L S3 culgén 01-Guerre de 1870 et conséquences, 25p.
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L S3 culgén 01-Guerre de 1870 et conséquences, 25p.
DEFAITE ET REVANCHE : DE LA GUERRE DE 1870 A L’AFFAIRE BOULANGER Wikipedia etc. La guerre franco-allemande (19 juillet 1870 - 29 janvier 1871) opposa le Second Empire français et les royaumes allemands unis derrière le royaume de Prusse (aussi est-elle parfois appelée guerre francoprussienne). Le conflit marqua le point culminant de la tension entre les deux puissances, résultant de la volonté prussienne de dominer toute l'Allemagne, qui n'était alors qu'une fédération d'États indépendants. La défaite entraîna la chute de l'Empire français. I. LA GUERRE La candidature le 21 juin 1870 du prince allemand Leopold de Hohenzollern-Sigmaringen au trône d'Espagne, vacant depuis la révolution de septembre 1868 est l'élément déclencheur de la guerre. Le 6 juillet le duc de Gramont, ministre des Affaires étrangères annonce que la France s'oppose à cette candidature. Le 12 juillet Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen retire sa candidature, ce qui est annoncé par son père le prince Antoine. Le 13 juillet, alors que la France lui demande, par l'intermédiaire de son ambassadeur Benedetti envoyé auprès de lui dans la ville d'eaux d'Ems, de garantir le retrait de Léopold, le roi Guillaume de Prusse, agacé, fait confirmer la renonciation du prince, en ajoutant qu'il « n'a plus rien d'autre à dire à l'ambassadeur ». Cependant son télégramme (la dépêche d'Ems) relatant son entretien avec l'ambassadeur de France est réécrit par le premier ministre de Prusse Bismarck (même si Léopold s'est bien retiré), pour laisser croire à un congédiement humiliant de l'ambassadeur de manière à provoquer l'indignation des Français. Le premier ministre cherche en effet à abaisser la France, dont la position diplomatique est un obstacle pour souder les États allemands et ouvrir la voie à l'unité allemande. Or, après le succès de la Bataille de Sadowa lors de la guerre austro-prussienne et la rebuffade de la crise luxembourgeoise (1867), embarrasser la diplomatie française, plus qu'une nouvelle guerre victorieuse, lui apparaît comme le moyen le plus efficace d'atteindre son but. Même s'il ne cherche pas forcément la guerre, le premier ministre Bismarck est bien informé des réalités de l'armée française, vieillissante non préparée à une guerre européenne, démoralisée par le désastre de l'expédition au Mexique, soldats mal équipés, mauvais positionnement des dispositifs, aucun chef de valeur. Il sait en conséquence qu'une guerre pourrait servir les objectifs allemands de la Prusse. Napoléon III et Bismarck, le 2 septembre à Donchery, entrevue après la bataille de Sedan. Reproduction d'une œuvre de Wilhelm Camphausen. La presse parisienne dénonce l'affront. La mobilisation, arrêtée secrètement le 13 juillet, est signée le 14. Le 15, elle est approuvée par le Corps législatif. Malgré les ultimes avertissements d'Adolphe Thiers, le Corps législatif français vote aussi les crédits de guerre. Le 16 juillet, le maréchal Bazaine est placé à la tête du 3e corps de l'Armée du Rhin. Il reçoit autorité sur les armées des généraux Frossard et Ladmirault ainsi que sur la Garde impériale. Le général Chabaud-Latour est chargé des travaux de défense de la capitale. Des travaux sont entrepris au fort du Mont-Valérien, aux forts de Montrouge, de Bicêtre, d'Ivry, de Vanves, d'Issy, puis le 3 août aux forts de l'Est, et à Saint-Denis plus d'une vingtaine de redoutes sont construites. Le 17 juillet lors d'un rassemblement populaire d'étudiants et d'ouvriers à la Bastille, Émile Ollivier poussé par l'opinion publique, déclare la guerre à Guerre de 1870 et conséquences 2 la Prusse (déclaration notifiée deux jours plus tard). Le 19 juillet Émile Ollivier déclare, devant le Corps législatif, accepter la guerre « d'un cœur léger ». Les États allemands prennent alors parti pour la Prusse qui paraît agressée. Napoléon III, pacifiste mais malade, laisse faire. Le 19 juillet la France déclare la guerre à la Prusse. Cette décision provoque un rassemblement enthousiaste des Parisiens devant le palais des Tuileries. Peu se rendent compte que l'armée française est mal préparée à cette guerre. Armements et troupes "Nous sommes prêts et archi-prêts, il ne manque pas à notre armée un bouton de guêtre." Général Le Boeuf de l'Armée Française. Fusils Le Chassepot modèle 1866 français, avec une munition de 11 mm, a une portée d'un kilomètre nettement supérieure au Dreyse allemand, avec une munition de 15 mm. Mais la France a la mauvaise idée d'acheter les munitions à la manufacture belge de Herstal en omettant le simple fait que le Kronprinz était l'actionnaire principal de cette manufacture belge. Les commandes de munitions n'arrivèrent pas à temps à Sedan. Sans munitions, Napoléon III se rend pour éviter un carnage désespéré. La Manufacture d'Herstal explique par courrier cette défaillance de livraison du fait de la désorganisation qui règne sur les routes à cette époque et les chariots empêtrés… La Manufacture d'Herstal présente sa facture qui est réglée par la IIIe République. Canons Le Krupp allemand en acier se charge par la culasse tandis que son homologue français datant des guerres Napoléoniennes est en bronze et se charge par la gueule. Ces avantages sont cependant limités par la qualité du métal. La supériorité allemande vient plutôt de l'utilisation d'obus percutant plutôt que fusant. L’obus percutant, en 1870, s'enfonce dans la terre meuble et fait fougasse sans grands dégâts. L’obus fusant à shrapnel était dangereux dans un rayon de 100 mètres. L’infériorité vient surtout, d’après le général Suzanne directeur de l’artillerie en 1870, du mode d'emploi de l’artillerie française. Pas de grande batterie, duel avec l’artillerie adverse avec pour seul résultat d'attirer sur elle une concentration des batteries adverses. Une seule grande batterie fut constituée par le colonel de Montluisant à Saint Privat le 18 août. Elle infligea de fortes pertes à la Garde prussienne. Enfin, il faut citer les canons à balles, ces mitrailleuses, qui tiraient environ 25 coups à la minute. Chaque fois que les officiers, commandant ces batteries, comprennent qu’il valait mieux ne pas engager la lutte contre l’artillerie adverse mais contre l’infanterie, des résultats visibles sont obtenus. Il semble même que la majorité des pertes prussiennes leur soit imputable. Cavalerie La précision des fusils tels que le Chassepot et l'utilisation d'obus percutant rendent les charges de cavalerie inutiles. A ce titre, la guerre franco-allemande marque le déclin irrémédiable de cette arme qui avait dominé les champs de bataille pendant 150 ans. Troupes Au début du conflit la France dispose de 265 000 soldats réunis dans l'Armée du Rhin contre 500 000 soldats prussiens auxquels s'ajoutent les forces de quatre États allemands du sud, soit un total de 800 000 soldats1. Bref rappel des faits Une victoire sans appel de l'Allemagne Mal préparés, très inférieurs en nombre et très mal commandés, les Français sont sévèrement battus dans plusieurs batailles, où ils font cependant quelque fois preuve de panache: menacé d'encerclement par l'armée du Kronprinz à Frœschwiller, Mac Mahon sacrifie sa cavalerie pour dégager un axe de retraite vers Metz et Verdun. À la bataille de Frœschwiller-Wœrth, les régiments cuirassés chargent héroïquement dans Frœschwiller et dans Morsbronn où ils sont écrasés par les coalisés : des premiers et deuxièmes régiments de cuirassés il ne restera que peu de survivants2. Le 2 septembre, à la bataille de Sedan, l'empereur français Napoléon III se rend avec 100 003 soldats, 419 canons et 6000 chevaux. Cela entraîne deux jours plus tard une révolution sans violence à Paris et la création d'un gouvernement de défense nationale. Une nouvelle défaite française écrasante a lieu à Metz, où le maréchal Bazaine se rend avec 180 000 soldats le 29 octobre. Un armistice est signé le 28 janvier 1871, dix jours après la proclamation de Guillaume comme empereur allemand à Versailles. La stratégie de Bismarck est une réussite. Les pertes humaines Guerre de 1870 et conséquences 3 Cette guerre fait 147 000 morts dans les rangs de l'armée allemande soit 14% des effectifs, (dont la moitié de maladie), 128 000 blessés et 100 000 malades. Elle coûte à la France 139 000 morts (au combat ou de maladie), 143 000 blessés et 320 000 malades. Ces chiffres comprennent aussi les civils touchés par les bombardements et la famine, et les tragédies telle celle du camp des bretons de Conlie. La variole a aussi décimé les rangs de ces deux armées. Cependant, les Prussiens qui connaissaient l'efficacité du rappel antivariolique ont eu nettement moins de pertes dues à la variole. En effet, sur 8500 Prusse contaminés, 450 en sont morts. En revanche, les français qui ne connaissaient pas le rappel du vaccin ont eu 125.000 contaminations et 23.500 décès. L'insurrection de la Commune Cependant, la Garde nationale et les ouvriers de Paris refusent d'accepter la défaite, critiquant le gouvernement conservateur pour n'avoir pas su organiser une résistance nationale efficace, et prennent le contrôle de la capitale le 18 mars, mettant en place un gouvernement insurrectionnel : la Commune de Paris. Avec l'accord tacite des Prussiens, celle-ci est combattue puis écrasée lors de la « Semaine sanglante (21-28 mai) par le gouvernement d'Adolphe Thiers réfugié à Versailles. Un traité de paix humiliant pour la France Le traité de paix préliminaire franco-allemand, signé à Versailles le 26 février, est confirmé par le traité de Francfort (10 mai 1871). La France doit rendre à l'Allemagne les pays annexés par Louis XIV en 1681 : les quatre anciens départements de l'Alsace-Moselle (Haut-Rhin sauf Belfort, Bas-Rhin, une très grosse partie du département de la Moselle, une grosse partie du département de la Meurthe et une toute petite partie du département des Vosges) (qui constituent jusqu'en 1919 la province allemande d'Alsace-Lorraine) et payer une indemnité de guerre de 5 milliards de francs or. Les troupes allemandes occupent une partie de la France jusqu'à ce que le total des indemnités soit versé en septembre 1873. L'annexion devait concerner la Moselle et l'Alsace dont le territoire de Belfort, mais étant donné la bravoure des troupes françaises du colonel Pierre Philippe Denfert-Rochereau lors du siège de Belfort, ce territoire resta à la France en contrepartie d'autres territoires lorrains. Conséquences de la guerre : naissance du IIe Reich allemand et de la IIIe République française Alors que la guerre unit tout l'Empire allemand sous la couronne prussienne, la France devient une république (février 1875) où la mémoire de la Commune divise longtemps la droite et la gauche. Une conséquence indirecte de la guerre est que les États pontificaux, qui ne sont plus sous protection française, sont annexés (le 20 septembre 1870) par l'Italie, complétant l'unification du pays. La France décide aussi d'annexer l' Alsace et la Lorraine, qui seront reprises à la fin de la Première Guerre mondiale. La conséquence immédiate de cette guerre est l'avènement de l'Allemagne bismarckienne qui va dominer seule l'Europe continentale pendant près de trente ans. La France évincée est diplomatiquement isolée. Mais en animant plus que jamais les nationalismes, reste en France le sentiment d'une revanche à prendre qui s'amplifie jusqu'en 1914 et atteint ses ultimes et dramatiques conséquences (Première Guerre mondiale). Principales batailles Wissembourg – Forbach-Spicheren – Wœrth – Borny-Colombey – Strasbourg – Mars-la-Tour – Gravelotte – Metz – Beaumont – Noiseville – Sedan – Bellevue – Châteaudun – Bouvet et Météor (navale) – Coulmiers – Amiens – Beaune-laRolande – Orléans – l'Hallue – Bapaume – Villersexel – Le Mans – Lizaine – Dijon - St-Quentin – Buzenval – Paris – Belfort Notes et références 1. ↑ Dans la Grande Histoire de la Commune - Édition du centenaire, Georges Soria donne pour les effectifs immédiatement disponibles au début du conflit : 230 000 pour les troupes françaises contre 384 000 pour leurs homologues allemandes. Von Moltke dans la Guerre de 1870 admet un chiffre sensiblement supérieur au bénéfice de l'armée allemande 2. ↑ C'est par analogie que certains donnent à cet épisode le nom de "Charge des cuirassés de Reichshoffen" : les cuirassés sont basés dans ce village avant la charge. Orientations bibliographiques Ouvrages historiques • Pierre Lehaucourt, Histoire de la guerre de 1870-1871, Berger-Levrault, 1893-1907 (quinze tomes) • Lt-Colonel Rousset, Histoire générale de la guerre franco-allemande (1870-1871), Librairie illustrée Jules Tallandier, vers 1910 (deux tomes) Guerre de 1870 et conséquences • • • • • 4 Henri Guillemin, Cette curieuse guerre de 70 : Thiers, Trochu, Bazaine, Gallimard, Collection La suite des Temps, 1956, 266 pages. Henri Guillemin, L'héroïque défense de Paris (1870 - 1871), Gallimard, Collection La suite des Temps, 1959, 422 pages. Henri Guillemin, La capitulation (1871), Gallimard, Collection La suite des Temps, 1960, 410 pages. François ROTH, La guerre de 1870, Fayard, 1990 Roland Hoyndorf et Willy Schneider La perte de l'Alsace Lorraine, Éditions Coprur. Romans • • • • Alphonse Daudet, Robert Helmont Arthur Rimbaud, Le Mal Émile Zola, La Débâcle Joris-Karl Huysmans, Sac au dos Nouvelles • Alphonse Daudet, Contes du lundi • Émile Zola, L'Attaque du moulin • Guy de Maupassant, La Folle • Guy de Maupassant, Boule de Suif • Guy de Maupassant, Le père Milon Voir aussi • Adolphe Yvon peintre lors de la guerre franco-prussienne Liens internes • Déroulement de la guerre franco-allemande de 1870 • Camp de Conlie • Alsace-Lorraine Liens externes • (fr) L'organisation de l'armée impériale française en août 1870 • (fr) L'organisation de l'armée allemande en août 1870 • (fr) Guerre de 1870 : L'armée de la Loire • (fr) La guerre de 1870-1871 en images II. L’ANNEXION DE L’ALSACE-LORRAINE Armoiries du Territoire impérial Reichsland Elsaß-Lothringen Le terme Alsace-Lorraine correspond à l'allemand Elsaß-Lothringen, nom donné par les Allemands aux territoires gagnés sur la France en vertu du traité de Francfort, signé le 10 mai 1871 après la défaite française (en allemand actuel, le nom serait plutôt écrit Elsass-Lothringen, suite à une réforme orthographique). En fait, l'annexion ne concerne pas l'intégralité des territoires lorrain et alsacien, mais elle ampute la France des trois quarts du département de la Moselle, d'un quart de celui de la Meurthe (divisions administratives de l'époque) et de quelques communes situées à l'est du département des Vosges. Bien qu'une petite partie de l'Alsace, l'arrondissement devenu Territoire de Belfort, et une grande partie de la Lorraine soient restées françaises, un grand nombre de rues, avenues, boulevards, places et cours ont été baptisés du nom « d'AlsaceLorraine » dans la France entière dès 1871, en mémoire des régions perdues. Sur la place de la Concorde à Paris, la statue représentant la ville de Strasbourg fut fleurie et voilée d'un drap noir jusqu'à l'armistice de 1918. Guerre de 1870 et conséquences 5 Présentation Intégrée au sein de l'Empire allemand dans un ensemble pangermanique, le statut de cette province est particulier : elle n'est pas un État égal aux autres mais est régie directement par l'Empereur puis par les organes de l'Empire. La proclamation de l’Empire allemand (château de Versailles, 18 janvier 1871) : sur l'estrade le Kaiser Guillaume Ier, à sa droite le Kronprinz Frédéric-Guillaume, au pied de l'estrade, en blanc, le chancelier de l'Empire, prince de Bismarck Les lois qui la concernent doivent être votées par le Conseil fédéral. Théoriquement, il s'agit d'une propriété commune de tous les États allemands et certains souverains ne manquent pas de faire remarquer au gouverneur de l'Alsace-Lorraine qu'ils le considèrent comme leur représentant à eux aussi ; dans les faits l'influence des princes est nulle et seule compte la volonté de l'Empereur. En décembre 1871, l'Alsace-Lorraine compte 1 549 738 habitants pour une superficie de 14 511 km². Ce territoire (en allemand Reichsland, terre d'empire) recouvre les actuels départements de l'Alsace : le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, plus celui de la Moselle. En fait du point de vue des départements de 1870, il comporte celui du Bas-Rhin, celui du Haut-Rhin moins l'arrondissement de Belfort qui - resté français - devint le Territoire de Belfort, celui de la Moselle moins l'arrondissement de Briey qui inclut Longwy et des parties des arrondissements de Château-Salins et de Sarrebourg appartenant au département de la Meurthe d'alors. Il n'a jamais inclus les départements actuels de Meurthe-et-Moselle (issu de la fusion des parties non annexées de la Meurthe et de la Moselle), de la Meuse ni des Vosges (hormis les cantons de Schirmeck et de Saales, annexés en 1870, et rattachés au Bas-Rhin lors de leur retour à la France en 1918). Pour éviter la confusion avec la Lorraine actuelle, les textes administratifs français contemporains, (surtout quand il s'agit du droit spécifique hérité de la période 1871-1918) parlent de l'Alsace-Moselle ; en dehors du cadre administratif ou judiciaire, cette dénomination est rarement évoquée même si celle-ci est plus pertinente. Le territoire ne comportait pas que des pays de langue ou de dialecte germanique. En effet la frontière linguistique passait au nord de la frontière territoriale dans une ville que les uns appelaient Thionville et les autres Diedenhofen. Des villes comme Metz (cité natale du poète Verlaine), Château-Salins, Vic-sur-Seille (cité natale du peintre Georges de la Tour) et Dieuze (cité natale du compositeur Gustave Charpentier, du mathématicien Charles Hermite, du peintre Émile Friant et du critique d'art Edmond About) étaient complètement francophones. Les hautes vallées de la Weiss (Orbey) et de la Liepvrette (Sainte-Marie-auxMines) forment le pays welche d'Alsace et sont d'ancienne tradition francophone. Le présent article aborde plus la vision alsacienne et mosellane de l'annexion et de son retour, parfois douloureux dans le système national français, avec une approche plus sociologique qu'historique. Il cherche à montrer comment les Alsaciens et les Mosellans ont traversé le dernier tiers du dix-neuvième siècle ainsi que le vingtième. Le Reichsland, la terre d'Empire Administration de 1871 à 1918. L'Alsace-Lorraine est divisée en 3 districts (Bezirke) : • Haute-Alsace, chef-lieu Colmar, correspond à l'actuel Haut-Rhin. Le territoire de Belfort qui n'a pas été cédé à l'Allemagne par le Traité de Francfort n'a obtenu le statut de département français de pleins droits qu'en 1922. • Basse-Alsace, chef-lieu Strasbourg, correspond à l'actuel Bas-Rhin, avec quelques villages des cantons de Schirmeck et Saales pris à l'ancien département des Vosges. • Lorraine, chef-lieu Metz, correspond à l'actuel département de la Moselle, formé à partir de l'ancien département Moselle (diminué de son quart ouest) et d'une partie (environ son quart nord-est), de l'ancien département de la Meurthe. Les parties n'ayant pas été cédées à l'Allemagne ont été par la suite fusionnées en un seul département : la Meurthe-et-Moselle À la tête de chaque district se trouve un président (Bezirkspräsident) équivalent à un préfet français. Après la loi du 4 juillet 1879 un gouverneur (Statthalter) est nommé par l'empereur. En son nom, il gouverne et administre l'Alsace-Lorraine depuis sa résidence de Strasbourg. L'Alsace-Lorraine envoie 15 députés au Reichstag. En 1874 est créée la Délégation (Landesausschuß), une sorte de parlement provincial. Une nouvelle Constitution votée par le Reichstag le 27 mai 1911 accorde une plus grande autonomie au territoire. Bien que l'Alsace-Lorraine soit institutionellement encore très dépendante de Berlin, elle est dès lors considérée comme un Land à part entière. Mais c'est l'armée qui est en réalité au pouvoir en Alsace-Lorraine, comme le montre l'Affaire de Saverne. La nouvelle administration entreprend une germanisation des toponymes lorrains et des toponymes alsaciens. Redécoupage des frontières départementales suite à l'annexion : L'esprit de revanche français Deux provinces écartelées ; Strasbourg en croix, Metz au cachot ; Sedan, déserteurs des mêlées, Marquant la France d'un fer chaud ; (Victor Hugo Avant la conclusion du traité) L'émigration des optants Une clause du traité de Francfort permet aux Alsaciens-Lorrains la possibilité de conserver la nationalité française s'ils quittent la région avant le 1er octobre 1872. Ils sont environ 100 000 à pouvoir en bénéficier et à opter pour la France. Pour tous ces migrants, c'est un déchirement de quitter leur terre, leur maison, leur pays. Beaucoup s'installent autour de Belfort, ou près de Nancy en Lorraine restée française ; d'autres vont en Algérie ou en Argentine ou encore au Québec. L'Alsace-Lorraine perd des entrepreneurs, des jeunes bien formés comme Alfred Dreyfus, mais aussi des universitaires brillants et promis à un riche avenir comme Fustel de Coulanges, Hippolyte Bernheim ou Albin Haller qui quittent l’université de Strasbourg : tandis que le premier va à Paris, les deux autres rejoignent l'université de Nancy. De même, des acteurs de l'École de Nancy comme Jacques Grüber, les frères Daum, Émile Friant ou encore Louis Hestaux (collaborateur d'Émile Gallé) viennent des territoires perdus ; ils insufflent dans cette ville, un Art nouveau d'un esprit tout-à-fait particulier. La ville de Nancy voit sa population s'accroître notablement et son Université bénéficier grandement de ces arrivées, sources de développement et de dynamisme. L’immigration allemande en Alsace-Lorraine L'Alsace et la Moselle n'ont pas été, après la période historique appelée les "Grandes invasions" en français (mais Völkerwanderung en allemand c'est-à-dire les "migrations des peuples" !), des terres d'immigration et de mélange des peuples, du moins pas plus que d'autres provinces françaises. Certes après des moments troublés comme la guerre de Trente Ans, des nouveaux venus ont pu chercher fortune là où la population avait diminué ; encore s'agissait-il souvent d'hommes seuls qui trouvaient à se marier sur place, ce qui indique qu'ils n'arrivaient pas dans un désert et étaient destinés à s'assimiler en peu de temps : en Alsace, le père venu d'Outre-Vosges s'appelait Gérardin, le fils signait déjà Schirardin, écrit avec l'alphabet allemand ancien (deutsche Schrift), ce qui n'a rien d'étonnant pour des gens qui savaient à peine lire et qui ne connaissaient pas l'orthographe de leur patronyme. Dans le même temps, dans les Vosges les Waldner orthographiaient leur nom Valdenaire. Une fois la paix revenue, une natalité vigoureuse comblait rapidement les vides et, dès le XVIIIe siècle, réapparaissait dans les campagnes une forte pression démographique. Après les guerres napoléoniennes et le retour des soldats démobilisés la crise devint aiguë, aggravée par de mauvaises récoltes ; 1817 est l'année de la faim (en dialecte alsacien le Hungersjohr, conséquence à l'échelle planétaire de l'éruption cataclysmique du volcan indonésien Tambora) ; les Alsaciens fuient, que ce soit vers l'Amérique ou vers la Russie, où les tsars s'efforcent d'attirer des colons germanophones pour aller grossir les rangs des Allemands de la Volga. Ils doivent donner l'exemple aux moujiks, mais surtout Catherine II, elle-même d'origine allemande, leur donne le droit d'exercer leurs libertés religieuses. Une partie quittera la Russie quand les tsars tenteront de les enrôler dans l'armée et de les russifier, tandis que les autres seront quasiment exterminés par Staline. En 1827 le nouveau Code forestier restreint de façon draconienne les anciens droits d'usage et c'est un nouvel exode de gens affamés qui espèrent trouver du pain ailleurs. Autre saignée en 1846 avec la maladie de la pomme de terre. Défaite et revanche 7 Dans le même temps, des immigrants, essentiellement germanophones, sont venus régulièrement en Alsace et on voit assez comment l'immigration massive d'Allemands en Alsace-Lorraine après 1871 représente un bouleversement complet. Autant les Français répugnaient à s'installer dans ces régions, autant les Allemands y voient un pays de cocagne ; quand ils sont en Alsace, ils se retrouvent en des lieux où tout leur semble allemand mais agrémenté en même temps d'un je ne sais quoi, d'un art de vivre, d'une touche à la française. À la fois séduits et inquiets devant la culture des Welsches1, si différente de la leur, ils voient dans la femme alsacienne un juste milieu entre l'ennuyeuse épouse teutonne et la Parisienne frivole (selon le cliché d'Offenbach), tandis que la femme lorraine leur échappe totalement. L'impression est évidemment moins nette au début quand ils sont à Metz, mais la ville connaît alors, du fait d'une émigration vers la France et d'une immigration allemande massive, un bouleversement complet de son peuplement : rapidement les germanophones y deviennent majoritaires tandis qu'un urbanisme d'Outre-Rhin donne à la ville un caractère prussien qui frappe encore aujourd'hui. Au reste, ne disait-on pas que Guillaume II préférait Metz, où il se sentait bien accueilli, à Strasbourg où il sentait toujours l'hostilité de la population ? La gare de Metz Comme avant 1870, on ne voit pas de colonisation agricole : toutes les terres sont occupées. C'est seulement vers la fin de la Première Guerre mondiale que les germanisateurs de la marche occidentale (en allemand Westmark) songeront à morceler les grandes propriétés agricoles pour y installer des paysans d'Outre-Rhin, sans d'ailleurs avoir réfléchi qu'il faudrait d'abord expulser les fermiers et les métayers qui les cultivaient. Ouvriers et fonctionnaires déferlent en revanche sur le territoire annexé, à la fois pour l'administrer et pour lui procurer la main-d'œuvre que réclame l'industrialisation qui s'accélère (car elle avait déjà commencé sous le régime français) et qui est caractérisée par sa dissémination à travers les zones rurales. Les populations rurales, qu'un trop maigre lopin ne serait pas arrivé à faire vivre, trouvent ainsi le complément indispensable qui leur permet de ne pas abandonner la terre. C'est surtout en Lorraine allemande (c'est-à-dire la partie nord de la Lorraine annexée) que l'immigration est massive et aussi qu'elle se voit. En Alsace, le fils d'immigré badois se distinguait à peine de l'autochtone, et même Hansi le reconnaissait dans un album écrit vers la fin de sa vie. Au contraire toute la région francophone située entre le charbon de la Sarre et le fer de Briey voit se multiplier les usines alors que la population est déjà minée par la dénatalité ; il faut faire appel à l'immigration, ce sont des Italiens et des Polonais (choisis parce que, comme la population locale, ils étaient catholiques et pouvaient s'assimiler plus facilement). Au XXe siècle encore, quand dans certaines localités une discussion devenait un peu vive au conseil municipal, l'argumentation pouvait se poursuivre en italien. L’Alsace-Lorraine de 1871 à 1914 L'opposition au régime prussien était largement répandue, mais reposait sur des motifs très différents et parfois contradictoires. La haute bourgeoisie d'affaires, majoritairement protestante et libérale, voyait d'un mauvais œil cet Empire autoritaire où l'influence des junkers (aristocrates terriens d'origine prussienne) était encore considérable ; le clergé catholique, qui tenait en main sa paysannerie, redoutait le mauvais exemple, le periculum perversionis, que l'existence d'un souverain protestant pouvait donner à ses fidèles (n'avait-on pas vu, au début de la guerre de 1870, des curés badois faisant prier pour le succès des armées françaises ?). Au total le régime prussien pouvait compter surtout sur la paysannerie des villages protestants homogènes, comme dans le Kochersberg, l'Alsace Bossue et l'Outre-Forêt, autour de Wissembourg. Un flot d'immigrants allemands, souvent fort patriotes envers leur pays d'origine, vint s'établir dans ce qu'ils pensaient être un pays frère enfin libéré. Contrairement à ce qu'affirmaient des romans comme Les Oberlé de René Bazin ou Colette Baudoche de Maurice Barrès, les nouveaux venus trouvaient très facilement à se marier, d'autant plus qu'il s'agissait souvent de Défaite et revanche 8 fonctionnaires occupant des postes relativement élevés et donc de partis intéressants. Pour autant cette immigration n'eut pas l'effet assimilateur escompté par l'occupant : malgré leur patriotisme, ces Allemands n'en privilégiaient pas moins chez les candidates au mariage celles qui possédaient une bonne culture française ; ils faisaient bruyamment l'éloge de la solide Hausfrau germanique, mais c'est à leurs amis qu'ils recommandaient d'épouser ce genre de femme. Il en résulta que dans nombre de ménages mixtes les enfants parlaient allemand avec leur père et français avec leur mère, si bien qu'il leur était difficile de haïr la culture française et ils n'auraient pas chanté le Lied célèbre du poète nationaliste Ernst Moritz Arndt qui comprend ces vers : Frontière franco-allemande (photo ci-dessus) « Das ist des Deutschen Vaterland, Wo Zorn vertilgt den welschen Tand, Wo jeder Franzmann heißet Feind, Wo jeder Deutsche heißet Freund. » « La patrie allemande, C'est là où l'on se débarrasse de la futilité romane, C'est là où l'on donne le nom d'ennemi à tout Français, C'est là où l'on donne le nom d'ami à tout Allemand. » Le sentiment français resta encore très fort, au moins pendant les quinze premières années d'annexion. Lors des élections au Reichstag, les 15 députés de 1874, 1881, 1884 (sauf un) et 1887 furent dits députés protestataires, car exprimant au Parlement leur opposition à l'annexion par la motion de 1874 « Plaise au Reichstag décider que les populations d'Alsace-Lorraine qui, sans avoir été consultées, ont été annexés à l'Empire germanique par le traité de Francfort, soient appelées à se prononcer spécialement sur cette annexion2. » La situation à la veille de la Guerre et son évolution Quand éclate la guerre de 1914, l'image de l'Allemand dans l'opinion française est bien loin de ce qu'elle deviendra au bout de quelques mois. Dans les lycées de garçons, c'est plus de la moitié des élèves qui étudient la langue allemande contre à peine de plus de 40% pour l'anglais. Après le désastre de 1870 qu’on attribue à l'incompétence des généraux, mais aussi à l'ignorance linguistique des français, c’est désormais la langue à connaître pour eux. Parlant des écrivains qui possédaient bien l'allemand entre 1871 et 1914, Paul Lévy écrit : « Si autrefois il fallait péniblement rechercher quelques personnages parlant l'allemand, désormais toute énumération devient impossible parce que trop longue et forcément incomplète. » Et après avoir cité de nombreux écrivains il ajoute: « Mais pour connaître l'ampleur véritable des connaissances allemandes des savants français, il faudrait fouiller les bibliographies de toutes les publications de l'époque, quelle qu'en soit la branche. Enfin, il faudrait aussi nommer tous ceux qui ont traduit en français des œuvres allemandes ». Avec ses cours souveraines et ses princes, l'Empire Allemand et son voisin l'Empire Austro-Hongrois sont des réservoirs de bons partis pour la noblesse de France ou d'Angleterre et vice-versa. Avoir des fils qui, en cas de guerre, porteront l'uniforme bavarois, autrichien, saxon, voire prussien, voilà qui effraie moins une jeune fille de l'aristocratie que la perspective de devoir épouser un roturier. Ne dit-on pas que la reine Victoria, qui a épousé le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, est la grand-mère de l'Europe ? Au reste la langue française est si répandue dans les châteaux que le dépaysement est bien léger. En Alsace la situation de la langue française est paradoxale : officiellement elle est combattue et on la pourchasse dans les inscriptions publiques mais, victimes de l'illusion romantique, les dirigeants s'imaginent qu'il suffit que le peuple reste fidèle au parler germanique. Le français devient alors la langue chic, celle que parlent entre eux tous ceux qui ont les moyens de la faire apprendre à leurs enfants, et même parmi eux des Allemands. Quant à la "Lorraine Allemande", en 1908 un député au Landesausschuss parle de familles allemandes d'Audun-le-Tiche qui envoient leurs enfants à l'école au Luxembourg voisin pour qu'ils puissent y apprendre le français. Plus précisément, une loi de mars 1872 décrète que la langue commerciale officielle est l'allemand. Cependant dans les secteurs où la population est principalement francophone les annonces et décrets publics doivent fournir une traduction française. Dans une autre loi de 1873, l'utilisation du français comme langue commerciale a été autorisée pour les administrations de Lorraine et les administrations des arrondissements partiellement ou totalement de langue française. Une loi sur l'enseignement de 1873, demande à ce que dans les secteurs germanophones l'enseignement soit fait exclusivement en allemand tandis que dans les secteurs francophones, l'enseignement soit fait en français. C'est que connaître le français est alors indispensable pour faire figure dans le monde. Pour une jeune fille à marier, une bonne éducation française est l'atout décisif; dans nombre de familles on parle allemand avec son père et français avec sa mère: Robert Ernst, qui fut le dernier maire allemand de Strasbourg et qui était nazi bon teint, avait reçu une éducation de ce genre et en dénonçait les dangers. Défaite et revanche 9 Cet attrait du français chez les Allemands, cette estime de l’allemand en France, nuancé d'une défiance du prussien, vont être balayés par la haine que développera la guerre de 1914-18. Ce sont quatre années d'un conflit interminable qui ont créé une véritable haine ethnique : à défaut de voir les troupes avancer, on essayait de compenser sa frustration par une surenchère d'agressivité verbale. Le drame, c'est qu'on introduisait dans l'esprit du peuple des idées absurdes, dont il ne pouvait se défaire une fois les armes déposées. En France, la langue allemande se vit la cible d'attaques. « Dans la Revue de l'enseignement des langues vivantes des années 1915 à 1918, écrit Paul Lévy il y a eu des controverses passionnées pour et contre l'enseignement de l'allemand. » Encore s'agit-il de spécialistes qui, même emportés dans le tourbillon, s'efforcent de garder un certain bon sens et, le plus souvent, concluent en disant que l'allemand sera toujours nécessaire, même s'ils lui dénient la moindre valeur littéraire. Dans les revues destinées au grand public on ne s'embarrassait d'aucune réflexion sérieuse. Dans son numéro du 1er mai 1915, en pleine guerre, l'Illustration va jusqu'à voir dans l'allemand « l'idiome de la force brutale, excellemment approprié aux besognes viles et dégradantes, aux ordres de meurtres, d'incendie et de pillage… » On lit encore : « Sous la bière qui l'empâtait, le sang qu'elle aime et dont elle a la soif est revenu la teinter », et voilà la bière elle-même devenue suspecte. La conclusion était sans équivoque : « Cette langue n'est plus tolérable pour nous. La voir écrite nous outrage et nous exaspère. L'entendre et la parler sont un cruel supplice. Aussi le serment a-t-il été déjà prononcé par quelques-uns de bannir après la guerre la langue allemande non seulement du programme de nos études, mais de partout. Qu'elle soit chassée de France, de nos cerveaux et de nos bouches comme le pire des fléaux ! » Pendant la Grande Guerre Dès le début de la Première Guerre mondiale, Français et Allemands multiplièrent comme à plaisir maladresses et vexations à l'égard des Alsaciens-Lorrains, mais les seconds, étant sur place, possédaient sur leurs rivaux une avance irrattrapable. Des Alsaciens vivant en France se virent arrêtés et traînés dans des camps sous les crachats de la population ; dans les villages où les Français pénétraient on arrêtait d'ailleurs à tort et à travers, raflant parfois de vieux combattants médaillés de 18703. Les Allemands devaient faire mieux encore : l'incident de Saverne avait persuadé le Haut-Commandement que la population tout entière était violemment hostile à l'Allemagne et qu'il fallait la terroriser pour la faire tenir tranquille pendant le temps des hostilités. Charles Spindler raconte que son neveu, habitant Berlin, fut mobilisé dans un régiment prussien ; arrivé à la gare de Strasbourg il entendit l'adjudant mettre ainsi en garde ses soldats : « Maintenant vous êtes dans un pays de s…, agissez en conséquence ! » À Bergheim on conduisit à pied un simple d'esprit originaire d'une vallée francophone et qui n'avait pu s'expliquer en allemand ; on le contraignit à creuser sa tombe puis on le fusilla devant une population révoltée et impuissante4. Du fait de la proximité du front, on fut amené à loger l'armée chez l'habitant, dans des conditions qui s'apparentaient à des dragonnades. Évidemment tous ceux qui possédaient une mauvaise réputation, c'est-à-dire qui étaient suspects de francophilie, furent les mieux servis sous ce rapport. L'interdiction de parler français en public accrut encore l'exaspération des autochtones, depuis longtemps habitués à mêler de français la conversation ; or un seul mot, fût-il aussi innocent que « Bonjour », valait une amende 5 Les Allemands immigrés crurent faire preuve de patriotisme en participant à la traque : ils avaient l'oreille aux aguets pour dénoncer à la police tout ce qu'ils entendaient dans la langue maudite. La population se retrouvait ainsi divisée entre une minorité toute-puissante et une majorité qui ne pouvait que garder son poing dans sa poche et attendre l'heure de la vengeance 6 Considéré comme suspect, le soldat alsacien ou lorrain était évidemment envoyé sur le front russe où l'attendaient les missions les plus dangereuses. Les permissions lui étaient accordées plus difficilement qu’aux autres soldats 7 De toute façon, même s’il obtenait sa permission, le soldat alsacien-lorrain devait attendre trois semaines pour que la gendarmerie locale fît une enquête sur sa famille. En juin 1918 le député Boehle protesta contre la façon dont on s'y prenait : « À Strasbourg, ce fut longtemps un sergent de ville quelconque qui fut désigné pour faire cette enquête. Ce dernier tenait compte de tous les démêlés que l'intéressé avait pu avoir dans le passé avec la police, et tout fut interprété dans un sens politique. » S’il habitait trop près de la frontière suisse, on craignait trop qu'il tentât de déserter et il devait rester au Pays de Bade, où l'on donnait généreusement à sa famille le droit de venir le voir (Mülhäuser Volkszeitung du 8 juin 1918). L’entre-deux guerres L'expulsion des Allemands Le retour des départements dans le giron de la France ne s'est pas fait sans douleur ni maladresse de la part de l'administration française. Charles Spindler évoque ces mots qu'aurait dit en 1918 à un Alsacien manifestant beaucoup d'enthousiasme, un Français « de l'intérieur » : « Vous avez été jusqu'ici mal gouvernés et bien administrés, Défaite et revanche 10 attendez-vous désormais à être mal gouvernés et encore plus mal administrés.» La réalité devait si possible dépasser la prévision, dégradant fortement l'image de la France au sein de la population. Il s’agit d’ailleurs d'une idée que tous les Alsaciens-Lorrains ont entendue, sous une forme ou une autre. Voici, dans Souvenirs de Jadis et de Naguère, ce que nous rapporte Robert Heitz, grand patriote français qui fut condamné à mort par les Nazis : « Quelques jours après l'entrée des troupes, un lointain cousin par alliance vint nous rendre visite. C'était Auguste Spinner qui, ayant été, en 1909, le promoteur du monument français de Wissembourg, dont l'inauguration avait donné lieu à des manifestations violentes de patriotisme anti-allemand, avait dû quitter sa petite ville pour se réfugier à Nancy, et qui rentrait comme officier français. Connaissant, lui, les réalités françaises, inquiet de notre enthousiasme excessif, il voulut nous faire entendre raison. « Vous serez très bien avec les Français, mais il ne faut pas vous laisser faire. Montrez les dents, s'il le faut : ce sera indispensable, croyez-moi ». Ébahis, indignés, nous eûmes vite fait de juger cet importun : « Spinner est, lui aussi, devenu un Boche. » » Une des premières mesures fut de diviser la population en quatre selon son origine : ceux qui sans l’annexion de 1871 auraient été français reçurent une carte A marquée de tricolore, ceux dont un parent était allemand, ou encore les Allemands conjoints d’Alsaciens-Lorrains, furent munis d’une carte B, les étrangers eurent droit à une carte C et les Allemands enfin reçurent la carte D. Ce tri, uniquement fondé sur les origines, ne tenait ainsi aucun compte du sentiment de l'individu, son patriotisme pouvant être totalement indépendant de ses origines. Quelqu'un eut l’idée de placer une carte B dans la main de la statue de Jean Baptiste Kléber, le grand héros alsacien : il n’aurait pas en effet mérité plus. Malgré la chute brutale de la monnaie allemande les titulaires de carte A purent lors du changement de monnaie recevoir l’argent français au taux ancien : 1,25 F pour 1 Mark ; ceux qui n’avaient que la carte D ne reçurent qu’un peu plus de 0,80 F pour la même somme, ce qui n’était pas un taux de spoliation, contrairement à ce qui a été dit, mais simplement le cours normal. Dès l'armistice, l'Alsace-Lorraine vit s'installer «les revenants», des fils d'Alsaciens ou de Lorrains qui, en 1871, avaient opté pour la France. Leurs parents leur avaient transmis de la Heimat (patrie, terre natale) perdue une idée mythique qui ne correspondait pas à la réalité. Revenus en force au pays, ils ne prétendaient pas moins en être les plus purs représentants, considérant parfois comme des traîtres ceux qui avaient préféré rester. A côté de « La Dernière Classe », il faut lire dans Les Contes du Lundi 8 le conte « La vision du juge de Colmar ». Dans l'Alsace pendant la Guerre Charles Spindler laisse même voir le fossé mental qui le sépare après quatre ans de guerre de son ami Laugel, un Alsacien réfugié en France dès août 1914. C'est sans la moindre hésitation que Laugel, « revenu de Paris investi de pouvoirs assez étendus » confie aux second « le principe que l'administration française compte appliquer en Alsace-Lorraine » : « Tous les Allemands devront évacuer le pays, sauf de nombreuses exceptions ; tous les Alsaciens et Lorrains pourront rester sauf de rares exceptions ». Dès l'entrée des troupes françaises, le pillage des magasins allemands commença, regardé d'un œil débonnaire par les nouvelles autorités : Spindler nous montre une populace prête à piller la maison du notaire allemand d'Obernai que la simple vue d'un planton mis en faction devant la porte suffit à disperser la foule. Enfin, un certain nombre d'Allemands furent expulsés brutalement, contraints à passer le pont du Rhin à pied avec les seuls bagages qu'ils pouvaient porter personnellement, tandis qu'un « comité d'adieu », composé de voyous, les molestait au passage. Combien ont dû quitter l'Alsace et la Lorraine dans ces conditions ? Il est bien difficile de le savoir, d'autant plus que les uniques témoignages furent ceux de spectateurs ou de personnes y ayant participé, aucun expulsé n'ayant pris la plume pour commenter cette humiliation. Quoi qu'il en soit, ces images restèrent gravées non seulement dans l'imaginaire allemand, mais surtout dans l'imaginaire du public, d'autant plus que Hansi, dessinateur populaire par la suite, immortalisa ces scènes. Ces malheureux passant le pont du Rhin n'ont été, au plus, que quelques centaines (ce qui est déjà inadmissible), mais ils sont devenus dans l'inconscient collectif des cohortes interminables et on en trouve un écho dans Les Alsaciens ou les deux Mathilde, une série télévisée présentant l'histoire récente de l'Alsace. Ces expulsions se sont déroulées de façon beaucoup plus dramatiques et brutales que les départs de 1871. De même l'Evêque de Metz, Willibrord Benzler, bien que très respecté par ses ouailles et qui n'avait jamais fait acte de francophobie, fut chassé de son diocèse quand son prédécesseur de 1871, Paul Dupont des Loges, pourtant ouvertement patriote francophile, avait, à l'époque, conservé son siège épiscopal (voir ci-dessous). Beaucoup ont cependant relativisé ces humiliations en soulignant qu'elles avaient lieu immédiatement après une guerre où les troupes allemandes s'étaient conduites dans les régions occupées avec force brutalité. On observera aussi que, si on lit le témoignage d'Allemands expulsés, on ne voit jamais qu'ils aient trouvé OutreRhin de difficultés à se loger alors que les villes françaises du Nord-Est étaient en ruines. Défaite et revanche 11 Pour s'être passée en règle générale dans des conditions moins dramatiques, l'expulsion des Allemands se déroula dans un mélange d'injustice et d'anarchie. Alors qu'en 1871 les nouvelles autorités avaient laissé en place les prélats nommés par le gouvernement français, Mgr Willibrord Benzler , évêque allemand de Metz, qui se mêlait pourtant fort peu de politique, fut brutalement chassé. L'évêque de Strasbourg, Mgr Fritzen, déjà malade, put au moins se retirer au couvent de la Toussaint où il mourut l'année suivante. On le remplaça par Mgr Ruch, de père alsacien (et protestant !), mais qui ne connaissait ni l'allemand ni le dialecte, tout en promettant cependant de s'instruire du mieux qu'il put. Dans son journal Philippe Husser note le 17 décembre 1918 : «… Environ deux mille VieuxAllemands, agents de police, fonctionnaires, sont expulsés et conduits en auto de l'autre côté du Rhin. Parmi eux, le collègue Schillinger avec sa famille. Il paraît qu'il a dénoncé des gens. D'autres convois suivront. On a procédé à des fouilles. Il est permis d'emporter seulement une malle et une somme de 300 marks.» On estime que jusqu'au traité de Versailles 200 000 Allemands furent renvoyés Outre-Rhin ; la moitié d'entre eux put revenir par la suite grâce à la pression exercée par les États-Unis. Cette réintégration fut dénoncée par les francophiles Hansi et Émile Hinzelin qui qualifièrent de « Français de Wilson » ces expulsés rentrés au pays et leur attribuèrent la responsabilité des troubles autonomistes, pour lesquels les historiens s'accordent aujourd'hui à rejeter la responsabilité sur les erreurs du gouvernement français. Ne rentrèrent en fait que ceux qui étaient décidés à « jouer le jeu » et ils firent preuve de la plus grande discrétion. C'est qu'en fait, dans une société aussi fermée que la société alsacienne, où l'étranger (le hergeloffener, celui qui est venu d'ailleurs) est mal accepté, les minoritaires ont facilement tendance à chercher appui auprès du gouvernement central. Beaucoup plus virulents en revanche furent d’authentiques Alsaciens qui souvent s’étaient opposés à l’Allemagne et avaient défendu la double culture, et que le gouvernement français avait expulsés en 1918 ou 1919 parce qu’ils s’opposaient aux mesures brutales d’assimilation, c’était le cas d’Eugène Ricklin, ancien président du landtag, ou du baron Zorn de Bulach appartenant à une des plus grandes familles alsaciennes. La francisation de l'enseignement L'épuration du corps enseignant apparut aux gouvernants français comme une nécessité et même comme une urgence. Du jour au lendemain on demanda aux maîtres de faire cours en français; ceux qui en étaient incapables se voyaient, suivant l'humeur de l'inspection et les protections dont ils bénéficiaient, chassés de leur chaire ou envoyés en stage « à l'Intérieur », sans qu'on hésitât à s'en prendre à des Alsaciens. Revenons à Philippe Husser, il écrit au 1er février : « Ont été relevés de leurs fonctions à compter d'aujourd'hui, MM. Roell, Schmitz père et fils, puis les sœurs Neurohr, Mlle Gard, etc. La direction de l'école centrale revient dorénavant à M. Guignot, un maître soldat. M. Kühlmann vient d'être révoqué, semble-t-il. Il paraît qu'il s'est compromis dans quelque vilaine affaire. Mais j'ignore tout. Mme Schlienger aussi est relevée de ses fonctions et attend le jour de son expulsion », et au 26 : « Aujourd'hui paraît encore une longue liste de collègues révoqués. » Lui-même attend philosophiquement que le couperet s'abatte sur lui, ancien rédacteur en chef de la très pro-allemande Schulzeitung, mais paradoxalement il reste en place ; sa fille est même envoyée en stage à l'Intérieur, ce qui est considéré comme une faveur qui fait enrager les patriotes chauvins. Comme tant d'autres, cependant, il doit provisoirement subir la présence d'un maître-assistant, plus jeune et beaucoup moins expérimenté que lui, mais qui jouit de l'avantage de parler français. Pour remplacer le personnel révoqué, on fit appel à des enseignants « de l'Intérieur », qui souvent ne connaissaient ni la Lorraine, ni les Lorrains, ni l'alsacien, ni l'Alsace. Placer un maître devant des élèves hébétés qui ne comprenaient pas un mot de ce qu'il disait apparaissait alors comme le fin du fin de la pédagogie : c'était la méthode directe dont Paris attendait des merveilles9. S'il s'était encore agi de maîtres expérimentés ! Mais après l'hécatombe de la guerre on en était réduit à prendre ce qu'on trouvait. On cite une malheureuse normalienne fraîche émoulue de dix-huit ans, originaire du Midi protestant, qui se trouva projetée ainsi dans un village particulièrement isolé d'Alsace du nord où seuls le pasteur et sa femme connaissaient le français ; elle en fut réduite à aller pleurer auprès d'eux tous les soirs jusqu'à ce que, au bout d'un an, on la renvoyât chez elle. Plus grave encore, dans un pays où les convictions religieuses apparaissaient à chacun comme inséparables de son identité, fut l'envoi d'instituteurs qui se proclamaient hautement laïcs, voire athées. Philippe Husser rapporte que l'un d'eux se retrouva devant une classe vide, les parents ayant refusé de lui confier leurs enfants. Et à ce personnel de fortune, beaucoup moins capable que celui, allemand, qu'il était amené à remplacer, on proposait pour l'attirer des primes dont les maîtres autochtones étaient privés10. Il en résultait des tensions entre le cadre national et le cadre local, tensions qui persistèrent même après que ces distorsions de salaire eurent pris fin. Un vieux professeur rapportait que dans son lycée, vers les années 1930, la salle des professeurs était divisée en deux clans entre lesquels, il essayait de jouer les bons offices. Défaite et revanche 12 Les premières victimes furent évidemment les élèves, et comme il se doit les plus faibles. Dans les milieux aisés on avait conservé l'usage du français, et même si pendant la guerre on se contentait de l'éviter en public. Dans tout milieu un peu cultivé ou aspirant à la culture, on s'efforçait de donner aux enfants l'occasion de parler français. Le changement de langue y fit moins de dégâts qu'on imagine. Une fille de pasteur raconte comment ses parents, vivant en milieu rural, ne lui parlèrent que le français jusqu'à ce qu'elle fût en âge d'aller à l'école, après quoi ils retournèrent au dialecte. Mais dans les écoles de campagne on frisa vite la catastrophe : la plupart des maîtres, qui parlaient fort mal, étaient incapables d'enseigner une langue qu'ils connaissaient à peine à des élèves qui l'ignoraient complètement11. Et si les élèves s'en tiraient mieux le résultat pouvait être pire car ils se moquaient ouvertement de leur instituteur. « Je vous interdis de rier ! (sic) » hurlait un malheureux à sa classe déchaînée, à laquelle il fournissait ainsi le plus puissant motif de rire. À la fin des années vingt on a été obligé d'interroger en dialecte, les apprentis candidats à des examens professionnels : incapables désormais de s'exprimer en allemand, ils n'arrivaient toujours pas à parler français12. Cette offensive contre le dialecte n'est pas spécifique à l'Alsace ni à la Lorraine germanophone, à la même époque les petits Bretons ou les petits Occitans sont punis s'ils parlent leur langue. Ailleurs, comme en Lorraine romane le patois a tellement régressé qu'une telle lutte n'est pas nécessaire. Il est à noter toutefois que, dans le domaine électoral et malgré l'absence de texte législatif ou réglementaire, les professions de foi légales des candidats à toute élection politique peuvent être accompagnées de leur traduction allemande par pérennisation d'une décision du président du conseil d'août 1919 disposée pour les élections législatives du 16 novembre 1919 (et elles seulement)13. La dernière offensive laïque L’offensive laïque de 1924 n’avait fait que troubler inutilement l’Alsace-Lorraine et Painlevé, qui avait succédé à Herriot en 1925, avait tout de suite mis ses projets en veilleuse. Revenu au pouvoir en 1932, Herriot avait préféré continuer la politique d’apaisement qui s’esquissait depuis le départ de Poincaré. Mais après la victoire du Front Populaire, en 1936, Blum crut le moment venu de revenir à la politique d’assimilation. Il commença par prolonger la scolarité obligatoire jusqu’à quatorze ans par les lois du 9 et 11 août 1936. Cette mesure fut plutôt accueillie favorablement en Alsace-Lorraine car depuis 1871 c’était l’âge légal de sortie du système scolaire ; on étendait simplement la même mesure aux filles, ce que les protestants avaient dès le début demandé, et cela donnait à tous les enfants la possibilité de se présenter au certificat d’études, examen qui avait alors une réelle valeur. Mais le 22 octobre 1936 les décrets d’application prévirent dans le cas de l’Alsace-Lorraine une prolongation d’un an pour les garçons, prolongation qui aboutissait simplement à garder un an de plus des enfants déjà munis du certificat d’études et qui n’étaient pas destinés à aller plus loin. Les élus protestèrent auprès du gouvernement en lui représentant les conséquences néfastes d’une pareille mesure, particulièrement en Moselle où la barrière des Vosges n’existait pas : un petit Nancéien de quatorze ans pourrait ainsi entrer en apprentissage à Metz , tandis que le petit Messin du même âge devrait attendre une année de plus et trouverait la place prise à l’issue de sa scolarité. Dans sa lettre du 30 janvier 1937 au sénateur Eugène Muller, Blum reconnut à demi-mot qu’il s’agissait d’un chantage : comme les élèves Alsaciens-Lorrains avaient des cours d’allemand et des cours de religion qui alourdissaient leur programme, il était normal de leur imposer une année supplémentaire pour qu’ils pussent tout assimiler : il y avait risque de surmenage ! Qu’on renonçât à ces cours et la scolarité obligatoire serait ramenée à quatorze ans. Il réconciliait ainsi dans la même hostilité envers sa politique les germanophiles et les cléricaux. Le 21 juin 1937, Blum démissionna et Chautemps mit en veilleuse les décrets contestés en attendant le verdict du Conseil d’État qui les annula à la fin de l’année. L’offensive, là encore, n’avait été qu’un coup d’épée dans l’eau, mais la crédibilité de la France était atteinte une nouvelle fois en Alsace-Lorraine. L’échec de la résistance à la francisation Le problème, c'est que cette bannière commune n'existait pas. Chaque Alsacien ou Mosellan pouvait très bien savoir ce qu'il voulait, mais ils étaient loin de vouloir tous la même chose. Parmi les adversaires de la France, les communistes étaient parmi les plus virulents et ils n'hésitaient pas à réclamer la sécession ; mais leurs dirigeants qui, de Paris, répercutaient les ordres de Moscou, leur interdisaient les alliances de classes contrenature, c'est-à-dire avec les catholiques. Pendant un temps Charles Hueber réussit à passer outre, grâce à la protection de Marcel Cachin, et il n'hésita pas à conclure avec eux des ententes ponctuelles; cependant, quand grâce aux voix des cléricaux il réussit en 1929 à conquérir la mairie de Strasbourg, ses chefs parisiens ironisèrent contre les Herz-Jesu-Kommunisten et l'exclurent du Parti. Il ne resta plus aux dissidents qu'à évoluer peu à peu vers le nazisme après la prise de pouvoir par Adolf Hitler. Défaite et revanche 13 Le drame de l’autonomisme, c’est que la haute bourgeoisie, francophile et francophone avant 1914, l'était restée après la guerre. C’est d’ailleurs un point qui fait réfléchir, que le monde du commerce et de l’industrie n’ait éprouvé aucune nostalgie pour l’Allemagne malgré son avance industrielle. Quant à la moyenne et à la petite bourgeoisie, elles regardaient au-dessus d’elle et cultivaient leur caractère français dans leur désir de progresser socialement. Les germanophiles, d’ailleurs, n’avaient pas assez de mépris quand ils parlaient de la bourgeoisie à laquelle ils reprochaient d’avoir trahi ses origines : le reproche est récurrent chez Pierri Zind et on le retrouve encore constamment dans ce qu’il reste aujourd’hui de presse autonomiste. Qu’il existât tout de même une bourgeoisie germanophile, même minoritaire, le fait est incontestable, mais Pierri Zind et les rapports administratifs qu’il cite s’accordent à montrer qu’elle se constituait de médecins, de pharmaciens, de notaires, de pasteurs, d’enseignants… quelques-uns pouvaient être à l’aise mais ils n’en restaient pas moins des notabilités seulement locales et qui manquaient singulièrement de prestige. Dans le village protestant de Voeglinshoffen, le cœur battait encore pour l’Allemagne : lors de l’inauguration du monument aux morts on refusa de chanter la Marseillaise puisque ce n’était pas l’hymne sous lequel on avait combattu, et l’on entonna « Ich hatt’einen Kameraden » ; il n’y avait en somme dans la commune qu’un seul francophile, passablement chauvin… mais c’était le maire. Les paysans avaient beau réprouver ses idées, ils ne s’imaginaient pas votant pour quelqu’un d’autre et se faisant représenter par un rustre ridicule. Enfin, avec l’avènement d’Hitler, le prestige culturel de l’Allemagne prit un nouveau coup. Il n’était plus question de s’appuyer sur les grands écrivains dont les livres alimentaient les bûchers. Au bord de la Méditerranée, Sanary-sur-Mer devenait une petite capitale du monde intellectuel allemand en exil (on trouvera, en allemand, un intéressant article du Spiegel 14). À la Hunebourg dont il voulait faire un centre de rayonnement du germanisme, Fritz Spieser inculquait aux jeunes que leurs parents lui confiaient des chants et des danses folkloriques à haute dose, mais il ne pouvait rien leur proposer pour nourrir leur esprit. La Seconde Guerre mondiale L'Alsace-Lorraine de 1871 n'est pas reconstituée: l'Alsace est annexée au pays de Bade pour former le « Gau Baden-Elsaß » alors que la Moselle devient le « Gau Westmark » avec la Sarre-Palatinat L’exode puis le retour à l’été 1940 La Seconde Guerre mondiale frappa cruellement l’Alsace-Lorraine comme le reste de la France, notamment par les bombardements subis par toutes les couches de la population. Les épreuves avaient commencé dès septembre 1939 : le gouvernement français avait bien prévu qu’en cas de guerre, les populations vivant entre la ligne Maginot et la frontière allemande devraient être évacuées pour être mises à l’abri, mais rien n’avait vraiment été prévu pour leur évacuation. Dès le début de septembre, on obligea la plupart à abandonner leurs maisons, leurs fermes, leurs animaux et à gagner, parfois à pied, les gares ferroviaires où on devait les embarquer pour les trimballer vers le sud ou l'ouest de la France, n'emportant avec eux que ce qu’ils pouvaient porter à la main ou traîner dans des voiturettes de fortune. Après l'offensive allemande de mai 1940, une nouvelle vague de réfugiés, encore plus inorganisés, se jeta sur les routes pour fuir les combats. Certains Alsaciens eurent même à franchir les cols et gagner quelques gares des Vosges. Heureux ceux qui possédaient une auto et qui, disposant de suffisamment d’argent, avaient pu s’acheter une maison dans le midi ou le sudouest de la France ! Si des Mosellans - parmi lesquels se trouvaient aussi bien de purs francophones que des germanophones - furent expédiés dans la vallée du Rhône ou en Périgord, bien de ces Alsaciens se retrouvèrent dans le Limousin où pas plus qu'ailleurs, rien n'avait été prévu pour accueillir de tels réfugiés. La population locale regarda d’un œil mauvais ces nouveaux arrivants qui parlaient une langue étrange, une sorte d'allemand ; elle les appela des « yaya », puisqu’on les entendait dire « Ja » pour « Oui », ou carrément « des boches ». Beaucoup de ces réfugiés, souvent habitués à un certain confort en Alsace, durent parfois s’installer dans des granges en ruines ou des masures insalubres. Considérés comme orgueilleux par des autochtones qui ne comprenaient pas pourquoi ils faisaient la fine bouche au regard des conditions d'hébergement, ils furent souvent mal supportés, à la différence d'autres réfugiés francophones et peut-être moins exigeants qu'eux. Évidemment, les plus jeunes se débrouillaient mieux et, au bout de quelques semaines, bien des enfants alsaciens parlaient le limousin avec leurs nouveaux camarades. Il s'ensuivit, entre les générations, une différence de perceptions de ces évènements qui a pu fausser les points de vue quand, après cinquante ans, on s’est décidé à faire parler les survivants. Les plus âgés étaient morts et ceux qui témoignèrent alors évoquaient leur enfance avec émotion. Certains avaient noué de réelles amitiés dans cette "France de l'intérieur" et y revenaient régulièrement en vacances. Malheureusement, ceux qui à l’époque avaient le plus souffert n’étaient plus là pour témoigner. Et comme on n’aime pas se remémorer les mauvais souvenirs, ceux-là n’en avaient jamais fait un sujet de conversation. Il ne reste alors pour évoquer tous ces drames que quelques lettres jaunies, dans la mesure où l’on était capable d’exprimer sa douleur sur le papier. Défaite et revanche 14 On comprend pourquoi, dans ces conditions, tant d’Alsaciens et de Mosellans aient eu envie de rentrer chez eux, une fois l’armistice signé, même si aucun d'entre d'eux ne se faisait trop d’illusion sur les intentions de l’Allemagne vis-à-vis de l’Alsace-Lorraine. Quelques uns des plus anciens imaginaient qu'ils retrouveraient l’Allemagne d’avant 1914. Beaucoup avaient souffert de ne pas être considérés comme de véritables Français, patriotes, malheureux de la défaite, de la part de ces « gens de l'intérieur ». Certains entendirent même : « Vous avez de la chance, vous les gens de l'Est, vous êtes toujours du côté des vainqueurs » ! Ces relations forcées avec des Français de la France profonde avaient malheureusement conduit bien des Alsaciens et des Lorrains germanophones à se demander s'ils étaient vraiment parmi des compatriotes. Pour les Lorrains francophones, la situation fut peut-être différente. Le pire était à venir pour ceux qui décidèrent de rentrer au pays, à retrouver la maison ou ce qui pouvait en rester après plusieurs semaines de conflit, de destructions ou de pillage. L'occupant s'y était installé comme dans le reste de la France occupée, mais on espérait ne pas en souffrir là plus qu'ailleurs. Il fallut vite déchanter : dans l'irrespect total de la légalité, on assista, dès l'été 1940, à l'annexion de facto par l'État nazi, des territoires alsaciens et mosellans. Deux Gauleiter - sortes de préfets - Wagner à Strasbourg et Bürkel à Metz y furent nommés. Un troisième, Simon, étant chargé du Luxembourg, lui aussi annexé. On y imposa diverses mesures visant à « germaniser » les personnes et les pays. Le parler de la langue allemande fut imposé à tous, et celui du français interdit sous peine de lourde amende. Des villes et des villages perdirent leur nom sonnant trop « français », au profit d'un autre plus « allemand ». Certains de ceux qui vivaient là furent, pour divers motifs, jugés indignes de rester. On les expulsa - avec un maigre ballot et peu d'argent - vers les territoires restés sous administration française. La Poste, les Chemins de fer, comme les tous autres services publics et donc bien entendu la police, passèrent sous autorité allemande. Les conditions de la vie quotidienne, avec ses cortèges de restrictions et de pénurie de toutes sortes du fait de l'état de guerre maintenu avec l'Angleterre, ne connurent aucune amélioration. Une des conséquences immédiate de cette annexion permit à l'occupant de tenter une « opération de charme », en ordonnant la libération et le retour au pays de la plupart des prisonniers de guerre Alsaciens et Mosellans. Ce qui suivit tomba comme la foudre sur la tête des familles : les jeunes garçons et les jeunes filles furent embrigadés de force dans les mouvements de jeunesse nazis, les adolescentes et les adolescents durent rejoindre quelques « camps de jeunesse » et participer à des opérations de défense passive, solidement encadrés pour en faire de « bons Allemands ». À partir d'août 1942, à l'initiative de Bürckel, un autre niveau fut atteint avec l'appel à des volontaires et la mobilisation, de tous les hommes jeunes dans les forces armées allemandes. Certains avaient déjà fait leur service militaire au sein des Armées ou de la Marine françaises et avaient combattu l'Allemagne entre septembre 1939 et juin 1940. Quelques uns avaient même connu les Stalags. Les « mobilisés contre leur gré », eurent à subir d'odieux chantages : les réfractaires ou les déserteurs risquaient la peine de mort, exposaient leurs familles à l'arrestation, l'internement dans des camps ou la déportation « à l'Est », en Silésie. L'Allemagne nazie avait besoin d'eux pour combattre essentiellement l'Armée rouge de l’Union soviétique sur le front de l'est. On les appela les Malgré-Nous. Malgré les efforts menés par leurs services de propagande, les Allemands ne parvinrent pas à susciter des masses d'engagements volontaires parmi les Alsaciens et les Mosellans. Ceux qui furent montrés en exemple étaient souvent des jeunes venus du pays de Bade, voisin, mais en vérité des Allemands installés en Alsace depuis l'armistice. Si la plupart des Malgré-Nous eut à combattre dans des forces militaires classiques, d'autres furent enrôlés dans la Waffen SS. Il faut reconnaître que la confiance en la fidélité et la "combativité" de ces recrues ne fut jamais totale de la part des autorités du Reich. Ceux qui purent déserter les troupes allemandes pour rejoindre les forces alliées (soviétiques, britanniques ou américaines) eurent parfois beaucoup de difficultés à faire admettre leur nationalité française. Si un certain nombre fut admis à reprendre le combat au sein des l'Armée française, d'autres furent contraints à passer de longues années dans des camps de prisonniers comme celui de Tambov en Union soviétique avant de recouvrer une légitime liberté, parfois plus de cinq ans après la fin des hostilités. Une douzaine de jeunes Alsaciens qui avaient été enrôlés dans la division SS Das Reich, ont eu à comparaître devant la Justice française, pour répondre des crimes accomplis à Tulle et à Oradour-sur-Glane. Cette comparution en justice fit grand bruit à l'époque et l'amnistie prononcée en faveur des jeunes condamnés reste encore mal comprise de certaines populations de la France « de l'intérieur ». Une partie intégrante du IIIe Reich Quand fut signé l'armistice du 22 juin 1940 le cas de l'Alsace-Lorraine n'était pas évoqué. Ce territoire restait donc juridiquement français, bien qu'il fît partie de la zone militairement occupée par l'Allemagne. Le régime nazi l'annexa en fait sans en faire la proclamation officielle et, comme le gouvernement de Vichy se borna à des protestations secrètes chaque fois qu'était commise une nouvelle violation du droit, le bruit se répandit qu'une clause secrète avait livré l'Alsace-Lorraine à l'Allemagne. C’est seulement de retour chez eux que les Alsaciens et les Mosellans s’aperçurent que tout avait changé. L'Alsace fût rattachée au pays de Bade et la Moselle fût rattachée à une entitée plus large. Le gouvernement allemand n’hésitait pas à proclamer son admiration pour la politique d’assimilation que la France Défaite et revanche 15 avait menée après 1918 et il se déclarait prêt à la mettre en œuvre en sens inverse ; c’est-à-dire qu’il s’apprêtait à recommencer les mêmes mesures, mais avec une deutsche Gründlichkeit (une minutie allemande) qui les rendrait irrémédiables. Les troupes allemandes avaient libéré ceux qu’on appelait les Nanziger (Nancéiens), des Alsaciens partisans de l’Allemagne et qui avaient été un long moment internés à Nancy ; mis à part Karl Roos, il s’agissait partiellement de doux rêveurs, qui s’imaginaient une Alsace à la fois allemande et démocratique, espérant naïvement qu’on les mettrait à la tête de leur terre « libérée ». On les écarta et on plaça en haut lieu des hommes sûrs, c’est-à-dire des nazis allemands qui ne connaissaient rien de l’Alsace. Ainsi la rue principale de Mulhouse qui s'appelle la rue du Sauvage fut rebaptisée quelques jours Adolf-Hitler-Straße. Colmar dut s'appeler Kolmar. En tout cas il faut remarquer que, dès le début, la population alsacienne, comme la population mosellane, adopta une attitude réservée par rapport aux Allemands. Marie-Joseph Bopp a pu avoir sous les yeux un rapport secret du Hilfsdienst, organisation alsacienne au service des Nazis, et en a fait un résumé. On s'y plaint que, lorsque des Alsaciens discutent entre eux de politique, ils se taisent immédiatement dès que s'approche un membre connu du Hilfsdienst. Les annexés facétieux remplacèrent la phrase de salut qu'on leur imposait par celle moins signifiante de « Ein Liter » (ce qui signifie « un litre »). Dans les départements annexés, une résistance armée locale se développe indépendamment de la résistance intérieure française dans le reste de la France. Héritage De nos jours encore, l'Alsace et la Moselle conservent un statut spécial lié à la conservation d'acquis antérieurs à 1914. Rappelons que le vote des femmes, qui ne fut établi en Allemagne qu'en 1919, ne concerna pas les trois départements, et les habitantes des dits départements durent attendre, avec les autres Françaises, 1945 pour s'exprimer politiquement soit une génération supplémentaire. Une conséquence de la dernière guerre est la faiblesse politique de la gauche dans la région. Malgré ses engagements, l’URSS a longtemps retenu au camp de Tambov dans des conditions abominables, les malgré-nous alsaciens et mosellans, incorporés de force dans la Wehrmacht et qui souvent s’étaient volontairement rendus ; il en est résulté un effondrement du Parti communiste français qui, dans le cadre d’un scrutin uninominal, privait le Parti socialiste français du renfort de voix nécessaires au deuxième tour. L’opposition traditionnelle entre électorat catholique et électorat protestant s’est donc reportée sur une opposition centristes-gaullistes, qui tend à s'effacer au profit d'une opposition extrême droite et droite démocratique. La région Alsace est en 2006, l'une des deux seules régions françaises gouvernées par un exécutif de droite. Concernant la Moselle, notons cependant que la gauche reste implantée dans certaines cités industrielles à « tradition rouge », mais est sujette à un effritement, suite aux grandes restructurations15. Quelques sources Traditionnellement, à ceux qui voulaient s'informer sur l'âme alsacienne, on conseillait Psychanalyse de l'Alsace, de Frédéric Hoffet. L'ouvrage a aujourd'hui beaucoup vieilli : incapable d'expliquer l'Alsace d'aujourd'hui, très différente de celle qu'il décrit (le dialecte a presque complètement disparu chez les jeunes qui, de plus, ne savent presque plus l'allemand), il n'explique pas mieux celle d'hier car il passe (volontairement ?) sous silence un point essentiel : l'opposition entre catholiques et protestants. Au contraire, cette opposition jusqu'alors taboue est au cœur de la thèse du professeur Alfred Wahl, Confession et comportement dans les campagnes d'Alsace et de Bade, 1871-1939 (1980) qui a fait sensation lors de sa parution. Une phrase a fait date : « Les protestants et les catholiques constituaient finalement deux groupes associés géographiquement ayant cependant conservé leur identité propre. La confession, l'histoire vécue formaient le vecteur de la solidarité quasi-nationale et de la cohésion sociale ». Le grand public, pour lequel cet ouvrage est difficilement accessible, trouvera une présentation plus abordable dans Petites haines ordinaires : histoire des conflits entre catholiques et protestants en Alsace (2004), du même auteur, qui confie son expérience personnelle dans la préface. En collaboration avec Jean-Claude Richez, spécialiste de l'histoire culturelle et des mentalités en Alsace, il a écrit La vie quotidienne en Alsace entre France et Allemagne, 18501950 (1993), ouvrage très clair et très complet. Sans contester une telle interprétation pour le reste de l'Alsace, Bernard Klein s'est penché dans La Vie politique en Alsace bossue et dans le pays de la Petite Pierre sur le cas particulier de l'Alsace bossue, ce morceau de Lorraine que la Révolution a rattaché au Bas-Rhin, et il a montré la persistance entre les deux guerres d'un sentiment anti-français et d'un attachement à l'Allemagne qui transcendaient les confessions. Il montre aussi l'attitude brutale de l'administration française, avec pressions administratives et suppressions de journaux. Bien que l'auteur se présente comme un « chercheur-militant », ce qui inquiète pour son objectivité, l'ouvrage est bien documenté et constitue une monographie solide. Ce n'est que dans un appendice que le militant l'emporte peut-être sur le chercheur lorsqu'il se penche sur le fait que, dans cette petite région très anti-française, Défaite et revanche 16 Jean-Marie Le Pen est venu en tête à l'élection présidentielle de 1988 avec plus du quart des voix, tandis que l'Alsacien Antoine Waechter qui représentait les écologistes avoisinait 10 % ; il y voit une persistance du malaise d'autrefois qui aurait conduit les électeurs les moins intelligents à voter Le Pen et les plus sages à voter écologiste. Il ne faut pas oublier que les générations ne sont plus les mêmes, que les femmes ne votaient pas avant la guerre et qu'il n’y a pas toujours un Alsacien candidat à l'éléction présidentielle. Les oppositions religieuses, linguistiques ou nationales sont relativisées dans L'Alsace des notables par François Igersheim qui insiste sur les oppositions de classes et montre la bourgeoisie soucieuse de préserver ses privilèges sous tous les régimes. Cette conception marxiste ne séduira pas tout le monde, mais l'auteur est un historien reconnu et le livre est solide. On trouvera à la fin de l'ouvrage, sous forme d'index, des petites biographies qui, malgré leur brièveté, n'omettent rien d'essentiel. Alfred Wahl a enrichi d'une préface et de notes le Journal d'un Instituteur alsacien tenu entre 1914 et 1951 par Philippe Husser. La lecture en est indispensable à qui souhaiterait explorer plus avant le vécu de la population durant cette période. Pendant la guerre de 1914-18, Charles Spindler a tenu un journal très détaillé. Son honnêteté intellectuelle est incontestable et, le 2 juin 1926, Husser reconnaît avec quelque jalousie que l'auteur, ayant disposé de relations plus étendues, a écrit un livre plus intéressant que le sien. Il ajoute (ce qui est faux) que l'ouvrage n'est pas d'une totale franchise, l'auteur l'ayant rédigé en vue de sa publication : en fait c'est l'insistance de son ami André Hallays qui a d'abord fait publier quelques extraits dans la Revue des Deux-Mondes puis, en livre indépendant, la partie allant de 1914 à 1919. Le reste est toujours inédit et entre les mains de sa famille. Aux premiers jours de l'occupation nazie en Alsace, Marie-Joseph Bopp a commencé lui aussi à écrire un journal de guerre, qui n'a été publié qu'en 2004 aux Éditions de la Nuée Bleue, sous le titre Ma ville à l'heure nazie. Lui aussi rapporte ce qu'il entend sans pouvoir toujours le garantir. Le 14 octobre 1940 il écrit ainsi: « Mon élève Chenet est revenu à Colmar. À Rouffach, on a examiné une dernière fois les dossiers : puisque son père, français de l'Intérieur, est mort, on a permis à la veuve alsacienne de rentrer avec les siens à Colmar. On prétend que les Allemands exigent que si la partie alsacienne d'un couple divorce, alors elle pourrait rester. La femme alsacienne divorcée devrait alors au bout d'un an se remarier avec un Deutschstämmig, un Allemand, si elle a moins de quarante ans. C'est incroyablement diabolique, on ne peut pas le croire, mais ce serait bien dans la manière nazie. » Dans ses Souvenirs le Prince Alexandre de Hohenlohe, qui fut haut-fonctionnaire en Alsace a laissé des pages qui montrent de profondes intuitions. On tirera peu, au contraire, des Denkwürdigkeiten écrits par son père. Le Malaise alsacien 1919-1924, de Geneviève Baas, publié en 1972, est un honnête travail de diplôme d'études supérieures. On y trouvera surtout des reproductions d'articles de journaux et de livres écrits à l'époque. Tout au contraire, Jean Haubenestel, un chercheur particulièrement obstiné, a réussi à se faire remettre de vieux documents de famille grâce auxquels il a publié des brochures qui nous montrent la façon de sentir et de penser de la population. Les Malgré-Nous d'Ernolsheim contiennent des lettres poignantes, mais on ne négligera pas L'Oncle d'Amérique qui évoque les rapports des émigrés d'outre-Atlantique avec leur famille restée au pays, ni Active, propre, honnête, sur les bonnes alsaciennes de Paris. Le point de vue autonomiste, et même séparatiste, est défendu avec passion par Pierri Zind dans ElsassLothringen, nation interdite. Publié en 1979, ce livre est surtout intéressant pour faire sentir les siècles qui se sont écoulés en quelques années, pour reprendre l'expression de Michelet. Les discours enflammés qu'il y reproduit et qui, entre les deux guerres, pouvaient agiter toute l'Alsace et, voici trente ans, éveillaient encore un certain écho, n'ameuteraient pas aujourd'hui dix personnes à Strasbourg. La lecture des albums de Hansi offre un certain éclairage sur la question, en particulier Le Professeur Knatschke dont l'influence a été considérable sur les idées que les Français se sont forgées de l'Alsace-Lorraine. Si on a les éditions en main, on comparera les Contes et Légendes d'Alsace, d'Émile Hinzelin, tels qu'ils ont paru en 1913, et ce qu'ils sont devenus dès 1915. Du même, L'Alsace, la Lorraine et la Paix ; pour cet auteur, assimilationniste convaincu, tous les problèmes viennent des agissements de l'Allemagne ; s'il y a eu quelques erreurs, dit-il, elles sont déjà réparées. Pas un mot sur la crise autonomiste de 1924, issue de l'offensive laïque d'Herriot; il est vrai que l'auteur, à la fois franc-maçon et ami de nombreux curés, ne s'attarde pas dans les questions gênantes. Ce livre, publié en 1929 (l'année où Strasbourg et Colmar portaient à leur tête des municipalités autonomistes) et qui s'efforce pourtant de peindre la réalité en rose, montre l'abîme d'incompréhension qui séparait l'Alsace-Lorraine et la France. On consultera les mémoires, qui permettent de pénétrer dans les mentalités : Défaite et revanche • • • • • • 17 Hans-Otto Meissner : Straßburg, o Straßburg Elly Heuss-Knapp : Ausblick vom Muensterturm: Erlebtes aus d. Elsass u. d. Reich Jean Egen : Les Tilleuls de Lautenbach Jean Schlumberger : Éveils Pierre Durand : En passant par la Lorraine, s.d. (1945), rapporte des détails intéressants. Friedrich Lienhard : Westmark, nous montre sous une forme romancée l'état d'esprit des Allemands et des Alsaciens germanophiles aux derniers temps de la première guerre mondiale. Publié à l'origine en caractères fraktur, l'ouvrage a été récemment réimprimé en caractères romains. Les Loups noirs, de Bernard Fischbach et Roland Oberlé (1990), nous montrent une survivance du séparatisme dans les années soixante-dix, avec la tentative avortée d'une campagne de terrorisme. La deuxième partie du livre, « Aspects de l'autonomisme alsacien » contient de nombreux et intéressants documents. L'Alsace de Bismarck 1870-1918, Editions Muller, (2007), de Raymond Fischer, nous fait vivre avec force cette annexion d'un demi-siècle grâce aux trois grands mouvements du texte, qui présentent une vision historique, la vie des Alsaciens d'un hameau annexé et la guerre par l'engagement d'un Alsacien sur le front russe. Sur la question des Malgré-nous, l'ouvrage essentiel est : Eugène Riedweg, Les Malgré-Nous, Éditions du Rhin, 1995 Les Malgré-Nous et le drame d'Oradour, Le procès de Bordeaux, Éditions du Rhin, Strasbourg, 2003, de JeanLaurent Vonau est plus particulièrement consacré au procès des incorporés de force de 1953, qui est considéré en Alsace comme une monstruosité juridique. Les deux livres de Paul Lévy, Histoire linguistique d'Alsace et de Lorraine et La langue allemande en France sont remplis d'anecdotes et de documents fort bien choisis. D'autres livres décrivant et/ou illustrant l'histoire de l'Alsace-Lorraine : • • • • • • Alsace et Lorraine, terres françaises, Editions du Témoignage Chrétien, (1943), explique très clairement l'annexion "de fait" de l'Alsace-Lorraine entre 1940 et 1945. Le retour de l'Alsace-Lorraine à la France, (1923), d’Alexandre Millerand, décrit avec précision le retour de l'Alsace-Lorraine à la France. L'Alsace dans la guerre 1939-1945, Edition Horvath, permet de se rentre compte de l'intégration "de fait" de l'Alsace-Lorraine au sein du IIIe Reich. Alsace-Lorraine, la carte au liséré vert, (1918), de Georges Delahache Les débuts de l'administration française en Alsace et en Lorraine, (1921), Librairie Hachette Témoignage pour les alsaciens-lorrains, (1925), Librairie Plon Enfin, on recourra sans cesse au Nouveau Dictionnaire de Biographies Alsaciennes dont chaque article est rédigé par les meilleurs spécialistes. Il remplace avantageusement le Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l'Alsace, d'Édouard Sitzmann, paru en 1909 et qui a fait l'objet d'une réédition en 1973. Liens externes Sur la question des mariages transfrontaliers entre Alsaciens et Allemands à Strasbourg entre 1871 et 1914, on consultera, sur le site de l’Université de Marburg (ici), les pages que lui consacre M. François Uberfill, professeur à l’Université Marc-Bloch de Strasbourg. Contrairement aux impressions que pourraient nous laisser des mémoires comme Straßburg, o Straßburg de Hans-Otto Meissner, les mariages entre fonctionnaires allemands et alsaciennes étaient fort rares, et il était exceptionnel qu’un instituteur se mariât sur place pendant les vingt premières années au moins. Anecdotes • Concernant l'adaptation des patronymes, Germain Muller racontait l'histoire suivante : une certaine famille Lagarde dut changer son nom en 1871. Les Prussiens, très corrects, traduisirent en Wache. En 1918, l'administration française, qui ne se souciait pas de linguistique appliquée, transforma Wache en Vache. En 1940, les Allemands revinrent et traduisirent Vache comme il faut en Kuh. Depuis 1945, les pauvres gens s'appellent "Cul"...[réf. nécessaire] • Un quartier de Munich s'appelle en allemand "Franzosenviertel" (quartier des Français) non pas parce que ses premiers habitants étaient d'origine française mais parce que les noms des rues commémorent des batailles de la guerre de 1870 : Gravelottestraße, Bazeillesstraße, Belfortstraße, Lothringerstraße, Weißenburgerstraße et Weißenburgerplatz, Sedanstraße, Breisacherstraße, Metzstraße, Elsässerstraße ainsi que Orleansstraße, Pariserstraße et Pariserplatz. Défaite et revanche 18 Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. ↑ Expression du dialecte alsacien servant à désigner les francophones. ↑ Assemblée nationale http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/deputes-protestataires.asp [archive] ↑ Dès 1914, Albert Schweitzer et son épouse furent mis en résidence surveillée à Lambaréné (Gabon, alors en Afrique-Équatoriale française) ; épuisés et malades en 1917, ils furent ramenés et internés en France jusqu'en juillet 1918. ↑ Charles Spindler, L'Alsace pendant la Guerre, p. 465 ↑ On lit dans le journal de Spindler dès le 26 octobre 1914 : « Puis il me recommande de ne pas parler français. Les rues sont infestées de mouchards, hommes et femmes, qui touchent des primes et font arrêter les passants pour un simple merci dit en français. Il va sans dire que ces mesures excitent l'esprit blagueur du peuple. Une femme du marché, qui probablement ignorait jusqu'à ce jour que bonchour et merci étaient français, est prise à partie par une dame allemande parce qu'elle a répondu à son Guten Tag par un bonchour&thinsp ;! Alors la bonne femme, les poings sur les hanches, interpelle sa cliente&thinsp ;: « Maintenant j'en ai plein le dos de vos bêtes d'histoires ! Savez-vous quoi?… ici, une invite très ordurière… Et ça, est-ce aussi du français?» (Jetz grad genua mit dene dauwe Plän! Wisse Sie was? Leeke Sie mich… ! Esch des am End au franzêsch?) ↑ On peut voir dans L'Alsace pendant la guerre comment l'exaspération de la population s'accroît peu à peu, mais dès le 29 septembre 1914 Spindler entend une phrase caractéristique : «… Le tapissier H., qui remet en état les matelas de la maison Ott me disait ce matin: « Si seulement c'était la volonté de Dieu que nous redevenions français et que ces damnés Schwowebittel soient f… hors du pays ! Et puis, vous savez, il y a des chances que cela arrive. » C'est la première fois depuis la guerre que j'entends un homme du peuple exprimer franchement ce vœu. » ↑ En mai 1918 les députés Peirotes, Boehle et Fuchs posèrent cette question au chancelier : « « Malgré les ordres émanant du Ministère de la Guerre, levant la suspension générale des permissions pour les soldats de l'armée allemande, les soldats alsaciens-lorrains n'obtiennent que très rarement les permissions auxquelles ils ont droit. M. le Chancelier a-t-il connaissance de cet état de choses et est-il prêt à faire le nécessaire pour que les soldats d'origine alsacienne-lorraine soient traités de la même façon que le sont les soldats des autres provinces de l'Empire ? » ↑ que l'on trouvera dans Gallica [archive] sous le titre La fantaisie et l'histoire et également librement téléchargeable et lisible ici [archive]. ↑ Le recteur Charléty n'hésitait pas à écrire : « Suivant le choix qu'on aura fait, les enfants d'Alsace et de Lorraine parleront le français comme on peut le balbutier à Zurich ou comme on le parle à Nancy. » (Cité par Geneviève Baas, Le Malaise alsacien). ↑ On lit dans La vie quotidienne en Alsace entre France et Allemagne, 1850-1950 d'Alfred Wahl et Jean-Claude Richez : « Les instituteurs venus de l'intérieur pour remplacer les Allemands d'origine révoqués obtinrent un supplément de salaire de 20 %, justifié par les autorités par les difficultés particulières aux conditions de travail en Alsace. Cela suscita la colère des instituteurs locaux ». ↑ Dès le 14 décembre 1918 Philippe Husser est convoqué pour entendre une conférence en français ; lui-même arrive à comprendre mais note scandalisé que l'orateur ne parle que le français et imagine que tout le monde le sait, ce qui n'est pas le cas du tout. ↑ Dans une enquête menée par la Chambre des Métiers d'Alsace et de Moselle en 1926 on peut lire: « Ne sachant plus l'allemand et pas encore le français de façon suffisante, la plupart des candidats sont incapables de s'exprimer autrement que dans le dialecte alsacien » (Cité par Geneviève Baas, Le Malaise alsacien). ↑ La question n° 51128 de l'Assemblée nationale au ministre de l'intérieur [archive] (entre autres) cite, dans sa réponse, cet état de fait. ↑ Spiegel [archive] ↑ Le département de la Moselle compte huit députés UMP pour deux députés PS. Voir aussi • • • • Hughes, S.P., (2005) Bilingualism in North-East France with specific reference to Rhenish Franconian spoken by Moselle Cross-border (or frontier) workers Carte de l'Alsace-Lorraine La Constitution d'Alsace-Lorraine de 1911 La situation particulière de l'Alsace et de la Lorraine de 1871 à 1945 Articles connexes • • • • • • • • Alsace-Moselle Annexions de l'Alsace-Lorraine Droit local en Alsace et en Moselle Malgré-nous Obligation scolaire en Alsace-Moselle République d'Alsace-Lorraine Le Souvenir français Uti possidetis juris Défaite et revanche • • • 19 Histoire philatélique et postale de l'Alsace Histoire philatélique et postale de la Moselle Loge maçonnique Alsace-Lorraine III. L’AFFAIRE SCHNAEBELE L'affaire Schnaebelé est un important incident diplomatique entre la France et l'Allemagne, qui éclata le 20 avril 1887 alors que les discours revanchards du général Boulanger avaient fait monter la tension entre les deux pays. Le général Boulanger, alors ministre de la Guerre avait cru bon au moment de son arrivée rue Saint-Dominique de développer les activités d'espionnage dans les départements annexés par le Reich après la défaite de 1870, sans en référer à ses collègues et dans la perspective d'une éventuelle revanche qu'il appelait déjà de ses vœux, en utilisant notamment les services de fonctionnaires civils connaissant bien cette région dont Guillaume Schnæbelé, commissaire de police français d'origine alsacienne en fonction à Pagny-sur-Moselle en Meurthe-etMoselle, en Lorraine française sur la frontière de l'époque. Malheureusement, l'un de ses agents alsaciens-mosellans se révèle être un agent double à la solde des services de Bismarck. La journée du 20 avril 1887 Sans doute pour faire pression sur le gouvernement français, les Allemands tendent un piège à Schnæbelé en demandant à l'un de ses collègues de la Moselle (département lorrain rattaché au Reich en 1871), Gautsch, commissaire d'Ars-sur-Moselle, de l'inviter à se rendre chez lui pour affaire de service. Le 20 avril, dès que Schnæbelé a franchi la frontière, il est appréhendé par des policiers allemands déguisés en ouvriers agricoles sur la limite même de la ligne de démarcation à tel point qu'au cours de l'empoignade, il réussit, selon des témoins « français », à refranchir la frontière et à se faire arrêter en « territoire français », témoignage des plus douteux cependant car émanant des services de Boulanger eux-mêmes amplement intéressés dans l'affaire et ses suites. Toujours est-il que Schnæbelé, lui fonctionnaire français ici dans l'exercice de ses fonctions officielles, se trouve être arrêté « illégalement » par deux agents des services de renseignements allemands pour activités d'espionnage, prisonnier en Allemagne et menacé d'être déféré devant une cour martiale de ce pays pour des activités non prouvées (et fort difficile à prouver de manière convaincante à l'opinion internationale). La réaction française et l'affaire proprement dite Mis au courant le jour même dès le 20 avril, René Goblet, alors président du Conseil des ministres propose lors de la session de celui-ci le 23, d'envoyer aux Allemands un ultimatum, soutenu par le ministre Boulanger qui se déclare prêt à décréter la mobilisation générale des troupes et de la réserve. Plus froids et conscients des dangers d'une éventuelle nouvelle guerre pour une France encore sans alliés, le président de la République Jules Grévy et le ministre des Affaires étrangères Émile Flourens, en bons juristes, voient immédiatement que les Allemands ont été très maladroits dans la forme alors qu'ils avaient certainement raison sur le fond en dénonçant les activités d'espionnage de Schnaebelé. En effet, qu'il ait été ou non arrêté sur le sol allemand, c'est sans la moindre dissimulation et en vertu d'une convocation officielle d'un agent du gouvernement de ce pays qu'il avait franchi cette fois la frontière, cette convocation retrouvée sur son bureau ayant valeur de sauf-conduit en droit international. Le gouvernement se contente donc « innocemment » de demander des explications à l'Allemagne par la voie diplomatique ordinaire. La suite de l'affaire et sa conclusion De son côté, Bismarck faisant face à des difficultés politiques avec d'autres membres de son cabinet, ayant conscience comme ancien diplomate de la bévue pour le moins « monumentale » de ses services, et n'étant pas de toute façon désireux d'un nouveau conflit avec la France dont la défaite en 1870 lui suffit largement, et qui, en accord avec l'empereur Guillaume Ier, s'inquiète plutôt des positions bellicistes de Boulanger qu'il semble paradoxalement surestimer à l'époque comme adversaire potentiel, renvoie le 30 avril Schnæbelé en France sans jugement et classe l'affaire sans suite par une note « acrimonieuse » dira-t-on à l'époque aux ministères des Affaires étrangères français et allemands. Analyse historique Cette affaire démontra cependant aux républicains français et en particulier aux radicaux comme Clemenceau qui le soutenaient jusqu'ici quelquefois avec un certain enthousiasme à quel point Boulanger et sa politique toute personnelle représentaient désormais une menace pour la sécurité du régime et du pays lui-même d'autant que cette affaire aura permis d'en couvrir une autre beaucoup plus grave, véritable « casus belli » en droit international, celle d'une véritable « cinquième colonne » récemment démantelée par les services allemands, Défaite et revanche 20 composée en territoire allemand d'Alsaciens-Lorrains restés fidèles à la France, organisée de son propre chef par Boulanger sans en référer à ses collègues et supérieurs, et auxquels l'armée française avait déjà fourni armes et munitions dans l'éventualité d'un nouveau conflit semble-t-il déjà programmé par l'aventureux général. C'est donc bien en dernière analyse la conviction par les deux camps de la non-opportunité d'un conflit à ce moment précis ainsi que la relative modération des équipes alors au pouvoir dans les deux pays qui a empêché la situation de dégénérer. IV. BOULANGER ET LE BOULANGISME Le boulangisme— ou la Boulange— est un mouvement politique français de la fin du XIXe siècle (1889-1891) qui constitua une menace pour la Troisième République. Son nom est dérivé de celui du général Georges Boulanger, militaire de prestance qui devint ministre de la Guerre, se rendit populaire par ses réformes mais inquiéta le gouvernement par son discours belliqueux. Au départ de ce mouvement, une affaire d'espionnage avec l'Allemagne. Boulanger fut à l'origine d'une politique d'espionnage et d'utilisation de fonctionnaires français connaissant la région pour surveiller l'Alsace-Lorraine, ce qui conduit en 1887 à l'affaire Schnaebelé. . Historique du boulangisme Des soutiens paradoxaux En 1886, autour du général Boulanger se regroupèrent : • des républicains révisionnistes pour la plupart des radicaux (c'est Clémenceau lui-même qui l'a conseillé à Charles de Freycinet en 1885); • et des monarchistes désireux de renverser la République. En 1887, Boulanger a le soutien de la gauche et de l'extrême-gauche qui voient en lui un général républicain qui a : • • • • rendu le service militaire obligatoire pour les ecclésiastiques ("les curés sac au dos"); expulsé les princes d’Orléans de l’armée (1886); amélioré les conditions de vie du soldat (réduction du temps du service militaire, fusil Lebel). Et, Le 13 mars 1886, Boulanger avait même évoqué une possible fraternisation entre la troupe et les mineurs en grève de Decazeville. Le boulangisme connut le succès en reposant sur deux passions populaires : • • La patrie : L'espoir de la Revanche contre l'Allemagne. Le peuple : L'espoir d'une politique sociale porté par les radicaux boulangistes; voire socialiste porté par les socialistes boulangistes, notamment des blanquistes, ceux là qui ont quitte le Comité révolutionnaire central d'Edouard Vaillant pour créer le Comité central socialiste révolutionnaire, boulangiste. Sur le plan institutionnel, le boulangisme reposait donc sur une grande ambiguïté : • • Les républicains espéraient une "révision" des institutions installées de façon provisoire en 1875, « pour aboutir à une république définitive et incontestée » (cf. programme électoral de Barrès de 1889). Mais les monarchistes et les bonapartistes espéraient profiter de la révision de la constitution pour renverser la République. La droite (notamment la duchesse d’Uzès, les familles d’Orléans et Bonaparte) apporta donc un soutien financier au boulangisme. Le candidat Boulanger En janvier 1888, les monarchistes promirent leur soutien au candidat à la Présidence de la république qui s'engagerait à prendre Boulanger comme ministre de la Guerre. À la même époque le général rencontre le prince Napoléon (Jérôme) qui lui promit son soutien, notamment financier. Cette année-là malgré son inéligibilité – car militaire – il est présenté aux élections dans 7 départements sous étiquette bonapartiste. La même année il sollicite la duchesse d'Uzès (héritière de la plus riche maison de vins de Champagne) pour 25 000 francs puis 3 millions au nom du Roi. Rayé des cadres de l'armée, Boulanger se présenta à plusieurs élections avec un programme simple : la mise en place d'une Assemblée constituante. À force de promesses secrètes à ses différents concurrents, il finit par remporter des succès électoraux grandissants. Son arrivée à la Chambre le 12 juillet 1888 est suivie par une foule importante. Défaite et revanche 21 En même temps les Boulangistes parviennent à présenter un candidat dans chaque département. Le 27 janvier 1889 il se présentait comme candidat à Paris. La situation était inquiétante pour ses adversaires. Le président du Conseil général de la Seine, Jacques lui fut opposé. La campagne fut intense. Boulanger l'emporta par 244 000 voix contre 160 000 à son adversaire. Au moyen du système de candidature multiple, il s'était présenté et a été élu à peu près partout. Alors qu'il célébrait sa victoire en présence de 50 000 personnes, certains de ses partisans, dont Alfred Naquet, lui suggérèrent alors d'effectuer un coup d'État en marchant sur l'Élysée mais il se refusa à les suivre sur cette voie. De l'espoir... En 1889, la moitié ou les deux-tiers des députés boulangistes viennent de la gauche et de l’extrêmegauche. Paul Lafargue écrira : « La crise boulangiste a ruiné le parti radical ; les ouvriers, lassés d'attendre les réformes qui s'éloignaient à mesure que les radicaux arrivaient au pouvoir, dégoûtés de leurs chefs qui ne prenaient les ministères que pour faire pire que les opportunistes, se débandèrent ; les uns passèrent au boulangisme, c'était le grand nombre, ce furent eux qui constituèrent sa force et son danger : les autres s'enrôlèrent dans le socialisme. »1 Ainsi, à Paris, le boulangisme a percé dans les quartiers populaires et non bourgeois. Goguel évoque aussi : « Les troupes du boulangisme parisien, journalistes faméliques, camelots, ouvriers, épaves sociales, dressées contre les gros bourgeois du parlement et de la finance. » (François Goguel, La Politique des partis sous la Troisième République). En province, le boulangisme pénètre très peu dans les fiefs de la droite traditionnelle, monarchiste et cléricale, selon les études d'André Siegfried, sauf dans certains cas comme la Charente-Inférieure, où le vote Boulanger bénéficie d'un « vieil attachement au bonapartisme déçu par la ralliement à une République modérée où le pouvoir semble se dissoudre dans les arcanes parlementaires », et dans les départements « mixtes » (ayant élu une députation de droite et de gauche en 1885), où les positions de la droite sont renforcées2. Cependant, Lissagaray rapporte que leurs députés sont les premiers défenseurs et le premier soutien de Boulanger à la Chambre des députés3. Selon Patrick Lagoueyte, la droite, d'abord rétive, finit par rallier un homme qu'elle juge capable de « restaurer l'autorité de l'État, dans la tradition plébiscitaire », certains milieux royalistes se figurant qu'il pourrait jouer « le rôle d'un connétable restaurateur de la monarchie », aveuglement dont Boulanger se sert sans renoncer à ses convictions républicaines4. D'ailleurs, en 1890, Mermeix révèle dans Les Coulisses du boulangisme5 la collusion de Boulanger avec la droite monarchiste, l'entourage du général, composé jusqu'à la fin de républicains de gauche, servant de façade devant le pays, pour Zeev Sternhell6. D'après Jean-Louis Ormières, les droites entreprennent les premières démarches auprès de Boulanger, en la personne du baron de Mackau, dès après l'élection de Sadi Carnot à la présidence de la République, le 3 décembre 1887, et, quand, l'été suivant, le général l'emporte lors d'élections partielles dans trois départements, il attire aussi bien à lui l'électorat conservateur (royalistes et bonapartistes) que de la gauche radicale et socialiste7. ... au désespoir politique et désespoir de cœur Un mandat d'arrêt est donc lancé contre lui pour complot contre la sûreté de l'État, et il doit s'enfuir en Belgique. Le gouvernement fit interdire le cumul des candidatures et aux élections du 22 septembre 1889 les boulangistes n'eurent que 44 élus contre 166 monarchistes et 366 républicains. Le boulangisme s'effondre. Deux mois après la mort de sa maîtresse, le général Boulanger se suicide le 30 septembre 1891 sur la tombe de celle-ci. Signification du boulangisme Hypothèse d'historien • Pour Zeev Sternhell, le boulangisme tient une place importante dans l'histoire politique française, première synthèse entre le nationalisme et certaines formes de socialisme, qui donnera plus tard naissance au fascisme. Cette vision est cependant minoritaire. • Le boulangisme marque probablement pour les monarchistes de l'époque le dernier espoir de restauration de la monarchie en France. Après cela, dans les années 1890, viendra la politique de ralliement des monarchistes à la République. • Le boulangisme a dédramatisé la question du socialisme en France, encore tabou quelques années après la Commune. Pour François Goguel, « le boulangisme a donné naissance à la fois au nationalisme et au socialisme moderne » (La Politique des partis sous la Troisième République). Pour René Rémond, « le boulangisme a frayé la voie au socialisme » (Les droites en France). Défaite et revanche 22 • Le boulangisme a été une étape de l'éclosion de la doctrine antinationaliste de la gauche française, qui s'approfondira sous l'affaire Dreyfus. Sentiments de l'époque • Sentiments populaires : Le boulangisme constitue à ce qui s'apparente à un mouvement socialiste si l'on considère le grand nombre de personnalité de cette mouvance comme certains blanquistes qu'il le soutiennent. En effet, Boulanger est « pour la patrie et pour le peuple »8; peuple qui « a besoin qu'on s'occupe de lui comme d'un enfant » 9. Boulanger écrit également au père Hyacinthe, le 13 avril 1888, qu'il veut « un gouvernement fort ; mais ce gouvernement ne doit pas être fort par la contrainte qu'il inspire ; il doit l'être par la confiance des masses populaires ». Pour Paul Lafargue, « le boulangisme est un mouvement populaire justifiable à beaucoup de titres. ». Cependant il regrettera cette tendance ambiguë (lettre à Engels). Mais, pour Jean Jaurès, le boulangisme est « un grand mouvement de socialisme dévoyé », un détournement de son but. Ainsi, on peut dire qu'il y eut des mouvements sociaux ou populaires, mais aucunement que le boulangisme est un mouvement socialiste. Par ailleurs, le programme politique de Boulanger est « contre le parlementarisme » 10, parlement ou siège principalement bourgeois et monarchiste : pour ces blanquistes dévoyés, le boulangisme est antibourgeois ; et pour les républicains, socialistes ou non, Boulanger est un antiparlementaire, adoptant une logique monarchiste, bref un homme dangereux pour la République. Ainsi, « M. Boulanger estime que le peuple est bon "enfant" dont il faut s'occuper avec bienveillance ! Il veut être charitable avec le peuple ! C'est là une mortelle injure, après tant d'autres, pour la fierté nationale. » 11 Pour Lissagaray, le peuple n'est aucunement naïf : « Le peuple sait que lui réservent ces bons apôtres qui disent ne lui vouloir que du bien et qui ne savent pas comprendre ses droits et respecter sa dignité. » 12 De plus, avec l'affaire Schnaebelé, la politique et les bons sentiments de Boulanger n'étaient plus crédible vis-à-vis de la République. • Sentiments politiques : C'est alors, en 1888, en réaction au boulangisme, contre le césarisme et le plébiscite de Boulanger est créée La société des Droits de l'Homme et du Citoyen par Clemenceau, A. Ranc et Joffrin. Lissagaray décrit dans Le Bilan de Boulanger, publication de la Société, toutes les réactions vis-à-vis de la politique de Boulanger; politique de droite en accord avec les royalistes et bonapartistes contre la bourgeoisie de la gauche parlementaire (d'où aussi sa popularité dans la masse ouvrières souvent de sentiment apolitique). Ainsi à ce niveau, le plébiscite, c'est à dire tendre la main au prolétaire comme Boulanger l'a fait lors des grèves et de son soutient au peuple par l'armée est politiquement biaiser; le sentiment populaire n'a plus sa place dans cette politique. L'anti-Boulangisme est donc une réaction politique du parti républicain contre une nouvelle dictature comme il y eu après chaque révolution du XIX en France. Le parti républicain de toute tendance confondu regroupe des personnalités et des groupes pas forcement politiques, mais dont les membres élu siègent à gauche de l'Assemblée : « Appartenant aux fractions diverses de la grande famille républicain, nous croyons qu'une entente entre tous ceux qui sont demeurés fidèles à la République est nécessaire pour mettre un terme à l'aventure boulangiste, si humiliante pour notre pays. [...] Nous fondons la Société des Droits de l'homme et du citoyen. Elle a pour objet la défense de la République, par la lutte sans merci contre toute entreprise de réaction de dictature. » 13 Ainsi, « Ce qui fait la force passagère de ce qu'on appelle le partie boulangiste et de ce qui n'est en réalité que la coalition de mécontents déraillés et ambitieux hypocrites, c'est que l'électeur auquel s'adresse la secte nouvelle, n'a pas eu sous les yeux toutes les pièces du procès qu'elle prétend faire à la République. ... » 14 L’état-major boulangiste Boulangistes de droite Défaite et revanche • • • • • • • • • 23 Albert de Mun, théoricien du corporatisme chrétien. Arthur Dillon, ou comte Dillon (1834-1922) (officier de cavalerie, ami de Boulanger depuis Saint-Cyr, puis secrétaire général de la Compagnie du câble transatlantique, financier du Boulangisme, élection de député invalidée en 1889) 15 Georges Thiébaud (journaliste bonapartiste) qui lance, avec Dillon, une campagne de presse « à l’américaine » (comme on dit déjà à l’époque) en faveur de Boulanger. Maurice Barrès (républicain nationaliste). Armand de Mackau (député de l’Orne en 1866-1918 (sauf 1870-1876). Un des leaders monarchistes. Après l’échec du boulangisme, se rallie à la République à l’Action libérale de Jacques Piou)15. Charles Lalou (1841-1918) (industriel, directeur des mines de Bruay, patron de presse (La France), boulangiste, député du Nord (1889-1893))15. Louis-Gaston Villemer (nationaliste militaire comme Driant ?). Émile Driant (1855-1916) (officier de zouaves, député de Meurthe-et-Moselle en 1910-1916 (Action libérale), grand écrivain d’anticipation militaire sous le nom de capitaine Danrit)15. Alfred Koechlin (1829-1895) (industriel, député du Nord en 1888-1889)15. Boulangistes radicaux • • • • • • • • • Henri Rochefort (1831-1913) (+cf avant 89 ! ! ! !, journaliste, radical de la mouvance socialiste, républicain et anticlérical, député en 1869, membre du gouvernement de la défense nationale, député de la seine de 1885 à 1886. Directeur du journal l’Intransigeant. Après le boulangisme il adhère à un socialisme national16 et s'oppose à la révision de la condamnation de Dreyfus15). Paul Déroulède (1846-1914) (journaliste-écrivain de la Revanche de 1870, jacobin social, surtout anticommunard, disciple de Gambetta, fondateur de la Ligue des patriotes en 1882, député de Charentes en 1889-1899, anti-Dreyfus)15. Alfred Naquet (1834-1916) (député du Vaucluse en 1876-1883, sénateur du Vaucluse en 1883-1890, député de la Seine en 1893-93, puis du Vaucluse en 1893-1898)15. Jean Prosper Turigny (1822-1905) (médecin, député de la Nièvre de 1876 à 1905, gauche radicalsocialiste, maire de Chantenay)15. René-Felix Le Hérissé (1857-1922), (député puis sénateur d’Ille-et-Villaine de 1886 à 1920, radical puis groupe de la gauche démocratique)15. Jean-Baptiste Saint-Martin (1840-1926) (député du Vaucluse et de la Seine en 1877-1893 et 1906-1910, radical socialiste, directeur de l’École des Beaux-Arts d’Avignon)15. Eugène Mayer (financier (Lazard Frères), il relance La lanterne en 1877, journal radical-socialiste, anticlérical), Maurice Vergoin (1850-1892) (avocat républicain radical, député de Seine-et-Oise en 18895-1889)15. Louis Andrieux (1840-1931) (avocat, député du Rhône et des Basses-Alpes en 1876-1889 et 19101924. Après le boulangisme : républicain de gauche)15. Boulangistes blanquistes • Ernest Granger (1844-1914) (leader blanquiste sous le second empire avec Blanqui, Eudes et Tridon ; Communard, cofondateur du Comité révolutionnaire central, rédacteur en chef du Cri du peuple après la mort d’Eudes, député de la Seine en 1889-1893) 15. • Alexandre Froger député de la Sarthe en 1885-1889 puis de la Mayenne en 1889-1893, socialiste chrétien. Ernest Roche (1850-1917) (ouvrier graveur, membre du comité blanquiste de Bordeaux, secrétaire de la chambre syndicale des mécaniciens, délégué des association syndicales ouvrières au Congrès socialiste de Marseille, député de la Seine en 1889-1906 et 1910-1914, un des fondateurs des soupes populaires)15. Breuillé, Gabriel Terrail dit « Mermeix » (1859-1930) (journaliste et écrivain, fonde la Cocarde (boulangiste) en 1888, député de la Seine en 1889-1893)15. • • • Boulangistes députés du « groupe ouvrier » 17 de 1885 • Charles-Ange Laisant (1841-1920)(scientifique, député de Loire-Inférieure en 1876-1885 et de la Seine en 1885-1893, dreyfusard)15. • Georges Laguerre (1856-1912) (avocat, député du Vaucluse 1883-1889 et 1910-1912 et député de la Seine en 1889-1893) 15. Défaite et revanche • • • 24 Henri Michelin (1847-1912) (juriste, président du conseil municipal de Paris en 1884, député de la seine en 1885-1889 et 1893-1898)15. Clovis Hugues (1857-1907) (premier député ouvrier socialiste en France. Réélu député de Marseille en 1885, il prend part au mouvement boulangiste. Il est député socialiste de la Seine entre 1893 et 1906 (19e arrondissement))15. Paul Susini, dit Paul de Susini (1843-1901) (médecin, socialiste, député de la Corse en 1885-1889)15. Autres boulangistes • Francis Laur (1844-1934) (député de la Loire en 1885-1889 puis de la seine en 1889-1893, socialiste national) 15. Notes 1. ↑ Paul Lafargue, Le socialisme et la conquête des pouvoirs publics [archive], 1899 2. ↑ Patrick Lagoueyte, La vie politique en France au XIXe siècle, éditions Ophrys, 1989, 166 pages, pp. 42-43 (ISBN 2708006169). ↑ Lissagaray, Bilan de Boulanger, cf. La séance du 4 juin, publication de la Société des droit de l'homme et du citoyen, 1888, p. 15 à 27. ↑ Patrick Lagoueyte, La vie politique en France au XIXe siècle, p. 42. ↑ Mermeix, Les Coulisses du boulangisme, Paris, L. Cerf, 1890, rédacteur en chef du journal boulangiste La Cocarde, élu député du VIIe arrondissement de Paris en 1889. ↑ Zeev Sternhell, Maurice Barrès et le nationalisme français, éditions Complexe, 1985, 395 pages, p. 81 (ISBN 2870271646). ↑ Jean-Louis Ormières, Politique et religion en France, Éditions Complexe, 2002, 294 pages, p. 126 (ISBN 2870279272). ↑ Lissagaray, Le bilan Boulanger, Publication de la Société des Droits de l'Homme et du Citoyen, 1888 (cf Lettre à M. Léandri, journaliste bonapartiste) ↑ Lissagaray, Le bilan Boulanger, Publication de la Société des Droits de l'Homme et du Citoyen, 1888 (cf Lettre au père Hyacinthe) ↑ Lissagaray, Le bilan Boulanger, Publication de la Société des Droits de l'homme et du citoyen, 1888 (cf Lettre à M. Léandri, journaliste bonapartiste) ↑ Lissagaray, Le bilan Boulanger, Publication de la Société des Droits de l'homme et du citoyen, 1888 (cf Lettre au père Hyacinthe) ↑ Lissagaray, Le bilan Boulanger, Publication de la Société des Droits de l'Homme et du Citoyen, 1888 (cf Lettre au père Hyacinthe) ↑ Lissagaray, Le bilan Boulanger, Publication de la Société des Droits de l'homme et du citoyen, 1888 (cf wikisource) ↑ Lissagaray, Le bilan Boulanger, Publication de la Société des Droits de l'Homme et du Citoyen, 1888 (cf wikisource) ↑ a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v Dictionnaire des Parlementaires français 1889-1940 [archive] Fiches bibliographiques des députés classées par ordre alphabétique. ↑ Gille Candar, Socialisme, nationalisme et tournant, © Cairn, 2007 [archive] ↑ A ne pas confondre avec le Parti ouvrier qui écrit « Boulanger singe Bonaparte » 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. Articles connexes • • • • • • • La Cocarde (Maurice Barrès) Georges Boulanger Troisième République Comité révolutionnaire central Ligue des patriotes Ligue de la patrie française Paul Déroulède Textes d'époque (en ordre chronologique) • • • • Paul Lafargue, La question Boulanger, Article du Socialiste, le 23 juillet 1887. Lissagaray, Le bilan de Boulanger, Publication de la Société des Droits de l'Homme et du Citoyen, 1888 sur wikisource. Le Général Boulanger et la jeunesse littéraire, Le Gaulois, 4 mai 1888. Le boulangisme et la Troisième République, extraits : o Général Boulanger, discours à la Chambre des députés, 4 juin 1888. o Chambre des députés, 4 juin 1888. o Chanson boulangiste diffusée par des "artistes" ambulants o Intervention au Sénat de Challemel-Lacourt (ancien ministre des Affaires étrangères) en décembre 1888. Défaite et revanche o 25 Arthur Meyer, Le Gaulois, 11 octobre 1889. Autres sites • Alexandre SUMPF, Histoire par l'image, La propagande boulangiste, 2008 Bibliographie • • • • • • • • • • • Adrien Dansette, Le boulangisme, Paris, Fayard, 1946, 411 p. Jean Garrigues, Le boulangisme, Paris, PUF, 1992, 125 p. Raoul Girardet, Le nationalisme français. Anthologie, 1871-1914, Paris, Seuil, 1983, 275 p. Bertrand Joly, Dictionnaire biographique et géographique du nationalisme français (1880-1900), Paris, Honoré Champion, 2005, 687 p. Bertrand Joly, Nationalistes et conservateurs en France, 1885-1902, Paris, Les Indes savantes, 2008, 390 p. Lissagaray, Le bilan de Boulanger, Publication de la Société des Droits de l'Homme et du Citoyen, 1888, 32 p. René Rémond, Les droites en France, Paris, Aubier, 1982, 544 p. Odile Rudelle, La République absolue. Aux origines de l'instabilité constitutionnelle de la France républicaine, 1870-1889, Paris, Publications de la Sorbonne, 1986, 327 p. Jean-François Sirinelli (dir.), Histoire des droites en France, 1. Politique, Paris, Gallimard, 2006, 794 p. Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire, 1885-1914. Les origines françaises du fascisme, Paris, Gallimard, 1997, 602 p. Michel Winock, La Fièvre hexagonale. Les grandes crises politiques de 1871 à 1968, Paris, Seuil, 1995, 471 p.