L`immobilier - Kurt Salmon
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L`immobilier - Kurt Salmon
26 Optimisation des ressources FICHE PRATIQUE 26 L’immobilier, un levier pour améliorer les finances des acteurs publics Édith Prat et Christophe Merveille Kurt Salmon D ans un contexte de contrainte budgétaire frappant l’ensemble des acteurs publics, l’immobilier constitue un axe majeur à la fois pour réaliser des économies sur les dépenses mais également pour identifier de nouvelles recettes. Ce levier est d’autant plus fondamental que les enjeux sont très importants sur le plan économique et que la mise en œuvre des leviers se fait sans complexité sociale particulière. La recherche d’une performance optimale de l’immobilier passe par l’action sur sept leviers distincts qui s’établissent de la manière suivante : optimiser l’emploi des surfaces, réinterroger la relation contractuelle avec les bailleurs, agir sur les coûts d’exploitation immobiliers, améliorer les recettes issues de l’immobilier, mobiliser le potentiel financier de l’actif immobilier, optimiser l’organisation de la fonction immobilière, définir le système d’information optimal. Introduction Dans les entreprises, l’immobilier constitue souvent le premier poste du bilan et le second poste de coût après les salaires. Face à ce constat, les grands utilisateurs privés se sont attachés à affirmer une fonction immobilière professionnalisée et à identifier les sources d’économies potentielles rendues possibles par la rationalisation et l’optimisation de leur patrimoine. Les décideurs publics ont initié un mouvement similaire, mais le levier immobilier est loin d’avoir été actionné chez tous les acteurs du secteur public. Au moment où les budgets des personnes publiques se resserrent, l’optimisation plus systématique de la ressource immobilière devient donc indispensable. Cela est d’autant plus souhaitable que les marges de manœuvre sont réelles, significatives et que leur mise en œuvre ne revêt pas un caractère de complexité excessif, notamment au plan social. 1. L’immobilier, un moyen mais également une ressource pour les acteurs publics L’immobilier n’est pas seulement un moyen au service des missions ou un poste de coût. Cette ressource révèle certes des gisements potentiels d’économie, mais elle peut aussi : 86 - constituer un moyen de financement complémentaire pour améliorer la structure budgétaire de la personne publique et contribuer au financement de son action ; - être déterminante dans l’instauration de nouveaux modes de fonctionnement améliorant la performance opérationnelle des métiers. 2. La performance immobilière, sept leviers interdépendants La performance immobilière peut être évaluée au travers de sept axes qui constituent chacun un levier à activer : 1. Optimiser l’emploi des surfaces ; 2. Réinterroger la relation contractuelle avec les bailleurs ; 3. Agir sur les coûts d’exploitation immobiliers ; 4. Améliorer les recettes issues de l’immobilier ; 5. Mobiliser le potentiel financier de l’actif immobilier ; 6. Optimiser l’organisation de la fonction immobilière ; 7. Définir le système d’information optimal. Pour chacun de ces leviers, l’enjeu n’est pas de même nature ni de même ampleur. Leur interdépendance nécessite de les activer simultanément. LEVIER 1 : Optimiser l’emploi des surfaces L’optimisation des surfaces est le principal levier de réduction des coûts immobiliers. REVUE DU GESTIONNAIRE PUBLIC - N° 1 FÉVRIER 2016 Optimisation des ressources Au gré des évolutions des services, les espaces de travail sont reconfigurés, laissant souvent place à des surfaces sous exploitées. Affecter les ressources immobilières en fonction des besoins et des missions, regrouper / mutualiser les sites présentant des synergies… constituent autant de pistes de rationalisation des implantations et de l’espace conduisant à libérer des surfaces pouvant alors, soit être restituées, soit cédées le cas échéant. Par ailleurs, la densification des espaces avec l’application de ratios d’occupation optimisés et l’émergence de nouvelles manières de travailler (nomadisme, espaces partagés, …) sont des axes de travail qui permettent également de libérer des m² et donc des ressources financières. À titre d’exemple, les opérateurs de l’État soumis à la production de SPSI, schéma pluriannuel de stratégie immobilière, ont fait de la réduction de surfaces un axe majeur de la réflexion immobilière. Cette réduction de surfaces visant à atteindre le ratio de 12 m² de surface utile nette par poste de travail, défini par France Domaine, a reposé sur la mutualisation de locaux et la rationalisation des espaces utilisés. LEVIER 2 : Réinterroger la relation contractuelle avec les bailleurs Le coût d’occupation d’un bien peut se trouver décorrélé des conditions de marché. Renégocier le montant des loyers avec les bailleurs peut se révéler une source non négligeable d’économies. Dans un contexte de marché baissier, les locataires sont en position de force pour renégocier leurs baux. Pour le bailleur, le risque de vacance l’incite à accepter d’entrer en négociation (montant du loyer, franchise, surface réduite, …) le plus souvent en contrepartie d’un nouvel engagement de la part du locataire. Par ailleurs, l’expérience montre que les termes d’un contrat de location sont souvent peu suivis dans le temps par le locataire et il est pertinent de procéder régulièrement à une analyse fine des montants facturés, notamment les charges, pour veiller en permanence à la bonne facturation des prestations à leur juste niveau. Le bilan de la politique immobilière de l’État de 2014 a noté que les dépenses de loyers ont été relativement maîtrisées, par renégociation de baux particulièrement onéreux, en Île-de-France et dans les métropoles régionales, et par regroupement et réduction des surfaces, à l’occasion de la RéATE. Les montants des loyers sont désormais plafonnés au mètre carré, avec des variations selon les régions. LEVIER 3 : Agir sur les coûts d’exploitation immobiliers La couverture des besoins en entretien et en maintenance présente parfois une variabilité qui se traduit dans les coûts et/ou dans la qualité. Repositionner les contrats sur le juste besoin et sur le juste prix, ou encore, modifier sa stratégie d’internalisation / externalisation des prestations immobilières peut se traduire par un allégement de la facture globale. REVUE DU GESTIONNAIRE PUBLIC - N° 1 FÉVRIER 2016 26 FICHE PRATIQUE L’Union Immobilière des Organismes de Sécurité Sociale du Var (UIOSS Var) a mené une étude comparative des coûts d’exploitation des 42 Unions par activité. Afin d’en apprécier les résultats à leur juste mesure, elle a procédé à une identification des critères pertinents de différenciation ou de convergence (rendement en surface, contraintes de l’immeuble, ancienneté du parc, niveau de prestation offert sur le site…). Ce travail a permis de déceler des potentiels d’optimisation de charges intéressants notamment sur la dimension service à l’occupant sur certains sites, et ainsi de dégager des marges de manœuvre pour l’organisme. LEVIER 4 : Améliorer les recettes issues de l’immobilier L’immobilier peut aussi être une source financière à optimiser. Un local loué à un prix dérisoire, une surface libre non proposée à la location, etc., sont autant d’exemples de recettes complémentaires possibles et à exploiter. Ce travail de recherche de la commercialité du patrimoine au travers d’occupation domaniale peut s’avérer opportun dans un contexte de resserrement budgétaire. De même, la recherche d’autres sources de revenus annexes (stationnements, antenne, affichage, capteurs photovoltaïques…) peuvent constituer des potentiels de revenus immobiliers récurrents qu’il convient d’étudier. La production des schémas directeurs immobiliers réalisés au cours des dernières années, encouragés par le Plan Campus, a donné lieu à une réflexion sur la rationalisation et à la modernisation des espaces au service des missions éducatives des universités, mais également à l’identification d’une meilleure utilisation des surfaces disponibles (nouvelles recettes locatives ou optimisation des usages tout au long de l’année). LEVIER 5 : Mobiliser le potentiel financier de l’actif immobilier L’immobilier est un actif. Il a une valeur et constitue une source potentielle de financement. La mobilisation de cette ressource se traduit par la valorisation des actifs et des capitaux investis. Il s’agit de tirer le meilleur parti du patrimoine afin de permettre une réallocation des ressources vers des investissements à plus fort rendement ou de nouveaux projets, ou encore traiter une problématique d’endettement. Une externalisation avec retour éventuel peut être envisagée en vue de remettre à niveau les actifs, d’améliorer leur performance via un partenaire et/ou de générer du « cash ». Dans le cadre du projet des plans de modernisation hospitaliers, de nombreux sites étaient voués à la désaffectation. Dans ce contexte, il a été nécessaire de déterminer, en association étroite avec les collectivités locales, des projets de reconversion satisfaisants tant sur le plan économique qu’en matière d’aménagement urbain. Ces projets se sont traduits par l’évaluation du positionnement de ce patrimoine sur le marché de l’immobilier et l’identification des meilleures stratégies de valorisation et de cession au regard de l’estimation de la valeur des sites, de leurs contraintes et potentialités en termes techniques et urba87 26 nistiques, et des attentes des collectivités locales et des centres hospitaliers quant au devenir des sites. LEVIER 6 : Optimiser l’organisation de la fonction immobilière La fonction immobilière est longtemps restée méconnue et peu structurée au sein des entreprises. Elle a cependant beaucoup évolué au cours des dernières décennies, à la fois dans son organisation et dans le champ des responsabilités couvertes. Elle est ainsi devenue une fonction reconnue sur laquelle pèsent désormais des objectifs de performance diversifiés : - répondre aux besoins des métiers en mettant à la disposition des collaborateurs des locaux adaptés ; - proposer une gamme de services de plus en plus étendue, touchant tant aux bâtiments qu’aux occupants ; - contribuer à l’amélioration du fonctionnement de l’entreprise en suscitant de nouvelles manières de travailler, en proposant des locaux adaptés aux évolutions technologiques et sociétales ; - gérer et valoriser les actifs ; - optimiser les coûts ; - offrir aux collaborateurs de la direction immobilière des parcours professionnels valorisants ; - intégrer les nouvelles technologies dans les métiers immobiliers. Dans ce contexte, on aurait pu imaginer que la fonction immobilière tende vers un modèle organisationnel homogène. Il est pourtant frappant de constater que la diversité des organisations immobilières reste grande, même si la plupart des entreprises s’accordent désormais à en reconnaître l’importance. On ne cesse ainsi de s’étonner de rencontrer des directions immobilières réunissant quelques collaborateurs seulement dans des groupes de taille mondiale et inversement des directions immobilières qui sont devenues des métiers à part entière dotées d’équipes de grande dimension dans des environnements pourtant plus limités. Il est donc intéressant de s’interroger sur une éventuelle corrélation entre performance et organisation. En d’autres termes, une organisation particulière s’impose-t-elle aujourd’hui au sein des directions immobilières comme particulièrement adaptée aux enjeux des fonctions immobilières ? Y a-t-il des effets de taille ? Cinq cas de figures apparaissent : y 1er modèle : absence de direction ; la fonction immobilière n’existe pas ; les activités immobilières sont réparties dans les directions métiers et supports. y 2e modèle : une fonction immobilière est mise en place ; le périmètre de la fonction immobilière couvre généralement la gestion des projets immobiliers complexes ou exceptionnels (construction, déménagement, …) et une capacité d’expertise aux services des métiers. Certaines fonctions sont parfois remplies, notamment l’asset management. Les métiers gardent la main sur de nombreux processus immobiliers, notamment l’exploitation. y 3e modèle : mise en place d’une direction immobilière s’inscrivant dans une logique client/fournisseur interne, mais également prescriptive de normes et de ratios s’imposant aux métiers. Des 88 Optimisation des ressources FICHE PRATIQUE systèmes analytiques sont mis en place pour mettre en évidence la réalité des coûts immobiliers. Toutes les fonctions immobilières sont couvertes. Le recours à l’externalisation est possible, pour certaines fonctions. y 4e modèle : l’immobilier n’est plus seulement une fonction, mais devient un métier à part entière, s’ajoutant au cœur de métier de l’entreprise. La fonction immobilière peut être filialisée et met donc en place des flux économiques réels entre les différentes structures. La fonction immobilière est à la recherche d’un équilibre permanent entre une posture de direction prestataire et un positionnement d’acteur économique « indépendant » mu par sa propre logique économique. y 4e modèle bis : la fonction immobilière est reconnue, affirmée… mais confiée quasi entièrement à un prestataire externe. LEVIER 7 : Définir le système d’information optimal Le système d’information constitue le support de la stratégie et le vecteur opérationnel des processus métiers. Il doit être conçu comme un levier dans la mise en œuvre des ambitions stratégiques de la structure, et non pas seulement comme l’outil qui permettra de mettre en place et de faire fonctionner les différentes activités et processus métiers. Le pilotage de la fonction immobilière, sans nécessiter un système d’information très sophistiqué, demande un minimum de référentiels et de fonctions de gestion nécessaires à la maîtrise des occupations et des coûts. Par ailleurs, l’évolution des normes d’échange de données immobilières, et plus largement les évolutions digitales du secteur, conduisent à s’interroger sur les capacités d’évolution des systèmes en vue de les rendre plus agiles et réactifs, notamment sur la dimension Service client/usager. À titre d’exemple, la Préfecture de Police de Paris a lancé le projet de refonte du système d’information du Service des affaires immobilières, afin de moderniser ses processus et ses outils dans les domaines de la gestion immobilière (référentiel patrimoine, gestion des plans, gestion locative, gestion des opérations d’investissement, gestion budgétaire …), et de la gestion de la maintenance préventive et curative des équipements techniques. Conclusion Le diagnostic de la performance sur ces différents axes est donc nécessaire à l’appréciation de la performance immobilière globale. Une fois le diagnostic établi, la recherche d’une plus grande performance passe fréquemment par : - l’élaboration d’un schéma directeur immobilier, pour anticiper les besoins et prendre des décisions immobilières éclairées ; - la définition de pratiques de gestion au plan immobilier s’inspirant des meilleurs modes de fonctionnement observés ; - l’affirmation d’une fonction immobilière dotée des compétences et des outils nécessaires. REVUE DU GESTIONNAIRE PUBLIC - N° 1 FÉVRIER 2016