leve les bras
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L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 M. Cozic M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 remerciements chaleureux à... Elisabeth Pacherie ! M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 la philosophie de l’action I 2 grandes questions de philosophie de l’action: (Q1) la nature et la structure de l’action - qu’est-ce qui distingue actions et non-actions - y a-t-il différentes sortes d’action ? - comment différencie-t-on les actions (individuation des actions) ? (Q2) l’explication de l’action - comment explique-t-on une action ? - y a-t-il différentes espèces d’explication de l’action ? M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 l’individuation des actions I Paul fait démarrer sa voiture en tournant la clé de contact. I est-ce que • (a1) Paul fait démarrer sa voiture • (a2) Paul tourne la clé de contact sont deux actions différentes ? I OUI: en exécutant (a1) et (a2), Paul exemplifie différentes propriétés I NON: il s’agit de deux descriptions de la même action M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 explications naïves de l’action I Pourquoi Paul s’est-il dirigé vers le réfrigirateur ? I Parce qu’il désirait boire du jus d’orange et qu’il croyait qu’il y avait du jus d’orange dans le réfrigirateur. I les explications ordinaires de l’action font donc intervenir des concepts d’états mentaux, notamment des attitudes propositionnelles dans l’explanans M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 l’action et les SHS I l’explication de l’action est au coeur des sciences humaines et sociales (SHS): • Pourquoi Jules César a-t-il franchi le Rubicon ? • Pourquoi Sarkozy accueille-t-il en grandes pompes Medvedev ? • Pourquoi les consommateurs consomment-ils généralement moins d’un produit quand son prix augmente ? • Pourquoi les conducteurs s’arrêtent-ils généralement à un feu rouge ? • Pourquoi salue-t-on ses voisins et pas des inconnus ? M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 actions et non-actions • Paul entre dans un restaurant • Richard trébuche sur le seuil • Richard tend les bras en avant pour amortir sa chute. • Richard grimace de douleur. • Richard lit le menu. • Richard lève le bras pour appeler le serveur. • Richard digère • Richard vérifie l’addition • Richard rentre chez lui • Richard est renversé par une voiture • Richard vieillit • Richard ne se joint pas à ses amis qui partent se promener M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 la question de Wittgenstein . L. Wittgenstein, Investigations philosophiques, 621 “N’oublions pas ceci: lorsque “je lève mon bras”, mon bras se lève. Et le problème surgit: que reste-t-il si je soustrais le fait que mon bras se lève du fait que je lève le bras ?” I question: à quelles conditions un ensemble de mouvements corporels peut être considéré comme une action ? M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 la question de Wittgenstein I supposons, pour le moment du moins, que ce que l’on peut observer des mouvements corporels ne suffit pas à les qualifier d’action. I cela signifie qu’il y a quelque d’autre que les mouvements corporels = X tel que “il y a” action quand les mouvements corporels sont dans la relation appropriée à X I 2 questions (dépendantes l’une de l’autre): (i) qu’est-ce que X ? (des états mentaux ? des coutumes sociales ?) (ii) quelle relation X et les mouvements corporels doivent-ils entretenir pour qu’il y ait action ? (une relation causale ?) M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 1. l’intentionalisme M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 1.1. le volitionnisme classique M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 . Locke “Une chose du moins qui est évidente, à mon avis, c’est que nous trouvons en nous-mêmes la puissance de commencer ou de ne pas commencer, de continuer ou de terminer plusieurs actions de notre esprit, et plusieurs mouvements de notre corps, et cela simplement par une pensée ou un choix de notre esprit, qui détermine et commande, pour ainsi dire, que telle ou telle action particulière soit faite ou ne soit pas faite. Cette puissance que notre esprit a de disposer ainsi de la présence ou de l’absence d’une idée particulière, ou de préférer un mouvement quelque partie du corps au repos de cette même partie, ou de faire le contraire, c’est que que nous appelons Volonté. Et l’usage actuel que nous faisons de cette puissance, en produisant ou en cessant de produire telle ou telle action, c’est ce qu’on nomme volition ou acte de volonté.” M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 la théorie classique de la volonté I réponse à la question de Wittgenstein: ce qui reste quand je soustrais le fait que mon bras se lève du fait que je lève le bras est une volition ou acte de volonté I cette conception est à la fois (i) mentaliste: ce qui reste si je soustrais le physique à une action, c’est le mental. Un acte de volonté est un acte mental. (ii) causaliste: les volitions sont les causes de nos mouvements corporels M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 1.2. critique du volitionnisme classique M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 Gilbert Ryle (1900-1976) M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 l’argument de la régression . Ryle, The Concept of Mind “Et les volitions elles-mêmes ? Sont-elles des actes volontaires ou involontaires de l’esprit ? Répondre affirmativement ou négativement à cette question mène, assurément, à des absurdités. Si je ne peux m’empêcher de vouloir appuyer sur la gâchette, il est absurde de décrire mon action comme “volontaire”. Mais si ma volition d’appuyer sur la gâchette est volontaire, au sens de la théorie, elle doit résulter d’une volition plus primitive et ainsi de suite à l’infini.” M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 l’argument de la régression (reconstr. Pacherie) (P1) (selon la théorie classique) toute action volontaire est causée par une volition (P2) (selon la théorie classique) une volition est un acte mental (P3) tout acte est volontaire ou involontaire (Ci) si la volition est involontaire, ce caractère se transmet à l’action qu’elle cause. Contradiction. (Cii) si la volition est volontaire, il faut qu’elle soit causée à son tour par une volition, etc. Régression à l’infini. M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 l’argument de la connexion logique . Melden (1961) “Quand nous nous intéressons aux explications de l’action humaine, les facteurs causaux et les lois causales au sens où, par exemple, ces termes sont employés dans les sciences biologiques, sont complètement non-pertinents pour comprendre ce que nous cherchons à comprendre. La raison est simple, elle tient dans les caractéristiques logiques radicalement différentes des deux types de discours que nous avons dans ces cas distincts - aux concepts différents qui sont applicables à ces genres différents d’enquête.” M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 . Melden (1961) “Comment décrire le soi-disant acte de volonté ? Sa description ne doit certainement pas inclure la conséquence supposée, c’est-à-dire le mouvement musculaire. Supposons qu’un acte de volonté A cause un mouvement musculaire B. En général, quand un événement A cause un événement B, on doit pouvoir donner une description de A qui ne fasse pas référence à ce que A possède la propriété causale de produire B. Autrement, l’énoncé “A cause B” se réduirait à “La chose qui cause B cause B”. Que peut-on proposer comme description de l’acte de volonté ? Lorsqu’un événement fait que je sursaute de peur, ou que j’accomplis un mouvement subit du bras ou de la tête, la question “Qu’est-ce qui a fait que vous...?” est intelligible et on peut y répondre. Mais il ne serait pas acceptable de répondre “Ce qui me l’a fait faire”. Ce n’est pas là une réponse, mais une impolitesse ou une tentative maladroite de faire de l’humour. Dès lors, que reste-t-il comme possibilité pour décrire l’acte de volonté ? M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 . Melden (1961) On peut être tenté d’avoir recours à des indéfinissables: le vouloir serait indéfinissable sui generis ; il s’agirait d’un effort mental, d’une activité impossible à décrire plus avant et différente des autres activités mentales comme s’étonner, penser, supposer, s’attendre à, imaginer, etc. Ce recours à des indéfinissables est une solution de désespoir...Si tout ce que l’on peut dire des soi-disant actes de volonté, auxquels seraient dus des mouvements musculaires, est qu’il s’agit du genre de choses qui produisent des mouvements musculaires, il est plus que probable que personne n’ait jamais compris l’expression “acte de volonté”. ... M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 . Melden (1961) L’événement intérieur qu’on appelle “acte de volonté", peu importe qu’il soit mental ou physique, doit être logiquement distinct de l’effet supposé (comme Hume l’a établir dans son analyse de la causalité) ; or, aucun événement interne ne peut être un acte de volonté sans être logiquement lié à ce qui est voulu, l’acte de volonté n’étant intelligible que comme l’acte de vouloir la chose voulue. Bref, il ne peut y avoir d’acte de volonté puisque...rien de la sorte ne saurait avoir les conséquences logiques requises M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 l’argument de la connexion logique . Melden (1961) “Les actes de volition sont censés être les causes directes de certains phénomènes corporels...tout comme ceux-ci sont des causes du fait que le bras de quelqu’un se lève...Mais on ne peut rendre compte de manière intelligible de ces supposées volitions sans faire référence aux phénomènes corporels pertinents. Et aucune cause interieure, mentale ou physiologique, ne peut avoir la propriété logique des actes de volition. Supposons que l’événement intérieur que nous appelons “l’acte de volition” soit mental ou physique..., il doit être logiquement distinct de l’effet. Mais rien ne peut être un acte de volition s’il n’est logiquement connecté à ce qui est voulu.” M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 l’argument de la connexion logique (V1) (P1) si A cause B, alors A peut être décrit sans référence à son pouvoir causal sur B (P2) les volitions (et autres supposées causes mentales) ne peuvent pas être décrites sans référence aux actions qu’elles sont censées causer (C) les volitions (et autres supposées causes mentales) ne sont pas les causes des actions M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 . Melden (1961) Dans les explications causales simples d’un événement par un autre, on ne s’interroge pas sur l’identité ou la nature de l’effet, mais sur les conditions dans lesquelles il s’est produit; on explique comment il s’est produit. Avant même de donner l’explication, on sait très bien quel événement on va expliquer. En d’autres mots, l’explication causale ne fournit pas une caractérisation supplémentaire de l’événement expliqué (sauf, bien sûr, dans le sens banal où elle le décrit comme un événement ayant une certaine cause) mais explique pourquoi un événement dont la nature est déjà connue s’est produit. Dans notre hypothèse, le motif de l’action de lever le bras correspond à l’événement causant cette action. Or, ce motif est aussi le motif de l’agent pour accomplir l’action. Le motif de l’action est donc la cause de l’action, ce qui est contradictoire. M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 . Melden (1961) En effet, si le motif est la cause de l’action, il ne peut pas en donner une caractérisation supplémentaire, alors qu’il doit le faire en tant que motif en indiquant ce que la personne faisait en réalité, à savoir que l’action du conducteur de lever le bras était en fait l’action d’informer autrui qu’il allait tourner. Ce faisant, le motif donne une description plus complète de l’action et une meilleure compréhension de ce que le conducteur faisait...Une cause humienne ne saurait jamais réaliser cela ; la cause de l’action de lever le bras expliquerait seulement comme cette action s’est produite (dans ce cas, la différence entre le fait que le bras s’élève et l’action de lever le bras s’efface). L’affirmation du conducteur qu’il a levé le bras afin d’avertir autrui entraîne logiquement qu’il donnait ou essayait de donner un signal. M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 . Melden (1961) Si le motif était un événement se produisant avant ou en même temps que l’action de lever le bras, il faudrait donc supposer une connexion logique nécessaire entre ces deux événements, le supposé motif et l’action, quelle que soit la façon de décrire cette dernière. Or, cela est impossible si la relation motif-action est de nature causale. C’est également impossible si le motif est un événement mental distinct de l’événement qu’est l’action de lever le bras. Par conséquent, l’explication d’une action par un motif n’est pas et ne saurait être une explication du même type que celles qui s’appliquent à des phénomènes naturels, qu’il s’agisse d’excitations musculaires, de mouvements des membres, de l’explosion de vapeurs d’essence ou du comportement des corps en chute libre. M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 . Melden (1961) La contradiction dont souffre la doctrine des actes de volonté naît d’une confusion entre deux sens forts différents du terme “explication”: l’explication causale et l’explication commune du comportement par des motifs. Dans la mesure où l’on avance des causes humiennes d’événements qui se produisent quand la personne agit, on n’explique pas l’action dans le sens commun et important. Inversement, les explications de dernier type n’évoquent pas des événements mentaux internes. M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 l’argument de la connexion logique (V2) (P1) dans une explication causale, la cause explique comment un certain événément s’est produit, mais elle n’intervient pas dans la description et dans l’identification de cet événément (P2) l’explication d’une action par un motif revient à donner une description plus complète de l’action • exemple: “le cycliste tend le bras à gauche parce qu’il veut signaler qu’il va tourner” ≈ redescription de l’action (C) l’explication de l’action par les motifs n’est pas causale M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 l’argument de l’absence de lois causales du comportement (P1) toute explication causale repose sur une loi causale générale (P2) l’explication de l’action ne repose pas sur des lois causales générales (C) l’explication de l’action n’est pas causale M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 1.3. l’intentionnalisme M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 les causes et les raisons I la conception intentionaliste de l’action: (T1) une action est intentionnelle s’il existe une raison pour laquelle l’agent l’a faite (T2) une raison d’une action ne peut en être la cause M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 prolongements intentionnalistes: Winch I Winch (1958/1990), The Idea of a Social Science est l’une des tentatives les plus célèbres pour donner un contenu “positif” à l’intentionnalisme, en lien direct avec la philosophie des SHS I expliquer par les raisons, c’est rendre intelligible un comportement I rendre intelligible un comportement, c’est le placer dans un contexte social qui lui donne sens, i.e. dans un ensemble d’institutions, de règles et de pratique I rendre intelligible un comportement ne consiste pas à en faire une instance d’une régularité M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 prolongements intentionnalistes: Winch . Winch “L’explication historique n’est pas l’application de généralisations et de théories à des instances particulières: c’est la recherche de relations internes. C’est plutôt comme appliquer sa connaissance d’un langage à la compréhension d’une conversation plutôt que comme appliquer sa connaissance des lois de la mécanique à la compréhension du fonctionnement d’une montre. Le comportement non-linguistique, par exemple, a un “idiome” de la même façon qu’en a un un langage. De la même façon qu’il peut être difficile de ressaissir l’idiome de la pensée grecque dans la traduction en anglais moderne d’un dialogue de Platon, de même il peut être trompeur de penser le comportement de membres d’une société reculée à partir des comportements auxquels nous sommes habitués dans notre propre société.” M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5 prolongements intentionnalistes: l’interprétativisme I analogie entre expliquer une action et interpréter un texte (ou un discours); dans les deux cas, - il s’agit de dégager un sens - le sens se dégage en considérant les règles de la communauté (de celui qui agit, de celui qui compose le texte ou prononce le discours) M. Cozic L’action, 1 Philosophie des SCHS séance 5