Maingoval en vedette de VERS L`AVENIR

Transcription

Maingoval en vedette de VERS L`AVENIR
SAMEDI 15 JUIN 2013
BW
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La double vie de François Maingoval
Le jour, il est
responsable d’un service
informatique. Le soir et
le week-end, il écrit des
scénarios de BD. Voici
François Maingoval.
●
« Àchoisir, je préfère de loin le
Noct’en Bulles de Louvain­La­Neuve,
là les visiteurs sont de vrais curieux
de la BD, nous confie­t­il. Ce ne
sont pas des chasseurs de dédicaces
comme il y en a tant à Angoulême…
même si j’avoue que c’est bien sympa
d’y voir les copains.» Et vlan.
Dormir dans l’atelier de Peyo
Magalie BEGON
S
Que trouve-t-on dans
le bureau de François
Maingoval ? Des bandes
dessinées évidemment.
ÉdA
cénariste de BD et responsa­
ble d’un service informati­
que de l’UCL, deux métiers
qui semblent de prime abord to­
talement incompatibles. Pas
pour François Maingoval – c’est
son nom de plume – qui endosse
avec bonheur les deux casquet­
tes. «Effectivement, ces deux activi­
tés n’ont rien à voir, sourit le Sté­
phanois. Mais pour la petite
histoire, quand j’étais jeune, j’hésitais
à suivre des études en philologie ro­
mane ou en sciences. Mes parents
m’ont conseillé de jouer la carte de la
sécurité tout en me soufflant dans le
creux de l’oreille qu’être ingénieur ne
m’empêcherait pas de continuer à
écrire si je le souhaitais. J’ai alors
passé l’examen d’entrée, l’ai
réussi…et me voilà.»
Un parcours peu banal soit mais
l’amoureux de la langue fran­
çaise ne regrette en rien ses
choix.«J’aime mes deux boulots»,
répète à l’envie l’initiateur du ré­
cent Corpus Christi (voir ci­des­
sous) même si à l’UCL, il ne crie
pas sous tous les toits qu’il est
également auteur de BD et pré­
fère d’ailleurs qu’on ne cite pas
son vrai nom dans cet article.
Dénuder ou pas l’héroïne ?
Mener une «double vie» lui
confère cependant certains avan­
tages. À savoir, principalement,
une liberté que peu de ses confrè­
res scénaristes – hormis les quel­
ques pointures qui évoluent dans
ce domaine bien sûr – peuvent se
targuer. «Si un éditeur me dit : “Ok,
j’accepte votre série…à condition que
vous rajoutiez du sexe dans le scéna­
rio” – ça fera vendre ­, je peux l’en­
voyer balader, tenir bon et lui expo­
ser mes arguments.»
C’est d’ailleurs ce qui lui est ar­
rivé sur la série Ada Enigma où
Glénat voulait dénuder son hé­
roïne, fort jolie au demeurant.
Mais François Maingoval, qui a
également cosigné le scénario de
deux numéros de la série Alix, n’a
pas cédé : pas question de cour­
ber l’échine alors qu’une scène de
nu n’apporterait rien à l’his­
toire. «Dire non, c’est un luxe que je
peux me permettre comparé à cer­
tains de mes camarades qui ne vi­
vent que de leur plume. Il faut savoir
que même certains auteurs connus
de BD gagnent peu. Ce n’est pas un
milieu évident. La crise est aussi pas­
sée par là.»
De l’« affaire Ada Enigma» en
tout cas, il n’en reste qu’une pri­
vate joke dans l’album.Une case
où l’on voit la jeune fille de bonne
famille se changer derrière un pa­
ravent, protégée des regards in­
discrets. «Mon éditeur a tout de
suite compris le clin d’œil», sourit
malicieusement celui qui a
voyagé aux quatre coins de la pla­
nète.
François Maingoval a dû carac­
tère, c’est certain. Les internautes
se souviennent d’ailleurs encore
aujourd’hui de son billet causti­
que sur le festival d’Angoulême.
D’aucuns pourraient le trouver
un peu fanfaron. À son corps dé­
fendant, avoir pour première
chambre l’atelier de Peyo – sa fa­
mille a habité durant quelques
années à Uccle dans l’ancien ap­
partement du papa des Sch­
troumpfs – et avoir croisé petit,
dans la même école, les enfants
de quelques stars en devenir de la
BD, ça ne peut que laisser des tra­
ces. Un amour inconditionnel
pour le 9e art.
François Maingoval a d’ailleurs
écrit ses premiers scénarios à
l’âge de 14 ans.Avant d’être pu­
blié dans le journal Tintin à 16
ans. Ses premières histoires, il les
a vendues à son archéologue de
grand­père. « Il me disait : “Je te
prends plusieurs exemplaires. Je
trouverai bien des amateurs autour
de moi”. Avec le recul, je ne suis plus
dupe, je suppose qu’il les gardait tou­
tes pour lui.Enfin soit, il a toujours
été quelqu’un d’important pour
moi.Je cite d’ailleurs son nom dans
Corpus Christi. C’est une façon de
lui rendre hommage.» ■
Le portrait chinois de Maingoval
sur www.lavenir.net/maingoval
« J’ai des espions au Vatican »
Maingoval
le globe-trotter
Sorti peu de temps après la
démission de Benoît XVI, «Corpus
Christi» raconte les aventures
d’un archéologue qui découvre
la dépouille du Christ.Un
scénario signé Maingoval.
Si l’action de Corpus Christi: le
secret des papes se déroule à
Pétra, en Jordanie, ce n’est pas
un hasard.François Maingoval
aime voyager. Beaucoup.
Passionnément et toujours
en dehors des sentiers
battus. «À l’époque où je suis
allé à Pétra, ce n’était pas
encore trop touristique.Les
rares visiteurs qui y allaient
partaient de la capitale le
matin, arrivaient à midi et s’en
allaient peu de temps après.
Les habitants s’amusaient
d’ailleurs à dire qu’à 12h, à
Pétra, seuls les ânes et les
touristes étaient assez fous
pour s’aventurer dehors tant il
fait chaud. Blague à part,
jamais un lieu ne m’avait
procuré une telle émotion.Je
suis fasciné par ce site.»
L
e Christ n’est jamais revenu d’entre les
morts.Sa dépouille vient en effet d’être
découverte à Pétra, en Jordanie, par un ar­
chéologue.C’est le point de départ de Corpus
Christi : le secret des papes dont le scénario est
signé François Maingoval. Un album que
certains ont un peu vite rapproché du Da
Vinci Code de Dan Brown.«C’est le genre de ro­
man que je n’aime pas lire.Alors ok, il y a des se­
crets cachés comme dans Corpus Christi mais le
livre va trop loin dans les complots, le jeu de pistes,
les retournements de situation…. Pour moi, ce
n’est pas crédible», note le Stéphanois.
Si vous lui dites par contre que vous trouvez
au récit un petit côté «Indiana Jones», là il
applaudit des deux mains.«Je prends cette re­
marque comme un compliment.J’aime beaucoup
les trois premiers films de la saga», lance­t­il
joyeusement avant de relever dans l’album
les clins d’œil qui ont été glissés çà et là en
référence à Alix et à Tintin. «Vous ne trouvez
pas que le conducteur de cette jeep ressemble aux
Dupondt ?», nous questionne l’auteur tout en
désignant le personnage en question.
On acquiesce tant la ressemblance est frap­
pante.Avant d’embrayer sur les quelques cri­
tiques que l’album a essuyées.Parmi celles­ci,
le caractère prétendument anticlérical de
Corpus Christi relevé par une poignée de per­
sonnes. «Ceux qui prennent l’album au pied de
la lettre seront peut­être être choqués.Mais je ne
stigmatise personne, je pense.Ce n’est pas une
BDanticlérical. On y voit un pape plus désespéré
qu’autre chose quand il découvre la vérité. Le hé­
ros n’a pas affaire non plus à une Église hyper
puissante qui envoie des tueurs à gages le débus­
quer.Et puis, après tout, que le Christ soit ressus­
cité ou non, ce n’est pas ça qui est important selon
moi.C’est son message d’humanité, d’espoir et
d’amour qui l’est.»
François Maingoval aime en tout cas entre­
tenir une certaine ambiguïté, mélanger des
faits authentiques à des éléments inventés de
toutes pièces.Si bien que parfois le lecteur ne
sait plus toujours distinguer la réalité de la
fiction.«Je ne le cache pas, ça me fait rire.Mais
j’ai peut­être poussé le bouchon un peu trop loin en
prétendant que Jean­Paul Ier s’était suicidé.»
À des lecteurs qui s’étonnaient de voir men­
tionner la démission de Benoît XVI dans l’al­
bum qui est pourtant sorti peu de temps
après cette annonce, le plaisantin leur a ré­
pondu : «J’ai pu prévoir l’événement.J’ai des es­
pions au Vatican». Ce qui n’est évidemment
pas vrai, le récit ayant été modifié au dernier
moment.Mais cela a suffi à faire douter quel­
ques fans. «Je suis comme ça, c’est mon hu­
mour», sourit l’auteur. ■
M.B.

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