– le chef - Laurie Raphaël

Transcription

– le chef - Laurie Raphaël
confidences
d’ici
«J’ai réussi
avec mon fils
là où mon
père a échoué
avec moi»
– Le chef
En compagnie de
son fils, Raphaël,
dans les cuisines
du Laurie Raphaël,
à Québec
Daniel
Vézina
Ce vendredi-là, en début d’après-midi, son réputé
restaurant de Montréal, le Laurie Raphaël,
commençait à peine à se désemplir. Daniel Vézina
avait les choses bien en main. Non loin de lui,
sa femme organisait son emploi du temps pour
la promotion de son nouveau livre, pendant
qu’à 250 km de là, à Québec, son fils aîné gérait
son autre établissement. Décidément, le
coaninateur de l’émission Les chefs! Est aussi
un chef d’orchestre!
PAR ÉRICK RÉMY / PHOTOS: ALEXANDRE DESLAURIERS
22
|
Le Lundi
Raphaël Vézina, son fils
«Au travail,
je l’appelle
Daniel ou chef»
Monsieur Vézina, non seulement
votre nouveau livre contient des
recettes de base, mais il présente
aussi les techniques fondamentales
en gastronomie. Est-ce qu’à force
de s’occuper de la forme on a oublié
le fond?
Tout à fait. Aujourd’hui, les livres
de recettes sont devenus des œuvres d’art faites de belles photos
et de belles histoires, mais dans
lesquelles on ne parle jamais des
techniques de base de la cuisine.
J’ai moi-même écrit trois livres de
recettes avant celui-là et je n’en
avais pas parlé. J’ai senti que les
gens étaient prêts pour ça. Avec
l’émission Les chefs!, le public
s’est rendu compte que, pour
réussir une recette, il est essentiel
de connaître les techniques de
base de la cuisine. Ce livre
contient toutes ces méthodes-là.
Raphaël, vous venez d’être promu chef de cuisine au Laurie Raphaël de
Québec. Est-ce que le fait d’avoir une telle responsabilité à 24 ans exerce
une pression sur vous?
Étant donné que j’ai été chef de section durant deux ans au Laurie Raphaël de
Montréal, j’étais bien préparé. Je ne suis pas stressé, car j’ai une belle équipe
derrière moi. Et j’ai aussi Daniel pour superviser tout ça.
Il est étonnant que vous appeliez votre père Daniel.
Au travail, je l’appelle Daniel ou chef mais, quand je suis à la maison, je l’appelle
papa...
En quoi votre père est-il différent lorsqu’il est chef en cuisine et quand il
est chef de famille?
À la maison, c’est cool, avec Dan. Il est un bon père, il est aussi mon ami. J’ai
toujours eu une belle relation avec lui. Dans la cuisine, nous nous entendons bien
aussi, mais c’est beaucoup plus strict. Au restaurant, quand il veut quelque chose,
c’est impératif.
Faites-vous le même métier que votre
père parce que c’était la voie toute
tracée ou parce qu’il vous a transmis
sa passion?
Je suis «tombé dans la cuisine» quand
j’étais jeune. Durant mes études, j’ai
toujours travaillé en cuisine: j’ai été
plongeur, j’ai travaillé dans la pâtisserie,
à l’entremets, au garde-manger. Bref, j’ai
occupé à peu près tous les postes. Je me
suis passionné pour cet environnement un
peu militaire où tout le monde sait ce qu’il a
à faire. Quand ç’a été le temps que je fasse
des choix, on m’a proposé de partir trois
ans en Europe afin d’apprendre mon métier.
En plus, ça me tentait!
«Ma relation avec Raphaël a guéri
bien des bobos que j’avais gardés
de ma jeunesse.»
En quoi la génération montante de
chefs est-elle différente de celle dont
vous faites partie?
Il y a 30 ans, la cuisine californienne, caractérisée par ses présentations en hauteur avec des herbes,
était très populaire. Aujourd’hui,
la nouvelle tendance est la cuisine
moléculaire. Les jeunes s’y intéressent, mais ils ne maîtrisent
pas leurs bases. Si tu ne connais
pas le fondement des recettes,
tu ne peux pas en créer d’autres.
Tu auras beau faire une belle
décoration, ça ne garantit pas
que ton plat sera savoureux. La
cuisine est une affaire de goût.
Il faut d’abord et avant tout que
ce soit bon.
Pourquoi vous êtes-vous servi des
prénoms de vos enfants pour
baptiser vos restaurants?
Ça s’est décidé il y a 20 ans. À cette
époque, comme tous les parents,
24
|
Le Lundi
nous étions gagas de nos enfants.
Notre fils, Raphaël, avait à peine
trois ans, et mon épouse, Suzanne,
était enceinte de notre fille,
Laurie. Lorsque le temps est venu
de trouver un nom pour notre restaurant, nous avons arrêté notre
choix sur Laurie Raphaël. La beauté de la vie a voulu que, 20 ans
plus tard, mon fils devienne chef
de mon restaurant de Québec.
C’était de la projection!
Et votre fille, Laurie, travaille-t-elle
aussi dans vos restaurants?
En ce moment, elle est en
Nouvelle-Zélande avec son chum.
Elle a 21 ans. Elle vit un «trip de
voyages», mais elle aime beaucoup
la restauration. D’ailleurs, Laurie
avait commencé à travailler avec
sa mère du côté de l’administration et du marketing. Je pense
qu’un jour on va la récupérer; j’ai
bon espoir! (rires)
Votre femme, Suzanne, est aussi
votre partenaire d’affaires.
Si elle n’avait pas été avec moi,
peut-être que cela n’aurait pas aussi
bien marché... Suzanne est vraiment le boss; moi, je ne suis que le
chef. (Il fait un clin d’œil à sa femme.) Elle gère et elle mène… comme une Germaine. (rires) À 25 ans,
quand j’ai eu l’offre de faire
démarrer mon premier restaurant,
cela faisait déjà 10 ans que nous
étions ensemble. Comme à la
maison, je n’étais pas un super
gestionnaire... J’étais plus un
rêveur, un penseur et un artiste
quand nous avons mis notre maison en garantie afin d’emprunter
Outre en cuisine, dans quel domaine
votre père vous épate-t-il?
Il est un bon pêcheur. S’il n’est pas très
manuel et ne fera que rarement des
réparations dans la maison, en contrepartie,
il est un grand sportif. Il fait beaucoup de
vélo. Il est un excellent golfeur. Il court et
il est très en forme. Même s’il a 50 ans, il
s’entraîne trois fois par semaine. Il a bon
caractère et il sait habilement gérer les
situations plus critiques.
recettes
Lelundi.com
Ne manquez pas de découvrir la recette
exclusive que Daniel Vézina et son fils
offrent aux lectrices du Lundi.
«Comme aucun de
nous n’aime plier,
Raphaël et moi
avons parfois des
prises de bec.»
pour mon premier restaurant. Ne
voulant pas perdre son investissement, Suzanne s’est impliquée
dans la gestion du commerce. De
toute façon, il aurait été impensable que je mette sur pied une entreprise sans elle.
Raphaël est chef de cuisine au Laurie
Raphaël de Québec. Un tel poste est
habituellement réservé à des gens
plus âgés.
Raphaël a commencé à travailler
en cuisine dès l’âge de 13 ans. Cela
l’a avantagé. En plus, il est entré
dans une entreprise organisée qui
roule depuis 20 ans et où il y a une
structure. Raphaël est responsable
de la cuisine avec le chef Maxime
Lebrun, qui travaille au Laurie
Raphaël de Québec depuis plus de
cinq ans. Il n’est pas seul: il est
dans une brigade de 10 cuisiniers.
Il est appuyé par plein de personnes compétentes. Même s’il est
jeune — il a eu 24 ans le 24 mai —,
Raphaël n’a pas la grosse tête. Il
est franc et juste avec les gens. Et
il est rassembleur.
Qu’il soit le fils du patron peut-il
causer des problèmes?
Son attitude n’est pas celle d’un
«fils de boss». D’ailleurs, je me
souviens de l’avoir chicané en cuisine devant les autres, justement
pour montrer que mon fils ne
26
|
Le Lundi
bénéficiait pas d’un traitement
différent. J’ai été plus dur avec lui
qu’avec d’autres employés.
À quel moment Raphaël n’est-il plus
votre fils, mais votre employé?
Quand il m’énerve! (rires) Raphaël
et moi sommes pareils. Nous sommes tous deux Gémeaux. Comme
aucun de nous n’aime plier, nous
avons parfois des prises de bec.
Par contre, étant donné qu’il existe
une hiérarchie en cuisine, il ne me
tiendra jamais tête devant les
autres.
Il semble y avoir une grande
complicité entre Raphaël et vous.
Avez-vous vécu la même chose avec
votre père ou diriez-vous plutôt que
vous avez réussi là où votre paternel
a échoué?
J’ai réussi là où mon père a
échoué. Je n’avais pas une belle et
grande relation avec lui. Étant
donné qu’il était militaire, à la maison, il fallait que ça marche au
pas... Ma mère disait souvent à
mon père: «Tu ne peux pas traiter
tes enfants comme s’ils étaient des
soldats.» Mon père a été extrêmement dur. C’est sûr que ma relation avec Raphaël a guéri bien des
bobos que j’avais gardés de ma
jeunesse. Tu ne veux pas reproduire la même chose avec tes enfants.
Ce que j’ai hâte de savoir, c’est si
j’en ai trop fait… (rires)
Si, un jour, Raphaël se sentait
interpellé par une autre profession,
en seriez-vous déçu?
Aujourd’hui, je dirais oui, car j’ai
des attentes envers lui que je
n’avais pas avant qu’il choisisse ce
métier. Raphaël sait que, graduellement, je lui transférerai l’entreprise. Dans une dizaine d’années, il
sera propriétaire du restaurant.
S’il partait demain matin pour
exercer une autre profession, ça
changerait mes plans...
Quelle erreur ne souhaitez-vous pas
que Raphaël commette à son tour?
Très jeune, j’ai assumé de grosses
responsabilités et, ensuite, j’ai fondé mon entreprise. J’aurais dû
voyager davantage et aller travailler plus souvent en Europe.
J’ai fait des stages, mais seulement durant deux ou trois semaines à la fois, car j’avais déjà mon
restaurant. Même si Raphaël est
responsable du Laurie Raphaël de
Québec, je prévois qu’en janvier
prochain il parte quatre ou cinq
mois en Espagne. Je veux qu’il
aille voir le monde avant qu’il ait
trop de responsabilités et d’obligations ici.
u L’atelier de Daniel Vézina: plus de
100 techniques et recettes de base est
publié aux Éditions La Presse.
u La deuxième saison de l’émission
Les chefs! est présentée les lundis,
à 20 h, sur les ondes de Radio-Canada.
u Pour en savoir plus sur les
restaurants de Daniel Vézina:
www.laurieraphael.com

Documents pareils

LE pArcours D`uN gAgNANt

LE pArcours D`uN gAgNANt fondant au fromage de chèvre... sans croûtons. On a bien ri! Plus beau souvenir professionnel : le banquet que j’ai préparé pour les 34 chefs d’État à la Maison du gouverneur général lors du Sommet...

Plus en détail

Party de noël 2013 Laurie Raphaël / Québec

Party de noël 2013 Laurie Raphaël / Québec maison de notre boutique LR afin d’offrir à vos convives un cadeau des plus gourmand. Informez-vous! OFFRE SPÉCIALE : Réservez votre terrine de foie gras signée Daniel Vézina avant le 1 décembre et...

Plus en détail