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Cycle de qualification
LA
POLITIQUE
DE LA
UN
VILLE
REGARD,
SES
ORIGINES,
SON EVOLUTION, SES ENJEUX
8, place de France
95200 Sarcelles
tél. 01 34 04 12 12
fax. 01 34 04 12 13
e.mail : [email protected]
A
C
ACTUELS
T
E
m a i - j u i n
2 0 0 0
S
Le Pôle de ressources départemental ville et développement
social a organisé en mai et juin 2000 un cycle de qualification de
3 jours, intitulé : « La politique de la ville, ses enjeux, ses acteurs ».
Ce cycle ciblait de jeunes professionnels ou des professionnels
plus anciens, mais n’ayant pas encore eu l’occasion d’intervenir
directement dans le champ de la politique de la ville. Il avait
donc pour objectif de permettre aux participants d’acquérir ou
de renforcer leur culture générale professionnelle de base sur la
politique de la ville, à travers des éléments de référence théoriques et méthodologiques, afin de soutenir la mise en œuvre de
leurs missions sur le terrain.
Le parti pris d’une approche historique, l’identification de principes
structurants, d’enjeux et d’acteurs a permis de situer la politique
de la ville non comme une accumulation de procédures, mais
comme la constitution progressive d’une politique publique de
solidarité territorialisée et contractualisée.
Élaboré et animé par Patrick-Yves Mathieu, Consultant et chargé
d’enseignement à l’Université de Paris X Nanterre, ce cycle a été
suivi par des acteurs aux profils très divers : intervenants sociaux
(professionnelles de circonscriptions sociales, responsables ou
coordinateurs de centres sociaux), représentants de villes (directeurs généraux et adjoints, responsables de services) et agents de
développement locaux, chargés de mettre en œuvre les CIVIQ ou
les contrats de ville.
Dès l’origine, ce cycle a été mis en perspective avec un second
cycle de qualification, organisé en octobre - novembre 2000, autour de « La méthodologie de projet appliquée au développement
social urbain ».
Dans un souci de démarche de capitalisation collective, un
processus interactif a été mis en œuvre. Ainsi, les participants
ont tour à tour pris des notes les plus exhaustives possibles du
cycle, puis ont rédigé des comptes-rendus en binômes, qui ont
ensuite été diffusés à l’ensemble des membres du groupe. Ces
comptes-rendus ont été des matériaux utiles pour rédiger les
actes du cycle. Validés par le consultant, ils sont publiés sous
la responsabilité éditoriale du Pôle.
- 3 -
- X -
S
ommaire
Préambule . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.5
La constitution d’une politique publique de solidarité
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.6
Le creuset d’une politique des quartiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.6
Une politique de résorption de l’habitat insalubre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.6
La procédure « Habitat et Vie Sociale » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.7
Les luttes urbaines des années 70 : des revendications de participation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.8
Les principes structurants de la politique des quartiers, puis de la ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.9
La territorialisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.9
La transversalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.10
La gestion de projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.10
La contractualisation, le partenariat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.10
La place des habitants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.10
De la politique des quartiers à la politique de la ville : les grandes périodes
. . . . . . . .p.11
1981-1988 : Le temps des maires et des quartiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.11
1988-1993 : L’institutionnalisation et le développement d’une politique publique . . . . . . . . . . . . . .p.12
1994-1998 : Un nouvel outil au service de la politique de la ville : le contrat de ville . . . . . . . . . .p.13
1998-2000 : Vers une « nouvelle ambition pour les villes » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.14
Les contrats de ville du XIIe Plan : 2000-2006
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.15
Plusieurs nouveautés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.15
Un contrat, trois conventions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.15
Les principaux thèmes et enjeux
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.16
Prévention et sécurité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.16
Éducation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.17
Renouvellement urbain et gestion urbaine de proximité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.17
Aide au développement économique et à l’emploi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.18
Participation des habitants, intégration : des enjeux transversaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.18
Val d’Oise :
le Conseil général impliqué dans la politique de la ville depuis plusieurs années
. .p.20
Le Contrat de Développement Urbain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.20
Le Contrat d’initiatives villes qualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.21
En guise de conclusions provisoires
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.22
Quelques ressources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.25
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L
a constitution d’une politique
publique de solidarité
D’abord conçue comme politique de quartiers, la politique de la ville s’est constituée à partir de deux origines dans
un contexte social et urbain particulier. Cette première partie va s’attacher à rappeler, dans un premier temps, les
principaux éléments et événements ayant conduit à « inventer » une nouvelle forme de politique publique de solidarité. Dans un second temps, les principes structurants qui ont fondé la politique de la ville seront décrits.
Ce retour sur les origines de la politique de la ville, nous amène au début des années 70.
L
e creuset d’une politique des quartiers
Si l’on évoque fréquemment la procédure Habitat et Vie Sociale (HVS) comme origine de la politique de la ville, les
prémices de cette politique remontent en fait près de 10 ans plus tôt, avec la lutte contre de l’habitat insalubre,
amorcée au début des années 70.
U N E P O L I T I Q U E D E R É S O R P T I O N D E L’ H A B I TAT I N S A L U B R E
1969 : dans un contexte social en plein changement,
Jacques Chaban-Delmas, nouveau Premier Ministre, prononce un discours sur la « nouvelle société ». Il se veut réformateur en matière de politiques sociales et d’institutions.
Jacques Delors est alors conseiller social du Premier
Ministre. Robert-André Vivien est nommé Secrétaire d’État
au Logement. L’une de ses principales missions est de réduire l’habitat insalubre (cités d’urgence, bidonvilles).
40000 personnes vivent dans ce type d’habitat en Ile-deFrance, dont 10000 à Nanterre. Cette situation est vécue
comme inacceptable tant d’un point de vue social qu’économique et politique, dans une période où la France
connaît une situation de pleine croissance. Il y a donc urgence à intervenir.
LES TYPES D’HABITAT INSALUBRE
Les cités d’urgence : leur origine remonte au terrible
hiver 1954 (appel de l’Abbé Pierre). Leur existence
est légale. Qu’elles soient bâties sous forme de baraques Fillod (constructions très sommaires de type
hangar en tôle) ou de LOPOFA (Logements populaires familiaux), ces cités sont habitées essentiellement
par des Français, ouvriers pour la plupart.
Les bidonvilles : ils relèvent de l’autoconstruction.
Leur existence est illégale. Ils sont habités principalement par des populations d’origine étrangère
(Maghreb, Afrique), notamment par des Algériens. La
méfiance envers les habitants des bidonvilles est im-
R.A. Vivien décide alors de créer une mission dont l’objectif
est de trouver des formes d’intervention nouvelles et rapides,
pour résorber l’habitat insalubre. Le Premier Ministre lance
un Groupement Interministériel Permanent pour la résorption de l’habitat insalubre, structure mobilisant des fonctionnaires et des personnes issues du monde associatif ou HLM.
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portante. A partir de 1968, des cours d’alphabétisation y sont souvent dispensés par des militants associatifs et politiques.
Par ailleurs, de nombreux taudis garnis seront
supprimés ou réhabilités.
L’équipe est légère (une douzaine de membres : chargés
de mission, secrétaire général). Chaque chargé de mission dispose d’une double casquette : territoriale (il est
référent et interlocuteur privilégié des pouvoirs publics
sur une ou plusieurs régions) et thématique (spécialiste
d’une question, il peut intervenir à la demande de ses
collègues sur l’ensemble des régions). Quant au secrétaire général, il rend directement compte au Secrétaire
d’État au Logement.
La composition et le mode de fonctionnement de cette
équipe aux compétences croisées facilitent une rapidité
dans les prises de décision. C’est une nouvelle forme
d’intervention publique qui se concrétise. Elle marque
une volonté politique forte et novatrice pour le début
des années 70 : impulser des actions de terrain, ne pas
se satisfaire de la seule élaboration de textes pour résorber la situation dramatique de l’habitat insalubre.
Ce mode d’intervention, ajouté à l’impact de la forte
personnalité de R.A. Vivien sur les hauts fonctionnaires,
vont effectivement avoir des résultats probants et rapides : une part significative de l’habitat insalubre est résorbée (en 6 ans : 180 000 personnes « évacuées », soit
les 5/6 des personnes concernées).
L A P R O C É D U R E « H A B I TAT E T V I E S O C I A L E »
À partir de 1955, la puissance publique a dû fournir un
effort important de construction de logements dans un
délai rapide, et au moindre coût. Il s’agissait alors d’assurer la reconstruction du pays, de répondre à la vétusté des logements urbains, à l’essor de la démographie, et à l’arrivée massive d’une population rurale en
milieu urbain, puis, plus tard, de rapatriés d’Algérie.
En 1958, un décret définit des zones à urbaniser en
priorité (ZUP). Ce décret permet aux pouvoirs publics
d’intervenir et de construire des logements en nombre
là où ils le veulent, grâce notamment à la SCIC, outil
de la Caisse des Dépôts et Consignations. Cette politique d’aménagement se concentre essentiellement en
périphérie des villes moyennes, loin des centres-villes,
dans des espaces vastes non construits antérieurement,
à côté de bassins d’emploi ou industriels.
L’urgence à construire implique de développer des procédés industriels nouveaux. La technique du chemin de
grue est appliquée. Elle permet de construire vite (un
chemin de grue est placé : de chaque côté une barre ou
une tour est « posée » ; puis le chemin de grue est déplacé, et des barres ou tours sont posées dans l’autre axe
perpendiculaire : c’est la monotonie d’un plan orthogonal). Cette technique efficace est néanmoins contraignante (reproduction des formes urbaines, espaces vides
aux sols très importants non qualifiés).
L’IDÉOLOGIE FONCTIONNALISTE DE LE CORBUSIER
APPLIQUÉE AU ZUP
Les ZUP vont se construire selon l’idéologie fonctionnaliste de Le Corbusier. Pour cet architecte, l’Homme se
définit en quelques grandes fonctions (habiter, travaillerproduire, acheter-consommer, se déplacer…). A chaque
fonction, doit correspondre dans la ville une zone distincte : une pour habiter, une pour acheter, une pour se
distraire… et relie ces zones par des axes. Il opère une
ségrégation de l’espace en fonction des usages.
aux centres-villes (mauvaises dessertes). Ils occupent
une surface surdimensionnée (généralement deux fois
plus vaste que la vieille ville) et monofonctionnelle.
Les équipements collectifs sont quasiment absents, les
parties communes et les espaces extérieurs se dégradent
(mauvaise qualité de bâti et de matériaux).
Parallèlement, les populations aux revenus stables qui
vivent dans ces ZUP, aspirent à de meilleures conditions
de vie. Elles veulent accéder à la propriété et se rapprochent des centre-villes, ou achètent des pavillons.
Arrivent dans les ZUP de nouvelles populations, issues de
catégories sociales moins aisées, et qui vont se retrouver
confrontées au développement du chômage.
A leur origine, les grands ensembles incarnent la modernité (logements grands et confortables notamment). Ce
nouveau parc est habité principalement par des ménages
aux revenus stables, salariés, et ensuite par des rapatriés
d’Algérie. Dans les années 60, la ZUP, véritable melting
pot, joue une fonction d’accueil dans un parcours d’arrivée. Tout se passe bien jusqu’au début des années 1970.
Mais, dès lors, les dysfonctionnements de ces grands
ensembles vont peu à peu primer sur leurs atouts. Si les
logements sont spacieux, ils sont éloignés et non-reliés
Face à cette émergence de problèmes, une circulaire dite
« Barres et tours » est signée en 1973 par Olivier
Guichard, alors Ministre de l’Équipement. Elle vise à
stopper la prolifération de ces constructions. Mais les
ZUP sont dépendantes d’une logique de programmation
et d’équilibre financier. Elles doivent équilibrer leur bilan. Ainsi, verra-t-on des constructions se poursuivre
jusqu’en 1992-1993, dans des zones déjà lourdement
densifiées et frappées par la crise.
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des chargés de mission territoriaux et thématiques. Le
mode d’intervention est inspiré de celui concernant la résorption de l’habitat insalubre. Les chargés de mission
rencontrent un certain nombre de communes identifiées,
et leur proposent de financer une étude à hauteur de
60%. Si le maire est d’accord, un bureau d’études agréé
est choisi pour réaliser cette étude. Ce bureau recense des
points faibles et potentialités des quartiers concernés dans
un pré-dossier remis à la Ville. Ce pré-dossier est présenté et discuté lors de séances locales. Un dossier définitif,
plus fin et recadré est ensuite élaboré, des fiches-actions
sont rédigées, et les sources de financement identifiées.
Un Groupe Administratif Départemental facilite l’implication et la coordination des différents services extérieurs
de l’État, du FAS et de la CAF, afin qu’ils deviennent de
meilleurs interlocuteurs de la commune. Il est chargé de
la validation du programme d’actions projeté par le maire.
Au niveau local, un groupe de pilotage se constitue. C’est
l’apparition des futurs chefs de projet.
Toujours au début des années 70, des personnes, militants
associatifs et hauts fonctionnaires identifient les dysfonctionnements des ZUP. Elles forment un groupe de travail,
qui devient ensuite associatif, puis Club interministériel. Le
travail de ce Club est légitimé en 1977 par la circulaire
« Habitat et Vie Sociale », signée par Jacques Barrot, alors
Secrétaire d’État au Logement. Un groupe interministériel
« Habitat et Vie sociale » se crée. Sa mission est « d’étudier
et de proposer les réformes propres à améliorer l’appréciation et la satisfaction des besoins réels de la population en
équipements et services collectifs, de voisinage, notamment par un transfert de responsabilités aux instances locales et par une coordination plus étroite des administrations,
organismes et collectivités intéressés… et de conduire dans
de grands ensembles urbains qui présentent des signes de
dégradation et de pauvreté sociale et culturelle des opérations d’amélioration du logement et des services collectifs ». La réhabilitation appelle une action d’ensemble portant à la fois sur les bâtiments, leur environnement, les services collectifs, et tout ce qui favorise la vie sociale. Ce programme se veut global (c’est une politique urbaine et sociale), transversal (il concerne plusieurs ministères et la
CNAF) et accorde une importance à la citoyenneté (la participation des habitants est encouragée).
Ces opérations vont être gérées dans le cadre de la procédure HVS jusqu’en 1981. Cependant, le bilan de ces opérations est mitigé. Elles se contentent souvent de refaire
peau neuve aux immeubles (en leur donnant de la couleur, ce qui, bien souvent, les stigmatise encore plus), sans
véritablement pouvoir enrayer les problèmes de fond.
Pour la mise en œuvre de la procédure HVS, un secrétariat général est créé, puis une équipe se constitue avec
LES LUTTES URBAINES DES ANNÉES 70 :
D E S R E V E N D I C AT I O N S D E PA R T I C I PAT I O N
lui initialement programmé. Cette dynamique de participation permettra ensuite la création d’une coopérative
d’achat puis, plus tard, de la première régie de quartier.
A Marseille, dans le quartier du Frais Vallon, face à la dégradation des conditions de vie des habitants, des centres
sociaux, des habitants et des travailleurs sociaux vont porter la vie associative locale et formuler des propositions à
l’organisme HLM. Leur volonté : intervenir en même temps
sur le bâti et sur la dimension sociale. Cette démarche
aboutit à la signature d’une convention entre l’association
et l’organisme HLM, préfigurant les démarches HVS.
À côté des conflits sociaux importants qui se développent
dans les années 70 (par exemple dans les entreprises
« LIP » et « Le Joint français »), deux luttes urbaines, à
Roubaix et Marseille, sont emblématiques.
A Roubaix, le quartier de l’Alma Gare se présente sous
forme d’habitat avec courées, où vit une population
homogène, minière ou travaillant dans le textile. Or, avec
la crise industrielle et le départ d’un nombre important
d’habitants, la sociologie du quartier change de nature.
Des logements vacants sont murés et des dysfonctionnements apparaissent. Un projet de rénovation urbaine prévoit de raser une partie des habitations et de proposer un
relogement en HLM aux locataires. De nombreux résidents s’y opposent, forment une Association Populaire des
Familles et font pression sur le maire. Celui-ci cède et demande à ses services techniques et à la SEM de travailler
avec les habitants. Cette concertation, dans laquelle l’APF
joue un rôle de conseil à maîtrise d’ouvrage, et crée un
atelier public d’urbanisme pour conseiller les habitants, va
déboucher sur un projet de réhabilitation différent de ce-
Ainsi, la politique des quartiers, qui se formalise à partir
de 1981, se fonde sur des problématiques urbaines et
sociales, avec notamment des grands ensembles qui se
dégradent et se déqualifient, mais aussi avec des territoires et des populations qui se retrouvent à la marge de
la société. Mais elle pourra prendre appui sur des modes d’intervention publique qui ont commencé à se renouveler, et sur des revendications de participation portées par des habitants.
- 8 -
L
es principes structurants de la politique des quartiers,
puis de la ville
1981 : suite à l’élection de François Mitterrand un gouvernement d’union de la gauche se met en place. Il est à
l’initiative, aux côtés de l’Union nationale des organismes
HLM et de la CNAF des « Assises du développement social
des quartiers » qui se tiennent en septembre 81.
trop centrées sur le confort interne du logement au détriment de l’environnement et des équipements collectifs ; le cadre de vie des habitants reste séparé de leur vie
sociale et économique, la participation des habitants n’a
pas eu l’effet escompté, le degré d’engagement des élus
a différé d’un site à l’autre et la procédure administrative
des HVS était trop lourde.
Ces Assises font notamment suite aux événements de
l’été, qualifiés « d’émeutes » au quartier des Minguettes,
dans l’agglomération lyonnaise. Pierre Mauroy, Premier
Ministre, annonce la création d’une Commission
Nationale pour le Développement Social des Quartiers
(CNDSQ) et en confie la présidence à Hubert
Dubedout, maire de Grenoble, adepte de la politique
participative. Celui-ci est chargé de rédiger un rapport,
publié en 1983 sous l’intitulé : « Ensemble, refaire la
ville », après de nombreuses consultations et visites de
terrain. Il tire un bilan des HVS : les interventions ont été
Dans son rapport, Hubert Dubedout présente également
plusieurs propositions pour une politique de développement social des quartiers (Cf partie suivante). Ces propositions contiennent en filigrane 5 principes, qui constituent encore aujourd’hui le socle « doctrinal » d’un nouveau mode de production d’une politique publique de
solidarité pour les quartiers : territorialisation, transversalité, gestion de projet, contractualisation, participation/place des habitants.
L A T E R R I T O R I A L I S AT I O N
la politique des quartiers s’élargira à l’échelle de la ville,
puis de l’agglomération.
Avant 1981, toutes les politiques publiques de solidarité sont catégorielles, c’est-à-dire qu’elles s’adressent à
des groupes-cibles.
« AFFIRMATIVE ACTION »
Mais dans des quartiers sous-équipés, confrontés à la crise,
où les habitants sont assignés à résidence, la puissance
publique se doit d’intervenir davantage, en coordonnant
et fédérant l’action de plusieurs opérateurs. Des territoires
sont ainsi cartographiés et ciblés dans une géographie
prioritaire. L’idée est de remettre à niveau ces territoires.
C’est le principe de la discrimination territoriale positive,
à ne pas confondre avec celui de l’Affirmative action
américaine. Il ne s’agit pas en l’occurence d’un traitement
de faveur accordé à des populations en fonction de leur
origine, mais d’un effort spécifique porté sur un territoire
(« donner plus ») afin de lutter contre la ségrégation, et
contre des inégalités qu’il convient de résorber (« à ceux
qui ont moins »).
En 1955, le racisme sévit aux Etats-Unis. Les noirs ne supportent plus la ségrégation dans les transports, dans les
écoles (Montgomery, Little Rock). Des mouvements très
durs, des émeutes surviennent. Martin Luther King lance
le mouvement national des droits civiques, qui se développe
massivement. Kennedy en pleine campagne présidentielle
soutient le mouvement. Après son élection, il favorise
l’émergence de lois pour obliger les transporteurs à accepter tout le monde, mais les attitudes discriminatoires
persistent. Des manifestations se poursuivent jusqu’en
1965. Le principe de l’Affirmative action est alors adopté.
Puisque les noirs sont empêchés d’accéder à l’Université
et dans l’administration, il faut leur y réserver des places.
Pour cela, des quotas sont définis. D’autres communautés
exigent ensuite de bénéficier de cette politique des quotas,
Au fil des années, l’expérience montrera qu’une partie
des problèmes d’un quartier doit être traitée à une
échelle plus large. La notion d’interaction dans le système
local (par exemple : transports, logement, prévention…)
sera davantage prise en compte. Ainsi, progressivement,
et l’obtiennent. Aujourd’hui, les démocrates américains
reviennent sur ces traitements de faveur accordés uniquement en fonction de l’appartenance communautaire,
et dont les effets pervers se sont fait sentir.
- 9 -
LA TRANSVERSALITÉ
Il s’agit de dépasser les interventions verticales, juxtaposées des différents acteurs présents sur les territoires
concernés, de les décloisonner, afin d’intervenir de
manière globale dans tous les champs de la vie sociale, économique, scolaire, urbaine… Cela suppose une
cohérence d’action entre les services de la Ville, de
l’État, du Département, des organismes HLM, des as-
sociations… Cette transversalité doit se concrétiser
également par le développement de l’interministérialité, en assurant une mobilisation et une coordination
des services de l’État et en mobilisant des financements spécifiques globalisés, émanant de chaque ministère, aux côtés de ceux de droit commun qui subsistent.
LA GESTION DE PROJET
Elle est la définition précise par un groupe de pilotage
d’objectifs d’actions, déclinés en objectifs opérationnels, transformés en programmes d’actions. Le groupe
de pilotage dispose d’une véritable délégation de pouvoir, et d’une capacité à décider en temps réel. Le chef
de projet, lui, est mandaté pour animer et mettre en œuvre le programme d’actions.
de projet sont entourés par une équipe aux compétences thématiques : la Maîtrise d’Oeuvre Urbaine et
Sociale (MOUS).
L’évaluation est primordiale dans toute démarche de
projet de changement. Elle peut être de deux ordres :
soit elle porte sur la manière de faire (système de pilotage, d’acteurs), soit elle porte sur les effets d’une politique (ce qui change). Il apparaît au vu des évaluations
progressives de la politique de la ville, que si le premier
niveau (le système d’acteurs) est souvent évalué, celui
portant sur les effets de la politique – beaucoup plus difficile à appréhender – l’est rarement.
Au début les chefs de projet sont souvent des salariés
des bureaux d’études, mis à disposition. Dans d’autres
cas, ce sont des secrétaires généraux adjoints. Puis
progressivement, ils deviendront pour majorité, des salariés contractuels, puis titulaires, des villes. Les chefs
L A C O N T R A C T U A L I S AT I O N , L E PA R T E N A R I AT
La politique de la ville est contractuelle et pluriannuelle. A partir d’une volonté affichée de l’État et des
moyens financiers débloqués, une contractualisation
peut s’établir, à certaines conditions avec les
Collectivités locales. À l’origine, ce contrat est limité
à l’État et aux Villes. Au fur et à mesure de l’évolution
de la politique de la ville, un nombre croissant de partenaires entrent dans la contractualisation (Conseils
généraux et régionaux, FAS, CAF, transporteurs, organismes HLM…).
L A P L A C E D E S H A B I TA N T S
Hubert Dubedout porte très fortement la conviction
politique que la participation des habitants aux décisions qui les concernent est indispensable. Mais il
faut en définir clairement les cadres, les contenus et
les modalités (information / consultation - concertation / association à la décision).
La participation des habitants est, toujours selon lui,
une condition à la pérennisation des actions. Si l’expertise de l’habitant, qui se situe dans le visible et le
- 10 -
quotidien, est d’un autre ordre que celle du technicien, elle a tout autant d’intérêt.
Même si en réalité, elle est peu mise en œuvre, ce
souhait de la participation des habitants a été présent tout au long de l’évolution de la politique de la
ville. Elle est réaffirmée aujourd’hui : les modalités
de cette participation sont des conditions indispensables dans l’élaboration et la mise en œuvre des
contrats de ville signés pour la période 2000-2006.
D
e la politique des quartiers
à la politique de la ville :
les grandes périodes
Un projet territorial, global, transversal, partenarial, incluant la participation des habitants : les principes structurants
d’un développement social des quartiers définis par Hubert Dubedout au début des années 80 sont toujours fondateurs
dans la politique de la ville aujourd’hui. Pourtant, depuis le début des années 80, plusieurs périodes sont marquantes
dans son évolution, en terme de territoires d’intervention, de contrats, de modalités d’intervention et de partenariat.
L
1981-1988
e temps des maires et des quartiers
Dans son rapport « Ensemble, refaire la ville »,
Hubert Dubedout cherche à démocratiser la gestion
de la ville, équilibrer la composition sociale des quartiers, insérer les jeunes dans la ville et la société, relier
développement social et économique, redonner une valeur urbaine aux quartiers et prévenir l’insécurité.
Pour cela, il propose une procédure nouvelle : « le
Développement Social des Quartiers », que l’on appellera bien vite le DSQ. Fondée sur les 5 principes
structurants décrits précédemment, cette procédure
s’applique dans un premier temps de manière expérimentale à 16 puis 22 sites.
La généralisation de la procédure s’effectuera en 1984,
le nombre de sites retenus passant à 148. Les conventions sont signées pour 5 ans entre l‘État, les villes et les
régions, pour faire échec à la dégradation physique,
économique et sociale de ces quartiers.
Outre la mission confiée à Hubert Dubedout, les pouvoirs
publics lancent à partir de 1981 une série de réflexions en
confiant à chaque fois à une personnalité, une mission
et un rapport.
Un schéma identique se répète : commande d’une mission à une personnalité, création d’une commission, rédaction d’un rapport, création d’une instance nationale,
puis mise en œuvre de dispositifs et outils locaux.
Dans la foulée des conventions DSQ, d’autres initiatives se développent, reprenant le principe d’une géographie prioritaire, dans l’affectation des moyens et
dans l’action, avec la création :
• des missions locales et PAIO, supervisées par une
Délégation à l’Insertion Sociale et Professionnelle
des Jeunes (suite au Rapport de Bertrand Schwartz,
ancien directeur du CUCES - Nancy),
• des Zones d’Éducation Prioritaires (ZEP), créées en
1981 pour les établissements scolaires cumulant
de gros handicaps (suite au rapport Savary),
• des Conseils Communaux de Prévention de la
Délinquance (CCDP), suite au rapport « Face à la
délinquance, prévention, répression, solidarité »
de Gilbert Bonnemaison en 1982, sous l’égide
d’un Conseil National de Prévention de la délinquance (CNPD). L’idée est d’intervenir sur les causes de la délinquance en associant étroitement
tous les partenaires concernés. Avec la création
des CCPD, les maires sont désormais associés à la
sécurité.
Fin 1983, deux architectes, Roland Castro et Michel
Cantal Dupart se voient eux aussi confier une mission
sur la rénovation des banlieues, afin de soutenir les projets urbains permettant d’en améliorer les conditions de
vie. Cette mission s’appelle « Banlieues 89 ».
- 11 -
En 1984, deux outils institutionnels voient le jour : le
Comité Interministériel des Villes et le Fonds Social
Urbain (FSU), qui fournit les crédits nécessaires au financement des opérations relevant de la solidarité nationale à l’égard des quartiers affectés par de graves
déséquilibres sociaux, ainsi que des opérations innovantes pour améliorer le cadre de vie.
L
1988-1993
Durant les premières années de la politique des
quartiers, le rôle du « local » est prédominant. Le
DSQ est placé sous l’autorité du maire, et la décentralisation lui a conféré des compétences d’urbanisme
et de développement. De même, c’est l’échelle du
quartier qui est privilégiée comme territoire d’intervention.
‘institutionnalisation et le développement
d’une politique publique
Cette seconde période marque le retour de l’État au
premier plan dans la politique de la ville. Depuis la
loi de décentralisation, les maires étaient en première ligne, l’État semblant se contenter du rôle de
« sleeping partner ».
Après la réélection de François Mitterrand en 1988,
l’État se réorganise en redéfinissant le suivi et l’animation de la politique de la ville. Il crée ainsi :
• un Conseil National des Villes (reprenant les attributions du CNDSQ et du CNPD),
• un Comité Interministériel des Villes et du
Développement Social Urbain,
• une Délégation Interministérielle de la Ville et du
DSU. Le premier Délégué interministériel à la Ville
est Yves Dauge (ancien Conseiller à la présidence
de la République).
L’intitulé Développement Social Urbain, que l’on
commence à utiliser marque la volonté de passer
d’une logique de quartier (DSQ), à celle de ville
(DSU). En effet, il apparaît qu’une action limitée au
seul périmètre du quartier ne permet pas de résoudre
des difficultés qui dépassent le cadre du quartier.
Ainsi, après la première génération des conventions
DSQ (1984-1988), l’État arrête plusieurs priorités
pour la nouvelle génération qui s’amorce (19881993) : participation de la population, relations entre
quartier et ville, emploi, insertion des bénéficiaires
du RMI, qualité des réhabilitations.
Fin 1990, peu après les émeutes du Mas-du-Taureau
à Vaulx-en-Velin, se tiennent à Bron les Troisièmes
Assises de Banlieue 89 sous le titre « Pour en finir
avec les grands ensembles ». La création d’un
Ministère de la ville est annoncée, et la volonté de
réduire la chaîne de commandement pour favoriser
une rapidité de l’action est annoncée. Un « correspondant Ville » est nommé par le Préfet dans chaque
département. Pour ceux dont les sites en géographie
prioritaire sont nombreux, un Sous-préfet à la ville
est nommé (13 en décembre 90, 30 aujourd’hui). Les
lignes budgétaires sont rendues fongibles.
Michel Delebarre, alors Ministre de l’Équipement, du
Logement, des Transports et de la Mer, est nommé
Ministre d’État, Ministre de la Ville et de
l’Aménagement du Territoire. Il confie début 1991 un
rapport d’évaluation de la politique de la ville à JeanMarie Delarue. Ce rapport « Banlieues en difficulté :
La relégation » sera remarqué. Il pointe notamment le
fait que dans les quartiers difficiles, les habitants sont
assignés souvent, de fait, à résidence.
En 1991, le Ministre de la Ville fait voter une loi sur
la solidarité urbaine financière entre les communes
(Dotation de Solidarité Urbaine) : les villes riches
doivent verser une dotation aux communes pauvres
en charge d’un parc HLM important.
La Loi d’Orientation pour la Ville (LOV) sera également votée en 1991, mais ne produira pas les effets
escomptés. Cette loi marquait, en particulier, la volonté d’imposer un minimum de quotas de logements sociaux à toutes les villes.
Cette volonté sera reprise quelques années plus tard
dans la Loi sur la Solidarité et le Renouvellement
Urbain (SRU) de décembre 2000.
- 12 -
U
1994-1998
n nouvel outil au service de la politique de
la ville : le contrat de ville
A la suite du Comité Interministériel des Villes de décembre 1992, une nouvelle procédure unique est adoptée pour la période du Xe Plan (1994-1998) : aux DSQDSU succèdent la première génération des Contrats de
Ville. Ceux-ci ont été expérimentés depuis 1989 sur 13
sites. Le Contrat de ville doit être un outil de développement visant à promouvoir et renforcer la cohésion sociale sur un territoire. Il est, comme son nom l’indique,
un contrat passé entre une ou plusieurs collectivités locales et l’État principalement, où les parties s’engagent
à mettre en œuvre un programme de développement
social urbain à l’échelle de l’agglomération. C’est une
procédure exceptionnelle, pour les agglomérations les
plus en difficulté.
VAL D’OISE 1994-1999
LA PREMIÈRE GÉNÉRATION DES CONTRATS DE VILLE
12 villes du département ont signé pour la période 19941998 un contrat de ville :
Argenteuil
Montigny-les-Cormeilles
Bezons
Persan
Deuil-la-Barre
Saint-Gratien
Garges-lès-Gonesse
Sarcelles
Gonesse
Soisy-sous-Montmorency
Goussainville
Villiers-le-Bel
Quatre principaux thèmes sont définis :
• les services au public,
LES GRANDS PROJETS URBAINS
• l’habitat, l’urbanisme et les déplacements,
Argenteuil / Bezons
• l’action économique,
• la prévention de la délinquance.
214 contrats de ville sont signés pour la période 19941998. Mais leur lancement se fait dans la précipitation : manque d’information en direction des élus, apparition de difficultés budgétaires (un nouveau système de répartition est appliqué : si les moyens financiers sont plus importants, au final, les budgets le sont
moins sur un nombre de sites beaucoup plus important que dans les DSQ-DSU). La procédure est également plus lourde, et la nécessité d’élaborer le contrat
de ville à l’échelle de l’agglomération pose un certain
nombre de difficultés.
Le volet urbain étant peu pris en compte dans les
contrats de ville, des grands projets urbains sont désignés. Ceux-ci mettent en œuvre sur les sites retenus
un ensemble d’actions tendant à démontrer qu’avec
un effort exceptionnel de l’État, il est possible d’inventer des solutions qui, dans des situations particulièrement difficiles, permettent à des quartiers de
retrouver un élan social, économique et urbain.
Pendant la campagne électorale en 1995, un débat
s’engage sur l’idée d’un Plan Marshall pour les banlieues (idée promue par G. de Robien et A. Jazouli).
Ce projet apporterait beaucoup d’argent en investissement, des subventions et des crédits spécifiques par
l’emprunt.
Ce Plan Marshall ne voit pas le jour. Par contre, un
« Pacte de relance pour la ville » est lancé après les
présidentielles. Il hiérarchise un certain nombre de
quartiers et module les mesures en fonction de cette
hiérarchie. 70 mesures sont prises, concernant des
thèmes divers (santé, sécurité, développement économique…). Les quartiers les plus handicapés deviennent « Zones franches urbaines » (44), suivent les
« Zones de Redynamisation urbaine » (372), puis les
« Zones Urbaines Sensibles » (334).
Ces zones – qui ne coïncident pas toujours avec les
territoires des contrats de ville –, permettent des mesures de défiscalisation progressive.
- 13 -
V
1998-2000
ers une nouvelle ambition pour les villes
Avec le retour de l’alternance en 1997 après les élections législatives, c’est Martine Aubry qui, dans le cadre de ses attributions de Ministre de l’Emploi et de la
Solidarité, est en charge de la politique de la ville. Elle
confie à Jean-Pierre Sueur une mission de réflexion
sur la ville. Celui-ci rédige un rapport intitulé
« Demain, la ville ». Il tire un bilan de la politique de
la ville et conclut au nécessaire développement de
l’intercommunalité. Mais ce n’est qu’en mars 1998
qu’un Ministre Délégué à la Ville est nommé, il s’agit
de Claude Bartolone.
Le contrat de ville, initialement prévu pour la période
1994-1998 est prolongé d’un an. A l’approche de la
négociation du XIIe Plan et outre le rapport Sueur,
deux autres rapports alimentent notamment les réflexions concernant la seconde génération des
contrats de ville.
celle du DSQ-DSU, et le lancement rapide a fait
que son élaboration et son suivi ont souvent pris
de court les élus et les bailleurs, ne permettant pas
d’associer les habitants,
• un poids insuffisant sur les grands processus créant
l’exclusion sociale et urbaine : les contrats de ville
n’ont innové que trop rarement et se sont souvent
apparentés à une juxtaposition d’actions ne formant pas un « tout » lisible et efficace,
• une logique de guichet a prévalu sur une stratégie
et une démarche de projet,
En conclusion, des partenaires peu mobilisés, une machinerie lourde (empilement de dispositifs transformant souvent cette politique en véritable « millefeuilles » indigeste), des résultats peu probants.
Georges Cavallier (Inspecteur général de l’Équipement et ancien adjoint au Délégué de la DIV) rédige
de « Nouvelles recommandations pour la négociation
des contrats de ville », en insistant sur le besoin de délimiter avec précision le rôle de chacun (maîtrise
d’ouvrage, maîtrise d’œuvre) et de préciser l’ingénierie de projet.
Par ailleurs, deux Parlementaires, Chantal RobinRodrigo et Pierre Bourguignon se voient confier une
mission sur l’évaluation et les perspectives des PLIE
(Plans Locaux d’insertion Économiques, qui deviendront ensuite Plans Locaux pour l’Insertion et
l’Emploi). Leur rapport aura pour titre : « Le territoire
de la cité au service de l’emploi ».
Une nouvelle ambition pour les villes est affichée
pour la période 2000-2006, pour les 250 contrats de
ville de la seconde génération qui vont être signés.
Cette évolution s’effectue à partir du bilan des premiers contrats de ville (1994-1999).
Ce bilan est apparu plutôt mitigé aux yeux-mêmes des
pouvoirs publics :
• la procédure du contrat de ville est plus lourde que
- 14 -
L
es contrats de ville du XIIe Plan :
2000-2006
P
lusieurs nouveautés
Avec la seconde génération des contrats de ville, plusieurs nouveautés apparaissent, tout en les inscrivant
dans la continuité des précédents. Les trois Comités
Interministériels pour la ville (30 juin 1998, 2 décembre 1998, 14 décembre 1999), précisent le cadre des
Contrats et annoncent de nouvelles modalités.
L’intercommunalité est privilégiée. Il s’agit de développer des projets de territoires, intégrant les dimensions économiques, sociales et urbaines, le contrat
de ville étant un outil parmi d’autres.
80% des contrats de ville devraient être intercommunaux.
La durée du contrat de ville change. Il porte sur la période 2000-2006 (c’est la plus longue durée pour une
procédure publique). Une évaluation sera réalisée à
mi-parcours, en 2003.
Différentes échelles de traitement seront appliquées :
îlot, quartier, commune, agglomération, pour traiter les
problèmes à des échelles pertinentes (c’est l’idée d’une
politique de la ville graduée).
La méthodologie d’élaboration doit contribuer à
une vision stratégique : la notion de diagnostic partagé vise la confrontation entre les services des villes
et ceux de l’État, à partir d’une mise à plat de données et d’analyses. De son côté, l’État, particulièrement en Ile-de-France, cherche à ce que ses services
construisent et adoptent un point de vue commun
par site, permettant de mieux adosser les futures négociations.
Le partenariat est élargi. Si les Conseils généraux
étaient relativement peu investis dans les premiers
contrats de ville, ils sont cette fois fortement invités à
s’impliquer. Les Conseils régionaux, les bailleurs, les
CAF, les transporteurs sont également mobilisés.
Des priorités sociales et d’approches sont définies
(gestion urbaine, participation des habitants, intégration, éducation, sécurité, renouvellement urbain, développement économique). La culture et la santé sont
également présentes.
U
n contrat, trois conventions
Un contrat de ville pour la période 2000-2006 comporte trois types de conventions :
sur l’ensemble du périmètre du contrat de ville
(intercommunal dans 80% des cas),
• une convention-cadre : déclaration d’intention,
elle affirme, à partir d’enjeux locaux de cohésion
sociale, les principales intentions ou orientations
générales et les partenaires qui contractualisent
• Des conventions thématiques : à partir des intentions
affirmées dans la convention-cadre, une convention
est élaborée en fonction de chaque thème prioritaire
(appelé aussi « volet »).
- 15 -
Elle définit précisément les programmes d’actions
thématiques, les objectifs opérationnels, leur mise
en œuvre. Ces conventions concernent des thèmes
comme la mixité de l’habitat, la prévention et la lutte contre les exclusions, le développement économique et l’emploi, l’accès aux droits et aux services
publics, la prévention de la délinquance et la sécurité, l’intégration…
• Des conventions territoriales : outre la conventioncadre et les conventions thématiques, le contrat de
ville comporte des interventions territorialisées à
l’échelle des sites prioritaires retenus localement
(îlot, quartier, ensemble de quartiers…). Les
conventions territoriales reprennent donc par commune, les actions spécifiques menées et la déclinaison locale des thèmes.
VAL D’OISE 2000-2006
LA SECONDE GÉNÉRATION DES CONTRATS DE VILLE
Les contrats de ville intercommunaux concernent 5 zones géographiques prioritaires :
Contrat de Ville Est du Val d’Oise
Arnouville-les-Gonesse, Garges-lès-Gonesse, Gonesse, Goussainville, Montmagny, Sarcelles, Villiers-le-Bel
Contrat de Ville Centre du Val d’Oise
Deuil-la-Barre, Ermont, Saint-Gratien, Soisy-sous-Montmorency, Taverny
Contrat de Ville Argenteuil - Bezons - Montigny
Argenteuil, Bezons , Montigny-lès-Cormeilles
Contrat de Ville de Persan
Persan : seul contrat mono-communal, mais avec perspective d’ouverture dans l’avenir sur d’autres communes
Contrat de Ville du Syndicat d’Agglomération Nouvelle de Cergy-Pontoise
Cergy, Courdimanche, Eragny-sur-Oise, Jouy-le-Moutier, Neuville-sur-Oise*, Menucourt, Osny, Pontoise, PuiseuxPontoise*, Saint-Ouen-l’Aumône et Vauréal.
* Ces villes sont signataires uniquement de la convention-cadre en tant qu’adhérentes au SAN mais ne devraient pas signer de conventions
territoriales
L
es principaux thèmes et enjeux
PRÉVENTION ET SÉCURITÉ
Les décisions du Conseil de Sécurité Intérieure et du
CIV de juin 98 insistent sur l’importance de remobiliser les acteurs pour une refonte de la prévention de
la délinquance. La nécessité de réinventer une vision
- 16 -
partagée et collective de la prévention a été réaffirmée. Différentes mesures sont ensuite prises : les
Conseils Communaux de Prévention de la
Délinquance (CCPD) sont rénovés, notamment par
un élargissement aux services sociaux des conseils généraux. Ils se transforment en Conseils Locaux de
Prévention et de la Sécurité. Ceux-ci participent à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des contrats
locaux de sécurité.
Principal outil de la politique de sécurité, le Contrat
Local de Sécurité a été institué par une circulaire, datée
du 7 juin 1999. Privilégier la citoyenneté comme axe de
prévention, la proximité comme principe d’intervention
et l’efficacité comme mode d’intervention, en renforçant la coopération des services de l’État en sont les
principaux objectifs.
Les maires se retrouvent au cœur de cette démarche.
Le CLS doit contribuer à organiser un partenariat actif
avec l’ensemble des administrations, services publics,
associations. Il a vocation à s’articuler avec l’activité
des CLPD et doit renforcer le travail de collaboration
entre l’État et les élus. Un CLS se réalise à partir d’un
diagnostic de la situation de la délinquance, une évaluation du sentiment de sécurité, une analyse des réponses apportées. Ensuite, le contrat local de sécurité
doit définir les priorités retenues (déclinées en objectifs précis), un plan d’actions (avec calendrier et outils
de suivi) et les moyens engagés par chacun des partenaires.
Les rencontres de Montpellier, organisées sur le thème
en mars 1999, ont également mis en évidence la nécessité d’associer les habitants aux politiques de prévention, du diagnostic à l’évaluation.
É D U C AT I O N
Il s’agit d’aborder l’ensemble des dimensions de l’acte
éducatif dans la ville Le volet éducation des contrats de
ville doit donc fédérer tous les acteurs dans un projet
éducatif local. L’un des outils privilégiés du volet éducation est le Contrat Éducatif Local (Circulaire du 9
juillet 98). Celui-ci doit mettre un terme à la multiplicité des formules existant dans le champ de l’aménagement du temps de l’enfant.
Le Contrat Éducatif Local (CEL) est l’outil d’un projet
éducatif local poursuivant les objectifs suivants :
• satisfaire aux besoins éducatifs repérés dans le cadre
d’un diagnostic territorial,
• réorganiser les activités périscolaires, extrascolaires, et les dispositifs (portés par les établissements
scolaires, les associations, les communes…) de manière à leur donner une cohérence et une complémentarité,
• prévoir des espaces d’information, d’échanges, de
concertation et de réflexion.
Le contrat éducatif local permet également de rassembler
l’ensemble des financements affectés aux différents
dispositifs et actions. La conception et la mise en œuvre
des CEL repose essentiellement sur une initiative locale.
Par ailleurs, une nouvelle carte des Zones d’Éducation
Prioritaire est définie et parallèlement, sont créés des
Réseaux d’Éducation Prioritaires, sur des zones éprouvant des difficultés, mais moindres que celles des ZEP.
Enfin, sur ce volet de l’éducation, des réseaux d’écoute,
d’appui et d’accompagnement des parents sont créés.
L’esprit de ce volet éducation est résumé dans l’intitulé
d’une rencontre nationale organisée par la DIV en 1999
à Tours : « Éducation, une responsabilité partagée ».
RENOUVELLEMENT URBAIN ET GESTION URBAINE DE PROXIMITÉ
La requalification de certains quartiers d’habitat social constitue un objectif prioritaire des contrats de
ville. L’amélioration du cadre de vie des habitants, le
renforcement de l’attractivité de quartiers, le développement de la mixité sociale et urbaine nécessitent
une démarche de renouvellement qui intègre des actions d’amélioration et rénovation de l’habitat, des
interventions sur l’environnement et des actions sociales et économiques.
Le Comité Interministériel du 14 décembre 1999 a
présenté le programme de renouvellement urbain.
Celui-ci compte deux principaux types d’intervention.
- 17 -
50 Grands Projets de Ville (qui succèdent aux Grands
Projets Urbains) sont désignés pour des sites dont la requalification nécessite des moyens exceptionnels.
30 opérations de renouvellement urbain sont définies
pour d’autres sites, permettant aux villes concernées
de bénéficier d’un appui renforcé de l’État.
À partir de l’expérience
des
GPU, les Grands
LES GRANDS PROJETS DE VILLE
Projets de Ville
comportent une
Garges-lès-Gonesse / Sarcelles
forte dimension
de transformaArgenteuil
tion urbaine devant
s’inscrire
dans un projet plus global : ancrer le quartier dans
l’agglomération, renouveler l’offre urbaine, améliorer
la vie quotidienne, lutter contre toutes les formes de
discrimination.
VAL D’OISE 2000-2006
GPV et ORU sont désormais inscrits dans les contrats de
ville, dont ils constituent une convention territoriale. Ils
mettent en œuvre des crédits d’investissement et de
fonctionnement.
Quant à la gestion urbaine de proximité, elle regroupe l’ensemble des actes qui contribuent au bon fonctionnement d’un quartier. Elle peut concerner plusieurs domaines :
• la gestion des espaces extérieurs,
• la question de la propreté,
• la prise en compte des petits dysfonctionnements
urbains courants,
• la sécurité (et ce qui peut permettre de combattre
le sentiment d’insécurité).
Elle concerne divers acteurs : habitants, bailleurs, collectivités locales, mais aussi transporteurs, services urbains… Cette démarche est complexe, car l’identification des compétences sur la gestion d’un territoire est
bien souvent peu aisée (un énorme problème récurrent
concerne par exemple la gestion des espaces non bâtis).
Il s’agit donc de dépasser cette stricte question des
compétences, pour intervenir, de manière partenariale,
efficacement.
Cette démarche doit intégrer la participation active des
habitants. Elle est systématiquement recherchée dans
les contrats de ville 2000-2006.
A I D E A U D É V E L O P P E M E N T É C O N O M I Q U E E T À L’ E M P L O I
Outre la création des Grands Projets de Ville, le
Conseil Interministériel des Villes du 14 décembre
1999 a annoncé un certain nombre de mesures
concernant la revitalisation économique des quartiers et l’emploi. Ainsi, des aides fiscales et sociales
sont accordées afin de réduire les charges des artisans, commerçants et entreprises implantés dans des
quartiers en difficulté. Environ 150 sites, essentiellement en GPV, en Opération de Renouvellement
Urbain ou en Zone Franche Urbaine (dont l’avenir
est incertain) devraient être concernés.
Par ailleurs, des équipes emploi-insertion sont égale-
ment créées, à partir d’un appel à projet, également
sur 150 sites. Celles-ci poursuivent deux missions :
assurer un appui de proximité aux chercheurs d’emploi ; organiser un relais avec les structures locales
déjà existantes. Ces équipes reposent en majorité sur
les missions locales, ANPE, collectivités locales et
associations.
Enfin un certain nombre d’autres actions favorisant
l’accès à la fonction publique pour les habitants des
quartiers de la politique de la ville, la création de
10000 postes d’adultes-relais… doivent soutenir tant
l’emploi que le lien social.
PA R T I C I PAT I O N D E S H A B I TA N T S E T I N T É G R AT I O N :
DES ENJEUX TRANSVERSAUX
La participation des habitants, déjà présente dans
les fondements du développement social des quartiers est réaffirmée pour ces contrats de ville. Ainsi,
le CIV du 30 juin 1998 précise que « l’État ne signera à l’avenir des contrats que si les conditions effectives de participation des habitants sont précisé-
- 18 -
ment définies ». Cette volonté s’appuie sur le souci
de recrédibiliser l’action publique, et de faire en
sorte, par conséquent, d’associer les habitants à la
définition, à la mise en œuvre et à l’évaluation des
contrats de ville.
Afin d’appuyer les initiatives des habitants, et dans
l’esprit de dispositifs et outils existant depuis plusieurs années aux plans locaux ou régionaux, des
fonds de participation des habitants sont généralisés. Ceux-ci ont pour objectif de soutenir, à travers
un mode de financement simple et souple, des
micro-projets à visée collective.
À travers cet outil, c’est le soutien à l’initiative des
habitants, la modification de l’image du quartier et
la transformation des relations entre élus, professionnels et habitants qui sont visés.
L’intégration est également appréhendée dans les
nouveaux contrats de ville de manière transversale.
Cette thématique s’applique par exemple à la lutte
contre les discriminations sur le marché du travail, et
dans l’accès au logement, à l’éducation, aux services
publics. Dans ce souci de lutte contre les discriminations, deux outils ont été créés : un numéro de
téléphone vert : le 114, et les Commissions
Départementales d’Accès à la Citoyenneté (CODAC)
- 19 -
V
al d’Oise : le Conseil général
impliqué dans la politique de la
ville depuis plusieurs années
INTERVENTION DE CORYSE VANDECASTEELE, CHARGÉE DE MISSION
DU DÉVELOPPEMENT URBAIN, CONSEIL GÉNÉRAL DU VAL D’OISE
L
e Contrat de Développement Urbain
• intensifier les actions menées dans le cadre des
contrats de ville, par des mesures d’accompagnement.
1994 : alors que la négociation de la première génération des contrats de ville sur le Val d’Oise s’effectue et que la géographie prioritaire se dessine, il apparaît rapidement qu’un certain nombre de sites ne
vont pas être sélectionnés. C’est par exemple le cas
pour les villes du SAN de Cergy-Pontoise.
Un appel à candidature, ouvert aux communes de
plus de 3000 habitants est effectué. 30 projets, portés par 28 villes sont retenus, avec une priorité : la
jeunesse.
Face à ce constat et dans un souci de s’impliquer
dans la politique de la ville, le Conseil général du
Val d’Oise décide de s’engager, cette même année,
en faveur d’une politique de soutien aux villes
éprouvant des difficultés urbaines et sociales. Un outil contractuel pour une durée de 3 ans entre le
Conseil général et les communes est créé. Il s’agit du
Contrat de Développement Urbain. Les premiers
contrats sont signés en 1995.
Au-delà des subventions accordées aux villes pour
mettre en œuvre les projets, le financement de postes d’animateurs ville est également accordé.
Fin 1999, une évaluation des CDU - prévus à l’origine comme un dispositif expérimental – est réalisée.
Elle est plutôt positive. Les élus de la Commission
spéciale politique de la ville du Conseil général décident, toutes tendances confondues, de proposer
une nouvelle politique de la ville, en cohérence
avec les autres dispositifs et contrats locaux.
Il s’agit du Contrat d’initiatives villes qualité (CIVIQ).
Cette démarche est unique en France. À l’époque, le
Conseil général du Val d’Oise fait figure de précurseur.
Trois objectifs sont fixés pour cette politique contractuelle dont l’échelle d’intervention choisie est le
quartier :
• agir à titre préventif sur des sites fragilisés,
• permettre aux initiatives locales de s’inscrire dans
le long terme,
- 20 -
L
e Contrat d’initiatives villes qualité
• une assistance méthodologique extérieure à l’élaboration du CIVIQ,
Ouvert aux communes et groupements de communes
de plus de 3500 habitants et aux chefs lieux de cantons, l’appel à candidature pour les CIVIQ est lancé
en 1999. Un certain nombre de sites sont retenus (Cf
encadré ci-dessous). La phase d’élaboration du
Contrat démarre ensuite à partir d’un diagnostic partagé. D’une durée de 4 ans, les CIVIQ doivent en majorité être signés courant 2001.
• le co-financement de postes de référents projet
(interlocuteurs directs des communes avec le
Conseil général), d’agents de développement local
(sur le même principe que les animateurs ville
dans les CDU) ou encore d’animateurs jeunesse
pour les communes qui ont retenu cette thématique.
4 thèmes sont retenus :
Contrairement aux CDU, dont le périmètre privilégié
d’intervention était le quartier, c’est dorénavant à
l’échelle de la ville que sont conçus et mis en œuvre
les CIVIQ.
• sécurité et prévention (s’il n’existe pas déjà de CLS),
• enfance et jeunesse,
• insertion et action sociale,
Enfin, les principes de cohérence, articulation et complémentarité avec les autres dispositifs de la politique
de la ville sont affichés. Cette volonté se matérialise
notamment par la signature du Conseil général des
conventions-cadre des contrats de ville (mais pas des
volets thématiques et territoriaux).
• gestion urbaine et vie sociale.
Les communes peuvent ensuite choisir de privilégier
l’un ou l’autre de ces 4 thèmes.
Outre l’affectation d’un budget spécifique accordé
aux communes (utilisable soit en fonctionnement, soit
en investissement) deux principales mesures d’accompagnement sont mises en place, sous forme d’aides financières, pour :
Liberté est laissée aux communes ensuite d’inscrire ou
non le CIVIQ dans le contrat de ville lorsqu’il en existe
un sur le territoire.
VAL D’OISE 2000-2004
LES VILLES AYANT NÉGOCIÉ UN
CIVIQ
AVEC LE
C ONSEIL
GÉNÉRAL
• SAN de Cergy-Pontoise :
• Argenteuil
• Gonesse
• Persan
• Beaumont-sur-Oise
• Goussainville
• Pierrelaye
- Cergy,
• Bessancourt
• Groslay
• Saint-Brice-sous-Forêt
- Courdimanche,
• Bezons
• Herblay
• Saint-Gratien
• Deuil-la-barre
• Louvres
• Sannois
• Domont
• Luzarches
• Sarcelles
• Ermont
• Méry-sur-Oise
• Soisy-sous-Montmorency
• Fosses
• Montigny-lès-Cormeilles
• Taverny
- Saint-Ouen-l’Aumône,
• Garges-lès-Gonesse
• Montmagny
• Villiers-le-Bel
- Vauréal
- Eragny-sur-Oise,
- Jouy-le-Moutier,
- Menucourt,
- 21 -
- Osny,
- Pontoise,
E
n guise
de conclusions provisoires…
Peut-on dresser un bilan de cette politique des quartiers
devenue politique de la ville ?
des pratiques de terrain proches de la gestion de
processus qui se sont substitués, pour partie, à la
posture du maire « bâtisseur ».
Les services des villes ont parfois été restructurés.
Des chefs de projets DSQ, ou DSU, puis des directeurs de projets et des chargés de mission thématique, ont été embauchés – services techniques territorialisés, création de missions ville au DSU accueillant des professionnels de profils différents –,
mais la culture et la « technologie » de la décision
publique locale n'en ont pas pour autant été profondément modifiées : découpage de délégations resté
traditionnel, difficultés à faire fonctionner, dès le niveau politique, un projet transversal, quasi absence
de structures budgétaires – type fonds de quartiers –
pour promouvoir une gestion urbaine et sociale de
proximité, plus souple et en prise sur l'urgence sociale,
contribuant à la restauration des représentations que
les populations ont des décideurs politiques et institutionnels.
Sans doute, mais à condition de rappeler des éléments
qui valent d’ailleurs pour toute évaluation de site de cette
politique : que cherche-t-on à évaluer ?
• S’agit-il de pointer les évolutions des comportements, des qualifications, des stratégies, des acteurs,
du fonctionnement du système de pilotage ? Dans ce
cas on se risquera à quelques hypothèses (1).
• Ou cherche- t-on à mesurer les effets de cette politique
en direction des populations au regard de son objet
central (le renforcement de la cohésion sociale) ? Cet
exercice devient alors particulièrement difficile.
-
Pour des raisons d’ordre méthodologique : les
objectifs des programmes d’actions ne sont pas
toujours suffisamment précis, n’incluent pas systématiquement des indicateurs de résultats.
-
Pour des raisons d’ordre « macro » : comment
distinguer les effets des actions relevant de la
politique de la ville, de ceux qui renvoient à
d’autres politiques ou mutations d’ensemble
(décentralisation, RMI, reprise économique…) ?
• Les conseils généraux, structurés par un mode de
scrutin où le poids de l'espace rural compte encore beaucoup, ont eu du mal à passer comme la décentralisation auraient dû les y encourager, d'une
juxtaposition d'interventions cantonales cloisonnées à une vision et à des politiques départementales cohérentes et territorialisées. Dans les premiers
temps ils n'ont pas voulu, ou n'ont pas pu, dans la
plupart des cas s'impliquer dans la politique de la
ville. Celle-ci,à priori et en dépit – ou à cause…–
de leurs lourdes charges en matière d'action sociale,
leur paraissait :
Au delà des chiffres et des efforts consentis, peut-on déjà
tirer un premier bilan de cette politique ?
Les collectivités territoriales
• Les communes, ont trouvé là un champ nouveau où
l'Etat les a incité à jouer pleinement leur leadership ;
et ce d'autant plus que, dès 1982, le grand mouvement de la décentralisation est venu – plus
dans les têtes que dans les textes pour ce qui
concerne les communes – conforter la légitimité
d’intervention des élus. Ceux-ci ont été conduits à
(1)
Ces conclusions n’engagent que le consultant, animateur du séminaire
- 22 -
-
hors de leurs compétences initiales (le financement du logement est une compétence d'Etat,
l'urbanisme et l'animation de la vie sociale une
compétence communale),
-
budgétivore.
Cependant, il convient de noter que les assemblées départementales et régionales répondent de plus en plus
positivement à la sollicitation de s'impliquer dans la
génération des nouveaux Contrats de ville du XIIème
Plan (prise en compte du fait urbain), voire prennent
des initiatives propres, comme c’est le cas pour le
Conseil général du Val d’Oise.
tions sont nées (chefs d’antenne, chargés de mission
pour l’insertion par l’économique, développeurs de
quartiers…) ; surtout il est évident, aujourd’hui, aux
yeux des gestionnaires, que la complexité des démarches sociales et urbaines justifie la création et le
maintien des postes de professionnels de haut niveau
sur les sites.
Une récente convention entre l’Assemblée des
Départements de France (ADF ) et la DIV vient souligner ces évolutions.
Les habitants
Dès le début du lancement des opérations de développement social des quartiers d’habitat social (1981), les
inspirateurs de cette politique ont affirmé et répété une
conviction : rien de durable ne peut être fait sans les
habitants, invités à devenir les principaux acteurs du
changement. Élus, gestionnaires, techniciens doivent
être à l’écoute de leurs demandes, les associer dans la
définition des objectifs, dans le contenu des travaux, le
choix et la gestion des équipements comme des actions
d'accompagnement.
Les services de l’ Etat
L'Etat semble avoir oscillé entre un repli frileux et des
volontés d’intervention. A partir de 90 avec la mise en
place d'un personnel spécialisé – Sous-préfets à la
Ville, correspondants départementaux, délégués de
l’Etat –, la déconcentration a joué au-delà des SGAR
des Préfectures de Région déjà impliqués dans le cadre
des contrats de plan. L’Etat, par ses services extérieurs,
conserve un rôle clef (le financement) et en apprend
un autre : l’inscription dans le partenariat.
Les habitants, par leurs associations de locataires
comme par d’autres formes associatives (formalisées
ou non) liés à la vie du quartier, doivent être non seulement consultés, mais appelés à devenir forces de
proposition. Cette volonté a été souvent résumée
dans une formule – qui entendait contourner la thématique usée de la participation, souvent enfermée
dans la seule forme associative – : « la présence active
des habitants ».
Toutefois si la culture de la tutelle - sur l’opportunité
de la décision – semble avoir disparu en une dizaine
d’années, l’invention d’un rôle où l’on est garant d’une
politique nationale forte, et à la fois respectueux des
volontés des collectivités locales reste ardu !
Un nouveau cadre juridique, incitatif fiscalement, permet d’observer une forte montée en charge de l’intercommunalité de projet, tant en matière urbain que rural.
Mais la mise en œuvre d'une telle volonté a rencontré
de multiples obstacles :
• sur un plan pratique : difficulté à trouver et gérer de
nouvelles modalités de rencontre et de participation à la hauteur des nouveaux enjeux,
Les opérateurs
Organismes d’HLM, Pact, SEM ont été conduits à (faire)
mener des diagnostics de quartiers et de cités où la dimension urbaine et sociale a pris très vite le pas sur la
seule approche technique (définition du contenu de
l’enveloppe de travaux). Les offices et SA d’HLM, la SCIC
ont été confrontés à une véritable mutation culturelle : le
passage d’une culture technique (construire, réparer) à
une culture de gestion sociale mettant l’accent sur
l’importance des attributions, la gestion de proximité,
l'information des locataires appréhendés de plus en
plus dans leur globalité d’habitants, d’où de nouvelles
relations avec les collectivités territoriales.
• sur un plan socio-culturel : affaissement de la vie
associative et du militantisme sous ses formes
traditionnelles, recul des formes d’actions collectives,
• sur un plan économique : permanence d'une crise
qui met l'emploi ou la recherche d'activités au premier rang de préoccupations de familles en situation de grande précarité, voire de survie,
• sur un plan politique : réserves chez beaucoup d’élus
locaux, adossés à leur légitimité élective, pour
négocier avec des représentants jugés peu représentatifs.
De nouvelles structures ont été mises en place, de
nouveaux métiers sont apparus, de nouvelles forma- 23 -
La dimension du temps – vécue très différemment par
chaque grande catégorie d’acteurs – constitue un paramètre essentiel dans la recherche d’une telle
concertation.
Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres
(adaptation des services aux publics, territorialisation
des actions de l’ Etat, emplois-jeunes, adultes-relais…)
on peut estimer que la politique de la ville constitue
un lieu privilégié à la fois de mise en évidence (fonction révélateur) de dysfonctionnements, de pratiques
obsolètes, et dans le même temps de définition et
d’expérimentation d’outils et de nouveaux modes
d’intervention (fonction catalyseur). Il devient alors
évident que l’on devrait, dans toute tentative d’ évaluation de cette politique, se garder de deux écueils :
C’est sans conteste sur la place, le rôle joué effectivement par les habitants dans ces démarches que le
bilan demeure le plus modeste ; encore que l'on
puisse noter l’expérimentation et la mise en œuvre
de nouveaux outils : création de régies de quartier,
démarches de théâtre au service de l’expression des
« sans voix », fonds d’initiatives locales, espaces de
médiation (Maison de justice, Maison du citoyen…),
relatif décloisonnement du social / culturel / économique / prévention, mise en œuvre d’une gestion
urbaine de proximité.
• tout ou trop demander à cette politique qui ne peut
à elle seule répondre à toutes les demandes sociales
et interrogations institutionnelles : la politique de la
ville ne saurait porter des aspirations qui relèvent
d’un cadre plus large (par exemple, comment développer un renouveau de la démocratie locale, dans
un contexte de crise économique),
• ne plus rien demander à cette politique, en déplorant
simplement son empilement de dispositifs (effet
« mille-feuilles »).
Par contre, c’est bien sur le double aspect de la mutation des pratiques institutionnelles et professionnelles,
que les avancées sont les plus significatives. Des travaux récents viennent d’ailleurs le souligner en ouvrant de nouvelles perspectives(2) .
Finalement, la politique des quartiers, devenue politique de la ville constitue le creuset et la matrice
d’un nouveau type de politique publique de solidarité caractérisée par
la définition et la mise en œuvre de
POUR ALLER PLUS LOIN…
principes structurants forts : territoDeux documents récents peuvent être consultés pour aider à la construcrialisation, transversalité, contraction d’une vision synthétique au niveau régional (Ile-de-France) et national.
tualisation et partenariat, gestion de
projets et évaluation, place des desLe rapport Bravo : « rapport final de l’instance d’évaluation de la politique
tinataires ; elle fait aujourd’hui l’obde la ville en Ile-de-France » (complété par les cinq dossiers thématiques
jet d’un consensus (au-delà des modisponibles auprès de l’Instance) pour la Préfecture et le Conseil régional
dalités et priorités conjoncturelles)
d’Ile-de-France, janvier 1999 - Président Jacques Bravo, rapporteur :
de la part de très nombreux maires et
Thomas Kirszbaum. En particulier, la 3e partie « Pour une politique de la
de l’ensemble des familles politiques
ville adaptée au contexte francilien » (pp.44-61) qui donne des éléments de
démocratiques qui lui ont, chacune,
stratégies différenciées en fonction d’une typologie de cinq territoires reapporté leur contribution.
présentatifs des situations d’exclusion en Ile-de-France.
La politique de la ville, une politique incertaine : « regards sur l’actualité »,
avril 2000, La Documentation Française - Marie-Christine Jaillet, chercheuse au CNRS, directrice du CIEU, Université de Toulouse - Le Mirail.
« Après avoir rappelé les principaux moments et événements de cette politique, lorsqu’elle s’invente ou se refonde, [l’auteur] s’attache à son caractère incertain – en décrivant ses différentes oscillations – et d’autre part
aux enjeux qu’elle a fait surgir ».
(2)
Le rapport Claude Brévan - Paul Picard sur les métiers et la politique de la ville
- 24 -
La politique de la ville est une politique
compliquée et complexe … mais comment pourrait-il en être autrement,
compte-tenu de la complexité même
des problèmes auxquels elle essaie
d’apporter des réponses ?
QUELQUES RESSOURCES…
Les rapports officiels
« Ensemble, refaire la ville », Hubert Dubedout, La Documentation française, 1983
« Face à la délinquance, prévention, répression, solidarité », Gilbert Bonnemaison, La Documentation française, 1982
« L’insertion professionnelle et sociale des jeunes », Bertrand Schwartz, La Documentation française, 1982
« Banlieues en difficulté : la relégation », Jean-Marie Delarue, Syros Alternatives, 1991
« Demain, la ville », Jean-Pierre Sueur, La Documentation française, 1998
Livres
« Les quartiers d’exil », François Dubet, Didier Lapeyronnie, Seuil, 1992
« La politique de la ville - Histoire et organisation », Antoine Anderson, ASH Étudiants, 2000
Site internet
http://www.ville.gouv.fr
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