seigneurs du Puy du Fou commentaire

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seigneurs du Puy du Fou commentaire
Site Internet des Archives départementales de la Vendée, http://archives.vendee.fr/
Document commenté (décembre 2009)
Qui veut s’en prendre aux seigneurs du Puy du Fou ?
Lettre de Catherine de La Rochefoucauld à son cousin du Chastellier-Montbault, 13 août
1576 (Archives départementales de la Vendée, fonds de la Gaudinière, 123 J 5).
Commentaire
Catherine de La Rochefoucauld vient de signer au bas de la lettre et pose sa plume.
Son secrétaire qui en a assuré la copie d’une belle écriture régulière, parsemée d’amples
jambages et ponctuée d’abréviations, pour le bonheur ou au contraire le désarroi du lecteur
contemporain que nous sommes, la plie savamment, afin d’y écrire le nom du destinataire, et
la cachète avec de la cire rouge, dont quelques traces sont à peine encore visibles. Un
serviteur est déjà prêt à chevaucher quelques lieues pour la remettre à son destinataire que
Catherine de La Rochefoucauld appelle « mon cousin », et dont le nom est seulement connu
par l’en-tête de la missive : « Monsieur du Chastellier Mombault ». De qui s’agit-il ? D’un
seigneur poitevin, Charles de La Haye, dont les terres s’étendent sur les actuels départements
de la Vendée et des Deux-Sèvres. Entre autres titres, il est seigneur du Chastellier-Montbault1,
de la Gaudinière2, des Bouchaux3 et de La Merlatière4.
La lettre a vraisemblablement été transmise dans les meilleurs délais, car l’affaire est
sérieuse, il y a eu menaces de mort, la vie d’un homme est peut-être en danger. En tout cas, si
nous ignorons où Charles de La Haye-Montbault a décacheté la lettre (en son château du
Chastellier-Montbault ou bien ailleurs), la présence actuelle de celle-ci parmi les papiers de la
famille de La Haye-Montbault prouve bien qu’elle est arrivée à destination. En effet, cette
pièce est conservée aujourd’hui aux Archives départementales de la Vendée dans le fonds dit
de la Gaudinière, qui réunit les papiers de plusieurs familles : La Haye-Montbault et Surineau
notamment, Marie-Anne de La Haye-Montbault se mariant à la fin du XVIIe siècle avec
Pierre de Surineau. Par succession, la Gaudinière passe ensuite au XIXe siècle à la famille de
Ferré de Pernoux puis, au début du XXe siècle, à la famille de Larocque-Latour qui en a
déposé les papiers aux Archives de la Vendée en 2001. Le fonds de La Gaudinière n’est pas
un chartrier rassemblant les titres de seigneuries, mais un ensemble de papiers de familles,
d’où la présence de lettres comme celle présentée ici, de contrats de mariage et autres
partages. Il n’empêche que les seigneurs gèrent directement leurs affaires comme en témoigne
la lettre de 1576.
1
Le Chastellier-Montbault, département des Deux-Sèvres, commune de Sanzay qui a fusionnée en 2006 avec
celles de Boësse et d’Argenton-Château pour former Argenton-les-Vallées.
2
La Gaudinière, département de la Vendée, commune de Saint-Vincent-sur-Graon.
3
Les Bouchaux, département de la Vendée, sans doute vers Beauvoir-sur-Mer, Sallertaine et Soullans.
4
La Merlatière, département de la Vendée, commune du canton des Essarts.
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Document commenté (décembre 2009)
Revenons donc à l’affaire qui préoccupe Catherine de La Rochefoucauld et à l’homme
dont il est question dans la lettre : Gabriel Bichot. Ce dernier est attaché à la maison du Puy
du Fou. C’est même un « fort ancien », et certainement fidèle serviteur qui a fait le chemin de
Mallièvre au Landreau (Les Herbiers) pour relater à Catherine de La Rochefoucauld ses
mésaventures. Que lui est-il donc arrivé ? Parlerait-on aujourd’hui de harcèlement physique et
moral ? Toujours est-il que les gens du Chastellier-Montbault menacent de « le battre et tuer
et (…) sont, par plusieurs foys, allez jusques en sa maison le chercher ». Mais pourquoi ?
Gabriel Bichot a « faict arrester, comme fermier de la prévosté dudict Mallièvre, quelques
bœufs » qui appartiennent à la seigneurie du Chastellier-Montbault. On suppose que ces
animaux sont sortis, par mégarde ou avec un peu d’aide, des limites du territoire de la
seigneurie du Chastellier-Montbault, pour aller divaguer sur d’autres terres, en l’occurrence
celles des seigneurs du Puy du Fou dont dépend la prévôté de Mallièvre. Gabriel Bichot n’a
alors écouté que son devoir, et s’est emparé des bœufs. Il a agi là, nous dit Catherine de La
Rochefoucauld, comme fermier de la prévôté de Mallièvre. Une prévôté est une petite
seigneurie confiée, dans le cas présent, à un fermier.
Au-delà du fait divers que représente l’aventure fâcheuse de Gabriel Bichot, on voit
bien la tension qui existe entre seigneurs pour assurer la défense et la conservation de leurs
droits. Si les occasions de conflits sont multiples entre paysans et seigneurs, elles ne le sont
pas moins entre seigneurs. Celui du Chastellier-Montbault a-t-il voulu provoquer celui du Puy
du Fou ? N’est-ce pas un coup d’essai pour évaluer la réaction du voisin ? Si c’est bien le cas,
on peut dire que celle-ci ne s’est pas fait attendre, mais est-elle bien opportune ? S’emparer de
bœufs dont la valeur économique est loin d’être négligeable, n’est pas une mince entreprise.
La provocation est peut-être réciproque ? Interrogeons-nous également sur les propos tenus
par Catherine de La Rochefoucauld envers son cousin au moment de clore sa lettre : « Si en
autre endroict, j’ay moyen de faire quelque chose pour vous et les vôtres, je vous puys
asseurer n’avoir en ce monde, parents et amys, qui s’y employe de meilleure vollonté que
moy. » Est-ce pure rhétorique épistolaire, ou n’a-t-elle pas quelque chose à se faire pardonner
dans cette affaire ou dans une autre ? Reconnaissons simplement qu’il est bien difficile, par le
contenu de cette seule lettre, de démêler tous les tenants et les aboutissants du conflit.
Restent tout de même quelques questions à se poser. Pourquoi est-ce Catherine de La
Rochefoucauld qui défend les droits des seigneurs du Puy du Fou ? Quelle est sa légitimité
pour engager une telle démarche ? Pour cela revenons quelques années en arrière. Fille
d’Antoine de La Rochefoucauld, baron de Barbezieux, grand sénéchal de Guyenne,
gouverneur de Paris et de l’Ile de France, et d’Antoinette d’Amboise, dauphine de Combronde
et dame de Chaumont, Catherine épouse en 1559 René Ier, seigneur du Puy du Fou, de
Mallièvre (nous y revoilà), de Faymoreau, de La Touche-de-Rablay, de La Jalletière, de SaintMalo-du-Bois et des Epesses. Il est également gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi,
capitaine de cinquante hommes d’armes, et gouverneur de La Rochelle et du pays d’Aunis. Le
mariage ne dure cependant que sept ans. En 1566, René du Puy du Fou est assassiné. Il laisse
alors Catherine veuve avec trois enfants en bas-âge : Gilbert, l’aîné ; Gilbert, le jeune ; et
Gilberte. La tutelle des enfants est confiée à leur mère qui semble toujours l’exercer en 1576.
Car c’est vraisemblablement à ce titre qu’elle réagit auprès du seigneur du ChastellierMontbault, « pour garder et conserver les droictz des seigneurs du Puy du Fou ».
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Document commenté (décembre 2009)
Mais pourquoi écrit-elle depuis le Landreau et non depuis le château du Puy du Fou
qu’elle a pourtant contribuée à embellir après la mort de son époux ? On lui doit notamment la
construction vers 1570 de la longue galerie ouverte qui rejoint le châtelet gothique. C’est
qu’en 1574 Catherine de La Rochefoucauld se remarie avec Charles Rouault, seigneur du
Landreau. La seigneurie est située sur les territoires des paroisses Saint-Pierre et Notre-Dame
des Herbiers, et ils résident probablement souvent au château du Landreau. Il ne s’agit pas là
de l’actuel bâtiment connu sous le nom de château du Landreau, propriété de l'évêché de
Luçon et devenu centre de repos pour les prêtres âgés ou en convalescence du diocèse, mais
d’un autre, plus ancien, dont il ne reste presque rien sur place. En revanche, c’est l’occasion
de rappeler que les Archives départementales de la Vendée conservent le chartrier du
Landreau réunissant les titres de plusieurs seigneuries situées aux Herbiers, à Saint-Paul-enPareds, à Saint-Florent-des-Bois et à Luynes (Indre-et-Loire).
Pour conclure, quittons les oppositions de seigneurs pour nous rendre compte de
l’attention portée par une femme du XVIe siècle envers un « pauvre homme » de sa maison.
Certes elle défend avant tout ses droits, mais aussi ses gens qui lui sont plus ou moins proches
et dont elle ne peut « aulcunement souffrir » qu’ils subissent du « desplaisir ».
Juliette Grison
Bibliographie
- Beauchet-Filleau (dir.), Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, 2e
éd. refondue et augmentée. Poitiers, Impr. Oudin, 1891-1979, 7 tomes en 7 vol. (Bib 1530/17).
- Eugène Deriez, Le Puy du Fou : châteaux et seigneurs, réédition de l’éd. de 1964, Librairie
Edition Guénégaud, 1998, 125 p. (BIB B 1244)
- Bélisaire Ledain, Dictionnaire topographique du département des Deux-Sèvres :
comprenant les noms de lieux anciens et modernes, Poitiers, Société française d'imprimerie et
de librairie, 1902, XLI-357 p. (Bib 2579)
- Jean de Raigniac, La saga de la famille du Puy du Fou, Aizenay, Editions de Bonnefonds,
2003, 175 p. (Bib D 700)

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