auf Deutsch - Sergei Aschwanden
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auf Deutsch - Sergei Aschwanden
58 OUTDOOR SERGEI ASCHWANDEN PHOTO: KEYSTONE ENFIN En 2008, après deux échecs successifs, Aschwanden gagne un bronze très émouvant à 33 ans, à Pékin. EN FAMILLE Un exploit et un moment de bonheur: Sonja, Mailys et Sergei Aschwanden (36 ans) en pique-nique devant la croix de Châtel (VD,1432 m), aux formes très originales. Le grand champion de judo déteste les balades. On a pourtant réussi à l’entraîner dans le Jura vaudois et il a fi ni par aimer la douceur de ces instants. Confidences. Texte: Marc David Photos: Sedrik Nemeth D’ abord, soyons honnêtes: Sergei et les balades, ça fait deux. Le judoka est un pur produit de la banlieue lausannoise. Son territoire, c’est Bussigny, où il a longtemps vécu. Prilly, où il habite. Ses endroits familiers, ce sont la piscine de Renens, la brasserie Bavaria, le club de judo Mikami à Lausanne. Les bancs de l’université, où il vient de terminer son bachelor. La nature lui rappelle même quelques souvenirs mi-amers: «Jusqu’à l’âge de 15 ans, mes parents nous y entraînaient, le samedi. Nous laissions la voiture au bord d’une route et nous allions cueillir mûres et framboises. Ce que cela pouvait me fatiguer!» Il s’est ensuite engagé dans le judo et la majeure partie de ses week-ends ont été occupés par les stages. Cela lui convenait parfaitement. «J’adorais. J’ai toujours été à fond dans la compétition.» Puis, à peine sorti de l’enfance, il est parti vivre au Centre national du sport, à Macolin. «Je devais parfois parcourir la montée depuis Bienne, dans la forêt. Je détestais et mon coach se moquait de moi.» Un jour de novembre 2009, il a aussi couru le marathon de New York, par défi. Il s’y est ennuyé. Voilà pour sa relation à l’endurance, plutôt désagréable. L‘ILLUSTRÉ SPORT · Septembre 2012 «LES RANDONNÉES, C‘ÉTAIT MON CAUCHEMAR!» Tout le contraire de son épouse Sonja. Exgymnaste, née dans une famille argovienne de quatre filles, elle a souvent été en vacances au Tessin, où son grand-père avait une maison. «Et puis j’étais scoute, dans mon village de Blaustein-Gränichen. Nous partions camper, sac au dos. La première chose que j’ai faite après m’être installée à Lausanne a été de sauter sur mon VTT et d’aller chercher la nature.» Elle a même tenté d’y entraîner Sergei. «Mais il râle très vite…» sourit-elle. Là, il a dit oui. Oui à une balade tranquille dans le Jura vaudois, sur les hauteurs de Châtel. Des chips, du cake, un taboulé et une nappe. Une sortie facile pour un jeune couple et sa petite fille de 7 mois, Mailys. Il fait beau, le Jura est rond et accueillant. Après un arrêt à L’Isle et son tea-room cosy, on grimpe le Mollendruz en passant par un chemin caché dans l’ombre. Soudain les espaces s’ouvrent, les prés parsemés de gentianes s’offrent. On parque la voiture presque au sommet, devant la buvette de Châtel. En une quinzaine de minutes à pied, il est possible d’atteindre la croix qui se dresse sur la montagne. Une balade sans effort, qu’on pourrait conseiller aux parents d’ados redoutant leurs grom- mellements… En haut, le coup d’œil, sublime, englobe tout le canton. Même Sergei apprécie. Portant sa fille, il rit: «Profite, tu ne feras pas souvent cela avec moi…» Il est devenu un papa poule, avec les angoisses qui vont avec. «Avant, je me fichais de tout. Là, je deviens plus vulnérable. C’est l’enfant qui dicte sa loi. De toute façon, j’en veux cinq!» Sonja grimace un peu. «Elle a mis le tarif à trois. Je vais la convaincre pour le quatrième et nous ferons des jumeaux…» L’endroit incite à la confidence. On parle de ses échecs à Athènes (2004) et à Sydney (2000), si douloureux avant la médaille à Pékin (2008). «Je suis content d’avoir perdu à Athènes. Cette défaite m’a permis de me remettre en question. C’est elle qui m’a poussé à passer mon bachelor. J’ai voulu obtenir d’autres connaissances, ne jamais devenir dépendant d’un quelconque président.» Puis il regarde la croix dressée. L’ancienne est tombée en 2009 et ses concepteurs l’ont voulue différente. La nouvelle a presque réussi à occulter les angles droits qui rappellent la crucifixion du Christ. Sergei aime bien. La foi, il s’en passe. «Je n’ai rien contre la religion, mais je suis athée. Pour moi, la vie s’éteint comme une télé: clic, fini. Je n’ai pas peur de la mort, je peux mourir demain. Quand je suis parti aux Jeux, nous en avons parlé avec mon coach. Il m’a dit: «Sergei, si je dois disparaître la veille de ton combat, je veux que tu continues!» Puis on marche jusqu’à une clairière. C’est un lieu vibratoire, les Celtes venaient y exécuter quelque mystérieuse cérémonie. Sonja et Sergei lisent le panneau planté là, touchés par l’atmosphère. Puis ils redescendent, retrouvent leur voiture. C’était beau et ils reviendront, lui promet-il. Elle a un léger sourire. Septembre 2012 · L‘ILLUSTRÉ SPORT