pdf 1 - Exhibitions International

Transcription

pdf 1 - Exhibitions International
Het Noordbrabants Museum, Bois-le-Duc
Jérôme Bosch
Les visions
d’un génie
Matthijs Ilsink, Jos Koldeweij
Avant-propos : Charles de Mooij
[logo mercatorfonds]
Sommaire
Avant-propos
Introduction
Jérôme Bosch
(vers 1450–1516)
I
Le pèlerinage de vie
II
(Jérôme) Bosch
à Bois-le-Duc
6
8
16
20
20
24
28
1-4. Triptyque du vagabond
1. Le Vagabond (Rotterdam)
2. La Nef des fous (Paris)
3. L’Allégorie de la débauche et du plaisir (New Haven)
4. La Mort et l’avare (Washington)
5. Le Chariot de foin (Madrid)
36
40
44
48
6-7. Retable de la confrérie de Notre-Dame
6. Saint Jean l’évangéliste à Patmos. La Passion (Berlin)
7. Saint Jean-Baptiste (Madrid)
8. Ecce Homo avec saints et donateurs (Boston)
9. La Lithotomie ou La Cure de folie (Madrid)
54
10.
11.
12.
13.
68
14.
70
15.
La Création du monde. Le paradis terrestre (Escorial)
L’Adoration des mages (New York)
L’Adoration des mages (Philadelphie)
L’Arrestation, le Couronnement d’épines et la Flagellation du Christ (Valence)
Ecce Homo (Francfort)
Le Portement de croix. Jésus enfant (Vienne)
78
16.
79
17.
81
18.
84
19.
85
20.
88
21.
90
22.
Le Nid de chouettes (Rotterdam)
Le Champ a des yeux, la forêt des oreilles (Berlin)
Feuille d’étude avec des « sorcières » (Paris)
Les Oiseaux et les mammifères se déclarent
la guerre (Berlin)
Le Combat des oiseaux contre les mammifères (Berlin)
Fileuse et vieille femme (Rotterdam)
Homme dans une hotte, vieille femme avec des
tenailles et enfants (Vienne)
58
III
62
•••Het leven van Christus••• 64
IV
Bosch dessinateur
V
Figures saintes
(les saints?)
VI
Le fin des temps
92
23.
93
24.
94
25.
98
26.
100
27.
102
28.
104
29.
106
30.
108
31.
110
32.
112
33.
114
34.
118
35.
120
36.
122
37.
126
38.
128
39.
L’Escamoteur (Paris)
L’Escamoteur (Liège)
L’Escamoteur (Saint-Germain-en-Laye)
Dix spectateurs (New York)
Deux hommes (collection privée)
Deux Orientaux (Berlin)
La Mise au tombeau du Christ (Londres)
Étude de mendiants (Bruxelles)
Étude de mendiants (Vienne)
Deux monstres (Berlin)
La Tentation de saint Antoine / Concert dans
un œuf (Berlin)
Scène infernale (collection privée)
Navire infernal (Vienne)
Deux monstres (Berlin)
Esquisse de monstres (Berlin)
Étude de monstres (Oxford)
Étude de monstres (Providence)
132
134
138
140
146
150
154
156
Saint Christophe (Rotterdam)
Triptyque de sainte Wilgeforte (Venise)
Saint Jérôme (Gand)
Triptyque des ermites (Venise)
Triptyque de Job (Bruges)
Saint Antoine (Kansas)
Saint Antoine (Madrid)
Saint Antoine (Bois-le-Duc)
40.
41.
42.
43.
44.
45.
46.
47.
160
48. Fragments d’une représentation du Déluge
160
48a.Le Monde après le déluge. Deux tondi (Rotterdam)
160
48b.Le Monde après le Jugement dernier. Deux
tondi (Rotterdam)
164
49. Le Jugement dernier (Bruges)
170
50. Le Jugement dernier (Munich)
174
51. Le Paradis et La Montée des bienheureux vers
l’empyrée
51a.Le Paradis terrestre (Venise)
51b.La Montée des bienheureux vers l’empyrée (Venise)
51c.La Chute des damnés (Venise)
51d.La Rivière vers l’enfer (Venise)
IV
Bosch
dessinateur
L’œuvre dessiné de Jérôme Bosch constitue un monde en soi.
Là où la plupart des thèmes représentés dans les peintures
atteignaient des proportions cosmiques, c’est inversement
le règne du petit que célèbrent les dessins. Non pas que les
tableaux ne trahissent aucun goût pour l’infime ou le
minuscule – ils fourmillent de détails qui, chacun isolément,
sont autant de dessins réalisés au pinceau – mais parce que les
dessins sont plus simples et plus directs, souvent aussi plus
spontanés. Ils nous donnent le sentiment de voir l’artiste au
travail. Penché sur sa table, la plume à la main. Les dessins
sont la manifestation la plus franche de son besoin de créer.
Il est certes exceptionnel de pouvoir évoquer la carrière de
dessinateur de Bosch car nous n’avons pratiquement aucun
dessin de ses contemporains ; Bosch est le premier artiste
néerlandais dont un corpus de dessins a pu être conservé.
Le terme corpus semblera peut-être un peu fort pour désigner
la vingtaine de dessins que nous considérons comme
autographes, même si c’est tout de même presque le double
de la douzaine de feuilles qui lui étaient encore récemment
attribuées.
Une chose est sûre : avec ses dessins, Bosch apparaît comme
un précurseur dans l’utilisation du papier pour réaliser des
croquis. Il est aussi l’un des plus anciens artistes des provinces
du Nord à nous avoir laissé quelques dessins dont on peut
légitimement penser qu’ils n’ont pas été conçus comme des
esquisses, des études préparatoires ou des copies, mais
comme des œuvres à part entière, autonomes. Les figures
esquissées ne sont quasiment jamais réutilisées telles quelles
dans les peintures, l’artiste donnant au contraire l’impression
d’avoir pratiqué le dessin pour donner une réalité à son
imagination, faire naître des images, noter des instants saisis
au vol. Dessiner devenait ainsi pour lui le moyen d’inventer,
de créer des formes nouvelles.
Cette pratique trouve une magnifique illustration dans le
dessin d’une scène d’enfer peuplée de créatures plus
extravagantes les unes que les autres ; un prodige d’invention
provenant d’une collection privée, présenté ici pour la
première fois comme une œuvre parfaitement autographe.
De nouvelles reproductions photographiques permettent de
suivre pas à pas le processus de création des assemblages les
plus délirants.
Mais Bosch n’était pas seulement un inventeur de monstres
et de démons. Il dessinait aussi ses contemporains, avec une
affection particulière pour les marginaux, les boiteux, les
mendiants et escrocs de tout poil. Nul n’ignore qu’il n’est
pas entré dans l’histoire comme éminent représentant de la
beauté classique. On jugera donc d’autant moins anodin de
trouver au milieu des nécessiteux, quelques croquis d’enfants
jouant innocemment avec des oiseaux.
L’examen attentif de l’œuvre montre que Bosch, maître de
l’anormal et du surnaturel, a très soigneusement étudié la
nature. Moyen duc, chevêche, hulotte ou effraie : il savait
toutes les représenter dans leurs moindres détails. Les
plantes l’intéressaient moins que les animaux. Mais il faisait
parfaitement la différence entre une cane et un canard – le
mâle porte des plumes retroussées sur le croupion – et savait
l’indiquer avec de l’encre et une plume, sans recourir à la
couleur. Crânes de chevaux, renards, coqs, cygnes, spatules
blanches et cervidés n’avaient pas plus de secrets pour lui.
Pour Bosch, la nature est un lieu qui déborde de vie, d’esprit
et de sortilèges. Les forêts ont des oreilles, les champs ont des
yeux. Les oiseaux combattent les mammifères comme de
véritables soldats. L’artiste devient complètement lui-même
quand il croise les hommes, les animaux et les objets. Les fûts
se mettent alors à marcher et les battants de cloche prennent
forme humaine. Et pour peu qu’il ignore ou inverse les
paramètres d’échelle, il est capable de faire tenir cinq
pécheurs sur le tranchant d’un couteau.
Les Grecs avaient la chimère (le lion avec un corps de chèvre
et une queue de serpent), le cerbère (le chien à trois têtes
gardant l’entrée des Enfers) et l’hydre (le monstre à plusieurs
têtes). Les monstres de Bosch ne sont pas des illustrations
livresques ou des déclinaisons de créatures mythologiques,
mais de pures inventions basées sur une observation
rigoureuse de la nature et animées par la conviction que le
monde créé par Dieu est hanté et corrompu par le mal.
Les dessins de Bosch donnent une image de l’humanité bien
moins sombre que ses peintures. Ils témoignent avant tout
du plaisir de créer et d’expérimenter des formes nouvelles. La
créativité et l’originalité étaient tout sauf des notions creuses,
comme l’indique cette profession de foi que l’artiste avait pris
soin d’inscrire au-dessus d’un de ses dessins : « Misérable est
celui qui utilise toujours les trouvailles d’autrui et n’en invente
aucune par lui-même ».
75
76
77
Jérôme Bosch
78
16. Le Nid de chouettes
Bosch doit avoir eu une passion pour les chouettes et les
hiboux. Ils sont un motif récurrent de son œuvre peint et
dessiné et sont généralement représentés comme un signe
de mauvais présage. Dans Le Nid de chouettes, l’un de ses plus
beaux dessins, l’artiste montrent trois oiseaux qui reviennent
au nid. Avec amour et souci du détail, il croque une chouette
chevêche qui s’approche les ailes déployées d’une autre
chouette (son petit ?) nichée dans la cavité d’un arbre. Comme
il est d’usage, le retour des rapaces effraie les oiseaux alentour
Plume et encre brune sur papier,
140 × 196 mm
Rotterdam, Museum Boijmans Van
Beuningen, n 175
et on peut voir l’un d’eux descendre en piqué vers le hibou
juché tout en haut de l’arbre. Exceptionnelle pour un dessin
de cette époque est cette vue en gros plan de l’arbre, qui est
encore accentuée par le majestueux paysage à l’arrière-plan et
la silhouette du village au loin. Le Nid de chouettes n’est pas un
banal croquis mais un dessin qui frappe par sa finesse et ses
infimes nuances. Une scène de nature savamment composée
célébrant un animal que Bosch, pour des raisons qu’il est le
seul à connaître, aimait le plus.
Jérôme Bosch
16
Triptyque du vagabond
Un voyageur solitaire venu de quelque part et se dirigeant
quelque part : nombre d’éléments restent insaisissables
dans cette scène qui n’a pas été peinte par l’artiste comme un
tableau autonome. De forme ronde, elle faisait originellement
partie d’un triptyque qui, lorsque les deux volets étaient
fermés, présentait une surface rectangulaire. Le joint coupait
la scène en deux en travers du voyageur, précisément là où
se ferme le panier qu’il porte sur le dos. L’intérieur des volets
représente à gauche La Nef des fous (cat. 2-3) et à droite La Mort
et l’avare (cat. 4). On ignore en revanche le sujet du panneau
central qui a été perdu. L’ermite s’achemine vers la mort dans
l’ignorance de son avenir. Le sentier est fermé par une barrière
et un chien montre les dents derrière lui. Le voyageur vient de
dépasser une maison mal famée et le paysage au loin paraît
aride et désolé. Son identité est volontairement laissée à
l’interprétation de chacun. Ce qu’il contient dans son panier
est également dérobé à notre vue. Rien n’indique qu’il
s’agisse d’un vagabond ; il ne possède pas non plus les
attributs d’un pèlerin. Chaussé d’un soulier et d’une savate,
il poursuit prudemment son chemin, le regard tourné vers
l’arrière, comme préoccupé. Il ne peut qu’aller toujours
plus avant. C’est un Elckerlijc, autrement dit « Monsieur
1. Le Vagabond
Tout-le-Monde », cette figure littéraire dans laquelle chacun
peut se reconnaître. Le tondo apparaît dès lors comme un
miroir posé contre le mur. Le spectateur regarde ce pèlerin
de la vie en route vers sa destinée et doit, de la même façon,
choisir sa direction sans s’écarter du droit chemin. Le voyageur
va-t-il ouvrir la barrière et s’en aller malgré la présence du
bœuf qui lui barre la route ou préférera-t-il revenir sur ses pas
et céder à la luxure et au péché ? Au terme de sa vie, il sera jugé
sur les choix qu’il a faits et la façon dont il s’est comporté. Quel
qu’ait pu être le sujet du panneau central aujourd’hui perdu,
tel devait être certainement le sens du message peint par
Bosch.
Ses contemporains ont dû machinalement se remémorer
la parabole du Fils prodigue en apercevant la mangeoire à
cochons à gauche derrière le vagabond. Dans cette parabole,
le Christ raconte l’histoire d’un fils qui, après avoir dilapidé
sa fortune, avait été obligé de proposer ses services au premier
habitant venu, lequel lui avait fait garder ses cochons et
manger à leur râtelier. Puis il était revenu repentant chez son
père, qui l’accueillit plein de compassion (Luc 15 :11-32). Ce
passage de l’Évangile est cependant visuellement absent de
notre tableau.
Jérôme Bosch Le Vagabond,
vers 1500 – 1510
Huile sur bois, 71,3 × 70,7 cm
Rotterdam, Museum Boijmans
Van Beuningen, 1079
17
18
La scène que Bosch a choisi de représenter est aussi réaliste
qu’elle est insaisissable. Elle suscite la réflexion ; une
mult­­­­­itude de détails y contribuent. Pourquoi l’homme
porte-t-il une patte de cochon en guise d’amulette ? Pourquoi
une peau de chat est-elle accrochée à son panier sous la
louche ? Et pourquoi une alène est-elle fixée au chapeau qu’il
tient dans sa main alors qu’il est déjà coiffé d’un chaperon ?
Dans la taverne qu’il vient de dépasser se déroulent toutes
sortes de choses qu’il est préférable pour lui d’ignorer : la
cruche retournée qui se dresse au-dessus du pignon, la culotte
blanche posée sur le rebord de la fenêtre, l’image du cygne
sur l’enseigne, l’homme qui urine et le couple qui se cajole
ne présagent rien de bon.
De la même manière que nous considérons la scène,
la chouette perchée sur l’arbre épie la mésange suspendue
quelques branches plus bas (ill. p. 16). Il est également
probable que le bœuf regarde à son tour la pie posée devant
lui sur le sol, au pied de la barrière fermée. Partout il s’agit
de voir et d’être vu. L’homme est lui-même sous le regard de
Dieu tout au long de sa vie.
Une gravure sur bois allemande datée de la même époque
illustre cet état de fait de façon plus explicite et avec forces
détails. Au centre de la composition, un voyageur que le diable
essaie de corrompre est contraint de poursuivre sa route
jusqu’à ce que la mort vienne le faucher. Des anges vertueux
entourent la composition centrale, tandis que, tout en haut,
Dieu, représenté comme la Sainte Trinité, observe avant de
rendre son jugement. La scène est donnée comme un miroir,
une intention soulignée par le titre et le texte de la banderole :
« Spectateur, mire-toi dans le miroir et prends à cœur ce
message. » Ainsi Bosch a-t-il également dépeint un miroir qui
montre un chemin de vie semé d’embûches et la conduite à
tenir face au bien et au mal.
Le Miroir de la Raison
Allemagne, vers 1488
Gravure sur bois, 40,4 × 29,1 cm
Munich, Staatliche Graphische
Sammlung, 118319d, Schr.1861
19

Documents pareils