C`est au coup de pinceau que l`on reconnaît la patte du maître

Transcription

C`est au coup de pinceau que l`on reconnaît la patte du maître
C’est au coup de pinceau que l’on reconnaît la patte du maître
Un oiseau serait à l’origine de l’écriture chinoise. A en croire le mythe, c’est en effet en voyant des marques de pattes
d’oiseau sur le sable qu’un dignitaire des temps jadis, du nom supposé de Cang Jie, aurait eu l’idée de transformer le
langage parlé en signes écrits. Et il est vrai qu’à ses débuts l’écriture chinoise se contenter de reproduire de très près
l’image des notions qu’elle voulait exprimer. Pourtant, les dessins, les glyphes en termes savants, obéissaient déjà à
certaines règles graphiques et esthétiques. Dès les premiers temps de la dynastie Shang (environ 1766-1066 av. J-C.),
Les inscriptions sur les bronzes rituels et les formules divinatoires gravées sur os révèlent une tendance au tracé
gracieux, harmonieux, artistique.
Mais on ne peut commencer à parler d’art calligraphique que vers la fin de l’époque Zhou (XI-IIIe siècle av. J-C.). Les
bronzes sacrés et les armes étaient alors décorés d’inscriptions que seuls les spécialistes étaient capables de lire. Les
signes, plutôt qu’à un graphisme, ressemblaient à de riches ornements. C’était pourtant déjà une forme d’écriture, mais
réservée aux initiés et qui ne pouvait pas se répandre dans la population.
Pendant la dynastie Qin (221-206 av. J.-C.), les pictogrammes, plus exactement les idéogrammes chinois, se
simplifièrent et se normalisèrent. Le style dit « petit sigillaire » (de « sigillum » : sceau) remplaça le « grand sigillaire »,
plus compliqué. Les idéogrammes de cette époque montrent un tracé de plus en plus régulier.
Avec la dynastie Han (206 av. J.-C.), le style sigillaire fut banni du langage officiel ; mais il est resté jusqu’à nos jours
comme élément décoratif de la calligraphie.
Traité de paix gravé sur bronze, vieux de trois mille ans.
Grâce à la simplification des signes, l’écriture devint plus facile à manier. D’où une grande variété de style. L’écriture
lishu, dite « des chancelleries », se distingue de l’écriture sigillaire par un tracé plus net et, pour la première fois, par la
diversité volontaire de la largeur des signes. Depuis cette époque, les traits s’inscrivent de façon caractéristique dans
un carré imaginaire. Les fins, les « queues », des signes, fortement élancées, sont particulièrement frappants.
Cependant, ce style régulier (Kaishu) fut remplacé graduellement par une écriture encore plus équilibrée. C’est de cette
dernière que proviennent les caractères d’imprimerie actuels.
Puis sont apparues des écritures cursives, c’est-à-dire d’un seul trait rapide, très appréciées des calligraphes.
Perpétuellement à la recherche de nouvelles formes, les hommes de l’art mirent au point l’écriture courante (xingshu) et
le style cursif (caoshu) liant le graphisme d’un ou plusieurs signes, ce qui facilite le travail des copistes. La différence
d’épaisseur des traits, en particulier, ouvrit aux calligraphes un champ d’investigation artistique plus vaste. De même
que l’emploi de pinceaux sans cesse perfectionnés : plus ou moins épais, longs, pointus, fabriqués avec les poils de tel
ou tel animal. Naturellement, la consistance de l’encre a également une grande importance. Quand elle est diluée dans
davantage d’eau, l’écriture est plus fluide. Tandis qu’avec un pinceau plus sec, les lignes apparaissent brisées et les
« queues » effilochées. Ce procédé « blanc volant » (feibai) a été également utilisé par les peintres.
A Beijing, chez Wang Mingyuan, la calligraphie reflète la recherche de l’harmonie.
Des uvres célèbres de calligraphie, le « Manuscrit des Orchidées » de Wang Xizhi, par exemple, ont été copiées
plusieurs fois et même gravées dans la pierre. Wang Xizhi (321-379) éblouit par la diversité e ses stymes. Il rédigea des
écrits à la fois en kaishu (style régulier), en xingshu (style semi-cursif) et en caoshu (style cursif). Yan Zhenqing (709785), également, qui vécut sous la dynastie Tang, passe pour l’un des maîtres calligraphe les plus réputés. Comparés à
ceux de Wang Xizhi, ses traits apparaissent nettement plus puissants. Ils sont censés exprimer à la fois la force et la
simplicité. La notice nécrologique que Yan Zhenqing écrivit pour ses neveux avec un pinceau sec est célèbre. Es
spécialistes affirment pouvoir lire dans son tracé toute l’émotion de l’auteur.
Les rapports de la calligraphie avec la peinture sont étroits. Il était courant dans l’ancien temps, -et cela se fait
encore- que les peintres ajoutent à leurs tableaux une dédicace ou un poème calligraphiés. La plupart des créations ne
devenaient vraiment des uvres d’art que lorsque l’artiste avait recouvert d’inscriptions les espaces restés libres sur la
toile. Surtout pour les cadres de petits formats, les deux éléments, l’écriture et la peinture, engendraient en fait une
nouvelle composition. Les légendes ne servaient pas seulement à compléter le tableau, mais à le critiquer.
Aujourd’hui encore, peinture et calligraphie vont de pair.
De plus, l’écriture avait une dimension magique. D’une manière générale, elle servait à conjurer le mauvais sort. Dans
la Chine impériale, le nom des condamnés à morts était rayé, le moment de l’exécution venue, des listes annonçant la
sentence. Et, de nos jours, les bourreaux de la République populaire ont repris cette tradition. Pendant la Révolution
culturelle, les gardes rouges essayaient d’envoûter les opposants en écrivant leur nom à l’envers ou en le déformant de
manière grotesque. En Chine, l’écriture a toujours été quelque chose de plus qu’un échange d’informations.