L`utilisation d`acquisitions avec des installations « portables

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L`utilisation d`acquisitions avec des installations « portables
BULLETIN
DE
L’UNION
DES
PHYSICIENS
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L’utilisation d’acquisitions
avec des installations « portables »
dans l’enseignement de la physique
par B. PECORI, G. TORZO, G. PEZZI,
O. FOÀ, A. RAMBELLI, M. RAFANELLI et M.R. RIZZO
Traduit par Gérard SERRA
Lycée Saint-Charles - 13001 Marseille
RÉSUMÉ
Un groupe d’adhérents de l’Association pour l’enseignement de la physique (AIF)
s’est consacré au développement d’activités expérimentales de physique avec du matériel d’acquisition portable disponible dans les lycées et les universités. Le matériel est
constitué d’une centrale auto alimentée, légère, de petite dimension et utilisable efficacement dans une salle ou en extérieur.
Dans cette étude, ils ont sélectionné des groupes d’expériences qui se rapportent
aux différentes disciplines de la physique (mécanique, thermodynamique, électromagnétisme) permettant de mettre en évidence divers aspects de l’utilisation du MBL (Microcomputer based laboratory) particulièrement utile dans l’enseignement de la physique.
PRÉAMBULE
L’utilisation des nouvelles technologies dans l’enseignement de la physique permet
réaliser un poste de travail dont les caractéristiques sont :
Rapidité de l’acquisition des mesures.
Acquisition des données relatives au phénomène étudié.
Possibilité d’enregistrer les données dans un format aisément duplicable et transférable.
Facilité et rapidité dans la représentation de ces données.
Facilité dans le traitement de ces données (analyse, interpolation, comparaison à des
modèles mathématiques, transformation mathématiques).
♦ Possibilité de revoir en temps différé l’expérience exécutée en utilisant les données
acquises. Cette caractéristique facilitant une démarche avec rétroaction positive en
confrontant les données et les prévisions, en révisant le modèle, en refaisant l’expérience pour une nouvelle confrontation...).
de
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NDLR : Cet article a été publié sous une forme plus complète dans le cadre d’une « note de laboratoire » dans
la revue de l’AIF « La Fisica nella Scuola », Anno XXXIV n.1, Supplemento gennaio-marzo 2001.
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♦ Modélisation du phénomène.
♦ Planification et exécution de l’expérience.
En outre, la précision et l’abondance des données expérimentales obtenues à « faible
coût » par le MBL, permettent d’étudier des phénomènes sans devoir recourir à une
excessive « stérilisation » comme dans un laboratoire traditionnel (élimination des frottements et en général des phénomènes dissipations en cinématique et dynamique, restriction à des vitesses faibles, à des phénomènes quasi statiques que nécessitent des
mesures compatibles avec les temps de réaction de l’œil, de la main...).
Ceci permet d’éliminer (ou au moins de réduire) l’idée, si ancrée dans l’esprit des
élèves, que l’expérience de laboratoire est une tout autre chose que la réalité du monde
physique et que c’est seulement un « jeu que le physicien invente », qui n’a de sens que
pour lui...).
Mettre à disposition des élèves une méthode facile pour mesurer, laisse place à un
effort pour comprendre ce qu’il veut mesurer et pour quelles raisons il va le faire. Rendre
possibles des mesures sur des phénomènes relativement complexes (et plus proches des
phénomènes quotidiens) amplifie les aspects « ludiques » du travail de laboratoire ; caractéristique non négligeable en cette période de désaffection des universités scientifiques.
Si l’on adopte la nouvelle technologie de la calculatrice graphique (Texas, Hewlett
Packard, Casio) on peut faire à peu près tout ce que permet un ordinateur sans réduire la
qualité du travail expérimental et de l’analyse des données. Les expériences au niveau de
l’enseignement secondaire ou des premières années d’université peuvent être conduites
avec un équipement portable, directement dans une salle non équipée : on peut amener
le laboratoire aux élèves et non les élèves au laboratoire. En outre les élèves peuvent
transporter chez eux les données pour les analyser sur leur ordinateur, ce qui représente
une souplesse dans la gestion du temps.
Un exemple de MBL portable est offert par l’interface CBL-Texas (ou LabPro-Vernier ou encore DataLab-Firmware System) reliée à un certain nombres de capteurs alimentés directement par l’interface et connectée à une calculette graphique (TI3P, TI9,
TI92P ou encore HP4G). Ces systèmes réalisent un « instrument de mesure universel »
qui présente à l’utilisateur une pratique identique quel que soit le capteur utilisé. On peut
connecter simultanément jusqu’à quatre capteurs. On passe ainsi du baromètre au
magnétomètre, au voltmètre, au dynamomètre, à la balance, à l’accéléromètre...
L’utilisation du MBL comme « instrument universel » de mesure réduit considérablement les coûts d’investissement et permet d’envisager une plus grande gamme d’expériences en un temps réduit. On prépare ainsi les élèves à des activités qu’il retrouveront dans les laboratoires de recherche dans leur vie active. C’est aussi la possibilité de
comprendre la logique fondamentale de la mesure.
La flexibilité de ces instrument universels peut aussi stimuler l’initiative amenant
les plus inventifs à une autonomie pour une pédagogie différenciée.
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1. OSCILLATIONS MÉCANIQUES HARMONIQUES
ET ANHARMONIQUES
La mécanique des mouvements oscillatoires est l’un des exemples en faveur de l’interface CBL avec calculatrice graphique. En effet il est important de saisir l’évolution
temporelle du phénomène et pouvoir analyser les graphiques de position, de vitesse et
d’accélération permettant souvent de déterminer les caractéristiques essentielles du type
d’oscillation.
De plus, l’analyse des données expérimentales en représentant les grandeurs deux à
deux : vitesse / position, accélération / position, force / accélération, force / position, peut
offrir de précieux éléments pour approfondir le phénomène étudié. Ce système étend les
possibilités de l’œil et de la mémoire par l’enregistrement permanent qui autorise une
réutilisation des données qualitatives. Enfin une analyse quantitative est possible en
temps différé et en d’autres lieux. Pour illustrer ce qui précède, nous prendrons trois systèmes oscillants : oscillateur masse ressort, une utilisation particulière de la machine
d’Atwood dont l’une des masses est partiellement immergée et un pendule simple. On a
un oscillateur harmonique dans le premier cas si la force résultante est proportionnelle à
l’élongation. Dans le second cas il faut que la masse reste semi-immergée et dans le dernier cas, il faudra se limiter aux faibles élongations.
1.1. Un exemple de confrontation qualitative entre le oscillateurs
Figure 1
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Les graphiques de position en fonction du temps montrent des sinusoïdes amorties.
Les graphiques de vitesse et d’accélération montrent mieux la différence entre ces trois
oscillateurs. Dans le système masse ressort, la vitesse est en quadrature avec la position.
Dans la machine d’Atwood, on constate que si l’amplitude est excessive, on a une vitesse
en dent de scie attestant des accélérations constantes mais changeant de signes à chaque
alternance. Avec le pendule simple, à grande élongation, on voit bien sur la vitesse que
ce n’est plus une sinusoïde. On voit que l’approximation harmonique simplifie la mise
en équation mais est en défaut pour une analyse précise.
L’isochronisme caractéristique des oscillateurs harmoniques peut être aisément
contrôlé avec ce dispositif. Il est clair que les oscillateurs harmoniques sont rares dans la
nature, compte tenu du champ gravitationnel localement constant et homogène, entraînant une force constante.
1.2. L’oscillateur vertical masse ressort
Le matériel nécessaire est un capteur de position (sonar), un capteur de force, une
série de masses et de ressorts. Les graphes position / vitesse et accélération / temps, montrent qu’on a bien à faire à un oscillateur harmonique.
Figure 2
Les graphes force / position et accélération / position sont linéaires, ils permettent de
calculer la raideur des ressorts, les masses et la dépendance de la période à (m/ k)1/2. Enfin
les calculs des énergies potentielle, cinétique et mécanique ainsi que leur représentation
graphique, conduit à une discussion approfondie sur les transformation de l’énergie en particulier si l’on place un frein aérodynamique créant des frottements visqueux.
1.3. Le pendule
Le matériel nécessaire est un capteur de rotation potentiométrique ; on fait des acquisitions pour de grandes élongations angulaires (. ± 360°) et pour des élongations angulaires plus restreintes (. ± 30°).
On peut ainsi vérifier l’isochronisme des petites oscillations, c’est-à-dire que la
période est indépendante de la masse mais dépend de sa distance à l’axe et la confronter
à la relation 2r (1 / g)1/2. Pour les grandes élongations, vang (t) et aang (t) ne sont plus sinusoïdales et aang (z) n’est plus linéaire en f ; elle est de la forme - (g / l)sin z -(g/l)sinf.
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Figure 3 : Grandes oscillations
Figure 4 : Accélération en fonction de l’angle x.
Figure 5 : Période (y) en fonction de l’amplitude.
Figure 6 : Accélération en fonction de sin(x).
Figure 7 : Petites oscillations.
1.4. L’oscillateur d’Atwood
Le matériel nécessaire est un capteur de position. L’équilibre est obtenu avec le
cylindre de hauteur h, à demi immergé et surchargé de la moitié de la masse d’eau de
même volume que ce cylindre notée Dm.
Figure 8
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Les remarques faites plus haut peuvent être complétées par la confrontation avec la
relation : F = - Dmg.sgn (x) dans le premier cas et F = - Dmg.x / h dans le second. On voit
que la période ne dépend sensiblement de l’amplitude que pour des valeurs élevées de
cette dernière.
2. TRANSFORMATIONS THERMODYNAMIQUES : ÉVOLUTION
DANS LE TEMPS ET ÉQUATION D’ÉTAT
La possibilité d’acquisitions de mesures simultanées de plusieurs grandeurs, avec
une fréquence d’échantillonnage élevée, rend accessible des mesures thermodynamiques
réputées délicates. Pour les élèves, il est plus facile dans un premier temps d’interpréter
les phénomènes en termes de variable dépendant du temps plutôt qu’en terme d’état
d’équilibre.
2.1. Le thermomètre à gaz
Le matériel est constitué d’un capteur de pression, un thermomètre et un réchaud
électrique. La fonction affine pi = p0 (1 + ai) donne la température dans une transformation isochore : i = (pi - p0) / a. Le volume d’air (assimilé à un gaz parfait), contenu dans
une bouteille de bière en aluminium permet de mesurer, par l’intermédiaire de sa pression, sa température. Une extrapolation de la régression linéaire vers p = 0 montre que la
température atteint un zéro absolu car la pression ne peut devenir négative.
Figure 10 : Température mesurée et pression P.
Figure 9
Figure 11 : Extrapolation linéaire de t(P) à P = 0.
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2.2. La loi des gaz parfaits PV = nRT
Le matériel utilisé est un capteur de pression relié à une seringue immergée dans de
l’eau servant de thermostat, la température étant mesurée par une sonde thermométrique.
Les deux capteurs sont connectés à une CBL et une calculatrice. Le volume est lu sur la
seringue et à température constante, on peut vérifier que P.V = C te. Avec une température
variant de 0° quelques dizaines de degrés, on peut afficher 1 / P en fonction du volume,
le coefficient directeur de cette représentation dépendant de la température. Une extrapolation conduit à une température voisine de – 273 °C.
Figure 12
Figure 13
Figure 14
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2.3. L’expérience de Rüchardt (1929)
Les transformations adiabatiques réversibles pour un gaz parfait, obéissent à l’équation
de Poisson : PV c = C te avec cp / cv. Avec la loi des gaz parfaits on obtient : TV c - 1 = C te.
Un piston de masse m, oscille dans un tube vertical dont l’aire de la section droite
vaut A. La force de rappel étant proportionnelle à l’élongation du piston, on a un mouvement harmonique. Or la pulsation est donnée par ~ = (c.PA2 /mV)1/2, d’où le calcul de
2
c = mV / A P~2.
Figure 15
Figure 16
Figure 17 : Vérification de l’équation de Poisson.
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3. LES TRANSITIONS DANS L’INDUCTION MAGNÉTIQUE
Les transitions liées à l’induction sont des phénomènes habituels, très fugaces. Le
matériel utilisé est composé d’un capteur de champ magnétique et d’un capteur de tension connectés à une CBL.
3.1. Chute d’un aimant dans une bobine
Figure 18
Les schémas indiquent clairement le principe de ces manipulations qui illustrent la
loi de Faraday-Neumann : e (t) = - DU / Dt. L’intégrale de e (t) : le flux total, est l’aire
contenue sous la courbe et doit s’annuler si les valeurs initiales et finales sont négligeables. On peut utiliser deux bobines identiques connectées en série (équivalent à une
bobine plus longue) ou comme l’indique le schéma ci-dessous ; le calcul de l’intégrale
donnant une valeur nulle.
Figure 19
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3.2. Constante de temps d’un dipôle R-L
On peut faire l’économie d’un générateur de signaux, le matériel nécessaire est
composé d’un capteur de champ magnétique dans l’axe de la bobine à noyau de fer doux
et d’un capteur de tension en parallèle sur le dipôle ohmique (R = 10 X) (NDT : le noyau
de fer doux ne permet plus de considérer le champ magnétique proportionnel au courant
lorsqu’il devient intense). Les graphes obtenus permettent de déterminer la constante de
temps t et de la comparer aux valeurs de L et de R.
Figure 20
Figure 21
3.3. Induction mutuelle
Le noyau de fer doux traversant les deux bobines, la variation de champ magnétique
produit par la bobine inférieure induit une tension dans la bobine supérieure. Les graphes
obtenus vérifient bien la théorie (cf. figure 22).
3.4. Courants parasites et loi de Lenz
Les bobines précédentes constituent un transformateur. L’aspect du champ magnétique dans le noyau, quand le secondaire est court-circuité, est donné par le capteur de
champ magnétique. L’aspect est le même mis à part la durée du phénomène qui augmente
en raison des courants parasites qui s’opposent à l’établissement du courant principal en
accord avec la loi de Lenz (cf. figure 23).
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Figure 22
Figure 23
Une autre vérification de la loi consiste à enregistrer le courant lorsqu’on retire brusquement le noyau de fer doux de la bobine du circuit R-L.
Figure 24
La diminution du flux magnétique causée par le remplacement du noyau par de l’air
de perméabilité très inférieure, produit un courant pour compenser cette diminution.
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3.5. Surtension à l’ouverture du circuit
Matériel nécessaire : capteur de tension en parallèle sur l’interrupteur. À l’ouverture
du circuit, la tension passe de 0 V à 1,5 V mais par un pic de valeur très supérieure, dû
à la f.é.m. induite dans la bobine. L’impédance Z du capteur (# 750 Ω), est soumis à cette
tension induite : v = Zi, décroissant avec une constante de temps x = L / Z .
Figure 25
Note de la rédaction de l’UdP
Nous avons gardé, dans cet article, la multiplicité des expériences proposées qui
nous a semblé intéressante, mais nous avons dû, pour des raisons de longueur, réduire la
description détaillée de chacune de ces expériences. Les lecteurs intéressés trouveront
l’article original - en italien - sur le serveur de l’UdP :
http://www.cnam.fr/hebergement/udp/
BIBIOGRAPHIE
Quelques références bibliographiques trouvées dans le BUP :
♦ Rappelons que nous avons publié en décembre 1996 un cahier spécial entièrement
consacré à « La calculette et l’enseignement des sciences physiques » (n° 789(2)) 169 pages.
♦ OLDKNOW A., COURTILLOT D. et WINTHER J. Des expériences de physique en classe de
mathématique et sciences physiques - Exemples d’exploitation pluridisciplinaire. Bull.
Un. Phys. juillet-août-septembre 1999, vol. 93, n° 816, p. 1149-1160.
Tous les auteurs de cet article sont des membres actifs de l’association italienne des
professeurs de physique AIF et de l’association pour l’enseignement avec la technologie
(ADT). Ils ont tous enseigné, dans le cadre de la formation des maîtres, la physique expérimentale et l’acquisition de mesures en temps réel.
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