Titi de Florensac

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Titi de Florensac
Titi de Florensac
D’un naturel timide et complexé Titi de Florensac se tenait toujours en retrait, tant et si bien
qu’il finit par se pencher en arrière de manière de plus en plus flagrante? Cette attitude pour le
moins étrange laissait perplexe les plus grands analystes mais réjouissait les ostéopathes. Il se
fit connaitre dans son village natal en se cognant à tous les réverbères et tous les panneaux
que la municipalité pouvait implanter. Cette obsession absurde à contempler les cieux lui
valut bien des quolibets de la part de ses camarades et son parcours scolaire s?en ressentit
vivement. En effet une fois assis à son pupitre, impossible de lire ce qui était écrit sur le
tableau, par contre il connaissait par coeur les nombreuses traces de chewing-gum et autres
boulettes de papiers mâché qui maculait le plafond. Ses professeurs, dépités de ne pouvoir lui
parler dans les yeux sans devoir faire des acrobaties, finirent par le laisser tranquillement
admirer les moulures du plafond. Certains, plus généreux, le mirent à côté d?une fenêtre afin
qu?il puisse contempler la folle sarabande des étourneaux. A force de contorsions il réussit
pourtant à se hisser jusqu?en 5eme ou il fit la connaissance de Pascal qui changea sa vie du
tout au tout. Pascal, un gentil garçon un peu niais, débarquait de la grande ville Parisienne de
Courbevoie et en avait gardé les stigmates. En effet, il avait pour singularité d’être toujours
penché en avant, voire courbé, afin d’éviter les crottes de chiens qu’il abhorrait. Puisqu’il ne
regardait jamais en l’air, ce qui devait arriver arriva, et c’est dans un choc piéton qu’il fit la
connaissance de Titi qu’il n’avait pas vu, et vice versa. Leur relation d’amitié débuta
instantanément bien qu’ils ne ce soient, et c’est normal, jamais vraiment vu. Car si l’un est
penché en arrière et l’autre courbé en avant, on ne peut décemment pas leur en vouloir de ne
pas réussir à s’apercevoir. Et pourtant, les deux jeunes adolescents s’accordèrent comme
larrons en foire et c’est ainsi qu’ils déambulaient dans la rue, l’un regardant vers le bas pour
éviter les obstacles laissés par des canidés sournois, l’autre penché en arrière en cas d’attaque
aérienne de pots de géraniums. Ils se complétaient donc à merveille, et Titi n’eut plus de
problèmes avec les panneaux de signalisation au grand soulagement de la municipalité. Bien
que marginalisés par leur comportement décalé, Pascal le Blond et Titi le brun purent
envisager leur avenir avec sérénité grâce à leur complémentarité. Et de convulsion en
distorsion ils découvrirent ensemble le hard-rock ou leur handicap s’avéra être un avantage
décisif. Ecumant tous les concerts de la région en mobylette biplace, leur étrange attitude fut
une révélation pour nombre de jeunes métaleux boutonneux. Ceux-ci prirent exemple sur
notre couple chevelu et se déchainèrent d?avant en arrière comme nos deux visionnaires du
rock qui venaient, à leur insu, de créer la première icône bicéphale de « Air Guitare » trente
ans avant que cela n’existe!! D’ailleurs une photo les immortalise à jamais dans leur oeuvre.
Aujourd’hui bien sur, Titi et Pascal ont vieilli. Ils ne courent plus les concerts et ont une vie
tout à fait normale. Grace à cette jeunesse bancale, ils ont appris que les défauts pouvaient
devenir des qualités. C’est ainsi que Pascal a créé, il y a déjà 25 ans, la première société de
motocrottes dont il n’est pas peu fier et que Titi le tête en l’air est devenu LE spécialiste
mondial de la voute céleste dont il connait par coeur l’intimité et les petits noms des étoiles
oubliées. Et comme dirait Angus Young « For Those About To Rock, We salute You » !
Tony Foucart
[email protected]

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