Dico Dard - Passage du livre

Transcription

Dico Dard - Passage du livre
Dico Dard
GENCOD : 9782265098466
PASSAGE CHOISI
Avertissement
Le propos du présent ouvrage, tout évident qu'il est, se heurtera, je n'en doute pas pour
l'avoir jadis éprouvé s'agissant de Marcel Aymé, à l'incompréhension hargneuse de quelques
constipés du bulbe. Je précise donc à leur intention que ce «dictionnaire» n'est pas un
ouvrage posthume de Frédéric Dard ; que si j'ai présenté comme des «définitions» les trois
mille et quelques citations prises à l'ensemble de son oeuvre, les entrées sont de moi ;
qu'enfin, les personnages cités n'expriment pas forcément la pensée de leur auteur : Berthe
Bérurier n'est pas Madame Bovary, Frédéric Dard n'est pas Gustave Flaubert. On ne devrait
même pas avoir à l'écrire. Pour les sources, je renvoie à la bibliographie en fin d'ouvrage ; j'ai
pioché partout. Le chantier reste ouvert et on peut parfaitement imaginer monument plus
majestueux à la gloire de l'authentique écrivain que demeure Frédéric Dard et de l'honnête
homme qu'il fut. Avis aux amateurs.
Pierre Chalmin
*
abandon
Il est grisant de pouvoir tout dire à qui peut tout entendre.
abasourdi
Je trouverais de la bonté dans le regard d'un huissier que je ne serais pas plus abasourdi.
abattu
Il m'écoute, abattu dans son fauteuil comme un albatros sur le pont d'un cargo.
abdication
L'abdication des vieillards est toujours plus ou moins feinte.
abîmes
L'envie me prend de la dénuder, de la presser, de l'ouvrir, de la goûter, de l'investir, et de
m'enfuir avec elle aux abîmes des délices.
Nos regards se fondent, se disent tout.
ablations
Pas de bain : je ne suis pas venu ici pour faire mes ablations !
ablette
Il a repris du poil de l'ablette.
*
abondance
La petite secrétaire a tout pour elle, tellement que j'aimerais qu'elle en eût aussi un peu pour
moi.
Écoutez, franchement, y a tellement de rebondissements dans ce livre qu'on le dirait en
caoutchouc. Si j'avais les moyens, je l'achèterais pour pouvoir le relire à tête reposée. Vous
savez ce que c'est, le métier de sous-auteur ? On tartine, on gribouille, on ne fait pas gaffe !
On accumule les pages ! On compte les signes. On en rajoute pour se mettre bien avec
l'éditeur. Lui prouver qu'il n'est pas tombé sur un feignant, qu'il a touché la belle pondeuse,
la Bresse noire au non généreux ; le distributeur fonctionnant au quart de poil ! On va de
l'avant, on pédale en force, en trombe !
On se vide comme une chasse d'eau ! On va se perdre dans des fosses cachées. On se
répand. On se déglaire. On s'agite le bocal pour lui faire pleuvoir des adjectifs. On revient sur
les touches pour concorder un verbe et un sujet récalcitrant. Seulement, dans toute cette
effervescence on n'a pas le temps de déguster ce qu'on sécrète. On est comme le ver à soie
; impossible de s'admirer le cocon puisqu'on en est prisonnier. Mais ce livre, faudra que je
m'arrange pour me l'offrir. J'y tiens. Ça sera mon cadeau d'anniversaire, mon jubilé, ma
récompense, ma prime à la diurétique. Je me cotiserai. J'irai chialer chez les libraires pour
qu'ils me pourcentent. Si nécessaire je vendrai ma montre. J'emprunterai, moi qu'ai horreur.
(J'ai tellement honte d'emprunter que j'ose pas rendre.) Je ferai des ménages, si besoin hait.
Je laverai des voitures. Je troncherai des vieilles dames riches. Me ferai maître d'école ou
mettre des colles. Embourber, s'il faut. Je l'obtiendrai, je vous dis. Le veux chez moi, en
bonne place, que je puisse canner et pavaner à mon tour, comme les autres, le brandir, mon
San-Antonio. Montrer que moi aussi, j'suis à la page et fin lettré. Et puis le lire. Biffer les
répétitions et souligner de rouge le peu qu'il restera. Enfin bref, égoïstes comme je vous sais,
tout ça vous vous en foutez, hein, mes vaches ? (...)
REVUE DE PRESSE
Le Monde du 2 juillet 2015
Pierre Chalmin a réuni près de 3 000 citations pour son Dicodard, consacré aux bons mots
de San-Antonio. Là où le Dictionnaire San-Antonio (1993) recensait les milliers de délicieuses
inventions langagières de Frédéric Dard, le Dicodard montre comment l'écrivain triturait à sa
guise les mots de tous les jours. Soit un recueil de citations tantôt loufoques, tantôt
empreintes d'une sourde tristesse. Par petites touches, s'y dessine le portrait d'un écorché
vif pour qui la mélancolie tenait lieu de protection. «Le drame de l'écrivain, c'est qu'on ne le lit
pas comme il écrit.» Telle était sa définition du mot «incommunicabilité».
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