Une journée délirante - Strasbourg Eaux

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Une journée délirante - Strasbourg Eaux
SYDNEY 2000
26
DEF
Le rideau vient à peine
de tomber sur les Jeux de
la 24e olympiade des
temps modernes, que l’on
se trouve déjà
nostalgique. Quel
événement sportif
arrivera à nous faire
vibrer comme cela a été
le cas quasiment sans
répit depuis quinze
jours ? Les télés vont à
nouveau faire la cour au
football pour donner du
coffre à leurs
programmes. La Ligue des
champions va ainsi
retrouver l’intérêt qu’elle
avait provisoirement
perdu. Et TF1, qui a
superbement snobé les
Jeux à l’exception de ses
journaux, pourra se
vanter d’être une chaîne
sportive grâce au ballon
rond et à la Formule 1.
Pour les quatre ans qui
viennent le judo, la
natation, l’escrime, le
handball et le basket
vont redevenir des
disciplines confidentielles.
Quatre années durant
lesquelles les
performances des
champions des sports
moins médiatiques seront
relatées par des chaînes
thématiques et analysées
par la presse écrite.
Mais finalement, ne
trouve-t-on pas là l’un
des principaux ingrédients
qui contribuent au grand
succès du rassemblement
planétaire de la
jeunesse ? C’est bien la
rareté des choses qui fait
leur valeur. Ainsi les JO
vont baliser l’itinéraire de
milliers de sportifs,
d’entraîneurs, de
journalistes pour les
quatre ans à venir.
Le magnifique feu
d’artifice lancé depuis
Harbour Bridge n’a pas
marqué la fin des Jeux de
Sydney. Non, il a ouvert
la course vers ceux de
2004. La tension ne fait
que commencer. Dans
quatre ans, à Athènes, ce
sera encore mieux !
ChristianWeibel
avec les Bleus à l’ultime bouée
pour s’imposer du bout de l’esquif.
La médaille de bronze échappe
aux Tricolores pour 15 centièmes
(0"150). « J’ai l’impression de me
casser la gueule sur la dernière
bouée, reconnaît Bâbak. Ça nous
coûte quinze centimètres et le
bronze. Ça fait cher le centimètre.
Paradoxalement, autant la 5e place
de la finale du 1000 m nous faisait
plaisir samedi, autant cette 4e
place du 500 m est dure à avaler.
C’est d’autant plus rageant que
d’habitude, c’est nous qui grattons
les autres sur la ligne d’arrivée. Là,
nous nous faisons avoir comme des
c...»
Cette quatrième place fait mal,
bien sûr, mais les deux compères
n’ont pas à rougir de leur campagne olympique. Philipe Aubertin, déjà présent à Barcelone où il
n’avait fait que des demi-finales,
mesure le chemin accompli : « A
Barcelone, on était des branleurs,
on avait la grosse tête. On pensait
qu’il suffisait de mettre la pagaie
dans l’eau pour gagner. Cette foisci, notre préparation n’avait rien à
voir. Et même si on était un bateau
jeune, qu’on courait dans cette
configuration pour la première fois
aux Jeux, les résultats sont là. C’est
juste dommage pour la médaille ».
,,
Le physique, ce
n’est pas tout
Bâbak Amir-Tahmasseb a largement sauvé sa saison à Sydney,
mais tout n’est pas parfait pour
autant. Certes, la préparation des
deux athlètes a porté ses fruits.
« Mais justement, on a fait notre
préparation de notre côté avec Albert Pernet et Pascal Boucherit,
précise l’Alsacien. La préparation
physique préconisée par Kersten
Neumann, le directeur de la course
en ligne, c’est bien, mais par contre
on a encore des progrès à faire en
équipe de France pour ce qui est
de la préparation terminale. Le physique, ce n’est pas tout. Voilà, c’est
dit. Albert et Pascal nous ont protégés des conflits internes de
l’équipe, mais ce sont des problèmes qu’il faudra bien finir par
régler ».
Après leurs performances australiennes, Philippe Aubertin et le
Bas-Rhinois devraient repartir vers
de nouvelles aventures en biplace,
dès les championnats du monde
de 2001 en Pologne. Mais ils n’attendront pas aussi longtemps
pour se retrouver dans la même
compétition : ils disputeront dès le
week-end prochain le championnat de France des clubs, en K1 et
K2, à Strasbourg. Mais cette fois
l’un contre l’autre. m
Jean Deutsch
« Froggy » au pays des stars
« Grenouille » de Herrlisheim, Serge Thomann est arrivé en Australie il y a 17 ans,
pour ne jamais en repartir. « Froggy » chez les Aussies, amateur d’art et de bonne cuisine,
ce photographe de stars était hier à la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Sydney.
L’histoire australienne de Serge
Thomann est un western moderne.
Jeune diplômé d’école de commerce et photographe à ses
heures, ce Herrlisheimois d’origine
n’a que 23 ans lorsqu’il débarque,
en 1983, dans le nouveau Nouveau monde. Il travaille alors pour
une société internationale de produits cosmétiques. « Cette société
me proposait de travailler en Australie ou en Afrique du Sud. Vu la
situation en Afrique du Sud en
1983, j’ai très vite fait mon choix »,
explique l’Alsacien.
L’Australie de cette époque n’est
pas comparable à celle d’aujourd’hui. Le Français doit composer avec de nouvelle habitudes :
DR
aux Jeux
C
faciles et méchantes cueillies au
vol : « Je ne savais pas que le
rafting est discipline olympique »,
« A la ligne 8 : Jerry Roufs », « On a
le droit de finir en poussant?»...
Bref, l’affaire semble dans le lac,
quand la décision tombe : les
épreuves débuteront à 15 h, quel
que soit le temps. Il est en effet
inconcevable de décaler l’épreuve
au lendemain, alors que la flamme
olympique est déjà éteinte, et que
la météo n’est pas plus garantie.
« C’était une journée compliquée à
gérer jusqu’à la course, explique
Albert Pernet, l’entraîneur des
Français. Fallait-il manger ou non ?
Pouvaient-ils dormir ou non ? D’un
autre côté, on savait que la finale
serait difficile pour nous, sauf si on
avait des conditions de course délirantes ».
La préparation du bateau est déterminante : les Français décident
de rallonger la dérive pour augmenter la stabilité de l’embarcation, de se servir de pagaies plus
courtes pour augmenter leur fréquence, un atout de taille lorsque
le vent est contraire aux kayakistes, comme c’est le cas ici.
Les prédictions des Bleus se vérifient dès le départ : ils réalisent
une bonne entrée en matière, sont
4e aux 250 m. Ils accélèrent encore, dépassent les Allemands,
comptent jusqu’à un mètre
d’avance aux 400 mètres. Dans le
camp français, on y croit dur
comme fer. Mais les Allemands
reviennent doucement dans les
derniers hectomètres, font jeu égal
Serge
Thomann
adore
l’Australie,
mais n’oublie
pas son Alsace
natale :
« Il n’y a pas
de restaurant
alsacien ici.
Avis aux
amateurs ! ».
« En 17 ans, l’Australie est devenue
beaucoup plus sophistiquée. Mais
au début, c’était dur, surtout au
niveau culturel. J’aime les bonnes
choses, mais je ne pouvais pas
trouver une bonne bouteille de vin.
L’eau minérale, dans les cafés, ça
n’existait pas. Les gens ne buvaient
que de la bière. Le fromage, ça
existait, mais il était dix fois plus
cher que chez nous. Et surtout, ce
qui me manquait, c’est le bon pain.
Aujourd’hui, on en trouve facilement. Mais je me souviens que la
première fois que je suis revenu en
France après une longue période
en Australie, j’ai demandé à manger un jambon-beurre sur une
bonne baguette, tout simplement ».
Serge Thomann est cependant enthousiasmé par ce continent neuf,
mais sa société lui demande de
revenir sur Paris en 1987. « Pour
moi, comme pour beaucoup de
Français, l’Australie était un rêve.
C’était Skippy le kangourou quand
j’étais jeune. Et quand je suis arrivé
ici, j’ai découvert un pays accueillant, chaleureux, où les gens sont
très relax, sans pression. Ce que tu
ne fais pas aujourd’hui, eh bien tu
le feras demain. Alors, bien sûr,
l’idée de retourner à Paris, métroboulot-dodo, ça ne me plaisait pas
du tout ».
D’autant que le Haut-Rhinois a
commencé à percer dans un autre
domaine : la photographie. « Au
départ, c’était un hobby. J’aimais
faire de la photo de concerts, de
spectacles, et c’est comme ça que
j’ai rencontré Michael Hutchence,
le chanteur du groupe de rock
INXS. Il a bien aimé mon travail, et
m’a proposé de couvrir en exclusivité un concert de charité que le
groupe donnait, en novembre 1995,
en présence de la Princesse Diana.
Après ça, plein de portes se sont
ouvertes. Je crois que le fait d’être
Français, d’avoir un autre regard sur
l’Australie, m’a beaucoup servi. Et
puis, malgré le Rainbow Warrior ou
les essais nucléaires, les Français
sont appréciés ici ».
Il décide donc de changer de
métier, de devenir photographe de
stars : la chanson d’abord, la télévision ensuite, puis le cinéma et
tous les milieux culturels font appel à ses talents. Madonna, les
Rolling Stones, les frères et sœurs
Jackson, Christophe Lambert,
Claudia Schieffer, Jean-Michel
Jarre, Charlotte Rampling, Kilye
Minogue (qui chantait hier soir à
la cérémonie de clôture) et bien
d’autres passent devant son objectif, aussi bien en Australie, au
Japon, qu’en Europe. « Quand on
est en Australie, on prend l’habitude de voyager. Les prix des billets
d’avion sont à la baisse, et on n’est
plus loin de rien en temps. La
distance, ce n’est pas un problème
pour un Australien ».
Il monte sa propre affaire, se diversifie dans la création d’événements. Son dernier projet en date :
monter des films avec la société
de production qu’il a créée avec
un réalisateur et un acteur très
connus en Australie. Il prépare
également une exposition sur le
photographe Helmut Newton, qui
a passé 20 ans et débuté sa
carrière ici. Autre événement en
gestation : il devrait monter un
repas de charité au Parlement de
Victoria qui réunira deux des chefs
les plus réputés du continent, le
Français de Melbourne Philippe
Mouchel et le Japonais de Sydney
Tetsuya Wakade. Prix d’entrée :
5000 F le couvert.
,,
LUCARNE
ERTAINS VENTS rendent
fou. Celui qui souffle sur le
bassin de Penrith est plutôt du genre à rendre fort
le kayak biplace des Français Bâbak Amir-Tahmasseb et Philippe
Aubertin. Pas favoris pour un sou
de l’épreuve d’hier du K2 500
mètres dans des conditions de
course idéales, ils savent que tout
imprévu peut faire leur jeu. « Plus
c’était défoncé, plus on rigolait,
reconnaît Bâbak. Parce que nous,
on n’avait rien à perdre ».
A onze heures du matin, alors que
la journée a déjà pris deux heures
de retard, le Strasbourgeois déclare, en voyant les remous du
bassin : « Il faut y aller, là ! Qu’estce qu’ils font, les organisateurs ?
C’est totalement jouable!»De fait, le
bassin est parfait pour décontenancer les gros bras habitués à
concourir sur des lacs d’huile.
« Nous, on était assez confiants,
parce qu’on savait qu’on tenait bien
notre bateau, note Philippe Aubertin. Bâbak comme moi, nous venons de la descente en eaux vives,
et je pense que dans de telles
conditions, on trouve ses repères
plus facilement ».
A voir les premières sorties de
certains concurrents, vers 14
heures, la navigation par gros
temps n’est en effet pas le fort de
tous les canoëistes. A peine quitté
le ponton, un athlète se retrouve
rapidement à barboter dans l’eau
fraîche, sous les vivats des spectateurs amusés par la démonstration. Petit glossaire de blagues
Des courses
retardées,
des
spectateurs
qui tuent
le temps
en simulant
une course
de natation
et une remise
de médailles :
un vent
de folie
soufflait hier
sur
le bassin
de Penrith.
Mais
à Philippe
Aubertin
et Bâbak AmirTahmasseb,
il a manqué
le petit grain
supplémentaire...
,,
GI
Piqué
Bâbak Amir-Tahmasseb et Philippe
Aubertin ont terminé leur finale
du K2 500 mètres à un dixième
de la médaille de bronze hier,
dans un bassin de Penrith balayé
par un vent de folie.
AFP
Une journée délirante
Abera
à la clôture
Les Français ont achevé leur
campagne olympique sur
une défaite synonyme de
médaille d’argent pour les
basketteurs battus par la
Dream Team américaine en
finale. Une défaite n’est jamais une satisfaction mais
celle concédée par les Tricolores n’a pas de goût amer.
Sur le marathon, Modamed
Ouaadi avait la tâche écrasante d’essayer d’éviter à
l’athlétisme français d’être
capot. Il a terminé 8e.
La dernière médaille du jour
et des Jeux a été éthiopienne : Gezahgne Abera,
22 ans, est devenu champion olympique du marathon, renouant avec la tradition instaurée par Abebe
Bikila (1960 et 1964) et
Mamo Wolde (1968).
La Hongrie a remporté la
médaille d’or du tournoi de
water-polo, en battant la
Russie 13-6, dans une finale
beaucoup moins tendue que
celle de 1956 à Melbourne,
au lendemain de l’entrée
des chars soviétiques à Budapest...
LUNDI 2 OCTOBRE 2000
On ne trouve
pas de bonne
choucroute
en Australie
,,
Serge Thomann, une affaire australienne qui tourne ? « Ici, il faut
faire attention avec qui on travaille.
Il y a pas mal de boîtes qui se
montent et qui font faillite aussitôt.
Mais j’ai réussi à faire mon trou. Je
crois que mon côté alsacien, têtu et
déterminé, m’a beaucoup aidé ».
L’Alsace est d’ailleurs très connue
en Australie. « On y mange bien, on
y boit du bon vin : elle a tout pour
plaire ici. C’est assez étonnant d’ailleurs : les journaux et magazines
font souvent des articles sur l’Alsace, qui est une des régions les
plus visitées par les Australiens ».
Sa contrée natale ne lui manquet-elle pas trop ? « J’essaye de rentrer une fois par an. Ce qui me
manque le plus : on ne trouve pas
de bonne choucroute en Australie.
Il n’y a d’ailleurs pas de restaurant
alsacien ici. Avis aux amateurs !
Une autre chose qui me manque :
les fraises du jardin de mon père, à
Herrlisheim ».
« Froggy » pour les anglo-saxons
aussies, Serge Thomann était déjà
une « grenouille » en Alsace :
« C’est marrant, parce que c’est
aussi le surnom des habitants de
Herrlisheim!»Guide hors-pair pour
ses amis alsaciens de passage,
« avec qui j’essaye de parler l’alsacien, pour ne pas oublier », il est
régulièrement consulté par les
Australiens en quête d’une bonne
table. Lors des Jeux, il a pris
contact avec son voisin d’Alsace,
Nicolas Rostoucher, pour organiser, cet après-midi, une visite
conjointe du village olympique
avec deux des principaux acteurs
de la série « Hartley, cœur à vif »,
également diffusée en France.
« Mais je ne sais pas si Nicolas
pourra se libérer avant de prendre
l’avion, vers six heures », s’interrogeait-il hier.
Melbournois d’origine, il a suivi la
quinzaine olympique devant son
téléviseur avant de faire le déplacement, ce week-end, pour la cérémonie de clôture. « J’ai adoré ces
Jeux. Les Australiens savent vraiment faire la fête ! En plus, ces
Jeux, ça les a vachement ouverts
sur le monde. Le sport, ici, c’est
tout : le 400 m de Cathy Freeman a
eu un taux d’audience de 97%.
C’est de la folie ! Moi, en général, je
m’amuse bien : que ce soit en
Coupe du monde de rugby, en
Coupe Davis, ou comme vendredi
en basket, je suis toujours gagnant
quelque part quand il y a un match
France - Australie ». Les jeux australiens de Serge Thomann durent
depuis 17 ans. A 40 ans, malgré la
cérémonie de clôture hier soir, le
« Froggy » de Herrlisheim n’a pas
fini de s’amuser. m
Jean Deutsch
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