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les Docteurs Honoris Causa de l’université pierre et marie curie ≥ 26 mars 2010 Grand Salon de la Sorbonne 47, rue des écoles, 75005 Paris 01 Tous les deux ans l’UPMC honore huit personnalités scientifiques exceptionnelles en leur remettant les insignes de docteur honoris causa. édito jean-charles pomerol Président de l’université Pierre et Marie Curie Cette nomination est initiée par les composantes de l’UPMC puis validée par le Directoire de la recherche et enfin le Conseil scientifique qui fait les derniers arbitrages. Le choix est évidemment difficile, puisqu’il faut peser ce qui n’est pas comparable : l’excellence scientifique d’une part, et d’autre part, l’illustration et la défense des valeurs universitaires de liberté, de tolérance et d’humanisme. Nous nous efforçons aussi de représenter un large échantillon de nos disciplines et de pays avec lesquels nous avons des liens, tout en tendant vers la parité des genres. Les mathématiques, l’ingénierie, la climatologie, la médecine, les neurosciences, la biologie cellulaire, autant de disciplines qui sont distinguées dans cette promotion et bien représentées à l’UPMC. Chaque nouveau docteur honoris causa connaît bien l’UPMC ou du moins certaines de nos équipes, mais en devenant docteur de l’université, il participe pleinement de notre communauté. Appartenant désormais à l’UPMC, il devient notre ambassadeur autorisé pour parler de nos forces et, avec indulgence, de nos faiblesses. Nous n’avons pas de meilleurs porte-paroles dans le monde que nos docteurs honoris causa, à nous de savoir les garder proches de l’UPMC qui devient leur seconde alme mère. 02 Ces nouveaux docteurs, que vous allez découvrir au fil des pages de ce livret, vous font découvrir leur science, ils parlent aussi de nous et de leur vision de la recherche, ilsw pourront ainsi nous conseiller utilement si nous savons entretenir des relations soutenues avec eux. En effet, je crois que l’établissement de relations pérennes avec nos nouveaux docteurs est une priorité absolue si nous voulons bénéficier de leurs lumières et savoirs pour progresser encore en science et en formation, car il est de première priorité que les étudiants, comme les futurs docteurs soient ouverts sur le monde. Au moment où plusieurs universités parisiennes, les premières dans leurs disciplines respectives, se regroupent dans « Sorbonne Universités », nous ne pouvons que nous réjouir de la notoriété et qualité de nos nouveaux docteurs honoris causa bien dignes de l’antique réputation de la Sorbonne. Once every two years the UPMC honors eight outstanding scientific personalities and presents them with the insignia of Doctor Honoris Causa. editorial jean-charles jean-charles pomerol President of Pierre et Marie Curie University The UPMC Faculties initiate this appointment which is then validated by the Management of Research; the Scientific Council makes the final decisions. The choice is obviously difficult, since we must weigh what is not comparable: the scientific excellence on the one hand, and the illustration and the defense of academic values of freedom, tolerance and humanism on the other hand. We also strive to represent a broad sample of our disciplines and of the countries with which we are connected, while moving towards gender parity. Mathematics, engineering, climatology, medicine, neuroscience, cell biology, many disciplines are distinguished in this promotion and well represented at UPMC. These new doctors, you will discover in this booklet, will make you discover their scientific field. They also talk about us and how they view scientific research, so they can properly advise us if we maintain ongoing relations with them. Indeed, I believe that establishing long-term relationships with our new doctors is a priority if we want to benefit from their knowledge for further progress in science and education, because it is our top priority that students, such as future doctors are open to the world. At a time when several universities in Paris, the first in each discipline, group together and become ‘Sorbonne Universities’, we can only rejoice over the reputation and the quality of our new Doctors Honoris Causa worthy of the Sorbonne’s ancient reputation. Each new Doctor Honoris Causa knows the UPMC or at least some of our teams, but being a Doctor of the University one fully participates in our community. Now belonging to UPMC, they become our ambassadors authorized to speak about our strength and, with indulgence, about our weaknesses. We have no better spokesperson in the world that our Doctors Honoris Causa. It is our duty to keep them close to the UPMC which becomes to them a second source of knowledge. rat imperdiet. Aenean suscipit nulla in justo. Suspendisse cursus rutrum augue. Nulla tincidunt tincidunt mi. Curabitur iaculis, lorem vel rhoncus faucibus, felis magna fermentum augue, et ultricies lacus lorem varius purus. Curabitur eu amet. 03 John Ball Sedleian Professor of Natural Philosophy à l’université d’Oxford, Royaume-Uni Sir John Ball est au premier rang des spécialistes mondiaux de l’élasticité non linéaire, du calcul des variations, de la théorie mathématique des matériaux et, plus généralement, des mathématiques appliquées. Il a reçu de nombreux prix et distinctions : nommé Fellow of the Royal Society of London (Académie des sciences britannique) depuis 1989 et membre étranger de l’Académie des sciences de Paris depuis 2000. 04 Ce doctorat honoris causa vient récompenser un ensemble de travaux et de nombreuses contributions dans les domaines du calcul des variations, des équations aux dérivées partielles non linéaires, des systèmes dynamiques de dimension infinie et de leurs applications à la mécanique non linéaire. Quels sont les plus significatifs selon vous ? JB - Comme de nombreux autres chercheurs, j’ai plutôt tendance à m’enthousiasmer pour mes travaux les plus récents. Toutefois, mes contributions étaient sans doute meilleures quand j’étais plus jeune ! Mes travaux sur l’élasticité non linéaire, dont les équations ont d’abord été écrites par Cauchy vers 1822, ont établi pour la première fois l’existence de configurations minimales de l’énergie du matériau sous conditions réalistes. Nous savons encore très peu de choses sur ces configurations, par exemple si elles varient ou pas de manière régulière de point en point. Néanmoins, en essayant à défaut de prouver ceci, j’ai trouvé, avec le défunt Vic Mizel, des exemples unidimensionnels surprenants, dont les fonctions minimales ne satisfont pas l’équation d’Euler-Lagrange. Plus tard, influencés par Jerry Ericksen, Dick James et moi avons étudié des cas sans configuration minimisant l’énergie, montrant que l’on pourrait ainsi comprendre les microstructures résultant des transformations d’une phase solide. Ces travaux restent encore recevables aujourd’hui. Pourriez-vous décrire vos recherches actuelles en mathématiques des cristaux liquides ? JB - Je travaille sur différents aspects de la théorie Q-tenseur des cristaux liquides, que l’on doit au grand chercheur français Pierre-Gilles de Gennes et qui décrit l’ordre orientationnel des molécules de cristaux liquides en bâtonnets par un paramètre d’ordre tensoriel, alors que la théorie couramment utilisée d’Oseen-Frank le fait en termes de champ vectoriel. Curieusement, il n’y a pas eu beaucoup de travaux mathématiques sur la théorie du Q-tenseur, ce qui laisse de nombreuses questions mathématiques inexplorées. Avec Arghir Zarnescu, j’étudie la relation entre cette théorie et celle d’Oseen-Frank, qui a des aspects topologiques, tandis qu’avec Apala Majumdar, je regarde ce qui préserve les contraintes physiques pesant sur les valeurs propres du Q-tenseur. Ces travaux ne touchent pour l’instant qu’à des enjeux théoriques fondamentaux, mais peut-être qu’il y aura quelques applications pratiques à terme. Vos nombreuses distinctions ainsi que votre rôle d’ancien président de l’IMU et celui de président actuel du CIEC font de vous un porte-parole international important pour les mathématiques. À votre avis, quelles sont les questions les plus importantes aujourd’hui en matière de mathématiques au niveau international ? JB - Une question importante, qui ne touche pas seulement les mathématiques, est l’utilisation croissante de systèmes métriques pour évaluer la recherche, comme les facteurs d’impact des publications. Ceci conduit à des pratiques immorales telles que la manipulation de ces facteurs, et menace les chercheurs individuels dont l’évaluation par de telles statistiques ne peut pas remplacer de manière fiable l’évaluation par les pairs. Le nombre d’étudiants en mathéma- tiques ainsi que la qualité de leur formation à tous les niveaux sont des préoccupations persistantes, la première étant étroitement liée à un manque de compréhension populaire des mathématiques et de leur importance pour la société. Naturellement, l’aptitude pour les mathématiques dépasse les frontières géographiques et il reste beaucoup à faire avant que les possibilités offertes pour développer ce talent ne dépendent plus de l’endroit où l’on naît. Pensez-vous qu’il existe une interaction suffisante entre la communauté des mathématiciens avec d’autres disciplines, pour lesquelles les mathématiques sont extrêmement importantes? Quelles évolutions structurelles proposeriez-vous pour encourager davantage cette interaction? JB - Plus les sujets scientifiques sont maîtrisés et plus ils deviennent mathématiques ; c’est l’une des raisons pour lesquelles les mathématiques jouent un rôle de plus en plus important en sciences de la Vie. De façon plus réaliste, c’est auprès des jeunes chercheurs que le renforcement de cette interaction doit être abordé. Les jeunes chercheurs en sciences de la Vie, par exemple, ont besoin d’une bonne formation mathématique, tout au moins suffisante pour comprendre la valeur des modèles mathématiques, alors que les mathématiciens ont besoin de rencontrer une large gamme d’applications pendant leur formation et de s’entraîner à briser les barrières linguistiques entre les disciplines. Pourriez-vous parler de votre collaboration scientifique avec François Murat et le Laboratoire Jacques-Louis Lions ? JB - Quelques méthodes de résolution des problèmes aux limites non-linéaires de Jacques-Louis Lions, était l’un des premiers livres que j’ai étudié en troisième cycle ; j’ai donc été très tôt attiré par l’approche française des mathématiques. Puis, peu après avoir prouvé mon théorème d’existence de l’élasticité non-linéaire, j’ai réalisé que ces méthodes étaient étroitement liées à celles de la théorie de la compacité compensée, développée par Luc Tartar et François Murat. J’ai donc visité plusieurs fois le Laboratoire d’analyse numérique, comme on l’appelait à l’époque, y compris pour une année sabbatique en 1987-1988. Ce fut le début de ma collaboration autour du calcul des variations avec François, ainsi que d’une amitié profonde et durable. Depuis, je retourne régulièrement à Paris et au Laboratoire Jacques-Louis Lions. Bien que les mathématiques soient la langue universelle de la science et des technologies, les étudiants et les chercheurs doivent utiliser d’autres langues pour en discuter. La barrière linguistique vous a-t-elle posé problème pendant vos séjours à Paris ? Pensez-vous que les universités et les chercheurs anglophones soient injustement avantagés lors de leur évaluation ? JB - Heureusement, je parle convenablement le français, et je n’ai donc pas senti de barrière linguistique. Bien sûr, le fait que l’anglais soit la langue scientifique internationale donne un certain avantage à ceux pour qui l’anglais est la langue maternelle. La plupart des mathématiciens français que j’ai rencontré parlent assez bien l’anglais et de nombreux séminaires sont en anglais (surtout si des étrangers sont présents), mais il est certain que les étrangers qui parlent français profitent plus d’un séjour scientifique à Paris que ceux qui ne le parlent pas. De plus, la très bonne réputation des mathématiques françaises au niveau international montre bien que la question de la langue n’est pas vraiment un problème pour les Français. En tant que mathématicien britannique très distingué, comment percevez-vous la position de l’UPMC dans le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche, tant au niveau européen qu’international ? JB - Paris est, sans aucun doute, le principal centre international d’études des équations aux dérivées partielles, et le Laboratoire Jacques-Louis Lions, plaque tournante de cette activité, reste l’un des meilleurs départements de mathématiques appliquées dans le monde. C’est, bien sûr, le département de l’UPMC que je connais le mieux, mais l’université est clairement un acteur très important sur la scène mondiale. Que représente pour vous ce doctorat honoris causa ? Envisagez-vous à l’avenir de continuer votre collaboration scientifique avec l’UPMC ? JB - Je suis ému de recevoir un doctorat honoris causa de cette institution prestigieuse avec laquelle j’ai développé une association si étroite et si fructueuse au cours des années. Je continuerai ma collaboration sans aucun doute et viendrai souvent rendre visite ! 05 John Ball Sedleian Professor of Natural Philosophy, Oxford University, United Kingdom. Sir John Ball is today one of the leading global specialists in nonlinear elasticity, the calculus of variations, the mathematical theory of materials and, more generally, applied mathematics. He has been awarded a number of prizes and distinctions. He was named Fellow of the Royal Society of London in 1989 and has been an international member of the Paris Academy of Science since 2000. T h i s h o n o ra r y d o c to ra te rew a rd s an exceptional body of work and numerous contributions in the areas of calculus of variations, nonlinear partial differential equations, infinite-dimensional dynamical systems and their applications to nonlinear mechanics. Which of your research achievements do you feel are most significant, and why? JB - In common with many researchers I tend to be most enthusiastic about my most recent work, which concerns liquid crystals. However, no doubt my contributions were better when I was younger! My work on nonlinear elasticity, whose equations were first written down by Cauchy around 1822, established for the first time the existence of energy-minimizing configurations under realistic conditions on the material. We still know very little about these configurations, for example whether they vary smoothly from point to point. In trying, and failing, to prove this, I nevertheless found with the late Vic Mizel some surprising one-dimensional examples whose minimizers don’t satisfy the Euler-Lagrange equation. Influenced by Jerry Ericksen, Dick James and I later studied cases when there is no energy minimizer, showing that one could in this way understand microstructures arising from solid phase transformations. These are pieces of work that I still find very satisfying. Can you outline your current research interests in the mathematics of liquid crystals? JB - I am working on different aspects of the Q-tensor theory of liquid crystals, due to the great French scientist Pierre-Gilles de Gennes, which describes the orientational order of rod-like liquid crystal molecules by a tensor order parameter, whereas the com- 06 monly used Oseen-Frank theory does so in terms of a vector-field. Surprisingly there has not been much mathematical work on the Q-tensor theory, which leads to many unexplored mathematical questions. With Arghir Zarnescu I have been studying the relationship of the theory with that of OseenFrank, which has topological aspects, while with Apala Majumdar I have been working on the question of what preserves the physical constraints on the eigenvalues of the Qtensor. The work concerns basic theoretical issues, but perhaps there will eventually be some practical applications. Your many distinctions and your roles as past President of the IMU and current chair of the CIEC make you an important spokesman for mathematics internationally. In your opinion, what are the most pressing issues concerning mathematics today at the international level? JB - One important issue, not just affecting mathematics, is the increasing use of metrics for evaluating research, such as impact factors of journals. This is leading to unethical practices such as impact factor manipulation, and threatens individual researchers for whose assessment such statistics cannot reliably replace peer review. The number and quality of training of mathematics students at all levels are continuing concerns, the former being related to a lack of public understanding of mathematics and of its importance for society. Of course mathematical talent does not respect geographical boundaries, and much work needs to be done before the opportunities for developing this talent depend less on where you are born. Do you feel that there is sufficient interaction between the mathematics community and other disciplines, for which mathematics are extremely important? Which structural changes would you propose to further promote such interaction? JB - As subjects become better understood they become more mathematical – this is one of the reasons why the role of mathematics in the life sciences is increasing. Realistically, increasing the interaction has to be tackled through young people. Young life scientists, for example, need a good mathematical training, at least sufficient to understand the value of mathematical models, while mathematicians need to encounter a broad range of applications in their education, and get some experience of breaking down language barriers between disciplines. Tell me about your collaboration with François Murat and the Laboratoire Jacques-Louis Lions. How did this research relationship arise? JB - One of the first mathematical books I studied as a research student was Quelques méthodes de résolution des problèmes aux limites non linéaires by Jacques-Louis Lions, so I was early on an admirer of the French style of mathematics. Then, shortly after I had proved my existence theorem for nonlinear elasticity, it became clear that the methods were closely related to those of the theory of compensated compactness developed by Luc Tartar and François Murat, so I made a number of visits to the Laboratoire d’Analyse Numerique, as it was then called, including a sabbatical year 1987-88. This was the beginning of my collaboration on the calculus of variations with François, and of a deep and enduring friendship. Since then I have been a regular visitor to Paris and the Laboratoire Jacques-Louis Lions. visité plusieurs Mathematics may be the universal language of science and technology, but students and researchers must use other languages to discuss it. How have you dealt with the language barrier while in Paris? Do English language universities and researchers have an unfair advantage when it comes to evaluation? JB - Fortunately I speak reasonable French, so I have not felt a language barrier. Of course the fact that English is the international scientific language confers some advantage on those for whom English is t h e i r n a t i ve l a n g u a g e . M o st Fre n c h mathematicians I have met speak pretty good English and many seminars are in English (especially if foreigners are present), but certainly foreigners who speak French can gain more from a scientific visit to Paris than those who don’t. The very high reputation of French mathematics internationally suggests that the language issue is not much of a problem for the French. the UPMC that I know the best, but the university is clearly a very important player on the world stage. What does this honorary degree represent for you? Do you envisage continuing your collaboration with UPMC in the future? JB - It is moving for me to receive an honorary degree from such a prestigious institution with which I have had such a close and fruitful association over the years. There is no doubt that I will be continuing my collaboration and returning to visit often! As a highly distinguished British mathematician and academic, how do you view UPMC’s position in the higher education landscape, both at the European and international levels? JB - There is absolutely no doubt that Paris is the main international centre for the study of partial differential equations, and that the Laboratoire Jacques-Louis Lions is the hub of this activity and one of the very best applied mathematics departments in the world. Of course it is the department of 07 Dennis Patrick Curran Professeur à l’université de Pittsburgh, États-Unis Dennis Patrick Curran est l’un des chimistes les plus connus au monde. Après ses études, il s’est établi à Pittsburgh, où il a fait toute sa carrière. Auteur de près de 350 articles et détendeur ou codétenteur de plus de 35 brevets, il est l’un des pionniers de la chimie organique des radicaux libres et a fondé un nouveau domaine scientifique, celui de la chimie fluoreuse. Il a créé une entreprise qui a maintenant plus de 10 ans d’existence. Il a été, à maintes reprises, distingué par des prix dont le Cope Scholar Award (1988) et la chaire Blaise Pascal (2007). 08 Ce doctorat honoris causa vient récompenser l’ensemble de vos travaux et de n o m b re u s e s co n t r i b u t i o n s d a n s le domaine de la synthèse organique. Selon vous, quels sont les plus significatifs ? DC - Je suis très fier de nos travaux précoces, que nous poursuivons en chimie radicalaire synthétique. Je crois que nous avons été les premiers à utiliser une réaction radicalaire en cascade afin de synthétiser un produit naturel (hirsutene, en 1985). Nous avons également développé de nombreuses méthodes de synthèse basées sur le transfert de l’atome et du groupe, et avons étudié des aspects importants de la stéréosélectivité. Nous n’étions certes pas les uniques pionniers en chimie radicalaire synthétique, mais j’estime que nos travaux ont contribué à briser une barrière, ce qui a conduit à une explosion de nouvelles réactions radicalaires imaginatives qui continue encore aujourd’hui. Alors qu’une grande partie de nos recherches en chimie radicalaire a été fondamentale, d’importantes applications sont apparues. Par exemple, nous avons actuellement un composé, AR67, en essai clinique de phase II pour le traitement des tumeurs cancéreuses. Ce développement s’est produit grâce aux ouvertures que nous a dévoilées la chimie radicalaire, et que nous avons décidé d’explorer. Quels sont les aspects les plus passionnants de vos recherches dans le domaine relativement nouveau de la chimie fluoreuse ? Existe-t-il des spécificités dans la relation entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée dans ce domaine ? DC - L’aspect le plus passionnant de la recherche en chimie fluoreuse est de voir comment elle s’est développée dans des directions que nous n’aurions jamais imaginées au début. Par exemple, des techniques que nous avons conçues, il y a dix ans, pour une utilisation dans la synthèse de petites molécules ont maintenant été adoptées et élargies de façon imaginative pour une utilisation dans la synthèse des macromolécules, dans la protéomique, et dans de nombreux aspects de la biologie chimique. Nous avons fondé une entreprise en 2000, Fluorous Technologies, Inc (FTI), afin de commercialiser les composants de méthodes fluoreuses et de fournir de l’expertise technologique sur le marché. Leur travail, que l’on pourrait qualifier de recherche appliquée, a été essentiel pour le développement du domaine. Ils ont rendu disponibles des réactifs fluoreux fiables et du gel de silice pour des milieux de biologie synthétique et chimique. Ils sont devenus experts dans les applications de la chimie fluoreuse telles que la synthèse de bibliothèques chimiques de petites molécules. J’ai hésité à lancer l’entreprise au début, nous prenions tellement plaisir à faire de la recherche fondamentale en chimie fluoreuse que j’aurais bien voulu continuer comme ça indéfiniment. Mais nous avons bien fait. Les produits et matériaux qui ont été commercialisés par la société ont fourni rapidement de nouvelles possibilités encore plus intéressantes. En bref, la FTI a aidé le domaine entier à faire un grand bond en avant. En tant que lauréat de la Chaire internationale Blaise Pascal, vous avez passé une année à l’UPMC en 2007-2008. Quels aspects de ce séjour vous ont marqué, tant en termes de recherches menées ici que de vie universitaire en général ? DC - L’année à Paris a certainement été l’un des moments forts de ma vie personnelle et de ma vie professionnelle. Bien que je n’ai jamais étudié le français à l’école, cela fait deux décennies que j’essaie de l’apprendre et pour ce faire, il n’y a rien de mieux que d’être à Paris. Bien sûr, j’ai apprécié les restaurants et la vie culturelle parisienne, surtout la musique, avec ma femme qui a pu souvent venir à Paris pendant mon séjour ici. Du côté professionnel, il était aussi très agréable d’avoir un deuxième et même un troisième groupe de recherche à Paris. Max Malacria a réuni une équipe exceptionnelle de chercheurs dans son laboratoire, ce qui a créé à l’UPMC un environnement stimulant pour générer des idées et expériences nouvelles. J’ai également passé beaucoup de temps à l’ESPCI Paris Tech avec le professeur Janine Cossy et ses collègues. Cela fait 30 ans que nous sommes amis et elle est l’une des principales chimistes de synthèse en Europe. J’ai la chance d’avoir eu des interactions profondes avec à la fois le groupe Cossy et le groupe Malacria, grâce à ce long séjour. Et entre ces deux universités et les autres, Paris a tant d’autres très bons chercheurs en chimie organique. En effet, même si je comprends le système français assez bien pour voir qu’il n’est pas réaliste, je pense parfois que si toutes les universités parisiennes fusionnaient, elles auraient l’un des meilleurs laboratoires de chimie organique au monde. En tant que chimiste américain très distingué, comment percevez-vous la position de l’UPMC dans le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche, tant au niveau européen qu’international ? DC - Je peux vous dire avec certitude que vos professeurs et vos chercheurs en chimie organique aspirent à ce que l’UPMC soit l’un des meilleurs établissements de recherche et de formation en France, en Europe et même dans le monde entier. À l’université de Pittsburgh, notre chancelier est toujours en train de nous dire que nous devons faire plus avec moins. C’est sûr que les chercheurs de l’UPMC sont habiles pour cela ; le rapport qualité-prix pour la recherche est étonnant. De plus, la formation doctorale dépend surtout de l’attitude et de l’engagement des enseignants-chercheurs qui travaillent avec les doctorants et ici encore, l’UPMC excelle en tant qu’institution de formation. Que représente pour vous ce doctorat honoris causa ? Envisagez-vous plus de collaboration scientifique avec l’UPMC dans l’avenir ? DC - Ce doctorat honoris causa est certainement l’un des moments les plus marquants pour moi, à la fois personnellement et professionnellement. C’est l’aboutissement d’un long processus qui a commencé en 1987 lorsque j’ai visité la France pour la première fois sur l’invitation de Jacqueline SeydenPenne, alors professeur de chimie organique à l’université de Paris Sud à Orsay. Je suis tombé amoureux de la France et de la langue française, et j’ai eu la chance de voir qu’il y avait une communauté française dynamique et accueillante en chimie organique. Je suis depuis retourné en France au moins une ou deux fois par an, et en tant que professeur invité une demi-douzaine de fois. En ce qui concerne nos projets, en 2007 et 2008, j’ai envisagé une petite collaboration avec l’UPMC qui pourrait encadrer le travail d’un ou deux doctorants ou post-doctorants. Mais une fois le travail lancé à Paris, les choses ont tout simplement explosé. Le projet sur la chimie borane carbène N-hétérocyclique s’avère largement plus prometteur que ce que j’avais imaginé au départ, et nous avons maintenant plusieurs collègues y travaillant, à Pittsburgh et à Paris. Nous avons eu la chance d’obtenir un financement à la fois à Pittsburgh et à Paris, ce qui me permet de passer un peu plus de temps à Paris. Nous profitons pleinement des technologies modernes, comme la viséoconférence, afin de faire avancer la collaboration au plus vite. C’est un domaine de recherche tellement nouveau qu’il semble que chaque nouvelle expérience génère plus de questions que de réponses. Ainsi, la recherche continue à s’étendre, et ce projet et la collaboration associée seront certainement un des éléments principaux de notre programme de recherche pour l’avenir. J’ai le plus profond respect pour la communauté de chimie organique en France en général et à l’UPMC en particulier, et je suis extrêmement reconnaissant de recevoir ce titre. 09 Dennis Patrick Curran Professor at the University of Pittsburg, United States Dennis Patrick Curran is one of the world’s best-known chemists. After completing his studies, he established himself at the University of Pittsburgh where he has spent his entire career. The author of nearly 350 articles and holder or co-holder of more than 35 patents, he is one of the pioneers of organic radical chemistry and founder of the new scientific field of fluorous chemistry. He started a company that has now been in business for over 10 years. He has many prestigious prizes to his name, including the Cope Scholar Award (1988) and the Blaise Pascal Chair (2007). 10 T h i s h o n o ra r y d o c to ra te rew a rd s a n exce p t i o n a l b o d y o f wo r k a n d n um e ro u s co n t r i b u t i o n s to t h e f i e l d o f o rg a n i c s y n t h e s i s . W h i c h o f yo u r re s e a rc h a c h i eve m e n t s d o yo u fe e l a re m o st s i g n i f i ca n t , a n d w h y ? DC - I am very proud of our early and continuing work in synthetic radical chemistry. I believe that we were the first to use a cascade radical reaction to synthesize a natural product (hirsutene, in 1985). We have also developed many synthetic methods based on atom and group transfer, and studied important aspects of stereoselectivity. We certainly were not the only pioneers in synthetic radical chemistry, but I do feel that our work helped to crack through a barrier, leading to an explosion of imaginative new radical reactions that continues even today. While much of our research on radical chemistry has been basic in nature, there have also been significant practical consequences that we never expected at the beginning. For example, we currently have a compound called AR67 in Phase II clinical trials for treatment of cancerous tumors. This development came about because radical chemistry opened up new doors for us, and we decided to walk through them to see where it would lead us. ago for use in small molecule synthesis techniques that we pioneered over ten years ago for use in small molecule synthesis have now been adopted and expanded in imaginative ways for use in macromolecule synthesis, proteomics, and many aspects of chemical biology. We founded a company in 2000 called Fluorous Technologies, Inc. (FTI) to commercialize the components of fluorous methods and to provide technology expertise to the marketplace. Their work, which might be called applied research, has been critical for the development of the field. They have made available reliable fluorous reagents and silica gel for both synthetic and chemical biology settings. They have become experts in applications of fluorous chemistry such as the synthesis of small molecule chemical libraries. I was reluctant to start the company at first; we were having so much fun with basic research in fluorous chemistry that I just wanted to continue on indefinitely. However, in the end it was definitely the right thing to do. The products and materials that were commercialized by the company soon provided us and others with new and even more interesting opportunities. In short, FTI helped the whole field leapfrog forward. What are the most exciting aspects of your work in the relatively new field of fluorous chemistry? Are there any particularities in the relationship between basic and applied research in this field? DC - The most exciting aspect of work in fluorous chemistry has been seeing how it has expanded out in directions that we never envisioned at the beginning. For example, techniques that we pioneered over ten years As a Laureate of the Blaise Pascal International Research Chair, you were able to spend a year at UPMC in 2007-2008. What aspects of this stay stand out in particular, both in terms of research conducted here and the general university environment? DC - The year in Paris was certainly one of the highlights of both my personal life and my professional life. Although I never studied French in school, I have been trying to learn it for two decades, and there is nothing better than the “milieu français” of Paris for that. Of course I enjoyed the restaurants and the cultural life of Paris, especially the music, with my wife who commuted back and forth from Pittsburgh to Paris during my stay here. From the professional side, it was also very enjoyable to have a second and even a third research group in Paris. Max Malacria has put together an outstanding team of researchers in his laboratory, and this provides a stimulating environment for generating new ideas and experiments at UPMC. I also spent a considerable amount of time at ESPCI Paris Tech with Professor Janine Cossy and her co-workers. She has been a good friend for 30 years and is one of the leading synthetic chemists in Europe. I feel very fortunate to have had the in depth interactions with both the Cossy group and the Malacria group that a long term stay provided. And Paris has so many other fine organic chemists in these two Universities and in the other universities as well. Indeed, though I understand the French system well enough to see that it is not realistic, I sometimes imagine that if all the Parisian universities fused together, they would have one of the best departments of organic chemistry in the world. As a highly distinguished American chemist and academic, how do you view UPMC’s position in the higher education landscape, both at the European and international levels? DC - I can tell you with certainty that the Professors and researchers in organic chemistry aspire for UPMC to be one of the leading research and graduate educational institutions in France, in Europe, and indeed in the whole world. At the University of Pittsburgh, our Chancellor is always telling us that we have to do more with less. Certainly the researchers at UPMC are adept at doing that. The “rapport qualitié-prix” for research is amazing. And the education that the PhD students get depends more than anything else on the attitude and commitment of Professors and researchers that the students work with. Here again, UPMC excels as an educational institution. What does this honorary degree represent for you? Is there further scope for scientific collaboration with UPMC in the future? DC - This Honorary Degree is certainly one of the highlights for me both personally and professionally. It is the culmination of a long process that started in 1987 when I visited France for the first time at the invitation of Jacqueline Seyden-Penne, then a Professor of organic chemistry at the University of Paris South in Orsay. I fell in love with France and the French language, and I was fortunate that there was a vibrant and welcoming French community in organic chemistry. Since then, I have visited France at least once or twice every year, and have been a Visiting Professor about a half-dozen times. I have the deepest respect for the organic chemistry community in France in general and at UPMC in particular, and I am extremely grateful for this honor. Regarding our projects, in 2007 and 2008, I envisioned a small collaboration with UPMC that might encompass the work of one or two postdocs or PhD students. But once the work got going in Paris, things simply exploded. wwThe project on N-heterocyclic carbene borane chemistry has much more potential than I had envisioned at the outset, and we now have several co-workers active in both Pittsburgh and Paris. We have been fortunate to get funding in both Pittsburgh and Paris, and this is allowing me to spend some additional time in Paris. We are also making full use of modern technology such as videoconferences to keep the collaboration moving quickly. This is such a new area of research that it seems as if almost every new experiment generates more questions than it does answers. So the research keeps expanding, and this project and the associated collaboration will certainly be a main component of our research program for the indefinite future. 11 JEAN-MICHEL FOIDART Professeur à l’université de Liège, Belgique Jean-Michel Foidart est un gynécologueobstétricien, qui allie une carrière de chercheur et une responsabilité clinique de grande envergure. Sa notoriété est liée à ses travaux fondamentaux sur la matrice extracellulaire des tissus reproducteurs et des cancers gynécologiques de la femme. Il est un expert de l’éclampsie, de l’implantation et de la prolifération des cancers du sein. Titulaire au Collège de Belgique, il a reçu de nombreux prix belges et internationaux, dont le grand prix du Fonds de la recherche scientifique belge en 2005. Il préside actuellement le Collège « Mère-Nouveau Né » qui conseille le ministre de la Santé en matière de médecine de la reproduction. 12 Ce doctorat honoris causa vient récompenser l’ensemble de vos travaux dans les domaines de la gynécologie-obstétrique et de la cancérologie. Quelles sont vos priorités de recherche actuelles ? JMF - Lors de ces dix dernières années, nous avons particulièrement étudié l’angiogenèse normale et pathologique au cours de maladies néoplasiques, mais aussi de pathologies précancéreuses et de conditions telles que la dégénérescence maculaire liée à l’âge, l’endométriose ou les placentations anormalement invasives. Une dissection moléculaire des mécanismes contrôlant l’angiogenèse, la lymphangiogenèse et la maturation des vaisseaux, permet de mieux examiner la croissance des organes, le développement embryonnaire et aussi d’identifier les dysfonctionnements des cellules endothéliales et des péricytes au cours de pathologies vasculaires telles que la prééclampsie, le diabète, et l’athéromatose. De tels travaux ont aussi pour vocation ultime d’asphyxier les tumeurs cancéreuses et de mieux contrôler le développement de diverses pathologies bénignes. Nos recherches actuelles visent également à caractériser un nouvel œstrogène récemment décrit : l‘ESTETROL. Cet œstrogène, spécifiquement produit par le fœtus humain, est un SERM (Selective Estrogen Receptor Modulator). Contrairement aux autres SERMs de synthèse, cet œstrogène-SERM serait un agoniste spécifique du récepteur « alpha » des œstrogènes. Dans le cas du cancer du sein en particulier, ce SERM se comporte comme un anti-œstrogène, et présente ainsi l’avantage d’inhiber la prolifération des cellules mammaires normales ou cancéreuses. Nos travaux concerneront plus particulièrement la sécurité vasculaire et l’impact de ce nouvel œstrogène physiologique fœtal, sur les propriétés des cellules endothéliales, sur le fonctionnement coronarien et sur la prévention des athéromes au cours d’administrations prolongées. Il est donc possible que les œstrogènes, « diabolisés » par certains essais épidémiologiques américains effectués à l’aide d’hormones synthétiques et non-physiologiques, se révèlent finalement des molécules hautement bénéfiques dans le maintien en bonne santé de l’adulte vieillissant. Vous menez de nombreuses collaborations scientifiques avec des chercheurs et des équipes de l’UPMC. Avec qui travaillezvous précisément, et sur quels projets ? JMF - D’importantes relations scientifiques se sont tissées entre mon laboratoire de recherche et le service d’endocrinologie du professeur Philippe Bouchard, aboutissant à la publication régulière de travaux scientifiques précliniques et cliniques. Avec le professeur Bouchard, nous partageons les mêmes passions médicales : l’étude des cibles thérapeutiques des SERMs, et des stéroïdes physiologiques ainsi que des progestatifs et œstrogènes de synthèse utilisés dans les domaines de la contraception et de la ménopause. Au fil des années, une solide amitié s’est nouée entre les membres de nos équipes, en particulier avec le professeur Christin-Maitre, le docteur Nathalie ChabbertBuffet et surtout le docteur Axelle Pintiaux, gynécologue-endocrinologue liégeoise qui apprécia son séjour de longue durée à Paris sous la conduite du professeur Bouchard. Elle dirige à présent notre clinique de la ménopause. D’autre part, sur le plan de la cancérologie sénologique et de la physiologie mammaire, l’équipe du professeur Serge Uzan, doyen de la faculté de médecine et chef du service de gynécologie-obstétrique à l’Hôpital Tenon, collabore avec nos cliniciens et chercheurs dans le domaine des cancers à haut risque de transmission génétique. Le Centre clinique, créé par le professeur Uzan pour développer la gestion intégrée des familles porteuses de mutations des gènes BRCA1 et BRCA2, a aujourd’hui une réputation internationale. Le docteur Joëlle Desreux bénéficie du soutien du professeur Uzan et de son équipe pour organiser, dans notre université, un centre qui puisse, de manière similaire, intégrer des soins spécifiques et conseiller les patients qui devront en bénéficier. En outre, sur le plan de l’implantation embryonnaire, de la vascularisation placentaire et de la prééclampsie, le professeur Uzan et moimême participons à des travaux de recherche communs. C’est son équipe qui découvrit l’action bénéfique de faibles doses d’aspirine dans la prévention de la prééclampsie. Non seulement un brillant doyen, et un chef d’orchestre hors pair de sa faculté de médecine, il est aussi un grand patron clinicien, chirurgien et homme de science, curieux et travailleur acharné. Finalement, au cours de ma carrière, j’ai noué des relations professionnelles et amicales avec de nombreux collègues de l’UPMC. Citons le professeur Tabassome Simon qui travaille au service de pharmacologie de l’Hôpital Saint Antoine, et les brillants obstétriciens, le professeur Jacques Milliez et le professeur Bruno Carbonne. Comment percevez-vous la position de l’UPMC dans le paysage international de l’enseignement supérieur et de la recherche ? JMF - L’université Pierre et Marie Curie est la première université de France. Elle est un fleuron qui rayonne bien au-delà de Paris, à travers la France et toute la Francophonie. L’anglais s’est certes imposé comme outil de dialogue scientifique intercontinental. Toutefois, la pensée scientifique et médicale bénéficie grandement de la curiosité latine, de la qualité exemplaire de l’enseignement et des unités d’excellence de l’UPMC. Il est donc extrêmement important que des relations structurées puissent être organisées au niveau de l’enseignement supérieur et de la recherche entre les États européens. Les programmes ERASMUS, les programmes d’échanges scientifiques et les programmes d’investissements, de mobilité des scientifiques, des étudiants et des chercheurs révolutionnent notre conception de l’apprentissage et de l’acquisition des compétences. C’est en confrontant nos pédagogies, nos recherches respectives, nos procédés d’enseignement entre universités d’excellence que nous pouvons remettre en question nos certitudes, progresser, et permettre l’avènement de générations scientifiques, médicales, et intellectuelles meilleures, mieux armées dans le paysage économique européen, mais aussi social et éthique, pour devenir les citoyens d’une Europe unie, respectueuse de ses différences. le dépassent, condition essentielle de progrès et d’investissement dans un futur meilleur. L’université de Liège, mon département de gynécologie-obstétrique, mon laboratoire de recherche et les équipes parmi les meilleures de France au sein de l’UPMC, trouveront dans cette distinction un trait d’union supplémentaire unissant les collaborations scientifiques, le respect humain et l’amitié fraternelle non seulement entre les « patrons » mais aussi entre les équipes de chercheurs et de doctorants, pour le plus grand bien de nos patients et des malades qui sont avant tout l’une de nos préoccupations essentielles. Que représente pour vous cette distinction de docteur honoris causa ? JMF - La distinction de docteur honoris causa est une source de reconnaissance. Elle doit inciter à la modestie. En effet, elle récompense une équipe plus qu’un seul homme. Un docteur honoris causa ne peut qu’espérer que ses collaborateurs de la nouvelle génération 13 jean-michel foidart Professor at the University of Liege, Belgium Jean-Michel Foidart is an obstetrician-gynecologist who combines a career as a researcher and a clinical responsibility of great magnitude. His reputation is tied to his fundamental work on the extracellular matrix of reproductive tissues and on cervical cancer in women. He is an expert of eclampsia, and of implantation and proliferation of breast cancer. Teaching at the College of Belgium, he has received numerous Belgian and international awards, including the grand prize from the National Fund for Scientific Research in Belgium in 2005. He currently chairs the College «Mother / New Born», which advises the Health Minister as regards medicine of reproduction. 14 T h i s h o n o ra r y d o c to ra te rew a rd s a n exce p t i o n a l b o d y o f wo r k a n d s i g n i f i ca n t co n t r i b u t i o n s to g y n e co lo g y / o b ste t r i c s a n d o n co lo g y re s e a rc h . W h a t a re yo u c u r re n t re s e a rc h priorities? JMF - Over the last decade we have concentrated on normal and pathological angiogenesis in neoplastic diseases, as well as precancerous pathologies and conditions such as age-related macular degeneration, endometriosis or abnormally invasive placentation (placenta percreta and accreta). A molecular dissection of the mechanisms controlling angiogenesis, lymphangiogenesis and vessel maturation helps improve control of organ growth and embryonic development and to identify dysfunctional endothelial cells and pericytes occurring in vascular diseases such as preeclampsia, diabetes, and atherosclerosis. This work also aims ultimately to asphyxiate cancerous tumors and to control better the development of various benign pathologies. Our current research aims also to characterize a new, recently described estrogen: ESTETROL. This estrogen, produced specifically by the human fetus, is a SERM (Selective Estrogen Receptor Modulator). Unlike other synthetic SERMs, this estrogen-SERM seems to be a specific agonist for estrogen’s «alpha» receptor. In the breast, in particular, it behaves as an antiestrogen, which gives it the advantage of inhibiting the proliferation of normal or cancerous breast cells, making it an antibreast cancer agent. Our work will focus particularly on the vascular safety and impact of this new, phy- siological, fetal estrogen on the properties of endothelial cells, on coronary function and on the prevention of atheroma during prolonged administration. It is therefore possible that estrogens, «demonized» by some American epidemiological tests performed using synthetic, non-physiological hormones, ultimately prove to be highly beneficial molecules for maintaining health in aging adults. You lead many scientific collaborations with researchers and teams from UPMC. Who specifically do you work with, and can you describe your shared projects? JMF - The significant scientific relationship we have forged between my research laboratory and Professor Philippe Bouchard’s department of Endocrinology leads regularly to publication of pre-clinical and clinical scientific studies. Professor Bouchard and I share the same medical passions: the study of SERMs’ therapeutic targets, of physiological steroids and of synthetic progestins and estrogens used in contraception and during menopause. Over the years a strong friendship has developed between members of our teams, in particular Prof. Christin-Maitre and Dr. Nathalie ChabbertBuffet, and endocrinologist gynecologist Dr. Axelle Pintiaux from Liege, who enjoyed a long-term stay in Paris under the guidance of Professor Bouchard. She now leads our Menopause Clinic. In addition, the team of Prof. Serge Uzan, dean of the Faculty of Medicine and head of gynecology and obstetrics at the Hôpital Tenon, works with our clinicians and researchers in the study of breast cancers with a high risk of genetic transmission. The Clinical Center, created by Professor Uzan to develop the integrated management of families carrying mutations of the BRCA1 and BRCA2 genes, now has an international reputation. Dr Joëlle Desreux is fortunate to have the support of Professor Uzan and his team for organizing a center in our university that can, in a similar fashion, integrate the special care and guidance that these patients should receive. Furthermore, Professor Uzan and I participate together in joint research on embryo implantation, placenta vascularization and preeclampsia. It is his team that discovered the beneficial effect of low doses of aspirin in preventing preeclampsia. He is not only a brilliant dean and peerless conductor of his outstanding Faculty of Medicine, he is also an inquisitive and hardworking master clinician, surgeon and scientist. Finally, during my career I have established professional relationships and friendships with many colleagues at UPMC. I would like to mention Professor Tabassome Simon, who works at the Hospital St Antoine department of pharmacology, and the brilliant obstetricians, Professors Jacques Miller and Bruno Carbonne. How do you view UPMC’s position in the research and higher education landscape, both at the European and international levels? JMF - Pierre & Marie Curie University is the premier university in France. It is a jewel that shines far beyond Paris, with an influence extending throughout France and all the Francophone countries. English has certainly emerged as the main tool of intercontinental scientific dialogue. However, scientific and medical thinking benefits greatly from Latin curiosity, and from UPMC’s exemplary quality of teaching and research units of excellence. It is therefore extremely important that structured relationships can be organized in higher education and research between European states. ERASMUS programs, scientific exchange programs and investment programs, and the international mobility of scientists, students and researchers all revolutionize our conception of learning and skill acquisition. It is in comparing our teaching methods, our respective research and our courses between top class universities that we can challenge our certainties, progress, and enable the development of stronger scientific, medical and intellectual generations who are better equipped in the European economic, social and ethical landscapes to become citizens of a united Europe, respectful of its differences. France, will find in this distinction an additional link uniting scientific collaborations, personal respect and brotherly friendship not only between the “bosses” but also between teams of researchers and doctoral students, for the greater good of our patients and the sick, who are after all our most essential concern. What does this honorary doctorate mean to you? JMF - The award of an honorary doctorate is a source of recognition that should incite modesty. Indeed, it rewards a team more than a man. As recipient of an honorary doctorate, one can only hope to be overtaken by one’s colleagues of the next generation, which is an essential condition for progress and investment in a better future. The Université de Liège, my gynecology and obstetrics department, my research laboratory and UPMC’s teams, who are among the best in 15 susan hockfield Présidente de l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT), Boston, États-Unis Susan Hockfield est présidente du prestigieux MIT depuis 2005. En plus de sa riche carrière politique et administrative, qu’elle a d’abord commencée à l’université de Yale, elle a toujours poursuivi des activités de recherche. Utilisant des anticorps monoclonaux sur des extraits de cerveau, elle a découvert un gène qui joue un rôle crucial dans la propagation du cancer dans cet organe. Cette découverte a débouché sur la caractérisation d’une famille de protéines de la surface cellulaire. Elle a reçu de très nombreux prix et distinctions comme la Sheffield Medal de l’université de Yale en 2004 et le Golden Plate Award de l’Academy of Achievement en 2005. 16 Ce doctorat honoris causa vient récompenser l’ensemble de vos travaux et de nombreuses contributions dans le domaine des neurosciences. Selon vous, quels sont les plus significatifs ? SH - Les travaux auxquels j’ai participé, démontrant que l’expérience peut modifier définitivement l’expression des gènes et des protéines dans le cerveau, ont fourni les premiers candidats moléculaires agissant sur la stabilisation des connexions dans le cerveau en développement. Bien que des observations anatomiques et physiologiques aient montré des modifications dépendantes de l’activité, le concept selon lequel un changement biochimique correspondant laisserait une trace permanente était tout à fait nouveau. Il s’avère que la famille de molécules que nous avons identifiée joue un rôle dans l’inhibition du remodelage du cerveau et est d’une grande importance dans son processus de développement ; elle a également des implications puissantes dans la capacité (ou l’incapacité) du cerveau mature à reconstruire des réseaux neuronaux après une blessure. L’accélération considérable du rythme de recherche en neurosciences moléculaires a permis de mieux comprendre comment ces découvertes précoces et durement gagnées sur un seul gène ou une seule protéine s’intègrent dans des systèmes complexes. En tant que scientifique, le sentiment d’avoir contribué à ajouter un autre maillon, même modeste, à la chaîne de la connaissance est très gratifiant. En tant que présidente du MIT, je ne dirige plus de laboratoire de recherche, mais je suis très optimiste au regard du travail extraordinaire de nombreux laboratoires de neurosciences au MIT et ailleurs qui déplace désormais les découvertes du laboratoire au chevet du malade. Il n’y a pas longtemps, les neurosciences étaient essentiellement des sciences descriptives, fascinantes, mais sans grand espoir d’application pratique à court terme. Aujourd’hui, avec les outils de la biologie moléculaire, des technologies comme l’imagerie fonctionnelle par résonance magnétique et la montée en puissance du calcul de pointe et d’autres stratégies de l’ingénierie, l’étude de la conscience et du cerveau fait des bonds vers le monde réel. Je suis sûre que de notre vivant, nous verrons de nouvelles avancées contre des troubles complexes et jusque-là insolubles, comme l’autisme ou la maladie d’Alzheimer. Comment, selon vous, la situation des femmes dans le domaine de la recherche scientifique a-t-elle évolué au cours de votre carrière ? Des mesures proactives menées auprès des jeunes femmes pour la promotion de la formation et des carrières scientifiques sont-elles encore nécessaires ? Y a-t-il des exemples de telles mesures prises au MIT ? SH - J’aimerais commencer par l’exemple d’une des professeures les plus éminentes du MIT, Barbara Liskov. Il y a quarante et un ans, elle a été la première femme aux États-Unis, et probablement au monde, à recevoir un doctorat en informatique. L’année dernière, elle a remporté le prix Turing, considéré comme le prix Nobel de l’informatique. Mais quand elle était au collège, son père lui a conseillé de prendre un cours de dactylographie, au cas où elle devrait gagner sa vie comme secrétaire. Certes, le monde a changé, et de façon à me remplir vraiment d’espoir. Cela dit, il reste des obstacles allant de la difficulté à concilier les exigences d’une jeune famille avec l’intensité d’une carrière scientifique, aux inhibitions culturelles qui font que les filles ne s’attendent pas à réussir en mathématiques et en sciences. Les étudiants et professeurs du MIT ont développé un éventail de programmes pour faire venir des collégiennes et des lycéennes sur notre campus et dans nos laboratoires, et les enthousiasmer autour de ce qu’elles pourraient réaliser dans le monde grâce à la puissance des mathématiques, des sciences et de l’ingénierie. Le MIT a officiellement commencé à admettre des femmes en 1883, mais relativement peu de femmes se sont inscrites avant les années 1960. Cette année, 45 % de nos étudiants sont des femmes, même avec notre concentration intense autour de la science et de la technologie. Nos professeures mènent des projets de recherche extrêmement impressionnants, de Maria Zuber, qui dirige un projet de 420 millions de dollars sur l’exploration de la lune avec des satellites jumeaux, à Angela Belcher et Paula Hammond, qui ont inventé de nouvelles batteries révolutionnaires qui s’assemblent elles-mêmes à l’aide de virus bénins, en passant par JoAnne Stubbe, décorée de la Médaille nationale de la Science cette année pour ses travaux qui expliquent les mécanismes d’enzymes au rôle essentiel dans la réplication et la réparation de l’ADN. La créativité et les accomplissements de ces chercheuses remarquables aident définitivement les jeunes femmes à imaginer une vie productive et épanouie dans tous les domaines de la science. En tant que présidente du MIT, quelles sont les stratégies principales que vous appuyez afin de renforcer les partenariats avec d’autres universités et établissements de recherche à travers le monde ? SH - Au MIT, nous suivons la curiosité de nos chercheurs. Leur quête de questions de recherche importantes et de collaborateurs productifs, est à l’origine d’une série d’engagements mondiaux significatifs, depuis l’Institut de science et de technologie de Masdar à Abu Dhabi, situé dans la ville de Masdar à zéro carbone et zéro déchets, à notre Alliance pour l’énergie à faibles émissions de carbone avec l’université Tsinghua et l’université de Cambridge, en passant par notre travail multi-facettes à Singapour, notamment le lancement récent de l’université de technologie et du design de Singapour, établie en collaboration avec le MIT, où l’intégration de la conception et de l’ingénierie fournira les bases d’un nouveau programme de formation. minante de la vie universitaire, en particulier dans le domaine de la science et des technologies : les mêmes idées sont poursuivies en parallèle autour du globe. Dans un monde trop souvent brisé par les conflits, cette tradition d’un « intellect universel » représente une force de communion importante pour l’humanité, et un outil puissant utile à l’ambition mondiale unifiée de faire avancer le bien commun. Si nous nourrissons cet « intellect universel » en partageant nos connaissances et en tendant la main pour travailler avec des collaborateurs de l’autre côté de l’Atlantique et partout dans le monde, et si nous formons nos étudiants à apprécier la valeur de cette remarquable tradition, nous apporterons de grandes contributions à l’invention d’un avenir meilleur pour toute l’Humanité. Si nous voulons relever les grands défis mondiaux de cette ère, il devient de plus en plus important de travailler avec des partenaires au-delà de nos frontières géographiques. La frontière de l’innovation s’étend maintenant à travers le monde ; nous devons nous engager avec d’autres plaques tournantes de l’innovation afin de continuer à être un moteur pour des idées nouvelles. Que représente pour vous ce doctorat honoris causa ? SH - C’est un honneur extraordinaire d’être reconnue par l’UPMC, qui n’est pas seulement la principale institution scientifique en France, mais qui est aussi l’incarnation des valeurs et des normes scientifiques de Pierre et Marie Curie, qui continuent à nous inspirer de manière incommensurable. Plus largement, cet honneur traduit une caractéristique déter- 17 w susan hockfield President of the Massachusetts Institute of Technology (MIT), Boston, United States Susan Hockfield has been President of the prestigious MIT since 2005. In addition to her rich political and administrative career, which she began at Yale University, she has never ceased her research activities. Using monoclonal antibodies on brain extracts, she discovered a gene that plays a crucial role in the spread of cancer in the brain. This discovery led to the characterization of a family of cell surface proteins. She has received many prizes and distinctions, such as Yale University’s Sheffield Medal in 2004 and the Golden Plate Award of the Academy of Achievement in 2005. 18 This honorary doctorate rewards an exceptional body of work and numerous contributions to neuroscience. Which of your research achievements do you feel are most significant, and why? SH -The work my colleagues and I did demonstrating that experience can permanently alter the expression of genes and proteins in the brain provided the first molecular candidates for stabilizing connections in the developing brain. While anatomical and physiological observations had shown activity dependent changes, the concept that a corresponding biochemical change would leave a permanent trace was quite novel. The family of molecules we identified has been shown to play a role in inhibiting brain remodeling and has great significance in brain development; it also has powerful implications for the ability (or lack thereof) of the mature brain to “rewire” after injury. The vastly accelerating pace of molecular neuroscience has provided insight into how those early, hard-won, single gene and single protein discoveries fit in complex systems. As a scientist, it’s deeply gratifying to feel that you have helped add another link, however modest, to the chain of knowledge. As MIT’s president, I no longer maintain an active research lab, but I am enormously encouraged by the extraordinary work of the many neuroscience labs at MIT and elsewhere that is now moving discoveries from the bench to the bedside. Not long ago, neuroscience was essentially a descriptive science – fascinating, but without much hope for practical application in the near term. Today, with the tools of molecular biology, technologies like functional magnetic resonance imaging and the growing power of advanced computation and other strategies from engineering, the study of the mind and brain is racing towards real-world significance. I’m optimistic that in our lifetime, we will see new advances against complex and previously intractable disorders like autism and Alzheimer’s disease. How do you feel the situation for women in the field of scientific research has evolved over the space of your career so far? Are proactive measures for the promotion of scientific education and careers for girls and young women still necessary? Are there examples of such measures undertaken at MIT? SH -Let me start with the example of one of MIT’s most distinguished faculty members, Barbara Liskov. Forty-one years ago, she was the first woman in the United States, and likely the world, to receive a doctorate in computer science. Just last year, she won the Turing Award, considered to be the Nobel Prize of computer science. But when she was in school, her father suggested that she take a course in typing, in case she had to support herself as a secretary. Certainly the world has changed, and in ways that make me extremely hopeful. Having said that, barriers do remain, from the challenges of balancing the demands of a young family with the intensity of a scientific career, to cultural inhibitions that keep girls from expecting themselves to succeed in math and science. Students and faculty at MIT have developed a range of programs to bring middle school and high school girls to our campus and our labs, to get them excited about what they could achieve in the world through the power of math, science and engineering. MIT began officially admitting women in 1883, but relatively few women enrolled before the 1960s. This year, 45% of our undergraduates are women, even with our intensive focus on science and technology. Our female professors lead extraordinarily impressive research projects, from Maria Zuber, who heads a $420 million project to explore the moon using twin satellites, to Angela Belcher and Paula Hammond, who invented revolutionary new batteries that are self-assembled by benign viruses, to JoAnne Stubbe, decorated with the National Medal of Science this year for her work in understanding the mechanisms of enzymes that play an essential role in DNA replication and repair. The creativity and accomplishments of these remarkable scholars make it much easier for girls and young women to imagine a productive and fulfilling life in science. As President of MIT, what are the main strategies you support in order to strengthen partnerships with other universities and research institutions around the world? SH - At MIT, we follow the research interests of our faculty members. Our faculty’s pursuit of important research problems and productive collaborators has initiated a range of significant global engagements, from Abu Dhabi’s Masdar Institute of Science and Technology, located in the zero-carbon, zero-waste Masdar City, to our Alliance for Low-Carbon Energy with Tsinghua Universityand the University of Cambridge, to ourmulti-faceted work in Singapore including the recent launch of the Singapore University of Technology and Design, established in collaboration with MIT, where the integration of design and engineering will provide the foundation for a new curriculum. If we want to tackle this era’s great, global challenges, working with partners across geographic boundaries becomes increasingly important. The innovation frontier now stretches around the world; we must engage with other hubs of innovation to remain on that frontier and to continue to be an engine for new ideas. What does this honorary degree represent for you? SH - It is an extraordinary honor to be recognized by UPMC, which is not only the leading institution of science in France, but also the embodiment of the incalculably inspiring scientific values and standards of Pierre and Marie Curie. More broadly, this honor speaks to a defining feature of academic life, particularly in the sciences and technology: that the same ideas are pursued simultaneously around the globe. In a world too often fractured by conflict, this tradition of the “global intellectual commons” represents an important convening force for humankind and a powerful tool for a unified global ambition to advance the common good. If we nurture the global intellectual commons by sharing our knowledge and reaching out to work with collaborators across the Atlantic and siological, around the world, and iffetal we estrogen train ouron the properties of endothelial cells, students to appreciate the value of on thiscoronary function and we on can the prevention of atheroma during remarkable tradition, make great prolonged administration. contributions towards inventing a better It is therefore possible that estrogens, «demonized» by future for all of humankind. some American epidemiological tests performed using synthetic, non-physiological hormones, ultimately prove to be highly beneficial molecules for maintaining health in aging adults. You lead many scientific collaborations with researchers and teams from UPMC. Who specifically do you work with, and can you describe your shared projects? JMF - The significant scientific relationship we have forged between my research laboratory and Professor Philippe Bouchard’s department of Endocrinology leads regularly to publication of pre-clinical and clinical scientific studies. Professor Bouchard and I share the same medical passions: the study of SERMs’ therapeutic targets, of physiological steroids and of synthetic progestins and estrogens used in contraception and during menopause. Over the years a strong friendship has developed between members of our teams, in particular Prof. Christin-Maitre and Dr. Nathalie ChabbertBuffet, and endocrinologist gynecologist Dr. Axelle Pintiaux from Liege, who enjoyed a long-term stay in Paris under the guidance of Professor Bouchard. She now leads our Menopause Clinic. In addition, the team of Prof. Serge Uzan, dean of the Faculty of Medicine and head of gynecology and obstetrics at the Hôpital Tenon, works with our clinicians and 19 nadia rosenthal Directrice du Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL), Monterotondo, Italie Nadia Rosenthal s’est distinguée dans le domaine de la recherche musculaire et cardiaque. Formée à Harvard, elle a par la suite créé un laboratoire à Boston. C’est en biologie moléculaire du muscle qu’elle occupe alors une des premières places. Elle prend plus tard la direction du Laboratoire européen de biologie moléculaire et rejoint au même moment un grand centre de cardiologie à Londres. En 2008, elle fonde un important centre de recherche en Australie : l’Institut australien de médecine régénérative. Habituée des prix et des distinctions, elle a reçu en 2002 le Ferrari-Soave Prize in Cell Biology de l’université de Turin. 20 Ce doctorat honoris causa vient récompenser l’ensemble de vos travaux et de nombreuses contributions dans le domaine de la biologie régénérative et de la recherche autour des cellules souches. Quels sont les plus significatifs selon vous ? NR - La médecine régénérative est un domaine relativement récent mais en plein essor, qui recouvre les mécanismes par lesquels les organismes adultes restaurent leur forme et leur fonction aux tissus et aux organes endommagés. Nous avons obtenu des résultats considérables qui nous ont permis d’avancer vers nos objectifs, comme trouver des techniques pour restaurer une partie de la capacité régénérative des tissus mammaliens, phénomène qui se produit naturellement dans les embryons mais qui s’arrête après la naissance. Nous avons travaillé sur des souris afin d’exprimer les facteurs spécifiques qui régénèrent les muscles, et qui permettent à la souris de se remettre complètement des blessures, de résister aux maladies musculaires et de défier les processus de vieillissement. Ces travaux proposent des pistes significatives sur le plan clinique au niveau de la prévention des maladies liées aux déficiences musculaires, comme dans la dystrophie musculaire ou l’insuffisance cardiaque. Ces résultats nous éclairent sur les processus de mobilisation des cellules souches à travers le corps, ainsi que sur leur prise de fonctions spécialisées dans les tissus. En améliorant la nature, nous espérons améliorer les pratiques de la médecine. Quels sont vos futurs projets et objectifs de recherches ? NR - J’ai toujours voulu revenir à la biologie du développement (dont les modèles me fascinent depuis mon enfance) pour y appliquer les outils de recherche génétique que j’ai appris entre-temps. Les vertébrés inférieurs peuvent réinitialiser le développement cellulaire et régénérer des membres entiers, comme les nageoires, la queue, la mâchoire ou même des parties du cœur. En revanche, nous humains ne pouvons pas régénérer beaucoup plus de cellules que l’équivalent du bout de notre doigt. Tous les organismes ont des capacités fondamentales de régénération, mais chez les vertébrés supérieurs la régénération semble être entravée par la formation de cicatrices, par l’insuffisance des réserves de cellules souches, ou par un manque de structuration dans les tissus de remplacement sur la plaie réparée. J’aimerais mieux comprendre les processus de régénération de divers organismes pour pouvoir améliorer notre propre capacité à régénérer nos organes ou nos tissus en cas de détérioration ou de maladie. À l’avenir, je compte appliquer certains des principes que nous avons décelés en étudiant la souris, à d’autres organismes plus régénératifs, tels que le poisson ou la salamandre. Nous pourrons rapidement progresser puisque l’amélioration des techniques de séquençage de l’ADN et la manipulation génétique plus sophistiquée ont révélé l’empreinte génétique de ces animaux. En fin de compte, les mécanismes spécialisés dans ces organismes peuvent nous en dire long sur les obstacles auxquels nous sommes confrontés en médecine régénérative. En plus de vos activités de recherche, vous avez dirigé des équipes et des instituts de recherche sur trois continents. Selon vous, quels sont les défis majeurs des chercheurs, d’une part, et des établissements de recherche, d’autre part, générés par l’actuel environnement scientifique mondialisé ? NR - Je ne saurais mieux répondre à cette question qu’en utilisant la génétique des souris comme exemple. Pendant les dix dernières années, la communauté de recherche sur la génétique des souris est passée d’une liste d’individus éparpillés, travaillant chacun sur un gène ou un groupe de gènes, à un consortium extrêmement interactif avec des financements internationaux et qui établit collectivement des objectifs à long terme visant à réaliser un panel génétique complet de la physiologie et la pathologie des mammifères. La mise en place d’une initiative de génomique fonctionnelle systématique de la souris n’aurait jamais pu naître de la réflexion d’un seul chercheur ou d’un seul institut, et a déjà aujourd’hui un impact majeur sur le développement de nouvelles thérapeutiques basées sur l’identification de gènes cibles. La démarche collective porte également ses fruits pour les chercheurs individuels qui peuvent à présent commander une souris knock-out à un prix raisonnable et en un temps bien moindre que s’ils l’avaient conçue eux-mêmes. Ces avancées ont d’importants impacts sur les programmes de financement futur. Les chercheurs européens, à l’avant-garde de la recherche en génomique des mammifères à travers le développement de leurs outils basés sur la souris, sont maintenant bien placés pour mener des recherches biomédicales pendant les dix prochaines années, grâce peut-être à des compétences collaboratives très développées. Mais nous ne pouvons pas agir seuls. Les prochaines étapes doivent désormais être examinées collectivement en Europe et à l’étranger. Une approche concertée capitalisant sagement sur l’investissement européen déjà réalisé dans ce domaine sera clairement plus rapide et plus efficace financièrement pour répondre aux grandes questions des pathologies humaines. Comment la situation des femmes dans le domaine de la recherche scientifique a-t-elle évolué au cours de votre carrière? Les mesures proactives menées auprès des jeunes femmes pour la promotion de la formation et des carrières scientifiques, sont-elles encore nécessaires ? NR - En tant que scientifiques, nous sommes tous mordus par le même défaut de curiosité universelle et avons tous la même crainte de l’échec personnel, mais les femmes portent un fardeau supplémentaire : la discrimination. Comme la féministe Gloria Steinem a dit récemment, celui qui pense que la société d’aujourd’hui est à l’aise avec les femmes en position de pouvoir a besoin de lunettes. En ce début du xxie siècle, nous sommes en général à l’aise avec la notion abstraite qu’une femme ait autant le droit de satisfaire sa curiosité scientifique qu’un homme. Les chercheuses en sciences de la vie abondent dans les établissements universitaires, du moins jusqu’à ce que les postes, l’argent et l’espace atteignent une certaine limite (en général au niveau du professeur associé) ; puis d’un coup, le taux de déperdition augmente honteusement. Et ce n’est pas seulement une question d’enfants. Il y a beaucoup de femmes sans enfant qui abandonnent, et celles qui ont atteint des positions de pouvoir dans leur métier sont tout aussi susceptibles d’avoir ou non des enfants. Il y a mille manières, plus ou moins subtiles, de décourager une jeune chercheuse pour la détourner des joies de la découverte et la dissuader de demander plus de place ou de soutien quand elle en a clairement besoin et qu’elle le mérite. Il est également important d’identifier nos propres obstacles. Nous ne sommes pas toutes suffisamment équipées pour faire face à la concurrence, sur les postes, les promotions ou les publications ; et la concurrence est une constante dans la recherche. Par-dessus tout, nous devons reconnaître le pouvoir que donne un financement de recherche externe, et savoir en demander assez. Comment donc pouvons-nous promouvoir un sentiment d’ayant droit parmi les femmes dans la science ? C’est un problème complexe qui nécessite beaucoup plus d’attention qu’il n’a pu en recevoir jusqu’ici. Toute stratégie que nous développons ou employons pour survivre et prospérer doit commencer par saisir l’opportunité au bon moment et l’utiliser à notre avantage. La patience n’est pas la vertu que j’inciterais ici, mais plutôt une intolérance obstinée du compromis personnel. Cela requiert une habile élaboration de stratégies pour continuer à faire ce qui nous intéresse, face au passage de modes et au financement instable. Mais au centre de tout il doit y avoir une passion personnelle pour la science. Que représente pour vous ce doctorat honoris causa ? Envisagez-vous d’autres collaborations scientifiques avec l’UPMC ? NR - Ce doctorat représente la reconnaissance de mes pairs scientifiques, un des honneurs les plus importants que l’on puisse recevoir dans la recherche. En ce qui concerne les collaborations, elles naissent entre les personnes plutôt qu’entre les institutions. Je suis très enthousiaste à l’idée d’en apprendre davantage sur les chercheurs de l’UPMC, ainsi que de forger des connexions autour de mon propre travail et de celui de mes collègues de l’EMBL. 21 nadia rosenthal Head of the European Laboratory of Molecular Biology (EMBL), Monterotondo, Italy Nadia Rosenthal is an outstanding figure in research on muscle and cardiology. Trained at Harvard, she has subsequently established in Boston a laboratory which now occupies one of the first places in the field of muscle molecular biology. She later managed the European Laboratory of Molecular Biology and joined at the same time a large cardiology center in London. In 2008, she founded a large research center in Australia: the Australian Institute of Regenerative Medicine. Regular recipient of prizes and distinctions, she was awarded the 2002 FerrariSoave Prize in Cell Biology from the University of Turin. 22 This honorary doctorate rewards an exceptional body of work and numerous contributions to stem cell research and regenerative biology. Which of your research achievements do you feel are most significant, and why? NR - Regenerative medicine is a relatively new but exploding field that broadly refers to the mechanisms whereby adult organisms restore form and function to damaged tissues and organs. We have made significant headway in our goal to find way to restore some of the regenerative ability of mammalian tissues, which happens naturally in embryos, but is lost shortly after birth. We have engineered mice to express specific factors that regenerate muscle, letting the mice recover fully from injuries, resist muscle disease and defy the aging process. This work suggests clinically relevant avenues for preventing disease-related muscle frailty, as in muscular dystrophy or heart failure and gives new insight into how stem cells can be mobilized across the body, and how they take on specialized functions in tissues. By improving on nature we hope to improve the way medicine is practicednear term. What are your future research projects and goals? NR - I’ve always wanted to get back to developmental biology--to those patterns that had fascinated me as a child--and apply the genetic research tools I’ve learned in the meantime. Lower vertebrates can recapitulate development by regenerating whole limbs, fins and tails – even jaws and parts of their hearts if they are injured. In contrast, we can’t regenerate much more than a fingertip. All organisms have some funda- fundamental capacity to regenerate, but in higher vertebrates, regeneration seems to be prevented by scar formation, or by inadequate stem cell pools, or by a lack of patterning in the replacement tissues of the repaired wound. I’d like to understand the processes of regeneration in different organisms well enough to be able to improve our own capacity to regenerate in cases of damage or disease. In the future I plan to apply some of the principles we have learned in mice to the study of other, more regenerative organisms, such as the fish or salamander. We can make real headway now because the genetic blueprint of these animals is accessible through improved DNA sequencing techniques and more sophisticated gene manipulation. Ultimately, the specialized mechanisms in these organisms can tell us a lot about the impediments we face in regenerative medicine. In addition to your research activities, you have headed research teams and institutes on three continents. In your opinion, what challenges for individual scientists, on the one hand, and research institutions, on the other, are generated by the current, truly globalized scientific arena? NR -I can best speak to this issue using the current revolution in mouse genetics as an example. Over the past ten years since I left the US, mouse genetics research has been transformed from a scattered list of individuals each working on a gene or set of genes, to a highly interactive, internationally funded consortium, who collectively have set long-term goals for achieving a comprehensive genetics-based view of mammalian physiology and pathology. The establishment of a systematic mouse functional genomics initiative could never have been accomplished by an individual scientist or institute, and is already having a major impact upon the identification of gene-based targets for the development of novel therapeutics. The collective approach is also bearing fruit for the individual scientist, who now can order up a knockout mouse at a fraction of the cost and time it used to take to produce one herself. These advances have important ramifications for future funding schemes. European scientists have been in the vanguard of mammalian genomic research through their development of mouse-based tools, and are now positioned to lead biomedical research into the next decade, perhaps because of our more highly developed collaborative skills, but we cannot do it alone. The next steps must now be considered together as a research community within Europe and abroad. A concerted approach to capitalize wisely on the European investment already made in this area is clearly the most rapid and cost-effective way to crack the big questions in human disease. How do you feel the situation for women in the field of scientific research has evolved over the space of your career so far? Are proactive measures for the promotion of scientific education and careers for girls and young women still necessary? NR - As scientists, we are all bitten by the same bug of universal curiosity and have the same dread of personal failure, but women have the additional burden of discrimination. As the feminist Gloria Steinem recently said, anyone who thinks that today’s society is comfortable with women in power needs glasses. At the beginning of the 21st century, we are generally comfortable with the abstract notion that a woman is equally entitled to satisfy her scientific curiosity. Female life scientists abound in academic institutions, at least until the positions and money and space become limited (usually at the Associate Professorship level), then the attrition rate is embarrassingly high. And it’s not just about children. There are plenty of childless women on the drop-out list, and those who have attained positions of power in their profession are just as likely to have children as not. There are a thousand subtle and not-sosubtle ways to discourage a young researcher, to distract her from the joys of discovery and dissuade her from demanding more space or more support when she clearly needs and deserves it. It’s also important to identify our own impediments. We are not all well enough equipped to deal with competition – for positions, promotions or papers – and competition is a constant in research. Above all, we need to recognize the power imparted by external research funding and ask for enough of it. would espouse here, but rather a stubborn intolerance of personal compromise when it comes to the ideas in your head. It takes clever strategizing to keep doing what interests you, in the face of shifting fashions and inconsistent funding. But the centerpiece has to be a personal passion for science. What does this honorary degree represent for you? Is there scope for scientific collaboration with UPMC in the future? NR - This degree represents recognition by my fellow scientists, which is the highest honour one can receive in research. As for collaborations, they arise between people rather than with institutions. I am very excited about the prospect of learning more about researchers at UPMC, and forging connections to my own work and that of my colleagues at EMBL through the opportunities for interaction that may arise through this distinction. How then, do we promote a sense of entitlement amongst women in science? It’s a multifaceted problem that requires much more attention than it has received. Any strategies we develop or employ to survive and flourish must begin with seizing the moment as it unfolds and using it to our best advantage. Patience is not the virtue I 23 Joseph Silk Professeur Savilian d’astronomie, université d’Oxford, Royaume-Uni Astrophysicien, Joseph Silk est sans conteste l’un des pionniers de la cosmologie moderne. Ses travaux de recherche ont marqué tous les domaines de la cosmologie, depuis l’origine des fluctuations de densité qui ont donné naissance aux grandes structures de l’Univers, jusqu’à la formation et l’évolution des galaxies. Docteur honoris causa de l’École normale supérieure de Lyon et de l’université de Rome (2005), il s’est vu remettre de nombreux prix comme la Gold Medal of the Royal Astronomical Society (UK) en 2008. 24 Ce doctorat honoris causa vient récompenser l’ensemble de vos travaux. De nombreux chercheurs connaissent le processus d’amortissement sans collision, le « Silk damping », qui porte votre nom. Pourriezvous nous parler de vos travaux actuels ? JS - J’étudie une nouvelle forme d’accélérateur de particules qui promet de surpasser toutes les machines terrestres imaginables. Deux ingrédients sont nécessaires. Le premier : un trou noir immense. Ces derniers sont censés être omniprésents dans notre galaxie, et sont les blocs de construction reliques du trou noir supermassif au centre de notre galaxie. Le second : l’existence de la matière sombre sous forme de particules élémentaires interagissant faiblement entre elles. Très près du trou noir, ces particules s’accumulent et entrent en collision les unes avec les autres. Dans le cas du trou noir de Kerr (trou noir en rotation), les collisions dégagent une énergie énorme et des débris sont en mesure de s’échapper. Peut-être qu’un jour nous pourrons utiliser de tels systèmes pour étudier les interactions des particules dont les forces s’approchent de l’échelle ultime permise par la théorie, l’échelle de Planck. Qu’est-ce qui rend cette forme d’accélérateur de particules si prometteuse? Quels obstacles devrez-vous d’abord franchir? JS - Si l’on pouvait un jour détecter des débris de collisions de particules à proximité de l’horizon d’un trou noir, les résultats pourraient être d’une importance capitale pour notre connaissance de la nature fondamentale de l’univers, de sa matière et de son contenu énergétique. Par exemple, on pourrait atteindre des énergies de collision qui seraient largement au-delà de tout ce que le plus grand collisionneur de particules terrestres concevable pourrait jamais produire. Nous pourrions, du moins en principe, sonder le type d’unification des interactions fondamentales dans la nature. Bien entendu, nous devons d’abord trouver des trous noirs candidats et leurs cuspides de matière noire qui les entourent. La meilleure perspective pour la localisation de ceux-là vient de l’astronomie du rayon gamma, ou encore mieux, dans un avenir plus lointain, de l’astronomie neutrino. Comment l’étude de telles interactions des particules approfondirait notre compréhension de la formation des galaxies? JS - La matière noire fournit l’infrastructure à partir de laquelle les galaxies se forment. Si les particules de matière noire souffrent occasionnellement d’annihilations mutuelles, comme le suggère la théorie, l’énergie libérée peut jouer un rôle dans l’ionisation et le chauffage des nuages de gaz primordial à partir desquels les galaxies se sont développées. La nature des premières étoiles de l’Univers, la date précise de leur formation ainsi que leur nombre pourrait être influencés indirectement par la matière noire, par ses fluctuations de densité et par ses interactions. La détection de la première lumière dans l’Univers est l’un des principaux objectifs de la nouvelle génération de télescopes, comme l’European Extremely Large Telescope, long de 42 mètres et encore au stade de la conception. En plus de vos activités de recherche de pointe, vous avez écrit de nombreuses publications de vulgarisation scientifique. Est-ce que rendre la cosmologie accessible à un public plus large est un élément fondamental de votre travail ? JS - Il est crucial pour les scientifiques de communiquer leurs travaux à un public plus large. Je suis particulièrement chanceux car la cosmologie attire un public généraliste et fournit toujours un sujet de conversation très apprécié. Il est important de profiter de cette passerelle et d’expliquer notre sujet, nos objectifs et nos passions, dans des termes qui ne sont pas seulement accessibles mais qui sont aussi intéressants et attrayants pour le lecteur moyen. En tant que lauréat de la Chaire internationale Blaise Pascal, vous avez pu séjourner à l’Institut d’astrophysique de Paris en 1996. Qu’est-ce qui vous a attiré à Paris, et quels aspects de votre séjour retiendrez-vous ? JS - L’Institut d’astrophysique de Paris accueille la plus grande concentration en France d’astrophysiciens et de cosmologistes. Mon séjour, réparti sur deux ans, m’a permis d’initier de nombreuses collaborations qui perdurent encore aujourd’hui. J’ai développé de nouveaux thèmes de recherche et j’ai bénéficié d’interactions avec un large éventail de chercheurs en Île-de-France. Une autre initiative réussie qui a découlé de mon séjour, après mon retour à Oxford, était de créer un site de formation Marie Curie pour la formation doctorale en physique des astroparticules et en cosmologie. C’est là que mes contacts à l’IAP ont joué un rôle important afin d’y attirer les étudiants. hôte. Le trou noir et la galaxie elliptique se forment à la même époque dans l’Univers naissant. Pendant que le trou noir accumule du gaz et augmente en masse, il forme un écoulement violent. Lorsque le trou noir est suffisamment massif, essentiellement tout le gaz diffus qui reste est dispersé et la phase de croissance à la fois de la galaxie et du trou noir se termine. De cette manière, leurs masses sont inextricablement liées, comme le suggèrent les données d’observation. Dans un autre projet, nous avons exploré les conséquences de l’accumulation de matière noire autour du trou noir massif situé au centre de notre galaxie, la Voie lactée. Cela a conduit à des prévisions de flux améliorés des rayons gamma et d’autres produits du taux accru de collisions et d’annihilations de particules de matière noire capturés près du trou noir. La recherche de preuves de ce phénomène est toujours un thème d’expérimentation en astrophysique des particules. Que représente pour vous ce doctorat honoris causa ? Envisagez-vous plus de collaborations scientifiques avec l’UPMC à l’avenir ? JS - Je me réjouis de cet honneur. J’espère que cela conduira à de nombreuses autres collaborations. Pouvez-vous décrire les thèmes de recherche que vous avez commencé à explorer lors de votre séjour à Paris ? JS - Deux nouvelles initiatives majeures dans mes recherches sont nées à cette période. L’une était la notion intime et dynamique entre les trous noirs supermassifs et leur galaxie 25 joseph silk Savilian Professor of Astronomy, University of Oxford, United Kingdom Astrophysicist Joseph Silk is without question one of the pioneers of modern cosmology. His research has made its mark on all fields of cosmology, from the origin of density fluctuations which gave rise to the major structures of the universe, to galaxy formation and evolution. Holder of an honorary doctorate from the École Normale Supérieure in Lyon and the University of Rome (2005), he has been awarded numerous prizes, including the Gold Medal of the Royal Astronomical Society (UK) in 2008. 26 This honorary doctorate rewards an exceptional body of work, and many of those attending the ceremony will, at the very least, be familiar with silk damping. They will be less familiar with your current research interests. Can you tell us about what you have been working on recently? JS - I am studying a novel form of particle accelerator that promises to outdo any conceivable terrestrial machine. Two ingredients are required. One is a massive black hole. These are believed to be ubiquitous in our galaxy, and are the relic building blocks of the supermassive black hole at the centre of our galaxy. The second is the existence of dark matter in the form of weakly interacting elementary particles. Very near the black hole, these particles accumulate and collide with each other. In the case of a spinning black hole, the collisions occur at huge energy and the debris is able to escape. Perhaps we may use such systems one day to study the particle interactions at strengths that approach the ultimate scale allowed by theory, the Planck scale. What makes this form of particle accelerator so promising? Which difficulties must first be overcome? JS - If one could ever detect debris from particle collisions near the horizon of a black hole the results could be of profound importance for our knowledge of the fundamental nature of the universe and its matter and energy content. For example, one reach collision energies that are vastly in excess of anything that the largest conceivable terrestrial particle collider could ever produce. We could, at least in principle, probe the nature of the unification of the fundamental interac- tions of nature. Of course one first has to find candidate black holes and their surrounding cusps of dark matter. The best prospect for locating these comes from gamma ray astronomy or, even better, in the more distant future from neutrino astronomy. How would the study of such particle interactions further our understanding of galaxy formation? JS - Dark matter provides the infrastructure within which galaxies form. If the dark matter particles occasionally suffer mutual annihilations, as theory suggests, the energy released can play a role in ionizing and heating the primordial gas clouds from which the galaxies developed. The nature of the first stars in the universe might be influenced indirectly by the dark matter. Detecting the first light in the universe is one of the primary goals of the new generation of telescopes, such as the 42 metre European Extremely Large Telescope which is under design Study. Precisely when these first stars formed and in what numbers is influenced by the dark matter, its density fluctuations, and its interactions. In addition to your cutting edge research activities, you have also penned a number of popular science publications. Do you see making cosmology accessible to a broader public as a fundamental part of your work? JS - It is crucial for scientists to communicate their work to a broader public. I am especially fortunate in that cosmology has such a broad appeal. It provides an invariably popular subject of dinner conversation. It is important to take advantage of this gate- way and explain our subject, our goals, and our passions, in terms that are not just accessible but are interesting and appealing to the general reader. As a Laureate of the Blaise Pascal International Research Chair, you were able to spend a year at the Institut d’Astrophysique de Paris in 1996. What attracted you to Paris, and what aspects of this stay stand out in particular, both in terms of research conducted here and the general environment? JS - The Institut d’Astrophysique de Paris hosts the greatest concentration in France of astrophysicists and cosmologists. My stay, spread over two years, enabled me to initiate many collaborations which continue to this day. Can you give details of these collaborations? What links exist between the Oxford Astrophysics department and UPMC through the IAP? JS - I developed new research themes and benefited from interactions with a broad spectrum of scientists in the greater Paris area. One successful initiative that came out of my stay and after my move to Oxford was to set up a Marie Curie Training Site for Doctoral Training in Particle Astrophysics and Cosmology, in which my IAP contacts played an important role in attracting students. galaxy. Black hole and galaxy spheroid form coevally, in the early universe. As the black hole accretes gas and grows in mass it develops a violent outflow. When the black hole is sufficiently massive, essentially all remaining diffuse gas is dispersed, and the growth phase both of the galaxy and the black hole terminates. In this way, their masses are inextricably linked as is suggested by the observational data. Another project developed the implications of the accumulation of dark matter around the massive black hole in the centre of our own Milky Way galaxy. This led to predictions of enhanced fluxes of gamma rays and other products of the enhanced rate of collisions and annihilations of dark matter particles captured near the black hole. Searches for evidence of this phenomenon continue to be a theme of particle astrophysics experiments. What does this honorary degree represent for you? Is there further scope for scientific collaboration with UPMC in the future? JS - I am delighted by this honour. I hope that it will lead to many further collaborations. Can you describe the research themes you began to explore while in Paris? JS - Two major new initiatives in my research came out of this period. One was the notion of the intimate and dynamic relation between supermassive black holes and their host 27 susan solomon Professeur à l’université du Colorado et chercheur à la National Oceanographic and Atmospheric Administration (NOAA), États-Unis Susan Solomon fait partie des scientifiques mondialement reconnus dans le domaine des sciences du climat et de l’atmosphère. D’abord remarquée pour ses travaux en Antarctique sur la raréfaction de l’ozone, elle a depuis codirigé en 2007 les travaux du groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC). C’est en grande partie grâce à son action, que le GIEC a pu partager le prix Nobel de la Paix en 2007 avec Al Gore. En mars 2000, elle a reçu la Médaille nationale de la science qui est aux États-Unis la plus haute distinction scientifique. Membre associé étranger de l’Académie française des sciences, elle a obtenu la grande médaille de l’Académie des sciences en 2008. 28 Vos recherches sur le trou dans la couche d’ozone et les CFC sont comptées parmi les principaux facteurs qui ont conduit au protocole de Montréal et, par conséquent, à la reconstitution probable de la couche d’ozone. Depuis, quels sont vos travaux les plus significatifs selon vous ? SS - Après avoir démontré l’importance des CFC et de la chimie de surface des particules stratosphériques polaires pour la raréfaction de l’ozone antarctique, j’ai poursuivi en démontrant que les CFC et la chimie de surface des particules volcaniques sont également importants. Il s’avère que ce dernier fait explique la raréfaction accrue de l’ozone qui a eu lieu après deux éruptions majeures, El Chichon au début des années 1980 et Pinatubo au début des années 1990. Avec Dave Thompson, j’ai pu ensuite démontrer que l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique affecte le climat de surface de l’Antarctique de manière inattendue. L’appauvrissement de la zone stratosphérique est si grave en Antarctique que pendant certaines saisons, il modifie la configuration des vents jusqu’au sol, avec des effets importants sur le climat. Par ailleurs, j’ai travaillé récemment pour mieux comprendre l’irréversibilité des changements climatiques dus au dioxyde de carbone. Ces travaux nous ont aidé à clarifier comment les propriétés spécifiques de ce gaz rendent ses effets de changement climatique remarquablement durables. Le changement climatique reste cependant un plus grand défi que le trou d’ozone. Face à ce problème alarmant, quels objectifs de recherche sont les plus pressants dans les domaines de la climatologie et de la chimie atmosphérique? Quelles sont vos propres priorités de recherche actuellement ? SS - Il est fascinant et important de comprendre comment la gamme de produits chimiques dans notre atmosphère peut influencer le climat. Les particules de suie sont potentiellement un sujet capital, et plus particulièrement la question de la suie sur la neige et le rôle qu’elle pourrait jouer dans la disparition de la couverture neigeuse, des glaciers et de la banquise. Alors que le dioxyde de carbone est le principal gaz à effet de serre, d’autres gaz sont aussi importants. Je tente de mieux comprendre les effets de cet éventail de gaz, et la durée de vie réelle de leurs impacts sur le climat. Je reste fascinée par l’interaction entre la stratosphère et le climat de surface, et une large partie de mes travaux vise à mieux comprendre l’importance potentielle de la stratosphère dans le changement climatique, pas seulement en Antarctique mais partout ailleurs. Votre travail de recherche, d’une part, et votre rôle au sein du GIEC, d’autre part, sont des fonctions très différentes qui nécessitent des qualités différentes. Comment arrivezvous à concilier les deux? SS - En fait, je préconise toujours la science rigoureuse dans tout ce que je fais. Je pense que la recherche et les progrès scientifiques ont une valeur énorme, non seulement pour la science, mais aussi pour la société, et l’enjeu central du GIEC est de communiquer les connaissances scientifiques à la société. Les deux besoins sont totalement complémentaires. Je ne préconise pas une quelconque position politique sur le changement climatique, mais plutôt la valeur de la science à travers tout. Pour moi, le rôle de la science est de fournir des informations pour que notre société puisse prendre des décisions, les plus éclairées possibles ; mais il tient vraiment à la société de décider s’il convient de limiter le changement climatique ou non. La science fournit des informations et nous espérons qu’elle contribue de manière utile à ce choix, mais il n’appartient pas à la science de choisir puisque des questions de valeurs sont en cause. Quel niveau de risque est de trop ? Pour qui ? Ce sont des questions auxquelles chacun de nous en tant qu’individu ainsi que toutes les nations devrons répondre, et elles dépendent de beaucoup plus que de la science uniquement. Le prix Nobel que vous avez partagé en 2007 en tant que coprésident du premier groupe de travail du GIEC témoigne également du rôle extrêmement important que vous et vos collègues jouez dans la définition de questions qui nous touchent tous. Pour vous, que signifie ce prix Nobel ? SS - Il importe beaucoup que ce prix soit un prix de la paix, et non pas un prix de physique ou de chimie. On a ainsi reconnu que la science peut contribuer aux efforts du monde pour trouver la paix. Je crois profondément que la science peut apporter de la lumière dans un monde souvent sombre, et ce prix soutient ces propos. Mais il est important de souligner que les scientifiques impliqués dans le GIEC ne partagent pas vraiment un prix Nobel ; c’est l’organisation qui a reçu le prix. Ainsi, ni moi ni personne d’autre du GIEC n’est un lauréat du prix Nobel. Le Prix reconnaît l’importance du GIEC en tant qu’institution, et non chacun des individus qui forment ce groupe de réflexion. Vous vous êtes souvent décrite comme optimiste en ce qui concerne le changement climatique. L’êtes-vous toujours après Copenhague ? Les scientifiques peuventils en faire plus pour avoir un impact sur de telles réunions politiques, en préparation pour le Mexique par exemple? SH - Je suis une optimiste technologique, et je suis très impressionnée par certains des progrès qui semblent émerger dans le développement de sources d’énergie renouvelables. Il est essentiel, si nous voulons éviter un réchauffement futur, d’éliminer mondialement le carbone de nos méthodes de production d’énergie ; pour cela rien n’est plus important que de meilleures technologies. Elles l’emportent véritablement sur la politique, à mon avis : tous les engagements de l’univers ne signifient pas grand chose s’il n’existe pas de technologies qui aident les personnes à émettre concrètement moins de carbone, s’ils le souhaitent. Un leadership international éclairé cherche des moyens pour faire avancer le monde, pas seulement à travers des traités mais aussi à travers l’éducation, la recherche et la promotion des développements technologiques ; et je vois vraiment beaucoup de progrès dans tous ces domaines en ce qui concerne le changement climatique. Quant à la politique, comme je l’ai dit précédemment, je ne crois pas que ce soit le travail des scientifiques d’inciter à l’action politique. Notre travail, c’est seulement de dire ce que nous savons et comment nous le savons, de l’expliquer aussi clairement que nous le pouvons et d’éviter les plaidoieries politiques. Lors de votre première expédition en Antarctique vous étiez la seule femme parmi plusieurs hommes. Pensez-vous que la situation des femmes scientifiques ait évolué au cours des 25 dernières années ? Les mesures proactives menées auprès des jeunes femmes pour la promotion de la formation et des carrières scientifiques sont-elles encore nécessaires ? SS - Pour l’expédition en 1986, j’étais la seule femme avec une équipe de 15 hommes. Il est assez rare de voir cela aujourd’hui. Donc oui, la situation des femmes scientifiques (et les hommes aussi !) a beaucoup évolué au cours de ces 25 dernières années. Mais nous ne pouvons pas nous permettre de relâcher notre vigilance. Il existe toujours des préjugés contre les femmes dans la science, plus encore dans certains domaines et certains pays que dans d’autres, et la promotion de la formation et des carrières scientifiques pour les jeunes femmes restera un point important pendant encore un certain nombre d’années. Parlez-moi de votre collaboration avec Hervé Le Treut. Vous êtes tous deux membres de l’Académie des sciences. Avez-vous aussi des liens avec l’Institut Pierre-Simon Laplace qu’il dirige ? SS - J’apprécie beaucoup le travail du professeur Le Treut et de ses collègues de l’institut. J’ai eu l’honneur de travailler au GIEC avec certains membres de cet excellent groupe de chercheurs. Comment percevez-vous la position de l’UPMC dans le paysage international de l’enseignement supérieur et de la recherche ? SS - Il est clair que l’UPMC est une institution remarquable. Avec un nom pareil et une telle histoire, elle doit rester à la hauteur et construire un futur aussi brillant que son passé ; je suis persuadée qu’elle continuera à y arriver. Que représente pour vous cette distinction ? SS - J’accepte très humblement ce doctorat honoris causa. Il a beaucoup d’importance pour moi, d’autant plus que j’ai vécu en France pendant un an quand j’étais jeune et que j’éprouverai toujours une très grande affection envers ce pays. 29 Susan Solomon Professor at the University of Colorado and scientist at the National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), United States Susan Solomon is an internationally recognized scientist in the fields of climatology and atmospheric chemistry. First noted for her work in Antarctica on ozone depletion, she has since co-directed the work of the Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) in 2007. Thanks in large part to her efforts the panel shared the 2007 Nobel Peace Prize with Al Gore. In March 2000, she received the National Medal of Science, the highest scientific distinction in the US. Associated International Member of the French Academy of Sciences, she obtained the great Medal of the Academy of Sciences in 2008. 30 Your research on the ozone hole and CFCs was one of the major forces which lead to the Montreal protocol and consequently to the probable reconstitution of the ozone layer. Since then, which of you research achievements do you feel have been most significant? SS - After showing the importance of CFCs and surface chemistry on polar stratospheric particles for Antarctic ozone depletion, I went on to show that CFCs and surface chemistry on volcanic particles are also important. This turned out to explain enhanced ozone depletion that occurred after two major eruptions, El Chichon in the early 1980s and Pinatubo in the early 1990s. With Dave Thompson, I was later able to show that stratospheric ozone depletion is affecting the surface climate of Antarctica in unexpected ways, which has been very interesting. Stratospheric zone depletion is so severe in Antarctica that it changes the wind pattern all the way down to the ground in certain seasons, with big effects on the climate. I have also done recent work on understanding the irreversibility of climate changes due to carbon dioxide that has proven to be quite important in clarifying how that gas has special properties that make its climate change effects remarkably long-lived. Climate change presents a greater challenge than the ozone hole. In the face of this alarming issue, which research goals are the most pressing in the fields of climatology and atmospheric chemistry? What are your own current research priorities? SS - Understanding how the suite of chemicals in our atmosphere can influence climate is fascinating and important. Soot particles are a topic that is potentially very significant, especially the question of soot on snow and what role that may play in the retreat of snow cover, glaciers, and sea ice. While carbon dioxide is the main greenhouse gas, others are important too, and I am working to better understand the effects of the range of gases and how longlived their impacts on climate really are. I remain fascinated by the interplay between the stratosphere and surface climate, and a lot of my work is directed at understanding better how important the stratosphere may be for climate change, not just in Antarctica but also elsewhere. Your research work, on the one hand, and your role in the IPCC on the other, are very different functions requiring different qualities. How do you reconcile the two? SS - Actually I am always an advocate for rigorous science in everything I do. And I think research and scientific progress have tremendous value not only to science but also to society, and communicating science knowledge to society is what the IPCC is all about – the two needs are totally complementary. I don’t advocate for any particular political view on climate change, but rather for the value of science throughout. I feel that the role of science is to provide information to people so that our society can make the best-informed decisions – but it really is up to society whether to limit climate change or not. Science provides information and hopefully it is a useful input to that choice, but it’s not up to science to choose because issues of values are involved. How much risk is too much? 30 For whom? Those are questions each of us as individuals and all nations have to answer, and they depend upon much more than science. The 2007 Nobel Prize that you shared as co-chair of the IPCC’s Working Group One also testifies to the immensely significant role that you and your fellow earth scientists and atmospheric chemists play in shaping the political and societal view of issues which affect us all. What does this Nobel Prize mean to you? SS - It’s significant that the Prize was a peace prize, not a prize in physics or chemistry. What that shows is the recognition that science can help in the world’s efforts to find peace. I do believe that science can provide light in a world that can often be dark, and this prize is recognition of that. But it’s important to emphasize that the scientists involved in the IPCC didn’t really share a Nobel prize; it was the organization that received the prize – so neither I nor anybody else involved is a Nobel prizewinner. The Prize recognized the importance of the IPCC as an institution, not the individuals. You have often described yourself as optimistic regarding climate change. Do you remain so post-Copenhagen? Is there more that scientists can do to impact on such political meetings, in preparation for Mexico for instance? SS - I am a technological optimist, and I’m tremendously impressed by some of the advances we seem to be seeing in the development of renewable energy sources. Decarbonizing the way we get energy world wide is essential if we wish to avoid future warming and for that, nothing is more important than better technologies. It really outweighs the politics in my view – all the pledges in the universe don’t mean much if there are not technologies that help real people to emit less carbon if they want to. Wise international leadership looks for ways to help the world advance, not just through treaties but also through education, research, and fostering technology development, and I really see a lot of progress happening in all those areas in climate change. Regarding the politics – as I said earlier, I don’t feel it’s the job of scientists to push for political action. It’s our job only to state what we know, and how we know it, and explain it as clearly as we can. And avoid advocating for politics. During your first Antarctica expedition you were the only woman among several men. Do you feel that the situation for women scientists has evolved over the last 25 years? Are proactive measures for the promotion of scientific education and careers for girls and young women still necessary? SS - I was the only woman with a team of 15 men on the expedition in 1986. It’s pretty rare to see that now. So yes, the situation for women scientists (and men too!) has evolved a lot in the last 25 years. But I think we can’t afford to become complacent. There is still prejudice against women in science, more so in some fields and some countries than others, and promotion of scientific education and careers for girls and young so in some fields and some countries than others, and promotion of scientific education and careers for girls and young women will still be important for some time to come. Tell me about your collaboration with Hervé le Treut. You are both members of the French Académie des Sciences. Do you also have links with the Pierre-Simon Laplace Institute that he directs? SS - I certainly value Professor le Treut’s work and his colleagues at the institute. I had the honor of working with several of them on the IPCC, and that has been my primary contact with this outstanding group of scientists. How do you view UPMC’s position in the higher education landscape, both at the European and international levels? SS - Clearly UPMC is a remarkable institution. With such a name and such a history, it has a lot to live up to in keeping its future as great as its past, but I am confident it will keep doing that. What does this honorary degree represent for you? SS - I’m certainly very humbled by this honorary degree. It means a great deal to me, not least because I have lived in France for a year when I was young and always will have tremendous affection for France. 31 Mario Tokoro Président-directeur général de Sony Computer Science Laboratories, Inc. (Sony CSL) Tokyo, Japon Informaticien, spécialiste des systèmes répartis, il a été professeur à l’université Keio, à Tokyo, jusqu’en 1997, puis vice-président de Sony jusqu’en 2008. Il a fondé Sony CSL en 1988, pour en faire un laboratoire d’excellence au niveau mondial, qui met en acte sa vision du développement scientifique, avec une branche à Paris en 1996. Son dernier livre Open Systems Science from Understanding Principles to Solving Problems (2010) traduit l’évolution de ses centres d’intérêt. Il a reçu le Contribution Award de la Japan Society for Software Science and Technology (2004). En 2005, l’ambassadeur de France à Tokyo lui a remis les insignes d’officier dans l’ordre national du Mérite. 32 Par le passé, vos recherches ont contribué de manière considérable à la programmation concurrente orientée objet et la programmation/simulation à base d’agents, aux réseaux informatiques et à l’Internet. Actuellement, sur quoi se concentrent vos activités de recherche ? MT - Le sujet de recherche auquel je consacre la plupart de ma passion et de mon temps actuellement, c’est la nouvelle méthodologie que j’appelle Open Systems Science (la science à systèmes ouverts). Les sciences ont avancé par la méthodologie que l’on appelle le réductionnisme, qui définit d’abord le domaine d’un problème, réduit ensuite le problème de façon à exposer sa vraie nature, et découvre enfin les principes de base du domaine. Lorsque le domaine d’un problème est trop lourd pour qu’il soit facilement réduit, il est divisé en sous-problèmes de sous-domaines qui sont soumis au même processus de réduction afin de découvrir leurs principes de base. Le problème initial est résolu en combinant les résultats des sous-problèmes. Cette méthodologie a énormément contribué aux progrès scientifiques et à l’évolution technologique jusqu’à la fin du xxe siècle. Toutefois, il existe encore de nombreux problèmes qui attendent d’être résolus. Ces problèmes se caractérisent comme étant énormes, complexes et en constante évolution, de sorte qu’il n’est pas facile à décomposer un problème en sous-problèmes simples. Un exemple typique est le problème de la durabilité de la Terre, qui implique l’énergie, le climat, la population, l’alimentation, la biodiversité, les écarts, la sécurité, etc. Nous avons appris que des solutions indépendantes des sous-domaines ne peuvent résoudre le problème entier. Un autre exemple est le problème de la vie et la santé. Des maladies qu’on aurait cru avoir déjà pu régler, comme le cancer, les troubles métaboliques, et l’immunodéficience, sont très étroitement liées au système de vie, qui ne peut pas être facilement décomposé et recomposé. Un autre exemple est la sécurité et la fiabilité des gigantesques infrastructures d’information en réseau. Ces infrastructures sont censées fournir des services en permanence et, si un incident se produit, doivent être restaurées rapidement avant d’avoir un effet majeur sur la vie quotidienne des gens. Il n’est pas facile de définir le domaine de ces problèmes et l’hypothèse du système fermé n’y tient pas. Par conséquent, l’approche réductionniste ne peut pas être appliquée : ce sont des problèmes à systèmes ouverts. Bien que nous ne puissions pas résoudre ces problèmes en utilisant la méthode réductionniste, leur résolution est vitale. J’estime que pour traiter des problèmes à systèmes ouverts nous avons besoin d’une méthodologie entièrement nouvelle. Une des difficultés pour traiter des problèmes à systèmes ouverts, c’est qu’il est impossible de prendre le point de vue d’un observateur externe. Autrement dit, nous ne pouvons pas arrêter un système pour observer son comportement. En outre, nous n’avons qu’une vue partielle des divers problèmes de tout le système, nous ne savons donc pas quel objectif il faut optimiser et contrôler. Dévoiler davantage le système nous permet de mieux comprendre ce qu’il faut optimiser et contrôler. Par conséquent, nous devons envisager un système dans son axe temporel et faire un effort continu pour gérer le système pour que la situation s’améliore. En tant que président des Laboratoires Sony Computer pensez-vous qu’il y ait une collaboration suffisante entre les établissements de recherche privés et publics ? Comment ces échanges pourraient-ils être renforcés ? MT - Il existe différentes étapes de recherche : la recherche fondamentale de première phase, la recherche fondamentale ciblée, la recherche appliquée, le développement et la valorisation, et la fabrication. La recherche publique est plus performante pendant les premières étapes, l’industrie pendant les étapes ultérieures. J’ai observé qu’il existe de nombreuses collaborations fructueuses dans les premiers stades de la recherche, mais moins dans les étapes ultérieures. Cette tendance est induite par le régime uniforme de collaboration, quel que soit le stade de recherche. Les programmes de collaboration devraient être différenciés selon les étapes de recherche. L’importance majeure dans les collaborations publiques-privées est de comprendre la force de chacun des participants. Comment votre collaboration avec le LIP6 (Laboratoire d’Informatique de Paris 6) a-t-elle commencé ? MT - De concert avec mes recherches sur la programmation concurrente orientée objet et les systèmes multi-agents, mes activités et réalisations ont été reconnues par les communautés concernées en Europe et j’ai commencé à communiquer avec elles de plus près. Parmi celles-ci, la communauté française était l’une des plus pointues, et j’ai collaboré à divers titres avec des chercheurs français, notamment ceux de l’UPMC, dirigés par Jean-Pierre Briot et Jean-François Perrot. Par exemple, j’ai participé de manière contiguë à l’ECOOP (European Conference on Object-Oriented Programming) depuis 1987, et j’ai contribué à la création de l’Association internationale pour les technologies objets en 1992, qui est devenu l’organisme de financement de l’ECOOP. J’ai également contribué à la création de l’International Foundation on Multi-Agent Systems (IFMAS). Sur l’invitation de Jean-François Perrot et Jean-Pierre Briot, j’ai été professeur invité à l’UPMC d’août à septembre 1992 et j’ai donné une série de conférences sur les technologies objet. En 1996, la création de l’agence parisienne des Laboratoires Sony Computer m’a permis d’encourager la collaboration entre l’UPMC, les SCL et les communautés de recherche au Japon. En 2005, j’ai été nommé officier de l’ordre national du Mérite de la République française pour ma contribution à la recherche en informatique et à la promotion de la collaboration entre la France et le Japon. en R & D se développent entre l’UPMC et l’industrie japonaise. Je serai très heureux de soutenir de telles activités et je suis très honoré de recevoir ce doctorat honoris causa de l’UPMC. En tant que chercheur japonais du plus haut niveau, que représente pour vous l’UPMC dans le paysage international de l’enseignement supérieur ? MT - Je reconnais que l’UPMC est vraiment une des premières universités de recherche en Europe et dans le monde. J’espère donc vivement que davantage d’étudiants japonais puissent étudier à l’UPMC, que plus d’échanges de recherche entre l’UPMC et les universités japonaises prennent forme, et que davantage de collaborations 33 mario Tokoro President and CEO, Sony Computer Science Laboratories, Inc. A computer scientist specialized in distributed systems, Tokoro has been teaching at Keio University in Tokyo until 1997 and has been Senior Vice President of Sony Corp. until 2008. He founded Sony CSL in 1988 and turned it into a top class research institution which puts into action his vision of scientific development, with a branch in Paris created in 1996. His latest book Open Systems Science - From Understanding Principles to Solving Problems (2010) translates the evolution of his centre of interests. He received the Contribution Award from the Japan Society for Software Science and Technology in 2004, and the insignia of Officer in the National Order of Merit from the French ambassador to Tokyo in 2005. 34 Your past research has resulted in major contributions to Object-Oriented Concurrent Programming and Agent-Based Programming/Simulations, computer networks and the internet. What are your current research priorities? MT - The research topic to which I am devoting most of my passion and time is the new scientific methodology that I call Open Systems Science. Science has advanced by the methodology called reductionism that first defines the domain of a problem, then reduces the problem in a way that exposes its true nature, and finally discovers the underlying principles of the domain. When the domain of a problem is too unwieldy to reduce the problem simply, it is divided into subproblems of subdomains that are subjected to the same process of reduction to discover their basic principles. The original problem is solved by combining the results of subproblems. This methodology contributed enormously to scientific advances and technological developments up until the end of the 20th Century. However, there are still many problems waiting to be solved. These problems are characterized as huge, complex and everchanging, so that it is not easy to decompose a problem into simple subproblems. A typical example is the earth sustainability problem that involves energy, climate, population, food, biodiversity, differentials, safety assurance, etc. We have learned that independent solutions for subdomains cannot give the solution for the whole problem. Another example is life and health problem. Diseases that we had expected to have settled by now, such as cancer, metabolic disorder, and immunodeficiency are very closely interrelated to the system of life, which cannot be easily decomposed and recomposed. Yet another example is the safety and dependability of gigantic networked information infrastructures. These infrastructures are expected to provide services continuously and, if an incident occurs, must be restored promptly before having any vital effects on peoples’ everyday lives. It is not easy to define the domain of these problems and the so-called closed system assumption cannot hold. Therefore, the reductionist approach cannot be applied. Hence, these problems are open systems problems. Though we may not be able to solve these problems using the reductionist method, their resolution is vital. I believe that to approach open systems problems we need a whole new methodology. One of the difficulties in approaching open systems problems is that we cannot take an external observer’s viewpoint. That is, we cannot stop a system to observe its behaviors. In addition, we only have a partial view of the problems of the whole system, so we don’t know which target to optimize and control. As we reveal the system further, we can better understand what to optimize and control. Therefore, we need to envisage a system with its time axis and make a continuous effort to manage the system so that the situation improves. As President of the Sony Computer Science Laboratories, do you think there is sufficient collaboration between private and public research establishments? Should exchanges be strengthened between the two and, if so, how could this be done? MT - There are different stages of research: fundamental research at search phase, targeted fundamental research, applied research, development, and productization/manufacturing. Academia is stronger in the earlier stages, and industry is stronger in the later stages. I have observed that there is much successful collaboration in the earlier stages of research, but fewer in the later stages. This trend is caused by the uniform scheme of collaboration, regardless of the stage of research. Collaboration schemes should be differentiated according to the different stages of research. Understanding the strength of collaborato rs i s m o st i m p o r ta n t i n public-private collaborations. How did your collaboration with JeanPierre Briot and the LIP6 (Laboratoire d’informatique de Paris 6) arise? What are your common research interests and goals? MT - In conjunction with my research on Concurrent Object Oriented Programming and Multi-Agent Systems, my activities and achievements were highly recognized by the related communities in Europe and I began to communicate with them more closely. For example, I have participated conti guously in ECOOP (European Conference on ObjectOriented Programming) since 1987and was involved in founding the International Association for Objets Technologies in 1992, which became the funding organization of ECOOP. I also contributed to the establishment of the International Foundation on Multi-Agent Systems (IFMAS). The French community was one of the strongest, and I have collaborated in various ways with French researchers, especially those of Université Pierre et Marie Curie (Paris VI) lead by Jean-Pierre Briot and Jean-Francois Perrot. Upon their invitation, I was Visiting Professor at the Université Pierre et Marrie Curie from August to September 1992 and gave a series of lectures on Object Technologies. Then I established a branch laboratory of Sony Computer Science Laboratories in Paris in 1996, through which I promoted collaboration between UPMC, Sony Computer Science Laboratories and Japanese research communities. In 2005, I was named Officier de L’Ordre National du Merite by the French Republic for my contribution to research in Computer Science and to the promotion of collaboration between France and Japan. academic exchanges between UPMC and Japanese universities arise, and more R&D collaborations between UPMC and Japanese industry develop. I am pleased and willing to support such activities, and I am much honored to receive a doctorate honoris causa from UPMC. As a highly distinguished Japanese research scientist, how do you view UPMC’s position in the higher education landscape, both at the European and international levels? MT - I acknowledge that UPMC is truly one of the premier research universities in the EU and worldwide. Therefore, I strongly hope that more Japanese students enter UPMC, more 35 36 www.upmc.fr