mortalite neonatale dans un hopital rural cas de l

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mortalite neonatale dans un hopital rural cas de l
MORTALITE NEONATALE DANS UN HOPITAL RURAL
CAS DE L’HOPITAL PROTESTANT DE DABOU
(COTE D’IVOIRE)
T. MUTOMBO*
RESUME
L’auteur rapporte l’étude de la mortalité néonatale
dans un centre hospitalier rural en Afrique occidentale.
Dans cette étude rétrospective, la mortalité néonatale est
de 26,5 % : mortalité néonatale précoce (0-6 jours) :
16 % et la mortalité néonatale tardive (7-28 jours) : 10,5
%. La prématurité et l’infection néonatale occupent la
première place dans la mortalité précoce tandis qu’au
delà de la première semaine de vie, c’est la déshydratation qui est la cause essentielle de mortalité, suivie du
tétanos et de l’omphalite.
Ces résultats plaident encore plus pour une politique
adéquate de prévention centrée sur le couple mèr e enfant :
- l’information des mères pour un meilleur suivi des
grossesses et une bonne couverture vaccinale,
- l’amélioration de l’infrastructure sanitaire,
- la scolarisation, et en particulier celle des fillettes et
l’éducation sanitaire.
Ces efforts ont été couronnés de succès dans certains
pays, et devraient, dans nos pays en voie de développement, arriver à alléger le taux de mortalité infantile.
Mot clés : mortalité néonatale / prématurité / infection
néonatale / population rurale / Afrique occidentale.
ABSTRACT
Neonatal mortality in a rural hospital.
The case of Hôpital Protestant de Dabou, Ivory Coast
The author reports the results of a study of neonatal
mortality in a rural hospital setting in west Africa. This
rétrospective study found a neonatal mortality of 26.5% :
early neonatal deaths (0-6 days) : 16% and the late
neonatal mortality rate (7-28 days) of 10.5 %.
Prematurity and neonatal infection are the predominant
causes of mortality in the first week of life, whereas after
the perinatal period, dehydratation is the most
significant cause, followed by tetanus and umbilical
infections. These results reinforce the importance of a
policy of preventive measures towards the health
problems of mothers and their children (eg. vaccination
p rogrammes, health education programmes etc...).
Whilest such measures have successfully be applied
elsewhere, the pressure must be maintained for their
continuing implementation in developing countries if
t h e re is to be any hope of significantly r e d u c i n g
neonatal mortality rate.
Keys words : neonatal mortality / prematurity / neanatal
infection / rural population / west Africa.
INTRODUCTION
La mortalité néonatale et infantile atteint des taux très élevés dans les pays en voie de développement. Dans la plupart de ces pays, la population rurale est majoritaire, allant
jusqu’à 88 % de la population totale, avec une couverture
sanitaire insuffisante. La mortalité infantile en milieu rural
reste toujours élevée. Cependant, depuis quelques années,
on observe une diminution du taux de mortalité infantile
dans le milieu rural (1, 2, 3). En Côte d’Ivoire, 60% des
12 millions d’habitants que compte ce pays vit en milieu
rural. Le taux de mortalité infantile (moins de 1 an) est
passé de 165 % en 1960 à 92 % en 1992 (2).
Si on trouve facilement des travaux publiés sur la mortalité
infantile (0-1 an et 0-5 ans), ce n’est toujours pas le cas pour
la mortalité néonatale en Afrique subsaharienne. Cette
situation est certainement due à la défaillance des données
démographiques de l’état civil (4,5) et aux nombreux accouchements et décès des nouveau-nés à domicile. Cette mortalité peut être étudiée en distinguant deux périodes (4) :
- la mortalité néonatale précoce (MNNP) : quand le décès
intervient entre J0 et J6 de vie postnatale.
- la mortalité néonatale tardive (MNNT) : l’enfant décède
entre J7 et J28.
* Service de Pédiatrie
Hôpital Protestant. BP 115. DABOU (COTE D’IVOIRE).
Médecine d'Afrique Noire : 1993, 40 (7)
T. MUTOMBO
472
Le présent travail, rétrospectif, s’est intéressé à étudier,
avec nos moyens d’un hôpital rural fort limités, la mortalité
néonatale dans le service de pédiatrie de l’Hôpital Protestant de Dabou.
PRESENTATION DE L’HOPITAL
L’Hôpital protestant de Dabou (HPD) est situé dans la ville
de Dabou (chef lieu de la Sous-Préfecture), sur la côte sudouest de la Côte d’Ivoire, à 45 Km de la ville d’Abidjan.
La Sous-Préfecture de Dabou compte 43 villages dont l’infrastructure sanitaire est desservie par :
- 8 dispensaires et maternités de village
- 3 infirmeries d’unités industrielles
- 1 service de santé scolaire et universitaire
- 2 hôpitaux dont l’HPD, l’autre assurant uniquement les
consultations et ayant une maternité.
L’HPD compte 109 lits dont 62 pour la pédiatrie avec une
occupation moyenne des lits de 120 % (80 % - 150 %). Le
service de néonatalogie a une capacité de 15 à 18 places.
MATERIEL ET METHODES
Du 1er septembre 1990 au 30 septembre 1991 sont recensés les nouveau-nés décédés dans le service de pédiatrie de
l’Hôpital Protestant de Dabou. Les données suivantes sont
recueillies : le sexe, le lieu d’accouchement, le lieu du
transfert (domicile ou formation sanitaire), l’âge gestationnel, l’âge à l’admission, l’âge au décès, l’âge maternel ainsi que sa gestité et sa parité et, le diagnostic clinique retenu
comme cause du décès de l’enfant.
Est prématuré l’enfant qui naît avant 37 semaines de gestation et dont le poids, la maturation somatique et neurologique correspondent au terme selon les critères de FARR et
de DUBOWITZ (6, 7, 8). Le dysmature ou l’hypotrophe,
ou encore le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est
l’enfant dont le poids de naissance est en dessous de la
limite normale pour la durée de la gestation, que l’enfant
soit à terme, prématuré ou postmature (8).
RESULTATS
Sur la période étudiée, 380 enfants nouveau-nés ont été
admis dans le service, et ont été enregistrés 101 décès, soit
une mortalité néonatale de 26,6 %
Médecine d'Afrique Noire : 1993, 40 (7)
Le sexe
Le sexe a pu être enregistré dans 94 cas : 53 garçons et
41 filles. Il n’a pu être signalé sur les dossiers dans 7 cas.
L’ âge au moment du décès et lieu d’accouchement.
61 nouveau-nés sont décédés dans leur première semaine
de vie (MNNP= 16,05 %). Le reste (10.52 %) constitue la
mortalité néonatale tardive (MNNT). (Tableau 1).
Tableau 1 - Distribution de la mortalité néonatale
en fonction du lieu d’accouchement
Age
Maternité
Domicile
Inconnu
Total
MNNP
39
14
8
61
MNNT
20
14
6
40
TOTAL
59
28
14
101
MNNP : mortalité néonatale précoce
MNNT : mortalité néonatale tardive
Quel que soit l’âge du décès (précoce ou tardif), on constate une prédominance des enfants nés et ou transférés d’une
maternité ou autres formations sanitaires (58 %). Les
enfants nés à domicile se répartissent en parts égales quant
à l’âge du décès et représentent pour la totalité, environ la
moitié des enfants nés dans une maternité ou structure
sanitaire.
L’âge gestationnel
Il a été établi dans 91 cas. 24 enfants ont un âge gestationnel (AG) inférieur à 37 semaines d’aménorrhée (SA). Sur
ces 24, 21 soit plus de 80 % ont moins de 32 SA. Les
dysmatures représentent 9 % et les nouveau-nés à terme
28 % (tableau n° 2).
Tableau 2 - Distribution de la mortalité
selon l'âge gestationnel
Age gestat.
MNNP
MNNT
Total
< et =32
33 - < 37
17
3
4
0
21
3
= et > 37
19
9
28
Dysmatures
Age inconnu
4
18
5
22
9
40
TOTAL
61
40
101
MORTALITE NEONATALE DANS UN HOPITAL RURAL
473
Distribution de la mortalité selon l’âge gestationnel
Les nouveau-nés à terme et les prématurés sont presqu’en
part égale quant à ce qui concerne la mortalité précoce.
Cependant, il y a 5 prématurés pour 1 qui meurent dans la
première semaine et ce rapport est de 2,1/1 pour les nouveau-nés à terme.
Le poids de naissance
Sur la période considérée, 86 prématurés furent admis dans
le service. 36 décès ont été recencés, soit une mortalité spécifique de 41,8 % et de 35,6 % pour l’ensemble des nouveau-nés décédés (Tableau 3).
Tableau 3 - Mortalité des prématurés
par tranche de poids
Poids
Vivants
Décès
Mort spec. Mort glob.
< et =1250
7
14
66,6 %
13,86 %
1251-1500
16
8
33 %
7,92 %
1501-2499
26
13
33 %
12,87 %
POIDS INC
8
1
11 %
0,99 %
TOTAL
57
36
38,71 %
35,64 %
Tableau 4
Vivants Décès Total
Mort spec. Mort glob.
Prémat.
52
34*
86
39,5 %
8,95 %
Dysmat.
17
7
24
29,1 %
1,84 %
A terme
105
28
133
21,05 %
7,37 %
Inconnu
105
32
137
23,35 %
8,42 %
Total
279
101
380
26,58 %
(*34 prématurés = 32 eutrophes + 2 hypotrophes)
21 prématurés pesaient moins de 1250 gr. Sur ces 21, 14
sont décédés, soit une mortalité de 66,6 % pour ce groupe.
Le plus petit prématuré pesait 600 gr et ne vécut que quelques heures. Un autre qui pesait 800 gr mourut à J8 de vie.
En considérant l’ensemble des critères (âge gestationnel et
poids, critères de Farr et Dubowitz), le tableau 5 donne les
résultats présentés.
Lieu de transfert (référence) et accessibilité du service
Ces deux paramètres peuvent être évalués par l’âge à
l’admission dans le service. Nous considérerons ce paramètre dans l’approche de la mortalité précoce (tableau 5).
Tableau 5 - Age à l’admission dans le service des
enfants décédés dans les 7 premiers jours de vie
Age
admission
Maternité
Domicile
Origine
inconnue
Total
< et = H3
8
-
-
8
H4 - H12
3
1
-
4
H13 - H24
21
6
5
32
J1 - J3
4
4
1
9
J4 - J7
3
3
2
8
TOTAL
39
14
8
61
La majorité des références provient des formations sanitaires (hôpitaux, maternités et dispensaires), ceci dans 39 cas
soit 64%. 30% de ces enfants sont arrivés dans le service,
toutes localités d’origine confondues, dans les 12 heures
suivant leur naissance. Concernant la mortalité tardive, il
n’y a point de relation particulière avec la distance parcourue, ces nouveau-nés provenant en grande majorité des
alentours de Dabou et pour des zones qui ne posent pas de
problème de disponibilité de transport.
Age de la mère. Parité. Antécédents obstétricaux et
collatéraux
Les dossiers révèlent un recueil incomplet de ces données à
l’anamnèse. On ne peut donc fidèlement les interpréter.
Néanmoins, on peut signaler que la plupart des mères ont
un âge compris entre 18 et 25 ans et que, parmi les signes
évocateurs d’une infection maternofœtale (travail prolongé,
poche des eaux rompues pendant plus de 12 heures, liquide
amniotique teinté, dysurie...), la fièvre maternelle au cours
de l’accouchement est le symptôme le plus fréquent.
Médecine d'Afrique Noire : 1993, 40 (7)
T. MUTOMBO
474
Les pathologies rencontrées (diagnostics)
1/ Dans la mortalité précoce
La prématurité occupe la première place avec 29 cas soit
47,5 % Elle est talonnée par l’infection néonatale avec
laquelle elle est intriquée dans plus de 70 % des cas. La
souffrance foetale aiguë occupe la troisième place avec
7 cas. Par ailleurs, on peut noter :
- méningite purulente : 4,
- infection pulmonaire : 4.
Entre autre diagnostics, à signaler une détresse respiratoire
sur dystrophie thoracique asphyxiante, un cas de maladie
hémorragique de nouveau-né avec hémorragie pulmonaire
et un cas d’ictère nucléaire sur céphalo-hématome.
2/ Dans la mortalité tardive
C’ est la déshydratation et les problèmes d’allaitement mixte (8/40), le tétanos (5/40) et l’omphalite (6/40).
COMMENTAIRES
L’étude rétrospective des dossiers montre un recueil des
données anamnestiques peu satisfaisant. En effet, un peu
plus de 50 % des dossiers seulement révèlent des données
anamnestique complètes. Pour un tiers des dossiers, l’anamnèse complète d’un nouveau-né a été inexistante. Ce qui
n’a peut-être pas permis au médecin de mieux cerner le
problème pour une conduite à tenir conséquente. Pour un
hôpital rural, l’anamnère reste l’élément essentiel qui permet de faire le point sur l’enfant nouveau-né adressé pour
soins appropriés (9). Même en l’absence des documents
écrits (carnet de maternité...), elle doit retracer l’histoire de
la grossesse jusqu’à l’accouchement, même si celui-ci se
passe à domicile. Les facteurs de risque infectieux doivent
être recherchés avec acharnement; l’infection provoque les
accouchements prématurés et a un effet additif dans le taux
de mortalité des prématurés. Le médecin, généraliste ou
spécialiste, soit s’atteler à améliorer et enrichir son interrogatoire. C’est ainsi qu’il aura les éléments lui permettant
d’approcher le plus possible le diagnostic de présomption,
à défaut d’un laboratoire performant.
L’accessibilité de l’hôpital n’est pas en soi un problème
majeur quand on regarde le pourcentage des enfants admis
dans leurs premières heures de vie. Ceci serait vrai peutêtre pour les naissances en maternité ou à domicile avec un
nouveau-né visiblement malade et pour lequel l’entourage
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manifeste un souci immédiat le conduisant à l’hôpital.
Ailleurs, c’est la capacité de la mère d’observer et de détecter une quelconque anomalie qui intervient dans ce délai de
référence, et si les possibilités financières le lui permettent.
La prématurité et l’infection maternofœtale ont la part belle
dans la mortalité néonatale. Or, ces deux pathologies sont
tributaires de la santé de la mère et du suivi de sa grossesse.
Dans les pays développés, les progrès réalisés dans la
médecine foetale et le suivi des grossesses ont permis une
nette amélioration de la mortinatalité et des mortalités
maternelles et néonatale (4, 10, 11).
Dans une enquête sur la mortalité en France dans le département d’ILLE et VILAINE, SENECAL et coll. (4, 10)
montraient que ces progrès ont permis de classer la prématurité et l’infection respectivement en 2e et 3e position
après les malformations congénitales. DUJARDIN (11)
constate également en Belgique la diminution de la mortalité néo-natale en rapport avec les progrès réalisés dans le
suivi des grossesses et de l’accouchement.
En Algérie, KERMANI (3), signale également l’effet bénéfique des programmes mis en place dans un secteur de la
région algéroise (accessibilité aux soins ...) : la mortalité
néonatale est passés de 33 % en 1976 à 16 % en 1984.
La prématurité comme facteur de risque élevant la mortalité est encore signalée par HANSEN-KOENIG et WALS (12)
au Luxembourg. Ces auteurs signalent aussi la basse mortalité néo-natale des dysmatures, comme dans nos résultats.
Dans l’étude sur la mortinatalité, SENECAL et col étaient
frappés par le nombre important des mort-nés hypotrophiques (retard de croissance in utero, RCIU). Ils concluaient qu’en fait, les pédiatres ne voyaient que les RCIU
rescapés de la mortinatalité. Dans notre étude, nous avons
un nombre très réduit des RCIU (9/101).
Pour les moins de 1250 gr, le taux de fatalité est de 66,6 %.
BRUAULT cité par BADDREDDINE (13) donne un taux
de 34 % pour cette tranche de poids et de 18 % entre 1250
et 1500 gr. BADDREDDINE dans sa thèse de médecine
donne un chiffre global de 37,15 % pour la mortalité des
prématurés.
Ce résultat n’est pas très diffèrent du nôtre (35,6 %).
Dans les statistiques annuelles de l’Hôpital protestant de
Dabou (14), on note une mortalité des prématurés variable
ces 3 dernières années : 32 % en 1987, 45,8 % en 1988 et
25,56 % en 1989. Le tableau 6 montre des valeurs de mortalité néonatale publiées dans la littérature.
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475
Tableau 6 - Valeurs de mortalité rapportées
dans la littérature
Auteurs
Mort globale
Mort spec.
PPN
Mort spec.
NNT
43,9 %
-
-
KERMANI 1984
16 %
-
-
KEITA 1985
34 %
-
-
KASSANKOGNO
1987
31,05 %
18,2 %
-
OULAI 1987
46,06 %
61,42 %
-
KEITA 1988
-
35,7 %
6,8 %
BADREDDINE
1989
-
37,17 %
15,33 %
18,84 %
-
-
N’ZITA 1982
AYIVI 1988
L’infection a été fortement suspectée dans plusieurs cas,
sans pouvoir toujours la démontrer : l’hôpital ne disposant
pas d’un personnel et du matériel qualifiés pour un laboratoire de bactériologie performant. Notre laboratoire se
contente d’un examen direct avec la description Gram et
Ziehl du prélèvement et une protéinorachie pour la
ponction lombaire. Les prélèvements périphériques (pharynx, gastri-que, oreilles, ombilic, anus, méconium...), les
hémocultures et antigènes solubles ne font pas partie de
notre pratique quotidienne.
La déshydratation est liée aux problèmes de déclenchement
de l’allaitement maternel avec des mères hypogalactiques
et carencées. Là-dessus se greffe l’impossibilité de recourir
de manière adéquate à un allaitement artificiel en attendant
le plein régime de la sécrétion lactée. Les mères recourent
alors au biberon suicidaire vu les conditions d’hygiène. D’
autres introduisent des farines ou des bouillies dès cet âge.
KASSANKOGNO (15) retrouve la diarrhée en tête de la
mortalité néonatale tardive au Bénin avec 100% de décès.
Se pose également le problème de manque d’infrastructures
hospitalières pouvant accueillir tous les prématurés et
hypotrophes uniquement pour l’élevage. Nous avons récupéré des hypotrophes pesant 1400 gr.
Le tétanos reste encore lié à l’insuffisance de l’information,
de la mobilisation et de la redynamisation. Son éradication
est peut-être un leurre et le rêve est possible si on dispose
des stocks de vaccin antitétanique, qui du reste, résiste bien
à la chaleur, mais surtout grâce à un contrôle policier de
l’état vaccinal de toutes les femmes en âge de procréer qui
passeraient par toute formation sanitaire.
Certes, il existe des difficultés logistiques, financières (pas
d’argent pour aller uniquement se vacciner alors qu’on n’est
pas malade) et l’accessibilité difficile pour certaines zones
rurales. Il existe également des idées préconçues contre le
vaccin antitétanique : il prolongerait la durée de la gestation...
Il faut noter aussi la mobilité des femmes gestantes qui
quittent le foyer pour rejoindre leur propre famille afin d’être
assistée. Ce qui perturbe le suivi de la grossesse et n’assure
point une bonne couverture vaccinale, la femme se sentant en
sécurité auprès de sa propre mère. Des campagnes de vaccination de grande envergure comme celle de 1978 en Côte
d’Ivoire ont un effet positif sur la baisse de la morbidité et de
la mortalité de cette maladie (16).
L’omphalite pose le problème des soins à la charge des
populations rurales. Les pratiques sont variées : de l’argile
à la bouse de vache appliquée sur le cordon ombilical (également source de tétanos), et des feuilles broyées au sel de
cuisine ou autre ingrédients (cube Maggi).
L’accessibilité aux consultations prénatales n’est pas toujours un handicap pour les mères. La première cause reste
l’ignorance dans l’indifférence. L’alphabétisation des mères
et des filles devrait être un accent particulier dans un programme de lutte pour la baisse de la mortalité infantile et
maternelle. A ce sujet, le médecin et le pédiatre devraient à
chaque consultations s’intéresser au niveau de scolarisation
de ses petits patients et plus particulièrement des fillettes
quand on sait la discrimination dont elles sont souvent
l’objet. Des travaux ont montré la relation qui existe entre
le niveau de scolarisation de la mère et le taux de mortalité
infantile : plus le niveau est élevé, plus le taux de mortalité
est bas (1,13). Un travail d’information et de sensibilisation
organisé au plus haut niveau (pouvoirs publics et organisations non gouvernementales) avec des moyens adéquats
devrait aboutir à la prise de conscience des populations
rurales de la réelle nécessité d’une surveillance de la gros-
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T. MUTOMBO
476
sesse dans une formation sanitaire. Cet effort ne sera pas
vain, à l’image de celui consenti par le service de protection maternelle et infantile de la région Ille-et-Vi l a i n e
auprès des agriculteurs (4). Il a été couronné par la baisse
de mortalité néonatale de 24 % à 9 % en l’espace de 5 ans
dans cette catégorie de la population. Pour ce travail, un
mouvement vers les populations rurales les plus éloignées
est une des meilleures solutions : une équipe médicale
complète, à l’image du service d’Antenne Mobile de
Dabou, qui se déplace pour des actes de médecine préventive. Bien sûr, ceci implique des moyens financiers et une
participation de la population intéressée.
La deuxième cause de la non accessibilité aux consultations prénatales constitue le dénuement causé par la conjoncture économique actuelle. Cette conjoncture est telle
que certaines familles vivent dans un désarroi quotidien
pour des besoins élémentaires de leur existence. A ceci
s’ajoute le maigre budget alloué aux soins et santé. Pour la
plupart des pays en voie de développement, il est entre 5 et
10 % du budget national annuel (2). Toutes ces difficultés
font que les consultations prénatales sont très mal suivies
et en conséquence, la mortinatalité, les mortalité maternelle
et néonatale restent élevées (6).
CONCLUSIONS
Ce travail se proposait d’étudier la mortalité néonatale dans
un hôpital rural en Afrique noire. Les résultats et remarques rejoignent ceux d’autres publications (1, 6, 8, 10, 11,
12). La prématurité et l’infection occupent la première
place. Avec la déshydratation, le tétanos et l’omphalite, ces
pathologies doivent constituer des cibles d’une politique
sanitaire ayant pour objectif principal l’amélioration du
suivi des grossesses et la prise en charge médicale correcte
du couple mère-enfant. Le médecin de l’hôpital rural, tout
comme ailleurs, doit s’efforcer d’élaborer des anamnèses
riches même s’il est souvent submergé par le travail : c’est
une des conditions qui lui permettront non seulement de
conserver ses connaissances jadis acquises, mais également
de mieux réussir son diagnostic de présomption en absence
d’un laboratoire performant. La baisse de mortalité néonatale ou de mortalité tout court, ne peut se concevoir avec
pertinence que dans un cadre d’un programme de développement intégré.
“La mortalité est le résultat d’un ensemble des facteurs
déterminants liés dans une très large mesure à des problèmes structurels. Il nous appartient donc d’étudier ces contraintes structurelles et de nous efforcer de les contourner
dans la pratique (BEGHIN 1985 (20)).”
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