attente, est très peu visible avec les caméras, ce qui peut expliquer les “ratés” de la méthode « Caméra – Continue ». 3.4.1.2. Le système de vidéosurveillance Le système de vidéosurveillance installé sur la ferme de Poisy est un système innovant. Des systèmes de surveillance par caméras sont déjà utilisés dans certains élevages, mais ceux–ci ne permettent en général qu’un visionnage en direct voire un enregistrement sur bandes. L’utilisation des caméras numériques offre plus de possibilités : une fois les images numérisées, elles sont stockées : on peut ainsi visualiser l’intégralité des images d’une journée, en différé. 3.4.1.2.1. Les caméras La disposition des caméras à l’extrémité des aires paillées fait que la zone centrale de cette dernière est éloignée des deux objectifs (Figure 21) : Figure 21 : Angle de vue des caméras 1 et 2 84 Sur deux prises de vue au même instant (Annexes 5 et 6) on peut voir que la vache entourée est éloignée des deux caméras. Cela pose un problème pour le détecteur de mouvement, car plus on est éloigné de la caméra, plus les distances apparentes sont réduites. Les mouvements au centre de l’aire sont minimisés car un pixel représente une plus grande surface réelle. Il faudrait coupler les deux caméras. Les mouvements proches d’une des deux caméras sont détectés par la caméra concernée. Si les deux caméras sont couplées et qu’elles captent un mouvement loin d’elles en même temps, elles pourront l’enregistrer. Ainsi toute la zone d’aire paillée sera couverte par le détecteur de mouvement de la même façon. Les caméras ont également une définition limitée, en effet le système a la possibilité de zoomer mais cette trop faible définition ne permet pas de lire le numéro de la vache sur son collier par exemple (ce qui rend l’identification un peu plus difficile). On peut se demander si une définition plus haute serait souhaitable en sachant que la place occupée alors sur le disque dur sera plus importante ; la capacité de stockage devra donc être augmentée. 3.4.1.2.2. Réglage du détecteur Le système de vidéosurveillance est équipé d’un détecteur de mouvement, permettant de stocker ou non les images filmées, en fonction de l’activité. Le réglage de ce taux de détection de mouvement a été bloqué à 90 %. Un réglage plus fin de ce taux permettrait de diminuer le temps de dépouillement en éliminant les séquences avec peu de mouvements. Une nouvelle étude devrait être mise en place pour optimiser cette fonctionnalité. Le détecteur de mouvement intégré au système ne déclenche pas la mise en route des caméras. Celles-ci fonctionnent en continu, puis le détecteur effectue un premier tri. Une première solution serait de doubler les caméras. Deux caméras, installées l’une au-dessus de l’autre, filmeraient la même zone : le taux de détection de la première sera bloqué au maximum, soit 100 % des images ; celui de la seconde pourrait être modulé. La comparaison des images des deux caméras nous permettrait de voir quelles images ont été écartées, et ainsi d’optimiser le réglage de la sensibilité du détecteur de mouvement, pour ne conserver que les images intéressantes. Cette solution obligerait l’achat et l’installation de 4 caméras supplémentaires. Une seconde solution serait à étudier avec les fabricants. On peut sans doute faire fonctionner le détecteur de mouvement sur un enregistrement de séquences stockées sur l’unité centrale. Ainsi, on utiliserait les caméras déjà installées, le taux de détection réglée à 100 %: on aurait l’intégralité des séquences. On pourrait ensuite travailler sur ces images en les soumettant au programme de détection de mouvement, en faisant varier le taux de détection. Les séquences écartées suite à la variation de cette sensibilité pourraient être identifiées, et le meilleur réglage pourrait être choisi. Ce réglage devrait être un service proposé par l’installateur des caméras, en amont de l’utilisation du système dans l’élevage. 3.4.1.3. La méthode « Caméra – 3x30 » Les résultats obtenus avec cette méthode ont été surprenants. En effet cette méthode, basée sur la bibliographie, aurait dû permettre de détecter environ 82 % des chaleurs. Or il existe un biais dans l’expérience, lié aux pratiques de l’élevage, à cause duquel la sensibilité n’est que 85 de 44 %: les vaches repérées en chaleurs par la méthode « Directe – Eleveur » sont écartées du troupeau au moment de la traite et sont conduites à l’« infirmerie » afin d’y être inséminées. Ainsi des vaches en chaleurs ont pu échapper à la caméra comme le montre la figure 22 : Figure 22 : Le biais de la méthode « Caméra – 3x30 » Si une vache entre en chaleurs durant l’une des deux périodes A ou B, elle sera isolée du troupeau lors de la traite suivante, et donc indétectable par la méthode « Caméra – 3 x 30 ». Seule la sensibilité de la méthode est affectée. Le temps de dépouillement sera sans doute le même si l’on modifie l’horaire des périodes d’observation. Les résultats obtenus avec l’aide de cette méthode ayant été biaisés ont été écartés, et nous ne les discuterons pas. Cependant, on peut retenir que 44 % des P.O. ont été détectées malgré le biais de l’étude. La méthode « Caméra – Continue » permet de savoir combien de chaleurs ont commencé au cours des deux périodes A et B : 2 en période A et 19 en période B. En formulant l’hypothèse que ces chaleurs auraient été vues si les vaches n’avaient pas été isolées, le taux de détection de cette méthode serait alors passé de 44 % à 73 %. Donc une sensibilité équivalant à celle de la méthode « Icônes » avec un temps passé au dépouillement moindre. Il serait intéressant de reconduire cette méthode en décalant les horaires de visionnage pour connaître ses caractéristiques réelles. 86 3.4.1.4. La méthode « Caméra – Continue » Cette méthode est la plus longue (et la plus laborieuse) mais elle donne de très bons résultats (86 % de P.O. détectées). Elle n’est pas réalisable en pratique pour l’éleveur mais on peut tout de même exploiter les résultats qu’elle nous a fournis. De plus l’éleveur peut utiliser l’enregistrement 24H/24H en cas de doute pour une chaleur (afin d’éviter une insémination superflue) ou pour rechercher le début d’une chaleur ; il peut en effet suivre une vache tout au long de la journée. Cette utilisation semble être utile puisque d’après la bibliographie (Van Eerdenburg et al., 2002), l’intervalle « Début des chaleurs – Insémination » influence la réussite de cette dernière. Sur la figure 23 on peut voir qu’il existe une période de fertilité optimale entre 12 et 24H après la première acceptation de chevauchement : Figure 23 : Moment propice à l'insémination (Murray, 1996) . D’après l’essai de Dransfield (1998), le taux de réussite est maximal si cet intervalle est compris entre 4 et 12H, ce que confirme notre étude. On peut également s’intéresser aux résultats du §3.3.7. : De 6H à 8H et de 16H à 18H, les chaleurs sont peu repérées, ces périodes correspondent : - aux traites, qui ont lieu de 6H à 7H30 et de 16H à 17H30 ; - à l’alimentation, pour laquelle les vaches sont bloquées au cornadis. Les deux chaleurs repérées entre 16 et 18H l’ont été à 16H03, un jour où l’éleveur avait du retard pour la traite, et l’autre à 17H50, les cornadis ayant été ouverts plus tôt. Il y a également peu de chaleurs repérées autour de 21H, heure à laquelle l’alimentation est repoussée dans les auges. On peut supposer que les vaches, attirées au cornadis de nouveau, manifestent moins leurs chaleurs. 87 On peut noter enfin qu’un intervalle « Début de chaleurs - I.A. » de plus de 24 heures correspond souvent à des chaleurs repérées en début d’après midi. L’organisation en une seule tournée journalière des inséminateurs fait que l’I.A. suivant ces chaleurs se fait souvent aux alentours de midi le lendemain. 3.4.1.5. La méthode « Caméra – Icônes » Nous allons nous intéresser plus particulièrement à la méthode « Caméra – Icônes » qui est selon nous la plus applicable sur le terrain. Pour détecter environ le même nombre de chaleurs, la méthode « Caméra – Icônes » nécessite deux fois moins de temps que la « Directe – Eleveur », on peut donc dire qu’elle est deux fois plus efficace (l’efficacité d’une méthode étant définie par le rapport taux de détection / temps passé). Cette méthode a une bonne sensibilité (77 % avec pour référence les courbes de progestérone et 80,6 % avec pour référence une méthode détectant toutes les chaleurs) et une excellente spécificité (97 %) que l’on peut comparer aux techniques de détection vues dans le §2.3. (Tableau XVI) : Méthode Caméra - Icônes Colliers marqueurs KaMar D.E.C. Impédance utérine Sensibilité (en %) 77 – 80,6 50 56 – 94 30 91 Spécificité (en %) 97 50 36 – 80 60 80 Tableau XVI : Sensibilité et spécificité de différentes méthodes de détection des chaleurs On peut voir qu’aucune autre méthode ne possède de spécificité meilleure et qu’à part l’impédance utérine (qui n’est pas une méthode utilisée en pratique), « Caméra – Icônes » a la plus forte sensibilité. 3.4.1.6. La durée de dépouillement Rappelons que le dépouillement se fait en deux temps (deux feuilles par jour sur les cahiers). Sur la première feuille se trouvent les deux traites (de 6h. à 7h30 et de 16h. à 17h30) ce qui peut expliquer la variation de la durée d’observation entre les deux parties de la journée. Les temps d’observation maximum correspondent aux journées où l’activité dans le bâtiment est importante. Cette activité peut être due à plusieurs vaches en chaleurs ou à une visite du bâtiment par des personnes extérieures à l’élevage par exemple. A ce moment là, non seulement le dépouillement est plus lent (la vitesse de visualisation ne pouvant être accélérée au maximum pour éviter de rater un chevauchement), mais en plus, le logiciel enregistre plus d’images que lorsqu’il n’y a pas d’activité (grâce au capteur de mouvement). 88 3.4.1.7. Les signes pris en compte Le choix a été fait de ne prendre en compte que l’acceptation du chevauchement comme signe de chaleurs alors que nous avons vu dans le §2.2.2. que les signes secondaires sont nombreux. La prise en compte de ces signes a permis d’augmenter les taux de détection dans d’autres études (Kerbrat et Disenhaus, 2004). Ici, le visionnage a été réalisé en vitesse accélérée ; mais dans une méthode de dépouillement courte (« Caméra – 3x30 » ou « Caméra – Icônes ») en vitesse de défilement plus lente, la prise en compte de ces signes pourrait être intéressante. 3.4.1.8. Images enregistrées / écartées Il existe une différence, dans le nombre de minutes écartées, entre les caméras I.R. et Couleur/N&B. On peut se demander si elle vient du type de caméra, ne délivrant pas des images d’une même qualité (ce qui peut influencer le traitement des images réalisé par le détecteur d’activité), ou alors d’une différence d’activité entre les deux aires paillées. Puisque dans chacune des aires paillées le même type de caméra est installé, on ne peut pas conclure. 3.4.1.9. Heure du début au début des chaleurs Dans notre étude, les entrées en chaleurs semblent se répartir tout au long de la journée, ce qui corrobore l’étude de Dransfield (1998). 3.4.1.10. Échantillonnage insuffisant Le nombre de P.O. égal à 71 ne permet pas un traitement statistique détaillé. Les résultats obtenus montrent cependant que la vidéosurveillance pour la détection des chaleurs est envisageable. 3.4.1.11. L’effet de la lumière De nuit comme de jour, la lumière est un paramètre à prendre en compte ; en effet, le jour le soleil rend parfois les images inutilisables (Annexe 10). Il faut se soucier de la position des caméras afin que l’éblouissement soit le plus faible possible. 24H/24H des néons éclairent les aires paillés, afin que les images restent de bonne qualité : les caméras Couleur / N&B ne sont pas assez puissantes et les autres caméras équipées d’un spot I.R. ne permettent de surveiller qu’une zone restreinte. On peut se demander si l’exposition continue des vaches à une lumière artificielle a un impact sur leur activité ; il a été prouvé que chez des vaches en lactation une exposition à une photopériode de jours longs : 16-18H de lumière suivies de 6-8H d’obscurité, augmente leur production de 8-10 %, on peut donc conclure à un effet de la lumière sur le métabolisme de la vache (Harold, 2006). 89 Un meilleur choix de caméra ou un aménagement (comme une rampe de spots I.R.) permettrait de s’affranchir de cette lumière artificielle. 3.4.2. Limites de l’étude et améliorations souhaitables pour une prochaine expérimentation 3.4.2.1. Rentabilisation du temps de travail Les fonctionnalités du logiciel de gestion des images permettent de naviguer très facilement de caméra en caméra et dans le temps. L’outil est ainsi attractif car il est relativement simple d’utilisation après quelques jours de prise en main. L’éleveur aura la possibilité de voir les images en différé et donc ce qui s’est passé en son absence et surtout la nuit. Cela peut servir à confirmer une chaleur douteuse et donc éviter d’inséminer à mauvais escient. Le système permet aussi de visualiser un grand nombre de situations en un minimum de temps ; rappelons qu’il faut en moyenne 20 minutes avec la méthode « Caméra – Icônes » pour visualiser une journée complète. La charge de travail s’en trouve donc diminuée (recommandation de surveillance des chaleurs de 3x20 minutes) pour une sensibilité nettement supérieure (le taux de détection dans un troupeau moyen est d’environ 55 %). 3.4.2.2. Synthèse (Tableau XVII) Le système qui a été installé à Poisy comporte ses avantages et ses limites : Avantages - Permet de visualiser les images en différé, celles de la nuit y compris : adapté à la disponibilité de l’éleveur - Bon rapport durée observée / durée d’observation - Fonctionnalité du logiciel : Vitesse de lecture variable, déplacement dans la journée facile… - Permet de surveiller le troupeau sans être vu et sans être obligé de se déplacer .- Multi usage : surveillance des chaleurs, des vêlages, d’une vache en particulier… Limites - Inutile si les vaches ne manifestent pas de signes de chaleurs. - Difficilement utilisable au pâturage, hors bâtiment - Difficulté d’identifier les animaux par leur robe - Nouvel investissement - Pas d’observations précises (rumination, notes d’état corporel, aspect des bouses, blessures,…) - Effet de la lumière sur les animaux ? Tableau XVII : Avantages et limites du système de vidéosurveillance 90 CONCLUSION Dans cette étude nous avons confirmé l’importance capitale de la détection des chaleurs dans la maîtrise de la reproduction des bovins. Dans cette optique, nous avons éprouvé un système de vidéosurveillance du 19 décembre 2006 au 5 avril 2007, dans un élevage de 77 vaches, majoritairement composé de Montbéliardes. Nous avons mis en place trois méthodes de dépouillement des images vidéos (méthode « Continue » où toute la journée est visualisée ; « 3x30 » où trois séquences d’une demi-heure chacune sont visionnées ; et enfin « Icônes », une méthode basée sur la capacité du logiciel de traitement vidéo à découper la journée en séquences de différentes durées). Ces méthodes ont été confrontées à l’observation directe et à notre méthode de référence qui est la détermination des phases ovulatoires grâce à l’analyse des courbes de progestérone dosée dans le lait. Les chaleurs ont été définies uniquement par l’acceptation du chevauchement. Il est apparu que la méthode « Icônes » était la méthode de choix, avec une sensibilité de 77 % et un temps de dépouillement de 20 minutes pour une journée. Rappelons que les autres techniques courantes d’aide à la surveillance, en plus de ne pouvoir se passer de l’observation directe, n’ont pas de caractéristiques aussi élevées. Afin d’analyser d’autres signes de chaleurs et d’obtenir des données plus nombreuses, qui permettraient un traitement statistique détaillé, cette étude sera reconduite pendant l’hiver 2007/2008 dans le même élevage. Il nous paraîtrait également intéressant d’utiliser ce système dans un élevage plus représentatif des exploitations actuelles pour connaître ses réelles performances. Enfin nous pensons qu’une enquête auprès des éleveurs s’avère indispensable pour évaluer l’accueil qu’ils réserveraient à un tel système. 91 92 Annexes 93 Annexe 1 : Les vagues folliculaires chez la vache (Maillard et al., 2005) 94 Pas de pic transitoire 22/11/06 11/01/07 Période ovulatoire Annexe 2 : Courbe de progestérone de la vache n°194 95 Pic Transitoire 4/01/07 23/02/07 Période ovulatoire Annexe 3 : Courbe de progestérone de la vache n°1065 96 Phase lutéale courte Annexe 4 : Courbe de progestérone de la vache n°3090 97 Annexe 5 : Photo prise le 28.03 à 11:51 caméra 1 Annexe 6 : Photo prise le 28.03 à 11:51 caméra 2 98 Annexe 7 : Protocole de choix des séquences de 10 minutes 99 Annexe 8 : Une page d'un cahier de dépouillement 100 Annexe 9 : Une partie de l’imagier (profil droit) 101 Annexe 10 : Photos prises au même moment, caméra opposées CAM 1 CAM 2 102 Annexe 11 : Monographie du protocole de dosage 103 104 105 106 Annexe 12 : Données concernant les cycles des vaches de l'étude Variables : Vache : numéro de collier de la vache Vêlage : date du vêlage Repract : Reprise d’activité lutéale : premier prélèvement positif. Repcyc : premier prélèvement positif d’un vrai cycle oestral Chal1P4 : Chaleur 1 détectée grâce à l’analyse de courbe de progestérone (pour les modalités cf. ci-dessus) en jour post vêlage Etc. IA : date de l’IA en jour post vêlage DGP : diagnostic de gestation positif (date) DGPPV : diagnostic de gestation positif (en jour post vêlage) PL : durée de la phase lutéale : jour entre le prélèvement négatif précèdent une PL et le prélèvement négatif juste après. HP4 : hauteur du pic de progestérone pour chaque phase lutéale MP4 : moyenne du taux de progestérone au cours de chaque phase lutéale 107 108 109 110 Bibliographie AMYOT E., HURNIK J.F. (1987). Diurnal patterns of estrous behaviour of dairy cows housed in a free stall. Can. J. Anim. Sci., 67, 605-614. AT-TARAS E., SPAHR S.L. (2001). Detection and characterization of estrus in dairy cattle with an electronic heatmount detector and an electronic activity tag. An. Dairy. Sci. Assoc., 84, 792-798. 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MOTS-CLES : - Détection - Chaleurs - Vache laitière - Vidéosurveillance - Progestérone JURY : Président : Monsieur le professeur PUGEAT 1er Assesseur : 2ème Assesseur : Monsieur le professeur BADINAND Monsieur le professeur GUERIN DATE DE SOUTENANCE : 19 octobre 2007 ADRESSE DE L’AUTEUR : 13, rue Soleysel 42000 SAINT-ETIENNE 122