Stage de formation GIZC-GIML Etaples / Le Touquet 8

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Stage de formation GIZC-GIML Etaples / Le Touquet 8
Yvonne Battiau-Queney 9 avril 2015
Stage de formation GIZC-GIML
Etaples / Le Touquet 8-10 avril 2015
Ministère de l'Ecologie
Bureau du Littoral et du Domaine Public Maritime Naturel
Centre de valorisation des ressources humaines d'Arras
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Visite de terrain sur le site du Touquet (9 avril)
sous la direction d'Yvonne Battiau-Queney
présidente d'EUCC-France et professeur émérite de l'Université de Lille 1
[email protected]
www.euccfrance.fr
Le choix du Touquet permet d'aborder toutes les problématiques de gestion intégrée des côtes
basses et des estuaires en zone tempérée.
 Gestion de plages "naturelles" et "urbaines"
Comprendre le fonctionnement des systèmes plages-dunes et le rôle fondamental des avant-dunes
pour l'équilibre des plages. Laisser un espace de respiration entre la plage et les zones
aménagées. Privilégier un nettoyage de plage respectueux de l'écosystème côtier et de la
dynamique dunaire... Gérer la dynamique éolienne sur le front de mer des stations pour éviter
l'ensablement du mobilier urbain tout en respectant la ressource sédimentaire. Les bonnes et
mauvaise pratiques.
 Gestion intégrée d'un estuaire
Nécessité d'avoir une vision globale de l'estuaire (deux rives et amont -aval). Savoir que toute
intervention en un lieu peut déclencher des phénomènes néfastes ailleurs. L'amont détermine la
qualité des eaux en aval. Bienfaits d'un contrat de baie. Nécessité d'anticiper sur l'évolution à
venir: comment maintenir le caractère maritime des estuaires en ralentissant leur colmatage
"naturel". Résoudre les conflits d'usage dans l'estuaire..
 Protéger les écosystèmes dunaires et les milieux humides
C'est le cas de la pointe du Touquet et des mollières de la rive sud. Donner de l'espace -temps à la
nature. Valoriser le patrimoine naturel (dunes, zones humides, écosystèmes sensibles avec
habitats prioritaires...) au lieu de le détruire. Exploiter intelligemment les services
écosystèmiques.
 Gérer la juxtaposition de zones sensibles protégées et de zones hyperfréquentées. Outils
réglementaires; pratiques de terrain. information et sensibilisation des populations.
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Yvonne Battiau-Queney 9 avril 2015
Le système côtier plage-dune
Une plage n'est qu'un élément d'un système complexe qu'on appelle le "système côtier".
La plage est une accumulation de sable (ou parfois de galets) qui se renouvelle plus ou moins
bien. Tout dépend des apports possibles : alluvions des rivières, produits de l'érosion des falaises
proches, sable des dunes littorales déplacé par le vent ou attaqué par la mer, sable apporté par les
courants longeant la côte ("dérive littorale"), sable prélevé dans la mer dans les "petits -fonds" et
remonté sur la plage par la houle.
Le sable de certaines plages de poche (côte méditerranéenne) ne se renouvelle pratiquement plus.
D'autres comme celle du Touquet bénéficient au contraire d'un renouvellement important par la
dérive littorale (venue du sud) et par les stocks de sable en mer. Une troisi ème catégorie de
plages voit leur sable se renouveler mais à un rythme lent.
Une plage subit également des pertes par la dérive littorale, par les courants transversaux dirigés
vers le large qui sont liés directement au déferlement des vagues, par le vent qui soulève le sable
de la plage à marée basse pour le redéposer ailleurs.
Une plage est donc caractérisée par un budget sédimentaire positif, équilibré ou négatif.
Mais ce budget doit être calculé sur un espace plus grand que la plage elle-même: une unité
spatiale appelée la cellule sédimentaire. Par exemple la plage du Touquet appartient à une vaste
cellule allant de la baie de Canche à la baie d'Authie. Le sable se déplace le long du littoral du
sud vers le nord. Il est arrêté par les forts courants de marée qui pénètrent dans la baie de Canche
puis en sortent 6 heures après.
La marée joue un rôle essentiel sur ces plages de la côte d'Opale, Le marnage est de 10 m en
baie de Somme, près de 9 m en baie de Canche en marée de vive eau par gros "coefficient". A
marée basse les plages sont très larges (plus de 900 m au Touquet).
1er arrêt : plage sud du Touquet
Description du paysage
Un système plage-dune où la côte est grosso-modo perpendiculaire aux vents dominants (de
secteur ouest).
A marée basse, la plage est très large (800m) et façonnée en bancs et bâches (plus visible en été).
Plage de sable fin, facilement mobilisable par le vent.
Plage adossée à une dune en partie végétalisée.
Noter le profil de la dune et le contact avec la plage. Où placer le trait de côte ?
Le trait de côte se définit comme la limite entre terre et mer. Il n'est pas toujours aisé de le
repérer avec précision, car plus qu'une ligne, c'est une zone de transition. Or il sert de référence
aux calculs de retrait ou d'avancée de la côte. En fait, il se déplace sans cesse dans le temps. Ce
n’est qu’une représentation instantanée d’un système mouvant et mobile par définition. Les
sables et galets qui constituent les plages se déplacent sans cesse, au gré des marées, des saisons,
des années. La morphologie de la côte n’est que le reflet, à l’instant de l’observation, de ces
incessants mouvements dus au jeu des houles, des courants et du vent.
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Yvonne Battiau-Queney 9 avril 2015
Plage sud du Touquet -24 mars 2015- 3 jours après la grande marée "du siècle" (coefficient 119)
Repérer sur le terrain la laisse de mer, les traces de swash (mouvement de l'eau après
déferlement des vagues), les traces d'anciennes mini-falaises taillées dans le sable par les vagues
lors d'épisodes tempétueux antérieurs.
Comment se forme la dune? Notion de dunes embryonnaires et d'avant-dune. Repérer les rides
de sable créées par le vent, indicatrices de la dernière direction du vent. A ne pas confondre avec
les rides de courant créées par les vagues et "courants de retour".
Plage relativement "naturelle". Peu d'interventions humaines. Nettoyage sélectif et manuel pour
ne pas gêner la naissance de dunes embryonnaires et l'alimentation de l'avant-dune (sable soufflé
par le vent sur la plage)
Le rôle de l'avant-dune est essentiel pour l'équilibre sédimentaire de la plage
C'est elle qui permet la résilience du système après une tempête.
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Yvonne Battiau-Queney 9 avril 2015
L'exemple de la plage au nord d'Hardelot
Repérer sur le terrain des preuves de cette résilience.
La dynamique éolienne est très puissante ici au Touquet (comme sur toutes les plages de la côte
d'Opale) : cela s'explique par la taille du sable (autour de 250µ) soulevé par le vent dès que sa
vitesse dépasse 5 à 6 m/s (18 à 20 km/h), par la largeur de la plage de sable sec et par la
direction du vent dominant.
Autre preuve de cette dynamique : l'ensablement des fascines installées sur le front de la dune
pour piéger le sable.
Ici la côte n'a pas reculé depuis plus de 70 ans : les bunkers allemands du Mur de l'Atlantique
sont d'excellents repères. Comparer les photos de 2004/2005 et la situation de 2015.
24mars 2015
Bunker situé en bordure nord de Stella plage
2005
Ce bunker de 1943 (situé entre Le Touquet et Stella-Plage) est aujourd'hui complètement
ensablé.
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Yvonne Battiau-Queney 9 avril 2015
Conclusion
Cette plage du Touquet correspond à un système côtier plage -dune à forte résilience, grâce aux
échanges de sable entre plage et dune, à une puissante dynamique éolienne et à des apports
massifs de sable depuis la mer.
Sur le court terme, le trait de côte se déplace constamment au gré des épisodes météo-marins,
mais sur le long terme (70 ans), il est très stable et même en légère avancée.
Cette situation correspond au fonctionnement quasi-naturel du système côtier, peu perturbé par
l'homme qui ne fait qu'accompagner les processus naturels quand il installe des fascines sur le
front de la dune.
Tout change quand ces échanges entre plage et dune ne peuvent plus se faire : c'est le cas au
droit de l'établissement de thalassothérapie et d'une façon générale de toutes les plages
"urbaines" où on a construit sur l'avant-dune.
Construction faite en haut de plage et aux dépens de l'avant-dune, au plus près de la mer (pour
des raisons thérapeutiques). L'établissement est sujet alternativement à l'ensablement ou à
l'attaque par les vagues... La logique voudrait qu'on déplace les constructions plus en arrière pour
laisser un espace de "respiration" entre la plage et les bâtiments et qu'une avant -dune se
reconstitue. Au lieu de cela on installe des enrochements qui ne font qu'aggraver la situation, car
ils provoquent l'abaissement du niveau de la plage à cet endroit et donc renforcent la puissance
des vagues qui déferlent plus près des bâtiments.
→ D’une façon générale, tous les problèmes majeurs de l’anthropisation du littoral viennent de la
contradiction fondamentale existant dans la volonté de l’homme de fixer un trait de côte qui, par
nature, est éminemment mobile à différentes échelles de temps et d’espace. En construisant à
l'emplacement de l'avant-dune, qui sert de réservoir de sable pour la plage en cas de tempête, on
détruit l'équilibre du système côtier et on génère des risques.
2éme arrêt : Pointe du Touquet et estuaire de la Canche
Description du paysage

Panorama sur l'ensemble de l'estuaire depuis la Pointe.
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Yvonne Battiau-Queney 9 avril 2015
Un estuaire dont le fonctionnement est dominé par la marée. Le flux d'origine fluviale et les
apports de sédiments depuis le bassin-versant de la Canche sont très secondaires comparés aux
courants de marée (flot et jusant) et aux arrivées de sable marin. Comme tous les estuaires
picards, celui de la Canche a tendance à se combler.
Un estuaire à morphologie dissymétrique en raison de la puissante dérive littorale sud -nord. La
rive sud s'engraisse avec le banc du Pilori (construction d'une flèche sableuse s'allongeant vers le
nord = appelée "poulier"), tandis que la rive nord avait tendance à s'éroder jusqu'au début du
21ème siècle (c'est le "musoir").
Le courant de flot est déporté vers le nord par le banc du Pilori.
Noter la diffraction des houles par ce banc → les vagues pivotent et déferlent
perpendiculairement à la rive sud, en arrière du banc, créant une zone en forte érosion.

Le champ de dunes embryonnaires de la Pointe du Touquet
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Yvonne Battiau-Queney 9 avril 2015
Le Touquet est un exemple rare de station balnéaire ayant gagné du terrain depuis ses origines et
cette tendance est toujours d'actualité : de la route dite "en corni che" on ne voit plus la mer. Sous
l'influence des interventions humaines (fascines, plantations d'oyat) le poulier a tendance à
s'épaissir vers l'ouest au lieu de s'allonger vers le nord.
 La tendance a l'érosion de la rive nord est beaucoup moins nette depuis la fin des
années 1990. La raison en est l'influence des épis installés dans les années 1980 qui
compartimentent le littoral de la rive nord en créant des champs de dunes embryonnaires, là où le
sable est piégé par un épi.
L'emplacement du bunker allemand très en avant de la côte témoigne du très fort recul de la rive
droite depuis 1943, mais son enfouissement actuel (on ne voit plus que son toit) témoigne de
l'ensablement important de l'estuaire depuis une quinzaine d'années. Par ail leurs on aperçoit au
fond une nouvelle avant-dune (plus visible sur la photo de droite) qui s'est formée au pied de
l'ancienne dune entaillée de cuvettes d'érosion.
Faut-il maîtriser la nature ou agir avec elle pour la valoriser?
Dès les années 1880, l'homme a tenté de "corseter" l'estuaire en empêchant la divagation
naturelle du chenal de la Canche, puis plus récemment il a installé des épis en rive droite.
Date des ouvrages (épis, digues) de la baie de Canche
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De nombreux projets d'aménagement furent proposés dans les années 1970-1990. On avait prévu
de fermer l'estuaire par un barrage en 1971, pour créer une marina et un port en eau profonde,
puis dans les années 1990, de créer un port de plaisance et une résidence de tourisme Pierre et
Vacances.
Les anciens projets de barrage, de port de plaisance et de centre de tourisme (années 1970-90)
A partir de la fin des années 1970 des scientifiques et des associations ont prit conscience de la
richesse des écosystèmes estuariens, mais ce n'est qu'au 21ème siècle que les autorités
administratives et politiques ont placé la protection de l'environnement au cœur de leur
stratégie de gestion. Tous les projets d'aménagement de l'estuaire ont été abandonnés quand le
site de la Pointe du Touquet fut classé en 2001, grâce à l'action des associations de protection de
l'environnement, de la DIREN de l'époque et du Conservatoire du Littoral. L'estuaire est
désormais vu comme un réservoir unique de biodiversité, qu'il faut protéger et valoriser.
L'estuaire est aussi un espace utilisé pour de nombreuses activités professionnelles et surtout
récréatives:
- chasse (plus de 400 chasseurs et une quarantaine de mares de huttes)
- navigation de plaisance (750 propriétaires de bateaux présents sur le périmètre)
- pêche (le port d'Etaples ne reçoit plus que 2 petits bateaux de moins de 11 m, mais il y a aussi
la pêche à pied)
- planche à voile, surf et windsurf
- promenade dans les dunes et sur la plage
Il faut donc concilier tous ces usages avec la protection de l'envi ronnement
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Mode et fréquence de nettoyage des plages du Touquet et de Camiers
Périmètre du site classé (novembre 2001)
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Enjeux écologiques sur le site classé
Un nouveau pas vers un aménagement intégré de l'estuaire: le contrat de baie
Le contrat de baie de la Canche (validé en 2013) répond à la nécessité de devoir gérer
globalement l'estuaire
L'estuaire forme une cellule sédimentaire unique, d'amont en aval et d'une rive à l'autre. Toute
intervention en un endroit a des conséquences ailleurs, avec un délai de réaction qui peut être de
plusieurs années.
Le contrat de baie de Canche est un outil de concertation et d’actions pour la basse vallée, la
baie et le milieu marin. C'est un outil contractuel permettant aux différents acteurs d’une baie et
de son bassin versant de définir de manière globale et concertée, un programme d’actions sur 5
ans visant à améliorer la gestion de l’eau du territoire concerné.
Cela part d'une démarche volontaire des élus et usagers de l’eau et doit répondre aux
problématiques liées à la gestion de l’eau du territoire. Le contrat de baie n’est cependant pas un
outil réglementaire, il ne garantit donc pas la préservation de l’espace ou le respect de règles de
gestion de l’eau (circulaire du 30 janvier 2004 relative aux contrats de rivières et de baie).
Sur la base d’un état des lieux et d’un diagnostic préalable, le contrat de baie détermine d’abord
les enjeux et objectifs de gestion de l’eau, puis les actions et travaux nécessaires à la restauration
de la qualité des milieux. L’élaboration du contrat de baie de Canche s’est appuyée sur une large
concertation des acteurs du périmètre, dont la dynamique avait été lancée grâce au Schéma
d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) de la Canche, approuvé en octobre 2011 et à la
mobilisation de la Commission Locale de l’Eau (CLE) de la Canche.
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Les objectifs du contrat de baie ont été définis en cohérence avec la Directive Cadre Européenne
sur l’Eau, le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion de l’Eau Artois Picardie et le
Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau de la Canche.
7 volets d’actions ont été définis :
· L’assainissement des eaux usées et la gestion des eaux pluviales ;
· Les pollutions chimiques, physico-chimiques, phytosanitaires, dangereuses, émergentes,
accidentelles ;
· Les risques inondations ;
· Le fonctionnement hydrosédimentaire de l’estuaire ;
· Milieux aquatiques, zones humides alluviales, littorales, dunaires et estuariennes ;
· Communication – Sensibilisation – Formation ;
· Animation et suivi du contrat de baie de Canche.
Le secteur d’étude est concerné par un grand nombre de sites gérés et/ou protégés :
- La Réserve Naturelle Nationale de la baie de Canche (en rive droite)
- La Réserve Biologique domaniale de Merlimont ;
- Plusieurs sites Natura 2000 ;
- Des Espaces Naturels Sensibles ;
- Des sites acquis par le Conservatoire du Littoral ;
- Des zones humides inventoriées par le SAGE de la Canche et le SDAGE Artois Picardie ;
- Une partie importante du secteur d’étude a été classé dans les cœurs de nature de la Trame
Verte et Bleue.
Ces sites protégés sont juxtaposés à des sites hyperfréquentés. D'où la nécessité de sensibiliser et
d'informer la population sur la fragilité des milieux.
3ème arrêt : le front de mer du Touquet
Les aménagements récents pour une requalification paysagère des parkings et un contrôle de la
dynamique éolienne seront décrits par un représentant des services techniques de la ville.
Référence:
Battiau-Queney Yvonne, 2013. Les plages de la Côte d'Opale: maîtriser la nature ou agir avec
elle?, Dynamiques environnementales, vol. 30, p. 89-104.
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