« Comment prendre en compte la santé mentale et la souffrance

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« Comment prendre en compte la santé mentale et la souffrance
JOURNEE SANTE MENTALE
« Comment prendre en compte la santé
mentale et la souffrance psychique ? »
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Journée organisée dans le cadre de l’Atelier Santé Ville d’Autun
Salle de l’Hexagone
Mardi 16 juin 2009
Autun
Avec le soutien financier du GRSP
Programme de la journée
09h00 Accueil autour d’un café par les membres du groupe de travail « santé mentale » de l’ASV.
09h30 Ouverture de la journée par Mr REBEYROTTE (Maire d’AUTUN)
10h00-11h Conférence donnée par Christis DEMETRIADES, psychologue clinicien et maitre de
conférence (Université de Lyon II) sur le thème : « précarité, souffrance psychique et exclusion,
enjeux de conceptualisation, enjeux d’intervention ».
11h00-12h intervention de Jean Jacques TABARY, psychiatre, directeur de la structure :
« carrefour santé mentale précarité » (Bourg en Bresse) et de Jacqueline Michelin, Assistante
sociale (centre psychothérapique de l’Ain) sur le thème : «une expérience de travail en réseau
« aléatoire » dans la réinsertion sociale et dans la souffrance liée à la précarité »
12h30-13h30 Repas (préparé par Autun Morvan Insertion)
13h45-15h00 Ateliers
Atelier 1 : Comment prendre en compte les conduites addictives ?
Animé par le docteur Prudhomme.
Rapporteur : Claire De Ganay
Atelier 2 : Comment répondre à l’urgence en matière de santé mentale ?
Animé par Marc Vignal psychosociologue.
Rapporteur : Pierre-Jacques Mathieu
Atelier 3 : Comment prendre en charge la santé mentale des jeunes ?
Animé par André Reboux (psychothérapeute).
Rapporteur : Thida Phan
Atelier 4 : Comment prendre en compte la santé mentale des personnes âgées ?
Animé par Mme Leïla El Asri psychologue au réseau gérontologique.
Rapporteur : Frédéric Langlois
15h00-15h30 Pause
15h30-16h45 Restitution des ateliers par les animateurs et échange avec la salle
16h45 Intervention de Jean François NICOLAS (médecin et vice-président du GRSP)
17h00 Clôture de la journée Monique GATIER Adjointe au Maire chargée des solidarités, du
logement, de la famille et de la politique de la ville d’Autun
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Actes de la journée « Santé mentale »
INTRODUCTION
Mme Monique Gatier, adjointe chargée des solidarités, du logement, de la famille et de la
politique de la ville d’Autun :
C’est à moi que reviens l’immense plaisir de vous accueillir tous, nous ne sommes pas tous
arrivés puisque Pierre Jacques Mathieu me disait que nous sommes 120 ou 130 inscrits à
cette journée.
Nous allons commencer quand même pour ne pas prendre trop de retard.
Je vous accueille au nom de Mr le Maire, Mr Rebeyrotte qui ne peut pas être là ce matin, car
il a un programme très chargé, je pense qu’il nous rejoindra à midi ou plus tard en fin de
journée.
Pour commencer je voudrais vous redire un petit mot sur le cadre de l’ASV. L’Atelier Santé
Ville est un dispositif qui a été créé par une circulaire IGS/DIV du 13 juin 2001.
L’objectif est de réduire les inégalités territoriales de santé. Il y a actuellement 150, 160
Ateliers Santé Ville en France et 5,6 en Bourgogne. D’une manière générale les ASV ciblent
leurs actions sur les quartiers prioritaires dans le cadre du CUCS (contrat urbain de cohésion
social) mais il est bien évident que l’ASV étend ses actions au-delà de ces quartiers
On verra cet après midi que la volonté locale est d’étendre cet ASV à une dimension qui
serait le pays.
Les personnes les plus vulnérables se trouvent sur ce territoire. A Autun la création de l’ASV
a été décidée en septembre 2007 suite au diagnostic global qui a été réalisé dans le cadre
du CUCS. L’Atelier Santé Ville fait partie des préconisations concernant le volet santé afin
d’assurer une animation, une coordination globale sur le territoire. Notre ASV d’Autun a ceci
de spécifique que c’est sans doute le plus petit de France. Je vous rappelle aussi que
l’association « le Pont » a porté le diagnostic par l’intermédiaire d’un consultant extérieur
qui est juste à côté de moi : Marc Vignal, psychosociologue ; qui a non seulement réalisé le
diagnostic mais qui a également assuré l’accompagnement méthodologique au
développement de cet atelier. Il s’agissait de réaliser un état des lieux de l’offre, des besoins,
des demandes mais aussi des priorités en matière de santé.
Etat des lieux des quartiers prioritaires mais aussi de la ville.
Au-delà de cet état des lieux il s’agissait d’impulser une démarche participative et
consultative locale, cette démarche a été menée tant au niveau des acteurs de santé que
des habitants des quartiers. Le principe directeur se définissant donc comme une approche
de santé globale. Je vous rappelle la définition de l’OMS « un état de bien être mentale,
physique et sociale ».
Ce diagnostic a fait émerger un consensus au niveau des problématiques de santé de notre
territoire et a permis de commencer de développer l’atelier santé ville en prenant en
compte son contexte particulier : un caractère urbain dans un environnement
essentiellement rural. Le diagnostic a préconisé de renforcer les ressources locales certes
bien limitées, en développant le travail en réseau. Des orientations prioritaires ont été
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Actes de la journée « Santé mentale »
retenues, les thématiques issues du diagnostic a donné lieu à la création de groupes de
travail : ces trois groupes sont « promotion de la santé », « accès aux soins » et « santé
mentale et souffrance psychosociale ». Ce troisième groupe en mars 2008 a inauguré la
première thématique historique de notre ASV, en effet un sentiment d’urgence a été perçu
et souligné par Marc dans la phase de diagnostic mené auprès des professionnels, des
associations et des bénévoles. A la même période s’est construit une volonté politique et
municipale de réagir rapidement et de manière constructive face à l’expression de cette
souffrance psychosociale constatée et confirmée par tous les acteurs locaux, mais aussi face
aux différentes carences annoncées, dont la baisse prévisible du nombre de praticiens. Ne
soyons toutefois pas trop pessimiste, même si notre territoire autunois risque très
prochainement d’être sous représenté en professionnels et ressources de santé.
Notre territoire, en revanche, est riche d’un réseau formel et informel d’acteurs à la fois
institutionnels, associatifs et municipaux , acteurs volontaires et dynamiques dont le
positionnement de proximité avec les habitants, permets d’assurer non seulement une
veille sanitaire et sociale, de repérer les populations les plus fragiles, mais aussi de faciliter
la mise en place d’actions de santé. Comme le soulignait Marc, ces acteurs sont souvent
amenés à gérer et même porter ces situations difficiles, sont confrontés à la détresse et à la
souffrance des personnes vulnérables.
Voilà en quelques mots comment s’est imaginée, réfléchie, construite l’organisation de cette
journée sur la santé mentale. La santé mentale, le bien être mentale de la population locale
est une valeur forte à laquelle nous croyons et la tenue d’une telle journée ne peut que
renforcer le développement d’une culture commune entre nous, et par là même la cohésion
des acteurs locaux. Notre objectif est de permettre, de nous permettre, ensemble de
participer au projet global de l’Atelier Santé Ville et d’améliorer la santé mentale et la
souffrance psychosociale sur notre territoire.
Je vais maintenant passer la parole à Marc pour la suite.
Mr Marc Vignal, psychosociologue, chargée de mission ASV et animateur du groupe
« santé mentale » :
Je serais relativement bref puisque l’essentiel a été dit. Je vais principalement prendre la
parole en tant qu’animateur du groupe « santé mentale et souffrance psychosociale » qui
s’est constitué il y a maintenant un peu plus d’un an, à l’occasion du bilan intermédiaire de
l’Atelier Santé Ville.
Comme le disait Monique, les premiers entretiens ont vraiment fait apparaitre la santé
mentale comme une priorité, c’est ce qui a donné lieu à la création du groupe santé
mentale.
Je voulais juste aborder un petit point et excuser Thémis Apostolidis qui devait intervenir
aujourd’hui mais qui m’a contacté il y a quelques semaines. Vous avez du entendre parler du
mouvement de grève dans les universités. Même si on a peu parlé de la faculté d’Aix en
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Actes de la journée « Santé mentale »
Provence, mais c’est une de celle qui a fait grève le plus longtemps, donc du coup tous les
enseignants ont été réquisitionnés pour assurer un mois de cours, suite à la grève, pour que
les étudiants puissent passer leurs examens. Donc je voulais remercier particulièrement
Christis Demetriadès qui a accepté d’assurer « au pied levé » le remplacement d’un
compatriote, la Grèce a su tenir ses engagements on peut le dire. J’insiste en précisant qu’il
a pu rester sur la même thématique d’intervention que vous allez entendre dans quelques
instants.
Je voulais faire le lien entre le groupe de santé mentale et cette journée , il se trouve que le
groupe a été crée il y a un peu plus d’un an face à un constat, sans vouloir redire tout ce
qu’a déjà exposé Monique, le constat est triple : il y a des problématiques de souffrances
psychosociales, des problématiques de précarité, qui ont été repérées et identifiées par des
professionnels, il y a des carences au niveau des professionnels, il n’y a pas de psychiatre. Il y
a différentes structures qui sont présentes sur Autun, comme le CMP, mais le nombre de
consultations fait qu’il est saturé. Ca veut dire qu’on est face à une carence de fond au
niveau de la santé mentale, ce constat a été fait à l’unanimité ; Ce qui est étonnant c’est que
c’est un constat fait par les professionnels mais pas par les habitants.
Ceci permet de resituer une des problématiques de la santé mentale, c’est une
problématique bien perçue par les professionnels : du logement, de l’insertion, de l’emploi,
du caritatif voire du loisir qui sont dans leurs pratiques concernés parce qu’ils sont en
contact avec des habitants qui vont rencontrer des difficultés personnelles, familiales,
relationnelles.
Le constat n’a pas été fait par les habitants car il existe un certain nombre de freins, liés aux
représentations, de la maladie mentale, de la santé mentale, du « psy », du psychologue, qui
sont des représentations qui ne vont pas inciter les habitants à aller vers les professionnels.
Ils vont se tourner davantage vers des acteurs de proximité : les généralistes, les acteurs de
terrain mais le fait est que les carences en santé mentale ne sont pas du tout perçues par les
habitants C’est toujours intéressant de mettre en perspective le regard que les
professionnels vont avoir sur la santé mentale, le regard que les habitants vont avoir sur la
santé mentale.
Ce constat a fait prendre conscience qu’il faut absolument mettre en place de choses sur la
santé mentale sur le territoire, c’est ce qui a donné lieu à la création du groupe de santé
mentale qui réfléchit depuis un an à ce qui est possible d’envisager pour s’inscrire dans un
projet qui permette « d’améliorer la prise en compte, prise en charge de la santé mentale et
la souffrance psychosociale sur le territoire » J’insiste sur les deux termes parce que prise en
compte et en charge renvoient vraiment à deux réalités différentes : une prise en charge on
voit bien à quoi ça correspond. Le prise en compte c’est comment du point de vue des
professionnels, aborder des questions de santé mentale, qui ne sont pas des questions pour
lesquelles les professionnels et les bénévoles du champ sanitaire et sociale se sentent
forcément légitimes. Dans la réalité ce sont des acteurs relais, vous êtes des acteurs relais
extrêmement importants.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Le second point que je souhaite aborder, c’est : une journée santé mentale, pourquoi faire ?
Elle tient en une formule : « Pour comprendre et pour agir » et je rajouterai une formule
d’un des membres du groupe de travail : « pour nous faire évoluer, pour nous faire
avancer… »
Pour comprendre et clarifier ce que l’on appelle santé mentale, mieux saisir ce que c’est que
la souffrance psychosociale et la souffrance psychique, pour comprendre aussi les liens qui
peuvent exister entre la précarité et la santé mentale. C’est un peu l’objectif des
interventions de cette matinée :
« Précarité, souffrance psychique et exclusion, enjeux de conceptualisation, enjeux
d’intervention » qui seront abordés par Christis Demetriades
«Une expérience de travail en réseau « aléatoire » dans la réinsertion sociale et dans la
souffrance liée à la précarité ».
L’agir renvoie à la question du comment ? Comment faire pour aborder cette question de la
santé mentale quand on n’est pas un spécialiste ? Quel rôle peut-on jouer ? Quel
positionnement ? Quelle légitimité ? Ce sont des questions que nous allons aborder dans le
cadre des ateliers de cet après-midi, et à laquelle participeront en tant qu’observateurs nos
deux intervenants (Christis Demetriades et Jean Jacques Tabary).
Le choix des ateliers a été effectué à partir des questionnaires que vous nous avez retournés.
Le projet autour duquel le groupe de travail autour de la santé mentale a travaillé est
constitué de trois axes :
La création d’un réseau d’acteurs de la santé mentale, d’une coordination « santé
mentale » sur le territoire. Formelle ou informelle ?
Le renforcement des ressources du territoire, du secteur psychiatrique en priorité,
mais aussi des acteurs de proximité. Professionnels ou bénévoles, ils sont les
interlocuteurs privilégiés des habitants et leur statut non « affilié » à la psychiatrie,
leur positionnement voire leur rôle, leur donne une légitimité pour écouter, repérer
et orienter en lien avec les professionnels de la santé mentale.
Un projet global de prévention orienté sur la santé mentale (sensibilisation,
information, éducation, repérage, …) qui pourrait évoluer vers une journée santé
mentale à destination des habitants
Nous croyons que cette journée, vos apports, vos interrogations, vos suggestions et vos
attentes pourront nous faire avancer dans ces différents projets, notamment à l’occasion
des ateliers cet après midi : atelier spécifique pour les jeunes, les addictions, les personnes
âgées et l’urgence de la santé mentale.
Nous croyons également que cette journée pourra tout simplement permettre de mieux se
connaître, favoriser le développement de la transversalité, créer des liens entre des cultures
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Actes de la journée « Santé mentale »
professionnelles parfois très différentes qui se rejoignent néanmoins toutes sur un point :
nous travaillons avec nos outils et nos éthiques, mais nous travaillons avec le même public et
nous tentons tous d’agir dans l’intérêt général.
Je vais maintenant laisser la parole à Christis, que je remercie encore, car il peut être assez
compliqué de remplacer quelqu’un au pied levé.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Précarité, souffrance psychique et
conceptualisation, enjeux d’intervention
exclusion,
enjeux
de
Mr Christis Demetriades, Psychologue clinicien, maitre de conférences associé à
l’Université Lyon 2
Je remercie les organisateurs qui ont fait appel à moi, je suis très honoré d’avoir pu répondre
à la demande. J’espère être à la hauteur du titulaire et ne pas décevoir. Je commence à
ressentir le trac que doivent ressentir tous les remplaçants dans les sports collectifs.
Je me suis rappelé qu’un groupe, qu’un réseau ne se limite pas au titulaire, mais qu’il est
avant tout dans une dynamique collective.
Me voilà donc lancé dans le thème de la journée, le thème du réseau.
Chaque individu vient vers un réseau comme chaque groupe, chaque institution, lorsqu’il est
confronté à ses limites et son impossibilité à parvenir à seul à ses objectifs.
Chacun arrive avec ses capacités et ses qualités en essayant d’apporter sa pierre à l’édifice
avec ses lacunes et ses faiblesses pour rechercher des complémentarités.
Un réseau est constitué se sujets individuels, groupaux ou institutionnels qui sont uniques
dans leur spécificité, cependant la solidité d’un réseau se mesure dans sa capacité de
continuer à travailler en l’absence de l’un ou de l’autre de ces acteurs.
Ces préliminaires vous auront j’espère permis de vous habituer à mon accent de manière à
pouvoir aller plus loin.
J’espère être en continuité avec Thémis Apostolidis, qui étant grec doit avoir, je suppose, un
accent similaire.
La notion de réseau est aujourd’hui très à la mode. Elle est à la croisée des soucis des
financeurs, des institutionnels et des acteurs.
Dès le début des années 90, Jean Furtos, responsable psychiatre de l’ORSPERE dont nous a
parlé Marc disait : « Face à la souffrance des exclus on ne peut plus travailler seul. »
Nous sommes tous confrontés dans le quotidien de notre travail auprès de personnes en
situation de précarité, à l’impérieuse nécessité de ne pas travailler seul.
Selon nos fonctions, travailleur social, bénévole, médecin, psychologue, psychiatre, nous
ressentons forcément le besoin de faire concrètement appel à d’autres acteurs de notre
territoire ou du moins les avoir en tête.
Les psys diraient d’ailleurs : « il faut avoir d’autres acteurs dans son cadre interne ».
Tenir. Tenir bon. Accueillir. Entendre. Écouter. Supporter. Endosser sans se défiler, sans
retourner l’agressivité, sans craquer, c’est le quotidien de tous ceux qu’Antoine Lazarus
avait appelé les « travailleurs de la 1ère ligne ». Ils les avaient appelés comme ça dans son
rapport de 1995, intitulé « une souffrance qu’on ne peut plus cacher ». La 1ère ligne, là où la
guerre fait rage est la confrontation au risque de mourir, de disparaître, de se blesser, qui
réduit chacun à ses instincts de survie.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Une métaphore qui nous en dit long de la destructivité qui se déploie dans ces espaces et de
la difficulté à rester présent physiquement et psychiquement, à résister.
Nous tâcherons tout au long de cet exposé d’observer, de comprendre et d’analyser ce qui
se joue et se met en scène sur ces espaces de la 1ère ligne tout d’abord pour rendre
hommage à ces acteurs, une bonne partie personnes présentes aujourd’hui, puis pour tenter
d’apporter à la fois du réconfort du sens et de la liaison entre les différents acteurs.
Je vous présenterai ces réflexions en trois parties :
Dans une 1ère partie nous allons nous centrer sur nos propres représentations de la précarité
et de l’exclusion pour essayer de voir le décalage avec les vécus des exclus eux-mêmes.
Dans la 2ème partie nous tenterons d’apporter quelques éclairages et définitions, des notions
de précarité, d’exclusion, de souffrance psycho-sociale et de santé mentale.
Enfin dans une 3ème partie, nous essaierons de voir de plus près comment ces souffrances se
présentent aux acteurs du social, à partir de mes travaux de recherche sur ce que j’appelle
les souffrances d’exclusion.
Si le temps nous le permet, ce dont je doute, on pourra voir comment on peut mettre des
dispositifs cliniques en place, adaptés aux particularités de ces populations.
Nos représentations de la précarité et de l’exclusion
Nous allons voir le rôle de la précarité et de l’exclusion sur nos représentations, et leurs
éventuelles conséquences sur nos positionnements.
La métaphore proposée par Antoine Lazarus, celle des professionnels de la 1ère ligne me
semble situer d’emblée le contexte, celui d’une guerre féroce qui fait des ravages et des
victimes dans les sociétés occidentales. Cette guerre à un nom, elle est socio-économique,
c’est celle du libéralisme postmoderne.
En parlant du contexte d’insécurité sociale qui règne dans un foyer de demandeurs d’asile,
une éducatrice qui avait été elle-même une réfugiée politique et qui avait obtenu le statut il
y a quelques années, me disait récemment dans un groupe d’analyse de la pratique :
« quand vous êtes dans un pays en guerre, vous savez au moins quel est votre ennemi alors
que dans le contexte d’insécurité générale de cette population de demandeurs d’asile, il faut
être sur ses gardes à tout moment, si vous baissez votre garde, vous ne savez pas par où ça
va vous venir. »
Lorsque nous sommes à la 1ère ligne, confrontés à des populations en grande précarité qui
plongent dans un quotidien d’insécurité nous pouvons en effet, avoir le sentiment, même la
certitude que nous sommes de leur côté et ne pas comprendre pourquoi alors nous
subissons leurs attaques, pourquoi ils nous maltraitent, ne nous font pas confiance essaient
de nous manipuler pour arriver à leurs fins, pourquoi ils nous mentent.
Dans un groupe d’analyse de la pratique pratique d’un CHRS une éducatrice disait : « ils nous
mentent tous » ce serait alors oublier le contexte de guerre ou de dans le climat d’insécurité
et de guerre dans lequel baignent ces populations
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Actes de la journée « Santé mentale »
Se situer de leur côté c’est déjà se poser la question de comment ils nous perçoivent :
comme des alliés ou comme des ennemis ? Des confidents ou des espions ? De simples
soldats ou des caporaux ? Sont-ils encore debout ou déjà couchés au sol en train de nous
voir défiler à une vitesse qu’ils ne peuvent pas suivre ?
J’avais animé cette année un groupe de médiation à partir d’un photolangage et j’avais
demandé la chose suivante : « choisissez une photo qui évoque pour vous l’exclusion ». Deux
étudiantes ont choisi la même photo de personnages dans l’ombre.
Une des deux étudiantes a dit de cette photo « lorsque nous
rencontrons des gens qui sont dans l’ombre, ils sont devenus l’ombre
d’eux-mêmes ».
L’autre étudiante d’origine polonaise a choisi la même photo et elle
nous a dit : « les exclus sont des gens qui sont assis, couchés, qui
voient défiler des gens sans vraiment pouvoir les rencontrer ».
Comme un mendiant assis par terre sur un trottoir qui voit des gens défiler, des ombres, très
souvent il ne fait même pas l’effort de tourner la tête pour croiser notre regard ce qu’il voit
défiler c’est des jambes et des pieds.
Se mettre à la place de l’exclu est un difficile changement de perspective, nous pouvons
choisir de croire que l’aide que nous leur apportons est une main tendue.
Dans deux groupes de jeunes du même âge, l’un composé d’étudiants en 3 ème année de
psychologie, le 2ème composé de jeunes issus de l’insertion que j’avais rencontrés en Mission
Locale, j’avais posé une autre question : « choisissez une photo qui évoque pour vous le lien
social ». La même photo a été choisie dans les deux groupes une main d’adulte tendue vers
une main d’enfant.
Pour ces étudiants cette photo avait fait l’unanimité : « le lien social,
disent-ils, est une main tendue pour aider les autres ».
Dans les groupes des jeunes en insertion, deux jeunes ont choisi la
même photo pour dire « il s’agit d’une main d’enfant tendue vers un adulte, peut-être un
père ou un grand père, mais la main d’adulte reste figée, comme morte, elle se défile.
L’enfant n’arrive pas à l’attraper pour tenir debout, il risque de tomber ».
Vous voyez à quel point leurs représentations sont différentes selon la place à partir de
laquelle ils parlent.
Dans un contexte social de développement de la précarité, nous allons à la rencontre
d’individus en grande difficulté, avec nos propres stéréotypes, avec nos préjugés, avec nos
résistances, avec nos certitudes, avec nos lunettes sociales.
Notre rencontre avec eux se fait sur un champ de bataille, nous les croisons, nous essayons
de nous mettre à leur lace, mais se mettre à leur place peut aussi nous faire peur, nous
effrayer. Est-ce que nous les rencontrons vraiment ?
Patrick Declerck, un psychanalyste, anthropologue est parti à la rencontre des clochards
dans les rues de à Paris. Pour se faire, il s’est habillé en clochard et s’est aspergé d’alcool et a
partagé leur quotidien. Dans son magnifique ouvrage « les naufragés », il nous raconte ce
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Actes de la journée « Santé mentale »
qu’il a vécu avec une cruauté difficilement supportable. Il conclut sur l’incohérence des
dispositifs publics d’accueil et d’insertion, qui fonctionnent sur des modèles issus des
représentations des inclus, sans prendre en compte la réalité du quotidien des exclus.
Lorsque le quotidien du clochard est rythmé par la recherche d’un endroit où dormir,
quelque chose à manger et à boire, et pour faire sa toilette, aucune mesure ne semble
prendre en compte un besoin de base comme aller aux toilettes, qui devient une denrée
rare dans les grandes villes comme Paris.
Aller au toilette est un geste compliqué quand vous portez sur vous tous vos vêtements,
vous avez toutes vos affaires dans un sac, vous mangez mal et vous subissez probablement
des diarrhées, je vous laisse imaginer ce que ça peut signifier cet acte très simple.
Patrick Declerck a pensé le dispositif a partir de réalité quotidienne des personnes et non à
partir de la représentation idéale de ce que nous aimerions qu’ils deviennent.
Un exemple très simple du décalage des politiques publiques d’insertion et de la réalité des
exclus à laquelle nous sommes tous confronté, est celui du temps imparti pour nos
accompagnements. Selon l’institution dans laquelle nous travaillons, notre quotidien du
travail est rythmé par des injonctions de proposer de solutions de sorties en logement
autonome ou d’emploi, en 6 mois, en 1 an, en 2 ans ou alors une sortie rapide
d’hospitalisation ; alors que chacun sait que les personnes que nous accueillons auraient
besoin de se poser dans des dispositifs de plus longue durée, au lieu d’être dans des
dispositifs pressés de les remettre dans le droit chemin, ou plus prosaïquement de les
mettre à la porte.
Je suis conscient que tous ces éléments introductifs peuvent être synonymes de
découragement, difficile à supporter, mais notre quotidien d’accompagnement des
personnes en précarité n’est-il pas justement habité par ce type de découragement, qui
nous conduit tantôt à éprouver de l’impuissance et des désespérances, tantôt à des
moments de colère et de haine ?
N’est-ce pas justement cette réalité qui nous pousse à nous rapprocher, pour nous
réchauffer, pour échanger, pour tenir bon et tenir ensemble ?
La rencontre avec les grands blessés de cette guerre socio-économique du modèle
néolibéral, que nous appelons les précaires et les exclus, dépend tout d’abord de notre
capacité à nous décentrer, à nous mettre à leur place mais aussi de notre capacité à tenir à
notre propre place, à la bonne distance des liens que nous leur proposons. Comment trouver
alors cette bonne place ?
Je vous propose deux constats fondamentaux qui constituent des repères pour chacun de
nous pour répondre à cette question.
Tout d’abord lorsque nous accueillons des personnes en panne ou en rupture de lien social
nous ressentons le besoin de constituer un réseau, de travailler avec d’autres acteurs. Tout
se passe comme si la personne accueillie faisait en direction des accueillants un intense
travail de mise en lien. Tout se passe comme si les personnes en situation d’exclusion
avaient une capacité limitée à réfléchir, à comprendre leur situation, à en comprendre leur
origine et encore plus à réagir. Elles se présentent à nous avec des troubles physiques
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Actes de la journée « Santé mentale »
parfois psychiques, parfois passif. Elles sont en panne de sens. Face à la souffrance
psychosociale des personnes en panne de sens, nous nous engageons, nous, à un intense
travail de mise en sens et de liaison.
Essayons maintenant de comprendre les notions de précarité, d’exclusion, de souffrance
psycho- sociale. C’est la 2ème partie de cet exposé.
Notions de précarité, d’exclusion, de souffrance psycho- sociale.
Dans un remarquable travail de relecture historique et sociologique, Robert Castel se
propose d’observer et d’identifier ce qu’il appelle « la métamorphose de la question
sociale » depuis le moyen âge jusqu’à nos jours. Il nous démontre comment il a fallu des
siècles de sacrifices, de contraintes et de souffrances pour fixer le travailleur à la tâche, puis
pour l’y maintenir, en lui associant un large éventail de protection, qui définissent un statut
constitutif d’une identité sociale. En faisant l’historique du statut du salarié il arrive au
constat suivant : c’est au moment où la civilisation du travail parait se consolider sous
l’hégémonie du salariat et avec la garantie de l’état social, qu’elle s’est fissurée, en faisant
ressurgir la vieille obsession populaire d’avoir à vivre au jour le jour. Pour Castel la question
sociale aujourd’hui se pose à partir du foyer de la production et la distribution des richesses
dans l’entreprise. La question centrale n’est pas celle de l’exclusion comme on le croit, mais
du statut du salariat. Elle se produit autour de l’érosion de la protection et de la
vulnérabilisation des statuts. L’onde de choc produite par l’effritement de la société salariale
traverse toute la structure sociale. La question centrale est celle du statut du salariat, parce
que le salariat en était venu à structurer toute notre organisation sociale, tout entière. La
nouvelle question est donc celle de la précarisation du travail.
Robert Castel distingue trois points de cristallisation de cette question : d’abord la
déstabilisation du stable. Une partie de la classe ouvrière et les salariés de la petite classe
moyenne est menacée de basculement. Ensuite, deuxième catégorie : l’installation dans la
précarité. Une partie de la population, par exemple les jeunes en insertion s’installent dans
la précarité, qualité inhérente aux petits stages, aux CDD, etc. Enfin une troisième catégorie
de la population se retrouve complètement exclue : ce sont les surnuméraires. Ils sont le
résultat d’un déficit de places occupables dans la structure sociale. Il s’agit d’individus en
situation de flottaison, dans une sorte de no man’s land, ce sont les SDF, les « naufragés »
dont parlait Declerck. En synthétisant, nous pouvons dire que pour une partie importante de
la population, l’étayage de l’identité par le travail s’est perdu, ou du moins s’est largement
fragilisé. A cet effet, il est intéressant de constater que le terme même « insertion » apparait
dans une circulaire ministérielle en 1972, dans le champ du handicap. Il prend son essor
avec le rapport Schwatz, et la création des missions locales pour l’insertion des jeunes en
1981. Au fur et à mesure que le travail devient de plus en plus précaire, nous assistons au
développement des politiques d’insertion en faveur des jeunes, les adultes du RMI, du RSA,
des jeunes issus de l’immigration, puis plus récemment issus de la diversité, etc.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Olivier Noël, sociologue, qui a beaucoup travaillé sur la discrimination, retrace l’émergence
de ces politiques qui identifient tantôt une population cible, tantôt un quartier, comme la
politique de la ville par exemple, mais ne cible que très rarement l’origine des phénomènes
de précarisation, c'est-à-dire la société excluante. Il nous démontre comment ces politiques,
en même temps qu’elles essaient d’apporter une attention particulière aux premières
victimes du libéralisme post moderne, produisent de nouveaux stigmates discriminatoires en
montrant du doigt certaines populations et quartiers, qui deviennent au travers de nos
lunettes sociales des nouveaux handicapés sociaux. Par exemple, « a marche pour l’égalité
et contre le racisme » parti du quartier des Minguettes à Vaulx en Velin en 1983, sera reprise
dans toute la presse comme « la marche des beurs » et contribuera à stigmatiser encore
davantage cette population. Dans l’incapacité à laisser une place à tous les individus qui la
compose, notre société stigmatise, discrimine, et fabrique de nouveaux « prêt-àporter identificatoires » qu’une partie des personnes concernées aura à porter pendant
toute leur existence.
Pour Castel, le sens des politiques d’insertion est de s’occuper des valides, invalidés par la
conjoncture. Pour rendre compte de ce qui passe sur l’axe de l’intégration par le travail,
Castel nous propose quatre zones dans lesquelles nous pouvons schématiquement classer
tous les individus. Je vais aller très vite. Il s’agit de la zone d’intégration, qui concerne toutes
les personnes insérées par l’emploi et dans leur lien social, puis la zone de vulnérabilité,
ensuite la zone d’assistance, et la zone dite de désaffiliation.
L’intérêt des travaux de Castel, me semble t-il, est de nous rappeler la précarisation du
travail nous concerne tous, que nous pouvons tous passer d’une zone à l’autre. Glisser par
exemple de la zone de vulnérabilité à la zone d’assistance. D’ailleurs, les français ne s’y
trompent pas, lorsqu’ils déclarent, dans un récent sondage, à 70% pensent qu’il peut leur
arriver de se retrouver à la rue. Jean Furtos nous dit que la précarité est la misère des
sociétés occidentales riches, construites sur le modèle de l’Etat Nation, qui protège tous ses
citoyens. Ces sociétés sont actuellement plongées dans la mondialisation du capitalisme
financier.
Sur le plan psychologique, il faut rappeler qu’il existe une précarité normale qui est
constitutive de chaque être humain qui rend compte simplement du fait que personne ne
peut vivre seul. Le bébé, nait dépendant de son environnement, le lien social s’est construit
à partir de ce premier fragment de précarité qui oblige l’individu, le bébé, de se tourner vers
son environnement, avec à la fois le plaisir de la rencontre et le sentiment d’impuissance et
d’incomplétude qui sont inhérent à l’obligation de dépendre de son environnement. C’est
dans la relation primaire d’un bébé et d’un environnement maternel « suffisamment bon »
nous dit Winnicott que l’individu va acquérir quelques éléments fondamentaux en matière
de santé mentale.
Jean Furtos résume ces éléments de la manière suivante : « la santé mentale c’est la capacité
d’avoir confiance en soi, confiance en les autre et confiance en l’avenir ». Sigmund Freud
avait écrit dans « malaise de la civilisation » que les individus échangent une part de liberté
pulsionnelle et de bonheur possible contre une part de sécurité garantie par la civilisation et
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Actes de la journée « Santé mentale »
la culture. C’est ce que Pierre Olagnier, psychanalyste français, a repris dans le concept de
« contrat narcissique » que je schématiserais de la manière suivante : « tu renonceras à une
partie de la satisfaction de tes désirs en échange d’une place dans la société » C’est un
message que nous entendons tous à l’adolescence.
Que se passe t-il alors lorsque renoncer à une partie de ce désir ne permet pas pour autant
de trouver une place dans la société, dans la culture ? Dans une société qui ne produit pas
suffisamment de place pour tout le monde. Jean Furtos nous parle de précarité exacerbée.
Si une forme de précarité est effectivement constitutive de l’être humain, cette forme
particulière de précarité est susceptible d’entrainer une perte de confiance en soi, en l’autre
et en l’avenir. Pour la comprendre, il faut d’abord définir les objets sociaux : l’emploi, le
logement, la formation, le diplôme. Tous ces objets sont, actuellement, dans notre culture,
idéalisés. La précarité exacerbée c’est la peur de perdre ces objets. La précarité n’est donc
pas la pauvreté. La précarité est effectivement synonyme de pauvreté et de misère : on peut
vivre dans une société pauvre sans précarité, et on peut vivre précaire dans une société
riche.
La précarité s’accompagne systématiquement d’une souffrance psychosociale, comme nous
l’indiquent Isabelle Van den Casteele et Alex Lefebvre. Cette souffrance psychosociale est
indiscutablement psychique, psychologique, du point de vue du sujet car elle se propose au
travail psychique. Elle émerge chez les personnes concernée, mais elle est aussi sociale parce
qu’elle émerge dans un contexte social particulier, elle est l’un des déterminants sociaux, on
y reviendra. D’ailleurs c’est par le malaise des intervenants, un de ces déterminants sociaux,
que cette souffrance psychosociale émerge. Nous devons rappeler que la souffrance n’est
pas un phénomène pathologique, nous souffrons tous, de manière plus ou moins
importante, à différents moments de notre existence, la souffrance, comme la honte,
comme l’angoisse, le stress accompagne notre existence et nous permet de vivre avec les
autres, car elle nous aide à rester en lien avec les autres, à intégrer la réalité et à vivre avec,
à trouver nos limites, à mieux nous connaitre et à découvrir le monde qui nos entoure. La
souffrance nous stimule pour avancer, pour changer, on peut schématiquement dire qu’il y a
des souffrances qui nous aident à vivre, d’autres qui nous empêchent de vivre. Celles qui
nous aident à vivre sont constitutives de l’individu. Pour mieux comprendre, prenons
l’exemple du stress, une certaine quantité de stress nous pousse à avancer, au-delà d’une
certaine mesure, il peut nous paralyser.
Ainsi la définition de l‘Organisation Mondiale de la Santé, que j’ai entendu tout à l’heure, qui
date de 1946, période d’effervescence de l’après guerre parait aujourd’hui obsolète : elle dit
que « la santé est un état complet de bien être physique, mentale et social, qui ne consiste
pas seulement à l’absence de maladie ou d’infirmité ». Avec cette définition, je défie qui que
ce soit ici de me dire qu’il est en bonne santé…
La définition ultérieure de la santé mentale, déduite de cette première définition insiste sur
l’état de bien être dans lequel la personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales
de la vie, accomplir un travail productif et fructueux, et contribuer à la vie de la
communauté. Furtos tente, lui une définition plus actuelle et plus proche de la réalité : « la
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Actes de la journée « Santé mentale »
santé mentale est la capacité de vivre, de prendre du plaisir et de souffrir, avec soi même et
avec les autres, dans un environnement donné et transformable sans destructivité, mais non
sans révolte ».
Ainsi la souffrance habituelle du quotidien de chacun est constitutive de l’être humain, fait
partie de la bonne santé mentale. Toute autre est la situation pour la souffrance qui
empêche de vivre. Jean Furtos définit trois formes de souffrance psychosociale qui empêche
de vivre :
Dans le premier cas de figure, la personne conserve ses objets sociaux : la personne
travaille, elle a des liens avec les autres, mais elle est dans une position existentielle
qui consiste à être en permanence stressé en se disant « si je perds mon travail je
suis perdu ».
Dans le second cas de figure, on retrouve toutes les personnes qu’on rencontre dans
l’insertion, dans le social, autour de la perte provisoire ou au long cours des objets
sociaux, là où précarité et seuil de pauvreté se conjuguent au sein de ce que l’on
appellera la clinique psychosociale. C’est dans cette zone là que le Haut Comité à la
Santé Publique a authentifié la souffrance psychique comme un signe premier de la
précarité sociale.
Le troisième cas de figure, c’est ce que Furtos appelle « le syndrome d’autoexclusion ». Il étudie ce syndrome chez les grands exclus.
Exclusion et précarité se présentent chez certaines personnes comme indissociables.
Tant et si bien qu’on ne sait pas si la personne souffre parce qu’elle est exclue ou si
elle est exclue parce qu’elle souffre.
Par exemple, Mr Dupont nous décrira à partir de son licenciement, ses relations avec sa
femme se sont dégradées et l’a conduit au divorce, puis progressivement à la perte de tous
ses liens avec ses enfants et ses amis, pour finir par s’enfoncer dans l’alcoolisme.
Lorsque nous l’écoutons attentivement nous ne savons plus si c’est l’alcool, qui est à
l’origine de ces pertes successives ou si c’est la perte des objets sociaux qui est à l’origine de
son alcoolisme.
De même Kadidja m’explique comment ces échecs successifs en formation ont entamés chez
elle sa confiance en elle-même et à quel point ses déceptions amoureuses et ses désillusions
dans ses liens d’amitié, l’ont amené à perdre toute confiance dans les autres. Puis dans le
récit de son histoire, lors des entretiens que j’ai eu avec elle, elle se demande si ce n’est pas
son manque de confiance en elle qui est à l’origine de ses échecs en formation, et si ce n’est
pas le fait qu’elle idéalisait trop ses amis et attendait trop de ses amoureux, qui avait induit
toutes ces ruptures successives.
Si sa souffrance s’exprime et se déploie sur la scène du social et de l’insertion, dans un
contexte où effectivement le CDI disparaît ou se raréfie aussi bien du côté de l’emploi mais
aussi du côté des relations humaines rappelons nous du pourcentage de divorce, les amis
qui ne tiennent pas, le coût clinique de ces personnes là, souffrant d’exclusion nous amène
inéluctablement du côté des traumatismes primaires vécus pendant l’enfance ou à
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Actes de la journée « Santé mentale »
l’adolescence et les souffrances narcissiques ou identitaires qui sont réactivés dans le
contexte de la précarité.
Je vous propose pour comprendre ces souffrances d’exclusion de suivre deux pistes
étroitement liées la destructivité et la réflexivité.
Nous pouvons comprendre la destructivité comme cette forme interne que nous pouvons
tous avoir à des degrés divers et qui nous pousse à détruire.
La destructivité ce n’est pas l’agressivité. L’agressivité s’inscrit dans le lien aux autres, elle le
fonde même. La destructivité c’est une force qui pousse à détruire.
Pour avancer dans la compréhension de ces termes, je vous invite à faire un détour du côté
de l’observation des bébés.
Un bébé qui hurle et non pas un bébé qui crie et attend que sa mère arrive pour le nourrir, le
cajoler, le changer ; mais un bébé qui a d’abord crié, la mère n’est pas venue, il s’est calmé
et il s’est remit à hurler, les hurlements ne sont plus du même ordre. D’ailleurs, quand on
entend un bébé comme ça pleurer, on dirait qu’il crie à la mort. Ce qui se passe à ce moment
là c’est étonnant. De nombreux auteurs on pu le reprendre, comme « angoisse primaire
d’effondrement » pour Winnicott, « terreur agonistique » pour René Roussillon.
Si la mère ou quelqu’un d’autre de l’environnement arrive par la suite, il mettra un temps
pour calmer ce bébé. Ce temps sera beaucoup plus long. On remarque de manière très
étonnante que parfois lorsque ces bébés ont hurlé, hurlé, hurlé et qu’ils n’ont ni été nourris,
ni changés, ni cajolés, ils se calment. Qu’est-ce-qui se passe alors ? Ont-ils perdu tout espoir
en l’environnement ? Où sont-ils ? Comment peuvent-ils avoir faim, soif, mal et ne pas se
manifester ?
L’environnement maternel primaire va non seulement nourrir, changer, cajoler le bébé mais
il va aussi, avec les mots, qualifier ce qui se passe et lui parler.
On va par exemple entendre un bébé pleurer et lui dire « tu as faim toi ».
La destructivité ne peut pas être contenue et intégrée par le sujet lui-même sans un intense
travail de réflexivité de miroir de contenance de la part de l’environnement.
Je pense que les souffrances de l’exclusion nous amène du côté de ces bébés inconsolables,
ou alors d’apparence calme parce qu’ils ne semblent plus ressentir ni douleur, ni souffrance.
Ces souffrances ne peuvent pas se calmer seules et nécessite un travail de la part des
accompagnateurs, vous, moi.
Nous constatons depuis de très nombreuses années l’absence de demandes spontanées à
l’égard des psys, de la part de cette part de la population qui dépose ces souffrances auprès
des travailleurs sociaux.
Ce sont le plus souvent eux qui vont se lancer dans ce travail de réflexivité.
Je vous propose de voir comment la destructivité et la réflexivité s’articulent dans notre
travail de tous les jours sur plusieurs axes.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Comment les souffrances d’exclusion se présentent aux acteurs du social ?
Le premier axe, nous l’avons vu, c’est que les souffrances d’exclusion se déposent dans les
lieux sociaux.
Une deuxième caractéristique c’est qu’elle se manifeste le plus souvent sous forme
paroxystique dans des situations d’urgence. Ainsi par exemple, Nicolas qui se présente
devant l’assistante sociale avec une pile de documents deux jours avant l’arrivée de l’huissier
qui va appliquer le mandat d’expulsion de son logement ou alors Mr P. qui vit dans un
Sonacotra, vomit régulièrement mais refuse de consulter son médecin généraliste et qui dit
qu’il attend d’être déshydraté pour être amené aux urgences. Le SDF qui fréquente
régulièrement les lieux d’accueil et d’hébergement, et qui refuse d’aller à l’hôpital nous dit
qu’il attend de tomber et d’être amené aux urgences, sinon on ne le prendra pas au sérieux,
ou alors Laurent, Mission Locale, qui vient juste avant d’être renvoyé de sa formation parce
qu’il n’a pas trouvé de stage pratique.
Nous voyons les acteurs du social, là, s’activer pour trouver des solutions.
Pendant que nos accueillis déposent à la fois leurs sentiments d’urgence et leur réelle
urgence, auprès des travailleurs de la première ligne, ceux-ci essaient à la fois de contenir les
affects qui les débordent et de chercher des solutions.
L’urgence permet au sujet de faire l’économie d’une demande en son propre nom, les
travailleurs sociaux s’activent à partir de besoins et non pas de demandes formulées.
L’emballement des urgences dans la société actuelle, dans une société qui vente les mérites
du sujet indépendant et autonome, pendant qu’elle produit des millions de personnes qui
sont alcooliques, toxicomanes, dépendantes aux médicaments, aux anxiolytiques, à
l’Internet, nous dit long sur ce qui se passe dans la société, à savoir à quel point, nous tous,
nous avons des difficultés actuellement, à accepter le lien de dépendance qui nous relie à
notre environnement.
Accepter de demander de l’aide, s’inscrire dans une relation d’accompagnement, c’est à la
fois reconnaître une faille à l’intérieur de soi et faire confiance aux autres. Ca peut s’avérer
très difficile lorsqu’on a vécu des déceptions répétées dans la relation aux autres.
Tout se passe chez le sujet en souffrance d’exclusion comme s’il s’absentait de toute leur
situation sociale pendant tout un temps, puis d’un coup elle les rattrapait en urgence.
Il arrive par ailleurs, que ces urgences émergent quand une relation d’accompagnement se
met en place et qu’ils se mettent à faire confiance au fait qu’un avenir peut être possible.
D’autre part, les urgences, l’emballement des urgences témoignent aussi de l’inadaptation
de nos organisations institutionnelles qui fonctionnent avec des systèmes tellement
complexes et compliqués, que parfois les gens ne peuvent pas comprendre comment ça se
passe. Nous classons selon les dispositifs, nous accordons des aides selon des critères, nous
fonctionnons par rendez-vous etc. etc.
Cela n’est pas toujours facile à suivre et à comprendre quand on est du côté des précaires et
des exclus.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Christine Durif-Bruckert, une psychosociologue parle d’une demande empêchée pour dire
justement que, parfois les personnes ont une demande, mais ne peuvent pas la déposer du
fait de nos organisations institutionnelles. Seule une réponse adaptée de l’environnement
face à cette forme particulière de destructivité qui consiste à solliciter uniquement en
urgence, c’est-à-dire se laisser mourir à petit feu, à ne plus rien gérer pendant tout un
temps, à attaquer une réelle relation d’accompagnement.
Seule une réponse adaptée de l’environnement de la part des accompagnateurs peut,
éventuellement, permettre de construire un lien qui peut permettre à ces personnes
d’accepter l’accompagnement et de se reconstruire.
Une troisième caractéristique de cette souffrance c’est le mal être des intervenants.
Vous êtes sensé proposer un logement, accompagner une recherche d’emploi et vous vous
retrouvez dépositaire des souffrances dont vous vous demandez si elles ne devraient pas
être déposées ailleurs, chez les psys.
L’accompagnant éprouve dans cet accompagnement, tour à tour du malaise, du sentiment
d’échec, de la souffrance, de l’inquiétude, de la confusion, de l’indétermination, de la
colère, jusqu’à se demander parfois quelle est sa place et son identité professionnelle.
Tout se passe comme si les personnes en situation de souffrance, d’exclusion déposaient
tout leur affect brûlant à l’intérieur des accompagnants, à défaut de pouvoir aux mêmes les
éprouver et les supporter.
Claudine Vacheret, psychanalyste, parle de transfert par dépôt.
Par exemple, Nora qui est en échec répété de formation, par son comportement
provocateur et violent, raconte avec une extrême froideur les attouchements sexuels
qu’elle a subis dans l’enfance à sa conseillère d’insertion, puis elle s’en va sourire aux lèvres.
La conseillère, elle, est prise d’un dégoût, d’une envie de vomir et partage sa confusion et sa
colère avec ses collègues dans la salle du personnel.
Un autre exemple Nadia 20 ans raconte les violences qu’elle subit de la part de son frère
aîné en disant que cela ne lui fait même pas mal et rajoute qu’elle a décidé d’accepter le
mariage forcé que sa famille lui impose avec un monsieur qui a quarante pour pouvoir
échapper à l’emprise du grand frère. Elle s’en va tranquille. La conseillère a froid dans le dos,
elle l’imagine dans le lit de ce monsieur en train de mettre sa vie en l’air.
De la capacité des accompagnateurs à supporter cette destructivité, tous ces affects
violents, brulants, sans se mettre à agir dans l’urgence, sans insister sur le fait qu’il faut
forcément porter plainte, qu’il faut forcément quitter sa famille, de leur capacité à
supporter, tout en disant la loi, va peut être dépendre la possibilité pour Nadia et Nora de
vivre leurs affects, d’accepter leur situation et de cheminer.
Face à des personnes qui ont subi des situations de violences, tout accompagnateur qui a
insisté sur le fait qu’il faut porter plainte, a dû constater à un moment ou à un autre, que
cette insistance là, a induit non seulement le fait que la personne n’a pas porté plainte, mais
en plus que l’accompagné n’est plus revenu parce qu’il avait honte de ne pas être à la
hauteur de nos attentes.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Ce qui va introduire une quatrième caractéristique des sujets en souffrances d’exclusion.
Elles n’arrivent généralement chez les psys que sur la demande des travailleurs sociaux, des
accompagnateurs et sur leur insistance.
Pendant de longues années et encore aujourd’hui, ces personnes rataient leur premier
entretien chez le psy, allaient à un rendez-vous et retournaient chez les travailleurs sociaux
en disaient « je ne veux plus y retourner, il était froid comme une pierre, il regardait ses
pieds, il n’en avait rien à faire de moi, il ne m’a rien dit, rien conseillé, pas poser de
question ». Le psy est décrit systématiquement par ces personnes comme froid et
indifférent. Le travailleur social accueille la personne à bout de bras et désespère : « depuis
le temps que je l’oriente chez le psy il aurait quand même pu faire un effort ». En général il
se décourage et oriente la personne vers un autre psy, dans le meilleur des cas.
Je sais bien que cette posture des psys existe dans la réalité.
Nous sommes aujourd’hui un certain nombre à avoir modifié nos postures. Il ne faut pas
croire que ces personnes racontent est la vérité, la réalité, c’est leur vérité.
Les cliniciens, les psychologues modifient leur posture, nous sommes de plus en plus à être
chaleureux, on peut nous poser des questions.
Il s’agit pour ces personnes-là de maintenir le lien avec un psy comme on fait avec un enfant.
Quand on lui présente un jouet et qu’il ne se l’approprie pas, il le jette par terre, que fait-on
si on veut qu’il joue plutôt qu’il continue à pleurer ? On lui représente avec un sourire, on
joue un peu avec, on essaie de le rendre attrayant pour qu’il accepte de jouer avec.
Le dispositif psy est ce jouet que les travailleurs sociaux ont à proposer aux personnes qui
sont en souffrance d’exclusion. Nous pouvons leur reproposer en leur disant qu’ils peuvent
retourner chez le psy en expliquant qu’ils n’ont pas aimé.
Les psys, nous aussi, nous pouvons relancer ces personnes-là et leur reproposer une visite
par l’intermédiaire des travailleurs sociaux.
Une dernière caractéristique est la répétition des échecs, on la retrouve systématiquement
chez les personnes en souffrance d’exclusion.
Par exemple Pierre qui arrive systématiquement en retard à ses formations puis s’absente,
jusqu’à être à chaque fois renvoyé. Ou Nadia, ancienne alcoolique, qui habitait en CHRS, qui
a pu être installée en logement autonome quand elle a allait mieux et qui s’est fait très
rapidement envahir jusqu’à se faire squatter par les copains, les SDF du quartier, puis elle
s’enferme à nouveau dans son alcoolisme, ne plus payer ses factures, jusqu’à se faire une
fois de plus expulser de son logement.
Ces répétitions d’échecs, on les vit nous comme des échecs dans notre travail.
Il ne faut pas oublier que quitter l’identité d’exclu, c’est pour certains, quitter la seule
identité sociale sûre et permanente qu’ils ont réussi à se construire.
Ce n’est jamais simple pour personne de changer, ça prend du temps.
18
Actes de la journée « Santé mentale »
Pour d’autres réussir dans un projet d’insertion serait aussi synonyme de perdre le lien
d’accompagnement avec cette personne qui leur a trouvé des solutions qui a pu être la seule
personne qui était présente dans leur vie depuis longtemps.
Ou bien encore, échouer peut être une manière de prouver à tous que c’est bien eux, et eux
seuls, qui décident de leur propre vie.
La répétition d’échec à toujours un sens. C’est une mise en scène polysémique. Il s’agit de
chercher à comprendre ce qu’elle vient nous dire.
Un exemple clinique, Mélanie vient me voir, orientée par son conseiller référent Mission
Local parce qu’elle a subi de mauvais traitements de la part de son patron. Elle ne veut plus
retourner le voir. Mélanie a accepté de voir le psy parce qu’elle constate que cela fait trois
fois en trois ans qu’elle subit des violences et elle se demande si ce n’est pas elle, d’une
certaine manière, qui crée ces situations. Dans l’entretien clinique elle observe qu’elle est
paralysée par la moindre remarque désobligeante, et n’arrive pas se défendre.
Elle retourne toute l’agressivité contre elle, elle se reproche son manque de confiance et sa
fragilité. A chaque fois qu’elle subit des violences, elle appelle son frère au secours, ou son
père ou son conjoint. Lorsqu’elle avait appelé son frère, il était venu au centre de formation
et avait frappé ses agresseurs. Depuis cette époque là elle ne voit plus son frère. Il est
d’ailleurs suivi en justice pour cette situation de violences et pour pleins d’autres.
Mélanie a assisté à des scènes de violences lorsqu’elle était toute petite. Son frère de quinze
ans son aîné battait sa mère. On le lui a raconté, mais elle ne se souvient pas vraiment.
Sa mère est décédée lorsque Mélanie avait douze ans, de crise d’asthme. Elle n’a même pas
pleuré, tout était bloqué. Tout se passe comme si les violences répétées dans l’actuel lui
rappelaient celles auxquelles elle avait assisté lorsqu’elle était petite et qu’elle avait
largement enfouie.
J’ai choisi dans cet exposé de ne pas m’arrêter sur le syndrome de la grande exclusion, la
rupture active de lien, l’absence de douleurs, l’anesthésie du corps. Vous pouvez vous
référer aux travaux de Furtos.
Je termine simplement en me demandant comment un être humain peut à ce point
s’absenter de son corps et de ses affects
Comme certaines personnes peuvent arriver à la gangrène, et à l’amputation de leurs
jambes avant de consulter ?
Comment un bébé peut s’absenter de sa situation, se calmer alors qu’il a soif et qu’il a faim ?
Il existe peut-être des situations tellement douloureuses que le sujet ne peut les traverser
qu’en anesthésiant à la fois son corps et sa psyché.
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Actes de la journée « Santé mentale »
J’avais assisté à une conférence d’un psychanalyste lyonnais qui avait
choqué toute la salle en faisant la comparaison entre les camps de
concentration nazis et les grands exclus d’aujourd’hui.
Les rares témoignages des survivants décrivent en effet de subjectivité
qu’il leur a été nécessaire pour survivre. Pas d’attachements, pas de
souffrances, pas d’affects, pas de douleurs. Le seul souci consistait à
survivre au jour le jour, toute l’énergie du sujet était concentrée sur ce seul objectif.
La sortie des camps n’a pas été facile pour personne.
Bruno Bettelheim qui est un grand survivant, a travaillé sur l’autisme, une forme d’absence
psychique, qui va parfois de pair avec l’absence de douleur.
D’autres ont quand même réussi à traverser le pont qui sépare et relie à la fois les logiques
de survie et la vie telle qu’elle se présente habituellement à chacun de nous.
Avec son lot de plaisir et de souffrances ils nous ont montré le chemin de la résilience, qui
est à la fois liée aux capacités de chacun, mais aussi aux tuteurs qui se présenterons dans
son environnement.
Le travail qu’il nous reste à faire chacun individuellement, mais aussi ensemble, dans le
cadre des réseaux que nous construisons dans le territoire où nous travaillons.
Je vous remercie.

Marc Vignal :
On va pouvoir prendre quelques minutes pour vos réactions, vos questions. C’est un exposé
extrêmement riche qui paraît correspondre aux réalités qu’on a pu entendre dans le cadre
du diagnostic.
La salle :
J’ai été très choqué tout à l’heure. Vous êtes en train d’éteindre le phare qu’était pour moi la
définition de la santé mentale de l’OMS qui me paraissait très universelle. Il va falloir que
vous reveniez sur la définition que vous proposez à la place.
Christis Demetriades :
La définition de l’OMS : « Bien-être physique, psychique et social » est intéressante et nous
servira tant qu’on n’en aura pas trouvé une autre.
Celle que je vous propose n’a pas l’intention de remplacer celle de l’OMS mais de mettre
l’accent sur des aspects auxquels l’OMS ne touche pas.
La souffrance fait partie de la vie. Effectivement il n’y a pas que le bien-être qui est du côté
de la santé, pouvoir souffrir, c’est aussi du côté de la santé.
Si vous perdez quelqu’un, vous perdez un proche, vous êtes en deuil et si vous ne souffrez
pas, c’est un indicateur de mauvaise santé mentale. Non ?
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Actes de la journée « Santé mentale »
Il y a des situations où la santé mentale passe par des situations de souffrances, inhérentes
à la réalité de l’être humain. La définition de l’OMS, il y en aura une autre un jour, à ce jour
évidemment, on l’utilise tous. J’essayais de la nuancer, d’apporter une réflexion là-dessus.
La définition de l’OMS date de 1946, à cette époque on peut penser que la souffrance ne
peut pas faire partie de la vie. On n’en est plus là.
La définition de Furtos introduit une notion de révolte, c’est ça qui m’a intéressé. C’est aussi
le fait de penser que la révolte, la colère, l’agressivité font aussi partie du bien-être.
Subir des situations insupportables sans réagir, sans éprouver de la colère ou de l’agressivité
serait aussi un indicateur de mauvaise santé mentale
C’est ces paramètres qu’il faudrait intégrer dans une autre définition que je ne vous
proposerais certainement pas aujourd’hui.
Marc Vignal :
Juste pour préciser qu’avant l’OMS, la seule définition existante faisait référence à l’absence
de maladie, au silence des organes. LA définition de l’OMS a au moins fait évoluer ce
concept, mais aujourd’hui rien n’empêche effectivement de la questionner.
La salle :
Juste une question tout à fait normative si je puis dire, les objets sociaux, il me semblait que
jean Furtos en avait tracé une liste assez précise qui sont : l’absence de ressources
permettant de vivre correctement, l’absence de couverture sociale, l’absence de travail, de
logement décent dans lequel on peut s’épanouir, auxquels sont venus s’ajouter au fur et à
mesure, l’absence de situation administrative correcte et l’absence de moyen de
déplacement en milieu rural
Êtes-vous d’accord avec cet outil de travail ?
L’isolement affectif doit-il être considéré comme la perte d’un objet social qui est de nature
affective et non matériel?
Chritis Demetriades :
Je n’ai pas cette liste là en tête, mais Furtos parle d’objet social du côté du logement et non
son absence, de l’emploi, de l’administratif, du loisir. J’utilise le terme d’objet social de
manière plus libre je l’ouvre à d’autres points de réflexion.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Bibliographie
Robert Castel « Les métamorphoses de la question sociale ». 2007
Boris Cyrulnik :
-
« La résilience ou comment renaitre de sa souffrance » 2009
« La résilience » 2009
« Les vilains petits canards » 2004
« Le murmure des fantômes » 2005
Patrick Declerck « les naufragés » 2001
Sigmund Freud :
-
« Introduction à la psychanalyse »
« Œuvres complètes de psychanalyse » 2009
« Inhibition, symptômes et angoisses »
-
« De la précarité à l’auto-exclusion » 2009
« Les cliniques de la précarité - Contexte social, psychopathologie et
dispositifs » 2008
Jean Furtos :
Donald Winicott :
-
22
« Processus de maturation chez l’enfant » 1965
« De la pédiatrie à la psychanalyse » 1969
« Jeu et réalité » 1971
Actes de la journée « Santé mentale »
«Une expérience de travail en réseau « aléatoire » dans la
réinsertion sociale et dans la souffrance liée à la précarité »
Mr Jean Jacques TABARY, psychiatre, directeur de la structure : « carrefour santé mentale
précarité » à Bourg en Bresse
Je remercie les organisateurs de m'avoir invité.
Je vais me présenter rapidement. Jean-Jacques Tabary, je suis psychiatre au centre
psychothérapeutique de l’Ain, que je nommerais CPA, c’est enregistré comme ça dans ma
tête. Depuis toujours, comme on me l’a fait remarquer de manière méprisante, l’opérateur
de la caisse de retraite à laquelle je me suis adressé, m’a dit, et pour cause, vous avez une
carrière linéaire.
J’ai été assistant, puis chef de service de 1984 à 2001. A partir de 2001, j’ai été aussi
Président de la commission médicale de l’établissement et c’est surtout de cette période
dont je voudrais vous parler. Je me suis consacré à une triple activité : le CMP de Montrevel
en Bresse, la gestion d’un dispositif de réinsertion de psychotiques chroniques, qui pour la
plupart, avait échoué dans toutes les tentatives de réinsertion, et qui vivent à Bourg en
Bresse ; et puis d’autre part je gère le « Carrefour santé mentale précarité » qui a été mis en
place en 1998 selon les recommandations de l’époque.
En 1998, les établissements étaient chargés de mettre en place des structures permettant de
faciliter l’accueil et la prise en charge pour les soins des personnes démunies.
J’en profite pour excuser Jacqueline Michelin qui est retenue pour cause de jury à l’école
d’assistante sociale.
On a intitulé en accord avec Marc Vignal mon intervention : une expérience de travail en
réseau aléatoire.
Ce mot « aléatoire », je vais m’en expliquer très rapidement. Il est surtout fait pour prendre
le contrepied de ce qui tente actuellement et partout dans la psychiatrie à une formalisation
voire une « formatation » de tout ce qui ce crée. Vous savez, il y a tout un dispositif,
l’évaluation des pratiques professionnelles, ce qui veut dire qu’on ne peut pas passer un
quart d’heure avec un malade sans marquer sur l’ordinateur tout ce qu’on a fait. Or dans le
domaine dans lequel on œuvre, il n’y a pas pire ennemi, on ne peut rien faire si l’on se passe
de tout ce qui est spontané, de la mouvance, de la souplesse, de l’improvisation. Ce que je
vais essayer de vous dire aujourd’hui, la présentation qu’a fait Mr Demetriades du psy
immobile, derrière son bureau, va bien m’aider car je vais essayer de vous montrer que ce
n’est pas ça, depuis ma place de psychiatre qui essaie d’explorer autre chose qu’un entretien
singulier avec le patient, c'est-à-dire dans le domaine social.
Ce terme d’aléatoire, parce que dans le domaine de la psychiatrie, les occasions de
partenariat, de rencontres simplement, pour quiconque est soucieux de prolonger l’action
psychothérapique jusque dans l’environnement du patient, amènerait à passer son temps à
signer des conventions, à formaliser des réseaux.
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Actes de la journée « Santé mentale »
J’ai appris récemment de la bouche d’une psycho sociologue que tout « dispositif » est par
nature provisoire. Peut être effectivement le terme de « dispositif », plutôt que « réseau
aléatoire », conviendrait mieux, même si je serai amené à parler de dispositifs qui durent
depuis 17ans
Je ne ferai pas d’autre incursion sur le vocabulaire sémantique comme les psychiatres
peuvent faire quelquefois.
Mon exposé, je vais le faire à partir de mon histoire personnelle, ma pratique et notamment
concernant cette dernière étape en essayant de tirer à chacune des expériences les leçons,
surprises, les découvertes qu’on a faites et dans un deuxième temps les regrouper en deux
ou trois d’entre elles.
J’emploierais souvent le « nous », non par démagogie mais parce que il est clair que dans ce
travail, les découvertes et l’élaboration de ce qui est un savoir ne se sont jamais opérées
dans la solitude, mais en équipe pluridisciplinaire.
Ce travail que je vais essayer de faire peut se résumer en une ambition, qui est celle du
franchissement permanent du fossé qui sépare le sanitaire et le social, avec la conviction
profonde que dans notre métier si on s’arrête à ce qui est strictement « le psy qui regarde
ses godasses », ce qui ne veut pas dire qu’il n’écoute pas, mais ça ne passe pas —Je rappelle
que les missions de service public qui sont la formation, la recherche et la prévention, nous
y oblige, on l’oublie trop souvent — si on ne va pas au-delà de ce qu’on appelle strictement
le soin, on ne fait qu’une partie de notre travail.
Et si on ne fait pas ça, ça me fait penser à certains de mes patients psychotiques qui envoient
des messages sans se soucier, en voulant ignorer, qui les reçoit.
J’ai un patient comme ça qui a deux portables. Il y en a un qui est un vieil appareil, qu’il
utilise comme tout le monde, et il en a un qui est absolument rutilent, duquel il envoie des
messages qui sont généralement des poèmes, des sentences, des maximes à des gens qu’il
connaît mais dont il sait, que la plupart du temps ils ne peuvent pas répondre. Par exemple
parce qu’ils n’ont pas de portable.
Encore un mot, avant de venir ici, Marc Vignal m’a transmis les travaux de l’Atelier Santé de
la Ville d’Autun, je suis assez gêné car je travaille dans des conditions nettement plus
favorables. Je fais partie d’un établissement où il y a à peu près 70 psychiatres, on vient
d’ouvrir une équipe mobile avec une assistante sociale, il y a des psychiatres dans la ville.
Je voudrais rappeler que la ville de Bourg a 40 000 habitants. Depuis toujours les gens
originaires de Saône-et-Loire dont je suis également. On me disait quand j’étais petit :
« attention, si tu es fou on va t’envoyer à Bourg », c’est ce qui s’est passé !
Le CPA est un établissement qui couvre tout le territoire du département de l’Ain et qui
longtemps a sectorisé la Saône-et-Loire, dont un des derniers secteurs détaché a été Parayle-Monial.
On a quand même des moyens corrects par rapport à la Ville d’ Autun. On a 40 CMP, on est
nombreux et, je le dis devant l’élu local, même s’il convient de dire qu’on n’a pas de moyens,
sinon on risque d’être trop entendu.
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Actes de la journée « Santé mentale »
J’ai commencé il y a très longtemps à travailler avec des assistantes sociales dans le secteur
du Bugey et c’était très difficile car il n’y avait qu’une infirmière de secteur dont le chef de
service lui demandait de revenir à l’hôpital 5 demi-journées par semaine. Il ne lui en restait
donc que deux demi-journées, la pauvre ne pouvait pas faire grand-chose
Les assistantes sociales de l’époque étaient des femmes qui avaient commencé leur carrière
après la guerre pour la plupart, qui étaient terrorisées à l’idée de rencontrer un psy, mais
qui avaient des connaissances de terrain tout à fait remarquables. Evidemment, elles sont
parties à la retraite, mais je me suis beaucoup inspiré de ce que j’avais entendu d’elles.
En tant que médecin chef on n’a pas beaucoup le temps de s’organiser, on était
complètement absorbé par ce qui, à l’époque, était la transformation
de l’hôpital.
Qu’est-ce-que j’ai fait à cette époque ? J’ai crée une section UNAFAM,
des appartements de transition, je vais dire un mot de cette expérience
là.
Puis en 1994, j’ai vu arrivé quelqu’un qui m’a dit « je suis psychosociologue à Lyon. Je m’appelle Christian Lamal. Qu’est-ce-que vous faites pour les
précaires ? ». Je n’avais rien fait pour les précaires, je gérais mon CMP et la porte leur était
ouverte, ils pouvaient venir tant qu’ils voulaient et cela me semblait suffisant. De temps en
temps, on avait bien un coup de téléphone du CHRS local qui nous disait « voilà on a un gars
qu’il faut absolument voir tout de suite », mais on n’avait pas de service d’urgence, et puis il
n’y a pas de raison, qu’il inscrive son nom sur une liste d’attente comme les autres. Alors le
psychosociologue me dit ça ne se passe pas du tout comme ça. Vous ne connaissez rien à la
psychopathologie de la précarité et je vous invite à un congrès, j’y suis allé.
Et là j’ai pris conscience qu’il y avait tout un domaine dans lequel on devait s’investir, mais
duquel on pouvait aussi tirer beaucoup de leçons et apprendre beaucoup de choses au
bénéfice des autres patients.
Quand j’étais Président de la CME, j’ai hérité d’un dispositif qui me semble extrêmement
intéressant, dont je suis assez fier qui s’appelait le dispositif des psychologues-RMI. Ils
s’appellent aujourd’hui dispositif-RSA et psychologues d’insertion. C’est ce dispositif qui dure
depuis 17 ans.
Juste après la création du RMI, on avait été sollicités et il y avait parmi nous un vieux chef de
service qui s’occupait de tout, de la politique, qui était partout, mais pas souvent dans son
service, mais qui avait réussi à rencontrer le préfet. Il lui a dit que le CPA était plein de
psychologues qui ne faisaient rien, mais qu’on pouvait les récupérer pour le RMI, ce qui était
totalement faux.
Quand on lui a dit non des psychologues on en a un par service, ils ne peuvent pas s’occuper
des RMIstes. Le Préfet de l’époque (les RMIstes relevaient de l’Etat et non pas du Conseil
Général comme maintenant) nous avait bien entendu et nous a dit, on va créer des postes
de psychologues dans les commissions locales d’insertion, cellules de bases des RMIstes et
on verra ce que cela va donner. Cela a pris de l’extension depuis.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Dans le dispositif de l’ADRESSE, je travaille avec un collègue Lacanien, ce qui explique le
choix d’un certain vocabulaire.
Ce dispositif inclut jusqu’à 180 patients qui étaient tous des malades, la plupart des grands
psychotiques se sont trouvés réimplantés dans la Ville de Bourg, du fait qu’ils avaient rompu
leurs liens familiaux et s’étaient établis et qui étaient tous isolés.
Je ne sais pas si vous savez comment fonctionne un hôpital psychiatrique mais pour un
hôpital psychiatrique, la question fondamentale est comment faire pour ne pas prendre de
malades qui ne viennent pas de mon secteur ?
Ces malades, il y en a qui venaient du Bugey, il y en avait pleins qui venaient de Saône-etLoire, même hospitalisés avant la création de Sevrey.
Ils étaient tous réinstallés dans la Ville de Bourg et évidemment, quand il y en avait un qui
n’allait pas, il n’était jamais du secteur du médecin. Ils étaient victimes de délaissement.
On avait pris le problème à bras-le-corps et on les a réuni dans une unité de soins qu’on a
bricolé. On l’a bricolé pas trop mal puisqu’on a créé un CMP qui s’appelle « interlignes », un
hôpital de jour qui s’appelle « le pointillé », un service de soins à domicile qui s’appelle
« l’accent » il y a même un CATTP qui s’appelle « l’apostrophe ». On s’est attaqué à prendre
en charge tous ces patients qui avaient en commun le fait de vivre en appartement et s’ils
vivaient en appartement, ce n’était pas un choix, c’était parce qu’ils avaient échoués partout
ailleurs.
J’ai un patient déficitaire, on dirait maintenant psychotique déficitaire grave, autrefois on
disait déficitaire intellectuel, qui partout s’est comporté en vieux garnement et qui a
maintenant 78 ans. Il est aujourd’hui toujours en échec. Il vit en appartement après avoir
mis en échec plusieurs placements en maison de retraite.
Les autres aussi. On les maintient en appartement et on essaie de travailler avec eux. Ça
nous a amené à considérer - et là j’entame ce qui est cette spécificité de travail qui consiste
à aller au-delà du soin - un objet comme étant l’objet central de ce type de soin et qui est le
logement.
Le logement, on a longtemps dit que c’était un outil de médiation
thérapeutique. Ce n’est pas un outil de médiation thérapeutique, il
faudrait pour cela que le patient « l’habite ». Et c’est ce qui fait l’objet et
le sens du soin à domicile. Pour que la personne échappe à la précarité,
en fait plutôt à la dégradation.
Or le logement peut être persécutoire, on en a fait l’expérience. Mais pour que le logement
fasse partie plus ou moins du moi psychotique, du moi tout court, avec nos patients, il faut
que le patient l’habite, c’est-à-dire pas seulement que ce soit un domicile, un lieu de vie, une
adresse, mais que vraiment il se l’approprie et qu’il s’approprie progressivement tous les
objets qui en font partie et qui vont au-delà de l’appartement. On a très vite réalisé que
l’appartement, c’était l’espace bien sûr, les meubles mais aussi le voisinage immédiat,
l’immeuble avec le gardien, le digicode, le quartier, l’accès aux services, le bailleur, le tuteur,
la plupart du temps, c’était aussi l’accès et le temps aux lieux de soins, aux loisirs, etc.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Quand un patient arrive à se situer dans tout ça, et c’est difficile, le patient psychotique n’y
arrive pas toujours. A ce moment-là, on peut dire que le patient habite son appartement,
qu’il peut en saisir tous les tenants, tous les signifiants, s’habituer à ces objets et s’y trouver
en situation de bonne santé mentale.
Ca ne marche pas toujours, c’est difficile, c’est un travail permanent où il faut toute une
équipe pour accompagner.
Je dispose heureusement d’une bonne équipe avec mon collègue et d’une psychologue, tous
les deux sont également psychanalystes, et nous aident à suivre les méandres de
l’inconscient du patient dans ses comportements, quelquefois dans ses échecs et de mener
un véritable de travail de suivi, mais dans le sens où l’on est derrière, et quelquefois contre
l’avis du patient.
Qu’est-ce qu’on a découvert dans ce travail-là, on a découvert que le logement peut être
persécuteur. On a le cas d’un patient qui n’a jamais habité son appartement. Il avait son
appartement et il couchait sur le trottoir, toutes les fois que l’infirmière l’accompagnait pour
acheter des vêtements, il achetait bien consciencieusement. C’est bien, il est beau mon teeshirt mais dès que l’infirmière avait le dos tourné, il le vendait...
C’était un patient qui avait des antécédents de pyromanie, il avait mis le feu dans une
chaumière, qui servait de lieu de jeu au fond de l’hôpital et dont beaucoup étaient contents
d’être débarrassés, mais il avait des pulsions pyromaniaques extraordinaires.
Pour lui, se protéger de cette pulsion qui resurgissait dès qu’il était bien, c’était la nécessité
absolue de se protéger et de supporter la souffrance en dormant dehors, plutôt que de
supporter cette pulsion qu’il ne pouvait pas maîtriser.
Il y a des patients pour qui le logement se résume à un objet, à un seul objet. Je pense à un
patient pour lequel le logement se résume à la chaine hifi, il n’y a rien d’autre autour. Il faut
l’accompagner pour tous les autres actes de la vie sinon il ne mange pas, il ne se lave pas.
Un autre s’est acheté une petite tortue grecque. Il investit tout autour de ça, il nourrit plus la
tortue que lui-même. C’est un objet de médiation intéressant car à partir de la tortue on a
réussi à lui faire intégrer d’autres objets.
Mais on a trouvé des patients qui ne savaient pas utiliser leur lit, qui n’avaient jamais vécu
seuls et il y en a un qui utilisait son lit comme un dépôt pour ses cassettes, et il couchait à
côté. Le lit lui servait à placer ce qu’il avait de plus précieux. On a fait un travail très
intéressant de réapprivoisement progressif du lit en tant que lieu où l’on dort. Mais ça n’a
pas été tout seul.
Ce qu’il faut savoir c’est que la ville de Bourg est séparée par une voie ferrée. A l’est, 80 % de
la population de Bourg habitent dans les quartiers historiques, à l’ouest du côté de la
commune de St Denis, il y a deux quartiers : un résidentiel et un HLM. Le seul point pour
passer d’une zone à l’autre, c’est soit une passerelle au-dessus de la gare, soit un souterrain,
très dangereux à utiliser avec des trottoirs tout petits et qui au moindre orage est inondé et
il y des gens qui se sont noyés. Et le quartier qui s’appelle Terre des Fleurs, le quartier HLM
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Actes de la journée « Santé mentale »
n’est pas très demandé par la population. Il n’y a pas beaucoup d’équipements, juste une ou
deux supérettes et des bus.
La tentation de Bourg Habitat, la société HLM a été de proposer des logements à nos
patients dans cette zone-là. On a crié en disant que c’était épouvantable. Puis on est revenu
sur cette opinion en constatant que nos patients se retrouvaient et pouvaient vivre grâce à
cette communauté intermédiaire qu’était la communauté des malades, de ceux qui allaient
tous les jours au CMP, qui échangeaient, qui demandaient des renseignements sur l’activité
proposé, l’humeur du médecin, etc. On est donc revenu de notre première constatation sur
« l’asilification ».
Un investisseur local a repris des vieux bâtiments et a fait des
studios. C’est un homme d’affaires. Il en a regroupé une trentaine
pour les actifs jusqu’à ce qu’on y loge un malade ou deux. Il a
trouvé que c’était un bon placement : ils sont sous curatelle, ils
paient leur loyer, une somme modique. Alors il a pris l’habitude à
chaque fois qu’un studio se libère de nous demander si nous
n’avons pas quelqu’un à placer. Il y avait une douzaine de patients qui logeaient à côté les
uns des autres. Un jour, l’un d’entre eux a fait une crise, il a fallu que le GIGN intervienne et
l’on s’est dit que c’était grillé et que le propriétaire ne voudrait plus de nous. Et non pas du
tout, il nous a dit qu’il avait beaucoup apprécié que tout au long de la crise les infirmiers
soient là, il a apprécié cette disponibilité, et du coup il a continué à nous proposer des
appartements. On a toutefois remarqué qu’il y avait une masse critique à ne pas dépasser si
on ne voulait pas que ce phénomène asilaire ressurgisse.
Si on dépassait la dizaine d’appartements on voyait se reconstituer une communauté avec
les défauts de l’asile psychiatrique que la plupart de ces patients ont connus. Ils
commencent à aller les uns chez les autres sans frapper, à se servir directement dans le
frigo, à ne plus venir aux consultations, etc.
On a dit au propriétaire qu’on n’ira pas au-delà et il nous a compris.
On a surtout appris le rôle de ceux qui étaient autour d’un patient qui s’installe avec sa
psychose, son délire, son inhibition, avec les réactivations de délires : « le voisin m’a regardé
bizarrement, la dame a changé de chien c’est exprès parce qu’elle m’en veut, etc.»
On a vu se constituer des réseaux spontanés qu’on a un peu identifiés en cercles
concentriques : un réseau immédiat, qui est fait des voisins, qui est fait quelquefois du
généraliste, de l’aide-ménagère, Un réseau un peu plus distant, là on va retrouver le
médecin généraliste, le curateur, le psychiatre aussi, l’infirmière qui peut faire aussi partie
du premier réseau. Rien n’est systématisé. On a aussi des personnages qu’on a appelé les
guetteurs.
L’avantage d’être un vieux psychiatre c’est qu’on peut balayer l’histoire de la psychiatrie sur
une ville. Moi j’ai vu la population de Bourg changer dans sa tolérance aux patients.
Il y a 30 ans, quand un malade piquait un dentifrice dans un magasin on donnait des coups
de téléphone rageurs, on voyait débarquer la police. Ensuite il y a eu toute la période de
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Actes de la journée « Santé mentale »
l’antipsychiatrie, le malade était un pauvre malheureux. Il y avait même parfois un excès de
tolérance dans les milieux proches de la psychiatrie, pour les éducateurs, les infirmiers, ou le
patient. Aujourd’hui on a atteint la maturité, avec l’intégration de cette population dans une
ville, qui sait ce qu’elle peut faire et qui sait ce qu’elle ne peut pas faire.
Bel exemple d’une patiente qui a 84 ans, une vieille paysanne qui a été placée très jeune
comme femme de maison, et qui vit dans ce quartier. Elle a réussi à s’y faire une sorte de
notoriété, avec beaucoup d’intuition, car je ne sais pas si elle a le certificat d’études, mais
elle connaît les hommes.
Elle a su repérer autour d’elle les personnes qui étaient en souffrance, mais une souffrance à
laquelle elle pouvait répondre, elle. Cela se traduit par des soirées crêpes, auxquelles elle
invite les gens qui, selon elle, ont le plus besoin. Elle se trompe rarement, mais comme elle
a un foutu caractère, on a intérêt à y aller car autrement elle n’est pas contente !
Ca n’empêche pas que cette patiente souffre d’une psychose maniaco-dépressive carabinée,
et régulièrement, elle fait des états mélancoliques, et des états maniaques le plus souvent.
Mais ce qui se produit c’est que ses états maniaques ne soulèvent plus l’appel à la police de
la part des voisins. Et lorsque ses états nécessitent la police, celle ci calme le jeu et dit
demain on avertira le CPA qui intervient. Elle accepte les soins elle finit par les demander
intuitivement. Par contre après elle se venge. La semaine dernière, elle a donné des coups
de poing à l’infirmière, mais à 84 ans et avec 1 mètre 50, elle ne fait pas grand-chose.
Et là il y a des guetteurs autour d’elle.
Quelques voisins avec lesquels elle est en relation très affective. il y a le gardien de
l’immeuble qui lui sait très bien repérer quand on ne peut plus parler avec elle, il y a
l’électricien, ça c’est particulier, quand elle ne va pas bien elle appelle l’électricien.
Et cette patiente, elle vit sa psychose maniaco-dépressive, dans ce quartier qui était réputé
pour n’être pas très tolérant, elle continue à faire des crises, elle n’est pas guérie, mais ce
qui est important c’est qu’elle a sa place dans ce quartier.
C’est une remarquable analyse sociologique : elle m’avait dit une fois « dans ce quartier les
hommes boivent et les femmes meurent ». C’est la réalité, il y a plusieurs cas comme ça.
Alors, quel est le rôle de l’équipe soignante là-dedans ? Vous voyez cela marche tellement
bien qu’il n’y a pas besoin d’infirmier, ni de médecin… Si quand même.
Dès le début, il faut évaluer la capacité du patient à habiter dans un logement, ce n’est pas
évident.
Vous savez dans les années 70, il y a eu le grand déversement de l’hôpital psychiatrique mais
mal préparé… Les patients étaient mal préparés, on disait aux gens « vous verrez ça va être
merveilleux, vous allez avoir un appartement » mais il y avait des personnes qui n’avaient
jamais vécu seules en appartement.
Une infirmière a le souvenir d’une patiente, qu’elle avait amené dans son appartement et
qu’elle avait laissé à sa table vers 18h30 en lui disant à demain. Elle l’a retrouvé à la même
place le lendemain matin. Elle n’avait pas bougé de la nuit, elle n’avait pas osé. Voilà le genre
d’erreurs qu’il ne faut pas renouveler.
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Actes de la journée « Santé mentale »
On a donc un dispositif, les appartements de transition, qu’on utilise, c'est-à-dire ce sont des
appartements sous-loués par l’hôpital, dans lesquels les patients peuvent faire une
expérience de leurs capacités à vivre seuls.
Ce que je voudrais dire de cette expérience, c’est que ce n’est pas un travail éducatif, mais
qui ne va pas à l’encontre du travail éducatif, qui est nécessaire, d’ailleurs on va travailler
avec des éducateurs. Mais c’est vraiment un travail psychothérapique.
Avec des effets : il y a des morts, il y a des suicides, des maladies graves, les patients sont
très exposés, ils attrapent des maladies, ils fument beaucoup. C’est un travail qui nécessite
un regard sur l’inconscient du patient en permanence, qu’il faut guider, qui nécessite des
réflexions, mais qui nécessite aussi de travailler avec tous ces intervenants dont je parlais
tout à l’heure.
Voilà une expérience de réseau psycho-social, qui ne marche pas trop mal.
Les premières fois qu’on a invité des aides ménagères aux réunions cliniques de l’hôpital
psychiatrique, les pauvres, elles étaient un peu terrorisées, maintenant c’est elles qui nous
téléphonent et nous disent voilà j’ai repéré qu’un tel ou un tel n’allait pas bien.
On a aussi tiré comme leçon l’inventivité du patient : on prévoit toujours tout sauf ce que lui
va faire. Je vais citer l’exemple d’un paranoïaque qui vivait dans une espèce de continuité
humano-animal qu’on pourrait qualifier de zoophilie - ça n’en est pas - qui s’occupait des
vaches de son père. Puis son père est parti à la retraite et on s’est dit celui-là, il va s’écrouler
quand il n’aura plus ses vaches et non pas du tout. Il a réinvesti autre chose. Il faut dire qu’il
ne fait pas la différence entre les vaches et les femmes, donc il s’intéresse aux caissières du
supermarché. Il a très bien réussi à transposer, alors qu’on s’attendait à l’hospitaliser.
Autre leçon : la capacité de l’entourage du patient à faire preuve d’une qualité
psychothérapique, intuitive, spontanée, qui existe chez chacun d’entre nous et si on réfléchit
ce n’est pas vraiment étonnant. On a sous les yeux une structure qui prend bien en charge
les patients, ce sont les familles. On oublie souvent ça.
On a découvert la nécessité d’une confiance réciproque, d’une confiance qui soit vraiment
assumée. Vous savez pendant très longtemps, dans les années 70, quand on laissait partir les
malades de l’hôpital, on disait aux familles qui n’étaient pas bien rassurées, « si il y a un
problème, vous nous téléphonez ». Et comme il y avait souvent des problèmes, elles nous
téléphonaient souvent. Et on répondait « nous ne pouvons rien faire il faut appeler le
médecin généraliste ».
C’est le genre de choses qu’il faut absolument condamner, on doit « faire » !
On doit être aux côtés de l’interlocuteur extérieur, du partenaire qui se trouve en difficulté.
On doit même se déplacer. Et quand on l’a fait plusieurs fois, ce n’est plus la peine de le
faire, parce que l’autre a appris à se passer concrètement, mais pas symboliquement, de
nous. On est toujours là !
On avait fait il y a très longtemps un travail sur la distance. Un collègue avait trouvé la
formule « il faut assurer une absence réelle, mais une présence symbolique ; mais il faut que
ça passe d’abord par une présence réelle pour qu’elle se transforme ensuite en présence
symbolique ».
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Actes de la journée « Santé mentale »
Voilà cette première expérience. La deuxième, c’est le « Carrefour santé mentale précarité ».
J’ai l’honneur de le présider depuis le début. Il y a eu la visite de Christian Laval qui a
sensibilisé un peu, culpabilisé évidemment, et ça a été efficace. Il y a eu en 1998 la loi contre
les exclusions, vous savez cette loi qui a été élaborée avec beaucoup de difficultés à travers
le rapport Wresinski, le rapport Lazarus, et portée surtout par ATD Quart-monde et Madame
De Gaulle Antonios.
A partir de là, il y a eu les PRAPS, programme régionaux d’accès à la prévention et aux soins,
qui ont recommandé la création dans chaque structure, d’équipements pour prendre en
charge cette population, avec en particulier cette phrase qui devrait être gravé au frontispice
de chaque établissement de soins, selon laquelle aux termes de la loi de 1998 « la fonction
d’un hôpital somatique ou psychiatrique ne s’arrête pas à la prescription des soins, mais qu’il
doit s’assure que la personne dispose des moyens de continuer les soins à sa sortie ». C’est
écrit dans la loi. Les établissements locaux, je ne sais pas si il y en a en Saône-et-Loire, se
sont équipés de PASS, permanences d’accès aux soins de santé. Dans l’Ain, il y en a deux, je
parle des établissements somatiques, une à Bourg et une à Oyonnax. On a créé la nôtre mais
comme le suivi faisait partie traditionnellement des fonctions du secteur, on a créé un
dispositif qui permet de porter des soins et des médicaments à n’importe quelle heure du
jour et de la nuit, de la semaine, sur l’ensemble du département.
On a travaillé avec l’ORSPERE le lancement de ce carrefour, sous la présidence de Jean
Furtos et d’une inspectrice de la santé de l’Ain qui s’est trouvé confrontée, à ce moment-là,
à l’arrivée au sein de la DDASS des premiers réfugiés des guerres balkaniques et
caucasiennes. Et il y avait une famille géorgienne qui campait dans le hall de la DDASS. Un
soir un camion transportant des kurdes est arrivé, mais quoi faire ? Il y en avait qui allaient
très mal. Le lendemain ils avaient disparus. Ca a été le ressort les premières arrivées des
guerres de Yougoslavie.
On s’est rendu compte par la suite, que contrairement à certains discours politiques
triomphalistes de l’Ain - l’Ain qui est un département qui se porte bien, qui est prospère, qui
n’est pas en trop grande difficulté sociale, dont la population augmente régulièrement – ce
n’était pas bien de dire qu’il y avait aussi de la précarité dans l’Ain, mais ça a quand même
été reconnu à ce moment là par la DDASS.
Voilà ce qu’était le contexte historique et donc le CSMP a été financé avec des budgets
DDASS à partir de 2001. Le contexte local il tient aussi au fait que nous sommes dans la
banlieue lyonnaise et aussi dans la banlieue genevoise, et qu’il y a beaucoup
d’établissements d’hébergements qui se sont installés, soit du côté de Miribel, Montluel,
dans le Pays de Gex et aussi à Bourg. Il y a même une association un peu tentaculaire qui
s’appelle Alpha3A qui gère ça. Et il y a deux CADA, vous savez ce sont les Centres d’Accueil
pour les Demandeurs d’Asile.
Quel est le rapport entre s’occuper des précaires dont a parlé Monsieur Demetriades, tout à
l’heure et s’occuper des psychotiques ?
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Actes de la journée « Santé mentale »
Les psychotiques, les malades mentaux installés en ville ne sont pas dans la précarité. Ils ont
leurs injections retard, leurs tutelles, leurs allocations d’adultes handicapés et ils ont leurs
tuteurs qui jouent les préservateurs de leurs logements, même s’ils le cassent. Leurs loyers
sont payés, ils sont très exactement dans la situation contraire du précaire qui, lui, ne sait
pas ce qui va lui arriver le lendemain.
Il partage quelques points communs avec le précaire notamment cette notion de devoir
demander. Le précaire c’est celui qui n’a plus le pouvoir de décider ce qu’il va faire dans la
société, il ne peut plus décider d’acheter une paire de godasses pour son gamin sans passer
par l’assistante sociale, qui lui dit qu’il ne faut pas acheter de marque, alors que c’est très
difficile pour un gamin de ne pas avoir de marque au milieu des autres. Ils partagent cela, les
psychotiques lourds ont tendance à ne rien pouvoir décider d’eux-mêmes.
Tout le travail qu’on fait avec eux c’est de les aider à décider et de refuser de décider à leur
place. Sur le plan nosologique il serait intéressant de croiser les différences et les points
communs entre la pathologie de la grande exclusion et la grande psychose.
Qu’est-ce qu’on a fait au niveau du CSMP : trois actions.
La première action, je vais passer rapidement dessus, c’est l’action de sensibilisation de
transmission de la clinique au sein même de l’établissement, c'est-à-dire à nos collègues.
On a créé des structures comme les Espaces-Rencontres ce sont des réunions une fois par
mois avec divers CHRS, où on parle de situations, où il y a un échange entre l’apport du
clinicien et l’apport de l’éducateur. Au départ on pensait que ce serait nous qui apprendrait
aux éducateurs, finalement ce sont eux qui nous ont beaucoup appris et notamment
comment gérer la psychose quand on n’a pas sous la main un psychiatre ou une injonction
de neuroleptiques. Ca fonctionne toujours, à la condition de s’interdire de faire de l’analyse
de la pratique, c'est-à-dire de ne pas porter de jugement sur le travail qui se fait au sein
même de l’établissement, même quand cela nous est demandé.
On avait essayé de créer un réseau santé mentale-CHRS à caractère didactique, ça s’est
avéré très lourd, on a laissé tomber.
Une expérience avec une infirmière qui a travaillé dans le Pays de Gex, là bas la précarité est
exacerbée. Une femme qui touche le RMI dans le pays de Gex et qui a un gamin, n’a pas
intérêt à travailler, car il n’y a pas de moyen de transport, elle trouvera difficilement une
crèche pour garder son gamin. Elle a donc intérêt à rester au RMI, mais elle se détache
encore plus en profondeur par rapport aux villas locales des employés de l’OMS et du CNRS.
On a découvert la précarité en milieu rural, dans un second temps par le biais des
psychologues RMI en particulier. Il y a dans la Bresse des petites communes qui essaient de
monter des dispositifs de transports pour aider aux déplacements, mais dès qu’il faut
financer, la commune est complètement débordée, même quand elles s’associent en
contrats de pays. Ca devient rapidement des prix exorbitants.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Les malades continuent à venir dans les hôpitaux de jour, tranquillement en ambulance, et
par rapport à ce qu’on vient d’entendre à propos du déficit de la Sécurité Sociale, on a du
souci à se faire.
Ce qu’on observe du CSMP, c’est que très vite on est apparu comme le porte-parole de
l’hôpital psychiatrique, du CPA et on très sollicité pour tout ce qui se met en place dans ce
domaine.
Je voudrais insister sur une expérience, qui est sous l’autorité des élus locaux. C’est le
Conseil Local de Santé Mentale, c’est un dispositif récent qui est un lieu d’échanges
considérables, très intéressant. On y rencontre les CHRS, le médecin de la ville, les élus, la
police. Il y a des capacités d’échanges très larges. On en est à pour l’instant qu’à repérer les
cas difficiles mais la réflexion peut s’élargir.
Je vais passer rapidement sur les psychologues du RMI, c’est un dispositif qui a prospéré et
qui me semble éminemment intéressant. C’est le premier métier, réellement, qui existe dans
l’espace psycho-social. Ce sont des gens qui ont gardé leurs capacités de psychologue
clinicien, et qui ont acquis des connaissances nécessaires dans l’insertion. Et surtout elles
sont obligées, car ce sont principalement des femmes, d’opérer une synthèse
épistémologique entre les deux. Ca nous ouvre des horizons considérables. On ne travaille
plus par rapport à la souffrance d’un individu qui arrive devant soi, mais par rapport à un
individu parce qu’il est soumis à tel type de pression sociale. Il y a des règles très
particulières au RMI, je ne les connais pas toutes, et la pathologie d’un individu va se
dérouler en fonction de la pression à laquelle il est soumis.
Un autre exemple dont on a fait l’expérience avec l’équipe mobile, ce sont les demandeurs
d’asile. Il a bien fallu se former à ce qu’était le trajet du demandeur d’asile depuis le choc de
l’exil jusqu’à la déception du déboutement. L’ORSPERE a fait un travail important là-dessus
en décrivant le type d’angoisses auxquelles étaient soumis les patients au fur et à mesure de
leur trajet. Mais cela nécessite de connaître à la fois le trajet et la pathologie. Ça c’est un
véritable travail psychosocial qu’on fait avec les associations, les CADAS, les éducateurs, avec
la DDASS - car vous savez que le statut d’étranger malade dont certains peuvent bénéficier
se discute entre la DDASS et le Préfet.
Les psychologues RMI maintenant, peuvent dire et c’est un point d’achoppement avec Pierre
Laval qui continue à dire « ce n’est pas un métier, c’est une posture » moi je maintiens :
« c’est un métier ».
La 3ème action, c’est que depuis novembre on a une équipe mobile de santé mentale. Je ne
vais pas en dire grand chose car j’ai appris que vous en aviez une dans le département de
Saône-et-Loire, qui est plus ancienne que la notre, donc ce n’est pas moi qui vais vous
donner des leçons ce serait plutôt le contraire.
Je voudrais vous faire part des grandes idées maîtresses que j’ai retirées pour ma part de
toute cette expérience.
33
Actes de la journée « Santé mentale »
La 1ère c’est qu’un partenariat, un réseau entre le psycho et le social ne se construit pas sur
une idéalisation de l’autre, mais sur la connaissance, la prise en compte de ses limites, de
ses obligations et de ses manques.
Tant qu’on va sonner l’autre, pour parler trivialement, pour lui dire « voilà j’ai un malade à
placer, vous vous avez des places et des lits, vous le prenez parce que moi j’ai décidé,
psychiatre, que c’était le moment qu’il sorte. Je n’ai rien à vous dire de plus. Secret médical.
Ne comptez rien apprendre de moi, vous ne discutez pas, vous le prenez ». C'est-à-dire que
tant que je prends en compte mes besoins, qui sont un lit dans la cité, sans rien donner, ça
ne peut pas marcher.
En sens inverse, tant que l’éducateur ne cherche qu’une seule chose, me filer le patient
entre les bras, en disant « il me pose des problèmes, moi je n’y connais rien en psychiatrie,
mais le psychiatre si. Je le mène vers lui, il va tout pouvoir ». Là ça ne marche pas. Et nous,
on a réussi, on ne fait ce constat qu’à partir du moment où il y a un hiatus repéré, connu sur
ce que peut faire l’institution psychiatrique et ce que peut faire l’institution sociale. C’est à
dire quand il y a une zone, un espace où l’on ne sait pas qui va faire, où l’on ne sait pas ce
qu’il y a à faire et où le patient peut être tombé dans la précarité, dans la dégradation.
Paradoxalement c’est là que ça marche, parce que chacun va déployer des efforts, va
construire quelque chose, va se souvenir qu’il peut quand même avoir recours à un tel qu’il
connaît, à tel bout de loi qui a été oubliée. Là on peut reconstruire, je pense que cet espace
entre le psy et le social c’est précisément l’espace psycho-social. On a parlé de la souffrance
psycho-sociale et je pense qu’il y a un espace psycho-social. C’est celui dans lequel on doit
travailler.
Ce n’est pas facile de travailler avec le Conseil Général par exemple. Il faut dire que le
dispositif des psychos-RMI a eu tellement de succès, qu’un beau jour le référent du Conseil
Général m’a téléphoné en me disant « voilà je vous ai donné 90 000 € sur le fonds social
européen, ça va vous permettre d’atteindre la dotation idéale que vous souhaitiez pour le
psycho-RMI ». Mais c’est un monstre, c’est à l’euro près en matière de dépense ! On arrive à
se comprendre l’un l’autre. Il a fallu que je me mette à faire de la comptabilité d’horaires à la
minute près. Mais en contrepartie nos référents du Conseil Général ont quand même dû
apprendre que soigner des patients, des Rmistes, c’était d’abord soigner des dépressions,
des psychoses, des addictions et pas seulement comptabiliser des heures ! On n’a pas
encore tout à fait abouti mais c’est un travail de distorsion.
Le 2ème, c’est que dans cet espace psycho-social on a repéré un phénomène que j’appelle feu
de paille. L’équipe mobile va dans un CHRS du fond du département. On est reçu à bras
ouverts : « c’est formidable, c’est vous qu’on attendait. On a une vingtaine de cas à vous
soumettre, on n’arrive pas à obtenir de rendez-vous dans le CMP local, et vous voilà
enfin ! ». Et l’on vient une fois, deux fois, on boit le café, et puis après, plus rien, disparition
totale. Il n’y a plus de besoins. Je ne vais pas détailler sur l’analyse approfondie de ce
phénomène, mais c’est précisément l’illustration de la difficulté à construire. Ca redémarre
après, quelquefois mais pas toujours, quand il y a des cas sur lesquels on peut constater les
uns et les autres nos difficultés, et bricoler quelque chose.
34
Actes de la journée « Santé mentale »
D’autres phénomènes de cet ordre là, le malade qu’on envoie à l’hôpital en disant « c’est
très bien vous allez le soigner, mais on vous prévient on le reprendra pas ». C’est à dire la
parole qui consiste d’emblée à dénier la capacité à la parole de l’autre : « Vous allez dire que
dans dix jours il est guéri, qu’il sort et nous on vous croit pas ».
Autre exemple de difficulté à entrer en relation, là on l’a constaté à propos du conseil local
de santé mentale. On avait des intervenants d’une association de malades et puis aussi des
CHRS qui venaient nous dire « tel patient on ne sait pas quoi en faire ». Une fois on va peutêtre essayer de trouver une solution. La deuxième fois ils reviennent en disant « on ne sait
pas à qui il faut s’adresser ». C’était complètement ubuesque car ils étaient dans le lieu
même où ils devaient s’adresser.
On voit que quelquefois les structures préfèrent rester dans la plainte, parce que c’est moins
difficile à établir des relations que dans le travail commun. On fait comme si la structure
n’existe pas même si elle a été créée.
Deux autres leçons, je vais aller vite, il y a eu pendant très longtemps un discours
psychiatrique porteur d’une certaine subversion, on allait installer l’inconscient au cœur de
la cité. Et si le malade se mettait à tout détruire, c’était la politique de « la pleine gueule ».
C’est très agressif pour le patient, mais je dis un appartement n’a pas à être dégradé, quand
on fait la manche on n’a pas à être agressif ! Et là c’est un travail de castration, de la
prétention subversive de la psychiatrie. Mais c’est la nécessité absolue de renoncer à ça si on
veut travailler en confiance avec des gens qui nous fassent confiance.
Il faut inventer des métiers intermédiaires, j’en côtoie un depuis deux ans et je vous le
recommande, si je puis dire, c’est le métier de psycho-sociologue. Je ne vais pas insister sur
ce qui m’amène à penser. Mais ce travail-là quand on a « le nez dans le guidon », quand on
fait ce travail avec les structures sociales, il faut quelqu’un qui regarde de haut parce que
sinon on fait des erreurs, parce qu’il faut qu’on soit contrôlés, supervisés par des gens qui
ont cette capacité de recul.
Et puis je finirai en disant c’est qu’est le partenariat, le réseau, dans le fond. Il consiste à
s’approprier une partie de l’identité de l’autre. Moi, psychiatre, il faut que je sache un petit
peu du social. L’assistante sociale, il faut qu’elle sache un petit peu de psychiatrie.
Seulement ça c’est très difficile, il faut que celui qui donne n’ai pas l’impression de perdre. Et
c’est une impression qui n’est pas que fantasmatique, on en a eu l’exemple avec la
constitution des équipes mobiles santé mentale précarité. On a oublié l’assistante sociale.
Pourtant elles sont d’une nécessité précieuse et les assistantes sociales sont en droit de dire
« bien voilà, on a tellement donné notre savoir, on n’a plus besoin de nous ». Elles sont en
droit de dire ça, mais elles ne le disent pas. Moi j’ai réussi à en avoir une dans mon équipe.
Il faut donc que celui qui donne du savoir à l’autre n’ai pas la sensation de perdre, et que
celui qui reçoit n’ai pas l’impression d’avoir tout compris, d’avoir tout acquis, d’avoir volé
quelque chose. Et ça on l’observe quelquefois, justement dans le phénomène feu de paille.
On règle deux, trois cas de psychotiques qui délirent dans leur appartement, dans leur studio
ou d’alcooliques ou de toxicomanes et d’un seul coup ce qui peut expliquer en partie, c’est
que l’éducateur, qui a enfin rencontré des psys, qui voit quelle tête ça a, quel travail, qui dit
35
Actes de la journée « Santé mentale »
j’ai tout compris. Du coup je n’ai plus besoin de l’autre. Et ça c’est comme quand moi je
pense que je peux me passer de mon mécanicien parce que je sais qu’un moteur à explosion
ça fonctionne avec de l’essence et avec un piston. C’est à peu près ça, vous voyez comment
je peux faire fonctionner ma voiture avec ces connaissances de base.
Ce qu’il faut s’approprier chez l’autre ce n’est pas tellement ses connaissances, c’est le sens
de sa mission, c’est sa structure de fonctionnement. Je parle de structure dans le sens de
Lévis-Strauss. Il dit « la structure de l’horticulteur, c’est d’aménager un terrain pour faire
pousser des fleurs, ce qui n’est pas structure, c’est le bricolage, c’est faire pousser des fleurs
dans n’importe quel terrain ».
Excusez-moi ce passage un peu structuraliste. C’est ça qu’il faut s’approprier chez l’autre,
quand on a compris qu’il était référentiel, quand on a compris qu’un CHRS, ce n’est pas
seulement un hôtel, mais que l’éducateur a des fonctions d’accompagnement, de
surveillance du soin. On a compris. Il n’y a pas besoin d’en faire plus, ni d’en comprendre
plus. Juste dire, ce travail là, finalement, cette mutation, cette distorsion de notre fonction
on l’opère tous les jours, sans s’en rendre compte. Il me semble que pour travailler avec des
psychiatres, il faut avoir des notions de ce qu’est la psychose.
On oublie simplement que la famille qui, un beau jour, a parmi ses
membres quelqu’un qui va se mettre à délirer. Elle n’a pas de
connaissance en psychiatrie, il faut bien qu’elle fasse avec. On a
d’autres champs dans les expertises on va porter avec nous une
partie nos savoirs à des juges, donner des conseils à d’autres, et
c’est bien là ce travail de distorsion, de métamorphose du savoir
psychiatrique qu’on est capable de faire, donc il n’y a pas de raison
qu’on ne puisse pas le faire avec des partenaires sociaux.

Marc Vignal : Y a-t-il des questions, des réactions ?
La salle :
Une question d’ordre méthodologique, à un moment dans votre travail vous avez dit
l’évaluation c’est pas du tout votre truc, et que vous ne faisiez pas d’analyse de la pratique,
je voulais savoir comment vous faisiez pour prendre du recul sur vos manières de
fonctionner ? Vous avez parlé à la fin du psycho-sociologue qui lui vous aidait à prendre du
recul.
Des petites précisions là-dessus…
36
Actes de la journée « Santé mentale »
Réponse de jean Jacques Tabary :
Le problème c’est de trouver des outils d’évaluation. A ce sujet je recommande la revue de
l’OSPERE, c’est l’observatoire régional de la santé en rapport avec l’exclusion, dirigé par Jean
Furtos. Le dernier numéro, était « Evaluer l’évaluation », c’est remarquablement bien fait !
On essaie de faire en sorte que l’évaluation soit une évaluation clinique, qui nous apporte
quelque chose, et non pas une évaluation telle qu’elle est imposée avec un référentiel à
l’hôpital.
Par contre quand on se demande ce qu’on a apporté à un patient, qu’est-ce-que qu’on a
apporté à un partenaire, là ça demande un travail méthodologique, il faudrait pouvoir
classer, faire une grille d’évaluation, pouvoir en tirer des statistiques, parce que c’est
extrêmement informatif.
Par exemple, dans l’Ain, on est une plaque tournante de l’immigration clandestine et on est
complètement débordé par cette demande qui est inhabituelle. Les demandeurs d’asiles, les
clandestins viennent nous voir, on ne va pas les chercher et ils ont des souffrances
inimaginables. On était tellement débordé, avec l’équipe mobile on avait pensé qu’il
s’agissait de 80 % de kosovars.
On a fait nos statistiques, en fait, il s’agissait de 30 % ! Il est important qu’on sache car on a
une idée complètement déformée de nous-mêmes.
Les psychosociologues peuvent fournir des outils de travail, des outils de réflexion.
A partir de théoriciens, on peut amener une réflexion sur nos pratiques. Comme quand on
avait découvert l’horreur de l’asile il faut bien dire.
Vous savez, il y avait à St Anne des services dans lesquels des psychiatres qui sont partis de
considérations humanitaires, politiques pour reconstruire le secteur psychiatrique.
En Italie ils sont allés encore bien plus loin parce qu’ils sont arrivés à interdire l’exercice de la
psychiatrie institutionnelle.
Mais ce n’était pas suffisant ça.
L’autre source de connaissances de la psychiatrie institutionnelle c’était la gestion des
groupes, ça aussi ce n’était pas suffisant un territoire, une communauté ce n’est pas un
groupe, cela répond à des lois autrement plus complexes.
J’ai participé à de nombreuses réunions sur le secteur, sur comment sauver le secteur,
l’avenir du secteur etc. J’ai toujours constaté que dès que le psychiatre de service public est
amené à réfléchir, à raisonner, à organiser la manière dont il va dispenser, exercer ses
fonctions de soins et de prévention, sur son territoire, il lui manque la clef de la
connaissance environnementale, culturelle. A tel point que certains ont décidé de ne jamais
mettre les pieds dans leur secteur parce que c’est trop difficile. Et ça personne ne nous l’a
appris et je ne crois pas actuellement que les études de psychiatrie apportent les moyens de
faire cette démarche qui est une démarche sociopolitique.
On a beau découvrir, moi je me rappelle à une époque, vous savez dans l’Ain, pays du poulet
de Bresse, il y a les poulets de Bresse qui représentent à peu près 300 000 bestioles par an. Il
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Actes de la journée « Santé mentale »
fallait faire une industrie de la volaille qui consistait à apporter tous les jours à peu près 10
ou 20 000 poulets dans la ville de Bourg et dans les environs, qui étaient abattus, plumés
dans des conditions qui n’ont bien sûr rien à voir avec les pattes bleues et la coque rouge.
C’est l’héritage des mutuelles agricoles. Ca avait abouti à des espèces d’ateliers
pratiquement esclavagistes où l’on employait des gens avec des moyens réduits, à qui l’on
demandait de couper 5 000 poulets à l’heure. Il n’y a pas besoin effectivement d’avoir ni son
bac ni même son certificat d’études.
Le jour où tout ça s’est cassé la figure, il y a eu du déchet dans la rue… Je me suis rendu
compte que dans la ville où j’étais le référent psychiatrique, j’ignorais complètement ça et je
n’étais pas le seul à ignorer ça, il y avait aussi les organisations syndicales.
C’est ce terrain là qu’il faut connaître si on veut un jour répondre à l’angoisse d’un patient !
Le psychiatre peut répondre à l’angoisse d’un patient mais il ne peut pas intervenir sur ce qui
a créé sa souffrance, du fond de sa réalité sociale. Moi je crois qu’on est à la recherche de
métiers qui peuvent faire ce grand écart, mais aussi comprendre les ressorts de l’histoire de
ces patients, qui ont été licenciés quand les premiers ateliers ont fait faillite, on s’est rendu
compte que beaucoup relevaient de l’allocation adulte handicapé.
On ne connaissait pas ce terrain et c’était un manque important. Je ne pense pas que les
psychiatres puissent faire cette démarche mais les psycho-sociologues que je côtoie tous les
jours ont tout à fait leur place dans les équipes mobiles.
Ça me donne envie de lire ce qu’ils écrivent, ce n’est finalement pas si compliqué que ça.
Quand on m’a dit que j’allais être membre d’un jury de thèse, je me suis dit que ça allait être
épouvantable, j’ai paniqué, puis je me suis intéressé à leur métier.
C’est très riche, je ne me suis finalement pas senti étranger et il y a beaucoup de notions qui
viennent du domaine de la psychologie de la métapsychologie.
Je ne sais pas si j’ai répondu à votre question.
Il y a aussi des gens qui peuvent se mettre à faire de la psychologie comme Mr Jourdain a fait
de la prose et je pense que les psychologues du RMI c’est ce qu’elles font.
La salle :
Je suis directrice d’un établissement qui gère, entre autres, un foyer de jeunes travailleurs.
Dans un foyer de jeunes travailleurs on accueille des jeunes travailleurs ou à la limite de
l’être. J’avais deux questions pratico-pratiques : intellectuellement j’ai à peu près suivi ce
que vous avez dit l’un et l’autre.
La 1ère question : je suis étonnée de ne pas voir dans la salle de médecins généralistes, ils
brillent par leur absence, pourtant ils sont quand même un maillon indispensable entre les
travailleurs sociaux que nous sommes et les praticiens de la maladie mentale ou des
souffrances psychologiques que vous êtes.
La 2ème question, vu de ma fenêtre comme vous disiez tout à l’heure, que se passe-t-il ?
Nous sommes confrontés à des situations concrètes, de souffrance, où les gens sont chez
nous, logent chez nous. Il y a nous, mais il y a aussi des CHRS, des maisons-relais, des foyers
pour adultes handicapés ; on est plusieurs à être dans le champ du logement mais quand on
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Actes de la journée « Santé mentale »
est sur des territoires comme le nôtre où la structuration en matière de prise en charge
mentale est à perfectionner, à construire, quelle réponse peut-on apporter ? Quelle
orientation peut-on donner ?
Comment peut-on gérer des situations de crises, des situations d’urgence quand on n’a pas
la capacité d’intervenir ? On comprend bien comment vous faîtes, on aimerait bien faire la
même chose mais on est loin de pouvoir le faire…
Ma question est : quelles sont, selon vous, les priorités de champs d’actions qu’il faudrait
mettre en œuvre pour construire un début de réponse ?
Réponse de Jean Jacques TABARY :
Très courageusement je ne vais répondre que sur la question des généralistes.
J’ai oublié de les citer ce sont des partenaires du quotidien, vous pouvez vous douter que
lorsqu’on a 40 ans de psychiatrie derrière soi, on n’est plus bien capable de soigner une
angine et ça fait partie du travail de réseau d’inclure le soin somatique, précisément le
généraliste. Sinon, comme souvent, le recours du patient qui ne sait pas à qui s’adresser,
c’est d’aller aux urgences de l’hôpital.
C’est un oubli de ma part, c’est tellement commun, quotidien, de téléphoner aux collègues,
que ça m’était sorti de l’esprit.
Je vais plaider en leur faveur en ce qui concerne leur absence.
Un généraliste qui participe à une journée comme celle-ci, c’est une dizaine de consultations
qui disparaissent et qui ne lui sont pas payés. Je vous assure que ce n’est pas rien, d’autant
plus qu’ils n’ont pas de système de compensation. Moi je vois suffisamment des collègues de
ma génération évoluer dans ce sens là, c’est-à-dire de « perdre une matinée » cela se fait
plutôt vers 60 ans.
Actuellement on est en train de mettre en place des références communes, un langage
commun. On est en train de mettre en place une réflexion sur le secret professionnel en
matière de partenariat : qu’est-ce qu’on peut se dire, ne pas se dire.
Nous travaillons entre médecins : médecin des services municipaux, trois médecins
généralistes et spécialistes qui sont à la retraite, et moi qui les aurait rejoints.
Réponse de Marc Vignal :
Je suis tout à fait d’accord avec ce qui vient d’être dit, les médecins généralistes ont reçu un
courrier d’invitation. Il y a deux médecins, je crois, qui se sont inscrits mais tout à été dit sur
la disponibilité des médecins, on en a beaucoup parlé par rapport au diagnostic.
Aujourd’hui les médecins vont devoir choisir entre leur rôle de médecin et la participation à
un dispositif qui demande beaucoup de temps et d’énergie. C’est la problématique, j’allais
dire qu’elle n’est pas spécifique à Autun, mais à beaucoup d’Ateliers Santé Villes qui
ressentent la nécessité de travailler avec la médecine libérale. Mais la médecine libérale n’a
pas forcément de disponibilité.
Je vais rajouter quelque chose en tant que psychosociologue, c’est qu’il y a aussi une culture
de travail collectif que tous les médecins libéraux n’ont pas forcément. L’Atelier Santé Ville
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Actes de la journée « Santé mentale »
étant une démarche qui s’inscrit dans un travail collectif, c’est un autre positionnement que
le positionnement de face à face auquel le médecin généraliste est plus habitué, plus
familier.
Réponse de Christis Demetriades :
L’absence des médecins ici, leur absence dans des travaux de groupe ne veut pas dire qu’ils
ne peuvent pas faire partie d’un réseau, puisqu’un réseau c’est un lieu où l’on se rencontre,
à partir de ce qu’on est ou ce qu’on a.
Moi je travaille beaucoup avec les médecins généralistes sur le territoire où je suis, je leur
téléphone, je les ai rencontrés une fois ils sont très ouverts au fait de travailler avec nous.
C’est peut-être à nous d’accepter quelle est leur identité, leur réalité.
Je voulais revenir sur le fait qu’on est, nous, confronté de manière très pragmatique aux
difficultés du quotidien. On est tous, vous et nous, confrontés à des difficultés auxquelles on
se demande ce qu’il faut faire.
J’ai déjà essayé de vous dire, dans mon exposé, que d’une certaine manière, le rôle des
acteurs du social en matière de santé mentale est essentiel. Déjà il faut vous autoriser à vous
le dire, je crois qu’il y a des gens qui le savent et qui se l’autorisent ; et d’autres pas. Parce
qu’on a passé des décennies à penser que la santé mentale était le travail de la psychiatrie et
des spécialistes, ce qu’on constate ce n’est pas ce qui vient d’être dit dans le dernier exposé,
lorsque des psys se déplacent sur des lieux sociaux, là où l’on s’imaginerait qu’il émergerait
énormément de demandes de la part de la population. En réalité ce qui se passe le plus
souvent, c’est un transfert des compétences, c’est de continuer à travailler, d’être à l’écoute
et je ne dis pas par là qu’ils feront tout à la place des psys, mais je dis simplement que déjà
s’autoriser à se dire qu’on est des acteurs de santé mentale sur notre territoire, peut parfois
souvent désamplifier toute une série de problèmes.
On a vu dans l’exposé du côté de la psychiatrie tout à l’heure, dans le dispositif
psychiatrique, à quel point certaines interrogations, certaines orientations en matière
d’action sociale sont amenées par les assistantes sociales qui étaient des professionnelles
décalées dans le secteur psychiatrique.
Les assistants sociaux, pendant des années, encore aujourd’hui à l’intérieur de la psychiatrie,
se vivent ou se vivaient comme des gens qui ont une pensée différente, qui ont du mal
souvent à partager avec les autres acteurs. Ca chemine… La question du social dans la
psychiatrie a peut-être été en partie prise en compte, mais très mal. Mais ça évolue je pense,
cela dit du côté du social la place de psy était rare. Aujourd’hui Mr Tabary nous parle de
psychologues RMI qui travaille sur le RMI…
Moi je suis psychologue en mission locale avant d’être Maître de Conférences associé à la
Fac, je pense que ma pratique est essentiellement du côté d’un professionnel décalé.
Pourquoi les professionnels ont-ils été amenés à être décalés ? C’est justement parce que le
trait d’union entre le sanitaire et le social ne se faisait pas ! Peut-être en partie du fait que la
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Actes de la journée « Santé mentale »
psychiatrie s’occupe des psychoses, que la psychose clive et que voir ce qui se passe au-delà
des murs a pu être extrêmement difficile pour la psychiatrie.
Cela dit, je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce que vous avez dit tout à l’heure, à savoir
que les psychotiques ne sont pas dans la précarité. Vous l’avez dit de cette manière là, je
suppose que c’est un peu plus complexe, puisqu’aujourd’hui on sait qu’au moins 1/3 ou 50 %
des gens qui sont SDF à Paris sont psychotiques. Ils ont des parcours d’hospitalisation
psychiatrique et des allers-retours, et l’on sait aussi qu’en prison, actuellement, une bonne
partie de cette population a, a eu ou aura un parcours en psychiatrie. Et ce qu’on constate
c’est que la psychiatrie a eu une fonction asilaire à travailler sur la précarité pendant des
années. Elle a travaillé avec ses murs et pas forcément en s’ouvrant à la communauté,
malgré tous les mouvements de secteurs des années 70, le cheminement que vous avez
présenté.
Effectivement il existe beaucoup de passerelles en psychiatrie. On sait que les foyers de
jeunes travailleurs, et diverses formes de foyers aujourd’hui, sont les premiers lieux de vie
de tous ceux qui ne peuvent plus rester en psychiatrie du fait de la fermeture de lits.
Concernant les situations de précarité nouvelles à travers ce que j’avais donné comme
repères tout à l’heure, à savoir que ce sont des gens fragiles sur le fil du rasoir qui, du fait
d’un contexte social qu’on sait ce qu’il est, craquent et qui sont accueillis dans vos foyers. Ils
l’ont toujours été d’ailleurs mais en même temps cette population là vient se rajouter
massivement aujourd’hui une population qui était hier en psychiatrie.
Il y a du bon et du mauvais parce que les hospitalisations très longues sur le modèle de ce
que l’on a connu pendant des années n’étaient peut-être pas la solution non plus. Cela dit
hospitaliser très peu comme cela se fait aujourd’hui parce qu’il faut libérer des lits, n’est pas
le mieux non plus.
Et donc effectivement du côté du social, on le sait, vous êtes confrontés aussi à des
situations de psychoses, de personnes qui sont accueillies dans ces lieux-là. Peut-être que
c’est bien et peut-être que cela nous oblige à penser que la psychose ne se soigne pas que
du côté de la psychiatrie, peut-être que ça nous oblige à nous rappeler que le logement est
important.
Le logement est important chez des gens qui sont dans des situations de maladies mentales
qu’on découvrira dans quelques années. Les éducateurs dans leurs pratiques ont pu
apporter des étayages qui sont différents de ce que la psychiatrie a pu apporter. La précarité
aura eu au moins un mérite, c’est qu’elle a obligé le sanitaire et le social à travailler
ensemble, du coup les malades psychiatriques pourront profiter d’une autre forme
d’approche du côté du champ social.
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Actes de la journée « Santé mentale »
LEXIQUE
ADESSA : association d’éducation pour la santé de l’AIN
AS : assistante sociale
ASV : atelier santé ville
ATMP : association tutélaire des majeurs protégés
CADA : centre d’accueil pour demandeurs d’asile
CAP : centre d’accueil permanent (unité d’urgence psychiatrique)
CPA : centre psychothérapique de l’Ain
CATTP : centre d’accueil thérapeutique à temps partiel
CHRS : centre d’hébergement et de réinsertion sociale
CG : conseil général
CHS : centre hospitalier spécialisé
CLSM : conseil local de santé mentale
CME : commission médicale d’établissement
CMP : centre médico-psychologique
CSMP : carrefour santé mentale précarité
DDASS : direction départemental de l’action sanitaire et sociale
EMS (MP) : équipe mobile santé (mentale- précarité)
EPP : évaluation des pratiques professionnelles
ETP : équivalent temps plein
FA : file active
FSE : fond social européen
GEM : groupement d’entraide mutuelle
IFSI : institut de formation en soins infirmiers
IREIS : institut régional et européen des métiers de l’intervention sociale
ORSPERE : observatoire régional de la santé et de la prévention en rapport avec l’exclusion
PE2 : projet d’établissement n°2
PASS : permanence d’accès aux soins de santé
PRAPS : programme régional d’accès et de prévention aux soins
Réseau SM- CHRS : réseau santé mentale CHRS
SAMDARRA : réseau Rhône – Alpes d’échange de pratique et d’information sur la santé des
demandeurs d’asile
SAO : service d’orientation et d’accueil (des CHRS)
SAVS : service d’accompagnement à la vie active
SSD : service de suivi à domicile
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Actes de la journée « Santé mentale »
Conclusion de la matinée
Allocution de Mr Rebeyrotte, maire d’Autun :
Mesdames et Messieurs, je vais être très bref, d’abord je tenais à vous saluer, à m’excuser.
J’étais en cours ce matin, donc je ne pouvais pas être parmi vous mais je voulais vous saluer,
saluer les intervenants.
Gilbert Darroux me disait que la matinée avait été très fructueuse et d’une grande qualité et
me disait aussi que le fait qu’il y avait tant de présents, c’est qu’il y avait un besoin bien
entendu qu’à tout malheur il y a sans doute des intérêts dans la réflexion et que le lien entre
le sanitaire et le social ait pu évoluer dans le bon sens malgré la rareté des moyens.
Toujours est-il que nous sommes confrontés, il faut bien le dire, à ce problème de la non
prise en compte, des difficultés mais aussi des situations d’un certain nombre de personnes
et sans doute d’une certaine manière à la nécessité de prendre en compte une souffrance
aujourd’hui devant laquelle on se sent quelquefois un peu démunis.
J’ai bien compris vos arguments ils sont forts.
J’entendais aussi Sylvie Gauthier qui se demandait ce que pouvait faire un territoire comme
le nôtre. Je serais tenté de dire qu’il y a déjà des choix nationaux. Je comprends qu’on oblige
peut-être à l’avenir les infirmières à s’installer en fonction d’une logique de territoire et de
besoins sur le territoire. Je me dis que peut-être du côté des médecins, peut-être du côté
des psychiatres, enfin qu’il y aurait peut-être aussi à franchir le pas dans le même sens.
Quand je dis ça c’est peut-être une provocation, bien entendu ce que je constate, c’est
qu’en matière de psychiatrie il y a des secteurs du territoire qui sont mieux couverts que
d’autres.
Notamment aujourd’hui je vois la situation de l’hôpital de Sevrey, le plus difficile n’est peut
être pas d’accueillir le malade dans ses murs, mais surtout la capacité de faire le suivi et
d’aller se projeter sur l’ensemble de son territoire pour accompagner en quelque sorte la
démarche, y compris les personnes qui travaillent dans le secteur social. Et ça je sais que
pour Sevrey aujourd’hui c’est un gros souci, un énorme souci, pas seulement ici mais d’une
manière générale, d’avoir les moyens de ce suivi au plus près des personnes, mais aussi de
moins renvoyer vers l’établissement des situations qui pourraient être prises en compte
d’une manière différente.
J’apporte peut-être des débats qui seront cet après-midi au cœur des propos, mais on sent
tout de même qu’en termes de moyens on a aujourd’hui des difficultés à assumer, même si
vous le dites il faut peut-être réfléchir en changeant le cadre et pas seulement en faisant
avec moins de moyens.
Ca sera peut-être dans les débats de cet après-midi mais ça explique aussi que nous soyons
nombreux, parce que nous sommes en attente les uns les autres d’une réponse sur ce
territoire.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Nous avons eu un psychiatre libéral pendant des années qui a fait face à une clientèle
énorme, quasiment d’ailleurs sur la base du bénévolat. Il en a fait beaucoup, il est resté très
longtemps en activité parce qu’il sentait bien qu’il correspondait à un besoin. Il a arrêté son
activité, il est hélas on le regrette tous, décédé. C’est vrai que depuis nous ne pouvons pas
dire que nous ayons en libéral une offre qui corresponde. Il y a peut-être d’autres pistes
mais on se sent un peu orphelins en la matière. Je ne veux pas faire les pleureuses mais ça
peut expliquer que nous ayons ici autant de personnes qui s’interrogent sur comment on
peut modifier et aussi prendre en compte ce besoin avec beaucoup d’efficacité.
Je vous remercie d’être venus avec les intervenants de cet après-midi réfléchir avec nous à
cette question importante pour le territoire.
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Actes de la journée « Santé mentale »
RESTITUTION DES ATELIERS
Marc Vignal :
Les échanges ont été très riches, il y a eu de la matière qui a été apportée ce matin, qui a été
très structurée, je voulais juste le souligner.
Je voulais vous dire que j’avais proposé à Christis de « faire le papillon », d’aller se poser un
peu autour de toutes les tables et de nous faire un petit retour comme ça un peu spontané,
même s’il n’est pas forcément structuré. Il me semblait intéressant d’avoir un retour de ses
impressions des différentes tables rondes.
ATELIER 1 : Comment prendre en compte les conduites addictives ?
Animé par le Dr Prud’homme, psychiatre.
On est revenu sur le concept de l’addiction, avant on parlait de dépendance à l’alcool, la
drogue, aux ordinateurs maintenant on parle d’addictions. Ca concerne une personne qui a
un comportement qu’il ne peut s’empêcher de répéter, elle a conscience qu’elle fait mal
mais ne peut s’arrêter ; mais quand elle a conscience d’arrêter, elle se trouve mal. On est
parti sur les représentations que chacun se faisait d’un toxicomane ou d’un malade
alcoolique, sans oublier que ces représentations sont portées par notre vécu personnel et
notre entourage professionnel.
Il est surtout important de repérer nos représentations, les connaître et ne pas oublier que
les représentations dépendent de la société, qu’elles changent au fil du temps.
Dans notre groupe, il y a eu beaucoup d’échanges sur la toxicomanie, l’impression de se
heurter à quelque chose de très compliqué pour plusieurs professionnels ou bénévoles qui
étaient dans notre groupe. Et la question du déni des personnes addictes, qu’est-ce qu’on
fait face à ce déni ? La peur d’un dialogue qui ne serait pas constructif est une barrière
importante.
Après ces premières réflexions, on s’est quand même posé la question de savoir qui met ces
barrières : le sujet qui vient vers nous ?
Est-ce qu’il y a vraiment un déni si cette personne revient nous voir quand même ? Il y a
sûrement des non-dits. On a parlé aussi du climat de confiance qu’il faut instaurer.
La précarité n’est pas la seule cause d’addiction, il ne faut pas être réducteur, il ne faut pas
tout mettre dans le même sac surtout.
Et que même si il y avait une précarité psychique et sociale qui induit certaines conduites
addictives, il faut en parler, revenir sur ses propres sensations. Il y a ce côté insaisissable de
la personne, et du coup simplement signifier à la personne qu’elle nous fait penser à
quelqu’un qui a bu ou qu’elle sent l’alcool, ne pas la juger, juste oser parler, c’est déjà
essentiel.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Assumer aussi son impuissance c’est déjà un premier pas, d’où la question du réseau qui est
revenue dans notre groupe.
S’appuyer sur le réseau, identifier les partenaires de la prise en charge et de la prévention,
aujourd’hui cette journée se justifie aussi pour se connaitre et apprendre à ne pas travailler
seule comme on l’a dit ce matin.
Les personnes professionnelles ou bénévoles ont parlé de leur part de violence, face à ces
personnes qui arrivent avec leurs violences, nos propres représentations de la violence.
Quand une personne vient sous substances, quelles qu’elles soient, le travail n’est pas
possible, il faudrait donner un autre rendez-vous à la personne ou lui demander de revenir
plus tard, car on ne va pas beaucoup avancer avec une personne sous substances. Et si c’est
pour parler d’autre chose et ne jamais parler de cette addiction, ce n’est pas la solution non
plus.
Donc il est important de veiller aussi à notre manière de mettre des mots sur la personne qui
vient en face de nous, lui parler d’autre chose alors qu’il vient tous les jours avec son
problème de d’alcool, de drogue ou de n’importe quelle addiction, c’est aussi l’exclure si on
n’en parle jamais.
Il existe des tabous concernant les drogues, donc il est important de bien reprendre tous les
comportements, lever toutes les ambiguïtés de ces comportements et du coup ça peut aussi
permettre de rejoindre le problème de l’entourage qui est souvent aussi en grande
souffrance. Quelle place met-on pour cet entourage ?
Le problème de la société, qui est une société de consommation qui génère des conduites
addictives, notamment par rapport aux adolescents, on s’est évidemment posé la question
de ce qu’il faudrait faire. Evidemment on ne va pas interdire le portable, l’ordinateur et tout
ce qui s’ensuit, sinon le jeune va s’exclure et nous on va l’exclure du monde extérieur.
Il faut en parler et le prendre en considération, limiter les âges, mais ne pas éviter cette
occasion de communiquer sur cette dépendance. Ecouter aussi ce que cette conduite
addictive peut signifier pour le jeune.
Si un jeune vient, alcoolisé dans un des centres, une des associations que vous représentez,
ce n’est peut-être pas par hasard. Ecouter ce que ça signifie, ne sera sûrement pas un nondit en tout cas.
Et pour finir, on a ouvert sur toutes les formes d’addictions, il ne faut pas oublier qu’il n’y a
pas que l’alcool et la drogue, il y a Internet, les jeux d’argent, les achats compulsifs, les
addictions sexuelles, les addictions au travail, au sport, etc.
Quoi qu’il en soit, on n’arrive pas toujours à le percevoir, certains le disaient : quelles sont
les clés de cet enfermement de la personne envers cet objet d’addiction ? La désocialisation
est peut être ce qu’on remarque le plus.
Quoiqu’il en soit favoriser le partenariat entre nous et en parler et ne pas laisser un non-dit
s’installer est essentiel.
Je voulais juste rajouter à ce qu’a dit Marc Vignal tout à l’heure, on doit nécessairement
mettre à profit cette journée pour en penser d’autres pourquoi pas. Mais que l’annuaire soit
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Actes de la journée « Santé mentale »
un annuaire vivant, cela me semble indispensable. Ce doit être quelque chose de vivant,
mais dans les rencontres physiques, entre nous, on doit se déplacer, prendre du temps pour
travailler ensemble, échanger autour de nos pratiques. Du coup quand on adressera un tel
ou un tel, un usager, un patient, on saura véritablement vers qui on l’adresse, du coup la
confiance qu’on aura pu générer entre nous, c’est l’usager qui en aura le profit maximum.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Atelier 2 : « Comment répondre à l’urgence en matière de santé
mentale ? »
Animé par Marc Vignal, psychosociologue.
Différentes dimensions ont été abordées, je vais essayer de les reprendre en restant limité
dans le temps.
1ère dimension : c’est que bien évidemment la notion d’urgence est une notion qui est
extrêmement subjective. Une notion qui va renvoyer à une notion de perception qui renvoie
aussi à une évaluation, à un ressenti, à un sentiment, qui dit que, finalement, c’est assez
difficile d’objectiver l’urgence ; c’est-à-dire de la rationnaliser, de la faire entrer dans des
grilles. Même si c’est quelque chose qui est apparu dans le groupe, chaque culture
professionnelle possède ses propres cadres de références, de lectures et d’analyses, possède
aussi ses propres outils, ses propres manières de réagir.
C’est un point assez important cette notion d’urgence qui renvoie à des pratiques
professionnelles, plus ou moins préparées. On a des pratiques professionnelles qui sont
confrontées à l’urgence et qui, du coup, vont avoir des modes de gestion qui sont beaucoup
plus élaborées. On va avoir des personnes qui sont plutôt dans des activités de bénévolat,
qui ne sont pas forcément très bien préparées à réagir à des situations urgentes ou perçues
comme urgentes, ou qui se présentent comme urgentes et qui du coup risquent, très
rapidement, d’être démunies face à la situation pour laquelle elles sont finalement assez peu
préparées.
La 2ème dimension, c’est là où on a parlé de ce côté subjectif, du ressenti, de la perception,
qui s’articule avec des cadres de référence, avec des cultures professionnelles, qui vont avoir
une manière propre de décrypter la situation. Cette manière qui ne sera pas la même si on
est dans le champ de la psychiatrie ou celui du social ou du caritatif. Les grilles de lecture ne
sont pas les mêmes, les seuils de tolérance ne sont pas forcément les mêmes non plus.
La dernière dimension qui est ressortie des échanges, c’est le fait que gérer une situation
d’urgence ça renvoie à soi-même c'est-à-dire que ça renvoie à sa capacité à comprendre ce
qui se passe, à comprendre aussi ses propres réactions, à savoir aussi accepter ses propres
réactions. La difficulté, c’est que l’urgence nous renvoie aussi à notre propre seuil de
tolérance, ça renvoie à nos limites, à l’individu, à son rôle face à l’urgence. Est-ce que je dois
répondre ou non à la situation ? Comment je dois y répondre ? Cela renvoie pour certains à
une sorte de vide, de vide dans le sens où on n’a pas forcément une situation qu’on a
préparé, habituelle, des techniques, des outils qu’on peut contrôler.
Encore une autre dimension, je vais empiler comme ça les dimensions, mais c’est la seule
façon que j’ai trouvée pour restituer la réflexion de l’atelier.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Il y a aussi, par rapport à cette notion de ressenti, la notion d’immédiateté dans l’urgence.
On est sur quelque chose qui est de nature affective, émotionnelle qui ne passe pas
nécessairement par la boîte noire, qui n’est pas en prise directe avec le cerveau, mais en
prise avec la dimension affective et émotionnelle. Quelque chose qu’on ne sait pas toujours
forcément bien gérer dans ce genre de situation, on n’a pas forcément le bon scénario, on
n’a pas forcément les bons réflexes.
Une autre chose a été abordée, c’est que des situations d’urgence peuvent aussi évoquer
des sentiments, qu’on ne peut pas toujours verbaliser, comme la peur, plus exprimés vers la
fin de la discussion de l’atelier.
Il y a une dimension « sentiment » plus que « raison » dans la notion d’urgence.
On a assisté aussi au fil de la discussion, du glissement de la notion d’urgence vers la notion
de violence, alors qu’elle n’était pas explicite au début
Pour revenir encore à cette dimension affective, émotionnelle, cette dimension de
sentiment, elle renvoie chacun à soi même, c’est-à-dire à ses propres capacités. Aussi la
relation que je veux mettre en place avec l’autre est en lien avec les sentiments ressentis,
c’est-à-dire comment est-ce que je réagis face à la situation d’urgence ? C’est le fait de faire
avec soi. On n’a pas le choix, il faut faire avec soi. Cela renvoie aussi à la connaissance de soi,
qui est un élément qui compte dans la relation qui va se mettre en place dans ce contexte
d’urgence.
Autre dimension, ce n’est pas chronologique, c’est aussi le syndrome de la patate chaude, de
la porte ouverte ou de la porte fermée. C’est la question : « Qu’est-ce-que je peux faire de
cette situation, sachant que je ne peux pas passer le relais ? ». C’est la question de qui est
compétent ? C’est la réalité de la patate chaude, quand on ne sait pas comment gérer une
situation, la tendance c’est de chercher un autre interlocuteur qu’on ne connaît par
forcément. On verra que dans les pistes qui se sont dégagées à la fin des échanges il y a
cette connaissance de l’autre et des réseaux.
Autre dimension, autre réflexion, existe-t-il des urgences en santé mentale ? Est-ce-que
l’urgence ce n’est pas le problème ? Le statut en lui-même de l’urgence est-ce le problème
ou la manifestation de quelque chose de plus profond, beaucoup moins superficiel ? C’est
l’idée que dans l’urgence, il y a quelque chose de visible et que derrière le visible, il y a des
choses présentes, qui sont peut-être à gérer dans un autre temps.
La solution n’est peut-être pas immédiate, la réponse à l’immédiateté de l’urgence.
Il y a l’idée de temporiser derrière l’urgence. Le symptôme, ce qui fait du bruit vient
probablement de quelque chose de profond, qui nécessiterait plus de temps.
C’est aussi la question : comment je réagis face à cette situation ? Une situation qui va avoir
toutes les manifestations de retentissement émotionnel et affectif, qui pour être pris en
compte va nécessiter du temps et un approfondissement. Quel est le rôle, l’attitude qui
renvoie aussi au sentiment de ne pas avoir été à la hauteur ? Comment réagir à la notion de
cadre, voire de technique, de méthode, qui nous permette de nous positionner, de savoir
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Actes de la journée « Santé mentale »
quel rôle on peut jouer ? Un cadre qui permettrait aussi de poser des limites. Il ne faut pas
que je réagisse comme ça, il vaut mieux que j’aille vers cette solution. Mais tout ça nécessite
bien évidemment un temps de réflexion qui permettrait d’identifier quel est le rôle que je
joue, soit en tant que professionnel, soit en tant que bénévole, par rapport à ces situations
qui ne sont pas très courantes.
Ça renvoie à une autre dimension qui s’est dégagée, c’est la notion d’exposition. On n’est
pas tous exposés au même degré d’urgence, il y a des premières lignes qui vont avoir des
réactions identiques à des réactions de patients, d’usagers ou d’habitants, qui sont des
réactions brutes.
Quand ça sort tout de suite, ce sont les premières lignes qui vont gérer ces situations.
Les urgences de l’hôpital ou le CMP vont avoir des situations qui sont déjà un peu plus
reposées.
Donc, on pourrait donc faire le constat que les mieux préparés ne sont pas ceux qui vont
recevoir l’urgence brute. Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire ? L’impression c’est
que c’est, peut-être, ceux qui sont les plus proches de ces situations d’expression d’une
urgence, qui sont peut-être finalement les moins formés pour la recevoir, et que ceux qui
ont le plus d’outils, ne sont finalement pas ceux qui vont les recevoir en premier.
Là c’est plus une interprétation que je fais, mais c’est ce qui semble se dégager des
échanges. Je crois que je vais terminer sur ces pistes de réflexion.
Après tous ces constats, il y a eu beaucoup d’échanges au sein de cet atelier, la question
c’est comment peut-on faire évoluer les pratiques ? Comment est-ce qu’on peut gérer ces
situations d’urgence ? Une chose est ressortie de façon spontanée et consensuelle, c’est la
connaissance du réseau, pas une connaissance, j’allais dire froide, mais une connaissance
dans le sens d’un annuaire vivant. Il ne s’agit pas juste de dire allez voir monsieur machin du
service truc.
Si moi je connais la personne à qui je vais envoyer l’usager, c’est pas pareil que si je dis allez
voir tel service.
C’est l’idée de mieux se connaître avoir un annuaire écrit, c’est important un annuaire. Avoir
un annuaire vivant passe par une connaissance, pas juste une identification de partenaires.
Une connaissance des partenaires va passer inévitablement par des temps informels ou des
temps de discussions de rencontres et d’échanges.
En revanche, ça peut, pour les professionnels ou les bénévoles les moins préparés, rompre
un isolement et avoir l’impression qu’on n’est pas seul face à une situation qu’on ne sait pas
gérer, mais je peux mobiliser ou en tout cas faire appel à un réseau, mais ce réseau il faut le
faire vivre.
C’était un petit peu l’objectif de la journée. C’est ce qui est ressorti au niveau des pistes de
réflexion. Il serait important de pouvoir renouveler ces moments d’échanges.
La connaissance, l’interconnaissance est nécessaire, mais l’interaction, c’est-à-dire une
connaissance humaine des autres partenaires, est plus importante qu’une connaissance
papier.
Un annuaire vivant serait un outil complètement évolutif.
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Actes de la journée « Santé mentale »
ATELIER 3 : Comment prendre en charge la santé mentale des
jeunes ?
Animé par André Reboux, psychothérapeute.
1/ Quelle définition de la santé mentale, et spécifiquement celle de l’adolescent ?
Définir la santé mentale de l’adolescent n’est pas chose aisée, d’autant plus que, dans
l’imaginaire social, cette période est souvent entourée de « tabou » (autour de la « crise
d’adolescence ») et qu’il n’existe pas de définition universelle de l’adolescence (dans
certaines cultures, des rites initiatiques font passer l’enfant directement dans l’âge adulte).
En filigrane de l’intervention de Christis Demetriades du matin même qui questionnait la
définition de l’OMS (incluant uniquement une notion de bien-être et non de souffrance), les
participants de ce groupe ont choisi, en premier lieu, de donner une définition de la
« souffrance chez l’adolescent » : à partir de quand peut-on parler de souffrance ?
Plusieurs s’accordent à penser que l’adolescent a en effet des « codes » et des lieux
privilégiés pour exprimer sa souffrance.
Ils se sont donc étayés de leur expérience de terrain pour transcrire ce qu’ils voient de la
souffrance des jeunes dans leur pratique:
Les jeunes ne parviennent pas à mettre des mots sur leurs difficultés (ex : ils disent
qu’ils ne se sentent pas déprimés), mais ils le vivent à travers leur corps
(changements de comportement visibles au quotidien), entraînant un retrait social.
Les jeunes le vivent mais ne le disent pas.
Les jeunes en situation de rupture familiale ont du mal à se saisir d’un
accompagnement individualisé proposé par un professionnel. Ils vont trouver refuge
vers un groupe social (souvent, groupe d’amis), pour lequel ils ont développé un
sentiment d’appartenance.
La violence est aussi le reflet d’un mal-être : violences envers la famille, la société
(passages à l’acte), et envers soi-même.
La consommation de toxiques, les conduites à risque, utilisés comme autant
d’anesthésiques qui inhiberaient leur désarroi et ne feraient qu’accroître leur retrait
de l’environnement.
Ainsi, de toutes les expériences relatées, on retrouve des notions communes d’expression de
la souffrance chez les adolescents : l’expression par le corps, le manque de mots et le retrait
social.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Une question est ensuite soulevée : Ces définitions de la souffrance ne répondent-elles pas à
nos propres représentations d’adultes ? Et n’existerait-il donc pas un décalage avec celles
des adolescents ? Pour ne pas rester victime de ses propres représentations, il est important
d’entendre la spécificité du discours de l’adolescent, d’aller au bout de cette écoute, la
notion de temps étant d’ailleurs primordiale et essentielle en regard des problématiques
retrouvées chez les jeunes.
Monsieur REBOUX conclue cette première partie en apportant une définition de la santé
mentale, qui serait « la capacité mentale à gérer ce qui survient dans nos vies », et le groupe
apporte un complément de définition qui inclurait la notion de mouvement, de dynamique.
2/ Quels sont les dispositifs existants sur notre territoire ?
Cette question faisait appel à ce que perçoivent les différents professionnels de leurs
dispositifs locaux. Ainsi, les premiers lieux évoqués sont ceux que l’on retrouve dans
l’environnement immédiat des adolescents : lieux de loisirs, cafés, école, groupe d’amis,
quartiers, associations, etc.
Il est important de pouvoir proposer des lieux adaptés pour les jeunes. Quels pourraient-ils
être ?
Des lieux où ils puissent développer leur créativité, où leurs potentialités ne soient
pas enfouies derrière des critères de « normalité ».
Où ils peuvent trouver des repères et une disponibilité, où ils se sentent en
confiance.
Des espaces où puissent être médiatisées leur pensée. En effet, parfois la prise en
charge des jeunes peut renvoyer à un certain pessimisme parce qu’ils paraissent
« insaisissables », parce qu’ils expriment certains passages à l’acte avec froideur et
indifférence, alors que justement ils les médiatisent, c’est une forme de
communication.
Un lieu qui leur donne la possibilité de devenir acteurs de leurs projets, de leurs
initiatives, car souvent les adolescents restent dans l’agir, le présent, l’instantané, la
passivité (ils ne se voient nulle part, et ne se projettent pas dans l’avenir), ce qui
accentue l’impression que Autun représente bien souvent une ville de passage pour
la jeunesse.
Un lieu qui rompt leur isolement : en effet on a tendance à associer
systématiquement « jeunes » et « groupes », alors que l’isolement (à ne pas
confondre avec la « capacité à être seul », qui est, elle, signe de bien-être psychique)
est symptomatique d’un mal-être (exemple des adolescents qui passent leur temps
devant l’ordinateur), mais concerne des jeunes qui justement, ne font pas parler
d’eux et fréquentent peu les structures locales.
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Actes de la journée « Santé mentale »
Enfin, il est intéressant de noter que les dispositifs de soin et de prise en charge des
adolescents ne sont pas ceux qui ont émergé d’emblée, et cette remarque fait questionner
les participants du groupe sur la circulation d’informations entre professionnels : quels
services, pour qui, pour quoi ?
3/ Quels souhaits, idées, projets autour de la prise en charge de la santé mentale des
adolescents ?
Des instances pourraient être mises en place pour aller à la rencontre des jeunes, mais ce qui
reste fondamentale, c’est que les jeunes puissent identifier les structures de leur territoire ;
en effet, souvent beaucoup d’intervenants gravitent autour d’un jeune, ce qui devient pour
lui un magma où il ne parvient pas à identifier le rôle et la place de chacun. A cette période
où ils sont en pleine réorganisation psychique, structurer et encadrer leur suivi est
primordial, comme celui de faire du lien, entre les jeunes, leur famille et les professionnels.
Cette question du lien touche à l’importance du partenariat et du réseau, et pour conclure,
Corinne L’HORSET incite tous les membres à participer au groupe « promotion de la santé »,
mis en place dans le cadre des ateliers santé ville, dispositif qui constitue en lui-même déjà
une ébauche de réponses aux préoccupations qui ont été évoquées lors de cet atelier.
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Actes de la journée « Santé mentale »
ATELIER 4 : Comment prendre en compte la santé mentale des
personnes âgées ?
Animé par Leila El Asri, psychologue.
L’atelier personne âgée a été impulsée à partir d’un diaporama qu’a monté ma collègue Leïla
El Asri, qui présentait la personne âgée dans un équilibre psychologique ou dans sur un
versant pathologique.
Le concept de vieillesse est abordée d’abord en termes de rupture, de séparation, perte,
entre un avant et un après (crise de la quarantaine, retraite, maladie…)
Mais qu’est-ce que la vieillesse ? voici quelques définitions :
Vieillir est un processus de vie dynamique individuel qui commence dès la naissance
et s’achève avec la mort.
La vieillesse est une période, elle n’a de sens que reliée à l’histoire individuelle.
Avant de stigmatiser la personne âgée, il faut prendre en considération le sujet animé
par un désir, un sujet dans sa globalité.
Plusieurs points ont été relevés au cours des échanges :
Les besoins de la vie quotidienne sont prioritaires par rapport à tout ce qui est
psychologique. Nécessité d’acquérir la confiance de la personne et/ou de l’aidant.
L’étiquette psy peut freiner car le terme véhicule une connotation négative, le psy
c’est pour les fous. Idée de travailler sur les représentations de ce que reflète la
dimension psychologique.
La maladie d’Alzheimer a une image péjorative. L’information pour les familles est
déjà un premier pas dans le chemin de l’acceptation de la maladie. Lutter contre les
stéréotypes. La problématique des troubles du comportement : Exemple, apparition
de troubles du comportement chez une femme dont le conjoint vient de décéder,
que faire ? Cela pose la question du rôle de l’aidant familial et la difficulté de penser
au relais. A partir de quel moment doit-on s’orienter vers le médecin traitant, le
réseau ?
Le travail de deuil induit par les pertes : rappeler que la souffrance fait partie du la vie
psychique, les ressources de la personne âgée sont mobilisées et nécessitent de faire
appel à x tiers pour tenter un décalage voire de mettre du sens sur le vécu.
La solitude de la personne âgée en campagne : Piste d’organiser des transports intervillages pour favoriser les rencontres et le lien social. Il y a aussi une désertification
des médecins à l’extérieur d’Autun.
Emergence de demande de solutions pratiques face à la personne âgée atteinte de
démence. Manque de formation dans l’approche de ces comportements. Evocation
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Actes de la journée « Santé mentale »
de ce que la souffrance de l’autre va susciter en soi. Réflexion d’équipe ? pour
dégager des pistes ? orientation vers le réseau gérontologique de l’Autunois gratuit.
Plaintes des actes de santé et sociaux sur la notion du temps à prendre, ou apprendre
à prendre du temps, dans un contexte effréné de travail.
La formation et l’histoire de vie sont les solutions retenues pour repérer les
problématiques rencontrées. Créer du lien avec les collègues, les partenaires.
Reconnaitre et accepter ses limites. Ce temps d’atelier met en évidence le besoin
majeur d’informations.
Mr Jean François Nicolas, médecin, représentant du Conseil Général clôture la journée et
remercie tous les participants.
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Actes de la journée « Santé mentale »