paradis fiscaux - CNCD
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paradis fiscaux - CNCD
Dossier Les SDUDGLV¿VFDX[ en neuf L’économie déboussoléeUDSSRUWVXUOHVSDUDGLV¿VFDX[SXEOLpSDU&&)'7HUUHVROLGDLUH Un dossier de Jean-François Pollet Localisation des filiales des 50 plus grands groupes européens dans les paradis fiscaux. Ce sont les amis des puissants, des criminels et des fraudeurs. Ils étouffent l’innovation, déstabilisent l’économie réelle et reproduisent les injustices. Ils sont partout et, il n’y a pas ORQJWHPSVOD%HOJLTXHHQIDLVDLWSDUWLH/¶2IIVKRUH/HDNVHWO¶DIIDLUH&DKX]DFRQWFRQ¿UPp OHXUVHIIHWVGpOpWqUHV9RLFLHQUpSRQVHjQHXITXHVWLRQVFHTXHVRQWOHVSDUDGLV¿VFDX[ « La liberté est une belle valeur… mais elle devient hideuse quand elle se décline en liberté de frauder et de placer son argent dans les paradis fiscaux, qui abritent de 20 000 à 30 000 milliards de dollars », expliquaient le Réseau pour la justice fiscale et le Financieel actie netwerk, lors d’une manifestation organisée dans un décor exotique, le 31 mai dernier, place du Trône à Bruxelles, à l’occasion du troisième Tax Justice Day. « Ce sont là des sommes d’argent colossales qui privent les Etats de moyens financiers pour faire face à leur endettement et les amènent à imposer l’austérité envers les bas et moyens revenus. » 30 [imagine 98] juillet & août 2013 RJF RJF Un dossier de Jean-François Pollet La Belgique est un paradis fiscal pour les plus fortunés, pour lesquels l’impôt s’élève à 0,58 % de leurs revenus, calcule le Réseau pour la justice fiscale. Pour les entreprises, l’impôt atteint 11,8 % en moyenne (mais elles sont très très loin d’être toutes sur le même pied). Pour les travailleurs enfin le chiffre atteint 55,4 %. Cette banderole montre donc symboliquement que les plus fortunés ont donc fini de payer leurs impôts tout début janvier, les entreprises à la mi-février et les travailleurs après la mi-juillet. Il revient aux citoyens de faire pression sur les élus pour rétablir une certaine justice fiscale ! TXHVWLRQV 1. Qu’est-ce qu’un paradis fiscal ? Il s’agit d’un pays ou d’un territoire qui attire capitaux et entreprises en pratiquant le secret bancaire, une fiscalité très faible et la rétention d’informations sur les sociétés qui se trouvent sous sa juridiction. Ces lieux offrent également un cadre politique et social stable, condition essentielle pour rassurer les déposants. C’est pourquoi la Somalie est le moins connu et le plus déserté des paradis fiscaux, alors que sa législation en a toutes les caractéristiques. 2. Que font les paradis fiscaux ? Ils attirent, avec le secret bancaire, l’argent de la corruption et d’activités illégales, comme le commerce des armes ou de la drogue, ainsi que les revenus d’activités légales non déclarées au fisc. Pour le dire simplement, ils servent de refuge à l’argent sale et/ou noir. Mais il y a autre chose. En refusant de divulguer des informations concernant les sociétés domiciliées sur leur territoire, les paradis fiscaux offrent également aux entreprises un cadre légal pour diminuer – voire effacer totalement – leur facture fiscale dans leur pays d’origine. Le principe est simple. Imaginons une société installée en Belgique, qui emploie des travailleurs belges et écoule ses produits sur le marché belge, ses bénéfices seront logiquement taxés en Belgique, à un taux progressif situé entre 25 et 36 %. Pour éluder le fisc, la société va alors créer des filiales bidons dans des paradis fiscaux, où elles se matérialiseront par une simple boîte aux lettres et un avocat qui répond de temps en temps au courrier. Aux îles Caïmans, paradis fiscal des Caraïbes, un immeuble parfaitement ordinaire abrite ainsi plus de 12 000 entreprises. Ces filiales vont ensuite facturer à prix prohibitifs des services fantaisistes à leur société mère : audits, recherche et développement, frais d’externalisation, réexpédition de marchandises. L’explosion de ces frais fictifs va peser sur les marges de la société mère, qui paiera alors moins d’impôts en Belgique, le bénéfice de ses activités étant récolté par des filiales domiciliées dans des territoires exotiques non soumis à l’impôt. Ces manœuvres recourent parfois à des ficelles tout à fait grossières. Ainsi le chercheur Simon Pak, professeur à la Pennsylvania State University, a relevé dans les statistiques douanières américaines que des firmes US avaient importé de Chine des gants de toilette à 3 297 euros du kilo et des seaux en plastique de Tchéquie à 778 euros pièce. On comprend que ces sociétés auront du mal à dégager des bénéfices aux Etats-Unis. Dans l’autre sens, une firme US a exporté vers la Belgique des sièges de voiture facturés à 1,66 dollar pièce. Une paille, surtout comparé à cette autre entreprise qui a vendu au Ghana des pneus de voitures à 2 688 euros pièce. Les paradis fiscaux permettent aux entre- prises de soustraire leurs bénéfices aux impôts, et cela dans une relative légalité. On comprend mieux pourquoi les deux tiers du commerce international sont réalisés à l’intérieur des transnationales. Celles-ci se sont entourées d’une kyrielle de sociétés qui s’achètent et se revendent le même produit, afin d’envoyer leurs bénéfices vers les destinations fiscalement les plus avantageuses. Selon l’ONG française CCFD-Terre solidaire, les 48 plus grandes entreprises européennes totalisent 4 700 filiales, soit près d’une centaine chacune. Au top des sociétés françaises les mieux pourvues figure le groupe BNP Paribas, qui compte 189 filiales, et dont l’Etat belge est le premier actionnaire, avec 10,7 % du capital. 3. Qu’est-ce que le saucissonnage ? C’est la création de filiales en cascade : une entreprise mère crée une filiale dans un paradis fiscal, qui crée à son tour une filiale dans un autre paradis fiscal, qui en crée une… et ainsi de suite. Les paradis fiscaux ne se définissent jamais comme tels, ils se présentent toujours comme des centres financiers responsables, qui collaborent avec les administrations fiscales et judiciaires des autres pays. Le secret des paradis fiscaux n’est donc pas garanti à 100 %. Si un juge obstiné, enquêtant sur une affaire d’Etat (comme ce fut le cas de la juge Eva Joly instruisant l’affaire Elf, qui secoua la France dans les années 90), ou une administration fiscale opiniâtre pistant un vaste système de fraude (comme le fisc américain qui contraignit en 2009 la banque suisse UBS à lui transmettre le nom de 52 000 comptes réputés anonymes) enjoignent à un paradis fiscal de lui fournir une information, celui-ci pourrait être contraint de céder aux pressions. Le secret des places offshore n’est pas complètement verrouillé. D’où l’intérêt du saucissonnage, qui multiplie les pare-feu. Lorsqu’un enquêteur finit, après des mois, parfois des années de procédure, par obtenir des informations sur une société, la composition de son conseil d’administration, son chiffre d’affaires, une partie de sa comptabilité, il s’aperçoit que la société est elle-même une filiale d’une autre société, installée dans un autre paradis fiscal. Et que toute la procédure est à recommencer au risque que l’enquête s’enlise ou que les sociétés incriminées ne disparaissent. Les paradis fiscaux représentent donc un réseau construit pour masquer au mieux l’identité des opérateurs et la nature de leurs activités. 4. Quelle est la part des paradis fiscaux dans la finance mondiale ? La moitié des transactions internationales passent par les paradis fiscaux, selon le FMI, au travers de 4 000 banques et 2 millions de sociétés écrans. Environ 26 000 milliards de dollars dormi- raient sur des comptes offshore, soit 60 % de la production annuelle mondiale de richesse, selon l’économiste James Henry. 5. Quels sont les préjudices engendrés par le système ? Les préjudices qu’engendrent les trafics rendus possibles par l’existence des paradis fiscaux sont énormes. Ils peuvent être regroupés en six catégories. La perte de rentrées fiscales : selon le Tax Justice Network, l’évasion fiscale coûterait chaque année 3 100 milliards de dollars, dont 47 milliards pour la seule Belgique. Le Parlement français évalue pour sa part les pertes fiscales de l’Hexagone via les paradis fiscaux entre 15 et 20 milliards d’euros. Il est cependant peu probable que la Belgique enregistre une perte fiscale deux fois supérieure à celle de la France. La différence des chiffres montre la difficulté à estimer l’ampleur de la fraude planétaire. Un chiffre semble cependant faire l’unanimité, cité par le chercheur britannique Richard Murphy et la Commission européenne : 1 000 milliards d’euros, c’est la perte fiscale pour les 27 pays de l’Union européenne, soit le double de leur déficit cumulé et un onzième de leur dette publique (11 012 milliards d’euros en 2012). CCFD-Terre solidaire estime que les pays en développement perdent chaque année 6 à 8 fois le montant de l’aide publique mondiale, soit 600 à 800 milliards d’euros. L’aide aux activités criminelles : le secret bancaire et le blanchiment de l’argent représenteraient 3,6 % du PIB mondial, selon le Bureau des Nations unies pour la drogue et la criminalité. La concurrence déloyale vis-à-vis des sociétés innovantes et l’étouffement de leurs activités. L’évasion fiscale est réservée aux grosses sociétés qui ont su s’entourer de sociétés écrans. Ces majors peuvent ainsi augmenter leurs marges ou, au besoin, baisser artificiellement le prix de leurs produits quand ceux-ci sont menacés par des nouveautés lancées par des PME innovantes. Une baisse de productivité des activités utiles. Monter des réseaux de sociétés écrans, imaginer des circuits financiers opaques performants et optimiser ses stratégies fiscales : tout cela mobilise des cerveaux, et parfois même les meilleurs. Avec des salaires de 30 à 50 % supérieurs aux autres secteurs, la finance attire un important personnel qualifié qui n’est plus disponible pour développer des activités utiles et rentables. Une fragilisation du système financier mondial. Si peu d’analystes ont vu venir la crise du système financier de 2008, c’est parce que les institutions financières > [imagine 98] juillet & août 2013 31 Dossier Les îles Vierges britanniques comptent 34 entreprises par habitant, qui ne sont soumises à aucun impôt. C’est un record mondial, loin devant la seconde et la troisième place détenues par le Liechtenstein et les îles Caïmans qui en comptent environ deux. Par comparaison, les grandes économies européennes, réellement productives, comptent 2 à 6 entreprises pour 100 habitants. > camouflent une partie de leurs activités dans les paradis fiscaux. La hauteur vertigineuse de leur endettement et l’ampleur des créances douteuses qu’elles avaient accumulées ne figuraient donc pas dans leur bilan et n’est apparu que lorsque le système financier s’est effondré. Pour l’anecdote, le journaliste Nicholas Shaxson évoque dans son livre Les paradis fiscaux le cas de la Royal Bank of Scotland, cinquième banque de la planète, tombée en faillite en 2008 et redressée avec l’argent du contribuable britannique, qui avait accordé, en 2003, sans s’en rendre compte, une carte de crédit avec un plafond de 12 000 euros… à un chien de Manchester. 6. Où sont situés les paradis fiscaux ? Partout. L’apparition des premières législations complaisantes dans quelques microEtats exotiques a entraîné une concurrence fiscale planétaire qui a poussé la plupart des pays à adapter leur propre fiscalité dans l’espoir de conserver sur leur sol quelques traces comptables, et taxables, des activités économiques qui s’y déroulent. Selon Nicholas Shaxson, les premiers paradis fiscaux ont été créés par la place financière britannique, la City de Londres, qui tirait profit des particularités du Commonwealth, lequel entretient des liens parfois très étroits entre l’ex-métropole et ses anciennes colonies. Ainsi, la reine d’Angleterre est le chef d’Etat de la GrandeBretagne mais également de 16 Etats indépendants, dont le Canada, l’Australie et de petites îles comme les Salomon, Tuvalu ou les Bahamas. La Couronne britannique s’étend également sur quelques territoires comme Jersey et Guernesey ou sur les lointaines îles Caïmans qui, sans être des Etats, disposent d’une très large autonomie et 32 [imagine 98] juillet & août 2013 d’un système juridique propre. Les institutions financières londoniennes ont donc encouragé certains de ces Etats et territoires à se doter d’un système fiscal et législatif qui attire les entreprises. Rien de compliqué, il suffit d’adopter des lois qui garantissent le secret professionnel des banquiers et des avocats, protègent les investissements des confiscations de biens et de limiter la signature de traités d’échanges d’informations avec d’autres administrations. Ces nouvelles places financières sont d’autant plus attractives qu’elles bénéficient du haut patronage de la City de Londres. La finance britannique a ainsi créé des paradis fiscaux sur tous les océans et sur pratiquement tous les continents, ciblant l’ensemble des centres économiques du globe : Jersey, Guernesey et l’Irlande s’ouvrent sur l’Europe ; les îles des Caraïbes sur l’Amérique ; Hong-Kong sur la Chine ; l’île Maurice sur l’Inde ; Singapour sur l’Asie du Sud-Est ; Chypre sur la Russie ; le Ghana sur les pays africains producteurs de pétrole ; Dubaï sur les pays du Golfe et le Moyen-Orient. Les banques nord-américaines ont ensuite emboîté le pas à la City en créant à leur tour des paradis fiscaux dans les îles sous contrôle US : les îles Vierges américaines, les îles Marshall, le Panama. En même temps, certains Etats américains baissaient leur propre fiscalité et adoptaient le secret bancaire : le Delaware, la Floride, le Nevada et le Wyoming. Et enfin, un grand nombre de petits Etats européens ont adapté leur législation selon les vœux du monde financier. La liste est malheureusement longue : Andorre, Autriche, Belgique, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Monaco, Pays-Bas, Saint-Marin, Suisse et même Madère, une île portugaise. Au total, la planète compte entre 60 et 70 paradis fiscaux. 8. Que nous a appris l’Offshore Leaks ? Il a confirmé que les paradis fiscaux ne sont pas seulement le refuge des milliardaires et des transnationales mais également de nombreux notables, entrepreneurs et représentants de professions libérales prospères. C’est le « Rotary club aux îles Caïmans ». James Henry, ancien économiste du cabinet McKinsey, estime que la moitié de la fortune offshore est détenue par des ultra riches, et l’autre moitié par des ménages très aisés. L’Offshore Leaks a effectivement repéré de grands noms de la politique et des affaires mais également une foule de petits entrepreneurs à la prospérité insoupçonnée, dont une centaine de Belges issus des trois Régions mais surtout de Flandre, œuvrant essentiellement dans la finance, l’industrie pharmaceutique et le négoce du diamant. Mais l’Offshore Leaks nous a surtout appris que, malgré leurs efforts pour dissimuler leurs avoirs et leurs activités, les clients des paradis fiscaux ne sont pas à l’abri d’une fuite émanant d’un employé maladroit ou 7. La Belgique est-elle un paradis fiscal ? La Belgique a été désignée comme un paradis fiscal par l’OCDE pour la pratique du secret bancaire et le refus d’échanger des informations avec des pays tiers. Cette situation est en voie d’être réglée : le secret bancaire a été partiellement levé en 2011 et la Belgique a signé une quarantaine d’accords d’échanges de renseignements qui entrent progressivement en vigueur. Par ailleurs, la Belgique continue à taxer faiblement les revenus du capital : pas d’impôt sur la fortune, faibles droits de succession, taxation à 25 % des revenus mobiliers, pas de taxation sur l’augmentation du capital (hausse de la valeur d’une maison ou d’une action), taxes foncières raisonnables. Ces largesses fiscales, ajoutées à la proximité géographique, culturelle et linguistique et à un marché de l’immobilier très abordable, poussent un nombre croissant d’exilés fiscaux français à venir s’installer chez nous. Combien ? Impossible de le savoir, quelques milliers sur les 200 000 Français expatriés en Belgique, essentiellement concentrés dans les quartiers chics de Bruxelles et le long de la frontière. Corollaire de la concentration d’entreprises écrans, où l’argent ne fait que transiter, les 21 000 habitants des îles Vierges britanniques sont les premiers investisseurs mondiaux, avec une moyenne frisant les 600 000 euros par personne. Notons que deux pays membres de l’Union européenne figurent dans ce top cinq des paradis fiscaux les plus actifs. déçu par son employeur. Presque chaque année des milliers de comptes sont dévoilés. 2008 : l’Allemagne reçoit une liste de 1 400 individus et entreprises qui ont caché des fonds au Liechtenstein. 2009 : une fuite de la banque suisse HSBC dévoile 127 000 comptes secrets. 2010 : l’Allemagne reçoit le nom de 1 500 détenteurs d’un compte en Suisse. 2013 : la presse reçoit 2,5 millions de fichiers concernant près de 120 000 sociétés, c’est l’Offshore Leaks. 9. Peut-on lutter contre les paradis fiscaux ? Oui. Lutter contre les paradis fiscaux revient à lever le secret bancaire et à faciliter le transfert d’information. La Commission européenne, qui règle les questions fiscales pour l’ensemble des Etats membres, a pris deux dispositions importantes en ce sens. La Directive épargne, adoptée en 2003, impose aux Etats membres d’informer le fisc des autres Etats des intérêts touchés par leurs ressortissants, ce qui signifie en pratique la levée du secret bancaire. La Belgique, qui avait dans un premier temps refusé de se conformer à la directive, s’y est ralliée en 2011, année où elle a, pour la première fois, informé les administrations fiscales concernées du versement d’intérêts sur les comptes détenus chez nous par 250 000 personnes résidant à l’étranger. La Directive épargne vise uniquement les produits bancaires (comptes de dépôts, comptes à terme), sans inclure les assurances-vie, qui sont très semblables à des bons de caisse. Les fraudeurs menacés par la levée du secret bancaire peuvent donc toujours se tourner vers les assurances. La Commission veut donc étendre la directive aux produits d’assurances mais elle se heurte aux réticences du Luxembourg et de l’Autriche qui refusent l’extension de la Directive épargne tant que la Suisse (pays non membre de l’Union) ne s’y est pas ralliée, ainsi que tous les petits paradis fiscaux européens : Andorre, SaintMarin, Liechtenstein, Monaco. Le « secret des assurances » pourrait donc encore durer. Toutefois, la Directive épargne devrait être étendue d’ici 2016, avec ou sans le Luxembourg et l’Autriche. Par ailleurs, le Luxembourg et l’Autriche refusent jusqu’ici d’appliquer la Directive épargne, même pour son volet bancaire. Mais ce point est en passe d’être réglé suite à un coup de pouce venu… d’outre-Atlantique. Les USA ont adopté la loi FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) qui entrera en vigueur en janvier prochain. Celle-ci contraindra les institutions financières du monde entier à informer le fisc de toute transaction financière avec un Américain. Comment l’Oncle Sam est-il parvenu à se faire entendre des paradis fiscaux ? En les menaçant de lourdes amendes et de leur interdire l’accès au marché américain. Comme quoi taper du poing sur la table peut donner des résultats. La mesure US a été acceptée par l’Autriche et le Luxembourg, ce qui contraint, par ricochet, ces pays à collaborer avec les autres Etats européens, qui bénéficient au travers de l’Union d’une clause automatique de nation la plus favorisée. A ce titre, le Luxembourg vient de s’engager à lever son secret bancaire pour 2015. Enfin, seconde mesure européenne, une directive relative à la collaboration administrative devrait, dans les trois ans à venir, aboutir à l’échange automatique entre pays européens d’informations sur les revenus du travail, les jetons de présence, les pensions et les revenus de biens immobiliers. Concernant les sociétés qui pratiquent « l’optimisation fiscale », la commission (QTXrWHVXUOHVUDYDJHVGHOD ¿QDQFHQpROLEpUDOH L’ DXWHXUHVWEULWDQQLTXHO¶pGLWHXUHVWEHOJHHWOHOLYUHHVWXQEUORW /HVSDUDGLV¿VFDX[GH1LFKRODV6KD[VRQHVWOHIUXLWG¶XQHYLH GHMRXUQDOLVWHSDVVpVRXVOHVWURSLTXHVSRXUO¶DJHQFH5HXWHUV GRXEOpG¶XQHYDVWHHQTXrWHPHQpHDYHFOH5pVHDXSRXUOD MXVWLFH¿VFDOH/HUpVXOWDWHVWXQSDYpDUFKLGRFXPHQWpSpGDJRJLTXHTXL VHOLWFRPPHXQWKULOOHUFKHUFKDQWjFRPSUHQGUHFRPPHQWXQFKDSHOHWGHSHWLWHVvOHVTXDVL GpVHUWLTXHVVRQWHQWUDLQGHOLTXLGHUOHV(WDWVSURYLGHQFHGX1RUGG¶HQGHWWHUOHVSD\VGX6XG GHUXLQHUOD¿QDQFHPRQGLDOHHWGHSUpVHQWHUOHSDVVLIGHOHXUVIUDVTXHVDX[FRQWULEXDEOHV RUGLQDLUHVGXPRQGHHQWLHU/HFRXSDEOH"/D&LW\GH/RQGUHVLOIDOODLWrWUHEULWDQQLTXHSRXU O¶pFULUH6HVFRPSOLFHV"7RXVOHVSD\VGpYHORSSpVOHPRQGHGHVDIIDLUHVHWOHVpOLWHVGHV SD\VGX6XG&RPPHQWFRPEDWWUHXQHQQHPLDXVVLSXLVVDQW"(QGpYRLODQWVHVDFWLYLWpVHQ GpPRQWDQWVHVFLUFXLWVHQDQDO\VDQWVHV¿FHOOHVMXULGLTXHVHQGpFRUWLTXDQWVRQV\VWqPHGH SHQVpHVHVPRGHVG¶RUJDQLVDWLRQ%UHIHQPHWWDQWDXMRXUOHVVHFUHWVTXLVRQWO¶HVVHQFHGHV SDUDGLV¿VFDX[&¶HVWFHTXHIDLWFHOLYUHSDVVpLQMXVWHPHQWLQDSHUoXORUVGHVDSXEOLFDWLRQ O¶DQQpHGHUQLqUHHWTXHO¶Offshore LeaksYLHQWGHUHPHWWUHDXJRWGXMRXU Q Nicholas Shaxson, Les paradis fiscaux, André Versaille éditeur, 446 p. Les paradis fiscaux exercent une réelle pression sur le niveau des impôts dans les pays réellement producteurs de richesse. En dix ans, le taux moyen d’imposition des sociétés est passé de 32 à 25 %. En dehors des îles Caïmans, privilégiées par les banques, les entreprises européennes préfèrent établir leurs filiales dans des paradis fiscaux membres de l’Union. Leur première destination est les Pays-Bas, qui accordent un statut privilégié aux holdings. Cependant, une bonne part des sociétés établies dans ce pays exercent probablement une activité économique réelle : les Pays-Bas représentent la 16e économie mondiale et accueillent le premier port européen. La Belgique occupe la 4e place dans ce classement. La législation comporte quelques niches fiscales intéressantes, comme les intérêts notionnels, et le pays dispose d’un port important occupant une position géographique centrale au sein de l’Europe. européenne propose de ne plus laisser les multinationales calculer leurs bénéfices dans chaque pays mais de faire le calcul au niveau de l’Union européenne, puis de répartir ces bénéfices entre pays en fonction des activités réelles que ces entreprises y déploient. Ce système permettrait d’éviter la répartition artificielle des bénéfices selon les fiscalités les plus favorables. Si ces mesures marquent de vraies avancées, elles restent limitées. Les directives européennes n’impliquent que les 27 membres de l’Union et ses partenaires. Même la loi Fatca, à vocation planétaire, se heurte au refus de certains paradis fiscaux, comme Hong Kong, qui choisissent d’affronter les mesures US de rétorsion pour conserver leur statut de paradis fiscal. Cependant, l’effondrement du système bancaire, la crise de la dette souveraine des Etats, les révélations de l’Offshore Leaks et l’affaire Cahuzac en France ont marqué l’opinion publique : celle-ci réalise à quel point les paradis fiscaux entretiennent un vaste système de fraude qui entrave le financement des Etats et des services publics, perturbe le fonctionnement de l’économie réelle et menace la cohésion des sociétés. Syndicats, société civile, mouvements citoyens demandent aujourd’hui avec une insistance croissante que le politique reprenne le contrôle de la finance. Q Graphiques : L’économie déboussolée, rapport sur les paradis fiscaux publié par CCFD-Terre solidaire [imagine 98] juillet & août 2013 33