Les yeux verts
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Les yeux verts
Les yeux verts S’il y a bien quelque chose donc je peux être fière, ce sont bien mes yeux verts, d’un vert émeraude incomparable. Et en cette fin de mois d’octobre 1668, en plein cœur de Paris, mes beaux yeux m’auraient été d’un secours imparable, car depuis peu, mes émeraudes avaient tourné à un gris marron peu commun. Béat devant mon miroir devant cette infamie, je me retrouvai un instant après précipité en plein 17ème siècle au lieu de la table de mon petit déjeuner. Je tournai sur moi-même, j’étais en pleine foire du Pont Neuf, au milieu des croquants et de quelques grands seigneurs. Complètement hallucinée, je cherchais des yeux un endroit connu, quand une scène familière se déroulait devant moi. Je m’approchai d’un spectacle de mimes, et je le reconnu, un personnage qui hantait mes soirées auprès du feu, compagnon de mon héroïne, Angélique marquise des Anges. Soudain, Calembredaine, que je ne quittais des yeux, passa devant moi, sa bande de truands sur ses talons. J’étais bien dans Paris au 17ème, sous le règne du Roi Soleil, et si je cherchais bien dans ma mémoire, la pauvre Angélique de Sancé était aujourd’hui Marquise du Plessis-Bellière, le plus bel ornement de la cour de Versailles. Comme si c’était une évidence, je sautai dans un carrosse, en criant au cocher de m’amener à Versailles. Le voyage dura une éternité. Dans le cahotement du carrosse, quelque chose de brillant attira mon attention. Je soulevai le siège devant moi, et une robe somptueuse de taffetas bleu apparut. Le corset, rebrodé de fils d’argent brillait de milles feux. La jupe soyeuse arborait de superbes arabesques argentées, assorties aux bracelets, au sautoir d’argent composé de minuscules diamants, ainsi qu’un délicat diadème. En dessous reposait un manteau de renard blanc, épais et d’une douceur incomparable. Me prenant au jeu, j’enfilai, non sans difficulté le tout, attachai mes cheveux qui retombèrent mollement sur mes épaules en de joyeuses anglaises brunes. Je me sentais parfaitement ridicule, quand le cocher me cria que nous étions aux portes de Versailles. Je mis un pied dehors, et le spectacle me coupa souffle. J’ étais à Versailles, mais pas le superbe château d’aujourd’hui, rempli de touristes, mais toujours imprégné d’histoire. Non, ce Versailles était celui du 17ème siècle, stupéfiant, emplit de courants d’air, plus petit qu’a l’époque, et toujours en travaux. L’endroit grouillait d’ouvriers, de jardiniers… je traversai les majestueux jardins, le regard hagard, cherchant des yeux des visages connus. J’entrai dans le château, et arpentai les nombreux salons, où les courtisans jouaient aux cartes. Soudain, en arrivant dans la Galerie des Glaces, un regard rieur et séduisant croisa le mien. Celui de Péguilin, marquis de Lauzun. Je tentai désespérément de me cacher derrière un oranger, mais le beau courtisan s’approcha rapidement, et en quelques pas, ils se retrouva à mes cotés. - Mme, a qui ai-je l’immense l’honneur ? dit-il d’un ton enjôleur, en me faisant une révérence. Je le regardai un moment, les yeux ahuris, quand soudain, comme si tout paraissait facile, je souris à l’homme planté devant moi, et lui fit une profonde révérence. - Mme de Bourg, Monseigneur de Lauzun, dis-je avec un sourire. - Sans vous offensez très chère amie, que faite vous donc à Versailles ? Je ne vous avez jamais vu avant, et sur ce point, vous ne me tromperez pas, une aussi jolie femme ne passe pas autant inaperçu. - Vous avez les sens des mots Monseigneur ! Dis-je en éclatant d’un rire cristallin. En vérité, j’ai un service à vous demandez. - Bien sur, je suis votre esclave Madame. dit-il en s’agenouillant presque. - Je n’en demande pas tant ! dis-je, genée devant ce grand seigneur. En vérité je voudrais voir la Marquise du Plessis-Bellière. - Ahhh ! dit-il en se caressant les lèvres, je vois ! Une nouvelle rivale qui vient se présenter devant l’actuelle aimée du Roi… Et bien très chère vous la trouverez dans le parc, elle est présente à la promenade du Roi. Voudriez-vous que je vous accompagne ? Vous êtes mon invitée. - Je vous remercie mon seigneur dis-je en lui prenant le bras. Nous fîmes quelque pas, puis ce spectacle me coupa le souffle. Une foule de courtisans marchait face à moi, deux personnages en tête. Un homme et une femme, d’une beauté extraordinaire. La première chose qui attira mon regard fut ses yeux. Deux émeraudes brillantes, qui regardaient l’homme à coté d’elle. Ses cheveux blonds retombant en anglaises, étaient surmontés d’un fin diadème d’or. Elle portait des bijoux d’opale, et une robe dorée. Elle brillait comme une étoile au coté du soleil. Car en effet, à ses côtés se tenait le Soleil. Il était inutile que Lauzun me précise que cette personne était le Roi. D’une magnificence extraordinaire, aux yeux bruns et réconfortants, ses vêtements royaux brillaient sous les rayons de son astre. En regardant de nouveau, je reconnu la femme au coté du Roi. C’était Angélique de Sancé, Marquise du Plessis-Bellière. En voyant son regard stupéfiant, je compris. Mes yeux, devenu marrons, étaient verts auparavant. Cette belle marquise AVAIT mes yeux… voilà pourquoi je m’étais retrouvé précipité au 17ème siècle. Pour les récupérer. Soudain le roi s’arrêta auprès d’un courtisan et la marquise s’avança vers moi. Je lui fit ma révérence de cour, qu’elle me rendu d’un léger hochement de tête et d’un sourire éclatant. - Bonjour Mme de Bourg, Mr de Lauzun viens de me présenter notre nouvelle invitée. Bienvenue à Versailles Madame. J’allais répondre à cette femme, mon héroïne, celle de mes films préférés, mais je restai fixé sur ces yeux, ces beaux yeux verts et stupéfiants. Soudain, je me retrouvai dans mon lit, dans la chaleur réconfortante de ma couette. Je me levai et repensai à ce rêve curieux, passai devant la boite du DVD que je regardai hier soir, Angélique Marquise des anges, et m’approchai du miroir. La fille en face de moi me regarda, ses beaux yeux verts brillants fixés sur moi….