Les faux-semblants d`une politique internationale

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Les faux-semblants d`une politique internationale
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Les faux-semblants d’une politique
internationale : la Société des Nations
et la lutte contre l’alcoolisme dans les
mandats (1919-1930)
PHILIPPE BOURMAUD
Résumé. Sous l’influence de mouvements coloniaux humanitaires, la Société
des Nations impose aux puissances de tutelle des ex-colonies allemandes, devenues mandats B et C, de mener une politique antialcoolique. Celle-ci constitue
ce qu’on appellerait aujourd’hui un « agenda international ». Elle est maintenue
par l’instance chargée de superviser les administrations mandataires, la Commission Permanente des Mandats, en dépit de doutes croissants sur la validité
de l’argument démographique qui contribue à la justifier : la dépopulation des
colonies censément entraînée par les importations d’alcool européen. Confrontée à l’incertitude de ses experts sur l’incidence réelle de l’alcoolisme, et à la
hausse tendantielle des importations d’alcools dans les mandats, cette commission s’en tient néanmoins à l’agenda antialcoolique, et exerce en la matière
une influence normative manifeste sur l’exercice colonial du pouvoir dans les
mandats.
Mots-clés. alcoolisme, Commission Permanente des Mandats, expertise internationale, normativité internationale
Abstract. Influenced by humanitarian colonial movements, the League of
Nations imposed an anti-alcohol policy on the powers that administered the
former German colonies as B mandates and C mandates. The policy is best
understood by what is known today as an “international agenda.” Despite
increasing doubts about the demographic arguments used to justify it, namely
the supposed depopulation of the colonies by European alcohol imports, the
Permanent Mandates Commission that supervised the governments of the various mandates insisted that mandatory administrations should enforce it. Faced
with its own experts’ uncertainties about the real incidence of alcoholism, and
with the overall growth of alcohol imports in the mandates, the commission
Philippe Bourmaud, maître de conférences en histoire contemporaine, Université Jean Moulin–Lyon 3.
CBMH/BCHM / Volume 30:2 2013 / p. 69-90
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stuck nonetheless to its anti-alcohol agenda, exerting a definite normative influence on the way the colonial powers ruled the mandates.
Keywords. alcoholism, Permanent Mandates Commission, international expertise, international normativity
M. RAPPARD déclare que le premier devoir de la Commission est de veiller au
bien-être des indigènes. Le meilleur index de la mesure dans laquelle ce bienêtre est sauvegardé se trouvera dans les statistiques de mortalité et de morbidité,
et il serait peut-être utile d’insister pour que ces statistiques fussent enregistrées
avec plus de soin. Des rapports récents montrent que la population indigène
diminue, ce qui n’existait pas avant l’arrivée de la population blanche. [...] La
question se pose de savoir si la décroissance de la population indigène est due
à l’alcool ou aux maladies spéciales causées par le choc de la civilisation, ou si
elle provient d’un effort intensif en vue de développer le pays pour des raisons
purement économiques. C’est la plus importante question que la Commission
des mandats a à examiner1.
A la Société des Nations (SDN), les territoires sous mandat sont un des
rares cadres de discussion sur l’alcoolisme : le thème, évité le plus souvent
parce qu’il oppose pays producteurs et États antialcooliques, est l’objet
d’une attention spéciale de la part de la CPM, veillant au respect par les
puissances mandataires de leurs obligations vis-à-vis des « indigènes »2.
L’alcoolisme est laissé à l’action souveraine des États. Comment expliquer que les mandats fassent exception? A cela, des raisons institutionnelles : en vertu du traité de Versailles, l’attribution de la tutelle imposée
aux provinces de l’Empire ottoman et aux ex-colonies allemandes s’accompagne d’une série d’obligations internationales, matérialisées par les
chartes des mandats (ou pour l’Irak, par un traité). Au classement des
mandats en catégories A, B et C3, correspondent des degrés décroissants
de « civilisation » et d’aptitude supposée à l’autonomie politique, et des
obligations internationales orientant l’action publique4. La lutte contre
l’alcoolisme figure parmi celles inhérentes aux seuls mandats B (Afrique
centrale) et C (Sud-Ouest Africain et Pacifique), ce qui contraint les puissances de tutelle à démontrer l’avoir mise en œuvre.
Ces facteurs institutionnels n’expliquent cependant pas seuls l’importance de la question de l’alcool dans les débats de la CPM tout au long
des années 1920. Pour en rendre compte, il faut comprendre comment
celle-ci exerce ses fonctions normatives. C’est à la fois une institution de
supervision et une arène où des experts aux opinions diverses relayent
ce qu’on appellerait aujourd’hui des « agendas internationaux »5, priorités pérennes de l’action publique internationalisée dont les modalités
sont conditionnées par les rapports de force géopolitiques, l’impératif
de consensus inter-étatique dans les institutions internationales et leur
fonctionnement bureaucratique.
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Les agendas internationaux sont résilients; l’antialcoolisme colonial
reste à l’ordre du jour, malgré une hausse tendancielle de la consommation dans les mandats qui inviterait à conclure à l’échec des mesures
relatives au commerce de l’alcool prônées par la CPM, voire, comme ici
William Rappard (1883-1958), à questionner leur bien-fondé. Pourtant, la
volonté politique de renoncer à cet agenda international et les données
scientifiques qui le justifieraient font défaut; et c’est là qu’intervient le
rôle normatif de la CPM.
GENESE D ’UN AGENDA INTERNATIONAL : L’ANTIALCOOLISME
COLONIAL
L’alcool, la traite et la race
Avant de devenir un agenda international, l’antialcoolisme colonial est
un mouvement qui tire ses justifications d’une histoire de longue durée,
avec l’occupation européenne des Amériques. Devant l’expansion coloniale de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, les partisans d’une
colonisation civilisatrice et les organisations antialcooliques jettent l’opprobre sur le commerce de l’alcool vers les colonies en évoquant le souvenir de ses effets tragiques durant cette première époque coloniale6,
moins sur les populations natives des Amériques au seizième siècle qu’il
aurait contribué à décimer7, que sur les Africains, du fait de son usage
comme monnaie d’échange dans la traite esclavagiste atlantique8. Le
commerce de l’alcool rappelle un passé d’immoralité.
Cependant, c’est surtout sur une anthropologie qui pose la race
comme déterminant des caractéristiques morales des populations 9
que ces mêmes mouvements s’appuient pour réclamer le contrôle ou
l’interdiction du commerce de l’alcool vers les colonies. Les colonisés
d’Afrique et du Pacifique sont réputés racialement incapables de résister à la tentation de l’alcool, il faut donc les protéger de l’objet de leur
désir10.
Alcool, commerce et groupes de pression
C’est en réaction à la continuation du commerce de l’alcool vers l’Afrique
subsaharienne après l’interdiction de la traite atlantique, en 1815, que les
groupes de pression antialcooliques développent un argumentaire spécifique pour cette partie du monde11. Les alcools vendus aux Africains,
désignés péjorativement comme « alcool de traite »12, restent un des
principaux articles d’exportation européenne vers l’Afrique. Pour les
tenants de la « mission civilisatrice » européenne, médecins et missionnaires en tête, l’instauration de relations commerciales avec ce continent est civilisatrice, mais avec le commerce de l’alcool, la « civilisation »
fait au contraire courir un risque sanitaire et moral aux « indigènes »13.
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Le Dr Charles Harford, médecin, missionnaire et militant antialcoolique
britannique, secrétaire du Comité Uni contre le Trafic des Alcools chez
les Tribus Indigènes (CUTATI), affirme ainsi en 1899 que « [le] but [des
premiers colonisateurs de l’Afrique] était d’apporter aux Indigènes du
Continent des Noirs les bienfaits de la civilisation, et non pas de les
dégrader par l’introduction de l’alcool étranger14 ».
Les administrations européennes qui s’installent à partir de l’expansion coloniale de la fin du dix-neuvième siècle ont généralement un
point de vue plus froidement économique, fondé sur les besoins fiscaux
de la colonie alimentés par les droits sur les importations d’alcool15 et
la recherche de débouchés. En 1897, Alfredo Freire de Andrade (18591929), artisan de la colonisation portugaise du Mozambique et futur
membre de la CPM, estime
[qu’il] serait facile, dans l’intérieur du district [de Lourenço Marques], d’ouvrir le
marché à nos vins blancs, additionnés pour la circonstance d’aguardiente, lesquels sont aujourd’hui préférés à l’alcool, non seulement parce que les Caffres
les apprécient réellement, mais, plus encore, parce qu’ils pensent, en en buvant,
se rapprocher des blancs; les missionnaires suisses du district ont obtenu qu’un
grand nombre de Caffres cessent de s’enivrer à l’aguardiente, leur conseillant de
boire seulement du vin, qu’ils consomment consciencieusement16.
L’Afrique apparaît vite un débouché décevant. Pour l’essentiel, les
« alcools de traite » sont des gins néerlandais17 et des schnaps d’Allemagne18; mais les autres États coloniaux préfèrent engranger les droits
de douane perçus sur ces importations que d’exercer contre elles, et au
nom de l’antialcoolisme, un protectionnisme déguisé.
Mouvements antialcooliques et administrateurs coloniaux ne constituent pas des camps opposés : nombre des seconds sont imprégnés
des idées des premiers, notamment sous l’influence des missionnaires.
Freire de Andrade se lie ainsi d’amitié avec un des missionnaires suisses
de Lourenço Marques, l’ethnologue et théologien Henri-Alexandre
Junod (1863-1934), qui séjourne au Mozambique du printemps 1894 à
janvier 189619; dans les années 1920, ce dernier dirige le Bureau International de Défense des Indigènes (BIDI)20, qui promeut activement
l’antialcoolisme colonial. Dans la mouvance du CUTATI, se trouve dans
les années 1890 un autre futur membre de la CPM, Frederick Lugard
(1858-1945), administrateur du Nord Nigéria21.
L’antialcoolisme colonial n’est cependant ni incontesté, ni monolithique. Il a des opposants résolus, comme l’anthropologue Mary Kingsley, qui considère les Africains autant capables de résister à la tentation
de l’alcool et contre qui Lugard bataille dans la presse britannique22. Du
reste, le discours de Freire de Andrade cité plus haut présente un mouvement antialcoolique divisé quant à ses fins, avec des missionnaires
partisans de la tempérance (le contrôle de la consommation d’alcool), et
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des partisans de la prohibition intégrale, dont de nombreux médecins.
Le cas de Lugard, souhaitant éradiquer le commerce de l’alcool à ses
débuts, et le contrôler par une fiscalité élevée ensuite, montre en outre
que les positions des antialcooliques peuvent varier23.
Alcoolisme et dépopulation coloniale
Cette variabilité d’opinion est renforcée par l’absence de données
fiables sur l’incidence de l’alcoolisme. Définir celui-ci reste complexe
aujourd’hui; c’est une gageure avant les travaux biostatistiques de Jellinek24 : les pays viticoles font alors barrage à l’examen épidémiologique
de la consommation des boissons fermentées, qui atteindrait leurs intérêts économiques. Les mouvements antialcooliques coloniaux tiennent
cependant le commerce de l’alcool pour responsable de la dépopulation
de l’Afrique25. Le lien causal entre les deux phénomènes est d’autant
moins établi que les statistiques coloniales sont le plus souvent incertaines26. Il est d’ailleurs contesté dès avant 1914, quand on observe au
Nigéria que la population du sud, la plus exposée au commerce de l’alcool, ne semble pas pour autant affectée par celui-ci27. Cette incertitude n’empêche pas les mouvements antialcooliques de promouvoir
leur agenda auprès des gouvernements coloniaux et des institutions
internationales.
Pour démontrer l’incidence de l’alcoolisme, on analyse les variations
du volume des importations d’alcool enregistrées en douane. Le Bulletin de la Société de pathologie exotique, une des principales publications
françaises du domaine, adopte ces chiffres comme indicateur de la
consommation28; mais ils sont doublement inadéquats pour mesurer
l’alcoolisme. D’une part, ils excluent une importante donnée de consommation, les alcools autochtones29. D’autre part, les médecins coloniaux
échouent à exhiber l’incidence pathogène de l’alcool. Le Dr Gustave
Martin compile les observations de ses collègues, fondées sur une poignée de cas, dans le Cameroun occupé par la France durant la Première
guerre mondiale et ne constate pas d’influence décisive de l’alcool sur
la grippe ou les affections nerveuses et mentales30. Ses sources donnent
des évaluations très contradictoires de l’alcoolisme proprement dit,
allant de « l’éthylisme très fréquent chez les sujets d’un certain âge31 » à
l’absence « de symptômes sérieux d’imprégnation chronique, telles que
cirrhose du foie et polynévrite32 ». Les jugements sur la dépopulation
par l’alcool sont également ambigus.
Le multilatéralisme antialcoolique des conférences internationales d’avantguerre
Les mouvements antialcooliques n’ont pas besoin d’établir statistiquement le lien causal entre alcoolisme et dépopulation coloniale. La
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croyance en cette relation influence de toute façon les conférences internationales qui, avant 1914, instaurent un régime particulier de l’alcool
en Afrique.
Quatre conférences diplomatiques internationales se tiennent avant
guerre, en 1889-1890, 1899, 1906 et 1912, reflétant les priorités des partisans de la colonisation civilisatrice. L’Acte général adopté au terme de la
première, tenue à Bruxelles, fixe le cadre d’un contrôle du commerce de
l’alcool européen en Afrique, du 20e parallèle nord au 22e parallèle sud,
« largement » sous l’influence du CUTATI selon son secrétaire honoraire,
Harford33.
Le système qui résulte de ces conférences ménage les mouvements
antialcooliques et les administrations coloniales, préoccupées par leurs
finances. L’alcool est autorisé dans les régions côtières, moyennant une
fiscalité renforcée à l’importation; à l’intérieur des terres, un régime de
prohibition est prévu, mais par difficulté à surveiller les frontières, il est
largement contourné. A la conférence de 1912, la France refuse d’instaurer de telles zones dans ses colonies34, et l’échec qui s’ensuit illustre
une caractéristique essentielle de ces rencontres : le multilatéralisme, les
puissances signataires s’engageant souverainement. L’internationalisme
d’après-guerre donne en revanche un rôle aux organisations internationales de Genève face aux empires coloniaux, notamment à travers les
mandats.
L’ANTIALCOOLISME COLONIAL, ENJEU DE L’INSTAURATION DES
MANDATS
La Grande guerre relance l’antialcoolisme colonial, malgré la division
des opinions publiques et des États vainqueurs sur le sujet. Le contrôle
de l’alcool en Afrique est renforcé par les traités de paix, et un régime
particulier prévu pour les mandats : comment expliquer ce revirement
par rapport à 1912?
Un agenda imposé par certaines opinions publiques
L’antialcoolisme colonial bénéficie en 1919 d’une conjoncture favorable,
du fait de l’influence, sur les opinions publiques, des mouvements de
réforme de la colonisation. Ceux-ci voient dans la supervision internationale des mandats une application de leur programme35, et militent
pour l’inscription de la prohibition du commerce de l’alcool dans les
mandats et colonies au programme de la Conférence de la Paix36.
Sur ce thème, cependant, les opinions publiques nationales sont
moins unies que sur le principe du mandat. En France, l’alcool a gagné
une légitimité durant le conflit, comme le rappelle Daudet Bancel, participant français au Congrès international antialcoolique d’Anvers en
1924, qui s’élève contre « ce pinard français dont on ne parle qu’avec respect
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Figure 1
Carte: Les zones de prohibition définies en vertu de l’Acte général de Bruxelles (1890).
(Source: Commission permanente des mandats, Procès-verbaux de la Troisième session tenue à
Genève du 20 juillet au 10 août 1923 (Genève: Société des Nations, 1923), p. 261.)
depuis que nos viticulteurs se sont aperçus et proclament que c’est à lui que
nous devions la victoire »37. Au lendemain de la guerre, c’est pourtant
l’émergence d’une opinion publique internationalisée qui s’impose, et
persuade les négociateurs des traités d’aborder l’alcoolisme colonial.
L’édulcoration progressive des obligations antialcooliques internationales
Le renouveau de l’antialcoolisme colonial38 a été préparé en amont, plusieurs mois avant la fin des hostilités, par les mouvements antialcooliques et certains administrateurs coloniaux39. Parmi ces derniers, les
uns désirent profiter de la chute des importations d’alcool aux colonies
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depuis 191440 pour renoncer aux rentrées douanières qu’elles procurent,
comme Lugard qui se flatte d’avoir équilibré les finances de la colonie
du Nigéria en 1917 sans ces recettes41, et que la mouvance antialcoolique
montre en exemple42. Les autres espèrent instaurer un régime protectionniste sur l’alcool.
Malgré ces soutiens, les nouvelles dispositions internationales
concernant l’alcool colonial sont progressivement édulcorées. L’article
22 du Pacte de la SDN, inclus dans le traité de Versailles signé le 28 juin
1919, prévoit dans les futurs mandats B la prohibition rigoureuse de
l’alcool43, mais il ne représente qu’un état conjoncturel des rapports de
force internationaux. Ceux-ci se sont déjà modifiés avec la convention
de Saint-Germain-en-Laye signée le 10 septembre 1919, qui révise le
régime de l’alcool dans les colonies d’Afrique. Elle instaure un consensus a minima entre puissances victorieusesdivisées44, et prévoit dans la
zone définie par l’Acte général de Bruxelles, mandats y compris, l’interdiction des boissons alcoolisées contenant des produits réputés nocifs
pour la santé, comme l’absinthe, et des « alcools de traite »45. Des tensions entre les groupes de pression coloniaux et délégués britanniques,
et leurs homologues italiens, conduisent à laisser la définition de cette
dernière expression aux pouvoirs coloniaux46.
La rédaction des chartes des mandats B et C adoptée en décembre
192047, représente un nouvel adoucissement. Les mandats C déclarent
qu’il est « interdit de fournir des spiritueux et des boissons alcooliques
aux indigènes du territoire »48, mais les mandats B évoquent seulement
un « contrôle sévère » de son commerce49, malgré les protestations des
mouvements antialcooliques, qui réclament l’application intégrale de la
prohibition contenue dans l’article 22 du Pacte50. L’antialcoolisme colonial survit comme agenda international, mais au prix d’un hiatus entre
le Pacte et les chartes mandataires, la prohibition s’appliquant aux seuls
mandats C51.
Des groupes de pression antialcooliques offensifs mais divisés
Mobilisés à l’avance, les groupes de pression intéressés à la question de
l’alcoolisme colonial suivent de près l’adoption du nouveau régime de
l’alcool. Dès la publication, le 14 février 1919, du projet d’Article 2252,
une conférence internationale d’étude sur l’alcoolisme est organisée
pour le mois d’avril suivant53, qui demande l’extension de la prohibition
prévue pour les mandats à toute la zone d’application de l’Acte général
de Bruxelles en Afrique54.
Les archives de la SDN montrent comment ces organisations
antialcooliques s’efforcent d’influencer en coulisses le système naissant des mandats. Jusqu’après la ratification des mandats B en juillet
1922, des organisations antialcooliques très diverses font assaut de
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correspondance sur le Secrétaire Général de la SDN, que le Secrétariat
de l’organisation filtre en fonction de la représentativité de l’expéditeur,
évacuant les groupes au « caractère apparemment local55 ». Ne sont
transmis au Conseil, instance exécutive de la SDN, que les pétitions et
mémorandums des groupes de pression importants, tels le National
Council of Women of Great Britain and Ireland56 ou l’United Kingdom
Alliance57. L’instauration des mandats est une aubaine pour ces mouvements, dont certains maintiennent une communication régulière avec
les instances compétentes de la SDN : le BIDI, le Bureau International
contre l’Alcoolisme de Lausanne (BICA)58, le CUTATI 59, et la Fédération
Internationale pour la Protection des Races Indigènes contre l’Alcoolisme. Le secrétaire de cette dernière, Harford, exprime d’ailleurs en
novembre 1920 le désir de tisser une « relation spéciale » avec la SDN,
qui cherche alors des relais non gouvernementaux pour mener à bien
ses missions60.
Cependant, ce front est fragile. La conférence d’études de 1919, examinant l’article du Pacte relatif aux mandats, achoppe sur la définition
du mot « alcool ». Les organisations américaines mettent sous ce terme
toute boissons alcoolisée61 mais les délégués représentant la Ligue Nationale contre l’alcoolisme française (LNA)62 défendent la position nationale officielle : les boissons fermentées, loin d’être nocives en quantité
modérée, sont au contraire des « boissons hygiéniques »63, vantées par
les pastoriens. Le terme d’alcool, avec sa charge de nocivité, est réservé
en français aux boissons distillées64. La conférence d’études adopte en
définitive les restrictions demandées par la LNA65, qui agit en instrument des intérêts économiques et viticoles français : elle est représentée
par le fondateur de l’Union Coloniale française (UC), Joseph Chailley66,
qui « [depuis] quinze ans [en 1925] […] à la Ligue antialcoolique défend
le vin67 ». Ces divisions annoncent celles entre experts de la CPM.
ARÈNE ET ACTRICE : LA COMMISSION DES MANDATS
Un rôle normatif incertain
C’est la CPM qui, au cours de l’entre-deux-guerres, donne à l’antialcoolisme colonial une influence efficace. Il s’agit pourtant d’une institution
aux pouvoirs limités, parfois divisée, qui n’a ni rôle exécutif dans les
mandats, ni pouvoir d’y dépêcher une enquête68. Comment a pu se
créer une sphère normative autonome autour de la question de l’alcoolisme, centrée sur la CPM?
Une première raison tient à la nouveauté de sa mission de supervision de l’action des puissances mandataires, dont les acteurs étatiques
et non gouvernementaux ignorent encore la portée, même si la composition de la commission, dominée par d’anciens coloniaux, est faite pour
rassurer les puissances mandataires sur ses intentions.
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Les mouvements antialcooliques attendent beaucoup de cette institution, qui à leurs yeux doit faire des mandats le laboratoire des politiques de l’alcool dans le monde colonial. Au début des années 1930,
le directeur du BICA, le Suisse Robert Hercod, note rétrospectivement
qu’avec l’article 22, « les réformateurs partisans de la tempérance […]
espéraient que la prohibition introduite dans les territoires sous mandat
serait contagieuse et que, progressivement, elle deviendrait la norme en
Afrique69 ». Le rôle de la CPM se révèle plus modeste.
Les attentes des mouvements antialcooliques n’étaient pas absurdes :
la CPM tend bien à étendre progressivement ses prérogatives, notamment sur la question de l’alcool. Elle entre en conflit ainsi avec les aspirations des puissances mandataires à la souveraineté, celles de la France
en particulier. Paul Beau, membre français de la Commission, lutte pied
à pied contre l’expansion du rôle de la CPM, s’opposant ainsi en 1923 à
la discussion par la CPM de la consommation d’alcool par la population
européenne des mandats, car « la Commission [...] a à s’occuper du sort
des indigènes et non des blancs70 ». Il se retrouve néanmoins isolé au
sein d’une commission dont la majorité fait davantage cas du caractère international des mandats. Les incertitudes entourant l’étendue
des pouvoirs de la CPM ont facilité son autonomisation vis-à-vis des
membres de la SDN.
Un débat de deux experts
Cependant, le principal canal de l’influence normative de la CPM réside
dans son pouvoir d’examen des rapports annuels des puissances mandataires, des pétitions qui sont adressées à la SDN relativement aux
mandats, et des questions générales que lui soumettent le Conseil et
l’Assemblée des États membres de la SDN. Dans cette tâche, la CPM
fonctionne comme une arène, où s’opposent les visions prohibitionnistes et régulatrices, incarnées par les deux principaux protagonistes
du débat sur l’alcoolisme, Freire de Andrade et Lugard.
Le premier, gouverneur du Mozambique de 1906 à 1910, affirmait
alors : « [je] pars du principe que le noir doit boire, et que ceci restera vrai
pour longtemps encore – pour toujours, même, je crois – et, partant,
nous devons tirer de ce vice des résultats possibles, dans la mesure où il
en va de même des blancs71 ». A la CPM, la prohibition qu’il prône n’est
toujours pas totale, mais devrait exclure temporairement les boissons
fermentées, car « l’exemple des États-Unis montre que si un État disposant de telles ressources financières et de telles forces policières ne peut
empêcher complètement le commerce de l’alcool, on ne pourrait songer
à interdire complètement ce commerce en Afrique, où il y a une police
insuffisante et dont les frontières sont ouvertes72 ». Si ses vues rejoignent
ainsi les intérêts viticoles du Portugal, c’est plutôt lui qui influence la
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politique antialcoolique du pays dans ses colonies, étant d’après Robert
Hercod l’artisan en 1922 d’un décret de prohibition de l’alcool dans
l’Afrique portugaise73.
Lugard, de son côté, ne devient membre de la CPM qu’en 1923, mais
s’y impose immédiatement comme l’expert le plus écouté sur la question de l’alcool, reprochant à Freire de Andrade de présenter des vues
inapplicables74. Il a beaucoup évolué depuis les années 1890, notamment à la suite de ses fonctions de gouverneur de Hong Kong qui l’ont
confronté au commerce d’un autre « paradis artificiel », l’opium75 : il
est désormais partisan d’une double approche de l’alcool, sécuritaire76
par les tarifs douaniers et le marché d’un côté, et disciplinaire77, par le
conditionnement à boire moins et des boissons moins fortes de l’autre.
Ces vues l’amènent d’ailleurs à critiquer l’instauration de la prohibition
totale de l’alcool pour les « indigènes » dans les mandats C, qui pousse
à la transgression. Inversement, il défend la bière comme substitut aux
alcools de traite :
A mon sens, la fabrication sur place et la vente, dans des conditions d’hygiène
parfaite, d’une bière légère ne titrant pas plus de 6 degrés d’alcool, pourraient
avoir des résultats pratiques excellents. Le goût amer plaît aux Africains et il
est possible que l’on arrive ainsi à supprimer, non seulement la demande de
spiritueux distillés, mais également dans une large mesure l’usage de boissons
fermentées indigènes, d’un effet beaucoup plus puissant78.
Les incertitudes assumées de la CPM
Tous les membres de la CPM se revendiquent de l’antialcoolisme colonial, y compris Freire de Andrade et Lugard, mais chacun lui donne
une portée différente. Caractéristique des agendas internationaux, le
traitement de l’antialcoolisme colonial à la CPM est marqué par l’inertie
institutionnelle de celle-ci : malgré les incertitudes de certains de ses
membres, elle renonce à en interroger le bien-fondé.
Ainsi, l’opposition entre Lugard et Freire de Andrade naît de leurs
prémisses opposées sur la dépopulation des « indigènes ». A la différence de son homologue portugais, Lugard n’y croit pas79. A ses yeux,
l’alcool est un problème économique plus que sanitaire : « [ce] qu’il faudrait obtenir, c’est que l’argent dépensé en alcool serve plus utilement à
acheter des objets de ménage, des instruments agricoles, des vêtements,
etc., et relever ainsi le niveau de la vie indigène80 ».
La divergence entre les deux hommes se manifeste spécialement
lorsque la CPM discute de questions générales comme la définition,
dans les mandats, des alcools de traite prohibés par la Convention de
Saint-Germain. Dans un rapport de 1923, Lugard en propose une qui
met en avant leur finalité, le commerce et le troc à destination exclusive
des « indigènes », et par voie de conséquence leur coût bien inférieur
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aux autres alcools européens81. Selon lui, la lutte contre les alcools de
traite doit passer par un jeu sur les prix qui les rendent aussi onéreux
que les alcools de qualité82. Freire de Andrade récuse l’idée qu’il faille
distinguer entre « indigènes » et Européens, car pour les uns et les
autres, « les statistiques montrent que l’alcool fait proportionnellement
plus de ravage aux colonies qu’en Europe83 ». Ces positions l’isolent
dans la commission, mais plus fondamentalement, il se heurte à un
refus de principe de toucher aux obligations mandataires, qui en l’espèce encadrent la consommation d’alcool des seuls « indigènes ». La
CPM s’en tient au régime dysfonctionnel de l’alcool établi entre 1919
et 1921.
Pourtant, dans le détail des débats, l’hypothèse des ravages de l’alcool dans les colonies divise la CPM; pour preuve, le désir manifesté
épisodiquement par ses membres d’enrichir les données statistiques
touchant à l’alcoolisme. Ils demandent d’abord la normalisation des
statistiques sur le commerce d’alcool, base de leur information : la
CPM insiste auprès des puissances mandataires récalcitrantes, comme
le Japon en 1922 et 192384, pour obtenir des données étayées sur les
importations d’alcool aux Îles des Mers du Sud sous mandat japonais.
Cette insistance finit par payer et révèle une consommation importante,
qui d’après le représentant accrédité, est liée à la présence à Saïpan de
colons venus du sud de l’archipel japonais, gros consommateurs d’alcools forts85. La demande d’information statistique est perçue comme
un dévoilement de la réalité du gouvernement mandataire, et constitue
ainsi pour la CPM un outil d’influence privilégié.
Plusieurs membres de la CPM désirent aller au-delà des statistiques
commerciales, qui ne renseignent pas sur les conséquences démographiques de l’alcool. Lugard propose, en 1923, d’ajouter au questionnaire
un point sur le nombre de « cas d’ivrognerie », sans succès86. Dès la
première session de la CPM, Freire de Andrade insiste sur la nécessité
d’évaluer la production d’alcools autochtones, parmi d’autres demandes
en vue d’une typologie plus fine des boissons, par nature et par titrage.
De façon caractéristique cependant, « la Commission décide qu’il vaut
mieux ne pas entrer dans trop de détails et différencier les produits fermentés des produits non fermentés », pour ne pas entrer dans un débat
très politique sur la nocivité de l’alcool87, qui toucherait aux intérêts
des pays producteurs. A posteriori, Hercod déplore ce refus de la CPM
d’enrichir les informations sur la consommation, qui empêche une réelle
approche statistique de l’alcoolisme88.
Celle-ci révèle l’impasse de l’antialcoolisme colonial, car la consommation d’alcool, pour autant qu’elle soit mesurable, apparaît en hausse
tendancielle dans les mandats africains au milieu des années 1920, à la
faveur de la prospérité économique89. La CPM n’en insiste que davantage pour que les gouvernements mandataires durcissent leurs politiques antialcooliques.
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Des mouvements antialcooliques aux États : la conférence antialcoolique de
Genève (1925)
La septième session de la CPM, en octobre 1925, marque le point
d’orgue des débats sur le rôle de l’alcoolisme dans la dépopulation des
colonies : une séance publique de la commission, consacrée aux principales questions générales abordées depuis 1921, conduit les membres de
la Commission à constater leurs désaccords de principe90, et à s’entendre
pour travailler désormais sur la base de la Convention de Saint-Germain
et des chartes des mandats. La chaleur des débats de la septième session
s’explique en partie par la tenue d’une grande conférence antialcoolique
internationale, organisée à Genève par le BICA le mois précédent91.
La conférence de Genève marque un double tournant. Tout d’abord,
elle réunit à la fois des mouvements antialcooliques, des organisations
internationales et des États92; les organisations non gouvernementales tendent à partir de 1925 à s’effacer derrière les acteurs étatiques.
Ensuite, l’antialcoolisme colonial y amorce un changement d’argumentaire : devant la commission des questions coloniales de la conférence,
Henri-Alexandre Junod propose une résolution abandonnant l’idée
de dépopulation, et décrivant les boissons alcoolisées comme « intoxicantes93 ». Cette nouvelle terminologie vise à assimiler l’alcool à l’opium
et aux autres psychoactifs, prohibés par une convention internationale
au début de 192594.
La conférence de Genève se répercute à la CPM, parce que le délégué portugais y est Freire de Andrade, qui reprend les positions de son
ami Junod95. Galvanisé, Freire de Andrade évoque la conférence à trois
reprises durant la septième session, notamment en séance publique,
à l’appui de la prohibition de l’alcool96. Isolé sur cette position, il bat
cependant en retraite, et s’associe par la suite au consensus sur la politique antialcoolique dans les mandats, en particulier aux propositions
de définition des alcools de traite faites par Lugard en 192697, finalement
acceptées par toutes les puissances mandataires en 192898. La CPM s’en
tient désormais clairement à faire appliquer la convention de Saint-Germain et les mandats, refusant notamment toute assimilation entre alcool
et psychoactifs.
Le temps des États
A la suite de la conférence de Genève, les mouvements antialcooliques
sont relayés par les États prohibitionnistes d’Europe du Nord, qui s’efforcent d’obtenir la reconnaissance de l’alcoolisme comme problème
social et sanitaire international99. En septembre 1926, la Finlande, soutenue par d’autres pays d’Europe du Nord, dépose une résolution à
l’Assemblée de la SDN pour initier une enquête internationale sur les
effets des mesures contre l’alcoolisme. Adoptée en 1928, la résolution
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finlandaise inclut un volet spécifiquement colonial et mandataire de
« documentation qui devrait s’étendre à titre de comparaison, aux colonies voisines non soumises au mandat, mais relevant, en ce qui concerne
l’alcool, de la Convention de Saint-Germain-en-Laye100 ».
C’est en apparence une victoire pour les mouvements antialcooliques
coloniaux , qui laisse espérer une action internationale contre le commerce de l’alcool à l’échelle des empires. Elle reste pourtant sans lendemain devant le refus de l’Organisation d’Hygiène de la SDN (OHSDN),
en 1930, de mener une enquête épidémiologique sur l’alcoolisme, où
que ce soit101.
D’ultimes tentatives des mouvements antialcooliques visant à
étendre la question de l’alcool colonial au-delà des mandats, en 19301931, buttent sur le rôle des États. Le BIDI cherche à obtenir des puissances signataires de la Convention de Saint-Germain sa révision,
d’abord sous l’égide de la SDN et avec l’expertise de la CPM, puis dans
un cadre strictement multilatéral102; mais il se heurte au souverainisme
des puissances coloniales, hostiles au cadre international proposé. De
plus, les délégués du BIDI perçoivent la crainte des États devant le coût
politique et économique de la révision d’une convention103. Remplacer
le consensus obtenu en 1919 s’avère impossible, alors que l’alcool reste
source de vives oppositions entre États.
L’INFLUENCE NORMATIVE DE LA CPM
La CPM, instance divisée, a-t-elle exercée une influence normative effective? Sans doute la réalité coloniale de l’exercice du pouvoir dans les
mandats la masque-t-elle. Les agendas internationaux agissent indirectement, de façon souvent parcellaire et paradoxale, et tel apparaît bien
l’antialcoolisme colonial promu par la CPM.
Une influence qui ne mord pas sur le monde médical
Le monde médical français, qui s’inquiétait régulièrement de l’alcoolisme colonial avant guerre ne semble plus guère s’y intéresser au temps
des mandats, accompagnant un reflux général de l’antialcoolisme en
métropole. De 1917 à 1931, ni le Bulletin de la Société de pathologie exotique,
ni les Annales d’Hygiène et de médecine coloniale n’évoquent ce thème,
même une seule fois, non plus que la revue de la Ligue des Sociétés
de la Croix-Rouge, Vers la Santé, par ailleurs intéressée aux questions
internationales et coloniales104 et à l’alcoolisme105. Les deux thèmes ne
se mélangent pas.
Il y a peut-être là l’effet d’un doute sur la pertinence démographique
de la question dans la communauté scientifique médicale, mais aussi
celui d’un cloisonnement entre les expertises. Non seulement l’OHSDN,
qui s’intéresse aux mandats à travers les épidémies, la malaria ou la
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santé publique106, évite le sujet; mais les membres de la CPM abordent
l’alcool comme une question strictement coloniale, sans solliciter d’experts des questions sanitaires.
Une préférence des puissances mandataires
Pour leur part, les administrations mandataires, pressées par la CPM,
ont indubitablement durci leur législation au fil des années 1920 :
en 1927, c’est en référence explicite aux exigences de la SDN que les
importations d’alcool au Cameroun français sont contingentées pour
les « indigènes » comme pour les Européens107, décision qui rencontre
des résistances de la part de ces derniers108 et que le gouverneur du
territoire, Marchand, tempère rapidement, ne voulant pas « imposer
aux Européens qui désirent acheter quelques bouteilles d’apéritif, ou
prendre quelques consommations sur les terrasses d’un café, l’obligation
d’aller solliciter une autorisation à la Circonscription109 ».
Est-ce pour autant que les puissances de tutelle mettent plus diligemment en œuvre l’agenda international de l’antialcoolisme colonial
sous la pression de la CPM? La chronologie indique parfois l’inverse : en
application de la Convention de Saint-Germain, le gouverneur d’AOF
promulgue un décret définissant les alcools de traite le 15 mai 1921, qui
entre en application au mois de janvier suivant110. C’est plusieurs mois
plus tard seulement, le 2 septembre 1922, qu’est publié un décret équivalent pour le Togo111, calqué sur celui d’AOF. C’est dans son domaine
colonial souverain que le gouvernement français teste sa définition de
l’alcool de traite, avant de l’étendre au mandat.
Conditionner les « indigènes »?
Parmi les mesures qui marquent le durcissement des politiques antialcooliques mandataires, certaines traduisent une volonté de conditionner
les comportements des « indigènes », conformément à l’approche disciplinaire de Lugard. Citons l’interdiction de la vente de l’alcool au verre,
adoptée en janvier 1928 par l’administration française du Togo112, et la
promotion du vin, distribué en abondance par les chefs de circonscription camerounais pour les fêtes du 14 juillet113.
Il est cependant délicat d’évaluer l’incidence spécifique de la CPM
sur la population soumise aux mandats, puisque celle-ci est toujours
médiatisée par l’État colonial. Faute de témoignages exprimant une voix
subalterne114, comment savoir si les injonctions de la CPM sont connues
comme telles des populations sous mandat? L’Humanité, porte-drapeau
de la presse anticoloniale française, n’évoque pas l’alcool dans les mandats. Dans le Cameroun des années 1920, la presse destinée aux « indigènes », produite par des missionnaires, des Européens ou l’administration coloniale115, en parle sur un mode paternaliste. La revue bilingue
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français-bulu de la mission protestante américaine du Cameroun français, Mefoé, associe dans un même éloge la prohibition aux États-Unis et
la politique antialcoolique du mandat : « [nous] sommes bien contents
parce que les Français ne permettent pas qu’on vende de l’alcool dans
les Territoires du Cameroun, car les boissons alcooliques font beaucoup
de mal aux personnes qui en consomment116 ». Rien de ce discours n’appartient en propre à la CPM; mais elle contribue à le maintenir à l’ordre
du jour, envers et contre les changements socio-économiques importants que connaissent les sociétés sous mandat.
CONCLUSION : UN AGENDA INTERNATIONAL À LA SDN
La mise en œuvre de l’antialcoolisme colonial dans les mandats vérifie deux idées générales sur les agendas internationaux. Tout d’abord,
un agenda international n’a pas besoin de reposer sur base empirique
rigoureuse pour être adopté. Malgré les doutes sur les ravages supposés
de l’alcoolisme au sein même de la CPM, l’agenda antialcoolique reste à
l’ordre du jour jusqu’à la fin des mandats.
En outre, la permanence d’un agenda international doit surtout aux
logiques organisationnelles, et notamment au coût du remplacement
d’un consensus inter-étatique toujours difficile à réunir. L’introduction
du thème de l’alcool dans les mandats a résulté d’une conjoncture géopolitique dont la fragilité est démontrée par l’édulcoration rapide des
obligations internationales antialcooliques dans les mandats B; mais ces
obligations constituent ensuite un invariant de l’action de la CPM, ce
que facilite la présence de vétérans de l’antialcoolisme colonial parmi
ses membres. Ce dernier survit à la thématique de la dépopulation des
« indigènes », qui s’estompe à la fin des années 1920. A contrario, les tentatives externes pour lui redonner une pertinence, en internationalisant
son étude ou en proposant une révision de la Convention de Saint-Germain, achoppent sur l’impossibilité d’atteindre le consensus entre États.
L’inefficacité reconnue des mesures antialcooliques n’empêche donc pas
leur maintien, mais dans un cadre strictement colonial, cloisonné par
rapport aux milieux de la santé publique par exemple.
Le contrôle de l’alcool dans les mandats, malgré son échec apparent dans les statistiques, a eu des effets normatifs parfois durables : le
conditionnement du goût des populations sous mandat pour la bière
a renforcé la tendance à la popularisation de cette boisson, largement
consommée au Togo et en Namibie aujourd’hui. Force est de constater
pourtant que ces effets sont sans commune mesure avec les motivations
raciales, démographiques et sanitaires de l’antialcoolisme colonial.
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Notes
1 Commission permanente des mandats (ci-après CPM), Procès-verbaux de la sixième
session tenue à Genève, du 26 juin au 10 juillet 1925 (Genève : Société des Nations, 1925),
p. 48.
2 Iris Borowy, Coming to Terms with World Health : The League of Nations Health Organisation 1921-1946 (Francfort-sur-le-Main : Peter Lang, 2009), p. 164 ; Archives du
ministère français des Affaires étrangères, La Courneuve (ci-après : AMAEC), Service
français de la SDN (ci-après : SF SDN), 1821, « Note pour la direction politique »,
Genève, 16 septembre 1924.
3 Les mandats A sont ceux de Palestine (Transjordanie incluse), de Syrie-Liban et
d’Irak. Le Togo et le Cameroun, partagés entre la France et la Grande-Bretagne,
sont sous mandat B, tout comme le Tanganyika sous tutelle britannique et le Ruanda-Urundi confié à la Belgique. Le Sud-Ouest Africain sous mandat sud-africain,
Nauru sous mandat de l’Empire britannique, le Samoa occidental sous mandat
néo-zélandais, la Nouvelle-Guinée sous mandat australien et les « Îles des Mers du
Sud », ex-colonies allemandes du Pacifique au nord de l’Équateur échues au Japon,
forment la catégorie C.
4 Roger Heacock, « Le système international aux prises avec le colonialisme : les délibérations sur la Palestine dans la Commission Permanente des Mandats de la Société
des Nations », dans Nadine Méouchy et Peter Sluglett, eds., The British and French
Mandates in Comparative Perspectives / Les Mandats français et anglais dans une perspective
comparative (Leyde : Brill, 2004), p. 129-142; et Toby Dodge, « International Obligation,
Domestic Pressure and Colonial Nationalism : The Birth of the Iraqi State under the
Mandate System », dans Méouchy et Sluglett, The British and French Mandates, p. 143164.
5 Gautier Pirotte, « Etudier les sociétés civiles dans le contexte du nouveau paradigme
de l’aide internationale », Mondes en Développement, 159 (2012 / 3) : 11-28.
6 Frederick Lugard (lord), The Dual Mandate in British Tropical Africa (Londres : Frank
Cass & Co. Ltd., 1965 (1ère éd. : 1922)), p. 597.
7 William B. Taylor, Drinking, Homicide and Rebellion in Colonial Mexican Villages
(Stanford : Stanford University Press, 1979), p. 34; et Peter C. Mandall, Deadly Medicine : Indians and Alcohol in Early America (Ithaca : Cornell University Press, 1995), p. xi.
8 Susan Diduk, « European Alcohol, History, and the State in Cameroon », African
Studies Review, 36, 1 (avril 1993) : 1-42.
9 Hannah Arendt, « Race-Thinking before Racism », The Review of Politics, 6, 1 (janvier
1944) : 36-73.
10 Henri-Alexandre Junod, Edouard J. Junod, F. O. Hefti et Louis Rolli, Comment Résoudre
le problème de l’alcool en Afrique. Second mémoire présenté par le Bureau International pour
la Défense des Indigènes aux gouvernements qui ont ratifié la Convention de Saint-Germainen-Laye, sur le régime des spiritueux en Afrique (Genève : Bureau International pour la
Défense des Indigènes (ci-après BIDI), 1931), International Council on Alcohol and
Addictions (ICAA) Library – DATA, Université des Sciences Appliquées de Magdeburg-Stendal, Allemagne (ci-après : ICAA Library – DATA), p. 5.
11 L’histoire des politiques antialcooliques dans l’Afrique coloniale a suscité une ample
littérature sur le terrain colonial. Citons, sans prétention à l’exhaustivité : Emmanuel
Akyeampong, Drink, Power, and Cultural Change : A Social History of Alcohol in Ghana,
c. 1800 to Recent Times, coll. « Social History of Africa Series » (Oxford et Portsmouth :
James Currey, 1996) ; Charles Ambler, « Alcohol, Racial Segregation and Popular
Politics in Northern Rhodesia », The Journal of African History, 31, 2 (1990) : 295-313 ;
Charles Ambler et Jonathan Crush, eds., Liquor and Labor in Southern Africa (Athens et
Pietermaritzburg : Ohio University Press et Natal University Press, 1992) ; Anna L.
Bennetts et Charles D.H. Parry, Alcohol Policy and Public Health in South Africa (Oxford
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et Le Cap : Oxford University Press, 1988) ; Kettil Bruun, Lynn Pan, et Ingemar
Rexed, The Gentlemen’s Club: International Control of Drugs and Alcohol (Chicago :
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Jellinek, The Disease Concept of Alcoholism (New Haven : Hillhouse, 1960).
Sur le débat sur la dépopulation des colonies à la suite des conquêtes européennes
du dix-neuvième siècle, voir notamment : Gwyn Campbell, « The State and Pre-Colonial Demographic History : The Case of Nineteenth-Century Madagascar », Journal of
African History, 32/3 (1991) : 415-445 ; Raymond R. Gervais et Issiaka Mandé, « Comment compter les sujet de l’Empire? Les étapes d’une démographie impériale en
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et Jean-Paul Sanderson, « Le Congo belge entre mythe et réalité. Analyse du discours
démographique colonial », Population (version française), 55e année, 2 (mars-avril 2000) :
331-355.
Sur la fiabilité déficiente des recensements coloniaux, voir notamment : Magali Barbieri, « De l’utilité des statistiques démographiques de l’Indochine française (18621954) », dans Annales de Démographie historique, 113 (2007/1), p. 85-126.
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87
27 Margery Perham (dame), Lugard. The Years of Authority 1898-1945. The Second Part of the
Life of Frederick Dealtry Lugard Later Lord Lugard of Abinger P.C., G.C.M.G., C.B., D.S.O.
(Londres : Collins, 1960), p. 560-561.
28 A. Kermorgant, « L’alcoolisme dans les colonies françaises », Bulletin de la Société de
pathologie exotique, 2, 6 (1909) : 330-340 et 7 (1909) : 346-353 ; Charles Nicolas, « L’alcoolisme en Nouvelle-Calédonie », Bulletin de la Société de pathologie exotique, 3, 3 (1910) :
175-181 ; Paul Remlinger, « Les progrès de l’alcoolisme au Maroc », Bulletin de la
Société de pathologie exotique, 5, 9 (1912) : 747-752 ; et François Sorel, « Tuberculose et
alcoolisme à la Côté d’Ivoire », Bulletin de la Société de pathologie exotique, 5, 10 (1912) :
855-859.
29 Ambler, « Alcohol, Racial Segregation and Popular Politics », p. 295-296.
30 Gustave Martin (Dr.), L’Existence au Cameroun : études sociales, études médicales, études
d’hygiène et de prophylaxie (Paris : E. Larose, 1921), p. 145, 275.
31 Martin, L’Existence au Cameroun, p. 270.
32 Martin, L’Existence au Cameroun, p. 405.
33 Harford-Battersby, Le Trafic des spiritueux, p. 4.
34 Archives Nationales d’Outre-Mer, Aix-en-Provence (ci-après ANOM), 100 APOM
(Archives de l’Union Coloniale française) 677, de Joseph Chailley à Henry Simon, de
Paris, 31 janvier 1919.
35 Michael D. Callahan, Mandates and Empire. The League of Nations and Africa, 1914-1931
(Brighton et Portland : Sussex Academic Press, 1999), p. 52-53.
36 Archives de la SDN, Genève (ci-après ASDN), 1 R 29, de Norah Green à sir Eric Drummond, de Londres, 3 mars 1921.
37 ANOM, 100 APOM 677, Gustave Julien à Joseph Chailley, de Paris, 6 novembre 1924
(souligné dans l’original).
38 « L’alcool aux colonies. Le commerce du vin doit rester libre », La Dépêche coloniale et
maritime, n° 6423, 4-5 mai 1919, p. 1.
39 ANOM, 100 APOM 677, d’Albert Blackburn à Frédéric Riémain, de Londres, 8 mai
1918; ANOM, Fonds ministériels du ministère des Colonies (ci-après FM) Affaires
politiques 397, d’Henry Simon au gouverneur général d’Afrique Equatoriale Française, Paris, 1 juin 1918.
40 Michel Larchain, « L’alcool dans nos colonies. Faut-il se contenter de nouveaux droits
d’entrée? », La Dépêche coloniale et maritime, n° 6481, 13-14 juillet 1919, p. 1.
41 Perham, Lugard. The Years of Authority, p. 561.
42 ASDN, 1 R 29, CUTATI, The Thirty-Second Annual Report of the United Committee for
the Prevention of the Demoralization of the Natives Races by the Liquor Traffic (1918-1919)
(Londres : CUTATI, 1919), p. 10.
43 Article 22, Pacte de la Société des Nations, 28 juin 1919.
44 Michel Larchain, « Un grave problème », La Dépêche coloniale et maritime, n° 6471, 2
juillet 1919, p. 1.
45 Bruun, Pan et Rexed, The Gentlemen’s Club, p. 167-168.
46 Lynn Pan, Alcohol in Colonial Africa (Helskinki et Uppsala : The Scandinavian Institute
of African Studies, 1975), p. 45.
47 Callahan, Mandates and Empire, p. 58-59.
48 Article 3, Mandat pour le Samoa allemand, 17 décembre 1920.
49 Michel Larchain, « Alcool et pays à mandat », La Dépêche coloniale et maritime, n° 7071,
22 juillet 1921, p. 1.
50 ASDN, 1 R 29, mémorandum adressé au secrétariat de la SDN par Charles Harford
et A.E. Blackburn, Westminster, le 26 juillet 1921 ; lettre de J. Rewcastle Woods, grand
secrétaire de l’Ordre international des bons templiers, à sir Eric Drummond, de Brockley, 5 septembre 1922.
51 Sur l’histoire de la prohibition de l’alcool dans ces territoires, notamment ceux du
Pacifique : Mac Marshall, « A History of Prohibition and Liquor Legislation in Papua
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New Guinea, 1884-1963 », IASER Discussion Paper, 33 (1980) : 1-24 ; Mac Marshall,
ed., Through a Glass Darkly : Beer and Modernization in Papua New Guinea, (Boroko :
Papupa New Guinea Institute for Applied Social and Economic Research, 1982) ; et
Mac Marshall et Leslie B. Marshall, « Holy and Unholy Spirits : The Effects of Missionization on Alcohol Use in Eastern Micronesia », Journal of Pacific History, 11, 3
(1976) : 135-166.
52 Michel Larchain, « L’Article 19 et l’Antialcoolisme », La Dépêche coloniale, n° 6400, 1
avril 1919, p. 1.
53 Bureau International Contre l’Alcoolisme, Dixième rapport pour les années 1917-1919
(Lausanne : BICA, 1919), ICAA Library – DATA, p. 2-3.
54 Michel Larchain, « L’Article 19 et l’Antialcoolisme », La Dépêche coloniale, n° 6402, 8
avril 1919, p. 2.
55 ASDN, 1 R 29, commentaire de William Rappard, 25 mars 1921.
56 ASDN, 1 R 29, de sir Eric Drummond à Norah E. Green, Genève, 11 mars 1921.
57 ASDN, 1 R 29, de William Rappard à J. J. Hatch, Genève, 21 janvier 1921 ; auteur
illisible à William Rappard, 11 janvier 1921.
58 Bruun, Pan, et Rexed, The Gentlemen’s Club, p. 168.
59 ASDN 1 R 29, mémorandum du CUTATI à la SDN, Londres, 31 mai 1920.
60 ASDN 13 R 1008, Charles Harford à Henri Hoffer, Londres [novembre 1920].
61 Larchain, « L’Article 19 et l’Antialcoolisme », 8 avril 1919, p. 2.
62 Sur l’histoire de la LNA : Didier Nourrisson, Le Buveur du XIXe siècle (Paris : Albin
Michel, 1990), p. 223-306.
63 « Les noces de Cana. La fraude des vins en AOF », La Dépêche coloniale, n° 8355, 24
novembre 1925, p. 1.
64 Michel Larchain, « L’alcool dans nos colonies », La Dépêche coloniale, n° 6481, 13 et 14
juillet 1919, p. 2.
65 Larchain, « L’Article 19 et l’Antialcoolisme », 8 avril 1919, p. 2.
66 ANOM, 100 APOM 677, vœux adressés par Charles Harford et F. [sic : en fait, Joseph]
Chailley à la Conférence de la Paix, 2 avril 1919, annexés à la lettre d’Albert Blackburn
à Joseph Chailley, Londres, 24 avril 1919.
67 ANOM, 100 APOM 677, note anonyme destinée à Barthe, Buhan, et Maxwell, sans
date [1925].
68 Elizabeth van Maanen-Helmer, The Mandates System in Relation to Africa and the Pacific
Islands (Londres : P.S. King, 1929), p. 139.
69 Hercod, Alcohol in the African Colonies, p. 2.
70 CPM, Procès-verbaux de la Troisième session tenue à Genève du 20 juillet au 10 août 1923
(Genève : Société des Nations, 1923), p. 19.
71 Alfredo Augusto Freire de Andrade, Relatórios sobre Moçambique, 2 (Lourenço
Marques, Imprensa Nacional de Moçambique, 1949-1950), 1, p. 3.
72 CPM, Procès-verbaux de la Septième session tenue à Genève, du 19 octobre au 30 octobre 1925
(Genève : SDN, 1925), p. 88.
73 Hercod, Alcohol in the African Colonies, p. 4.
74 CPM, Septième session, p. 89.
75 Perham, Lugard. The Years of Authority, p. 561-562.
76 A partir de Michel Foucault, on peut distinguer entre gouvernementalité sécuritaire, fondée sur l’usage de normes régulatrices, et gouvernementalité disciplinaire,
reposant sur l’intériorisation des normes imposées aux sujets jusqu’à l’automatisme.
Michel Foucault, Sécurité, Territoire, Population. Cours au Collège de France, 1977-1978,
coll. « Hautes Etudes » (Paris : Gallimard Seuil, 2004), p. 8-50.
77 Michel Foucault, Surveiller et punir (Paris : Tel Gallimard, 1975), p. 161.
78 CPM, Troisième session, p. 258.
79 Perham, Lugard. The Years of Authority, p. 561.
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Les faux-semblants d’une politique internationale
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80 CPM, Procès-verbaux de la Quatrième session, tenue à Genève du 24 juin au 8 juillet 1924
(Genève : SDN, 1924), p. 137-138.
81 CPM, Troisième session, p. 151.
82 CPM, Quatrième session, p. 137.
83 CPM, Troisième session, p. 18.
84 CPM, Procès-verbaux de la Deuxième session, tenue à Genève du 1er au 11 août 1922
(Genève : SDN, 1922), p. 14; Troisième session, p. 83.
85 CPM, Procès-verbaux de la Septième session, tenue à Genève du 19 octobre au 30 octobre
1925, (Genève : SDN, 1925), p. 83.
86 CPM, Troisième session, p. 260.
87 CPM, Procès-verbaux de la première session tenue à Genève du 4 au 8 octobre 1921 (Genève :
SDN, 1921), p. 31.
88 Hercod, Alcohol in the African Colonies, p. 4.
89 CPM, Procès-verbaux de la Dixième session, tenue à Genève, du 4 au 19 novembre 1926
(Genève : SDN, 1926), p. 112-113.
90 CPM, Septième session, p. 91.
91 MAE, SF SDN 1821, sans auteur [Robert Hercod] à Aristide Briand, de Lausanne, 12
juin 1925.
92 MAE, SF SDN 1821, du consul général de France à Genève à Aristide Briand, de
Genève, 7 septembre 1925.
93 CPM, Septième session, p. 205.
94 Harumi Goto-Shibata, « The International Opium Conference of 1924-25 and Japan »,
Modern Asian Studies, 36, 4 (octobre 2002) : 969-991.
95 ANOM, 100 APOM 677, de Gustave Julien à Joseph Chailley, de Paris, 6 septembre
1925.
96 CPM, Septième session, p. 46, p. 88, 205.
97 CPM, Dixième session, p. 176-177.
98 CPM, Procès-verbaux de la Quatorzième session, tenue à Genève du 26 octobre au 13
novembre 1928 (Genève : SDN, 1928), p. 14.
99 MAE, SF SDN, 1821, « Note pour le service français de la Société des Nations », de
Paris, 6 août 1927.
100 MAE, SF SDN 1821, de H. Holma à Fouques-Duparc, de Paris, 16 août 1928.
101 Borowy, Coming to Terms, p. 164.
102 BIDI, L’Alcoolisme en Afrique et la Convention de Saint-Germain-en-Laye. Mémoire présenté
par le Bureau International pour la Défense des Indigènes aux gouvernements qui ont ratifié
la Convention de Saint-Germain-en-Laye sur le régime des spiritueux en Afrique (Genève :
BIDI, 1930), ICAA Library – Data, p. 6 ; Hercod, Alcohol in the African Colonies, p. 4.
103 Junod, Junod, Hefti et Rolli, Comment Résoudre, p. 14-15.
104 « L’oeuvre de la Croix-Rouge au Congo belge », Vers la Santé, IX, 7 : 240-245 ; Jules
Colombani (Dr.), « L’hygiène publique au Maroc », Vers la Santé, VIII, 8 (août 1927) :
273-288.
105 « L’alcool et l’enfant », Vers la Santé, IX, 7 (juillet 1928) : 258-264, et 9 (septembre 1928) :
320-330.
106 Borowy, Coming to Terms, p. 129 ; Sandra M. Sufian, Healing the Land and the Nation :
Malaria and the Zionist Project in Palestine, 1920-1947 (Chicago : The University of
Chicago Press, 2007), p. 195-197 et p. 212-213 ; Sylvia Chiffoleau, Genèse de la Santé
publique internationale. De la peste d’Orient à l’OMS (Rennes : Presses Universitaires de
Rennes, 2012), p. 233-245.
107 ANOM, FM Affaires Politiques 1035, de Marchand au ministre des Colonies, de
Yaoundé, 8 janvier 1928.
108 Diduk, « European Alcohol », p. 12.
109 ANOM, FM Affaires Politiques 1035, circulaire de Marchand aux chefs de circonscription de Garoua, Kribi et Douala, de Yaoundé, 2 avril 1927.
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philippe bourmaud
110 ANOM, 100 APOM 677, « Circulaire. Contrôle des boissons alcooliques » en AOF, de
Dakar, 14 janvier 1922.
111 SDN, Rapport Annuel du gouvernement français sur l’administration sous mandat des territoires du Togo pour l’année 1924 (Genève : SDN, 1925), p. 12.
112 ANOM, FM Affaires Politiques 1035, du secrétaire général du Commissariat de la
République française au Togo au ministre des Colonies, de Lomé, 31 octobre 1928.
113 Luc Ndepe, « La Fête du 14 juillet 1929 à N’Kongsamba », La Gazette du Cameroun, 53,
15 août 1929, p. 1.
114 Gayatri Spivak, « Can the Subaltern Speak? », dans Cary Nelson et Lawrence Grossberg, eds., Marxism and the Interpretation of Culture (Urbana : University of Illinois
Press, 1988) : 271-313.
115 Erik Essoussé, La Liberté de la presse écrite au Cameroun. Ombres et lumières, coll. « Cameroun » (Paris : L’Harmattan, 2008), p. 63.
116 « Courte histoire des Missions protestante [sic] au Cameroun », Mefoé. Journal de la
Mission Protestante Américaine du Cameroun, 112, (septembre 1924) : p. 119.