Recht in Afrika - Rüdiger Köppe Verlag

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Recht in Afrika - Rüdiger Köppe Verlag
Recht in Afrika
Law in Africa · Droit en Afrique
Zeitschrift der Gesellschaft für afrikanisches Recht
2013 · Heft 2
16. Jahrgang
Rüdiger Köppe Verlag Köln
Redaktion:
Wilhelm J.G. Möhlig (verantw.), Hatem Elliesie, Harald Sippel, Ulrich Spellenberg,
Ulrike Wanitzek
Anschrift:
Prof. Dr. Wilhelm J.G. Möhlig, Institut für Afrikanistik,
Universität zu Köln, 50923 Köln
Telefon: (49) (2233) 76775
Telefax: (49) (2233) 978642
E-Mail: [email protected]
“Recht in Afrika / Law in Africa / Droit en Afrique” is a double peer reviewed academic journal published by the Gesellschaft für afrikanisches Recht e.V. / African Law
Association (Germany).
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RÜDIGER KÖPPE VERLAG
Postfach 45 06 43
50881 Köln
Deutschland
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Herstellung: Klever GmbH, Bergisch Gladbach / Deutschland
ISSN 1435-0963
ISBN 978-3-89645-813-1
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Inhaltsverzeichnis · Table of contents · Table de matières
Justine Diffo Tchunkam
La dynamique du droit commercial général de l’OHADA issu de la réforme
du 15 décembre 2010
123
François Narcisse Djamé
La coutume, source de droit en droit administratif camerounais :
réflexions à partir d’un malentendu
149
Samuelson Freddie Khunou
Traditional Leadership: Law and Politics of Local-Central Government
Structures in Botswana
167
Samuel E. Ojogbo
Single Decker Dissolution of Double Decker Marriages in Nigeria:
A Revisit
183
Berichte und Überlegungen · Reports and reflections · Rapports et réflexions
Oyekanmi Adewoye
The Legal Implications of Negligence in Medical Practice in Nigeria
203
Serge Paulin Akono Evang
L’administration et processus électoral au Cameroun : le désir étatique
constant de l’administration
221
Recht in Afrika 2013: 123-147
Justine Diffo Tchunkam*
La dynamique du droit commercial général de l’OHADA
issu de la réforme du 15 décembre 20101
Résumé
La difficulté à cerner la théorie de la commercialité s’intensifie
aujourd’hui sous l’effet de la mondialisation des structures du droit.
De même, les mutations sociales et la pression des faits économiques
représentent aujourd’hui les deux principales menaces à la stabilité du
droit et influencent les réformes juridiques dans le système OHADA.
Si bien que le droit ne cesse de se renouveler, allant d’innovations en
réglementations successives par l’éclosion de nouvelles notions. Ainsi
en est-il du droit commercial général qui devient pratiquement le
« droit des activités économiques » par sa faculté à saisir et à encadrer
aussi bien tous les actes de la vie économique que la plupart des acteurs intervenant dans l’environnement des affaires. De l’orthodoxie
juridique à l’opportunité pratique des lois, l’OHADA s’ouvre à l’économie numérique en jetant les bases de la cyber-législation par la consécration de la neutralité technologique et de l’équivalence fonctionnelle des résultats comme gage de la fiabilité de l’environnement complexe des infrastructures technologiques. Bien que ce nouvel environnement soulève des problématiques aussi sensibles que celle des applications technologiques dans les processus législatifs, il n’en fallait
pas plus pour asseoir l’assurance-qualité du droit OHADA comme
facteur d’attractivité des économies africaines.
1. Dans la dynamique des grandes mutations du monde des affaires, celle provo2
quée par la réforme de l’Acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général
intervenue à Lomé le 15 décembre 2010 est porteuse d’enseignements. Pourtant, à la
vérité, l’ampleur des aménagements et amendements enregistrés pourrait paradoxalement en susciter d’autres, tant on a le sentiment que le législateur aurait bien
pu faire preuve d’un peu plus d’audace sur certains points du droit. Ce goût
d’inachevé justifie du reste notre aventure scientifique confortée par l’observation de
J.-L. Bergel qui, face aux innovations constantes de la pratique doublées de la complexité galopante des échanges commerciaux, constate que
le droit ne cesse d’évoluer dans un monde qui change. Les juristes travaillent
[…] pour traiter des réalités de la vie et des relations humaines, politiques,
économiques et sociales qui ne cessent de se développer et de se transformer.
On ne peut alors se contenter de ce que l’on connaît fort bien en droit positif
et qui risque de ne pas suffire pour répondre à de nouvelles situations et à de
*
1
2
Chargée de cours, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université de Yaoundé II,
Cameroun.
Analyse de prospective juridique délivrée à la suite de notre ouvrage : Droit des activités
économiques et du commerce électronique : l’esprit du droit commercial général issu de
la réforme du 15 décembre 2010, Paris, L’Harmattan, 2011.
Ci-après : AUDCG.
124
Recht in Afrika 2013
nouveaux besoins. Il faut donc tenter d’inventer d’autres instruments et
d’autres méthodes, d’imaginer des solutions nouvelles, d’anticiper sur un
3
droit en perpétuel devenir.
Ce travail d’anticipation emprunte alors à l’exégète l’interprétation intertextuelle de
la loi et au constructivisme l’approche prospective pour tenter la conceptualisation
des moules aptes à contenir « la nouvelle commercialité » adoptée par le législateur
OHADA.
2. A cet égard en effet, la reconsidération des conceptions classiques de la commercialité côtoie habilement la mise en forme des bases juridiques de la cyberlégislation de l’OHADA. Elle s’opère tout d’abord à travers un double mouvement
de déconstruction de certains repères classiques de la commercialité et de recon4
struction d’une critériologie pratique adaptée à l’environnement modernisé des
5
affaires. Ensuite, nourri de la substance économique , le droit des affaires amorce
son entrée dans l’économie numérique (et c’est le moins que l’on puisse dire) par la
reconfiguration de l’environnement global des affaires aux fins de simplification des
formalités et de dématérialisation des procédures. L’on voit alors se dessiner la
6
roche sédimentaire délicatement tracée par l’actualité économique de l’OHADA
qui, en construisant des passerelles transversales entre le droit civil et le droit commercial, finit par ériger en règles de droit des théories telles que l’équivalence fonctionnelle des résultats, la neutralité technologique. La question qui préoccupe la
doctrine cependant demeure celle de l’opportunité du maintien de la terminologie
« droit commercial général » après le séisme législatif du 15 décembre 2010 au
regard des aménagements structurels engendrés par l’environnement global des
affaires. Cette problématique soulevée en son temps par certains experts avisés du
7
droit comparé des affaires , révèle en soi tout l’intérêt scientifique de la conciliation
8
des concepts émergents du droit des affaires dans les processus législatifs. Ceux-ci
postulent la prise en compte des données économiques comme critères d’évaluation
3
4
5
6
7
8
J.-L. Bergel, « A la recherche des concepts émergents en droit », Recueil Dalloz, 2012,
p. 1567; dans le même sens, consulter P. Le Cannu (dir.), D’un code à l’autre : le droit
commercial en mouvement, Paris, 2008 ; P. Bloch / S. Schiller (dir.), Quel code de commerce pour demain ?, Paris, 2007 ; Cour de cassation et Institut André Tunc (sous l’égide
de), Bicentenaire du code de commerce : la transformation du droit commercial sous l’impulsion de la jurisprudence, Paris, 2008 ; Association du Bicentenaire du code de commerce, Bicentenaire du code de commerce, 1807–2007, Paris, 2008.
Cette occurrence impose par conséquent une redéfinition de vecteurs de la commercialité
qui tienne compte de la présence de nouveaux intervenants de la vie économique.
Rappelant ici F. Geny pour qui « [l]e droit resterait comme un mécanisme tournant à vide
s’il n’était constamment approvisionné et nourri de la substance économique », cité par P.
Vasilesco, L’œuvre de F. Geny et ses résultats : recueil d’études sur les sources du droit
en l’honneur de F. Geny, tome II, Paris, 1981, p. 57.
J. Foyer, « L’actualité et le législateur », Actualité et droit, Les Petites Affiches (LPA),
2005, n° 138, p. 13.
Voir l’analyse faite par B. Martor et S. Thouvenot, « L’uniformisation du droit des affaires en Afrique par l’OHADA », Semaine Juridique, Juris-Classeur périodique (JCP),
Cahiers de droit de l’entreprise, 2004, n° 5, pp. 5-11 ; dans le même sens, J. LohouesOble, « Innovations dans le droit commercial général », Les Petites Affiches, 2004,
n° 205, p. 8.
Pour aller plus loin dans cette notion, voir l’ouvrage de E. Le Dolley (dir.), Les concepts
émergents en droit des affaires, Paris, 2010.
Diffo Tchunkam · La dynamique du droit commercial général de l’OHADA
125
de l’efficacité du droit des affaires dont le dynamisme, assez impressionnant, impose
sans cesse de nouvelles structures, de nouveaux procédés de production et de commercialisation et un constant renouvellement des opérations juridiques.
3. Pour la clarté de l’analyse, l’on s’attachera dans un premier temps à détecter
aussi bien des points de la réforme qui augurent une transformation profonde du
paysage juridique de la commercialité des acteurs et des actes de commerce dans
l’espace OHADA que des notions en gestation susceptibles de substituer au droit
commercial général la plasticité des cadres juridiques du droit économique (I). Dans
un second temps, l’on admettra l’opportunité et les défis d’une cyber-législation
communautaire consacrant des fondements juridiques indispensables à l’essor de
l’économie numérique dans le continent africain (II).
I
L’ampleur du séisme législatif de 2010 sur la commercialité et l’environnement des affaires
4. Droit spécial, droit d’exception, droit des professions lucratives, le droit commercial, encore connu comme le droit commun des affaires et parfois aussi comme le
9
droit économique , est toujours appréhendé à travers sa double distanciation subjective (droit des commerçants) et objective (droit des opérations commerciales) par
rapport au droit civil, droit commun des relations privées. Mais quelle que soit son
évolution à travers les âges, cette double distanciation n’a jamais permis de définir,
encore moins de contenir de manière satisfaisante la matière. L’OHADA n’a pas
échappé à cette difficulté axiologique qu’entretient le droit commercial. Pour la
surmonter, il faudrait encore rechercher et identifier dans la loi elle-même les nouvelles assises de la commercialité adoptées par l’OHADA (A), en même temps que
les repères juridiques de l’environnement très compétitif de l’économie numérique
(B) commandée par la dématérialisation des opérations du commerce international.
A La commercialité reconfigurée
5. Le commerçant se reconnaît à la nature des actes qu’il fait, et la nature des actes
dépend de la qualité de celui qui les fait. Ainsi postulée, la question demeure encore
aujourd’hui celle de l’adoption d’un critère général et univoque de la commercialité.
Il faudrait aller plus au fond et creuser dans l’esprit du législateur de 2010 pour
découvrir qu’en réalité, le droit commercial général de l’OHADA traverse une
profonde reconfiguration des critères de la commercialité susceptible de l’ériger en
un véritable droit commun des activités économiques (1). En outre, l’intensité du
séisme législatif de 2010 a débouché sur des régimes juridiques particuliers (2)
10
11
reconnus à certains acteurs économiques ainsi qu’à des institutions classiques du
droit commercial.
9
10
11
En faisant l’économie de toute polémique conceptuelle, voir « Introduction », dans
L. Vogel, Traité de droit des affaires : du droit commercial au droit économique, tome 1,
Paris, 2010.
C’est le cas de l’entreprenant.
Bail commercial, Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, clientèle commerciale,
écrit, signature, etc.
126
Recht in Afrika 2013
1 L’esprit de la réforme : du droit commercial au droit des activités économiques
6. L’AUDCG réformé s’applique à tout commerçant, personne physique ou morale
y compris toutes sociétés commerciales dans lesquelles un Etat ou toute autre personne de droit public est associé, ainsi que tout groupement d’intérêt économique,
dont l’établissement ou le siège social est situé sur le territoire de l’un des Etats
parties au Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique. En outre,
le champ d’application de l’AUDCG a été reprécisé entre autres pour inclure un
12
nouvel acteur dans le champ de la commercialité . A cet effet, un alinéa 2 a été
introduit à l’article 1er, lequel soumet aux règles du droit commercial général les
personnes physiques ayant opté pour l’exercice du commerce sous le statut d’entre13
prenant . Ce que le texte ne dit pas, c’est que l’OHADA saisit pratiquement la plupart des intervenants de la vie économique, du simple fait de leur présence et de
14
l’importance de leurs activités professionnelles dans la chaîne des activités économiques, quelle que soit leur nature.
7. Cette précision étant faite, il est important de souligner que le point de mire du
processus législatif opéré dans l’espace OHADA repose essentiellement sur des considérations d’ordre téléologique, la finalité du droit réformé étant d’adapter les nouvelles dispositions légales aux besoins et particularismes des économies africaines.
Ainsi compris, pour éviter les dérives habituellement constatées dans les processus
de réformes, des notions transversales ont été identifiées et consacrées dans l’optique de renforcer l’architecture juridique des affaires en faveur de l’unicité des
sources et des règles, mais également de répondre aux exigences de sécurité juri15
dique et économique liées à la globalisation des échanges. C’est dans cet esprit
qu’il faut appréhender l’assimilation des statuts de commerçant et d’entreprenant
comme acteurs économiques.
a La qualité de commerçant étendue à tout acteur économique
8. L’acteur économique qui, avant la réforme de 2010, passait entre les mailles de la
loi (parce qu’il ne correspondait sûrement à aucune des qualifications juridiques
12
13
14
15
Cette catégorie spéciale et privilégiée de commerçant est une innovation de l’AUDCG réformé, article 30.
Aussi, les personnes physiques ou morales, et les groupements d’intérêt économique constitués, ou en cours de formation à la date d’entrée en vigueur du nouvel Acte uniforme,
doivent mettre les conditions d’exercice de leur activité en harmonie avec la nouvelle législation dans un délai de deux ans à compter de la publication dudit acte réformé au
Journal Officiel de l’OHADA (JO OHADA).
Il s’agit également des activités économiques fondées leur caractère habituel et professionnel telles que celles exercées par les membres des professions libérales, les sociétés
civiles professionnelles, les associations et fondations, etc. La singularité de leur régime
juridique affecte principalement la protection du patrimoine et de la clientèle entretenue
par ces acteurs économiques.
Il convient de rappeler ici la place importante accordée à la sécurité juridique par la théorie du droit : voir P.G. Pougoue, « Les figures de la sécurité juridique », Leçon inaugurale, inédit, Unité de Formation Doctorale, Université de Yaoundé II, 2004. Sur la comparaison avec la notion de confiance légitime en science administrative, voir P. Cassia, « La
sécurité juridique : un nouveau principe général du droit aux multiples facettes », Recueil
Dalloz, 2006, Chroniques (Chr.), p. 1190, spéc. 1193.
Diffo Tchunkam · La dynamique du droit commercial général de l’OHADA
127
connues à savoir le commerçant, l’intermédiaire de commerce, l’auxiliaire du commerçant) et opérait dans l’informel, est désormais saisi par l’OHADA. Il s’agit de
l’entreprenant. En réalité, l’entreprenant rappelle le professionnel, qualification fédératrice adoptée par la doctrine et la jurisprudence de droit français pour assurer la
réglementation de tous les intervenants de la vie économique. Dans cette logique, le
fait d’exercer une activité professionnelle dotée d’une organisation minimale suffit
pour l’octroi de la qualité d’entreprenant. C’est sur ce fondement en effet que Ph. Le
Tourneau, à travers une analyse comportementale du commerçant et du profession16
nel , tentait une assimilation des deux statuts. Cette démarche trouve un écho favo17
rable dans la doctrine de droit civil qui consacrait la notion de profession en en
faisant le point de départ de la réflexion sur l’esquisse d’un statut de professionnel.
Dans le même ordre d’idée, J. Calais-Auloy et F. Steinmetz ont défini le professionnel comme étant une personne physique ou morale qui agit dans le cadre d’une activité habituelle et organisée de production, de distribution et de prestation de ser18
vices . Cette définition a l’avantage non seulement d’exclure les travailleurs salariés
et d’inclure les personnes morales d’une part, mais surtout, d’étendre la notion de
profession aux activités de production et de distribution des biens mais également de
fourniture des services d’autre part. Apparaissant ainsi comme une notion fédératrice du droit civil et du droit commercial, la profession quelle que soit sa nature,
constitue l’un des éléments d’ancrage qui permet de saisir et l’activité économique,
et la personne qui l’exerce.
9. Apparue pour la première fois dans les travaux de G. Ripert en 1939, l’«ébauche
19
d’un droit professionnel » entretenue par la doctrine de droit civil, semble ainsi
avoir trouvé son assise législative dans la réforme du droit africain des affaires qui,
en 2010, n’a fait que formaliser certaines professions qui jusque-là pouvaient laisser
croire que le professionnel de l’OHADA est un commerçant qui s’ignore. A cet
égard en effet, beaucoup de non commerçants font aujourd’hui des opérations répétées ; comme des commerçants, ils ont de fréquents appels à faire au crédit ; comme
eux, ils ont parfois de nombreux créanciers, ils contractent avec des étrangers ; enfin, des sociétés se fondent pour des opérations civiles de la plus grande importance.
Les habitudes du commerce tendent à devenir des habitudes générales ; ses besoins
20
deviennent ceux de tout le monde .
10. Ainsi compris, le statut d’entreprenant a le mérite d’être fondé sur une conception extensive de « la profession » qui, déduite des dispositions des articles 2 et 3 de
l’AUDCG, est le substrat nécessaire d’une définition empirique et inclusive du commerçant. Voilà encore une notion élaborée par le droit civil, qui permet d’asseoir
plus aisément la qualification de l’acteur économique dans l’espace OHADA, en
servant de trait d’union entre le droit civil et le droit commercial. Inclusive, elle l’est
parce qu’elle ne restreint pas l’élection du statut de commerçant à la nature des actes
16
17
18
19
20
Ph. Le Tourneau, « Les professionnels ont-ils du cœur ? », Rec. Dalloz Sirey, 1990, Chr.
V, pp. 21-26.
J. Savatier, « Contribution à une étude juridique de la profession », Archives de Philosophie du Droit, 1971, pp. 3-17.
J. Calais-Auloy / F. Steinmetz, Droit de la consommation, 6e ed., Paris, 2003, pp. 12 et ss.
G. Ripert, « Ébauche d’un droit civil professionnel », dans Études de Droit civil à la mémoire de H. Capitant, Paris, 1939, p. 607.
Voir à ce titre, F. Pollaud-Dulian, « L’habitude en droit des affaires », dans Droit et vie
des affaires : études à la mémoire d’Alain Sayag, pp. 349-369.
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Recht in Afrika 2013
exercés par leur auteur, encore moins à l’exercice, même à titre habituelle de certains actes, mais inclut dans son champ d’action les opérations et actes de toute nature dès lors qu’ils présentent un faisceau d’indices suffisamment révélateurs de leur
substance économique. Qui plus est, la plupart des professions indépendantes,
qu’elles soient commerciales ou non, sont dominées par la recherche du profit dans
un environnement économique globalisé et hautement compétitif. Les secteurs agricoles modernes, les secteurs miniers et immobiliers, peuvent être convoqués à titre
d’exemple. L’agriculture moderne par exemple, bien que relevant du secteur primaire, nécessite bien souvent de gros investissements pour faire face à la concur21
rence, et oblige certains agriculteurs à recourir aux crédits importants au même titre
que les commerçants. C’est également le cas des avocats qui, bien qu’exerçant une
profession libérale, doivent bénéficier d’un droit de propriété sur leur local, car ils
22
possèdent une clientèle fidèle qu’il convient de protéger .
11. De tout ce qui précède, l’on peut lire dans les orientations actuelles du droit
OHADA l’émergence d’une critériologie de la commercialité plus inclusive ayant
pour socle l’exercice d’une activité économique à titre de profession. Ce faisant, le
législateur OHADA conforte l’analyse selon laquelle l’activité économique apparaît
comme étant le facteur dominant de la compétence de l’OHADA et non la qualité de
la personne, encore moins le caractère purement commercial de l’acte. La rupture de
la commercialité fondée seulement sur la double distanciation subjective et objective
de la matière semble acquise à travers la reconnaissance de la commercialité à toute
activité revêtant un caractère économique.
b La commercialité de l’acte reconnue à toute activité économique
12. L’article 3 de l’Acte uniforme dispose que
[l]’acte de commerce par nature est celui par lequel une personne s’entremet
dans la circulation des biens qu’elle produit ou achète ou par lequel elle fournit des prestations de service avec intention d’en tirer profit pécuniaire. Ont,
notamment, le caractère d’actes de commerce par nature : […] les opérations
de banque, de bourse, de change, de courtage, d’assurance, et de transit ; les
opérations d’intermédiaires de commerce, telles que commissions, courtages,
agences, ainsi que les opérations d’intermédiaires pour l’achat, la souscription, la vente ou la location d’immeubles, de fonds de commerce, d’actions
ou de parts sociales commerciale ou immobilière […].
Bien que rajeunie, la liste de l’article 3 nous semble un peu disparate, mais a néanmoins le mérite de la plasticité.
21
22
Au sujet de certains agriculteurs classés dans la catégorie des professionnels non commerçants, lire G. Cosnard, L’irréductible droit agricole : le droit privé de l’agriculture dans
ses rapports avec les institutions commerciales, Paris, 1949, spéc. p. 57.
C’est ce que l’OHADA a fait en remplaçant le bail commercial (exclusif) par le bail à
usage professionnel, plus inclusif et dont la finalité est de protéger la clientèle de toutes
les professions. Voir à cet égard : B. Saintourens, « Le bail commercial des non commerçants », dans Les activités et les biens de l’entreprise : mélanges offerts à J. Derruppé,
Paris, 1991, p. 93 ; également, A. Jauffret, « L’extension du droit commercial à des activités traditionnellement civiles », dans Études offertes à Pierre Kayser, tome 2, Aix-enProvence, 1979, p. 59.
Diffo Tchunkam · La dynamique du droit commercial général de l’OHADA
129
13. En outre, avant la réforme de 2010, la notion d’acte de commerce circonscrivait
la définition et l’octroi du statut de commerçant à l’exercice répété de certains actes,
ce qui excluait de cette catégorie des acteurs et opérateurs engagés dans le secteur
économique, alors même qu’ils exerceraient leurs activités dans le cadre d’une organisation structurée. Dans ces conditions, des activités qui pourraient être saisies par
le droit des affaires, soit pour les soumettre au régime du droit commercial, soit pour
leur accorder les privilèges liés au statut d’entreprise commerciale, ont longtemps
été exclues du domaine matériel du droit des affaires. L’idée dominante ici c’est que
les activités économiques reposent sur un instrument économique et institutionnel
incontournable qui est l’entreprise. Dans cette optique, de même que le fonds commercial n’a d’existence juridique et économique qu’à travers la réalité de la clientèle, de même, l’activité économique – civile ou commerciale – ne peut exister et
bénéficier de tous les attributs qui sont naturellement attachés à une telle activité que
23
parce qu’elle est exercée dans le cadre d’une entreprise structurée , quelle qu’en soit
la taille.
14. Quoiqu’il en soit, à partir de la liste de l’article 3, la distinction actes de commerce objectifs et actes de commerce subjectifs subsiste. Pourtant, dans la pratique,
il existe beaucoup d’actes juridiques et notamment les grands contrats d’un usage
courant tels que vente, louage, dépôt, mandat, transport, qui sont utilisés aussi bien
dans la vie commerciale que dans la vie civile, car ils englobent la fourniture des
prestations de service avec intention d’en tirer profit pécuniaire. De ce point de vue,
ni leur objet, ni leur forme ne permet de les caractériser. Il devenait donc nécessaire
pour cela d’analyser l’activité économique des contractants et l’on arrive ainsi à dire
que parce qu’elle est effectuée dans le cadre d’une entreprise, l’Acte uniforme peut
les saisir. Ce n’est finalement pas seulement la nature commerciale des actes qui
importe, mais davantage le cadre entrepreneurial dans lequel l’activité est exercée
qui attire la réglementation applicable. C’est cette double posture reposant sur la
conciliation acte de commerce et entreprise qui semble avoir influencé les choix
législatifs de l’OHADA. Il est donc important de souligner qu’en reconfigurant ainsi
les critères de la commercialité classique entretenue par le rapport achat et revente,
elle ne s’accommode plus de cette conception visiblement trop étroite pour contenir
toutes les activités régies par l’OHADA. Dans la mesure où elle intègre désormais
les prestations de service, les industries culturelles telles que l’économie des services
et de la connaissance, l’ingénierie des savoirs, lesquelles ignorent la succession
« achat et revente ». En repoussant ainsi les limites de la commercialité, l’OHADA
confirme sa vision transformatrice de l’environnement des affaires et sa tendance
23
La définition communément admise de l’entreprise l’appréhende comme étant une structure organisée « réunissant, sous une direction commune, des moyens tant humains que
matériels en vue de l’accomplissement d’activités économiques, commerciales, industrielles ou de services » (Dictionnaire du vocabulaire juridique, sous la direction de R. Care
brillac, 1 éd., Paris, 2002 ; Lexique des termes juridiques, sous la direction de S. Guinchard et G. Montagner, 21e éd., Paris, 1999, p. 227). Qu’elle soit de nature commerciale
ou civile, elle constitue, selon M. Pédamon, « la cellule de base de l’économie contemporaine » (M. Pédamon, Droit commercial : commerçants et fonds de commerce, concurrence et contrats du commerce, Paris, 1994, p. 59 ; H.D. Modi Koko Bebey, « L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : regard sous l’angle de la théorie générale du
droit », accès recommandé : http://www.juriscope.org/actu_juridiques/doctrine/OHADA/
ohada_1.pdf).
130
Recht in Afrika 2013
très poussée à l’unification des sources du droit régissant les activités écono24
miques . C’est elle en effet qui assure la singularité des régimes juridiques reconnus
à certaines notions et institutions du droit reformé.
2 L’occurrence subséquente de régimes juridiques particuliers
15. En cohérence avec les notions consacrées en 2010, le législateur a construit des
régimes juridiques spéciaux adaptés aux aménagements enregistrés dans la matière.
Les plus importants concernent le régime particulier de l’entreprenant, celui des
baux à usage professionnel, et le régime économique et patrimonial assigné au
registre du commerce.
a Le régime juridique particulier de l’entreprenant
16. L’une des innovations importantes de la réforme de l’AUDCG est la consécration d’un statut de professionnel indépendant. Celui-ci peut avoir la qualité de
25
commerçant ou non . Il s’agit de l’entreprenant. L’AUDCG le soumet à un régime
juridique plus allégé que celui du commerçant classique. Au demeurant, le texte
26
d’application précise que les règles de fonctionnement propres à ce nouveau statut
exigeront une combinaison entre règles de droit uniforme issues des Actes uniformes et règles nationales des Etats parties. La qualité d’entreprenant est accessible
naturellement aux commerçants, mais également aux artisans ainsi qu’aux agriculteurs. Nouveau venu dans le monde structuré et organisé des affaires, l’entreprenant
est assurément un acteur économique important dans l’environnement culturel africain des affaires, car il est extrait parmi les multiples entrepreneurs qui jusque-là
exerçaient leurs activités dans le secteur informel. Ils étaient des « commerçants de
fait », dans la mesure où ils échappaient aux règles d’organisation de l’activité commerciale prévues par le législateur OHADA alors même qu’ils effectuaient des actes
de commerce directement ou indirectement, ou exerçaient une activité économique
de façon habituelle. L’exercice en qualité d’entreprenant est cependant soumis à des
conditions particulières.
a.1 – L’acquisition de la qualité d’entreprenant
17. Aux termes de l’article 30 alinéa 1 de l’AUDCG, la qualité d’entreprenant ne
peut être accordée qu’à un entrepreneur individuel, personne physique. Elle s’acquiert sur simple déclaration, pour l’exercice d’une activité professionnelle civile,
commerciale, artisanale ou agricole. En outre, le statut d’entreprenant résulte d’un
choix du requérant et ne saurait être imposé. Mais cette faculté n’est offerte qu’à la
personne qui respecte le critère défini. A cet égard, l’entreprenant est dispensé de
l’obligation d’immatriculation au Registre du Commerce mais est soumis simplement à une obligation de déclaration d’activité au Registre du Commerce (article 30
alinéa 6 de l’AUDCG). Cette obligation de déclaration d’activités est matériellement
faite suivant les modalités fixées par l’article 62 et ss. de l’Acte uniforme sur le droit
commercial général. Il appartient également à chaque Etat partie de prendre les me24
25
26
Sur cette question, voir J. Diffo Tchunkam, « La distinction droit civil-droit commercial à
l’épreuve de l’OHADA : une prospective de droit matériel uniforme », Revue de droit
uniforme, 2009, pp. 57-89.
Voir AUDCG : Texte d’application, Rapport pour le Secrétariat permanent de l’OHADA,
15 novembre 2009.
Titre III du Livre II de l’AUDCG.
Diffo Tchunkam · La dynamique du droit commercial général de l’OHADA
131
sures incitatives en matière fiscale et pour les charges sociales applicables à ces
entreprenants (article 30 alinéa 7 de l’AUDCG). L’article 30 alinéa 2 affine le critère
en indiquant que le chiffre d’affaires annuel ne doit pas excéder, pour l’année en
cours et l’année précédente, le maximum fixé par l’Etat partie sur le territoire duquel
il tient à exercer son activité. Ce critère consiste donc dans un plafond lié au chiffre
d’affaires de l’entreprenant qu’il appartiendra aux Etats parties de fixer car conformément à l’article 30 alinéa 4, l’entreprenant ne peut exercer son activité que dans
l’Etat partie dans lequel il a fait sa déclaration d’activités. Dans le même ordre
d’idée, l’article 30 alinéa 3 précise que ce chiffre d’affaires annuel est, en ce qui
concerne les commerçants et les artisans, celui de leurs activités de vente de marchandises, d’objets, de fourniture et denrées ou de fourniture de logement et, d’autre
part, en ce qui concerne les agriculteurs, celui de leurs activités de production.
S’agissant de l’observation des obligations comptables, elle est dérogatoire de celles
auxquelles est soumis le commerçant. L’AUDCG prescrit à l’entreprenant simplement la tenue, au jour le jour, d’un livre mentionnant chronologiquement le montant
et l’origine des recettes en distinguant les règlements en espèces des autres règlements et en notant les références des pièces justificatives. Celles-ci doivent être
conservées pendant cinq ans au moins, conformément aux dispositions de l’article
31 dudit acte. En outre, d’autres obligations concernent spécifiquement l’entreprenant qui exerce des activités de vente de marchandises, d’objets, de fournitures et
denrées ou de fourniture de logement. Ainsi, il doit tenir un registre, récapitulé par
année, présentant le détail des achats et précisant leur mode de règlement et les références des pièces justificatives.
18. Pour ce qui est de la prescription des obligations comptables de l’entreprenant,
il faut souligner qu’aux termes de l’article 33 alinéa 1 de l’AUDCG, la durée de
prescription pour les obligations nées entre les entreprenants ou entre entreprenant et
non entreprenants, est fixée à cinq ans, si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes. Cette prescription est soumise à la loi régissant le droit qu’elle
affecte conformément aux dispositions de l’article 33 aliéna 2 dudit acte. Comme
dans toute profession réglementée, le statut accordé sous condition d’éligibilité peut
se perdre et les droits acquis distraits à l’occasion de la violation de la réglementation spéciale en vigueur.
a.2 – La perte de la qualité d’entreprenant
19. La qualité d’entreprenant se perd de façon naturelle lorsque les activités de
l’entreprenant évoluent de façon substantielle, notamment par le dépassement, durant deux années consécutives du plafond du chiffre d’affaires fixé pour ses activités
par l’Etat partie sur le territoire duquel l’entreprenant est établi (article 30 alinéa 4 in
fine). Dès cet instant, il perd le bénéfice de la réglementation applicable à ce statut.
Ainsi, dès le premier jour de l’année suivante et avant la fin du premier trimestre de
cette année, l’entreprenant est tenu de respecter toutes les charges et obligations
applicables à l’entrepreneur individuel, en se conformant à la réglementation applicable à ses activités. Enfin, il faut noter qu’aux termes des articles 17 à 29 dudit
acte, le régime de la prescription de même que celui du bail à usage professionnel
applicable au commerçant, sont étendus à l’entreprenant.
132
Recht in Afrika 2013
b Le régime juridique particulier du bail à usage professionnel
20. L’une des innovations significatives de l’AUDCG concerne la suppression du
bail commercial que remplace le bail à usage professionnel régi par le Livre VI et le
Titre I. Il est défini à l’article 103 de l’Acte uniforme qui dispose :
est réputé bail à usage professionnel, toute convention, écrite ou non, entre
une personne investie par la loi ou une convention du droit de donner en
location tout ou partie d’un immeuble compris dans le champ d’application
du présent Titre, et une autre personne physique ou morale, permettant à
celle-ci, le preneur, d’exercer dans les lieux avec l’accord de celle-là, le
bailleur, une activité commerciale, industrielle, artisanale ou toute autre
activité professionnelle.
La conséquence en est l’élargissement du régime de protection « des baux commerciaux » à des professionnels non commerçants tels que les artisans, mais aussi à
toute activité professionnelle. L’enjeu se situe en amont, dans la mesure où le législateur a étendu l’assiette des acteurs de l’entreprise en appréhendant des entrepreneurs du secteur informel qui ne sont pas des acteurs économiques de moindre importance. L’orientation majeure en aval réside ainsi dans le souci de réorganiser
avec plus de souplesse le champ d’application du droit au bail, avec des règles spécifiques plus protectrices des intérêts de la plupart des intervenants de la vie économique.
b.1 – Champ d’application
21. Les articles 101 et 102 de l’AUDCG portent essentiellement sur le champ d’application du bail à usage professionnel. Le bénéfice dudit bail devrait être reconnu
au commerçant, industriel ou professionnel qui est dans les lieux en vertu d’un bail
précaire demeuré plus de 2 ans sans opposition du bailleur, de demeurer dans les
lieux en imposant un bail durable. En outre, les articles 103 et 113 présentent de
façon extensive le champ d’application dudit bail. L’extension qui avait déjà été
amorcée dans l’ancien Acte uniforme (notamment en son article 71) n’a été véritablement prise en compte que par le nouvel Acte qui, en son article 103, le consacre
de façon formelle. En visant le professionnel, le législateur donne la possibilité aux
professions de toute nature et en particulier aux professions libérales d’accéder au
bénéfice du statut des baux à usage professionnel. N’en seront exclus finalement que
les propriétaires des baux d’habitation.
b.2 – Règles applicables
22. Il s’agit des règles applicables au renouvellement du bail d’une part, et des
obligations des parties au contrat de bail d’autre part. S’agissant de la validité du
renouvellement par tacite reconduction, modalité la plus fréquente dans la pratique,
celle-ci a été légitimée à l’article 104 de l’AUDCG. Une précision est faite sur le
renouvellement relatif à une durée minimale de 3 ans prévue lorsque le bail est renouvelé pour une durée déterminée conformément aux dispositions de l’article 123
aliéna 3. En cas de renouvellement pour une durée indéterminée, les parties devront
prévoir la durée du préavis qui ne peut être inférieur à 6 mois, aux termes de l’article
123 alinéa 4 de l’AUDCG. Les autres modifications concernant les obligations des
parties au bail à usage professionnel que sont le preneur et le bailleur, ont été introduites : en faveur du preneur, l’article 113 alinéa 2 de l’Acte uniforme rend possible
Diffo Tchunkam · La dynamique du droit commercial général de l’OHADA
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l’adjonction à l’activité prévue au contrat de bail des activités connexes ou complémentaires relevant d’un même domaine que celui envisagé lors de la conclusion
dudit contrat. De même, l’article 111 alinéa 5 introduit le maintien du bail à la dissolution de la société preneuse. En faveur du bailleur, les principales innovations
concernent d’abord les demandes de suspension du bail pendant la durée des travaux
(article 106 alinéa 5), ensuite les autorisations pour le preneur d’exécuter les grosses
réparations incombant au bailleur (article 107), et enfin la fixation du montant des
loyers à défaut d’accord suite à une révision (article 115).
Force est de constater que la réforme opérée dans le droit commercial général de
l’OHADA va au-delà de la reconsidération de la qualité des acteurs de l’entreprise
pour affecter le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier auquel se substitue le
Registre National des Sûretés et du Crédit, véritable registre économique et patri27
monial au service de la centralisation informatisée des informations sur les acteurs
économiques et la santé financière de leur patrimoine. Cette phase pédagogique
marque bien l’entrée des économies africaines dans la cyber-économie.
A La cyber-économie amorcée
23. L’utilisation de la voie numérique dont il est question marque l’amorce du
« tout numérique » dans la gouvernance des affaires, le stade primaire d’une évolution ponctuée par la dématérialisation prudente des opérations et des procédures
(1), l’étape ultime envisagée par le législateur étant l’effectivité de l’informatisation
des Registres et Fichiers (2).
1 La dématérialisation progressive des opérations économiques
24. La réglementation de l’utilisation des procédures électroniques fait l’objet d’une
présentation détaillée dans le rapport portant sur l’information des Registres et Fichiers du commerce et des sûretés. Elle concerne entre autres les services électroniques fournis par les greffes (article 93) selon des modalités qui tiennent compte du
déploiement progressif de l’informatisation, la gestion des flux électroniques vers
les greffiers (article 94), l’emploi de la signature électronique qualifiée pour garantir
l’origine et l’intégrité des dossiers individuels et de tout document ou information
échangés entre les Registres et les Fichiers (article 95), ainsi que les questions
relatives à la diffusion des déclarations inscrites dans les Fichiers (article 96). Elle
tend de ce fait à prendre en charge les questions concernant les principes généraux
de l’utilisation des procédures électroniques et la validité des documents et signature
électronique, l’utilisation et la conservation des documents électroniques, la diffusion des informations des registres sous forme électronique.
a Les principes généraux de l’utilisation des procédures électroniques et la
validité des documents et signatures électroniques
25. L’AUDCG pose un certain nombre de principes qui servent de base à l’utilisation des procédures électroniques. L’essentiel du principe de la dématérialisation des
formalités et des procédures est contenu par l’article 79 alinéa 1qui énonce que
27
Pour des développements substantiels sur le nouveau régime juridique des Registres et
Fichiers, voir infra: L’informatisation du registre de commerce, n° 27.
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Recht in Afrika 2013
les dispositions du présent Livre s’appliquent aux formalités ou demandes
prévues par le présent Acte uniforme, par tout autre Acte uniforme ou par
toute autre réglementation. Ces demandes ou formalités peuvent être effectuées par voie électronique dès lors qu’elles peuvent être transmises et reçues
par cette voie par leurs destinataires.
Par ailleurs, concernant la validité des documents et des signatures électroniques, il
faudra noter que l’écrit électronique et la signature électronique sont reconnus et
produisent les mêmes effets que les documents papier et la signature manuscrite. Le
principe ainsi posé ne limite pas le procédé d’une signature électronique qualifiée
dont l’usage reste possible en vertu de l’article 82 alinéa 1 de l’AUDCG. Au demeurant, le législateur OHADA a appréhendé la signature électronique dans son aspect
définitionnel et son utilisation à des fins juridiques en tant qu’instrument d’identification et d’authentification dont les caractéristiques et les composantes techniques
sont spécifiées à l’article 83 dudit acte. En ce qui concerne les conditions de recon28
naissance du certificat électronique employé comme support de la signature électronique qualifiée, les mentions minimales qu’il doit comporter sont précisées à l’article 84. Ces mentions minimales mais obligatoires concernent le nom du titulaire du
certificat, la clé cryptographique publique du titulaire, la période de validité du certificat, un numéro de série unique et la signature électronique du prestataire de services de certification électronique.
b L’utilisation et la conservation des documents électroniques
26. L’innovation ici s’inscrit dans l’optique d’une situation évolutive où les documents sous forme électronique vont remplacer peu à peu les documents sur support
papier dans les formalités devant les greffes tout en s’inscrivant dans une perspective du respect du droit. En effet, les règles relatives à l’utilisation des documents
papier et électronique sont précisées ainsi que les conditions de sécurité à remplir
pour garantir l’authenticité des supports conformément aux dispositions de l’article
86 de l’AUDCG. En outre, les documents émis par voie électronique conservent les
mêmes dénominations que celles prévues dans la procédure par voie de papier. Il
s’agit, pour les formalités d’immatriculation, d’un accusé d’enregistrement portant
numéro d’immatriculation et, pour les formalités de déclaration d’activité, d’un
accusé d’enregistrement de la déclaration portant numéro de déclaration d’activité.
En ce qui concerne les formalités liées à l’inscription des sûretés, il s’agira d’un accusé d’enregistrement pourtant numéro d’ordre. Dans ces conditions, le greffier est
habileté à extraire des décisions juridictionnelles ou administratives, au sens de l’article 88, les mentions à porter dans les dossiers individuels ainsi que la transmission
des copies aussi bien au Fichier National du Commerce et du Crédit qu’au Fichier
Régional du Commerce et du Crédit. Dans le même sens, l’encadrement de la réception de la déclaration par le greffier et les modalités de sa validation par signature
électronique qualifiée est prévu à l’article 89, alors que la consécration de la
transmission d’informations soumises à publicité en vertu de l’AUDCG ou le droit
interne de l’Etat partie par des administrations par voie électronique est régie par les
dispositions de l’article 90 de l’AUDCG. En revanche, bien que le texte ne le dise
28
Toutefois, tenant compte de la diversité des réglementations des Etats parties et de la
législation future de l’OHADA en la matière, il est fait renvoi à ces sources pour les questions relatives aux contraintes techniques appliquées aux composants de la signature électronique pour que celle-ci soit réputée qualifiée.
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pas clairement, un effort d’analyse de l’article 100 de l’AUDCG permet de comprendre que la présence des données à caractère personnel ne fait pas obstacle à la
communication des informations électroniques. L’on pourrait déplorer la souplesse
excessive d’une telle disposition dans la mesure où, en l’état actuel du processus de
dématérialisation engagé par le législateur communautaire, celui-ci renvoie aux
29
sources nationales pour la réglementation des questions relatives aux contraintes
techniques de mise en œuvre de l’informatisation. Or ces sources, lorsqu’elles
existent, sont encore relativement embryonnaires pour la plupart. Enfin, l’informatisation des Registres et Fichiers, admise sous condition de conservation des enregis30
trements, est organisée de façon à garantir la durabilité, la lisibilité et l’intégrité , de
31
même que la traçabilité desdits documents .
2 L’informatisation des Registres et Fichiers
27. Le principe de la tenue des registres en mode papier ou électronique est posé à
l’article 80 alinéa 2. Le cadre institutionnel qui prévoit la mise en place d’un Comité
de Coordination Technique est défini à l’article 81 dudit acte. Celui-ci est chargé de
veiller au déploiement de l’informatisation des registres et répertoires au double plan
régional et national et d’établir un référentiel de sécurité et d’interopérabilité pour
les Registres et Fichiers qui seraient utilisables dans les transactions numériques en
général. Dans la pratique, il convient de préciser qu’au titre de la réforme de 2010, le
Registre du Commerce et du Crédit Mobilier a été réorganisé pour créer un Registre
National des Sûretés et du Crédit autonome par rapport au Registre du Commerce.
Aussi, au regard des contraintes liées à la mise en place des Registres et Fichiers
informatisés et par l’urgence d’une informatisation de l’inscription des sûretés qui
sont une exigence pour la sécurité des affaires et le développement du crédit, le
Registre du Commerce a été amputé de sa partie concernant le crédit mobilier qui est
désormais prise en charge par le nouveau Registre National des Sûretés et du Crédit.
Plus concrètement, le nouvel Acte uniforme envisage l’informatisation progressive
dans l’optique de l’inscription par voie électronique des sûretés et du contrat de crédit-bail au Registre National des Sûretés et du Crédit, pour une meilleure centralisation des données sur les mouvements affectant le patrimoine des acteurs économiques. Reste simplement à penser le mode collaboration entre les institutions régio32
nales et nationales pour une mise en œuvre efficiente du système d’informatisation
29
30
31
32
S’agissant des sources nationales, il convient de relever l’abondante production législative
sur la cyber-législation au Cameroun : Loi n° 2010/21 du 21 décembre 2010 régissant le
commerce électronique au Cameroun, http://www.legicam.org ; Loi n° 2010/013 du 21
décembre 2010 régissant les communications électroniques au Cameroun, http://www.legi
cam.org ; Loi n° 2010/012 du 21 décembre 2010 relative à la cyber-sécurité et la cybercriminalité, http://www.legicam.org ; Loi-cadre n° 2011/012 du 6 mai 2011 portant protection du consommateur, http://www.minpostel.gov.cm ; Décret n° 2012/1318/PM du 22
mai 2012 fixant les conditions et les modalités d’octroi de l’autorisation d’exercice de
l’activité de certification électronique, http://www.minpostel.gov.cm ; Décret n° 2012/16
40/PM du 14 juin 2012 fixant les conditions d’interconnexion, d’accès aux réseaux de
communications électroniques ouverts au public et de partage des infrastructures,
http://www.minpostel.gov.cm.
Article 91 de l’AUDCG.
Articles 97 et 98 de l’AUDCG.
L’ancrage institutionnel de ce système informatisé est organisé par les articles 45-46 de
l’AUDCG.
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Recht in Afrika 2013
des greffes qui, en assurant la célérité dans le traitement de l’information, permet
d’accéder aux données actualisées sur la situation patrimoniale des opérateurs éco33
nomiques .
Dans cet élan, et en attendant l’avènement d’un droit matériel communautaire de
l’internet, des piliers indispensables à la mise en place du dispositif législatif permettent d’en apprécier l’opportunité.
II L’opportunité des fondements juridiques d’une cyber-législation communautaire
28. Entre déconstruction et reconstruction des moules de la réforme portée par
l’AUDCG, le législateur, au-delà des outils techniques de simplification des procédures et de facilitation des formalités, a élaboré des outils techniquement juridiques
d’intégration des technologies dans l’économie. A cet égard, l’esquisse théorique
d’une architecture juridique communautaire (A) appelle cependant une uniformisation des tentatives parcellaires de législations (B) élaborées dans certains Etats
parties de l’OHADA dont le Burkina Faso et le Cameroun.
A L’esquisse d’une architecture juridique communautaire
29. Le cyber-espace est un environnement si complexe que les essais de normativité
largement partagés semblent admettre la simplification autant que possible des législations sur le commerce électronique. Fondée sur la présomption de neutralité tech34
35
nologique et technique des cadres infrastructurels du commerce électronique,
l’équivalence fonctionnelle des résultats est revisitée (1) pour ôter les obstacles
psychologiques et juridiques à l’expansion des transactions commerciales par la voie
électronique. Toutefois, la portée de l’équivalence ainsi reconnue entre le vecteur
classique et les supports numériques reste limitée (2) par des considérations liées à
la sécurité et l’efficacité de certaines transactions.
1 L’équivalence fonctionnelle des résultats revisitée
30. L’article 82 alinéa 2 de l’AUDCG consacre l’équivalence fonctionnelle de
l’écrit électronique en disposant que « [l]es documents sous forme électronique
peuvent se substituer aux documents sur support papier et sont reconnus comme
33
34
35
Dans ce sens, les sûretés réelles, comme par exemple le nantissement, sont entièrement
refondues pour permettre une plus grande malléabilité du patrimoine des acteurs économiques.
Présomption admise par la Loi-type de la CNUDCI adoptée 2001 et complétant celle de
1996 sur le commerce électronique, elle recommande aux Etats de lever tous les obstacles
et les incertitudes juridiques sur la validité et l’efficacité des messages de données transmis par la voie électronique dans l’optique de promouvoir le développement de l’économie numérique. La neutralité technologie est élucidée sous l’angle de la théorie du droit
par V. Gautrais, « Fictions et présomptions : outils juridiques d’intégration des technologies », Retranscription d’une conférence ayant eu lieu le 30 septembre 2003 à la Faculté
de Droit de l’Université de Montréal, Québec, consultable sur le site internet du Centre de
Recherche en Droit Public : http://www2.droit.umontreal.ca/cours/Ecommerce/accueil.
htm.
Terminologie retenue par M. Mekki, « Le formalisme électronique : la neutralité technique
n’emporte pas neutralité axiologique », Revue des contrats, 2007, no 3, p. 681.
Diffo Tchunkam · La dynamique du droit commercial général de l’OHADA
137
équivalents lorsqu’ils sont établis et maintenus selon un procédé technique fiable,
qui garantit, à tout moment, l’origine du document sous forme électronique et son
36
intégrité au cours des traitements et des transmissions électroniques » . Cette
formulation adopte une flexibilité accrue sur les notions comme l’écrit, la signature,
ou l’original, en mettant l’accent non sur le support en soi, mais plutôt sur ses fonctions. Dès lors, l’équivalence fonctionnelle permet de rechercher les fonctions qu’un
écrit papier possède et de les transposer sur tout autre support qui remplirait les
37
mêmes fonctions . Empruntée au droit international privé, l’équivalence fonctionnelle est le mécanisme par lequel la Cour de cassation sauve un arrêt lorsque les
juges appliquent une autre loi que celle désignée par la règle de conflit de lois, à
condition que les lois en présence aient un contenu équivalent et produisent des
38
résultats fonctionnellement équivalents . Il s’agit donc d’une fiction juridique, construction intellectuelle qui consiste en une « méconnaissance volontaire de la réalité
39
en vue de l’obtention d’un résultat de droit » . En la transposant dans la sphère technologique, l’on admet que le formalisme classiquement exigé aussi bien pour la validité du contrat que pour sa preuve soit pratiquement neutralisé par la fiction d’équivalence entre les fonctions juridiquement reconnues aux supports papier et celles
portées par les supports électroniques. C’est sur ce fondement que, pour la validité
40
des documents et des signatures électroniques, l’écrit et la signature électronique
sont reconnus et produisent les mêmes effets que les documents papier et la signa41
ture manuscrite . A cet égard par exemple, le législateur OHADA a appréhendé la
signature électronique dans son aspect définitionnel et son utilisation à des fins juri36
37
38
39
40
41
JO OHADA, 2011, n° 21, p. 5. Voir également, le Livre V : Informatisation des Registres
et Fichiers, articles 79-100.
E.-A. Caprioli / R. Sorieul, « Le commerce international électronique : vers l’émergence
de règles juridiques transnationales », Journal de droit international, 1997, no 2, pp. 323,
380-382.
Ph. Malaurie, « L’équivalence en droit international privé », D. 1962, Chr. XXXVI, pp.
215-220 ; également, J. Patarin, Le problème de l’équivalence juridique des résultats,
Thèse, 1954, venu démontrer, pour le seul droit interne, que les techniques juridiques
n’avaient qu’une valeur relative, qu’elles n’étaient pas intangibles et que rien ne s’opposait à ce que les buts fixés par les normes puissent être atteints par des moyens équivalents, p. 137 ; également H. Gaudemet-Tallon, « De nouvelles fonctions pour l’équivalence en droit international privé », dans Mélanges en l’honneur de Paul Lagarde, Le droit
international privé : esprit et méthodes, Paris, 2005, pp. 310-311.
D. Alland / St. Rials (dir.), Dictionnaire de culture juridique, Paris, 2003, voir « Fiction ».
Parmi une abondante littérature, lire T. Aballéa, « La signature électronique en France,
état des lieux et perspectives », D. 2001, Chr. p. 2835 ; J. Huet, « Preuve et sécurité juridique en cause dans l’immatériel », Le droit et l’immatériel, Archives de philosophie du
droit, tome 43, 1999, pp. 163-166 ; idem : « Vers la consécration de la preuve et de la
signature électroniques », D. 2000, Chr. p. 95 ; B. Jaluzot, « Transposition de la directive
signature électronique, comparaison franco-allemande », D. 2004, Chr. p. 2866.
A son propos, la CNUDCI a adopté une loi-type en 2001, complétant celle de 1996, sur le
commerce électronique. Entre autres objectifs, cette loi-type sur les signatures électroniques tend à favoriser le recours aux signatures électroniques pour produire un plein effet
juridique à l’instar des signatures sur support papier. C’est ainsi que l’article 3 de ladite
loi pose le principe de l’égalité de traitement des techniques de signature, en précisant
« qu’aucune disposition de la présente loi […] n’est appliquée de manière à exclure, restreindre ou priver d’effets juridiques une quelconque méthode de création de signature
électronique satisfaisant aux exigences du commerce électronique ».
138
Recht in Afrika 2013
diques en tant qu’instrument d’identification et d’authentification dont les caractéristiques et les composantes techniques sont spécifiées à l’article 83 dudit acte. En ce
qui concerne les conditions de reconnaissance du certificat électronique employé en
support de la signature électronique qualifiée, les mentions minimales qu’il doit
comporter sont précisées à l’article 84. Ces mentions minimales mais obligatoires
concernent le nom du titulaire du certificat, la clé cryptographique publique du
titulaire, la période de validité du certificat, un numéro de série unique et la signa42
ture électronique du prestataire de services de certification électronique . L’admission de l’équivalence est néanmoins renforcée dans certains cas par la précaution
de signature électronique qualifiée dont l’usage est régi par l’article 82 alinéa 1 de
l’Acte uniforme réformé. Ces précautions technologiques permettent d’apprécier la
portée juridique réelle d’une telle équivalence.
2 La portée juridique de la reconnaissance de l’équivalence fonctionnelle
31. La portée de l’équivalence peut être appréciée aussi bien sous l’angle de la
protection du cyber-consommateur que du point de vue de la preuve des actes électroniques. En considérant les deux fonctions (fonction probatoire et fonction de protection des parties faibles) qu’assure le formalisme, la portée de l’équivalence sera
43
forcément limitée, au regard de certains contrats qui nécessitent un formalisme
spécial.
32. A cet égard, l’équivalence serait amputée de sa fonction lorsque la protection
des cyber-consommateurs exige le recours au formalisme reconnu dans les contrats
régis par le droit de la consommation. Dans ces conditions, le législateur aurait ten44
dance à instituer un formalisme plus poussé , lorsqu’il n’exclut tout simplement pas
certains de ces contrats de ceux dont la conclusion peut se faire par voie électro45
nique . Dans le même ordre d’idée, l’on pourrait imaginer des exceptions à la vali42
43
44
45
Comme on peut le voir, les caractéristiques exigées de la signature électronique sont de
nature à assurer les deux principales fonctions d’identification et d’approbation assumées
par la signature sur support papier. La signature permet en effet, non seulement, d’identifier celui qui l’appose, mais aussi, de marquer son approbation du contenu de l’acte ou
de la réalité de l’opération entreprise. La validité des écrits et des signatures électroniques
fait ainsi écho à la fonction probatoire de l’acte.
J. Huet, « Le code civil et les contrats électroniques », Le code civil : un passé, un présent,
un avenir (1804–2004), Paris, 2004, p. 539 et s., spéc., n° 18, p. 551.
Dans ces conditions toutefois, le formalisme électronique qui peut paraître parfois excessif (bien que contribuant à assurer la sécurité des transactions) pourrait en effet avoir l’effet pervers de détourner les consommateurs de ce mode de transactions. Ainsi, la finalité
de l’équivalence fonctionnelle pourrait être compromise par l’objectif de protection du
consommateur. Voir le processus très détaillé et rigoureux de formation des contrats entre
professionnels et consommateurs (dits contrats B to C) : J. Diffo Tchunkam, « Le contrat
selon la loi camerounaise du 21 décembre 2010 sur le commerce électronique », Juridis
Périodique, 2011, n° 87, Doctrine 3.
L’article 10 de la loi camerounaise du 21 décembre 2010 sur le commerce électronique
permet de relever que certaines conventions sont prohibées pour des motifs d’intérêt
général, tandis que d’autres le sont manifestement dans le dessein de protéger certaines
parties. Ainsi en est-il de l’exclusion des contrats « qui créent ou transfèrent des droits sur
des biens immobiliers », ainsi que de celle des contrats de « sûreté et garanties fournis par
les personnes agissant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de leur activité professionnelle ou commerciale ».
Diffo Tchunkam · La dynamique du droit commercial général de l’OHADA
139
dité de l’écrit électronique, notamment lorsque l’écrit est exigé ad validitatem. Cette
exception concernerait par exemple les actes sous seing privés relatifs aux sûretés
personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale et les actes sous seing privé
relatifs au droit de la famille et des successions. Le besoin de protection des parties
dans le contrat d’assurance justifierait aussi leur exclusion des transactions susceptibles de s’effectuer entièrement par la voie électronique.
33. L’équivalence peut également voir sa portée relativement restreinte par des
exigences probatoires assignées à certains écrits. Malgré les rigueurs formelles liées
à l’intégrité, la traçabilité et même la certification des actes électroniques comme
condition de pré-constitution de la preuve, les actes authentiques électroniques seraient exclus de ceux pouvant être couverts par l’équivalence fonctionnelle. Leur
exclusion peut être déduite d’un faisceau d’indices contenus dans l’article 3 (1) de la
46
loi camerounaise sur le commerce électronique . Il exclut expressément les actes
notariés qui, on le sait, constituent l’archétype des actes authentiques. En effet, les
activités exercées par les notaires ne font pas partie de l’énumération formulée par la
loi. Par ailleurs, l’analyse de la teneur de l’ensemble des dispositions de la loi camerounaise n° 2010/012 du 21 décembre 2010 relative à la cyber-sécurité et à la cybercriminalité, laisse percevoir que le législateur camerounais n’a aucunement eu l’intention d’admettre l’authenticité électronique ; aucune des conditions de sa validité
n’est évoquée, ni même éventuellement les modalités techniques de son élaboration.
Or, l’acte authentique n’est en aucune manière comparable à l’acte sous seing privé.
Il doit, aux termes de l’article 1317 du Code civil par exemple, être « reçu par un officier public ayant le droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été reçu et avec les
solennités requises ». Selon un auteur, l’acte authentique conduit « au carrefour des
exigences les plus fortes de sécurité devant entourer l’acte […] et de protection du
consentement donné par celui qui y participe (l’officier public doit conseiller tous
ceux qui interviennent à l’acte qu’il reçoit et préserver l’équilibre entre les intérêts
47
de chacune des personnes en cause) » . Ainsi compris, l’officier public doit avoir
une présence effective, mais surtout active lors de l’établissement de l’acte authentique. Ceci représente un réel défi dans la mesure où la consécration de l’acte
authentique électronique suppose que l’infrastructure technique dont dispose les
48
officiers publics (notaires , huissiers, officiers d’état-civil, greffiers etc.) soit à
même de permettre non seulement l’identification des parties prenantes à l’acte,
mieux encore, d’établir un rencontre virtuelle entre tous les protagonistes. L’officier
public doit pouvoir également conseiller utilement les parties et s’assurer que leur
consentement, au cas où il serait exigé, a été régulièrement donné. Il en est ainsi
parce que l’acte authentique a une valeur probante supérieure à l’acte sous seing
privé, et les énonciations qu’il contient font preuve jusqu’à inscription en faux. Il
apparaît ainsi que l’exclusion par le législateur camerounais notamment de
46
47
48
Juridis Périodique, n° 84, novembre-décembre 2010, p. 53 ; également accessible sur le
site interne : http://www.legicam.org.
J. Huet, « Le code civil et les contrats électroniques », op. cit., spéc., n° 24, p. 557
Réagissant à cette réalité, M. Oudot juge qu’il s’agit d’un « brin de provocation » que
d’intéresser les notaires à cette future fonction de « cyber-notaires », Les Petites Affiches,
1998, n° 54, pp. 32 et ss. (cité par M.K. Charfeddine, « L’écrit : une preuve à l’épreuve »,
dans Etudes offertes à J. Ghestin : le contrat au début du XXIe siècle, Paris, 2001, p. 225,
note 47). Voir également, Ch. Pisani, « L’acte dématérialisé », Le droit et l’immatériel,
op. cit., pp. 152-161.
140
Recht in Afrika 2013
l’établissement par voie électronique des actes authentiques procède d’un choix
tenant surtout à la faisabilité technique des objets technologiques associés à la
production du droit applicable. Diversement interprété lorsqu’il existe, il appelle
49
nécessairement une convergence des solutions nationales adoptées par les Etats
parties à l’OHADA.
B La nécessaire uniformisation des législations nationales
34. Des initiatives louables sont entamées, mais bien que fondamentales, elles
restent parcellaires. C’est l’impression générale qui ressort par exemple de la démarche entreprise par le législateur OHADA à l’issue de la réforme de 2010. Quelques questions béantes permettent de soutenir l’urgence d’une cyber-législation
holistique. Des facteurs favorables à cette démarche (1) s’appuient également sur
des pistes de réflexions (2) tracés par des problématiques entretenues dans la pratique du droit des affaires.
1 Les facteurs favorables à une législation uniforme
35. L’environnement des affaires largement influencé par les avancées technologiques, industrielles et économiques, a tendance à relayer l’écrit au second plan,
en raison de la multiplication des opérations dématérialisées et le développement du
commerce électronique. Cette constance étant prise en compte par la consécration de
l’équivalence fonctionnelle des résultats au niveau communautaire, il reste que le
législateur OHADA aurait pu aller plus loin dans la réglementation pour plusieurs
50
raisons. En effet, la présomption d’internationalité des opérations du commerce
électronique étant acquise, une législation uniforme est indispensable pour assurer la
garantie psychologique nécessaire au développement de telles opérations, voire à
l’émergence de leur pratique par les acteurs économiques africains. Aussi, se pose
avec acuité le problème de l’absence de codification uniforme du commerce en
51
ligne dans l’ordre juridique OHADA. Pour combler ce vide juridique, des initia52
tives nationales sur la cyber-législation proposent des solutions transitoires en
49
50
51
52
Voir en ce qui concerne la cyber-législation burkinabè, les développements de F.M. Sawadogo délivrés lors d’une conférence régionale organisée par la Conférence des NationsUnies sur le commerce et le développement à Tunis du 19-21 juin 2003 sur le thème
« Stratégies de commerce électronique pour le développement : promouvoir un dialogue
international », inédit ; en droit camerounais, voir entre autres : J. Gatsi, « Problèmes
juridiques du commerce électronique », Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et
Politiques, Université de Douala, n° 1, janvier–juin 2002, pp. 371-379 ; S. Issowa Iyoni,
« Le cadre juridique camerounais des réseaux et services de télécommunications face à la
société de l’information : de la fracture numérique à la fracture juridique ? », Juridis
Périodique, n° 71, juillet–septembre 2007, pp. 103 et ss.
Selon M. Vivant par exemple, l’internet s’ouvre « naturellement » sur l’international, en
sorte que le commerce électronique est un « mode comme un autre de commerce international », M. Vivant, Les contrats du commerce électronique, Paris, 1999, p. 1.
E-commerce, E-business ou commerce immatériel selon une terminologie consacrée par
l’avant-projet de convention de la CNUDCI sur les contrats électroniques, identique à
celle employée dans le modèle de « contrat-type de commerce électronique commerçants
consommateurs » de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris consultable sur le
site : http://www.uncitral.org.
Bien qu’appréciées, elles sont cependant sources de disparité législative (Burkina Faso,
Cameroun, notamment).
Diffo Tchunkam · La dynamique du droit commercial général de l’OHADA
141
attente d’harmonisation, dans la mesure où leur maintien deviendrait source d’insécurité juridique jadis décriée par la doctrine de droit communautaire à l’origine de
l’OHADA. Il s’agit plus précisément d’élaborer des solutions uniformes aux problèmes juridiques internationaux que soulève le commerce électronique afin de lever
les appréhensions des opérateurs économiques et de fournir aux juges communautaires notamment des indications pour le règlement des litiges. En outre, il faut souligner que le fait que le commerce électronique ne figure pas dans la liste des matières que régit l’article 2 du Traité de l’OHADA, cette circonstance n’est pas dirimante. En effet, le même article 2 in fine du Traité, certainement dans la perspective
de faciliter les évolutions souhaitables, précise que l’harmonisation peut concerner
« toute autre matière que le Conseil des ministres déciderait, à l’unanimité, d’y inclure, conformément à l’objet du Traité et aux dispositions de l’article 8 ». En l’état
actuel de l’évolution du droit des affaires adossée aux rigueurs des rapports « Doing
Business » sur la qualité du droit comme Indicateur du Développement Economique,
53
l’adoption d’un Acte uniforme sur le commerce électronique ni incongrue ni superflue. Bien au contraire, au regard de son objectif fondamental qui est de doter les
Etats parties de règles communautaires simples, modernes et adaptées afin de faciliter l’activité des entreprises. La pertinence d’une telle initiative démontrée, des
pistes d’une réflexion prospective se dessineraient sur la base des réalités non abordées même par les législations nationales existantes.
2 Les sillons réflexifs de la cyber-législation communautaire
36. Le développement du commerce électronique s’est opéré pendant environ deux
décennies sans réel encadrement juridique. Développement des monopoles, contrôles des niches dans le réseau, exclusivité sur des marques et logiciels, etc. Toutes
choses qui ont, à tort ou à raison, conduit à assimiler le réseau internet à une zone de
non droit. Aujourd’hui, des spécialités dans les disciplines du droit sont conçues
pour accompagner l’expansion des affaires par le biais du réseau, soulevant au passage des problématiques en quête de règles juridiques. Il s’agit entre autres des
règles de formation et d’exécution du contrat de commerce électronique, du traitement juridique des sites internet du point de vue de la commercialité, de l’épineuse
question de la détermination de la loi applicable au contrat de commerce électronique, de la fiscalité du commerce électronique, etc. Des organismes spécialisés
élaborent des principes généraux applicables à ce type de commerce. Le fonds de
commerce étant le principal bien qui assure l’exploitation de l’entreprise, son
fonctionnement obéit jusque-là à un régime juridique élaboré pour un environnement physique. Comment les adapter au nouvel environnement dématérialisé des
affaires ? Faut-il élaborer des règles autonomes pour l’exploitation des sites internet
qui s’affichent aujourd’hui comme étant le principal outil de ralliement de la clientèle ?
a La commercialité des sites internet
37. Pour exercer son activité sur le réseau internet, le cyber-commerçant crée un site
internet qui est la vitrine d’accès à son fonds de commerce. Dans la plupart des cas,
ce site internet est simplement le miroir qui renvoie en réalité à un fonds de com-
53
Voir F.M. Sawadogo, « Stratégies de commerce électronique pour le développement :
promouvoir un dialogue international », op. cit.
142
Recht in Afrika 2013
merce analogique, identifiable sur un territoire matériel. Il ne s’agit pas de cela dans
notre hypothèse. Il s’agit plutôt du site internet commercial et servant à l’exploitation des transactions du commerçant (publicité, ventes, livraisons, service aprèsvente, etc.) sur la toile. Au regard de l’importance que prend la prospection, le
hameçonnage et la publicité par le biais des portails, vitrines, enseignes et sites internet, il est important de susciter la réflexion sur la commercialité des sites internet. La
question aujourd’hui est donc de savoir si une entreprise qui exerce son commerce
dans l’environnement virtuel de l’internet dispose d’un fonds de commerce. Dans
l’affirmative, et bien que le site internet soit qualifié (à tort ou à raison) de « fonds
54
de commerce virtuel » , serait-il juridiquement assimilable à un fonds de commerce
physique ? Cette préoccupation qui tient compte des exigences de la modernité
55
technologique et ses applications au droit , n’est pas sans intérêt pratique. En effet,
la qualification de fonds de commerce entraîne plusieurs conséquences juridiques,
puisqu’elle permet en particulier de grever le fonds d’un gage, et a des répercussions
fiscales en cas de cession. La question s’inscrit aussi dans l’actualité de ce qu’il est
convenu d’appeler la « nouvelle économie » : des sites se vendent à coup de millions
d’euros, sans que la cession n’ait nécessairement lieu par le biais de la vente des
56
actions de la société qui en est propriétaire . Pourtant, si le fonds de commerce virtuel est une notion économique et commerciale dont l’existence et l’opérabilité ne
font aucun doute, sa conception juridique reste encore à bâtir. Aussi, doctrine et
jurisprudence devancées par la pratique, élaborent progressivement des concepts qui
permettent d’élucider la réalité juridique du fonds de commerce virtuel et construire
un régime de protection adapté à la singularité de sa nature juridique. A cet égard en
effet, la définition légale du fonds de commerce ne s’oppose manifestement pas à la
consécration de la réalité juridique d’un fonds de commerce qui ne serait que numérique. En effet, tout site de commerce électronique ouvert au public est bien un
fonds de commerce en ce sens qu’il est destiné à créer et développer une clientèle, et
ce indépendamment d’autres éléments matériels (matériel informatique, stock, etc.)
ou incorporels (brevets, logiciels, bases de données, licences d’exploitation, etc.).
Comme le commerçant classique, le cyber-commerçant exploite un fonds de commerce dont la clientèle et le nom de domaine constituent les principaux éléments
actifs de ralliement.
38. D’un point de vue strictement commercialiste en effet, du fait du caractère
volatile des internautes, certains considèrent que dans le cadre du fonds de com-
54
55
56
Th. Verbiest / M. Le Borne, « Le fonds de commerce virtuel : une réalité juridique ? »,
Extrait du Journal des tribunaux, n° 6044 du 23 février 2002, pp. 145-150 ; voir également G. Sadde, La notion de fonds de commerce virtuel, Mémoire de DEA Informatique
et Droit, Université de Montpellier I, 1999–2000, pp. 11 et s. ; G. Deleuze, Différence et
répétition, cité par P. Lévy, Qu’est-ce que le virtuel ?, Paris, 1995, p. 9.
Sur cette actualité juridique, consulter P. Caye, « La condition immatérielle du monde et
la question du droit », Le droit et l’immatériel, op. cit., pp. 225-232 ; M.-A. Frison-Roche,
« L’immatériel à travers la virtualité », Le droit et l’immatériel, op. cit., pp. 139-148 ; V.
Petev, « Virtualité et construction de la réalité sociale et juridique », Le droit et l’immatériel, op. cit., pp. 27-34 ; L. Bochurberg, Internet et commerce électronique, Paris, 1999,
cité dans Revue Lamy Droit de l’Immatériel, n° 427, 2006.
Ainsi, le site http://www.amazon.com a-t-il récemment déboursé 6,1 millions de dollars
pour s’assurer les actifs immatériels (nom de domaine, marque commerciale, base de données clients, etc.) du défunt site http://www.egghead.com.
Diffo Tchunkam · La dynamique du droit commercial général de l’OHADA
143
57
merce virtuel, l’élément essentiel est l’achalandage . Ainsi on ne pourrait parler
dans cette hypothèse de clientèle virtuelle, mais plutôt d’achalandage. Il serait par
conséquent impropre de citer la clientèle comme élément constitutif essentiel d’un
fonds de commerce virtuel, puisqu’elle n’est pas susceptible d’appropriation.
39. En revanche, envisagé sous l’angle consumériste, un site internet bien référencé
peut être comparé à un commerce bien situé. Cependant, bien plus que dans le
monde « présentiel », le consommateur est enclin à se déplacer d’un site à l’autre, à
la recherche du meilleur prix et/ou du meilleur service. Le réseau offrirait alors au
consommateur un terrain facile de comparaison des produits ou services vendus.
Pour ces deux raisons, une clientèle « attirée » est envisageable. En effet, certaines
entreprises « virtuelles » sont amenées à créer des habitudes de consommation, à
donner confiance aux consommateurs, que ce soit par le biais de la mise en place de
mécanismes sûrs de paiement, la qualité de leur service après-vente, le respect des
délais ou le respect ostensible de la législation sur les transactions en ligne et les systèmes de paiements électroniques.
40. Au demeurant, bien que l’AUDCG ne remette pas en cause l’existence juridique
du fonds de commerce virtuel, il n’a pas anticipé sur les transformations de l’environnement des affaires pour encadrer ce nouvel outil d’exploitation des biens de
l’entreprise. Pourtant, l’éclosion du fonds de commerce virtuel porté par la pratique
du commerce électronique et soutenu par une frange importante de la doctrine spécialisée et une jurisprudence sans cesse évolutive dans la matière, soulève de nouvelles réalités qu’il convient d’intégrer dans la cyber-législation en cours d’élaboration dans l’espace OHADA. Force étant de reconnaître que la clientèle suivie et renouvelée du cyber-commerçant, essentielle à la survie du fonds de commerce virtuelle, est fortement tributaire de la notoriété des noms de domaine comme outil de
ralliement de la clientèle à travers les sites internet.
b Le nom de domaine du cyber-commerçant
41. La création d’un site ne relève pas uniquement de la conception et de la réalisation des pages qui permettent la transcription des documents spécifiquement au
58
travers du www . Encore faut-il lui donner un nom qui désignera son adresse et
permettra ainsi aux utilisateurs de l’identifier sur le réseau internet. Cette adresse
internet qui prend généralement la forme de http://www.credo-multi media.com est
le nom de domaine du commerçant qui déploie ses activités sur le réseau internet.
Assimilé au nom commercial, le nom de domaine est sans conteste l’élément le plus
59
caractéristique du fonds de commerce virtuel . Il est considéré comme un élément
actif du fonds comme le sont, par exemple, l’enseigne et le nom commercial. Sur
l’internet, les noms de domaine jouent un rôle primordial : sans eux, les sites seraient incapables de se faire connaître et d’entrer en contact avec la clientèle. Dans
ces conditions, il est tentant d’assimiler le nom de domaine à un nom commercial ou
57
58
59
C’est la relation d’affaires passagère par opposition à la relation d’affaires suivie et renouvelée : Th. Verbiest / M. Le Borne, « Le fonds de commerce virtuel : une réalité juridique ? », op. cit., p. 147. Également G. Loiseau, « Le nom de domaine et Internet : turbulences autour d’un nouveau signe distinctif », D. 1999, Chr. p. 245.
Réseau mondial d’interconnexion ouvert (la toile).
Pour une définition élaborée du nom de domaine : Th. Verbiest / E. Wéry, Le droit de
l’internet et de la société de l’information, Bruxelles, 2001, n° 809, p. 414.
Recht in Afrika 2013
144
60
une enseigne à « une sorte de nom commercial dans l’univers virtuel » , ce d’autant
plus qu’il est considéré comme le mot de passe ou de ralliement permettant d’entrer
en contact avec la clientèle. Comme le nom commercial, il permet de localiser l’en61
treprise . De même, il signale le lieu où la clientèle peut s’adresser à l’entreprise, à
la seule différence que le nom de domaine remplit sa fonction distinctive et locali62
satrice sur un territoire dématérialisé. Ainsi, la doctrine et la jurisprudence semblent assimiler le nom de domaine au nom commercial. La jurisprudence française a
déjà rendu des décisions en ce sens. C’est ainsi que le tribunal de grande instance du
63
Mans a implicitement assimilé un nom de domaine à une enseigne ou un nom commercial, par référence à l’article 711-4 du Code de la propriété intellectuelle, qui dispose que « [n]e peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits
antérieurs, et notamment : [...] c) A un nom commercial ou à une enseigne connus
sur l’ensemble du territoire national, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit
du public ». En l’espèce, le nom de domaine « oceanet.fr » avait été réservé avant
qu’un dépôt de marque sur le même nom (« Oceanet ») n’ait eu lieu. Saisi par le
titulaire de la marque, le tribunal a estimé que la société défenderesse titulaire du
nom de domaine litigieux
[...] utilisait la dénomination Oceanet comme nom de domaine dès la mijuillet 1996, soit antérieurement au dépôt par la demanderesse de sa marque
complexe reprenant cette dénomination. Dès lors, même si son caractère frauduleux n’est pas établi par les pièces du dossier, ce dépôt a été effectué en
contravention avec les dispositions de l’article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle et la marque déposée le 2 septembre 1996 [...] ainsi que
son renouvellement effectué le 16 juin 1998 [...] seront déclarés nuls pour
indisponibilité du signe.
64
Dans une autre affaire , le Tribunal de grande instance de Paris a estimé qu’un nom
de domaine était susceptible de protection par le détour des pratiques du commerce,
65
au même titre que l’enseigne ou le nom commercial .
60
61
62
63
64
65
L. Bochurberg, Internet et commerce électronique, op. cit.
G. Loiseau, « Le nom commercial », dans Encyclopédie Dalloz, Répertoire de droit commercial, tome 5, 2003, p. 3.
G. Loiseau, « Le nom commercial », op. cit., p. 24.
Tribunal de grande instance (TGI) Le Mans, 29 juin 1999, 1re ch., aff. Microcaz c/Océanet
et S.F.D.I., disponible sur http://www.juriscom.net.
TGI Paris, réf., 27 juillet 2000, Market Call, MM. F.d.C. et Y.B. c/Mille Mercis, disponible sur http://www.juriscom.net.
Le litige opposait la start-up Mille Mercis à une société de vente à distance de cadeaux offrant un service de rappel de dates, la société Market Call. La société Mille Mercis offrait
depuis avril 2000 un service de création de listes de cadeaux et de rappel de dates festives
sur les sites http://www.pensefetes.com, http://www.pensefete.com et http://www.pensefete.com. Le futur gérant de Market Call avait préalablement enregistré à titre personnel le
nom de domaine http://www.pense-fetes.com, lequel n’avait toujours pas été exploité à la
date de l’assignation de la société Mille Mercis. Market Call et les cotitulaires de la marque « Le Pense-Fêtes » ont assigné, le 13 juillet 2000, la société Mille Mercis en référé et
au fond en contrefaçon de la marque « Le Pense-Fêtes », ainsi qu’en concurrence déloyale
et agissements parasitaires. Ils demandaient au tribunal d’ordonner l’attribution au bénéfice de la société Market Call des trois noms de domaine exploités par la société Mille
Mercis. Sur la concurrence déloyale, le juge a estimé que « la protection sur un nom de
Diffo Tchunkam · La dynamique du droit commercial général de l’OHADA
145
c Le contrat de bail du cyber-commerçant
42. Sur l’internet, le site web du commerçant doit être hébergé. Pour ce faire, le
commerçant dispose, de manière générale, de deux options : soit il héberge son site
sur son propre serveur, qui est lui-même situé dans un local ; soit il héberge son site
par le biais d’une location d’espace disque auprès d’un hébergeur. Dans le premier
cas, les locaux dans lesquels sont logés les serveurs qui hébergent physiquement le
site ne peuvent certainement pas être confondus avec le fonds lui-même qui est exploité sur l’internet. La localisation ne peut aucunement être identifiée au lieu de
situation des serveurs. En effet, c’est sur l’internet que le fonds est exploité. Dans le
second cas, le commerçant sera contractuellement lié à un fournisseur d’hébergement qui mettra à sa disposition de l’espace disque connecté à l’internet, afin que le
site soit accessible sur le réseau. Comment qualifier ce contrat d’hébergement ?
Peut-on l’assimiler au contrat de bail (bail commercial ou bail à usage professionnel), élément constitutif traditionnel du fonds de commerce et en tirer les conséquences qui découlent du régime des baux à usage professionnel ? Rien n’est moins
sûr ! A l’heure de l’émergence de milliers de « boutiques en ligne » hébergées par
des tiers, la question mérite à tout le moins d’être posée. Le locataire d’un espace
disque qui héberge son commerce virtuel mérite-t-il la même protection que le preneur d’un bail commercial « traditionnel » ? La loi du 30 avril 1951 s’applique aux
baux commerciaux ainsi définis : « [...] les baux d’immeubles ou de parties d’immeubles qui, soit de manière expresse ou tacite dès l’entrée en jouissance du preneur, soit de l’accord exprès des parties en cours du bail, sont affectés principalement par le preneur ou par un sous-locataire à l’exercice d’un commerce de détail ou
à l’activité d’un artisan directement en contact avec le public ». Deux conditions
essentielles sont ainsi imposées par la loi : l’existence d’un contact direct avec le
public (la clientèle), d’une part, et l’affectation du bail à un immeuble ou une partie
d’immeuble, d’autre part. Ces éléments caractéristiques de l’autonomie du fonds,
bien que décelables dans certains cas, ne sont pas aisément identifiables en ce qui
concerne les « boutiques en ligne ».
43. Pour conclure partiellement sur cette question, il est important de noter qu’il ne
fait pas de doute que la notion juridique de fonds de commerce est susceptible de
s’appliquer à un site de commerce électronique transactionnel « ouvert au public ».
Ce qu’il est convenu d’appeler « fonds de commerce virtuel » présente toutefois des
caractéristiques originales, dont les principales sont l’absence de droit au bail et le
rôle essentiel joué par le nom de domaine en tant qu’élément constitutif du fonds.
Celui-ci devrait obéir à un régime juridique adapté à la singularité de sa nature. En
tout état de cause, la dématérialisation du fonds de commerce ne devrait pas empêcher son immatriculation. Bien au contraire ! L’immatriculation du fonds de commerce virtuel sera rendu facile dans la mesure où le législateur OHADA a facilité
cette opération par l’informatisation des formalités et procédures d’enregistrement et
de communication des différents fichiers (national, régional). Qui plus est, au-delà
de l’identification électronique des cyber-commerçants, ce procédé permettra four-
domaine ne peut s’acquérir que par son exploitation ». Il a ensuite conclut au débouté de
la société Market Call après avoir constaté que, d’une part, la société Market Call n’exploitait pas le nom commercial « Le Pense-Fêtes » pour son commerce off-line et que,
d’autre part, elle n’exploitait pas le nom de domaine http://www.pense-fetes.com sur
l’internet.
146
Recht in Afrika 2013
nira des indices de localisation du cyber-commerçant pour la détermination de la loi
applicable aux différends relatifs au cyber-commerce.
66
44. C’est le lieu d’affirmer que le fonds de commerce virtuel est bel et bien une
réalité juridique, et de convenir avec J.-L. Bergel que
le droit ne saurait ignorer les réalités vivantes et constamment évolutives, et
ne peut pas comporter un stock complet de concepts prédéterminés […]. Car
des concepts émergents se dégagent par l’observation des situations, des phénomènes, des pratiques en émersion que l’on élève à un niveau d’abstraction
et de généralité suffisant pour les conceptualiser […]. Leur insertion dans
l’appareil conceptuel du droit est, au contraire, le signe de sa vitalité.
45. De tout ce qui précède, le droit commercial général de l’OHADA en mouvement s’inscrirait parfaitement dans la logique de pensée de J. Hamel et G. Lagarde
qui posaient, non sans quelque fierté, la philosophie animant la doctrine commercialiste :
sympathie pour les solutions audacieuses même si elles font courir aux intéressés certains risques considérés comme inhérents à la vie économique, rejet
systématique des raisonnements logiques lorsqu’ils conduisent à des positions qui ne sont pas en pleine harmonie avec les besoins de la pratique des
affaires, recherche de tous les symptômes qui annoncent la transformation
des institutions existantes ou qui préparent les évolutions à peine amorcées,
désir intense de ne négliger aucun phénomène économique dont le fonction67
nement nécessite un cadre juridique adapté à notre milieu social .
Il n’est donc pas surprenant que la difficulté à cerner la théorie de la commercialité
s’intensifie aujourd’hui sous l’effet de la mondialisation des structures du droit. De
là, une remarque générale se dégage. L’on observe que la dynamique des mutations
sociales et la pression des faits économiques représentent aujourd’hui les deux prin68
cipales « menaces » à la stabilité du droit et influencent même les réformes juri69
diques dans le système OHADA . Si bien que le droit ne cesse de se renouveler,
allant d’innovations en réglementations successives par l’éclosion de nouvelles
notions, actionnant au passage une « course-poursuite effrénée du droit des affaires
70
et des mutations concrètes de la vie économique » . Ainsi en est-il du droit commercial général qui devient pratiquement le droit commun des affaires par sa faculté à
saisir et à encadrer aussi bien tous les actes de la vie économique que la plupart des
acteurs intervenant dans l’environnement des affaires. L’autre grande mutation est
celle du glissement progressif du droit commercial général vers un véritable droit
66
67
68
69
70
Selon M. Vivant en effet, « le virtuel possède une pleine réalité, en tant que virtuel »,
G. Deleuze, Différence et répétition, cité par P. Lévy, Qu’est-ce que le virtuel ?, op. cit.,
p. 9.
Voir préface, J. Hamel / G. Lagarde, Le traité de droit commercial, tome 1, Paris, 1954.
X. Martin, « Le droit privé révolutionnaire : essai de synthèse », RTD civ. 2006, Chr.
p. 239 ; voir contra, G. Ripert, Les forces créatrices du droit, Paris, 1955, p. 76.
Voir à ce propos A. Akam Akam (sous la direction de), Les mutations juridiques dans le
système OHADA, Yaoundé, 2010.
J.-L. Bergel, « Le processus des concepts émergents », dans Les concepts émergents en
droit des affaires, sous la direction de E. Le Dolley, Paris, 2010, pp. 439-459.
Diffo Tchunkam · La dynamique du droit commercial général de l’OHADA
147
des activités économiques, l’entreprise et la profession en constituant le socle et les
éléments fédérateurs des intervenants dans la chaîne économique.
46. De l’orthodoxie juridique à l’opportunité pratique des lois, l’OHADA s’ouvre à
l’économie numérique en jetant les bases de la cyber-législation par la consécration
de la neutralité technologique et de l’équivalence fonctionnelle des résultats comme
gage de la fiabilité de l’environnement complexe des infrastructures technologiques
du commerce international. Il n’en fallait pas plus pour asseoir l’assurance-qualité
du droit OHADA comme facteur d’attractivité des économies africaines.
47. C’est tout le sens et l’esprit de la réforme de l’AUDCG après quinze ans de
mise à l’épreuve du temps, de la pratique et des effets induits des mondialisations du
71
droit que J.-L. Halperin qualifie d’excessif, en redoutant une transplantation accélérée des techniques du droit des affaires. Sans prétendre à un quelconque enfermement juridique qui détonnerait justement avec la marche naturelle du monde, il
convient de dire que le droit en tant que « technologie » au service du pouvoir législatif, devrait tracer la voie à un évolutionnisme simplificateur des règles prédéterminées et figées hostiles à toute adaptation.
48. C’est le lieu enfin de relever avec un brin d’espoir l’approche transformatrice et
révolutionnaire de l’OHADA, orientée vers des réformes ciblées et progressives. Le
mérite de cette approche est finalement son aptitude à veiller à la mesure de l’attractivité du droit OHADA en esquissant des moules capables d’accueillir les transformations du droit, avec la pleine conscience de ce que « tout prévoir est un but qu’il
72
est impossible d’atteindre » .
71
72
J.-L. Halperin, Profils des mondialisations du droit, Paris, 2009, voir Introduction, également p. 226 in fine.
J.-E.-M. Portalis, Discours préliminaire sur le Code civil, présenté le 1er Pluviôse An IX,
Discours, rapports et travaux inédits sur le Code civil, publiés par le Vicomte Frédéric
Portalis, Paris, 1844, réédité par le Centre de philosophie politique et juridique URACNRS, Université de Caen, 1992, p. 6 ; dans le même sens, L. Schimsewitsch, Portalis et
son temps, Thèse, Paris, 1936 ; E. Leduc, Une grande figure de l’histoire napoléonienne,
Portalis, 1746–1807, Paris, 1991, p. 175 et ss.
Recht in Afrika 2013: 149-167
François Narcisse Djamé*
La coutume, source de droit en droit administratif camerounais :
reflexions à partir d’un malentendu
Résumé
La coutume peut-elle être source de droit en droit administratif dans
un environnement dominé par le droit écrit ? La doctrine, en général,
ne s’accorde pas sur cette question. Certains y ont trouvé place pour
une source de normativité tandis que d’autres se bornent encore à nier
son existence. Le problème se pose presque à l’identique au Cameroun, à la seule différence que ceux qui admettent l’existence de la
coutume en droit administratif lui donnent la même signification
qu’en droit privé, dans les matières de « droit traditionnel », plus précisément. Sans doute, influencée par le vocable « coutume », la doctrine camerounaise y voit une règle de droit, alors que dans la plupart
des cas, cette notion renvoie aux simples usages observés dans certains groupes sociaux. C’est cette conception de la coutume, qui se
fonde sur des bases fragiles, qu’il convient de rejeter, avant de proposer une démarche qui permet de révéler l’existence de la coutume et
d’examiner comment celle-ci se positionne dans l’ordre juridique camerounais comme une véritable source de droit en droit administratif.
Introduction
Le terrain de la coutume est sans doute l’un des plus fertiles, mais aussi, figure parmi les plus mouvants sur lesquels s’est aventurée l’étude des sciences sociales depuis des siècles. De multiples opinions émises sur cette question, dans les disciplines
autant diverses que variées, lui ont conféré un caractère pluriel et éclectique, ce qui a
fait dire à un auteur et non sans raison, que rarement un mot aura été aussi poly1
sémique . En effet, ainsi que le souligne F. Terré, le sens donné au vocable « cou2
tume » varie en fonction des disciplines, et même des systèmes de droit .
Sous l’angle de la science juridique, la coutume en tant que notion, revêt une signi3
fication particulière qui semble faire l’unanimité , du moins en droit d’inspiration
française. Celle-ci associe la pratique, élément matériel, à l’opinio juris, élément
psychologique, c’est-à-dire la conviction du caractère obligatoire de la pratique,
chez ceux qui s’y livrent. C’est cette préoccupation que traduit R. Capitant, dans une
brève et dense formule : la coutume, dit l’auteur, c’est « le droit prescrivant d’agir
4
selon l’usage […] » .
*
1
2
3
4
Chargé de Cours à l’Université de Douala, Cameroun, [email protected].
F. Terré, Introduction générale au droit, 2e éd., Paris, Dalloz, 2003, p. 304.
Ibid.
Cette définition de la coutume est celle que l’on rencontre dans la quasi-totalité des
ouvrages de droit.
R. Capitant, « La coutume constitutionnelle », RDP no4, 1979, p. 959.
150
Recht in Afrika 2013
Si cette définition est d’apparence simple, en revanche, la conception de la coutume
5
ne fait pas l’unanimité en droit administratif camerounais . Contrairement au droit
privé où l’on s’accorde à reconnaître que la coutume est source de droit dans les ma6
tières de « droit traditionnel » et dans lesquelles elle s’applique comme règle de
7
droit , les « administrativistes », de leur côté, sans lui dénier la qualité de source de
droit, ne semblent pas lui reconnaître le même procédé de formation. En effet, la
8
doctrine dominante ignore l’usage lorsqu’elle aborde la question de la coutume.
Elle se borne à constater l’existence des pratiques ancestrales dans certains groupes
sociaux qui acquièrent « force de loi » dans les groupes concernés, et que l’on qualifie de « coutume ».
On remarque que cette position ne s’éloigne pas de celle des « privatistes » camerounais qui, dans leurs travaux portant sur le « droit traditionnel », ne se préoccupent
guère du processus de formation de la coutume. C’est là, semble-t-il, l’élément essentiel de démarcation entre le droit privé et le droit administratif en particulier, dans
9
l’étude de la coutume .
L’étude de la coutume en droit administratif, dans le concert des sources de droit,
revêt un intérêt théorique qui ne manque pas de soulever au moins deux difficultés
majeures ; la première est liée à la révélation ou à l’identification de la coutume dans
un groupe social donné, à partir de l’observation d’un usage. En d’autres termes,
comment l’usage, phénomène sociologique, donne-t-il naissance à la coutume, règle
10
de droit ? C’est la délicate question de la « transmutation du fait en droit » qui se
situe au cœur du droit coutumier, qu’il convient d’examiner.
La deuxième difficulté – et non la moindre – consiste à trouver un fondement constitutionnel à la coutume – au cas où celle-ci existerait – dans un système juridique qui
accorde la seule place au droit écrit, en vertu du principe de la souveraineté natio11
nale qui fait de la loi, expression de la volonté générale, l’unique source normative .
5
6
7
8
9
10
11
Le débat existe encore en France, malgré les travaux autorisés de G. Teboul. Lire en particulier son ouvrage intitulé « Usages et coutume dans la jurisprudence administrative »,
Paris, LGDJ, 1989.
Il s’agit du droit civil (droit de la famille et des biens, en particulier) qui constituent des
domaines où les règles traditionnelles, variant en fonction des ethnies, sont fortement ancrées dans les groupes sociaux. Lire V.-E. Bokalli, « La coutume, source de droit au Cameroun ». Voir aussi le décret n°69/DF/544 du 19 déc. 1969 fixant l’organisation judiciaire et la procédure devant les juridictions traditionnelles du Cameroun Oriental.
Une restriction majeure s’impose cependant à la reconnaissance de la coutume juridique :
elle doit être dépouillée de tous les alluvions d’irrationalité qui l’empêchent d’accéder au
trône du droit. Ainsi, se doit-elle de ne pas être contraire à l’ordre public, aux bonnes
mœurs et aux principes généraux du droit (CS/COR, 22 mai 1962, Bull. 1962, p. 315).
Voir les travaux de R.-G. Nlep et de C. Sietchoua, qui seront abondamment cités dans la
suite de l’étude.
Nous n’avons pas encore pu déceler l’existence d’une règle coutumière de droit public camerounais dans une discipline autre que le droit administratif, ainsi que nous tenterons de
le démontrer dans les lignes qui suivent.
Lire M. Troper, « Du fondement de la coutume à la coutume comme fondement », Droits
n°3, 1986, p. 12.
Ce point de vue est soutenu par A. Esmein qui relève que suivant le principe de la souveraineté nationale, « le droit national et la loi se confondent », dans « La coutume doitelle être reconnue comme source du droit civil français ? », Rapport présenté à la première
Djamé · La coutume, source de droit en droit administratif camerounais
151
En effet, comment admettre que la coutume puisse avoir un fondement juridique au
Cameroun, alors que la Constitution ne lui reconnaît aucune place comme fait créa12
teur de normes ?
Il convient d’emblée d’écarter le point de vue de C. Sietchoua, qui semble dénué de
pertinence. L’auteur relève que « c’est par la reconnaissance et la protection des va13
leurs traditionnelles par la Constitution que la coutume accède au rang de norme
14
fondamentale » . Il regrette ainsi que cette « constitutionnalisation » de la coutume
se soit faite « dans l’indifférence presque totale s’agissant d’une opération dont la
conséquence aura été de faire passer la coutume d’un statut quasi légal à un statut
15
constitutionnel » . Cette interprétation que l’auteur donne de l’article 1er al. 2 de la
Constitution en établissant une synonymie entre les « valeurs traditionnelles » et la
16
« coutume », règle de droit, paraît excessive et résiste difficilement à la critique .
Par ailleurs, le statut de la magistrature qui institue un serment de magistrat, faisant
obligation à ce dernier, dès son intégration dans le corps de la magistrature, « à
rendre justice avec impartialité, conformément aux lois, règlements et coutumes du
17
peuple camerounais […] » , justifie l’intervention du juge, institué par la Constitution, à traiter de la coutume. Mais cette autorisation d’appliquer la coutume ne va
pas sans contredire la loi fondamentale qui consacre le principe de la souveraineté
nationale. Il est donc légitime de se demander ce qui autorise le juge à appliquer la
coutume en l’absence d’une habilitation formelle de la Constitution.
La solution proviendrait de la conception kelsénienne de l’ordre juridique, laquelle
fonde la régularité de l’application du droit coutumier par les tribunaux, en supposant – comme pour les actes de législation – qu’une norme hypothétique d’habilita18
tion, la norme fondamentale, institue la coutume comme fait créateur de normes .
L’ordre juridique habiliterait donc implicitement les groupes sociaux à se déterminer
19
par voie de coutume .
12
13
14
15
16
17
18
19
Sous-commission de révision du Code civil, Bull. de la Société d’Etudes Législatives,
Paris, Arthur Rousseau, 1905, p. 4.
R. Capitant adopte un point de vue favorable à la coutume malgré le principe de la souveraineté nationale. L’éminent juriste soutient en effet qu’en déléguant à des représentants le
droit de faire la loi, la nation n’a pas entendu tarir la source coutumière, distincte de la loi.
e
Voir Introduction au droit civil, t. 1, 13 éd., Paris, Dalloz, 1999, p. 47, cité par A. Lebrun,
La coutume, ses sources, son autorité en droit privé, thèse, Paris, LGDJ, 1932, p. 394. Ce
point de vue est isolé, malgré sa pertinence.
Nos italiques.
Lire C. Sietchoua, « Du nouveau pour la coutume en droit positif camerounais : la constitutionnalisation de la coutume et ses conséquences », Revue Juridique Thémis n°1, 2000,
pp. 131-157.
Ibid.
Pour C. Sietchoua, la coutume juridique étant une des valeurs de la tradition, et la Constitution reconnaissant les valeurs traditionnelles, il en déduit que la coutume a fait l’objet
d’une reconnaissance constitutionnelle depuis 1996. L’erreur provient sans doute du fait
que l’auteur assimile tradition et coutume juridique (ibid., pp. 140 et 141).
Voir art. 123 du décret n°95/048 du 08 mars 1995 portant Statut de la magistrature.
H. Kelsen, Théorie pure du droit, trad. Charles Eisenmann, Paris, Dalloz, 1999, pp. 225 et
s.
G. Teboul, « Remarques sur la validité des règles coutumières dans l’ordre juridique français », RDP no3, 1998, p. 695.
Recht in Afrika 2013
152
La présente étude s’appuie en outre sur un argument qui ne semble pas dénué de
20
solidité ; celui des fondements du droit à travers ses sources, c’est-à-dire ses modes
de fabrication. C’est cette conception que retient P. Amselek des sources formelles
du droit, qui sous-tend cette étude. Il s’agit des différents procédés de formation des
normes juridiques, contrairement aux sources matérielles qui, elles, constituent des
facteurs influant sur la réglementation et contribuant à motiver et à déterminer le
21
législateur dans son œuvre de création du droit .
La démarche « privatiste » qu’empruntent la plupart des « administrativistes »
camerounais, et qui ignore l’usage dans l’étude et la conception de la coutume, n’est
pas unanimement partagée. Elle semble même reposer sur des bases fragiles dans la
mesure où, limitant l’analyse aux seules collectivités traditionnelles, elle ne dit pas
comment l’usage, pratique sociale et élément de pur fait, devient coutume, règle de
droit. Il ne paraît pas, en réalité, qu’une telle entreprise eût été facile pour les « privatistes » camerounais. Deux raisons au moins peuvent le justifier. D’une part, la
coutume est connue de tous les Africains et s’observe dans toutes les ethnies ; elle
hante les esprits, ce d’autant plus que sa violation expose le contrevenant aux sanctions prévues et organisées par le groupe social tout entier. On peut donc comprendre qu’il soit difficile de concevoir une autre approche de la coutume, en dehors
de celle unanimement admise. Cette vision des choses est partagée par la doctrine
« privatiste » africaine, en général, et camerounaise, en particulier, qui ne reconnaît
22
la coutume comme source de droit que dans le cadre du seul droit privé .
D’autre part, la coutume figure parmi les mythes sociétaires les plus connus en
Afrique, lesquels sont des systèmes d’« explication imagée et légendaire des êtres et
des normes symbolisant la pensée, ayant force d’imposer des règles obligatoires
23
déterminant les rapports sociaux dans une communauté » . Ces mythes qui caractérisent l’ensemble des sociétés traditionnelles africaines rendent difficile toute étude
rationnelle et scientifique de la coutume.
24
Une frange de la doctrine , certes encore isolée, relevant la spécificité de l’observation de la coutume en droit administratif camerounais, n’hésite pas à situer l’usage
et sa fonction au cœur du phénomène coutumier. C’est dans cette optique que se
place la présente réflexion qui se donne pour ambition de proposer une perception
juridique et universelle de la coutume, différente de celle que retient le moule
20
21
22
23
24
Cette solidité semble attestée par A. de Laubadère, qui souligne que « la coutume n’est
pas étrangère à la formation de certaines règles et à la construction de certaines théories
du droit administratif », Traité de droit administratif, 6e éd., Paris, LGDJ, 1976, t. 1, p. 31.
P. Amselek, « Brèves réflexions sur la notion de source du droit », Arch. de Phil. du Droit,
t. 27, 1982, p. 251.
L’article de V.-E. Bokalli sus évoqué (cf. note 6) est suffisamment éloquent à ce sujet.
E. Leroy et M. Wane, Encyclopédie Juridique de l’Afrique, t. 1, Dakar, Les Nouvelles
Editions Africaines, 1982, p. 358.
Il s’agit pour l’heure de l’auteur de ces lignes. Lire sa thèse de doctorat en droit public, intitulée « Contribution à l’étude des usages et de la coutume en droit administratif camerounais », Université Paris XII, 31 mars 2004, ainsi que l’ouvrage intitulé « Usages et
coutume en Droit administratif camerounais », Paris, Ed. Dianoïa, Diffusion PUF, 2009.
Nos remerciements à notre directeur de thèse et préfacier de l’ouvrage, Gérard Teboul, qui
nous a initié aux subtilités de l’observation de l’usage et de la coutume en droit administratif.
Djamé · La coutume, source de droit en droit administratif camerounais
153
25
traditionnel de la coutume autochtone ou ancestrale. Ainsi, la question de savoir
s’il existe une source coutumière du droit administratif et, dans l’affirmative, comment celle-ci se matérialise en droit positif camerounais, semble liée à celle du contenu de la notion de coutume. Elle devrait par conséquent se fonder, au préalable,
sur le sens qu’il convient de donner à ce vocable.
La réponse à cette interrogation n’est pas évidente ; elle appelle une démarche qui se
veut cohérente et invite dans un premier temps à dissiper certains malentendus (I),
avant d’examiner comment la coutume s’affirme progressivement comme une
source formelle de droit en droit administratif camerounais (II).
I. La coutume, source de droit équivoque
La perception de la coutume est loin d’être homogène. Certains ont fait de cette
notion, un « fourre-tout », dans la mesure où ils lui attribuent les acceptions les plus
diverses qui revoient pourtant à plusieurs réalités (A). Cette conception de la coutume, accentuée par une lecture incohérente de la jurisprudence, est pourtant loin de
faire l’unanimité (B).
A. Le rejet de la conception extensive de la coutume
La conception extensive de la coutume est celle qui attribue à cette notion toutes les
connotations qui laissent parfois croire que l’on est à première vue devant une
authentique règle de droit. Cette vision des choses tire son aliment d’une terminologie trompeuse, qui dévoile également la forte influence du droit privé sur le droit
administratif camerounais.
1. Une conception fondée sur des pièges terminologiques
Les auteurs qui affirment spontanément que la coutume est source de droit en droit
administratif, sans dire comment elle s’affirme ainsi se fondent sur une conception
large de cette notion. Il faut néanmoins relever que cette attitude n’est pas propre
aux auteurs camerounais. L. Valette, en France, par exemple, élargit la coutume à
tout le droit non écrit. Il conseille de la « saluer » partout où on la rencontrerait, dans
la jurisprudence, dans la pratique extra judiciaire constante, dans les usages établis et
26
constants, dans les usages conventionnels, etc.
La conception de Valette englobe celle des auteurs camerounais qui assimilent dans
l’ensemble la coutume aux usages (tradition, habitude, pratique, etc.), simples faits
sociaux, observés au sein des collectivités traditionnelles.
La thèse de C. Sietchoua qui confond ou assimile coutume et valeurs traditionnelles,
écartée au début de l’étude, semble isolée. L’on devrait également se garder d’établir
une synonymie entre coutume et droits coutumiers. La coutume est une véritable
25
26
Malgré la forte prégnance de la coutume autochtone en Afrique, il faut admettre que ce
continent n’a pas le monopole en la matière. La coutume s’observe également chez les
peuples du Pacifique, qui sont dans le giron de la République française. Lire F. Garde,
o
« Les autochtones de la République », RFDA n 15(1), janv.-fév. 1999, pp. 1-13. Voir
également arrêt Attiti, TA de Nouméa, 19 septembre 1991.
Lire A. Lebrun, La coutume, ses sources, son autorité en droit privé, thèse, Paris, LGDJ,
1932, pp. 200-201.
154
Recht in Afrika 2013
règle de droit, alors que les droits coutumiers sont des droits subjectifs qui s’ac27
quièrent par l’usage prolongé d’un bien .
Les textes qui renvoient à la coutume constituent également un piège, une véritable
pierre d’achoppement pour la doctrine ; il faudrait par conséquent s’en méfier. Ainsi,
lorsque, par exemple, le législateur fait référence à la « norme coutumière » d’un
terroir donné, dont l’efficacité est avérée en matière de protection de l’environnement, il renvoie certes à la coutume du terroir, c’est-à-dire à l’usage, mais pas à une
règle de droit objectif. De même, en prescrivant aux chefs traditionnels de procéder
à des consultations ou arbitrages entre leurs administrés, « conformément à la cou28
tume », cela ne signifie pas qu’il révèle l’existence d’une règle de droit ; il renvoie
seulement une opération aux usages des collectivités.
C’est pourtant cette conception de la coutume que les « administrativistes » camerounais retiennent de la lecture du décret de 1977 portant organisation des chefferies
traditionnelles. Ce travers ne va pas manquer d’influencer leurs analyses et commentaires sur la jurisprudence se fondant sur ce texte.
La conception extensive de la coutume, ainsi brièvement révélée, est à proscrire. Le
29
droit administratif camerounais devrait affirmer une certaine autonomie par rapport
au droit privé, si l’on veut comprendre la véritable signification de la coutume dans
cette matière.
2. L’influence du droit privé dans la conception de la coutume
Les juristes « publicistes » camerounais se sont appropriés, sans la moindre nuance,
la conception « privatiste » de la coutume. Ils observent la coutume en droit administratif de la même manière que leurs collègues de droit privé, sans faire l’effort de
comprendre son processus de formation. Pour eux, la coutume est incontestablement
une règle de droit en droit public, parce qu’elle l’est en droit privé. Les propos de
R.-G. Nlep illustrent cette vision des choses. Se prononçant sur la normativité de la
« coutume », l’auteur remarque que « légitimement », on peut s’interroger sur la
consécration de la règle coutumière en droit public dans le contentieux des chefferies traditionnelles, étant donné que le jeune Etat indépendant a élevé très tôt la
30
coutume au rang de source de droit en droit privé . Par conséquent, l’on ne saurait
comprendre pourquoi on ne réserverait pas à la coutume en droit administratif le
même traitement dont elle bénéficie en droit privé. C’est ce raisonnement par assi27
28
29
30
Les décisions du juge colonial attestent de cette conception de la coutume, maintes fois
invoquées par les plaideurs. Voir par ex., CCA, 10/8/1950, Communauté Akwa ; CCA,
29/01/1963, Kotto Eyoum, relatifs à la coutume foncière.
Voir infra.
Il ne s’agit point ici de la question de l’autonomie du droit administratif débattue dans la
doctrine, et qui pour Ch. Eisenmann, est un « dogme faux », étant donné qu’il faudrait
admettre que relèvent du droit administratif, toutes les règles, même de droit privé, dont le
juge administratif fait application dans la résolution des litiges portés à sa connaissance.
Lire son article intitulé « Un dogme faux : l’autonomie du droit administratif », Mél. Sayaguès Laso, t. IV, 1969, pp. 417-438. L’on observe simplement que les « administrativistes » camerounais devraient développer une certaine indépendance par rapport aux
thèses émises en droit privé, relativement à la notion de coutume.
R.-G. Nlep, L’administration publique camerounaise : contribution à l’étude des systèmes
africains d’administration publique, Paris, LGDJ, 1986, p. 131.
Djamé · La coutume, source de droit en droit administratif camerounais
155
milation qu’il est donné de contester, puisque rien a priori ne rapproche les deux
conceptions.
La formation « privatiste » du juge administratif camerounais ne manque pas
d’influencer cette perception des choses. En effet, le juge administratif, siège tant
dans les formations administratives que judiciaires, y compris au sein des juridictions de droit traditionnel intégrées dans l’organisation judiciaire nationale. En matière de droit traditionnel, en particulier, le juge ignore l’« usage » dans le vocabulaire qu’il utilise ; il ne connaît que la « coutume ». Par conséquent, la coutume étant
31
source de droit en droit privé, dans les matières civiles notamment, le juge pourrait
32
ne pas comprendre qu’on ne lui réserve pas la même autorité en droit administratif .
Il faut se soumettre à une évidence pour essayer de justifier ce point de vue ; lorsque
33
le même juge siège d’un tribunal à un autre , il n’acquiert pas une nouvelle tournure
d’esprit et une dextérité différentes de celles qui sont les siennes en droit privé, pour
lui permettre d’adopter, subitement, une conception particulière de la « coutume »
quand il statue en matière administrative.
L’opinion émise ne manque pas de pertinence. Toutefois, on ne saurait affirmer que
le juge administratif considère que la coutume, règle de droit – dans une matière qui
touche aux traditions ancestrales – existe nécessairement en droit administratif,
même quand la loi y renvoie, parce qu’elle est incontestable en droit privé. Si la coutume s’applique de façon « autonome » en droit privé camerounais, rien ne dit que si
elle était confirmée par la loi (lato sensu), elle pouvait évoluer indépendamment de
cette dernière. Il est même permis d’en douter, puisque lorsque le juge judiciaire
exige, par exemple, que la coutume invoquée dans un litige soit « énoncée », c’est-à34
35
dire précisée au regard de l’espèce litigieuse , il veille à l’application de la loi qui
exige cette énonciation.
L’opinion majoritaire qui incline à reconnaître valeur de règle de droit à la coutume,
en droit administratif comme en droit privé, fait courir le risque d’affirmer que la loi
renvoie la matière de désignation des chefs traditionnels à « une autre règle juridique ». C’est pourtant cette position que la doctrine « administrativiste » camerounaise adopte, et qui paraît contraire à la réalité du droit positif.
B. L’analyse contestable des positions doctrinales sur les solutions du juge
administratif
La doctrine camerounaise qui a pris position, et avec forte conviction, sur l’existence
de la coutume – règle de droit – en matière administrative, a sans doute succombé à
l’apparence trompeuse des solutions du juge. Cette attitude se vérifie particulière-
31
32
33
34
35
CS, arrêt n°6 du 24 novembre 1977, Bull. 1978, n°38, p. 5571.
Ibid.
C’est une des particularités du système judiciaire camerounais dans lequel le juge administratif n’a pas une autonomie organique, puisque, formé au droit privé, il siège dans les
formations administratives, civiles et pénales.
CS, arrêt n°6, op. cit.
Voir art. 18 du décret de 1969 fixant l’organisation judiciaire et la procédure devant les
juridictions traditionnelles, op. cit., note 6.
156
Recht in Afrika 2013
36
ment au sujet de l’affaire Collectivité Déido , dont on a attribué des solutions qui
n’existent pas dans la réalité.
Aussi, tout en dévoilant une observation particulière de la coutume, la thèse adoptée
par certains auteurs camerounais, consacrant l’existence de la coutume en droit administratif, devrait-elle être nuancée.
1. La négation de la consécration de la règle coutumière dans la jurisprudence
Collectivité Deido de Douala
La lecture du jugement Collectivité Deido par certains auteurs, en l’occurrence R.G. Nlep et C. Sietchoua, paraît tronquée. Dans ses observations sur cette affaire, le
premier cité affirme que le mode de désignation du chef traditionnel, qui exige la
consultation des notabilités coutumières, se fait conformément à la coutume de la
37
collectivité donnée, « à l’exclusion de tout autre règle » . Il ne semble donc pas
douteux de souligner que R.-G. Nlep reconnaît que le juge administratif consacre
une authentique règle de droit. Le fait que l’auteur aboutisse à cette conclusion après
s’être interrogé sur la consécration par le juge administratif de « la première règle
coutumière » du droit public camerounais, nous conforte dans notre position.
Le mot « règle », dans l’expression « règles de la coutume », utilisée par le juge
dans l’affaire Collectivité Deido a sans doute influencé la doctrine. L’on note pour38
tant que ce vocable ne saurait à lui tout seul renvoyer à la coutume . Le même
39
40
juge , et le Conseil d’Etat français ont souvent eu recours au mot « règle », non
pour signaler une règle de droit, mais pour désigner l’existence des usages, simples
faits, dans un groupe social.
La démarche de la doctrine est-elle cohérente ? Nous ne le pensons pas. En effet,
quand le juge administratif renvoie la désignation du chef traditionnel aux règles de
la coutume (de l’ethnie duala), il exige seulement que l’administration respecte les
usages de cette collectivité, sans consacrer une règle de droit qui s’imposerait de
façon autonome, en marge du décret de 1977 portant organisation des chefferies
traditionnelles. Pour qu’il y ait coutume, au sens juridique du terme, il aurait fallu
que le juge énonçât l’usage, explicitement ou implicitement, sous une forme normative, en révélant par exemple que l’usage en question impose, exige, autorise ou
permet telle ou telle attitude. L’usage ainsi dévoilé serait doté d’une structure normative ; ce qui n’est pas le cas dans l’affaire Collectivité Deido. Prescription de
l’usage ou « des règles de la coutume », et exigence du respect de l’usage ne devraient donc pas se confondre. Dans le premier cas, c’est l’usage lui-même qui prescrit un comportement, tandis que dans le second, c’est le décret de 1977 qui impose
l’obligation de se conformer aux usages des collectivités traditionnelles.
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38
39
40
CS/CA, 25 sept. 1980.
R.-G. Nlep, L’administration publique camerounaise …, op. cit.
La coutume à laquelle C. Sietchoua fait allusion en renvoyant aux travaux du juriste français s’éloigne pourtant de la conception de ce dernier, qui fait de la coutume (ou des coutumes) une source juridique, révélée par le juge à partir de l’usage. Lire en particulier
G. Teboul, Usages et coutume dans la jurisprudence administrative, op. cit.
Voir CS/AP, 26 octobre 1978, Ndjeudji Maurice.
CE, 21 juin 1961, Compagnie N…, Rec. Lebon, p. 424.
Djamé · La coutume, source de droit en droit administratif camerounais
157
Si la « coutume » est la norme de référence en matière de désignation des chefs traditionnels, elle ne saurait s’appliquer en marge du droit écrit, c’est-à-dire indépendamment de la loi (lato sensu) qui la consacre. C’est cette pensée qu’adopte im41
plicitement M. Hauriou .
La position de R.-G. Nlep selon laquelle « le régime juridique de la chefferie tra42
ditionnelle, la vraie , doit être recherché non dans le droit administratif écrit, mais
dans les multiples coutumes qui régissent son organisation et son fonctionnement
43
dans une collectivité donnée » , est contestable. En effet, affirmer, au regard du
droit, que l’institution de la chefferie traditionnelle est encadrée par la ou les coutumes, semble erroné, puisque c’est le décret de 1977 qui régit juridiquement les
chefferies traditionnelles.
On peut comprendre l’embarras de la doctrine compte tenu de la superposition des
statuts coutumier et administratif du chef traditionnel, qui, selon J.-M. Aubry, auto44
rise parfois des hésitations sur le caractère juridique de ladite autorité . Mais l’on ne
saurait pour autant affirmer que le régime juridique tout entier des chefferies traditionnelles ignore le droit écrit. C’est par ce dernier, i.e. à travers le décret de 1977,
pour ce qui est du Cameroun, que la chefferie traditionnelle intègre le droit positif.
L’analyse que C. Sietchoua fait du jugement Collectivité Deido peut également
prêter à équivoque. Si on peut en effet concéder à l’auteur l’idée suivant laquelle le
juge administratif impose le respect de deux « légalités » (l’une « coutumière » et
l’autre relevant du droit écrit), il est difficile d’admettre que « c’est surtout par des
contrôles de la légalité de la norme coutumière que le droit public camerounais ma45
nifeste sa suprématie » . L’opinion de l’auteur paraît excessive, car il semble affirmer que le juge procède au contrôle de la conformité de la norme coutumière par
rapport à la loi, tout comme on parlerait de la conformité d’un arrêté à un décret. Le
juge ne se livre pas en réalité au contrôle de la légalité coutumière ; il assure le
respect de l’usage ou de la « coutume », en veillant à l’application de la « loi » (le
décret de 1977) qui prescrit ou impose ce respect. C. Sietchoua aurait pu tout au plus
parler du contrôle du respect de la « norme coutumière », i.e. de l’usage ou des
usages, par rapport aux prescriptions du décret de 1977, et non du contrôle de la
« légalité » de cette norme.
41
42
43
44
45
Lire son « Précis de droit administratif », Paris, Larose & Tenin, 7e éd., 1911, p. 55. R.-E.
Charlier est plus explicite à ce sujet : « Il n’y a guère de difficulté à refuser à la coutume
le caractère d’une source formelle. Elle n’est généralement retenue que dans la mesure où
un texte renvoie à un usage et alors elle n’est pas source distincte », dans « La technique
de notre droit public est-elle appropriée à sa fonction ? », Études et documents du Conseil
d’État (EDCE) n°28, 1951, pp. 32-63, p. 51.
Nos italiques. L’idée de la vraie chefferie traditionnelle renvoie à l’ethnie et aux « liens de
sang », contrairement à la chefferie structurée par les pouvoirs publics et qui permet la
désignation des chefs étrangers à la coutume de la localité. C’est le cas de la chefferie de
troisième degré à la tête de laquelle se trouve le chef de village (autochtone) ou le chef de
quartier (qui n’est pas toujours un autochtone).
R.-G. Nlep, L’administration publique camerounaise …, op. cit., p. 131.
J.M. Aubry, Note sous Tribunal correctionnel de Conakry, 17 mai 1951, Penant n°597,
1952, p. 149.
C. Sietchoua, « Aspects de l’évolution des coutumes ancestrales dans le Droit public des
chefferies traditionnelles au Cameroun », Revue Générale de Droit n°32, 2002, p. 364.
158
Recht in Afrika 2013
La position de la Chambre administrative paraît pourtant claire à ce sujet. L’auguste
Chambre relève que, pour avoir procédé à la consultation des chefs de quartiers en
lieu et place des chefs de familles du canton Deido (ainsi que l’exige la coutume
duala), « l’administration a violé les dispositions de l’article 11 […] ». Ce faisant,
elle a certainement méconnu les usages de ladite collectivité. Mais ce n’est que de
façon médiate que le juge sanctionne la violation de la coutume, par l’intermédiaire
du texte qui en commande le respect. Le Conseil d’Etat a repris cette idée dans une
formule sans ambigüité, en affirmant que l’administration a « méconnu les usages et
46
violé l’article 11 et la loi […] » .
2. Une observation de la coutume contraire à la réalité du droit positif
La position que la doctrine camerounaise adopte pour révéler l’existence de la
coutume en matière administrative, fait courir le risque d’exhiber une trouvaille qui
n’existe pas en réalité. Elle témoigne d’un certain empressement dans l’affirmation
de la juridicité de la coutume. Cette attitude se vérifie dans les propos de C.
Sietchoua, lorsqu’il souligne que l’annulation par le juge administratif de l’acte de
désignation d’un chef traditionnel pour violation de la coutume s’est effectivement
47
présentée dans l’affaire Collectivité Deido . L’auteur conclut qu’il faudrait peut-être
considérer que l’on serait de ce fait en présence d’un nouveau cas d’ouverture de
recours pour excès de pouvoir créé par voie prétorienne. Il se fonde ainsi sur le fait
que l’ordonnance du 26 août 1972 portant organisation de la Cour Suprême n’a pas
prévu, parmi les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir, le vice tiré de la
violation de la coutume.
On pourrait penser à une véritable révolution copernicienne … La position de
l’auteur n’est pourtant pas conforme à la réalité du droit positif puisqu’il ne ressort
nulle part dans le jugement Collectivité Déido, un cas d’annulation de l’acte administratif de désignation du chef traditionnel pour violation de la coutume.
La révolution juridique souhaitée, si elle était avérée, aurait enrichi le droit camerounais d’un nouveau cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir, à côté notam48
ment de celui tiré de « la violation d’une disposition légale ou réglementaire » .
En faisant dire au juge ce qu’il n’a pas dit, la doctrine camerounaise a peut-être assimilé à l’excès son rôle qui « ne consiste pas seulement à reproduire fidèlement la
pensée consciente du juge ; il est aussi de révéler les potentialités offertes par les
termes que le juge emploie, peut-être inconsciemment, sans deviner les consé-
46
47
48
CE, 15 déc. 1972, Sté Colgate-Palmolive, Rec. Lebon, p. 808. Cette position que le Conseil d’Etat adopte lorsqu’il veille au respect des usages est constante. Dans l’affaire Attiti
(TA de Nouméa, 19 sept. 1991) rendue en matière de désignation des chefs traditionnels,
le juge calédonien a retenu que le requérant était « fondé à soutenir que les dispositions
[…] de l’article 60 ont, en l’espèce, été méconnues, et, pour ce motif, à conclure à l’annulation de l’arrêté qu’il conteste ». Dans ce cas également – qui ressemble étrangement à la
jurisprudence Collectivité Deido –, l’administration avait méconnu les désignations qui
étaient faites « selon les usages reconnus par la coutume ».
Lire C. Sietchoua « Aspects de l’évolution des coutumes ancestrales … », op. cit., p. 375.
Voir art. 9 de l’ordonnance 72/6 du 26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour Suprême.
Djamé · La coutume, source de droit en droit administratif camerounais
159
49
quences qu’ils sont susceptibles d’emporter au regard de la théorie du droit » .
L’observation révèle que le juge administratif, en ce qui le concerne, n’a ni révélé
une règle coutumière, ni consacré la coutume comme un nouveau cas d’ouverture du
recours pour excès de pouvoir dans le jugement Collectivité Déido.
Le malaise de la doctrine peut se justifier, car elle a tendance à confondre usage, fait
social, et coutume, règle de droit. L’observation de cette dernière demande un effort
de réflexion, qui peut conduire à affirmer que la coutume peut se frayer un chemin
dans l’univers des sources du droit administratif camerounais.
II. La coutume, source de droit émergente
Le rejet de la conception de la coutume en droit administratif, retenue par les juristes
camerounais, conduit nécessairement à se demander comment celle-ci peut s’affirmer comme une source de droit dans cette discipline. Il faut, pour ce faire, dire
50
d’emblée avec G. Teboul que la transformation du fait en droit relève d’un mystère .
Pour accéder à cet univers mystérieux, il est nécessaire et même indispensable d’interroger la jurisprudence. Cet exercice délicat dévoile l’attitude du juge administratif, et permet de voir comment un usage, simple fait sociologique, peut donner
naissance à une règle de droit. La démarche du juge n’est pas toujours cohérente,
puisqu’il lui arrive parfois de refuser toute place à la coutume ou à l’usage, dans la
51
solution d’un litige, tout en reconnaissant paradoxalement son existence . On note
néanmoins qu’en l’absence d’un texte, la coutume peut s’affirmer de façon intrinsèque comme une norme, au travers du pouvoir d’habilitation de l’usage (A) ; tout
comme cette normativité peut découler de l’affirmation par le juge de la violation de
l’usage (B).
A. La coutume issue du pouvoir d’habilitation reconnu à l’usage
Il faut rappeler d’emblée que quand le juge se réfère à un usage pour trancher un
52
litige porté à sa connaissance, il ne révèle pas nécessairement une règle de droit ; il
applique simplement l’usage, et c’est derrière cette application que le juge peut révéler l’existence d’une règle de droit. L. Bach relève à ce sujet que l’usage n’est qu’un
49
50
51
52
G. Teboul, « Logique de compétence et logique de validation : coutume et source formelle
de droit », RDP no4, 1993, p. 948.
Voir préface de G. Teboul dans Usages et coutume et droit administratif camerounais, op.
cit.
Dans l’affaire Pignon, le juge rejette pour manque de fixité, la coutume administrative
dont la constance est pourtant avérée, que le requérant fait valoir pour obtenir la révision
de ses indemnités pour heures supplémentaires de travail à la suite de son reclassement
dans le cadre de la Trésorerie locale (voir arrêt du CCA, 7 février 1938). Plus réservée est
par ailleurs l’attitude du juge dans l’affaire Société Commerciale Africaine (CS/CA, 29
octobre 1981) où il évite subrepticement de prononcer le mot « usage » ou une autre locution y renvoyant, alors que le représentant de la Direction des produits de base dont il suit
la démarche, reconnaît que l’accord sur la vente des produits de base ne résulte d’aucun
texte législatif ou réglementaire, mais « qu’il a été introduit par les usages ».
L’arrêt du Conseil d’Etat français Commune de Port-Marly est instructif à ce sujet. Dans
cette affaire, l’usage a été indispensable dans la détermination du tracé des limites territoriales entre deux commues, sans que la haute juridiction ne signale l’existence d’une règle
coutumière (CE, 17 novembre 1984).
160
Recht in Afrika 2013
fait sociologique et ne peut constituer une coutume, même s’il est solidement éta53
bli .
Ce n’est pas toujours sans hésitation que le juge accède à l’usage. Cette attitude est
sans doute due à sa méfiance face à la pratique. On remarque que le juge est parfois
54
désemparé lorsqu’il faut qu’il se prononce en l’absence d’un texte . C’est quand il
fait preuve d’une certaine hardiesse que son attitude révèle, certes rarement, mais
certainement, l’existence d’une règle coutumière, en reconnaissant un pouvoir
d’autorisation à l’usage, ou encore, en admettant que celui-ci peut prescrire un comportement.
1. Les pratiques administratives comme source de juridicité
L’existence des pratiques administratives et leur prise en compte par le juge n’entraîne pas, en elle-même, des conséquences sur le droit. La doctrine est divisée sur la
question de la valeur juridique des pratiques administratives, notamment sur celle de
savoir si le juge administratif peut annuler un acte administratif pour violation d’une
55
pratique administrative . Le courant majoritaire tend à denier toute normativité à ces
pratiques, sur le fondement que l’administration ne saurait se lier par ses précédents
56
et dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire . La position d’hostilité du juge
administratif français à l’égard de la juridicité des pratiques administratives se fonde
sur la nécessité d’assurer le respect de la légalité et la sécurité juridique des admi57
nistrés .
53
54
55
56
57
L. Bach, Droit civil, t. 1, 13e éd., Paris, Dalloz-Sirey, 1999, p. 55.
CS/CA, 2 novembre 1978, Lemo David. Pour faire échec à la prétention du requérant se
fondant sur une pratique établie (ici désignée l’habitude) dans le domaine des concours
administratifs, la Chambre administrative relève qu’« il y a lieu de rappeler à Lemo David
que l’on est en matière juridique, avec un texte précis à interpréter ». Ce faisant, le juge
exclut toute possibilité à l’usage d’accéder au monde du droit, même si la pratique de la
double correction par le Ministère des Travaux Publics invoquée par le requérant, était
avérée.
Voir infra J.-M. Auby et R. Drago, qui dénient toute valeur juridique aux pratiques admie
nistratives (Traité de contentieux administratif, t. II, 3 éd., Paris, LGDJ, p. 354, infra).
Contra, P. Debelmas, Les pratiques administratives comme source de droit, thèse, Toulouse, 1932 ; A. Werner, « Le précédent administratif, comme source de légalité », AJDA
n°20, juillet/août 1947, infra.
J.-M. Auby et R. Drago, Traité de contentieux administratif, op. cit., p. 354. Si ces auteurs
n’admettent pas que la violation de la coutume puisse constituer un cas de violation de la
règle de droit au titre du recours pour excès de pouvoir, on peut penser a fortiori que la
violation d’une pratique administrative (simple fait) soit facilement écartée comme un cas
de violation de la règle de droit.
Voir CE, 21 mai 1920, Jacquot, Lebon, p. 543. Mais la haute juridiction française n’est
pas figée sur cette position, puisqu’elle admet par ailleurs qu’une pratique suivie par l’administration peut fonder une coutume liant cette dernière. Une décision contraire à cette
pratique peut être illégale, si l’administration n’exprime pas clairement sa volonté d’abandonner sa propre pratique. Lire CE, 2 août 1918, Giraud, Lebon, p. 803 ; CE, 3 déc. 1920,
Duquesnoy, Lebon, 3 déc. 1920, p. 1034.
Djamé · La coutume, source de droit en droit administratif camerounais
161
Une bonne frange de la doctrine reconnaît néanmoins valeur juridique aux pratiques
58
59
administratives , tout comme le juge administratif camerounais .
L’habilitation de l’usage renvoie à son pouvoir d’autorisation par lequel il confère
un certain droit. Plusieurs affaires fondent la légalité des actes administratifs sur la
pratique administrative, mais il faudrait être prudent lorsqu’il s’agit de se prononcer
60
sur la normativité d’un usage. L’arrêt Emougou Michel Gabriel , par exemple, est
celui où le juge utilise clairement le terme « habilitation » pour rejeter la prétention
du requérant. Il déclare « qu’il est de pratique constante que le Premier Ministre
nomme par arrêté les cadres subalternes de la Sûreté nationale ; qu’il est par conséquent habilité à procéder à leur licenciement ; que la prétention d’Emougou que
l’arrêté qui le licencie est illégal pour ne pas avoir été signé par le Président de la
République est sans fondement ».
Il est tentant d’affirmer que c’est la pratique courante, i.e. l’usage, qui habilite ou
61
autorise le comportement de l’administration . Dans cette optique, l’on devrait admettre que l’on serait en présence d’une authentique règle coutumière (norme permissive), engendrée par l’usage. La réalité semble être tout autre, car même si
l’usage signalé par le juge s’inscrit dans le processus normatif – puisqu’il contribue
à la prise de l’acte de licenciement contesté – il ne constitue pas en lui-même une
norme. L’Assemblée plénière semble seulement relever que le licenciement subsé62
quent est légal parce qu’il découle de la pratique courante de la nomination .
L’arrêt Dame Mackongo appelle en revanche un autre raisonnement. Il est question,
dans cette affaire, d’une pratique établie – (la coutume administrative) dans l’affectation des fonctionnaires des Affaires étrangères, sans obligation de la part de l’administration de répondre aux demandes de mutations qui lui sont adressées – qui a
amené le juge à faire droit à la demande de la requérante. Rappelons que ce n’est pas
l’expression coutume administrative qui évoque ici l’idée de normativité. Il faut citer
le juge, fût-ce longuement, pour le suivre dans sa démarche afin de comprendre ce
qui a motivé sa décision ayant abouti à l’annulation de la décision du Secrétaire
d’Etat à la Fonction publique constatant l’absence irrégulière de Dame Mackongo :
Que dans le cas de Dame Mackongo, il est constant que celle-ci a sollicité du
Ministre des Affaires Etrangères […] son affectation à l’ambassade du Cameroun à New York pour y rejoindre son mari ; que sans répondre à cette de58
59
60
61
62
P. Debelmas, Les pratiques administratives comme source de droit, op. cit. A. Werner est
plus expressif à ce sujet, en soulignant qu’« il paraît indispensable de considérer les pratiques administratives comme source de légalité ». Lire son article intitulé « Le précédent
administratif, source de légalité », op. cit., p. 441.
Voir CFJ/CAY, 18 août 1972, Dame Makongo et CS/AP, 26 octobre 1978, Ndjeudji,
infra.
CS/AP du 5 juillet 1973.
La légalité de la pratique courate semble suffisamment affirmée, ainsi que son caractère
contra legem, puisque ladite pratique va à l’encontre des prescriptions de la réglementation qui donne compétence au seul Président de la République de nommer tous les cadres
de la sûreté nationale.
La décision de l’Assemblée plénière n’est pas à l’abri des critiques, puisque la pratique de
la nomination des cadres subalternes de la sûreté nationale par le Premier ministre était
contraire à la réglementation, qui réservait cette matière à la seule compétence du Président de la République.
162
Recht in Afrika 2013
mande de mutation, le Ministre des Affaires étrangères qui utilisait les services de Dame Mackongo a préparé et procédé officiellement et sans réserve
aucune, à la mise en route de cet agent pour New York ; qu’une telle attitude
ne peut constituer, au regard de la coutume administrative, qu’une autorisation d’absence non équivoque accordée par cette administration à son
agent.
L’expression « coutume administrative » que le juge évoque ne renvoie pas à la
coutume ; elle est simplement synonyme d’« usage », de « tradition », de « pratique », etc. En outre, même si le juge ne dit pas formellement que la « coutume
administrative autorise l’absence […] », il ne semble pas faire de doute que c’est
elle qui, en dernière analyse, autorise la mutation de Dame Mackongo, puisqu’aucun
texte n’existe en la matière. Le juge l’affirme clairement, en relevant le caractère
« non équivoque » de l’autorisation d’absence. La coutume administrative constitue
ici le fondement de l’acte administratif unilatéral (non écrit), au sens connu d’une
décision qui produit des effets de droit ; en autorisant la mutation de ce fonctionnaire
(par la coutume administrative), le juge dégage une règle coutumière, découlant du
droit reconnu au Ministre des Affaires étrangères d’adopter la démarche suivie.
Le juge révèle une coutume praeter legem par l’existence d’une habilitation autorisant le Ministre des Affaires étrangères à affecter ses agents suivant la coutume
administrative. Cette administration manifeste sa volonté de se soumettre au droit
créé par la pratique. C’est cette volonté révélée par le juge qui est porteuse de normativité, ainsi que l’affirme G. Teboul, c’est « l’élément volontariste » qui constitue
63
le « critère de normativité » .
2. Le pouvoir d’autorisation de la « coutume » dans le contentieux de désignation
des chefs traditionnels
64
L’affaire Menyé Christophe révèle la même attitude du juge administratif colonial.
Saisi d’une affaire de désignation d’un chef traditionnel, le juge avait commis le Président du tribunal de ladite localité, sans doute plus au fait des réalités culturelles du
groupe social concerné, de mener une enquête dans le but de savoir si la « coutume
admet » la représentation du chef par un de ses capitas (adjoints) à la cérémonie de
désignation d’un nouveau chef. Vidant son arrêt avant dire droit quelques mois plus
tard, le Président du tribunal avait répondu « qu’un chef de village appelé à donner
son avis sur le choix d’un nouveau chef supérieur peut se faire représenter par l’un
de ses capitas ». Que faut-il en penser au regard de la normativité de l’usage ?
On rappelle que l’expression la « coutume admet » ne renvoie pas à une règle de
droit ; la coutume ici est synonyme de tradition, qui elle, s’inscrit dans le registre des
usages ou de la pratique. Il faut surtout s’appuyer sur le rôle que le Conseil du Contentieux Administratif entend conférer, ou faire jouer à l’usage. Ce rôle aurait été
différent, si le juge avait prescrit une enquête pour voir si la coutume avait été « respectée », « observée » ou « suivie ». On serait là en présence d’un simple fait dont le
juge pouvait imposer le respect ou non.
Il nous semble que le juge ait voulu aller plus loin dans la recherche du rôle assigné
à l’usage. L’on devrait lire concomitamment les deux arrêts Menyé, pour observer
63
64
G. Teboul, Usages et coutume dans la jurisprudence administrative, op.cit., p. 140.
ADD/CCA, 5 juillet 1957 et CCA, 25 octobre 1957.
Djamé · La coutume, source de droit en droit administratif camerounais
163
que si un chef traditionnel « peut » se faire représenter par un de ses capitas, cela
signifie que c’est la coutume qui « admet » cette représentation. En d’autres termes,
la réponse du Président du tribunal d’Ebolowa pouvait être formulée de la même
manière que la question posée par le juge administratif, c’est-à-dire que le juge judiciaire pouvait tout simplement dire que la « coutume admet » une telle représentation, sans préciser qu’un chef « peut » se faire représenter. Dans tous les cas, c’est
l’usage qui « admet », autorise ou permet la représentation d’un chef, en conférant à
ce dernier le droit de se faire représenter, et au capita, celui d’assurer la représentation du chef traditionnel aux cérémonies de désignation d’un nouveau chef traditionnel.
Il ne paraît par conséquent pas excessif d’affirmer qu’une règle coutumière, norme
permissive, est dégagée par le juge administratif dans cette affaire. C’est ce qui explique que le requérant ait succombé à l’instance, puisque la décision administrative
de désignation du chef contestée n’a pas été annulée.
B. La sanction par le juge de la violation de l’usage
Dans certaines affaires portées à sa connaissance, le juge administratif révèle
implicitement l’existence d’une règle coutumière, en sanctionnant la violation de
l’usage par un membre du groupe social. Cette attitude du juge s’observe dans le
65
jugement Ngoumou Richard , où il décide que « […] quoiqu’un texte ne définit
point explicitement le règlement des factures, il est de pratique que les services
soient réglés par chèque au nom du fournisseur ». On signale que le sieur Ngoumou,
Directeur du Fonds de Développement de l’Industrie Cinématographique (FODIC)
avait voulu se réfugier derrière l’argument de l’absence d’un texte régissant le paiement des factures aux fournisseurs, pour justifier le comportement qui lui était re66
proché .
La violation par le sieur Ngoumou de cette règle instituée par la pratique dévoile la
normativité de l’usage puisque le juge, en définitive, décide que « […] dès lors nous
ne pouvons que conclure à une irrégularité de gestion commise par le requérant ».
C’est donc en sa qualité de règle de droit que la règle établie subit la sanction du
67
juge, et intègre le patrimoine normatif de l’Etat .
68
De facture similaire à l’affaire Ngoumou Richard, l’arrêt Ndjeudji Maurice révèle
également la juridicité d’une pratique du cumul de promotion de grade et de franchissement d’échelon (à la même date), qui « était érigé en règle » dans la gestion
69
des carrières des magistrats. Ce n’est pas tant le mot « règle » qui est porteur de
normativité, puisque ce mot peut renvoyer à une situation de fait ; bien qu’il ne soit
pas exclu qu’en élevant ou en érigeant une pratique en règle, le juge signale l’existence d’une règle de droit dans le groupe social concerné. Ce qui paraît déterminant,
c’est la sanction de la méconnaissance de la règle établie qui fait de celle-ci, une
65
66
67
68
69
Voir jugement Ngoumou Richard, CS/CA, 23 novembre 1989.
F.N. Djamé, Contribution à l’étude des usages et de la coutume en droit administratif camerounais, thèse, Paris XII, 2004, pp. 249 et s.
Lire D. de Béchillon, Q’est-ce qu’une règle de droit ?, Paris, Ed. Odile Jacob, 1997,
p. 241.
CS/AP, 26 oct. 1978.
On l’a vu, l’expression « règles de la coutume » dans le jugement Collectivité Deido, supra, ne renvoie pas à la coutume, règle de droit, mais à l’usage, simple fait.
164
Recht in Afrika 2013
règle de droit (la coutume) à part entière, et engage de ce fait la responsabilité de
l’Etat. Le juge souligne en effet que « l’illégalité ainsi commise suffit pour engager
la responsabilité de l’Etat […] ».
Aussi, ne pouvons-nous que souscrire à l’idée de J. Chevallier, qui professe que
« les sujets savent que leur comportement contraire fera l’objet, sur la base exclusive
de considérations juridiques, d’une sanction. L’usage est dans ces conditions élevé
70
sans discussion possible au rang de règle de droit » . Dans la même veine, G. Teboul note, non sans pertinence, qu’« il ya coutume lorsque le juge sanctionne le
manquement à l’usage qui résulte du comportement de déviance d’un membre du
71
groupe social au sein duquel l’usage tisse sa toile » .
Dans les différentes affaires étudiées, le juge administratif impose le respect de
l’usage, et celui-ci est doté d’une force juridique, même si le juge ne l’énonce pas
sous forme une normative. Que l’on n’attende pas non plus du juge qu’il dise qu’il y
a coutume parce qu’il y a opinio juris. Cette conviction de l’existence du droit dans
un groupe social et de son caractère obligatoire découle de la démarche du juge qui,
implicitement, signale qu’un comportement doit avoir lieu, lorsqu’il sanctionne la
violation de l’usage.
La position des auteurs qui fondent la juridicité de l’usage sur la sanction de sa violation, s’appuie sur un argument qui ne semble pas dénué de pertinence : la sanction
étant un critère par excellence de juridicité, dès lors que le juge sanctionne la violation d’un comportement déviant d’un membre du groupe social dans lequel l’usage
se déploie, il faut nécessairement se rendre à l’évidence que l’on est en face d’une
authentique règle coutumière. Le non-respect de cette règle de droit entraîne une
sanction. C’est sans doute ce qui justifie la position presque tranchée de J. Chevallier, qui exclut toute discussion sur l’existence d’une authentique règle coutumière dès lors que le juge sanctionne la violation de l’usage.
La légalité de l’usage est ainsi révélée par le juge dans les deux affaires examinées.
On l’a vu, le juge constate une irrégularité commise par le sieur Ngoumou dans sa
gestion, par la violation de la pratique établie, de même que dans le cadre de l’arrêt
Ndjeudji, il admet qu’en méconnaissant la « règle » établie (i.e. l’usage), l’administration commet une illégalité. En estimant que la violation de l’usage est constitutive d’une faute, le juge a voulu dire qu’il existe une règle coutumière – règle de
droit – selon laquelle les factures au FODIC doivent être réglées d’une certaine
façon, et la promotion des magistrats suivant la règle établie. En d’autres termes,
l’administration du FODIC et de la Justice sont tenues par leurs propres pratiques
établies. Dans un cas comme dans l’autre, l’usage en lui-même prescrit, implicite72
ment, il est vrai , un comportement dont la violation entraîne une sanction instituée
par le corps social.
70
71
72
J. Chevallier, « La coutume et le droit constitutionnel français », RDP n°6, 1970, pp.
1402-1403.
G. Teboul, Usages et coutume dans la jurisprudence administrative, op. cit., p. 124.
Contrairement à la jurisprudence administrative française (Voir à titre d’illustration CE,
14 août 1867, Rame ; CE, 26 novembre 1863, Commune de Coudun) on ne trouve pas
d’exemples en droit camerounais où le juge déclare explicitement qu’en vertu de l’usage,
tel comportement doit avoir lieu ; on serait alors en présence d’une règle de droit prescriptive.
Djamé · La coutume, source de droit en droit administratif camerounais
165
Après avoir essayé de démontrer comment se dégage le phénomène normatif dans
les différentes affaires étudiées, il ne semble pas superflu de se demander, au regard
du rôle axial joué par le juge dans cette opération, s’il est ou non créateur de la coutume, règle de droit. En d’autres termes, le juge créé-t-il ou révèle-t-il la coutume ?
Nous pensons, en ce qui nous concerne, que le juge ne crée par la coutume, malgré
le pouvoir créateur de la règle de droit qui lui est généralement reconnu ; il révèle
l’existence de celle-ci au sein des différents groupes sociaux (collectivités traditionnelles, entreprises publiques, administrations), en signalant officiellement que l’opération de « juridiscisation a bien eu lieu, et que l’on se trouve en présence d’une
73
norme ‘patentée’ » , c’est-à-dire d’une authentique norme juridique, dotée de tous
les attributs de juridicité.
La coutume ainsi révélée est dotée de validité, puisqu’elle est valable par son insertion dans l’ordre juridique camerounais. Cette insertion confirme l’appartenance des
74
règles juridiques révélées au système de l’Etat .
On peut se demander dès lors ce qui peut expliquer l’attitude de certains à ne pas
reconnaître que la coutume puisse être source de normativité en droit administratif.
La position de N. Nkameni aurait pu être moins réservée à ce sujet, puisque l’auteur
souligne qu’au regard de la jeunesse du droit administratif camerounais, les pra75
tiques ne sont pas encore « passées dans la coutume administrative » . Nul doute
qu’une lecture attentive par l’intéressé de l’arrêt Dame Mackongo, rendu en 1972,
soit plusieurs années avant son propos, aurait influencé sa position. On remarque
que malgré sa réserve et peut-être sa prudence à l’égard de la coutume administrative, N. Nkameni ne nie pas que la pratique « cartilagineuse », engagée dans un
processus d’« ossification » liée au temps, puisse accéder à la « coutume administrative », i.e. au droit.
En revanche, il paraît légitime de s’interroger sur ce qui peut encore justifier la
réticence de C. Mafema, qui soutient qu’il est « impossible » que se constitue en
76
droit public un « droit coutumier qui puisse subsister à côté du droit public écrit » ;
ou de J. Fourré qui, de manière tout aussi tranchée, souligne que les usages de
l’administration « n’acquièrent pas, et n’acquerront jamais le caractère de règle de
77
droit » .
Il est difficile de comprendre l’attitude de ces auteurs qui semble, à notre avis, s’appuyer sur des préjugés dont la science devrait pourtant se départir. L’observation de
la jurisprudence prouve à suffisance que la position de ces auteurs est erronée.
Conclusion
Dans les rares hypothèses où la coutume s’affirme comme une source formelle et un
mode de production du droit, l’on s’efforce de démontrer comment l’usage, pur état
de fait, se transforme ou devient règle de droit. Cette opération intellectuelle délicate
73
74
75
76
77
D. de Béchillon, Qu’est-ce qu’une règle de droit ?, op. cit., p. 243.
Ibid., p. 250.
N. Nkameni, Droit administratif spécial, Cours polycopié, Université de Yaoundé, 1989,
p. 20.
C. Mafema, « Situation juridique du Congo et contenu des règles du droit coutumier »,
RJP no20, 1966, p. 16, note (35).
J. Fourré, op. cit.
166
Recht in Afrika 2013
s’accompagne toujours des risques d’erreurs ou des doutes. Ce phénomène ne
devrait pas surprendre, car, ainsi que l’affirme M. Virally, s’agissant des modes de
formation du droit moins formalisés comme la coutume, il est « beaucoup plus difficile de déterminer avec précision le moment où le droit en devenir est devenue une
78
règle coutumière bien établie » . On comprend alors que les opinions émises à ce
79
sujet puissent aisément prêter le flanc à toutes les controverses .
Mais une chose est certaine : l’usage joue un rôle important et pratique dans le règlement des différends, reconnu par Portalis, dans la mesure où le juge s’appuie sur lui
80
pour trancher certains litiges portés à sa connaissance , en l’absence de textes. Il
peut aussi, dans certaines circonstances, obliger, habiliter ou autoriser un certain
comportement.
Par ailleurs, reconnaître à la coutume valeur de règle et de source de droit constitue
sans doute un coup de tonnerre dans le ciel serein des sources du droit. Il était en
effet admis jusqu’ici, pour ce qui est de l’ordre juridique interne camerounais, en
particulier, que la coutume ne pouvait être source de droit qu’en droit privé.
On note que la réticence de certains, ou parfois l’ignorance des autres, n’est pas
propre au droit camerounais. En France où l’originalité et la pertinence des travaux
de G. Teboul ont été démontrées, l’on s’entête encore à ne pas reconnaître à la cou81
82
tume la qualité de source de droit , au point de choquer certains esprits . Or s’il faut
admettre avec A. Hauriou que les précédents et les traditions administratives abou83
tissent à la création de véritables règles de droit , l’on devrait nécessairement reconnaître, en scrutant la jurisprudence du juge administratif, que la coutume est susceptible d’avoir cette vertu créatrice du droit en droit administratif camerounais.
Situer en outre la valeur de la coutume comme source de légalité sous l’angle purement quantitatif, revient à déplacer le débat, car il est indéniable que, par rapport au
droit écrit, la coutume occupe une place marginale en droit administratif. Devrait-on
pour cela refuser de lui reconnaître la place qui est la sienne là où, praeter legem,
elle comble les lacunes ou l’absence du texte écrit, en acquérant la même force juridique que ce texte et en produisant les mêmes effets de droit que le texte lacunaire
ou inexistant ?
Cette interrogation invite à s’investir dans ce domaine à la fois passionnant et sensible qui touche aux fondements même du droit, et dont il faut se souvenir qu’il ne
se limite pas seulement à l’écrit et à la production étatique.
78
79
80
81
82
83
M. Virally, « Notes sur la validité du droit et son fondement », Mél. Ch. Eisenmann, Paris,
Cujas, 1975, p. 456.
Ibid.
Lire F.N. Djamé, « L’usage, fondement de la sentence rendue par le juge administratif camerounais », Law and Politics in Africa, Asia and Latin America, 2005.
Lire O. Camy, « Le retour au décisionnisme : l’exemple de l’interprétation des pratiques
constitutionnelles par la doctrine française », RDP n°4, 1996, pp. 1019-1067, et la réaction de G. Teboul dans la même revue, n°2, 1997, pp. 281-286.
Lire M. Herzog Evans, « La vie du droit : usages et groupes sociaux cohérents », Revue
de la Recherche Juridique, Droit Prospectif n°3, 1998, p. 1216.
A. Hauriou, « L’utilisation en droit administratif des règles et principes du droit privé »,
Mél. François Gény, t. III (Les sources des diverses branches du droit), Paris, Sirey, 1977,
p. 94.
Recht in Afrika 2013: 167-181
Samuelson Freddie Khunou*
Traditional Leadership: Law and Politics
of Local-Central Government Structures in Botswana
Abstract
The setting of the local-central government in post-colonial Botswana
represents the interaction amongst the various structures of governance and government departments. These structures and departments
co-ordinate and promote the activities of the local-central government
for efficient governance and service delivery. It is against this background that this article seeks to investigate and examine the role of the
traditional leaders in the local-central government of Botswana.
The inclusion and participation of the politically elected councillors in
traditional authorities’ areas has created a political environment of
competition for leadership and power. For this reason, this article
demonstrates that the institution of traditional leadership and the localcentral government structures were always in a conflictual situation.
Even so, the traditional leaders in Botswana played an important role
in both local and national governments. They participated in various
committees and councils of the local-central government structures.
This article also contends that the introduction of the democratic structures of governance in the traditional authorities’ areas changed the
powers and functions of the traditional leaders. For instance, some of
the customary powers and duties of the traditional leaders were extended to the specialized central government structures such as the
Office of the President and various government departments. It is in
this context that this article discusses the relationship between the
traditional leaders and local-central government structures in Botswana.
1. Introduction
The post-colonial government of Botswana established democratic institutions in all
1
levels of government. With the introduction of these institutions, traditional leaders
were paired with the democratically elected representatives and government officials
at both local and central levels. It is in this context that the traditional leaders
worked with the elected councillors and government officials in structures such as
the Land Boards, Village Development Committees, District Development Committees, District Councils and District Commissioners.
*
1
UDE (SEC) Moretele Training College of Education B. Juris (Unibo) LLB (UNW) LLM
(UNW) LLD (NWU-Potchefstroom Campus). Professor of Law and Senior Lecturer, Faculty of Law, North-West University, Mafikeng Campus; South Africa.
The expression “traditional leaders” will be used in this article to refer to chiefs, subchiefs and headmen.
Recht in Afrika 2013
168
Be that as it may, the primary objective of this article is to discuss the relationship
between the traditional leaders and the politically elected councillors as well as the
government officials in local-central government structures. This article will also
investigate and analyse the roles and functions of the traditional leaders in the
institution of local-central government in Botswana.
The traditional leaders serve as intermediaries between the local-central government
and their rural areas. It is for this reason, amongst others, that this article will discuss
the role of traditional leaders in service delivery and how they interact with the politically elected councillors to achieve a common goal of development at local level.
Some of the pieces of the legislation which impact on the role of traditional leaders
at the local level will also be discussed.
2. Background Perspectives
There are two levels where governance takes place in Botswana, namely the national
2
and district levels. In terms of the Local Government (District Councils) Act, there
are four institutions at district level, three local authorities and a Department of District Administration. The local authorities are comprised of the Tribal Administration, the District Council and the Tribal Land Board. Of the four levels of local institutions, the Tribal Administration is the oldest.
3
During the colonial days, the Tribal Administration worked closely with district administrators. Before Botswana attained its independence in 1966, the Tribal Administration was responsible for provision of primary health care and primary education,
settlement of disputes, provision of water supplies and road maintenance. Government departments are currently co-ordinating these functions, for instance the Department of Local Government, Lands and Housing and the Office of the President
4
in collaboration with the Tribal Administration.
The colonial government created Tribal Councils (TC) and traditional leaders were
given the role of presiding over such councils. The introduction of democratic governance altered the powers and functions of traditional leaders to accommodate
specialized central government structures such as ministries and departments. The
Tribal Administration consists of a hierarchy of traditional leaders, regents, deputy
Chiefs, Chief’s representatives, senior and subordinate Chiefs and headmen.
The Tribal Administration covers customary officials, tribal police and any other
general administration personnel who assist the traditional leaders in carrying out
their duties. As it will be discussed below, the main functions of the traditional leaders are to administer justice through Traditional Courts, carry out ceremonial duties
and settle disputes. Traditional leaders lost the bulk of their customary powers with
2
3
4
Act 35 of 1965.
The present day Botswana was colonised by Britain under the pretext of protection. During the British colonisation, the country now known as Botswana was known as the Bechuanaland Protectorate.
F.S. Mjiga, The Role of Traditional Leaders in a Democratic South Africa, Johannesburg,
1998, p. 12.
Khunou · Traditional Leadership
169
the passing of the Local Government (District Councils) Act and the Tribal Land
5
Act.
3. Regime and Bureaucratic Power in Local Councils
3.1. Post-colonial District Councils
The District Councils were established under the Local Government (District
Council) Act of 1965 in order to take over the powers and functions of the Tribal
6
Administration. These District Councils evolved from the Tribal Administration of
the colonial period. All traditional leaders were to be ex officio members of the District Councils, but all other members were to be elected on the basis of political
party sponsorship or nominated with the final approval of the Minister of Local
7
Government, Lands and Housing.
Before independence, many of the activities which were performed by District
Councils were the responsibility of the Tribal Administration. The post-colonial
District and Town Councils were democratically elected bodies and structured as
8
follows:
Democratically elected [bodies] with important local government functions
and a vested interest in local government, able to contribute towards the general progress of the country by [their] ability to mobilize self-help in its various forms and to administer local projects of economic and social betterment.
Since independence, councillors were elected on the principles of universal adult
franchise. Their elections are held simultaneously with the general elections. The
Councils have statutory responsibilities. They are responsible for provision and operation of primary health care and primary education, for non-gazetted roads, village
water supply and for community development and social welfare. This 1966 system
of local government, controlled by the representatives of the people elected at a general election, was seen as a positive development.
In some cases, traditional leaders continued to play a significant role as chairpersons
of District Councils until this role of chairpersonship was eventually in some Councils given to the popular elected leaders. Elected or government-appointed councillors operate in accordance with regulations and by a system of majority decision
that almost entirely eliminates the personal autocratic character of the traditional
leaders.
5
6
7
8
Act 54 of 1968. H.M. Lekorwe, “Local Government and District Planning”, in W.A. Edge
and H.H. Lekorwe (eds.), Botswana: Politics and Society, Pretoria, 1998, p. 175.
The Minister of Local Government, Lands and Housing was given the right to establish
District Councils in the tribal and urban areas (i.e., Central, Ngwaketse, Kweneng, North
East, Kgatleng, Northwest, South East, Kgalagadi, Ghanzi and Town Councils in Lobatse
and Francistown). Sections 29, 30, 31 and 32 of Local Government (District Councils)
Act 54 of 1968, inter alia deal with the powers and functions of District Councils. The
Council is required to secure and promote the health, order and good government of the
area for which it has been established.
G.L. Gunderson, Nation Building and the Administrative State: The Case of Botswana,
PhD Thesis, University of California, 1970, p. 287.
R. Vengroff, Botswana Rural Developments in the Shadow of Apartheid, London, 1977,
p. 169.
170
Recht in Afrika 2013
An active traditional leader may, for an example, as chairperson of the District
Council, still exercise powers he formally enjoyed as traditional leader but he or she
must carry the majority of elected members with him and if he is unable to do so or
is merely inactive, the Council will carry on business without him and eventually
9
ensure that he is removed from office. In other words, the traditional leaders in the
District Councils are expected to operate in line with the guiding principles of the
10
statutes and those of the elected councillors.
The new representative form of district or local government reduces the powers of
the traditional leaders in Botswana. The relationship of the traditional leaders and
elected councillors is characterized by conflicts. Within each ward, rivalry between
councillors and traditional authorities takes a variety of forms.
These relationships range from alliance to open hostility. The main aim of councillors appeared to have been designed to obtain a position of dominance in the local
hierarchy. The superior resources available to councillors because of their near monopoly over information flow to the central government enabled them to obtain a partial victory. This has brought about a situation in which the prime goal of the coun11
cillors is the institutionalisation of the Council.
In the light of local development, changes imposed by the central government are
that the District Council with the majority of its members elected took over local
12
decision-making from the traditional leaders and kgotlas . It is an appointed official,
the Council Secretary (CS), who is the Chief executive officer of the District Council. The Council Secretary replaces the traditional leader as the head executive and
the District Council replaces the kgotla as the prime decision-making bodies on local
government level.
Traditional leaders became a symbolic element in the new local government Councils and Committees. Ultimately, the whole mechanism for local decision-making is
controlled by the Ministry of Local Government, Lands and Housing. The centralised Legislative Assembly creates “democratic” local organs to rule, which in turn
9
10
11
12
S. Gillet, “The Survival of Chieftainship in Botswana”, African Studies, 1973, p. 181-182.
As a result of this political arrangement, there is always conflict between the traditional
leaders and political elites to a point in time where the former feel that their existence is
threatened. District administration would like to view traditional leaders as agents of the
central government. This should not be the case because traditional leaders are not dependent upon the government for their positions in the same way that civil servants are.
See in this regard L.A. Picard, “Bureaucrats, Elections and Political Control”, in L.A.
Picard (ed.), The Evolution of Modern Botswana, London, 1985, p. 185.
R. Vengroff, Botswana Rural Developments in the Shadow of Apartheid, London, 1977,
p. 170.
A.C. Isaaks, A Guide to Botswana, Lesotho and Swaziland, London, 1983, p. 39. In
Tswana context, the word kgotla has two meanings. The first meaning refers to a place
where the affairs of the tribe are discussed. The second meaning refers to the tribal court.
In most cases one meeting place (kgotla) is used as tribal court and discussion place. All
matters of public concern are dealt with finally before a general assembly of the men. An
assembly of this kind is known as lekgotla or kgotla. The kgotla was a legislative and
judicial body in the pre-colonial period, which changed its functions on the advent of
colonialism.
Khunou · Traditional Leadership
171
are controlled by the centralised government. These institutions modelled on alien
13
cultures seek to control and modify indigenous forms of authority.
Some traditional leaders have a negative attitude towards the District Councils. The
reason seems to be that the vast majority of people in rural areas, especially of the
older generations, still pledge their support to traditional leaders rather than to the
councillors. This is another way of saying that, at the base of the political system in
Botswana, legitimacy tends to adhere to traditional rather than to modern local government institutions.
However, the reality of the matter is that all the public institutions, the traditional
authorities and District Councils at the local level play an important role. They contribute a delicate balance system of power distribution. This fragility (delegacy) of
the system demands that any change will have to be carefully analysed before carried into effect. For example, further disintegration of the Traditional Administration
would probably challenge the local government contact with the grass roots and the
historical and cultural heritage of the society.
For the government of Botswana to undermine the efforts of traditional leadership
outright would involve too great a political risk, given the strong attachment of the
14
people to the institution of traditional leadership. Apart from that, the analysis of
the economic development of Botswana calls for the participation and meaningful
contribution of both the traditional leaders and the elected councillors.
In addition, much needed human resources and capital are also of great significance
for the entire economic progress of rural Botswana. In order to achieve them, the
central government made statutory provisions to improve and sustain the revenue of
District Councils. This revenue is intended to assist District Councils in their endeavours to carry out developmental projects. In terms of the law, the revenue of the
15
District Council consists of:
13
14
15

Such tax as the Council is authorized by law to collect from the inhabitants of the area in respect of which the Council has been established;

Such rates as the Council is authorized by law to impose;

Rents from property owned or administered by the Council;

All moneys derived from licenses or permits issued by the Council and
all taxes, dues, and fees imposed under lawful authority by the Council;

Interest on investments;

Such royalties as may by law be payable to or receivable by the Council;

Donations, contributions and endowments;
G.L. Gunderson, Nation Building and the Administrative State: The Case of Botswana,
PhD Thesis, University of California, 1970, p. 292.
W. Tordoff, “Local Administration and Development in Botswana”, Journal on Administration, 1973, p. 179-198.
Section 40 of the Local Government (District Council) Act of 1965.
Recht in Afrika 2013
172

Such grants as the government may make to the Council; and

Any other moneys, which may by law be paid to or received by the
Council.
Prior to the independence of Botswana, the traditional leaders were tax collectors
under the British administration. Part of the tax base was utilized to fund developmental projects in traditional authority areas. The new dispensation of local government and the District Council usurped the functions of the traditional leaders as tax
collectors in their rural areas. This statutory move marked a reduction of the powers
16
of traditional leaders in the sphere of local governance. In view of the above, it
becomes immediately evident that since independence the government extended
democracy and participation to local government. There was need for traditional
leaders to change and adapt to changing circumstances in order to play a meaningful
17
role in local government.
3.2. District Development Committees
Although the Tribal Administration and connected institutions formally play a role
in local government, they have great informal influence. The traditional leaders are
informally represented in District Development Committees (DDC). The traditional
kgotla is an institution that is well understood and respected by the majority of the
people and is maintained through the traditional leader or headman. A higher percentage of people have contact with the kgotla than with any other institution in the
18
district.
However, in terms of the Local Government (District Councils) Act, the DDC has
usurped many functions and responsibilities of the kgotla. The DDC through the
District Development Officer (DDO) plays a critical role in the development of the
district. The DDOs are the planning officers for the districts because they plan and
co-ordinate the work of different structures and institutions of central and local gov-
16
17
18
R. Nengwekhulu, “Local Government Policy in Botswana: Lessons for South Africa”, Unpublished paper presented at School of Administration and Management, 20-21 May
1996, University of Pretoria, p. 21. Nengwenkhulu quoted Chief Lentswe stating that:
“The institution of chieftaincy, which is intertwined with that of kgotla, has undergone
major changes since Botswana’s independence in the 1960s. From tense and sometimes
antagonistic relationships with newly established, local institutions of District Council,
Land Board and District administration, the chieftaincy has been articulated into a blend
of mutually respecting and coordinated systems with modern institutions of local government. Current developments, however, show that as District Council grows stronger, Tribal Administration tends to decline in influence”.
R. Nengwekhulu, “Local Government Policy in Botswana: Lessons for South Africa”,
Unpublished paper presented at School of Administration and Management, 20-21 May
1996, University of Pretoria, p. 21.
A. Karlsson et al., Shifting the Balance? Towards Sustainable Local Government, Decentralisation and District Development in Botswana, Stockholm, 1993, p. 16; M.J. Odell,
“Local Government: Traditional and Modern Roles of the Village Kgotla”, in L.A. Picard
(ed.), The Evolution of Modern Botswana, London, 1985, p. 70-83. Botswana is largely a
rural society where the majority live in rural areas. In these rural areas traditional institutions are the only institutions which are better known and understood by the people.
Therefore the kgotla remains an important development agency in these rural settlements.
Khunou · Traditional Leadership
173
ernments. Their primary functions centre on the preparation and supervision of dis19
trict development plans. They also monitor the implementation of these plans.
Before the establishment of the DDCs, matters of development of the villages and
districts were the main functions of traditional leaders. The DDOs took over the
functions originally performed by traditional leaders. Since the DDOs are the agents
of the central government in the management of local government projects, the obvious consequence is that projects are managed from central to local government.
As a result the people on the ground are not adequately consulted. What the DDOs
usually do is to tell people what to do and not to do and not to consider what people
want. Since the DDOs are employees of government, bureaucratisation is the main
cause of delayed project implementation and failure to meet development targets.
20
Traditional leaders are however not satisfied with this bureaucratic control.
3.3. Village Development Committees
Another important forum, which is the only grass roots organization, is the Village
Development Committee (VDC). This committee provides an opportunity for direct
expression and satisfaction of local demands. There are four basic types of leadership associated with Village Development Committees (VDCs) in Botswana. First
are those large villages or wards in which both an established tribal authority (a senior traditional leader or headman) and elected councillors are residents and participate in the VDC.
A second group of villages has a resident councillor but not a tribal authority. In the
third type, there is a resident tribal authority but not a councillor. The fourth type,
usually the smallest and least accessible villages, have neither a resident councillor
nor a tribal authority. These villages are expected to make do with whatever commu21
nity leadership emerges.
The VDC is seen as the primary institution geared towards the promotion and coordination of development at the village level. This Committee is a development
sub-Committee of the kgotla and could be seen as a co-ordinating body in other village level communities. There are approximately 500 Village Development Committees in Botswana. Some are more active and effective than others, depending on
the resources available.
Through these committees, the villages have contributed to social infrastructure and
improved the standard of services available. The government recognizes the committees as basic instruments of popular participation in national development. The
VDCs operate in close co-operation with the traditional leaders and their kgotlas.
Due to the high status of kgotla, such co-operation facilitates the consultation process.
19
20
21
R. Nengwekhulu, “Local Government Policy in Botswana: Lessons for South Africa”,
Unpublished paper presented at School of Administration and Management, 20-21 May
1996, University of Pretoria, p. 18.
R. Nengwekhulu, “Local Government Policy in Botswana: Lessons for South Africa”,
Unpublished paper presented at School of Administration and Management, 20-21 May
1996, University of Pretoria, p. 21.
R. Vengroff, Botswana Rural Developments in the Shadow of Apartheid, London, 1977,
p. 151-171.
Recht in Afrika 2013
174
22
The main objectives of the VDC can be summarised as follows:

To initiate, plan and implement village development projects;

To raise funds for the general development and benefit of the people;

To channel the views of the people to the District Development Committee which is the main co-ordinating body for district development;
and

To consult and co-operate with the traditional authorities on matters
concerning village development projects.
If leadership is an important factor in determining the success of local development
efforts, then it is expected that there would be significant differences in the success
of VDCs with different types of leaders. This is especially the case since government policy in Botswana is intended to replace traditional elites with more “reliable”
23
political cadres. It is important to mention that the VDC’s led by elected modern
authorities are likely to be more successful in promoting local developmental efforts
than those led by traditional authorities or others.
This is solely so because some of the traditional leaders appear to be anti-modernists. With regard to local development, the post-colonial government of Botswana
was convinced that some of the traditional leaders impeded projects by not allowing
the flow of constructive criticisms and difference in the meetings of VDC and other
24
local institutions.
This attitude, which is inherent in the institution of traditional leadership, derailed
both social and economic developments in many parts of Botswana where there are
traditional leaders. Therefore the political elites blamed traditional authorities for
derailing both social and economic development at local level. Nengwekhulu stated
that during the independence negotiation the then president Masire commented on
25
the roles of traditional leaders at local level as follows:
The role of Chiefs was almost nothing. If anything, it was inclined to be on
the negative side. They were ambivalent. In the first place they envisaged that
when we became independent we would only be reverting to the old times
when each one would be boss in his area. Now we as politicians felt of
course, greatly opposed to this relegation of what had become a nation into
tribal groups […] they became obviously opposed to political parties […]
22
23
24
25
A. Karlsson et al., Shifting the Balance? Towards Sustainable Local Government, Decentralisation and District Development in Botswana, Stockholm, 1993, p. 16.
The government of Botswana laboured under the impression that the replacement of traditional leaders with politically elected representatives and officials would hasten and
ameliorate service delivery. However, this impression seemed not to be the case.
A. Karlsson et al., Shifting the Balance? Towards Sustainable Local Government, Decentralisation and District Development in Botswana, Stockholm, 1993, p. 16. In some meetings petty squabbles between traditional leaders and councillors led to heated debates and
exchange of blows.
As quoted by R. Nengwekhulu, “Local Government Policy in Botswana: Lessons for
South Africa”, Unpublished paper presented at School of Administration and Management, 20-21 May 1996, University of Pretoria, p. 6.
Khunou · Traditional Leadership
175
Such analysis and remarks with regard to the roles of traditional leaders by Masire
delivered a strong message that the authority and sovereignty of traditional leaders
in their tribal areas would significantly be diminished in the post-colonial Botswana.
4. Power of District Commissioners
When the representative system of local government was created in 1966 under the
general control of the Minister of Local Government, Lands and Housing, District
26
Commissioners remained in all districts as the senior representatives of central
government. A District Commissioner is a senior public servant in a district. His or
her duties include amongst other things, the issuing of business licenses, the con26
The District Commissioner is not a statutory officer. He or she is an administrative officer. However, some of his or her judicial functions are implied in the Magistrates’ Court
Act 20 of 1974, which provides that any area prescribed as an administrative district is
deemed to be magisterial district. In terms of section 8 of the Magistrates’ Court Act 20 of
1974, the President acting in accordance with the advice of the Judicial Service Commission may appoint administrative officers (District Commissioners) as magistrates. This
statutory arrangement gives the District Commissioner, in his capacity as a district administrative officer, judicial powers. Section 38 of the Customary Courts Act provides inter
alia that any administrative officer in his capacity as a magistrate may have at all times
access to any customary court within his jurisdiction and to the records thereof. There are
other acts which imply the role and functions of District Commissioners in Botswana,
namely: (a) The Inquest Act (Cap.07:01) of 1954, which provides a District Commissioner with powers to direct exhumation and examination of a dead body of a person. Section 5 of the Inquest Act places a duty on a Chief or sub-Chief to report any information
about a dead body of a person to an administrative officer (District Commissioner). Any
Chief or sub-Chief who fails to comply with or contravenes any provision of section 4 is
guilty of an offence and liable to a fine not exceeding P220.00 or to imprisonement for a
term not exceeding twelve months or to both. Section 7 of this Act further provides inter
alia that it shall be the duty of an administrative officer to direct an examination of the
body by a medical practitioner, if he considers such examination necessary. (b) The Mental Disorders Act (Cap.63:02) of 1971 which deals with reception orders of persons who
are mentally ill. Section 5 of the Mental Disorders Act provides that any person who requires obtaining a reception order for a patient may make application to the District Commissioner. See also sections 6 to 7 of the Act, which inter alia state that upon receipt of
such application the District Commissioner may order an apprehension in certain cases.
The District Commissioner may also issue a reception order in the prescribed form
authorising the patient to be detained in an institution or place of detention to be named in
the order. A Disctrict Commissioner is required to sign these orders. (c) The Local Council Elections Act (Cap.40:03) of 1966 which directs a District Commissioner to play a role
when it comes to elections of local Councils. (d) The Township Act (Cap.40:02) of 1955.
Section 5 of the Township Act implies the functions of the District Commissioner with regard to matters relating to health, order and good government of cities and townships.
Section 3 of the Local Government (District Council) Act 35 of 1965 makes provision for
a District Commissioner holding office within the area for which a Council is established;
an ex officio member of the Council without voting rights but with all other rights enjoyed
by members of the Council. See also the Administrative District Proclamation 61 of 1954.
This statutory measure provides for the establishment of administrative districts within
Botswana, namely Central, North East, North West, Kgalagadi, Kgatleng, Kweneng,
Southern District, South East, Ghanzi, Gaborone Township, Francistown and Selebi-Phikwe Townships. The District Commissioner is the highest political and administrative
authority in a district concerned.
176
Recht in Afrika 2013
firmation of sentences passed by the traditional courts and both solemnization and
dissolution of customary marriages. The District Commissioner also guides and directs the traditional leaders in his district. In short, the central government controls
the traditional leaders through the office of the District Commissioner.
Furthermore, the District Commissioner has an obligation to keep registry of death
and birth certificates. Apart from that, central government may overrule the decision
of the Land Boards, District Councils, District Commissioner and traditional authority in a particular district.
5. Traditional Leadership and Local Government Legislation
5.1. Matimela Act of 1968
Another “onslaught” by the central government to neutralize traditional institutions
and to take over the local decision-making processes is evident in the sphere of the
27
control of the matimela. Here, once again the traditional authorities lost much of
28
their former power as they no longer control the Matimela, a prime financial re29
source. In 1968, the Matimela Act abridged a traditional prerogative of control of
the matimela by handing over the jurisdiction of such animals to the District Coun30
cils.
The Matimela Act provides that a Council may at any time and shall at least twice
31
every year make arrangements for the collection of the matimela and may, for that
purpose, employ persons whose remuneration is paid out of money available in the
32
Matimela fund as general revenue of the Council. The Matimela Act further continues to state that any Chief, sub-Chief or headman who receives a report about
matimela shall pass on such report to the Matimela Master or Assistant Matimela
33
Master within 30 days of receiving such matimela.
The passage of the Matimela Act had serious implications for the traditional leaders’
key sources of wealth. As stated above, they are no longer empowered to do matters
of taxation, and as a result they forfeited the 10% commission they used to get when
they were still assisting the British colonial administration. It must be stressed that
cattle have always been a major source of wealth and prestige in traditional Tswana
society.
27
28
29
30
31
32
33
The word matimela is used in Tswana to refer to domestic animals such donkeys, cattle,
sheep, goats etc which have gone astray. In other words, matimela means stray animals.
During the pre-colonial and colonial eras, when these animals were not claimed they became property of the tribe concerned. But in many cases (if not all) they were taken by a
traditional leader who looked after them on behalf of the tribe. In some tribes such as Bakgatla-ba-Kgafela in Mochudi village (Kgatleng District) such animals were slaughtered
at the kgotla and fed to members of the tribe. Under the new local government dispensation, matimela are sold and the proceeds thereof go to the District Council concerned.
Matimela Act (Cap:36:06) of 1968
Section 5(1) of the Matimela Act (Cap:36:06) 1968.
Matimela Regulation 70 of 1969 provides for driving fees of a person who delivers matimela to a person responsible for collection, declaration to be made by person delivering
matimela, manner of claiming the matimela (animals) from matimela Kraal.
Section 5(1) of the Matimela Act (Cap:36:06) 1968.
Section 6 (2) of the Matimela Act (Cap:36:06) 1968.
Khunou · Traditional Leadership
177
This is still the case in the present Botswana even though there are other sources of
wealth such as businesses in the form of shops, bars and restaurants. As a result of
changes in the roles and powers of traditional leaders at local level, future traditional
34
leaders are likely to be less rich than their predecessors.
5.2. Tribal Land Act of 1968
Other radical changes are seen in respect of traditional land rights. These changes
35
were introduced in 1968 through the passage of the Tribal Land Act. According to
Khunou, the reason why this Act was promulgated was that the post-colonial government of Botswana was of the view that the existing system of customary land administration could not readily accommodate the concept and practices in land use.
Furthermore, the government also noted that the existing customary systems could
not assure all Batswana access to land. Therefore democratisation of land control
36
and administration was and is extremely necessary.
Ng’ong’olo explains that the new government labours under the impression that its
political control over land allocation and administration can strengthen its powers of
37
governance. Therefore, the Tribal Land Act is mainly introduced to bring modern38
isation of tenure and substantial changes to the dominant Tswana tribal system of
land tenure. To the government of Botswana, these changes are to be achieved
39
through the empowerment of the government officials to allocate land. As a result
34
35
36
37
38
39
G.M. Somolekae and M.H. Lekorwe, “The Chieftaincy System and Politics in Botswana”,
in W. Edge and M.H. Lekorwe (eds.), Botswana: Politics and Society, Pretoria, 1998,
p. 194.
Act 54 of 1968. For more information regarding the statutory regulation and administration of tribal land, see Tribal Land Act 48 of 1969, Tribal Land Act 62 of 1970, Tribal
Land Act 24 of 1980 and Tribal Land Act 15 of 1987.
S.F. Khunou, “The Land and Property Rights of the San Communities in Botswana: A
Hidden Agenda of Human Rights Discourse”, Unpublished paper presented at the Law
Conference of Society of Law Teachers of Southern Africa, 17-20 January 2005,
Bloemfontein, p. 9.
C. Ng’ong’olo, “Land Tenure Reform in Botswana: Post Colonial Developments and
Future Prospects”, SAPR/PL, 1996, p. 18.
In Spanadokisi v Ngwato Land Board 1994 BLR 297, the court held that the Certificate of
Customary Land Grant provides prima facie an establishment of title. The court went further to say that the respondent in holding such certificate has proved her right to undisturbed possession and occupation of the land. The decision of this case marked a shift
from the mode of allocation of land under customary law. See also the Tribal Land
(Amendment) Act 14 of 1993. The Act provides amongst other things that any person
who acquires or takes occupation of any tribal land without having the appropriate lease
or certificate issued by Land Board shall be guilty of an offence and shall be liable to inter
alia, a fine of P10 000.00 and to imprisonment for one year. The Tribal Land (Amendment) Act 14 of 1993 has modernised the Tswana customary land tenure thereby introducing a system of title deeds or certificates for ownership of the tribal land. The decision
of Spanadokisi also confirmed modernisation of customary land tenure.
C. Ng’ong’olo, “Land Rights for Marginalized Ethnic Groups in Botswana with Special
Reference to Basarwa”, JAL, 1997, p. 14. Under Tswana customary law for everyday
management of the land, the paramount traditional leader appoints trustees to manage
each of the arable and grazing areas. These are mostly senior heads of wards that are
attached to certain arable and grazing land. In principle a ward head may be approached
by an adult tribesperson to be allocated a piece of land for the purposes of residence,
Recht in Afrika 2013
178
of the new land tenure arrangement, the system of Land Boards was established in
the tribal areas to inter alia allocate and administer land.
A Land Board is comprised of 12 members. The composition is as follows:
40

The tribal authority ex officio or his deputy;

One member appointed by the tribal authority;

Two members elected in the prescribed manner by an electoral college; and

Two members appointed by the Minister.
41
42
There is also a Lands Tribunal, which is made up of three members. Its “President”
is a qualified lawyer and a civil servant. The Minister of Local Government, Lands
and Housing appoints two other members. The main function of the tribunal is to
adjudicate appeals against a Land Board decision. Given the judicial powers of this
judicial arm, it is clear that traditional leaders no longer possess the judicial powers
to adjudicate on land issues. The attitude of the Botswana government towards the
traditional land tenure system was summarized as follows in the National Develop43
ment Plan of 1968-73:
In the township and large village it is essential to grant a form of title, which
offers complete security and enables land to be regarded as a fully negotiable
asset […] In tribal areas, the present system of concession provides an insufficient basis for the encouragement of investment, and changes in the
present law are envisaged, the details of which have still to be decided. On
agricultural land progressive farmers must be encouraged to develop their
holdings by offering more clearly defined security than that available under
customary law.
Under the Tribal Land Act, all the rights and titles of the traditional leaders and
44
tribes to land are vested in the Land Boards. It is argued by the government that
40
41
42
43
44
ploughing and grazing. In the present Botswana, these powers and functions of traditional
leaders are now vested in the Land Boards.
P. Smit, Botswana Resources and Development, Pretoria, 1970, p. 42. The Ministry of
Local Government, Lands and Housing appoints five of them, five are chosen by the
people at kgotla and the other two are ex officio members representing the Ministry of
Agriculture and the Ministry of Commerce and Industry. The composition of the Land
Boards and in particular the position of the traditional leaders as the persons holding land
in trust for members of their tribes is interesting. Although there are minor differences, the
composition of the Ngwato Land Board for the Bangwato tribal area serves as a good example. The composition of the Land Boards excludes traditional leaders and tribal authorities. However, the traditional leaders retain their right to have one nominee.
In most cases a traditional leader is an ex officio member.
In the case of the Batawana and the Bakwena, one member is appointed by a senior traditional leader.
As quoted by P. Smit, Botswana Resources and Development, Pretoria, 1970, p. 41.
In De Graaf v Ramokwena and Others 2000 BLR 224-235, the court held that all members of a tribe or citizens of Botswana within a given tribal land area do hold land for their
use on lease as lessees while the Land Board stands in the position of lessor and is therefore the legal owner of the land. See also section 13 of the Tribal Land Act (Cap:32:02) of
1968, where the powers of the Land Board are provided as follows: to grant rights to use
Khunou · Traditional Leadership
179
these new arrangements are to the benefit and advantage of the tribesmen and
women for the purpose of promoting economic and social development of all
peoples of Botswana. According to the Tribal Land Act, the Land District Council in
the formulation of policy and the State President are empowered to give any Land
45
Board directions of a general or specific character.
A further radical provision of the Land Act is that land may be utilized for public
purposes. If the President determines that it is in the public interest that any land, the
ownership of which is vested in a Land Board, should be acquired by the state, the
Minister shall serve notice thereof on the Land Board and the District Council, and
46
request that such land be granted to the state. The Tribal Land Act deprived traditional leaders in Botswana of their powers in respect of the ownership and allocation of land. This statutory arrangement changed the traditional structure of
47
authority.
45
46
47
of any tribal land, to cancel the grant of any rights to use of any tribal land, to hear appeals from, to confirm or set aside any decision of any subordinate Land Board, to impose
any restrictions or conditions on the use of tribal land, to authorise any change of user of
tribal land and to authorise any transfer of tribal land. See also the Establishment of
Subordinate Land Boards Order 47 of 1973. Section 2 of Order 47 of 1973 provides for
the establishment of Subordinate Land Boards within the district. Subordinate Land
Boards have powers to hear, grant or refuse applications to use of land for: (a) building
residences, (b) ploughing, (c) grazing cattle or stock, (d) communal uses in village. The
establishment of Subordinate Land Boards (Amendment) Order 45 of 1992 and the Tribal
Land Regulations 7 of 1970 deal inter alia with the procedure for the appointment of
elected members to the Land Board, grant of customary land rights and grant of common
law rights.
O. Gulbrandsen, Access to Agricultural Land and Communal Land Management,
Madison, 1985, p. 4; R.K. Hitchcock, “Water, Land and Livestock: The Evolution of Tenure and Administration Patterns in the Grazing Areas of Botswana”, in L.A. Picard (ed.),
The Evolution of Modern Botswana, London, 1985, p. 115; R. Nengwekhulu, “Local
Government Policy in Botswana: Lessons for South Africa”, Unpublished paper presented
at School of Administration and Management, 20-21 May 1996, University of Pretoria,
p. 6. See also section 32(1) of Act 54 of 1968. Section 32(2) of Act 54 of 1968 further
states that when the Land Board declines to grant land in accordance with the request the
Minister, he or she may direct that an inquiry be held by a Commission. Section 32(3) of
Act 54 of 1968 provides that on the conclusion of an inquiry the Commission shall report
to the Minister who may give direction in the matter as he shall think fit being a direction
not inconsistent with the findings of the Commission and shall be the duty of the Land
Board to comply. The Land Boards have replaced traditional leaders with regard to the
system of land allocation and administration. Hitchcock explained that this new statutory
land system of allocation diminishes the authority of traditional leaders over matters of
land and transfers their powers to elected and appointed representatives. Traditional leaders become ex officio members without any voting rights at all. Nengwekhulu noted that
these new statutory changes over the land matters take away the rights of traditional leaders to allocate land. The right to allocate land is one of the essential rights enjoyed by
traditional leaders in both the pre-colonial and the colonial period. This right gives traditional leaders political leverage with regard to their subjects. Land is important for the
survival of traditional authority and individuals.
See section 32 of Act 54 of 1968.
Section 10 (8) of Act 54 of 1968.
180
Recht in Afrika 2013
Under Tswana customary law, there is a close correlation between control over land
rights, political authority and social order. This inherent correlation presupposes that
customary land tenure cannot be regarded as an isolated economic issue. The breakdown of this correlation or chain results into the decline of the political, social and
48
economic institutions of traditional community. Smith correctly noted that:
The replacement of a system of community land-holding by one of exclusive
proprietary tenures, which may involve in turn the creation of the relation of
landlord and tenant, must inevitably lead to a serious disintegration of tribal
life and its existing institutions.
The interaction of the District Council, Land Boards, Ministry of Local Government,
Office of the President and Ministry of Finance leads to the formation of the new
local-central government structure. This relationship between local and central governments is like a “game” in which the players manoeuvre for advantage, deploying
the resources they possess to maximize their influence over outcomes and trying to
avoid becoming dependent on the other players. However, it may be argued that dependency and reliance of one player on the other is inevitable. For instance, the
District Councils may solicit money from the Ministry of Finance and Development
49
Planning in order to carry out its developmental projects.
The Ministries of Agriculture and Commerce are also important players in the localcentral government’s game. For example the Minister of Agriculture is responsible
for the appointment of certain members of the Land Boards as his representatives.
6. Structure of Local-Central Government
Various institutions were created by legislation in order to curtail the position of
traditional leaders. Mfundisi illustrates the local-central government structure as
50
follows:
48
49
50
P. Smit, Botswana Resources and Development, Pretoria, 1970, p. 42.
P. Smit, Botswana Resources and Development, Pretoria, 1970, p. 42. The District Councils are financially dependent on the central government. This funding enables the Councils to carry out their local development projects.
A. Mfundisi, “The Formation and Structure of Central Government and its Institutional
Relationship with Local Government in Botswana”, in W.A. Edge and M.H. Lekorwe
(eds.), Botswana: Politics and Society, Pretoria, 1998, p. 169.
Khunou · Traditional Leadership
181
7. Conclusion
It is evident from the preceding discussion that traditional leaders have lost most of
their pre-colonial and colonial powers in modern Botswana. Various pieces of legislation have a profound effect on the roles and functions of traditional leaders at the
local level. Despite all these changes and the reduction of their powers and status, all
is not lost on their side. At least for now the central government still needs the traditional leaders to mobilize rural masses for national development.
There is no doubt that the traditional leaders in Botswana play an important leadership role in traditional communities just as elected representatives play a vital role in
a democratic dispensation. However, in Botswana, where the functions and duties of
elected representatives and traditional leaders are combined (mixed) and not harmonized, the conflicts seem inevitable and detrimental to the local communities. To
address this issue, it is perhaps appropriate to harmonize the roles of the traditional
leaders and elected representatives because both authorities have distinct and spe51
cialized roles that must co-exist.
51
F.S. Mjiga, The Role of Traditional Leaders in a Democratic South Africa, Johannesburg,
1998, p. 6.
Recht in Afrika 2013: 183-202
Samuel E. Ojogbo*
Single Decker Dissolution of Double Decker Marriages
in Nigeria: A Revisit
Abstract
The marriage institution is universally acknowledged as an important
institution. A marriage may not last the lifetime of the parties if either
party decides to bring it to an end. There are different ways of terminating the two types of marriage in Nigeria – customary law marriage
and statutory marriage. However, the current practice for couples who
have undergone a double process of customary and statutory marriage
is to dissolve both marriages by dissolving only the statutory marriage. The view is that dissolution of the statutory marriage terminates
the previous customary law marriage. This paper questions the legal
basis for this view as it discusses the applicable rules for a valid marriage and divorce under the two systems. The paper concludes that the
dissolution of a subsequent statutory marriage does not terminate a
previous customary law marriage by the same parties.
1 Introduction
The law of marriage and divorce in Nigeria also known as family law, like all other
aspects of Nigeria law, has a peculiarity that reflects the colonization of the country
by the British. The family law recognises two systems: the monogamous or common
1
2
law marriage and the polygamous or customary law marriage.
Monogamous marriage has the imprint of the English law of marriage and divorce
and they have the same character and incidence. It is the marriage which was described by Penzance in Hyde v Hyde as “[…] the voluntary union for life of one man
3
and one woman to the exclusion of all others”. It is important to note that the
4
Nigerian Interpretation Act 1964 adopts this definition of monogamous marriage in
Nigeria. Mainly the Marriage Act Cap M6 Laws of the Federation of Nigeria (LFN)
20045 and the Matrimonial Causes Act Cap M7 LFN 20046 regulate the monogamous marriage in Nigeria.
*
1
2
3
4
5
6
LLM (Western Ontario) BL, Lecturer, Faculty of Law, Benson Idahosa University, Benin
City, Edo State, Nigeria. e-mail: [email protected].
The terms ‘monogamous marriage’, ‘common law marriage’, ‘statutory marriage’ and
‘marriage under the Act’ will be used interchangeably throughout this paper. They all refer to monogamous marriage.
The terms ‘polygamous marriage’, ‘customary law marriage’ and ‘marriage under native
law and custom’ will also be used interchangeably throughout this paper to refer to polygamous marriage.,
(1886) LR 1 P & D 130, 133.
No. 1 of 1964 section 18, Cap 118, Laws of Nigeria 1959.
Abbreviated as MA throughout this paper.
Abbreviated as MCA throughout this paper.
184
Recht in Afrika 2013
Polygamous marriage or customary law marriage in Nigeria on the other hand is a
7
customary law institution. Customary law governs its character and incidence.
Nigerian customary law, however, does not have a documented history like common
law. Therefore, customary law marriage does not have a settled definition like the
8
marriage under the Act, but may be defined as voluntary union for life of one man
to one or more women.
One major difference between monogamous and polygamous marriage in Nigeria is
that polygamous marriage permits the marriage of one man to more than one woman
9
at the same time while monogamous marriage does not permit the marriage to more
10
than one wife at a time. The Act permits marriage between a customary law couple
who wish to marry under the Act, but a customary law husband is forbidden under
11
the Act to contract a common law marriage with any woman other than his customary law wife.
It is a common practice in modern times in Nigeria for intending couples to marry
under the native law and custom and, thereafter, under the Act. This is commonly
12
referred to as ‘double decker’ marriage in Nigerian family law. However, dissolution of such double decker marriages only go through a single process of dissolution
of the marriage under the Act. This paper explores the validity or otherwise of such
‘single decker’ dissolutions of double decker marriages.
There is a divergence of judicial opinion about the validity of this single decker
13
dissolution of a double decker marriage. However, most family law experts argue
that dissolution of statutory marriage brings the customary law marriage before it to
14
an end. The requirements for the dissolution of a monogamous marriage differ materially from the requirements for the dissolution of a polygamous marriage. This
paper seeks to review the law of marriage and divorce in Nigeria with a view to determining the validity of the current trend of the application of single decker dissolutions of double decker marriages under Nigerian family law.
Part II of this paper will discuss statutory marriage and marriage under native law
and custom. Part III will discuss divorce under the statute and under native law and
7
8
9
10
11
12
13
14
This paper acknowledges that there are two types of customary law in Nigeria – indigenous customary law and non-indigenous (Islamic) customary law. The difference between
the two types of customary law is not relevant and therefore outside the scope of this
paper as the discussion in this paper is concerned with indigenous customary law.
See the definition in Hyde v Hyde supra note 3.
Note that the marriage to one woman by a customary law husband does not make the marriage a monogamous marriage as long as the customary law husband retains the capacity
to take more wives.
The qualifying phrase here is ‘one wife at a time’. The common law husband is forbidden
from taking more than one wife at a time but he could have several wives at different
times as is the case with serial monogamy.
Section 33 MA, Cap M6, LFN 2004.
M.C. Onoka, Family Law, Ibadan: Spectrum Books, 2007, p. 143-162, 163-186.
See Ohochukwu v Ohochukwu (1960) 1 All ER 253; Mrs Alero Jadesimi v Victoria
Okotie-Eboh & two ors (1996) 2 NWLR (pt. 429) 128 and Afonne (1975) 5 ECSLR 159 at
168.
See I. Sagay, Nigerian Family Law: Principles, Cases, Statutes and Commentaries, Ikeja:
Malthouse Press, 1999, p. 831; E.I. Nwogugu, Family Law in Nigeria, Rev. Ed., Ibadan:
HEBN, 2011, p. 67.
Ojogbo · Dissolution of Double Decker Marriages in Nigeria
185
custom while Part IV will discuss the relationship between the received English law
and customary law, especially the personal law of marriage and divorce and the
legal implications of dissolution under the two marriage systems in Nigeria. Part V
will review judicial and expert opinions on the validity of a single decker dissolution
of a double decker marriage, while Part VI will critique the opinions reviewed in
Part V. Part VII, the concluding part, will review the differences in the two marriage
systems and the applicability of a single decker dissolution to a double decker marriage.
2 The Marriage Institution in Nigeria
There are two systems of marriage in Nigeria – statutory marriage and marriage
under native law and custom. Marriages under the two systems carry their incidence
and create different rights and obligations. However, these rights are predicated on
the existence of a valid statutory or customary law marriage. Therefore, a review of
the two systems will be necessary to enable us understand when a valid marriage has
come into existence because divorce is only available to a couple in a valid marriage.
2.1 Customary law marriage
We have defined customary law marriage above as a voluntary union for life of one
man and one or more women. Customary law marriage like customary law is a way
of life of a people, a mirror of accepted usage. It is a reflection of the habits and social attitude of a particular society or ethnic community. Customary law marriage
derives its validity from the accepted practice of the people. It is generally unwritten
except for some judicially recognised and documented usages of the people modified in some circumstances by statutes or rules on customary law made in pursu15
ance of statutory injunctions. The marriage is in accordance with the unwritten custom of each individual community. Although it is mostly unwritten, the system is established over a long period and the rules are simple and settled so that the requirement of validity is not in doubt. Customary law marriage is polygamous and involves one man and one or more women.
There is no customary law marriage system that is universal to Nigeria. Every community operate a customary law marriage system relative to their individual community. However, there are essential similarities in the basic requirements for a valid
customary law marriage across the different ethnic communities in Nigeria. Some of
these requirements are:
15
1.
Capacity of the parties;
2.
Consent of the parties and, consent of the parents of the bride,
especially the consent of the father of the bride;
3.
Statutory prohibition;
4.
Prohibited degree of relationships;
5.
Payment of bride price; and
See for example, Marriage, Divorce and Custody of Children Adoptive By-Laws 1958 of
Western Nigeria.
Recht in Afrika 2013
186
6.
Celebration of marriage.
These requirements are examined hereunder.
Capacity
One of the characteristics of customary law is its unwritten nature. Customary law
marriage rules, like customary laws in general, are mostly undocumented. The result
of this unwritten nature of customary law marriage rules is the absence of age prescriptions for customary law marriage. However, some local governments have exercised their powers to make declarations or modifications of customary law rules
16
applicable to their areas of authority by fixing the marriageable age at sixteen
17
18
years. See the case of Emeakuana v Umeojiako, where the appellant and her
father gave uncontroverted evidence that the appellant was about fifteen years when
the marriage with the defendant was celebrated and the court held that the marriage
was void because it contravened Section 3 (1) of the Age of Marriage Law.
Consent
Two types of consent are required for a valid customary law marriage – consent of
the parties and parental consent, especially the consent of the bride’s father. Consent
of the parties was held to be a condition precedent for a valid customary law mar19
riage under Benin customary law in the case of Osamwonyi v Osamwonyi. See also
20
Agbeke v Salawa Iyanda where the Oyo Native Court of Appeal held that the plaintiff (woman) could repudiate a marriage contract entered into with the defendant on
her behalf by her parents.
Parental consent is required and sometimes mandatory for the celebration of a valid
customary law marriage. Parental consent in this case is the consent of the bride’s
father or guardian who is in loco parentis to the bride. Parental consent may no
21
longer be a requirement in some states of the former Western Region. Lack of parental consent may not be fatal to a customary law marriage where the laws permit
that it could be dispensed with. However, it must be noted that no customary law
marriage could be successfully concluded without the consent of the father of the
bride or head of the family where there is no father because there will be nobody to
receive the bride price and bride price is fundamental to a valid customary law marriage.
16
17
18
19
20
21
See the Local Government Law, 1976 (Anambra State), see also NA (Declaration of Biu
Native Marriage Law and Custom) Order 164 NALW 9 of 1964.
See Section 3 (1) Age of Marriage Law Cap 6 of Laws of Eastern Nigeria, 1963, which
renders void any marriage to any person under the age of sixteen.
Suit No. AA/1A/76 (unreported) High Court Awka October 15, 1976.
(1972) 10 SC 1; see also Ogunremi v Ogunremi and Ovie, Suit No. M/10/71 High Court
of Western State, Ekiti Judicial Division, delivered 12 July 1971, where the court held
that the consent of the parties was an essential requirement of an Ekiti (Yoruba) customary marriage and Okpanum v Okpanum (1972) ECSLR 561 at 563.
Suit 5/58 Civil Record Book Vol. XII.
The former Western Region, now divided into eight states, includes Lagos, Ogun, Ondo,
Ekiti, Osun, Oyo, Delta and Edo State. In these states, the requirement of parental consent
has been abolished by the Marriage, Divorce and Custody of Children Adoptive By-Laws,
WRLN 456 of 1958.
Ojogbo · Dissolution of Double Decker Marriages in Nigeria
187
Prohibited degree of consanguinity and affinity
Marriage between persons who are related either by blood or marriage ties is forbidden under customary law. In Nigeria, the prohibited degree of relationships for
customary law marriage is wider than that applicable under the Act. It is forbidden
under this system to marry any person with whom you share a blood relationship or
any form of affinity no matter the remoteness of the relationship.
Statutory prohibition
The Marriage Act prohibits marriage under customary law to any person who is
party to an existing statutory marriage or monogamous marriage recognized by
22
law. See the case of Onwudinjoh v Onwudinjoh where the subsequent customary
law marriage by one Jeremiah to Chinelo was held void by the reason of Section 35
of the Marriage Act because of the subsisting statutory marriage between Jeremiah
23
and Agnes at the time he purportedly married Chinelo under customary law.
Bride price
Payment of bride price is an essential ingredient of a valid customary law marriage
24
without which there can be no valid marriage. However, like every other aspect of
customary law, there is no standard regulation as to the nature and quantum of the
bride price. There is also nothing to determine when the bride price is due and payable. However, the father of the bride is the right person to receive the bride price.
Where there is no father, the right devolves on the male head of the family. Where
there is no father or his immediate successor, the guardian of the girl or a person in
loco parentis becomes entitled to receive the bride price.
25
In Okpanum v Okpanum it was decided that part payment of the bride price was
sufficient for a valid customary law marriage. Before now, the bride price could take
the form of labour by the suitor to the parents of the bride with some gifts. These
days, the bride price usually takes the form of some money and gifts. Apart from the
regulations stipulating the quantum of the pride price such as the provisions of the
26
Limitation of Dowry Law 1956 applicable only in the former Eastern region, communities or even families fix their bride price. In modern times, some families
(mostly well to do and elitist families) ask for only a token as bride price but what is
not usually possible is a complete waiver of bride price because of the primacy of
the bride price to the validity of customary law marriage.
Celebration of the marriage
The handing over of the bride to the bridegroom and his family is the concluding or
final process in customary law marriage. Until the celebration of the marriage,
which culminates in the handing over of the bride, a valid customary law marriage
27
cannot be said to have been contracted. In the case of Beckley v Abiodun the courts
22
23
24
25
26
27
Section 35 MA Cap M6, LFN 2004.
(1957-58) 11 ERLR 1.
See I. Sagay, supra note 14.
(1972) ECSLR 561 at 563.
Cap 76, Laws of Eastern Nigeria 1963.
In the Matter of Marriage Ordinance, (1943) 17 NLR 59, see also Ikedionwu v Okafor
(1966-67) 10 ENLR 178.
Recht in Afrika 2013
188
held that no valid Yoruba customary marriage can be contracted without the formal
handover of the bride.
2.2 Statutory marriage
A statutory marriage is a marriage contracted in accordance with the provisions of
28
the Marriage Act. A valid statutory marriage must satisfy the six essential factors
29
required for a valid statutory marriage as well as fulfil the formal requirements.
Unlike customary law marriage, statutory marriage is regulated by the Act and any
person purporting to marry under the Act must satisfy the provisions of the law as
any infraction of the provisions of the Act may render the marriage void or voidable
under the Act.
2.2.1 Essential validity of a statutory marriage
There are six factors essential for a valid statutory marriage:
1.
Age of the parties;
2.
Prohibited degree of consanguinity and affinity;
3.
The parties must be unmarried;
4.
The parties must be sane; and
5.
They must freely give their consent, while
6.
Parental consent is required in the case of a minor.
Age
Marriage under the Act is void if either party to the marriage is not of a marriageable
30
age. However, the Act does not define the term “marriageable age”. In the absence
of a statutory definition of the age of marriage, the court may have recourse to the
common law rule on the subject to determine when a party to a statutory marriage is
of marriageable age. Under common law, marriageable age is the age of puberty –
fourteen years in the case of a boy and twelve years in the case of a girl.
Prohibited degree of consanguinity and affinity
Marriage under the Act is void if it involves persons who are within the prohibited
31
degree of consanguinity or affinity. Before the Matrimonial Causes Act came into
effect, Section 33 (1) of the Marriage Act prescribed the degree of consanguinity
and affinity and it is the Marriage Act that still governs marriages contracted before
28
29
30
31
Cap M6, LFN 2004.
The six essential requirements for a valid statutory marriage are: age, prohibited degree of
consanguinity and affinity, neither party must be already married, consent of the parties,
parental consent and sanity.
Section 3 (1) (e) MCA Cap M7, LFN 2004.
Section 3 (1) (b) MCA Cap M7, LFN 2004.
Ojogbo · Dissolution of Double Decker Marriages in Nigeria
189
1970. Under the Matrimonial Causes Act 1970, a marriage is prohibited if the
32
woman is or has been the man’s ancestress descendant.
Neither party must be already married
Marriage under the Act is a marriage of one man to one woman to the exclusion of
all others. As a result, any person who is already married under the Act or native law
and custom is precluded from contracting another statutory marriage with another
33
person. Any marriage contracted in defiance of this rule is void and it is an offence
punishable by terms of imprisonment under the Matrimonial Causes Act and the
34
Criminal Code. Section 33 (1) MA forbids marriage to a party involved in a subsisting marriage under customary law. However, the same parties to a customary law
marriage are permitted under the Marriage Act to contract a subsequent statutory
marriage.
Consent of the parties
The consent of the parties to a statutory marriage is fundamental for the validity of
the marriage. The consent must be free, devoid of vitiating elements such as duress,
35
fraud or misapprehension, which may render the marriage voidable.
Parental consent
Where either party to a statutory marriage who is not a widow or widower is under
the age of twenty-one years, he or she must obtain the written consent of the father.
However, if the father is incapacitated by reason of insanity or he is out of Nigeria,
the mother will give the necessary consent subject to soundness of mind and her
being in Nigeria. If both parents are unavailable for reasons of death, unsoundness
of mind or out of Nigeria the guardian to the minor may give the necessary con36
sent. Any person who is giving the consent must sign it and where the person cannot write or he is an illiterate, he may affix his mark to the document in the presence
37
of a High Court Judge or a Magistrate, or a Registrar or person of similar status.
Sanity
According to Section 3 (1) (d) (iii), it is necessary that parties to a statutory marriage
are of sound mind. If one party is insane and therefore not mentally capable of
understanding the nature of a marriage contract, the marriage will be void ab initio.
32
33
34
35
36
37
See the Act for a full list of those that are within the prohibited degree of consaguinity and
affinity; see also Section 4 of the Act for exceptions to the rule with regards to the prohibited degree of affinity.
Obele Iniya v Obele (1973) 1 NMLR 155.
Section 370 Criminal Code prescibes seven years inprisonment and Sections 35 and 48
MA lay down five years inprisonment. See also R.V. Princewill (1963) NNLR 54.
Section 3 (1) (d) MCA.
Section 18 MA.
Section 19 MA. See generally Section 20 MA for those that may give consent, see also
Agbo v Udo (1947) 18 NLR 152, for the effect of parental consent and the absence of it on
the validity of a statutory marriage.
190
Recht in Afrika 2013
2.2.2 Formal validity of statutory marriage
Marriage under the Act requires more than just fulfilling the essential validity. It
also requires the fulfilling of some formalities as laid down in the Marriage Act. For
example, the Act requires intending parties to a statutory marriage to enter notice of
38
the marriage. The purpose is to give notice to the public of the impending marriage, thereby inviting any person who may have reasons to oppose the marriage to
enter a caveat before the issue of the authority to marry – Registrar’s certificate.
The Registrar’s certificate authorising the marriage is issued after twenty-one days
and up to three months from the date of the notice where there is no objection to the
marriage between the intending couple after the parties have satisfied the Registrar
by affidavit of compliance in accordance with Section 11 (1) of the Act. This is
without prejudice to the powers of the governor to issue a special licence under Section 13 of the Act, authorising the marriage if the parties satisfy him by affidavit that
there is no impediment to the proposed marriage between them.
One of the bases for a caveat against a proposed marriage is the existence of a cus39
tomary law marriage between a party to the proposed marriage and a third party.
However, a party relying on the existence of a customary law marriage must prove
40
its existence.
The Registrar’s certificate is no evidence of a celebration of a marriage and it does
41
not confer a marriage status under the Act as decided in Sofela v Sofela . The parties
to a statutory marriage, to acquire marriage status under the Act, must proceed to
celebrate their marriage in accordance with the provisions of the Act. There are essentially two ways of celebrating a marriage under the Act – celebration in a licensed place of worship and celebration in a Registrar’s office.
The governor of a State is authorised under Section 6 of the Marriage Act to licence
any place of public worship in his state to be a place for the celebration of marriages
in the State. It is only in such a place licensed for that purpose that intending spouses
may celebrate a marriage that would be valid under the Act. Such a marriage must
be celebrated with open doors, and between the hours of 8:00 a.m. and 6:00 p.m.
with at least two witnesses present and an officiating priest who must be a recognised priest of the denomination concerned and the process must be carried out in
42
accordance with the practice of that denomination.
Celebration in a Registrar’s office on the other hand shall take place with open doors
between the hours of 10:00 a.m. and 4:00 p.m. in the office of the Registrar and in
43
the presence of at least two witnesses with the Registrar presiding. Apart from a licensed place of worship and a Registrar’s office, a valid statutory marriage may also
38
39
40
41
42
43
Section 7 & 8 MA.
Section 33 MA forbids any party to a subsisting customary law marriage from contracting
a marriage with a third party under the Act while Section 35 of the Act prohibits a subsequent customary law marriage for a party married under the Act. See Ogunremi v Ogunremi (1972) 2 ULR 466.
See Olikagbue v Olikagbue, Suit No. M/1/68 (unreported) Benin High Court, 22 September 1966. See also Beckley v Abiodun (1943) 17 NLR 59.
(1976) 7 CCHCJ 1923.
Section 21 MA.
Section 27 MA.
Ojogbo · Dissolution of Double Decker Marriages in Nigeria
191
be celebrated under a special licence, which may permit the celebration in a place
44
other than a licensed place of worship. A valid marriage may also be celebrated in
a Nigerian Diplomatic or Consular Mission office abroad between parties one of
which must be a Nigerian citizen.
However, other forms of celebration such as church marriages and church blessings
that do not comply with the provisions of the Act do not constitute a marriage under
the Act. A common example of church marriage is a Roman Catholic church marriage. It is usually a monogamous marriage performed in the presence of witnesses
after the necessary bans of marriage have been published and there are no objections
against the union of the parties. The fact that a certificate is issued and that the
45
marriage is monogamous does not make it a statutory marriage, however. In Obiekwe v Obiekwe, where the validity of a Roman Catholic Church marriage celebrated in Enugu was in issue, Palmer J. stated that
a good deal has been said about ‘church marriage’ or ‘Marriage under Roman
Catholic Law’. So far as the law of Nigeria is concerned, there is only one
form of monogamous marriage, and that is marriage under the Ordinance.
Legally a marriage in a Church (or any denomination) is either a marriage
under the Ordinance or it is nothing. In this case, if the parties had not been
validly married under the Ordinance then either they are married under Native Law and Custom or they are not married at all. In either case the ceremony in church would have made not a scrap of difference to their legal
46
status.
3 Dissolution of Marriage
We have seen the differences between how a valid customary law marriage and a
valid statutory marriage may be contracted. This part will discuss the dissolution of
customary law marriage and statutory marriage to find the causal connection between the two in order to discover how the dissolution of a statutory marriage can
end a customary law marriage.
Dissolution according to the Oxford English Dictionary is “the formal closing down
47
or ending of an official body or agreement”. Dissolution of marriage, therefore, is
the formal ending of a marriage contract.
The plurality of marriage systems in Nigeria is also reflected in the dissolution of
marriages. Apart from the fact that different courts are seized with jurisdiction on
matrimonial causes for the different types of marriage, the applicable rules and consequences of dissolution are also different. For example, the return of the bride
48
price an essential requirement for the dissolution of a customary law marriage is
unknown to statutory marriage.
44
45
46
47
48
Section 29 MA.
See Obiekwe v Obiekwe (1963) ENLR 196.
Ibid. at 199. See also Setse v Setse (1959) GLR 155.
C. Soanes and S. Hawker (eds.), Oxford English Dictionary, Oxford: Oxford University
Press, 2006, p. 287.
Bride price and dowry will be used interchangeably in this paper. They both mean the
payment to the family of the bride in the process of a customary law marriage.
Recht in Afrika 2013
192
3.1 Dissolution of customary law marriage
There are essentially three ways by which a customary law marriage may be dissolved – extra-judicially, judicially or by death:
49
50
51
52
1.
Extra-judicial dissolution: This is the process by which a customary law marriage may be terminated without recourse to the court
of law. Extra-judicial divorce may be unilateral or by the mutual
agreement of the parties. The process of unilateral divorce begins
where the husband evicts the wife from the matrimonial home
with the intention not to allow her back or where the wife leaves
the matrimonial home with the intention never to return. Such action by a customary law wife or a customary law husband will set
a divorce process in motion. The refund of the bride price will
conclude the divorce process. Note that where it is the woman that
leaves the matrimonial home, the bride price becomes immediately refundable but where the husband evicted her, the bride price
49
becomes due only when she remarries or when she is able to pay.
2.
Judicial dissolution: The customary courts have exclusive original
50
jurisdiction in customary matrimonial causes. Parties to a customary law matrimonial proceeding base their petition on rea51
sons rather than grounds, as is the case with matrimonial causes
under the Statute.
Although one of the reasons for the grant of divorce in a customary matrimonial cause is adultery, unlike in a matrimonial cause
under the Act, adultery as a reason under customary matrimonial
cause is applicable only with respect of the husbands’ case against
the wife. In a customary matrimonial cause, divorce will readily
be granted and the refund of the bride price ordered once it is obvious that the parties to the marriage can no longer be reconciled
52
or where one party is determined to see to the end of the union.
3.
Dissolution by Death: Death constitutes dissolution of a customary law marriage only with respect to the customary law wife as
the death of a customary law husband does not bring a customary
law marriage to an end. It is the refund of the bride price rather
See supra note 25.
See Okpakpa v Okor and Anor, Suit No. 1/634/1969 9 (unreported) High Court Lagos, 22
May 1970.
Some of the reasons for the grant of divorce in customary marriage matrimonial causes
are as contained in the Adoptive By-Laws of Western Nigeria 1958: betrothal under marriageable age; refusal to consummate the marriage; harmful diseases of a permanent nature which may impair the fertility of a woman or the virility of a man; impotence of a
husband or sterility of a wife; conviction of either party for a crime involving a sentence
of imprisonment of five years or more; ill treatment, cruelty, neglect of either party by the
other; venereal disease contracted by either party; lunacy of either party for three years or
more; adultery; leprosy contracted by either party; desertion for a period of two years or
more etc.
See Paul Okwueze v Febisola Okwueze, Suit No. 1 CA/H/154/83, delivered 21 March
1985.
Ojogbo · Dissolution of Double Decker Marriages in Nigeria
193
than the death of a customary law husband that can terminate a
53
customary law marriage. In Amachree v Goodhead, it was decided that after the death of a customary law husband, a customary
law wife continues to belong to the customary law husbands’ family until the bride price is refunded.
When customary law marriage is in fact dissolved
The fact that the refund of the bride price concludes the dissolution of a customary
54
law marriage whether it is dissolved judicial or extra-judicially or by death means
that the issue of bride price is primary to customary matrimonial causes. It is important, therefore, to determine when a customary law marriage is in fact dissolved.
In the case of extra-judicial divorce the courts have held in the case of the Registrar
55
of Marriages v Igbinomwanhia, per Obaseki J., that separation does not constitute
divorce under Bini customary law and that a customary law marriage can only be
dissolved by the refund of the bride price. Concerning judicial divorce, it was stated
56
in the case of Eze v Omeke that a specific order dissolving any customary law marriage was unnecessary because it is the refund of the bride price that puts an end to
the incidence of a customary law marriage. The implication is that a customary law
marriage cannot be dissolved without the refund of the bride price.
2.2 Dissolution of a statutory marriage
57
The Matrimonial Causes Act provides for only one ground for the dissolution of
58
marriage, namely, that the marriage has broken down irretrievably. However, the
provisions of factual situation in Section 15 (2) which must be proved before a marriage can be held to have broken down irretrievably appears to create the real
grounds for the dissolution of marriage. This is because those fact situations are
symptoms of a marriage that has broken down irretrievably. All a petitioner for
matrimonial relief may need to prove to establish irretrievable breakdown of
marriage is one of the facts under Section 15 (2) as the petitioner is not required to
prove irretrievable breakdown.
However, apart from the grounds/facts as provided in Section 15 (2), Section 16 (1)
provides additional facts, any of which if proved, would also constitute the fact in
Section 15 (2) (c) which is that the respondent has behaved in such a way that the
petitioner cannot reasonably be expected to live with the respondent. It appears misleading to say that the Matrimonial Causes Act provides for only one ground for the
dissolution of marriage according to Section 15 (1) because a petitioner does not
need to prove irretrievable breakdown but a proof of the facts in Section 15 (2) as
evidence that the marriage has broken down irretrievably will be sufficient. Therefore, the real grounds for the dissolution of a statutory marriage are the grounds as
provided in Sections 15 (2) and 16 (1) of the Matrimonial Causes Act, as decided by
53
54
55
56
57
58
(1923) 4 NLR 101.
See Registrar of Marriages v Igbinomwanhia, Suit No. B/16M 22 (unreported) High
Court, Benin, 5 August 1972. See also Eze v Omeke (1977) ANSLR 136.
See Registrar of Marriages v Igbinomwanhia, ibid.
See Eze v Omeke (1977) ANSLR 136.
Cap M7, LFN 2004.
Ibid., Section 15 (1).
194
Recht in Afrika 2013
the Enugu division of the Court of Appeal in Justin Obidi Megwalu v Adline Njideka
59
60
Megwalu. It was stated in Okojie v Okojie that under Nigerian law, a court cannot
dissolve a marriage even though it has broken down irretrievably unless one of the
facts under Section 15 (2) is established to the satisfaction of the court.
Jurisdiction to dissolve a statutory marriage
Under the Matrimonial Causes Act, the basis for jurisdiction in matrimonial causes
is domicile. See Section 2 (2) of the Matrimonial Causes Act which provides that
61
proceedings for a decree of the provisions in paragraphs a-f may be instituted by
62
any person domiciled in Nigeria. However, because domicile is fundamental to the
issue of jurisdiction without which the court will not have the powers to adjudicate
the matter before it, it is important to understand what domicile is in matrimonial
causes.
Domicile
Domicile is important, at least in the common law world, because it connects a person to the legal system of a given jurisdiction. It is the basis upon which a person
may pursue a legal process, for example, matrimonial causes, succession, legitimacy
etc.
Between married couples, the wife acquires the domicile of the husband upon marriage. This means that whenever the wife wishes to undertake matrimonial proceedings, she must do that in a court within the jurisdiction of the husbands’ domicile.
The implication is that a wife who is normally resident in Nigeria cannot seek matrimonial relief in Nigeria where the husband has changed domicile by relocating to
Ghana, since the wife’s domicile is tied to that of the husband.
To cure the problem of circumstances when a husband may deliberately change
domicile to make it impossible for a deserted wife to seek matrimonial relief, the
Matrimonial Cause Act under Section 7 (a) provides that a deserted wife who was
domiciled in Nigeria immediately before the marriage or immediately before the desertion shall be deemed to be resident in Nigeria. Paragraph (b) also provides that a
wife who is resident in Nigeria at the date of instituting proceedings under the Act
and has been so resident for three years immediately preceding that date shall be
deemed to be domiciled in Nigeria at that date.
Jurisdiction and issue of forum court in matrimonial causes
Section 2 (1) of the Matrimonial Causes Act provides that
[s]ubject to the Act, a person may institute a matrimonial cause under this
Act in the High Court of any State of the Federation, and for that purpose the
59
60
61
62
(1994) 7 NWLR (Part 359) 730.
Suit No. WD/21/73 High Court of Lagos State, 10 March 1976.
Proceedings that may be commenced by any person resident as provided by Section 2 (2)
are a decree (a) of dissolution of marriage, or (b) of nullity of a voidable marriage,
(c) nullity of a void marriage, (d) judicial separation, (e) restitution of conjugal rights,
(f) jactitation of marriage.
Bhojwani v Bhojwani (1995) 7 NWLR (Part 407) 349.
Ojogbo · Dissolution of Double Decker Marriages in Nigeria
195
High Court of each State of the Federation shall have the jurisdiction to hear
and determine [...]
63
A literal interpretation of Section 2 (1) above and Section 2 (3) appears to suggest
that a party to a matrimonial proceeding may commence action before any State
High Court in the federation. The implication of such interpretation is that a spouse
who lives and works in Benin, for example, may commence a matrimonial suit in
Abia State High Court or any state of their choice in Nigeria. This was the view
64
adopted by the court in Victoria Adekanye v Omosoba Adekanya, where the court
refused the application by the respondent for a transfer of a suit commenced in Ibadan back to Lagos where the couple lived and worked.
However, the better view and current position of the law was the decision in Ade65
goroye v Adegoroye, where it was decided that Nigeria as a single domicile means
that all the State High Courts constitute one jurisdiction for the purposes of matrimonial causes under the Act. Therefore, a transfer of a matrimonial proceeding from
one State High Court to the High Court of another state is permissible, thereby affirming that matrimonial suits can only be commenced in forum court, that is a court
that has jurisdiction where the couple normally live and work. This view was fol66
lowed in Oladepo Folorunsho v Elizabeth Folorunsho. The Matrimonial Causes
67
Act, however, regulates only monogamous marriages.
4 A Dual Legal System: Implications for Marriage and Divorce
From the preceding part it is clear that the rules applicable to and the consequences
of dissolution of a customary law marriage are diametrically different from that of a
statutory marriage. We have also noted earlier the differences on how a valid customary law marriage and a statutory marriage may be contracted. These differences
68
notwithstanding, some writers hold the view that a customary law marriage contracted before a statutory marriage by the same parties is subsumed under the subsequent statutory marriage, so that the dissolution of the subsequent statutory marriage terminates the previous customary law marriage.
This view raises some questions for our legal system which are beyond the scope of
this paper. However, we need to understand the likely implications of not meeting
the legal requirements for a valid customary law divorce where a marriage contracted under customary law and the statute is dissolved only by a single process in
accordance with the Act.
It was stated earlier that the existence of a dual marriage system like all other aspects of the Nigerian legal system is the consequence of the colonization of Nigeria
by the British. The colonial government, however, did not alter the customary laws
63
64
65
66
67
68
Section 2 (3) provides: “For the avoidance of doubt it is hereby declared that any person
domiciled in any State of the Federation is domiciled in Nigeria for the purposes of this
Act and may institute proceedings under this Act in the High Court of any State whether
or not he is domiciled in that particular State”.
Suit No. 1/403 82 (Unreported) Ibadan Judicial Division, decided 11 October 1983.
(1996) 2 NWLR (Part 433) 712.
(1996) 5 NWLR (Part 450) 612.
See Section 69 MCA.
See I. Sagay and E.I. Nwogugu, supra note 14.
196
Recht in Afrika 2013
existing in Nigeria, especially the personal laws of legitimacy, succession and di69
vorce. The need for law to be relevant to the immediate environment and respond
to social changes cannot be overemphasised. For law to fulfil this function there is a
need to be flexible. The need for responsiveness and flexibility may have influenced
the decision by the colonialists not to alter the personal law of the natives because
this area of the law touches on the person. In fact, this area of the law regulates the
personal life of the citizens and the national character of law is felt more in this
70
area. Instead of supplanting customary laws in this area of law, the colonialists
71
simply supplemented these with English proto-types. The customary laws were
made applicable to the natives while human face was given to the law by shutting
72
off its oddities by the repugnancy test.
The application of customary law to the natives did not affect the application of the
received English law as the latter was applicable to transactions involving non-natives and even Nigerians who wish to be governed by common law or statute. Statutory marriage and customary law marriage have a parallel application, so that intending couples have a free choice of the system that they wish to contract under.
Therefore, couples are bound by the incidence and consequence of whatever system
of marriage they chose.
Marriage under customary law like marriage under the Act creates rights and imposes obligations on the parties. The rights and incidences of a customary law marriage are different from the rights under the Act. The recognition for a customary
law marriage is not superficial and the personal nature of customary law marriage is
reflected in the fact of the duty of the father of a bride or the family head to give the
hand of the bride in marriage. This relationship between two families in a customary
law marriage, which is beyond the marriage contract between the parties to the
union, cannot be dismissed by a High Court in the process of dissolving a statutory
marriage.
Where statutory marriage is contracted overseas between two Nigerians, the current
common practice is that the parties when they return proceed to marry under native
law and custom. The subsequent customary law marriage does not subsume the previous statutory marriage. It only creates a new relationship between the two families.
Therefore, the rights under the two contracts – statutory marriage contract and customary marriage contract exist side by side.
5 Opinions on the Termination of Customary Law Marriage by a Statutory
Marriage Dissolution
There are mixed judicial opinions on the consequences of the dissolution of a subsequent statutory marriage for a previous customary law marriage between the same
parties. While some are of the view that the dissolution of a subsequent statutory
marriage extinguishes the rights under a previous customary law marriage, others
69
70
71
72
O.F. Emiri, “A new equity for unmarried couples”, LASU Law Journal, 2002, Vol. IV
Issue 2, p. 1-233 at 139.
Ibid.
Ibid.
See Hon. Justice I.C. Pat Acholonu, “The relevance of the customary laws in Nigerian
legal system”, Unpublished paper delivered at Lagos State University, 16 December 1997.
Ojogbo · Dissolution of Double Decker Marriages in Nigeria
197
hold the view that the High Courts which are seized with jurisdictions in statutory
matrimonial causes do not have the jurisdiction to interfere with the rights of the
parties under a customary law arrangement. However, most of current family law
scholarship appears to favour the view that dissolution of a subsequent statutory
marriage terminates the rights and obligations under a customary law marriage before it.
Judicial views
The earliest judicial decision that brought the issue under review to the fore was the
73
decision in the case of Ohochuku v Ohochuku. The couple in this case were Nigerians and Christians married under native law and custom before the husband migrated to England. When the wife joined her husband in England, the requirement of
a marriage certificate, which is unknown to customary law, was the main reason that
the parties went through a statutory marriage in England in 1953. When the wife
later petitioned for divorce, the English court pronounced a divorce nisi for the dissolution of the statutory marriage but declined jurisdiction for the customary law
marriage.
74
In the later Nigerian case of Akparanta v Akparanta Agbokoba J. stated that a subsequent statutory marriage is merely superimposed on a customary marriage as the
latter is not extinguished but co-exists with the former and the termination of the
statutory marriage would not affect the continued existence of the customary law
marriage.
However, current decisions by the Nigerian courts appear to favour the view that the
dissolution of a subsequent statutory marriage extinguishes the rights under a pre75
vious customary law marriage. In the case Okotie Eboh v Okotie Eboh, the court
had the opportunity to discuss the implication of going through a subsequent statutory marriage after previously marrying under native law and custom. The court
stated that “where the couples marry according to the appropriate native law and
custom and later on marry under the Act, the two marriages do not co-exist”. The
court went further to state that the previous customary law marriage collapses into
statutory marriage thereby loosing its distinctiveness and character. The decision in
Okotie Eboh’s case followed an earlier decision in the case of Mrs Bassey Ita Okon
76
v Administrator General (Cross River State).
73
74
75
76
(1960) 1 All ER 253.
(1972) 2 ECSLR 779. See also Afonne’s case (1975) ECSLR 159 at 168, where the court
stated that the party seeking dissolution of two legally recognised marriages should specify which marriage he or she wants dissolved and the grounds upon which the dissolution is sought in each case. This view appears to follow the view in Ohochuku v Ohochuku, that is that a subsequent statutory marriage exists in parallel to a previous customary law marriage so that a dissolution of the statutory marriage does not affect the rights
under the customary law marriage.
(1996) 2 NWLR (Part 429) 128. See also the earlier case of A.O. Oseni v R.O. Oseni decided on 18 December 1927, Lagos High Court, Lagos Judicial Division per Dosunmu J.,
where he stated that a subsequent statutory marriage supersedes the previous customary
law marriage.
(1992) 6 NWLR (Part 248) 473 at 485.
198
Recht in Afrika 2013
Scholarly views
The views that are material to the issue under discussion are the views of two
77
78
authors on the subject – Sagay and Nwogugu . Both writers support the view that
the dissolution of a subsequent statutory marriage terminates the customary law
marriage before it although for different reasons. While Nwogugu canvasses the position of the law to support his view, Sagay’s concern is the convenience of the
parties.
79
According to Nwogugu, the decision in Ohochuku’s case would be different under
Nigerian law as the decree nisi would dissolve both the statutory and customary law
marriage in a Nigerian court. He states that the correct legal position concerning the
incidents of marriage is that where parties married under customary law subsequently marry under the Act, they are entitled to the rights and obligations of that system
as whatever rights they acquired under the previous customary law marriage are
80
superseded. The author premises his view on the fact that the new relationship acquired under the statute is unknown to customary law, and that the new marriage
under the Act clothes the parties with rights and obligations that are unknown to cus81
tomary law.
It is important to note that the Nwogugu agrees that the husband involved in this
double decker marriage is entitled to the refund of the bride price paid because of
the customary law marriage but he argues that the refund of the bride price is due to
the husband under contract rather than as a matrimonial right. He concludes that the
payment of the bride price and the right to its refund are not matters arising out of
82
the relationship of husband and wife. However, what the author does not tell us, is
the basis for the contract for which a refund of the bride price is due upon the dissolution of the marriage.
Sagay on his part states that the general view is that a previous customary law marriage is terminated by the dissolution of a subsequent statutory marriage. He ac83
knowledges the other view, which he calls the minority view. Sagay, unlike
Nwogugu, does not advance any argument in support of this view except his reliance
84
on decided cases and the fact that subjecting spouses to customary law marriage
rights after the dissolution of their statutory marriage could cause serious inconveni85
ence if followed in practice.
He further states that if the customary law right subsisted as the parties remained
married under customary law after the dissolution of the statutory marriage, it would
mean that the wife is obliged to refund the bride price after a second divorce under
77
78
79
80
81
82
83
84
85
See I. Sagay, supra note 14 at p. 831.
See E.I. Nwogugu, supra note 14 at p. 66.
Ibid.
Ibid. at p. 67.
Ibid. at p. 68.
Ibid.
See I. Sagay, supra note 14 at p. 831.
Oseni v Oseni and Oshadiya supra and Okotie Eboh v Okotie Eboh supra, in which he
said that the Supreme Court gave its imprimatur to the other view that the rights under a
customary law marriage are not affected by the dissolution of a subsequent statutory marriage.
I. Sagay, supra note 14 at p. 831.
Ojogbo · Dissolution of Double Decker Marriages in Nigeria
199
customary law. Without this second divorce, therefore, any statutory marriage by the
husband will be void. The wife on her part will be unable to contract any statutory or
86
customary law marriage because that will mean that she is married to two men. It is
the inconvenience of going through a double decker divorce that is the concern of
Sagay. However, this writer submits that this is the true position of the law, the inconvenience to the parties notwithstanding.
6 A Critique of Judicial and Scholarly Opinions
It is the view of Sagay that the dissolution of a subsequent statutory marriage does
not bring to an end the customary law marriage before it. It is submitted that the de87
cision in Ohochuku’s case is the right position of law. The court in that case denied
jurisdiction to dissolve a customary law marriage while dissolving a statutory marriage. A critique of the opposing view is necessary to show that customary law marriage exist in parallel to a subsequent statutory marriage by the same parties.
The views expressed by the courts in Okon v Administrator General (Cross River
88
89
State) and Okotie Eboh v Okotie Eboh was that the dissolution of a subsequent
statutory marriage by a customary law couple terminates both the statutory marriage
and the previous customary law marriage. The view is unfounded in law and indeed
practice. First, the State High Court from where the two cases where appealed to the
Court of Appeal and the Supreme Court respectively have no jurisdiction to pro90
nounce on customary law marriage.
If the High Court has no jurisdiction over customary law marriage, what is, therefore, the basis for the jurisdiction of the court. It is submitted that the only basis
upon which a High Court could assume jurisdiction in a customary matrimonial
cause under this circumstance is the assumption by the court that a subsequent statutory marriage terminates a customary law marriage already existing between the
parties. This assumption has no basis in law and in fact. The Marriage Act does not
say that a statutory marriage ends a previous customary law marriage. In fact the Act
acknowledges marriage under native law and custom and, therefore, prohibits any
marriage under the Act to a third party by any party already married under custom91
ary law.
Second, the status of a person depends on its personal law, which must be accepted
92
and acted upon. The customary law of the British colonies, especially the personal
law of marriage and divorce was unaltered by the colonialists. Customary law was
only supplemented and where possible given a human face as stated above by
93
shutting off the oddities by the repugnancy test. The consequence is that the rights
and obligations bind any part to a customary law marriage thereto, a subsequent
statutory marriage notwithstanding, because both laws are parallel in application.
86
87
88
89
90
91
92
93
Ibid. at p. 832.
See Ohochuku v Ohochuku, supra note 73.
Supra note 76.
Supra note 75.
See Section 69 MCA. See also Okpakpa v Okor and Anor, Suit No. 1/634/1969 9 (Unreported) High Court Lagos, 22 May 1970.
Section 33 MCA.
See Lord Green in Baindail v Baindal (1946) 122 at 127-8.
See P. Acholonu, supra note 72.
Recht in Afrika 2013
200
The provisions of Section 33 of the Matrimonial Causes Act are very instructive. It
prohibits any statutory marriage between a customary law spouse and a third party
except the subsequent statutory marriage is between the customary law couple.
Therefore, the choice of a statutory marriage by a customary law couple only creates
additional responsibility for the parties married under the two systems.
The idea that a subsequent statutory marriage supersedes a previous customary law
marriage seems to suggest superiority of the statutory marriage over its customary
law counterpart. This author does not believe in the superiority of either system,
after all, statutory marriage has been described as a mere “paper work” entered by
94
the parties for the benefits derivable from the system. Western education and
influence exposed Nigerians, especially Nigerian women, to the rights of statutory
spouses. It is the long-term financial arrangement that is put in place for the parties
in the event of a breakdown of the marriage, basically designed to protect the wife,
who in most cases is economically dependent on the husband, that is responsible for
95
most statutory marriages. Therefore, the desire to take advantage of the benefits
under statutory marriage does not extinguish the rights and obligations under a
previous customary law marriage.
Third, a valid customary law marriage can only be dissolved, whether judicially,
96
extra-judicially or by death, by the refund of the bride price. This means that the
issue of bride price is primary to any customary matrimonial causes. In the case of
extra-judicial divorce the courts have held in the case of the Registrar of Marriages
97
v Igbinomwanhia, per Obaseki J., that separation does not constitute divorce under
Bini customary law and that a customary law marriage can only be dissolved by the
refund of the bride price. With regards to judicial divorce, it was stated in the case of
98
Eze v Omeke that a specific order dissolving any customary law marriage was unnecessary because it is the refund of the bride price that puts an end to the incidence
of a customary law marriage as there can be no customary law marriage without
payment of the bride price.
As stated earlier, Nwogugu’s view that the husband is entitled to the bride price after
the dissolution of the subsequent statutory marriage suggests the continuance of a
99
customary law marriage after the dissolution of the statutory marriage. In a dis100
cussion on bride price, the author cites the case of Ibikade v Aize, where Oki J.
stated that
101
[...] dowry in a customary law marriage is the total of the various absolutely necessary sums or fees which must be paid by the prospective husband
either at different stages and/or for different heads or purposes to seal the
marriage agreement between the parties and their families [...]
94
95
96
97
98
99
100
101
See Campbell v Campbell (1977) 1 All ER 1 at 6.
See O.F. Emiri, supra note 68 at 140.
See Registrar of Marriages v Igbinomwanhia, Suit No. B/16M 22 (unreported) High
Court, Benin, 5 August 1972. See also supra note 56.
See supra note 54.
See supra note 56.
See E.I. Nwogugu, supra note 14 at 68.
(1974) 4 U.I.L.R. 18.
Dowry and bride price are used interchangeably in this paper and they are also used interchangeably by Nwogugu. See E.I. Nwogugu, supra note 14 at p. 51.
Ojogbo · Dissolution of Double Decker Marriages in Nigeria
201
Nwogugu accepts the dictum above as representing the purpose of the bride price in
a marriage agreement. The same author, however, concludes that the refund of the
bride price after a subsequent statutory marriage is dissolved (which he admits that a
husband involved in a double decker marriage is entitled to after the dissolution of
the subsequent statutory marriage) is only obtainable under contract rather than as a
matrimonial right.
As stated above the question that he has left unanswered is: What is the basis for the
contract upon which the refund of the bride price is due? If it is a marriage contract,
which it is in this case, then his view lacks legal foundation. The legal basis for the
refund of the bride price is the subsistence of a customary law marriage which the
dissolution of a subsequent statutory marriage does not affect.
Sagay on his part as stated earlier does not discuss any legal basis for the view that
the dissolution of a subsequent statutory marriage terminates all the rights and obligations under the previous customary law marriage between the parties. Nevertheless, his suggestion that the Supreme Court by the view in Okotie Eboh v Okotie
102
Eboh gave its imprimatur to the “conversion” school is misleading. Yes, the Supreme Court may have given authority to the view that the dissolution of a subsequent statutory marriage extinguishes the rights and obligations under a previous
customary law marriage between the same parties but this writer argues that the
Supreme Court view has no foundation in law. Therefore, the view of the Supreme
Court in this case could not with all due respect serve as correct position of the law
as the author seems to suggest.
7 Conclusion
We have seen the judicial views and the views of scholars on the single decker dissolution of a double decker marriage. Most of the views favour the position that the
dissolution of a subsequent statutory marriage by parties to a double decker marriage
terminates the customary law marriage before it. However, the requirements for a
valid marriage and divorce in the two systems of marriage practiced in Nigeria appear to contradict this view.
For example, a customary law marriage cannot be concluded without the payment of
the bride price and the handover of the bride to the husband’s family in a celebration
of the marriage involving the two families. Statutory marriage on the other hand is
celebrated in a licensed place of worship or a Registrar’s office with at least two witnesses present. There is no requirement that the witnesses shall be relatives of the
parties.
Another area of fundamental difference is the mode and the requirement for a divorce under the two systems. Under customary law, whether a divorce is judicial or
extra-judicial it is only the refund of the bride price that can terminate the marriage.
Apart from the consequence of the payment and refund of the bride price to customary law marriage and divorce, different courts have jurisdictions on any matters relating to marriage under the two systems. The High Court is the court that has original jurisdiction in matters of statutory marriage while Customary Courts are the
only courts that have original jurisdiction in customary law marriage matrimonial
causes.
102
Supra note 74.
202
Recht in Afrika 2013
Parties that contract a statutory marriage subsequent to a customary law marriage are
merely doing the “paper work” to enjoy the rights under the Act. This does not, in
the view of this author, relieve them of their rights and obligations under the customary law. A polygamous marriage recognised as valid by the law of the domicile
of the parties cannot be disregarded as a ceremony which in no way affects the
rights of the parties to it because the parties decided to take advantage of the benefits
of a statutory marriage by doing the paper work.
Recht in Afrika 2013: 203-219
Berichte und Überlegungen
Reports and Reflections · Rapports et réflexions
Oyekanmi Adewoye*
The Legal Implications of Negligence in Medical Practice in Nigeria
1 Introduction
More than ever before the need to protect patients and the public from the unscrupulous and dangerous practices of some medical practitioners who have sent
many to their untimely death or caused serious injuries to others in the cause of
practicing their profession has become imperative. Professional medical negligence
has sent many to early graves or permanently injured others. Nowadays there are
many medical practitioners who no longer see their professional calling principally
as that of saving lives but as that of making money at any cost including professional malpractice. Negligent medical practitioners should be made to pay punitive
damages and/or suffer penal sanctions like imprisonment if found liable or guilty as
the case may be. In developed countries, attempts have been made through legislations and the judicial pronouncement to make negligent medical practitioners who
cause death or serious injuries to their patients to pay damages and suffer other
forms of punishment.
In Nigeria, this problem is on the increase and the government and concerned medical practitioners have risen up to the challenge to curtail the menace through
legislations and administrative procedures. The right to life is sacrosanct. Section
33(1) of the 1999 Constitution of the Federal Republic of Nigeria (as amended)
protects this right by providing that
[e]very person has a right to life, and no one shall be deprived intentionally
of his life safe in execution of a court sentence in respect of criminal offence
of which he has been found guilty in Nigeria.
Thus any person who causes the death of another person not in accordance with the
provisions of the law, on conviction, can be sentenced to death or life imprisonment.
Ironically, medical negligence and/or malpractice have over the years claimed more
lives than intentional murder. For instance you can go in for an operation of simple
apendisectomy and die from chloroform poisoning. Or it is considered to be an act
of God for a surgeon to forget swabs or forceps in the body of a patient after surgery
thereby causing serious abdominal pain.
It has been established over time that a medical personnel owes a duty of care to a
1
patient once he or she submits himself or herself for treatment. This is so even if the
treatment is gratuitous. Where a medical person is negligent in giving treatment,
he/she is liable for negligence and the patient can sue and recover damages and in
*
1
LLM, BL, Lecturer, Department of Private and Property Law, Faculty of Law, Benson
Idahosa University, Benin City, Edo State, Nigeria, and Barrister and Solicitor of the
Supreme Court of Nigeria, e-mail: [email protected].
Cap C 23, Laws of the Federation of Nigeria 2004.
Recht in Afrika 2013
204
appropriate cases the State will prosecute such a person and if found liable punish
accordingly. On the other hand, if medical personnel have discharged his or her
burden of care and yet consequences occur which are not his/her fault, he/she will
not be liable and there are a lot of defenses opened to a careful, diligent medical
practitioner. If careful and diligent medical personnel are defamed or are assaulted
by relatives of a deceased patient, he/she can sue for the tort of defamation and
battery.
The truth is that many preventable deaths have occurred as a result of medical
negligence. It is time for this to be challenged and its occurrence seriously minimized or checked. The need for public awareness of their rights and the legal consequences that negligent medical practitioners have to expect is one of the main concerns of this paper.
The question will be asked as to what extent medical decisions should be subject to
legal scrutiny and control. On the one hand, some have said that the medical profession should be left alone to regulate itself and make necessary corrections and
discipline its members when the need arises. On the other hand, it has been held that
this is a legitimate area of public concern that cannot be left to the medical profession to handle. The law has to intervene as it involves matters of life and death.
Thus, activities of medical practitioners have become increasingly open to legal
scrutiny. This paper focuses on the legal implications of negligence in medical
practice in Nigeria, examines the adequacy or otherwise of sanctions for such acts
and makes recommendations for improvement.
2
2
Medical Negligence
2.1 Meaning of negligence
In the Law of Torts negligence is used in two senses:
(1) As mental element in tort i.e state of mind of the defendant in
committing a particular tort e.g. x trespassed into y’s land negligently and not intentionally.
(2) As an independent tort of negligence, distinct from other torts like
nuisance.
3
Black’s Law Dictionary defines negligence as “the failure to exercise the standard
of care that a reasonable prudent man would have to exercise in a similar situation
[…].”
Following this definition, the elements of negligence are:
(1) duty of care,
(2) breach of duty,
(3) damage resulting from the breach.
2
3
Negligence is defined in the Oxford Learner’s Dictionary of Current English as lack of
proper care and attention, careless behavior. A. S. Hornby, 5th ed., London: Oxford University Press, 1995, p. 778.
Mack Campbell, Black’s Law Dictionary, 7th ed., 1999, p. 1032.
Adewoye · The Legal Implications of Negligence in Medical Practice in Nigeria
205
Before we apply these elements to medical negligence, we have to look at the concept of who is a medical practitioner.
2.2 Qualifying as medical and dental practitioner
4
The Medical and Dental Practitioners Act does not define who a medical practitioner is. Neither is it defined in the Interpretation Act or any other statute. However,
section 19 of The Medical and Dental Practitioners Disciplinary Tribunal Rules of
1963 define a medical practitioner as a ‘person registered as a medical practitioner
5
or a dental surgeon with the Nigeria Medical Council’.
It follows that it is the act of registration and not the medical qualification that confers on the medical practitioner the right to practice medicine in Nigeria. Generally,
medical personnel are men and women who have acquired the requisite knowledge
and skill in an accredited recognized faculty of medical science of a university and
are duly qualified practitioners of that knowledge and skill.
Medical personnel includes:

Doctors and dentists governed by the Medical and Dental Practitioners
6
Act ;

Nurses regulated by the Nursing and Midwifery Act ;

Optometrist and opticians governed by the Optometrist and Dispensing
8
Opticians Registration Act ;

Pharmacists regulated by the Pharmacists Act;

Other medical personnel including laboratory personnel, anesthetists,
medical social workers trained to help patients.
7
2.3 Ethics of the medical profession
As early as 5th and 6th century B.C. Hippocrates, the father of modern medicine recognized the need for a code of conduct for medical practitioners and laid down a
code of medical ethics by which they swore by Apollo Physician and Asclepius
Hygiea and Panacea and other gods and goddesses to uphold the integrity of the
profession.
At a meeting of the World Medical Association held in Geneva, Switzerland, in
September 1948, the oath was modified and adapted as the ‘Physician’s Oath’. It
was further amended in the 22nd World Medical Assembly in Sydney, Australia, in
August 1968. This oath is meant to serve as a guideline for the regulation of the relationship between doctors and their patients, colleagues, teachers as well as doctors
and the general public. The oath reads as follows:
I solemnly pledge to consecrate my life to the service of humanity.
4
5
6
7
8
The Medical and Dental Practitioners Act Cap 221, Laws of the Federation of Nigeria
1990.
Cap 221, Laws of the Federation of Nigeria 2004.
Cap 332, Laws of the Federation of Nigeria 2004.
Cap 340, Laws of the Federation of Nigeria 2004.
Cap 357, Laws of the Federation of Nigeria 2004.
206
Recht in Afrika 2013
I will give to my teachers the respect and gratitude which are due.
I will practice my profession with conscience and dignity.
The health of my patient will be my first consideration.
I will respect the secrets which are confided in me even after the patient has
died.
I will maintain by all means in my power the honors and the noble traditions
of the medical profession.
My colleagues will be my brothers.
I will not permit considerations of religion, race, nationality, political parties
or social standing to interfere between my duty and my patient.
I will maintain the utmost respect for human life from time of conception.
Even under threat I will not use medical knowledge contrary to the laws of
humanity.
I make these promises solemnly, freely and upon my honor.
9
In line with the ‘Physician’s Oath’, the Nigeria Medical Council further laid down
rules and regulations for medical practitioners to follow and set up a Medical and
Dental Practitioners Disciplinary Tribunal to try any of its members for malpractices. For example, medical practitioners are to avoid the following practices: advertising association, addiction, abortion and adultery.
While many medical practitioners have tried to live up to the tenets of the oath,
others have willfully disregarded it. Several cases of abuse of medical ethics have
been recorded in early times and there are still many cases of abuse even as at today.
When any medical practitioner is found guilty of any of these offences, he/she is
deemed to be guilty of infamous conduct in a professional respect.
However, in trying medical practitioners, the Medical and Dental Practitioners
Disciplinary Tribunal must observe certain basic rules of natural justice e.g.
Audi et altera pars (Hear also the other side) and
Nemo judex in causa sua (No man should be a judge in his own cause).
1011
In Alakija v Medical Disciplinary Committee
[t]he appellant appealed from a decision of The Medical Disciplinary Committee which has ordered that the appellant’s name be removed from the
Register of Medical Practitioners for the period of two years. The appellant
averred that the inquiry was conducted in a manner contrary to the principles
9
10
11
Adapted from Nigeria Medical Council Rules of Professional Conduct for Medical and
Dental Practitioners in Nigeria 1980. In 1970 and 1975, the Oslo and Tokyo declarations
came up with a guide for medical practitioners in their attitude to torture and inhuman
treatment or to punishment of persons.
1959 4 FSC 38 Olaye v Chairman, Medical & Dental Practitioners Disciplinary Tribunal
(1977) NWLR.
See also Denloye v Medical & Dental Practitioners Disciplinary Tribunal (1968) ALL
NLR 306.
Adewoye · The Legal Implications of Negligence in Medical Practice in Nigeria
207
of natural justice, because the Registrar of the profession, who was in fact the
prosecutor, took part in the Disciplinary Committee’s deliberations. After the
trial had ended and the committee rose for its decision, the Registrar remained with the members of the committee, while they were considering
their decision, whereas the appellant and his counsel were asked to retire
from the tribunal. It was plain from the Gazette constituting the membership
of the Medical Disciplinary Committee that the Registrar was neither by
name nor by virtue of the position he held in the Federal Civil Service a
member of the committee and, therefore, he should not have remained with
the committee during the consideration of their decision. Abbott F J who read
the judgment of the Supreme Court held: that the decision of the Disciplinary
Committee could not stand and was quashed.
Similarly the Supreme Court of Nigeria has held in Garba v University of Mai12
duguri that an administrative tribunal do not have jurisdiction to conduct inquires
or take decisions in a matter involving an allegation of crime.
2.4 Responsibility of medical practitioners towards patients
The responsibility of a doctor towards a patient commences as soon as the doctor
consents to undertake a medical examination of a patient and the patient consents to
be treated. A medical practitioner privately engaged owes a contractual duty to attend and treat the patient and to exercise reasonable skill and case in doing so. This
13
is so even if he renders the service gratuitously. For instance, in Goode v Nash the
defendant was held liable for negligence whilst giving his services gratuitously at a
public screening for the detection of glaucoma. A doctor is also under an implied
14
contractual duty to act at all times in the best interest of the patient.
For an act to amount to medical negligence it must be shown that the medical personnel did not show a fair and reasonable standard of care and competence and that
as a result of his act the patient suffered damage. In case of surgery, a written consent of the patient is needed before treatment is embarked upon. The examination of
an employee at the request of his employer does not always imply consent by the
patient. Consent by a patient is deemed to have come to an end when a patient unilaterally decides to discontinue treatment by a practitioner. In cases where the patient or his/her relations requested to be discharged against medical advice, the
medical practitioner is advised to protect himself by getting a written request to that
15
effect.
Generally, a doctor who undertakes to administer medical treatment to a patient
must exercise a reasonable amount of skill, care and judgment. The law does not require the doctor to attain the highest or lowest standard. It is sufficient if the doctor
exhibit the degree of care, skills and judgment which an average doctor experienced
and placed in the same circumstances would show.
12
13
14
15
Olaye v Chairman, Medical & Dental Practitioners Disciplinary Tribunal (1977) NWLR.
(1979) 215 A.S.R. 419 (1986) 1 ALL NLR pt. 18 550.
Sidaway v Governors of Bethlehem Royal Hospital (1955) AC 871.
R v Bateman (1925) LJK 791.
Recht in Afrika 2013
208
3
Legal Actions in Medical Negligence
3.1 Pre-conditions
In order to succeed in an action in negligence, the claimant must establish:
(1) That he/she is owed a duty of care by the dependent. (This will
usually be the doctor who is treating a patient and his/her employee will be vicariously liable for his/her negligence.)
(2) That the dependent breached the duty by failing to exercise a
reasonable care.
(3) That the breach of duty caused the claimant injuries and that those
injuries are not too remote.
3.2 Existence of a duty of care
The existence of a duty of care within the doctor-patient relationships can generally
be taken for granted. It is a well established duty situation and it is unimaginable that
a doctor or healthcare worker who had made a mistake during medical treatment
would attempt to argue that he or she did not owe his or her patient a duty of care.
The duty will be to exercise reasonable care and skill in diagnosis, advice and treatment.
Once the doctor committed the tort in course of his or her employment which will
invariably be the case in clinical negligence cases, his or her employer will be vicariously liable for negligence.
There are however, three situations where the existence of a duty of care becomes
complicated.
16
(1) When does the doctor–patient relationship come into being? The common law
position is that a duty of care is imposed upon the doctor once he or she has assumed
responsibility for a patient’s care. In hospital, a doctor–patient relationship exists
once the doctor has undertaken to provide medical services to a patient. In a casualty
department, the duty may arise as soon as the patient presents himself or herself for
treatment, before he or she is actually seen by a doctor. This issue arose in Barnett v
17
Chelsea and Kensington Hospital Management Committee.
After drinking tea later discovered to have contained arsenic, three night
watchmen started vomiting and attended the casualty department of the defendant’s hospital. The nurse telephoned the casualty officer, Dr. Banerjee,
who told her to tell them to go home and call their own doctors. He did not
see the men, who died hours later from arsenic poisoning. Despite not having
seeing the men, Nield J held that Dr. Banerjee had undertaken to exercise
reasonable care and did owe them a duty of care, which he has breached by
failing to examine them himself. A widow of one of the men sued him for
negligence. Nield J found that there was a duty of care (though her action
failed in the question of causation i.e. proof that damage resulted from the
breach).
16
17
See Emily Jackson, Medical Law: Text, Cases and Materials, Oxford, 2010, pp. 104-179.
(1969) 1 QB 428.
Adewoye · The Legal Implications of Negligence in Medical Practice in Nigeria
209
(2) Who else might owe primary duties of care to patients?
In addition to being vicariously liable for its employee’s negligence, the hospital or
health authority might owe a primary duty of care to a patient to ensure that they
received adequate treatment depending on the circumstances of the case.
18
The Court of Appeal in Wisher v Essex AHA clearly thought it was possible for a
health authority to owe patients a primary, non-delegable duty of care to provide
properly skilled medical staff, and an adequately equipped hospital.
In view of scarce resources, the present position of the law is that hospitals or
healthcare providers should provide a minimum standard of care, i.e. to provide staff
reasonably sufficient for the foreseeable requirement of the patient.
19
In Bull v Devon AHA the Court of Appeal drew a distinction between the hospital’s
duty to provide minimally adequate treatment, for which it could be liable in negligence, and its freedom to choose how to organize its services within the limited
funds available to it. In that case, Mrs. Bull brought an action against the Devon
Health Authority on behalf of her severely handicapped son, one of twins who have
been injured as a result of a delay in the registrar’s arrival during childbirth. The system for urgently summoning an obstetrician had broken down, and there was a delay
of about an hour before the registrar arrived. The health authority argued that such a
delay was unavoidable because the hospital operated on two sites so there would
inevitably be times when doctors were needed on both. The Court of Appeal rejected
this, and held that the system had failed to provide an acceptable level of care.
Dillon L J stated thus:
We have had a certain amount of discussion in the course of the argument as
to whether the law should impose, or a patient should have the right to expect, the same standard of care and treatment from a local district hospital
such as the defendant hospital in the present case as from ‘centre of excellence’ – a major teaching hospital in London or Oxbridge or a large modern
hospital in a large city.
Obviously, there are highly specialized medical services which a district hospital does not have the equipment to provide and does not hold itself out as
ready to provide. But this case is not about highly specialized services like
that. The Exeter City Hospital provides maternity services for expectant
mothers, and any hospital which provides such a service ought to be able to
cope with the not particularly out of the way case of the healthy young
mother in somewhat premature labor with twins.
In my judgment, the plaintiff has succeeded in proving, by the ordinary civil
standards of proof, that the failure to provide Mrs. Bull the prompt attendance
she needed was attributable to the negligence of the defendants in implementing an unreliable essentially unsatisfactory system for calling the registrar.
So while Mrs. Bull was not entitled to expect that an obstetrician would be available
immediately, waiting for an hour fell below the minimum standard of care that the
18
19
(1986) 3 ALL ER 801.
NLJR 1349. 962.
Recht in Afrika 2013
210
hospital where under a duty to provide. If, for example, the registrar had been
beeped and arrived within fifteen minutes, Mrs. Bull’s action would probably have
failed.
(3) Could healthcare workers ever owe a non-patient a duty of care?
There are four different scenarios in which this question might arise:
(a) Wrongful conception,
(b) Psychiatric injury,
(c) Failure to prevent the patient from causing harm, and
(d) Medical examinations.
Whatever the answer, it will depend on the circumstances of each case.
3.3 Breach of the standards of medical care
20
In a negligence action, after establishing (usually very straight-forwardly) that the
claimant owes a duty of care the next stage is to prove that the doctor breached his/
her duty of care.
There are six situations where such breach may occur.
(1) The standard of care will be assessed at the time when the alleged negligence occurred.
Advance in medical knowledge between the date of the alleged negligence and the
date of the trial are not taken into consideration by the court. In Roe v Minister of
21
Health , the plaintiff was paralyzed by the contaminated anesthetic administered to
him during the course of an operation. The anesthetic was in glass ampoules which
were stored in a disinfectant seeped through invisible cracks on the glass. At the
time of the incident in 1947 the risk of such contamination was not known. The
court held that the hospital authorities were not liable because the danger was not
seasonably foreseeable.
Denning L J said: “The court must not look at the 1947 accident with 1954 spectacles”.
(2) The standard of care expected of doctors is the standard of a seasonable medical
practitioner.
(3) Undertaking work beyond one’s competence.
If a doctor holds out himself to a patient as possessing special skill and knowledge
in a particular field of medicine or surgery, then the doctor must exercise the same
degree of care and skill as a doctor who generally practices in that field.
22
In Payne v ST. Helier Group Hospital Management Committee , the defendant who
was a casualty officer, incorrectly diagnosed the abdominal injuries of a man who
20
21
22
See Donoghue v Stevenson (1932) AC 362.
(1954) 2 QB 66.
(1952) CLY 2442.
Adewoye · The Legal Implications of Negligence in Medical Practice in Nigeria
211
had been killed by a horse. Donovan J held that the casualty officer was negligent in
failing to have the man examined by the doctor of constant rank.
(4) Misadventure.
A great deal of medical treatment, even if administrated with all due care and skill,
involves some degree of risk. Denning L J made this point clearer in Roe v Minister
23
of Health where he said:
But we should be doing disservice to the community at large if we are to impose liability on hospital and doctors for everything that happens to go
wrong. Doctors would be led to think more of their own safety than of their
patients. Initiative will be stifled and confidences shaken. A proper sense of
proportion requires us to have regard to the conditions in which hospitals and
doctors have to work. We must insist on due care for the patient at every
point but we must not condemn as negligence that which is only a misadventure.
If the damage a patient suffers is risk inherent in the care the court is likely not to
24
hold the doctor liable.
(5) Failure to take precautions.
Where a medical practitioner rejects precautions for no good reason, then any re25
sulting mishap is more likely to be treated as negligence.
26
In Urry v Bierer , during a caesarian operation the defendant doctor did not have
tapes attached to the swabs. He relied on the swab count by the nurse to ensure that
all swabs were removed. The court held that a surgeon who disregarded that safeguard has placed an additional burden on himself and therefore, the defendant was
negligent.
(6) Failure to warn a patient.
27
In Bolam v Friern Hospital Management Committee , Mr. Bolam, who was suffering from mental illness, was advised by a consultant at the defendant’s hospital to
undergo electroconvulsive therapy (ECT). He was not warned of the very small risk
of fracture. He was not given relaxant drugs, nor was he physically restrained. Mr.
Bolam sustained a fractured hip during treatment. At the time medical opinion on
the desirability of warning patients of the risk of fracture and the use of relaxant
drugs and physical restraint varied. Mr. Bolam sued the defendants for negligence,
but lost. The court held that the plaintiff must show that he would have refused treatment if warned.
3.4 Causation
Once a claimant has established that the doctor has breached his/her duty of care,
he/she still has to prove that it was this breach of duty which caused his/her injuries.
23
24
25
26
27
Supra, note 21.
See White v Board of Governor of West Minister Hospital, The Time, October 26, 1961.
Kapur v Marshall (1978) 85 DLR 566 (3).
Keen v Nethlefole (1968) 1 WLR 1776.
The Time, July 1955.
212
Recht in Afrika 2013
In practice, causation poses particular difficulties in medical negligence actions because there will usually be at least two possible causes of the patient’s injury: the
doctor’s action and the patient’s preexisting condition. Where there are multiple
causes, proving causation on the balance of probability (which is the required standard of proof in civil cases) is especially problematic. The patient’s health may have
deteriorated even if the care he/she received was non-negligence, so often what has
been lost is the chance of being restored back to life. The courts are therefore often
forced to speculate about what might have happened if the doctor had not in fact
breached his/her duty of care.
(1) The ‘but for’ test.
The standard test for causation is often referred to as the ‘but for’ test: but for the
defendant’s negligence, would the claimant have suffered the injuries in question?
This means that the claimant must show that their injury was caused by the doctor’s
negligence rather than being a consequence of a preexisting condition. It is not
enough to show both that the doctor breached his/her duty of care, and that the
claimant’s health has got worse, rather there must be a causal link between these two
events. So, e.g., if a doctor makes a mistake in diagnosis, but a correct diagnosis
would not have made a difference, the doctor’s negligence has not caused the claim28
ant’s injury.
(2) Remoteness.
Another hurdle to overcome once a claimant has succeeded in proving factual causation is that the type of damage suffered is not too remote. In line with the Wagon
29
Mound test for remoteness, the type of damage must be foreseeable, although its
extent, and the manner in which it occurred, need not be. Normally in clinical negligence cases the type of damage will be some sort of physical injury, in which is obviously a foreseeable consequence of negligent medical care. As a result, these are
few medical cares where remoteness has been an issue.
3.5 Proof of medical negligence
In law, he who asserts must prove. The plaintiff has the burden of proving all the
three major ingredients of the torts of negligence.
3.5.1 Burden of proof in negligence
The plaintiff has to prove generally those acts or omissions that he claims amount to
negligence. Where the plaintiff does not have all the direct evidence to prove his/her
claim, he can prove it another way by the doctrine of res ipsa loquitur (the thing
speaks for itself). Prove may be circumstantial, direct or indirect and the burden is
discharged on a balance of probabilities. To succeed in an action for medical negligence the plaintiff is expected to state the actual negligent act of the medical personnel to show that some specific act or omission by the doctor was negligent.
28
29
See the case of Barnett v Chelsea and Kensington Hospital Management Committee,
supra, note 17.
(1961) AC 388.
Adewoye · The Legal Implications of Negligence in Medical Practice in Nigeria
213
30
In Ajaegbu v Etuk , the plaintiff sued the defendant for damages resulting from the
death of Ajaegbu caused by the negligence of the defendant when performing operation for appendicitis on him because he overdosed him with chloroform. The court
exonerated the defendant because it was impossible to prove that death was caused
by chloroform poisoning. The following acts have been held to be proofs of negligence:
(a) Making an incorrect diagnosis especially where the features are so
31
clear that no reasonable competent practitioner will ignore them ;
32
(b) Mistake in treatment ;
33
(c) Swab left in body ;
34
(d) In Cassidy v Ministry of Health , after operating on plaintiff’s one
finger, the five fingers of the hand were found to be useless. The court
held that it raised a prima facie case of negligence, and it was not necessary to prove that a particular doctor or nurse was negligent.
3.5.2 Proof by reliance on res ipsa loquitur
35
According to Akintan J C A in Shell v Anao “[t]he maxim res ipsa loquitur applies
whenever it is so improbable that such an accident would have happened without the
negligence of the defendant that a reasonable jury could find without further evidence it was so”. The maxim res ipsa loquitur need not to be pleaded with the explicit Latin words. It is sufficient if the particulars of negligence given show that the
plaintiff is relying on the doctrine.
To raise the doctrine successfully, three requirements must be met, viz.:
(1) That the object causing the accident was under the control of the
defendant.
36
In Strabag Constitution Nig Ltd v Ogarekpe the plaintiff employee of Strabag relying on the maxim succeeded in an action against
his employer by reason of a crane which suddenly shifted and fell
on him, the crane being under the control of his employer.
(2) That the accident is the kind that does not normally happen if
those who are in charge exercise proper care.
37
See Olaiya v Ososami where the plaintiff, a minor, succeeded on
the basis of this doctrine. He was returning from school when a
crane being operated by the servants of the defendant fell on him.
It was held that a prima facie case of negligence has been established against the defendant.
30
31
32
33
34
35
36
37
(1962) 6 ENLR 197.
Wood v Thomson (1951) CLC 6871 33.
Laryley v Campbell, The Time, November 6, 1979.
Dryden v Survey (1936) 2. AER 535.
(1951) 2 KB 343.
23 WRN L 116.
(1991) NWLR pt. 170 732.
(1959) WNLR 100.
Recht in Afrika 2013
214
(3) That the object causing the harm must be within the exclusive
control of the defendant.
38
In Igbokwe v UCH Board of Management the maxim was successfully invoked. The deceased, a patient in one of the maternity
wards who was suspected to have psychoses fell from the 4th floor
of the hospital and died as a result of the injuries. The doctrine
was held applicable, thereby rendering the hospital liable for the
negligence of their staff.
3.5.3 General and approved practice
In determining whether a medical practitioner exercised reasonable skill and care,
the court should, except in obvious cases, have regards to the practice of other practitioners of similar status. If a medical practitioner acts in accordance with the general and approved practice of the profession, or some reasonable part of the pro39
fession, he will not be held negligent, unless in exceptional circumstances.
40
In Whiteford v Hunter , it was alleged that the defendant was negligent in failing to
verify the diagnoses of cancer by a cytoscope examination. But from the evidence, it
was contrary to approved medical practice in England to use a cytoscope where
there was acute urinary retention. The House of Lords acquitted the defendant of
negligence. On the other hand, where there are uniform general and approved practice and different schools of thoughts exist, a medical personnel is not negligent if
he/she acts in accordance with one respectable school of thought. According to
41
McNair J in the case of Bolam v Friern Hospital Management Committee ,
[a] man is not negligent […] merely because there is a body of opinion who
would take a contrary view […] of the same time that does not mean that a
medical man can obstinately and pigheadedly carry on with some old technique if it has been proved to be contrary to what is really substantially the
whole of informed medical opinion.
Nevertheless, the court has an obligation to scrutinize professional practices and
question established medical practices to ensure that they are in accordance with the
standard of reasonableness imposed by law. If a medical personnel departs from the
general and approved practice for no good cause, and damage results, that will be
42
sufficient proof of negligence. In Clark v Mack Lennan , a consultant decided that
an anterior colporraphy should be performed four weeks after birth. This was a departure from the normal practice which was to defer such an operation until three
months after birth. Peter Pain J held that there were no reason to justify this
departure from the normal practice and that the surgeon was in breach of his duty.
3.6 Civil action in court
An aggrieved patient who is a victim of medical negligence can sue for damages
against the medical personnel and the hospital for vicarious liability in court. The
38
39
40
41
42
(1901) WNLR 173.
Albrighton v Royal Prince Alfred Hospital (1979) 2 NSWLR 165.
(1950) 2 NSWLR 16523.
(1957) IWLR 586.
FUR (1983) 33, SASR 416 see (1983) ALL ER 416.
Adewoye · The Legal Implications of Negligence in Medical Practice in Nigeria
215
patient has to consult a lawyer who will usually file a writ of summons and statement of claim stating the facts he/she intends to rely upon to prove his/her case, and
they serve the defendant with the papers. The defendant on receiving the writ of
summons and statement of claim will consult his/her or their lawyer who would file
a statement of defense stating the facts and grounds on which he/she or they intend/s
to rely on to defend themselves.
Usually the claim is filed in the High Court of the State as they have unlimited jurisdiction to hear claims of that nature no matter the amount of damages claimed as
compensation which must be proved on the balance of probability.
After the plaintiff and the defendant have presented their cases, the judge will give
his/her judgment. Any party dissatisfied with the decision of the High Court of a
State in Nigeria can appeal to the Court of Appeal and if need be from there to the
Supreme Court of Nigeria which is the highest court in the land today.
43
In Miss Felicia Osagiede Ojo v Dr Gharoro & UBTH Management Board , the
plaintiff’s claim arose as a result of a surgical operation performed on her by the defendant to correct a certain medical condition. At the end of the operation one of the
surgical needles used in the operation got broken and the broken part could not be
located and was left inside the plaintiff’s body. The plaintiff said that after the operation she had serious pain in her abdomen and virginal and she complained to the
defendant who ascribed the pains to the stitches on the site of the operation wound.
Four days later when pains would not subside, the 1st defendant ordered for an x-ray
examination. The x-ray confirmed that there was a broken needle in her stomach
which was not there before the operation. The plaintiff said that the 1st and 3rd
defendants informed her that due to the fresh wounds from the surgical operation
they could not immediately conduct another surgical operation to recover the needle
and also that the 1st and 3rd defendant did not tell her that they left anything in her
stomach. The plaintiff gave evidence that she saw another gynecologist who informed her that judging from the way she was operated upon she would be unable to
have a child. The defendant admitted the broken needle in her stomach but said the
plaintiff was informed after the first operation. The defendants admitted also that
nowadays sub-standard needles break easily during operations. He denied that the
plaintiff could not have any child because of the broken needle in her stomach, that
the needle was located in the anterior abdominal wall and there was no relationship
with pregnancy. Certain legal questions arose. Since the plaintiff pleaded particulars
of negligence, the question was whether the plaintiff could still rely on the doctrine
of res ipsa loquitur.
The court reviewed the case of Management Enterprises Limited v Otusanya and
Strabag Construction Nigeria Limited v Oguarekpe and held that the doctrine could
be pleaded in the alternative. In the judgment, the judge held that although the defendant owed the plaintiff a duty of care in the management of medical condition,
the defendants were not negligent in the way and manner they managed her case.
Specifically, the judge held that they were not negligent when they left a broken
needle in the abdomen of the plaintiff after the surgical operation. The judge went
43
(1991) 1 NWLR pt. 170 747. See also the case of Mrs. Deborah Agere & anor v Dr. S.
Ojobo (doing business under the name and style of Ponder End Clinic) unreported suit no.
B/595/94.
216
Recht in Afrika 2013
further to say that this was a peculiar case considering the fact that the defendant
admitted that the broken surgical needle was still inside the plaintiff’s body. The defendant agreed that equipment for an operation to remove the broken needle was not
available to the defendant’s facility. The judge said he would have been prepared to
grant the plaintiff’s claim for the estimated cost of this operation on the ground that
the defendants, having put the broken needle in the plaintiff’s body albeit while not
acting negligently, ought to be responsible for the cost of removing it. He said he
was unable to make the award in view of the lack of evidence to convince the court
that this procedure shall remove the broken needle.
With all due respect, the author does not agree with this decision, but unfortunately
the plaintiff did not appeal against it to the Court of Appeal. By virtue of the
admission of the defendants that they used sub-standard needles which inadvertently
broke while performing the operation on the plaintiff the judge ought to have
awarded some damages to the plaintiff for pains and inconveniences suffered.
3.7 Criminal liability
The law relating to criminal liability of medical personnel is provided for in the
Criminal Code for the Southern States of Nigeria and the Penal Code for the North44
ern States of Nigeria. Section 303 of the Criminal Code provides the following:
It is the duty of every person who, except in a case of necessity, undertakes to
administer surgical or medical treatment to any other person, or to do any
other lawful act which is or may be dangerous to human life or health, to
have reasonable skill and to use reasonable care in doing such act; and he is
held to have caused any consequences which result to the life or health of any
person by reason of any omission to observe or perform that duty.
Section 343 (1) (e) and (f) of the Criminal Code further provides that
[a]ny person who in a manner so rash or negligent as to endanger human life
or to be likely to cause harm to any person:
Give medical or surgical treatment to any person who he has undertaken to
treat
Dispenses, supplies, sells, administers or gives away, any medicine, or poisonous or dangerous matter […] is guilty of a misdemeanor and is liable for
imprisonment for one year.
Section 344 of the Criminal Code further provides that
[a]ny person who unlawfully does any act, or omits to do any act which it is
his duty to do, not being an act or omission specified in the preceding section,
by which act or omission harm is caused to any person, is guilty of a misdemeanor, and is liable to imprisonment for six months.
To constitute criminal negligence, the doctor’s conduct must be such that would be
said to have caused or contributed to the death of a patient.
In criminal cases, liability is measured by the degree of negligence. Hewart C J in R
45
v Bateman said:
44
Cap C 38 Laws of The Federation of Nigeria 2004.
Adewoye · The Legal Implications of Negligence in Medical Practice in Nigeria
217
In order to establish criminal liability, the facts must be such that in the opinion of the jury, the negligence of the accused went beyond a mere matter of
compensation between subjects and showed such disregard of the life and
safety of others as to amount to a crime against the state and conduct deserving punishment.
46
In R v Akerele , the accused administered an injection called Sobita to fifty-seven
children as a cure for yaws but 10 children died because of overdose, and he was
charged for gross negligence and convicted of manslaughter. On appeal, the Privy
Council held that negligence of the accused did not amount to gross negligence.
The negligence to be imputed depended upon the probable not the actual result. In
the case of unqualified or unlicensed persons who undertake medical treatment, the
law requires the person to possess the requisite skill. Such a person is not guilty of
an offense merely because he is unqualified but will be guilty if he is negligent.
47
In R v Oziegbe , an accused who was parading himself as a doctor had performed a
surgical operation on the deceased woman who bled to death. He was convicted of
manslaughter. His conduct in undertaking such dangerous operation when he was
ignorant of the science of surgery and the incompetent manner in which he performed it showed recklessness for the life and safety of the deceased woman.
3.8 Fatal accident claims
3.8.1 Statutes
If a victim of an accident caused wholly or partly by the defendant’s negligence dies
as a result of his/her injuries, defendants of the deceased may recover compensation
for his/her death from the defendant under the following statutes:
48
(1) Fatal Accident Law (1961) ;
49
(2) Fatal Accident Law ;
50
(3) Torts Law, Cap 122 (Western States) ;
51
(4) Fatal Accident Law, Cap 43 (Northern States) ;
52
(5) Torts Law, Cap 122 (Western States) ;
53
(6) Fatal Accident Law, Cap 43 (Northern States) .
54
The Supreme Court in Nigeria held in the case of Benson v Ashiru that the High
Court of a State can exercise jurisdiction over claims arising from torts committed in
other States in defined circumstances.
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
(1941) 7 WACA 56.
(1941) 7 WACA 65.
(1957) WNLR 152.
Cap 40 (Lagos State).
Cap 52 (Eastern States).
Cap 122 (Western States).
Cap 43 (Northern States).
Cap 122 (Western States).
Cap 43 (Northern States).
(1967) ALL NLR 184.
Recht in Afrika 2013
218
3.8.2 Persons entitled to benefits
Under the Fatal Accidents legislations, the only classes of defendants who are entitled to be compensated are members of the deceased’s immediate family which is
defined in the statutes to include the deceased’s husband, wife or wives, parents and
children. And for the Eastern States, it also includes the deceased’s brothers and
sisters, and nieces and nephews who were below the age of sixteen at the time of the
death and were being maintained by the deceased. If an action is brought by a person
who does not come within either of the clauses the action must fail.
3.8.3 Limitation of actions
Claims arising from personal injury or death are subject to a time limit of three years
55
and are governed by the Limitation Act 1980. The Act specifies that the date upon
which time begins to run is on the date when cause of action arose, or on the date of
knowledge.
3.9 Defenses to action in medical negligence
A medical practitioner is not guilty of medical negligence whenever there is a mishap in the course of treatment, once he has acted reasonably and discharged his duty
of care. One of the following defenses may avail a medical person depending on the
circumstances of a particular case:
(1) Contributory negligence,
(2) Consent,
(3) Necessity or emergency,
(4) Novus actus interveniens, and
(5) General and approved practice.
4 Conclusion and Recommendations
Medical jurisprudence or forensic medical science is relatively new in Nigeria and
serious research and publications have not been comprehensively done in this area.
Medical practitioners need to acquaint themselves of Medical Law to guide them in
their operations.
In Nigeria, apart from the Medical and Dental Practitioners Disciplinary Tribunal
Rules, much of the principles are guided by the Common Law Rules and few provisions are made by the Criminal Code which are now obsolete and not in accordance with the realities of modern day medicine.
Quacks in the profession should be fished out and brought to book. There should be
zero tolerance for non-qualified medical practitioners practicing medicine in
Nigeria.
The present position of the law which allows them to operate once they have the
requisite skill and they exercise due care is unacceptable.
55
Section 11 (4) Limitation Act 1980.
Adewoye · The Legal Implications of Negligence in Medical Practice in Nigeria
219
The need for certificate verification by the hospitals and healthcare providers for
medical personnel cannot be overemphasized as some persons can easily use other
person’s credentials to work in Nigeria since educational certificates do not carry
passport photographs and the necessary bio-data of the owner.
There is an urgent call for the training and retraining of medical personnel to bring
them abreast with modern methods of healthcare delivery.
As much as possible drugs and other necessary items used for healthcare should be
purchased from reputable pharmacies and must be original and not fake or substandard.
The need to exercise care and due diligence accompanied by fervent prayers whilst
the medical personnel are discharging their functions cannot be overemphasized.
Hospitals and healthcare providers should get their medical personnel to sign indemnity forms for them agreeing to indemnify their employers for any amount they are
found liable to pay vicariously as damages for their negligence whilst performing
their duties as medical personnel in their employment.
“Do you see a man diligent and skillful in his business? He will stand before kings;
56
he will not stand before obscure men”.
56
Holy Script, Old Testament, Proverbs of Solomon Chapter 22 verse 29.
Recht in Afrika 2012: 221-238
Serge Paulin Akono Evang*
L’administration et processus électoral au Cameroun :
le désir étatique constant de l’administration
Introduction
Cette contribution est un prétexte pour rendre compte de la « dynamique administrative en Afrique noire francophone » mise en exergue par Roger Gabriel Nlep dans
ses travaux qui portent sur « L’administration publique camerounaise : contribution
1
à l’étude des systèmes africains d’administration publique » .
2
Des différentes acceptions de la notion d’administration , nous retenons celle proposée par Roger Gabriel Nlep à la suite de Georges Vedel, à savoir que l’administration est « l’ensemble des organes et des activités qui, sous le contrôle du gouvernement, tendent au maintien de l’ordre et à la satisfaction des besoins d’intérêt
3
général » . Il s’agit donc clairement de l’administration publique saisie aussi comme
4
une institution, un instrument d’action de l’Etat dans une perspective instrumentale .
Le processus électoral, quant à lui renvoie aux différentes étapes afférentes à une
élection, c’est-à-dire de l’inscription sur les listes électorales à la proclamation des
résultats. De manière plus explicite, c’est
la série d’étapes nécessaires dans la préparation et la réalisation d’une élection. Le processus électoral généralement inclut la promulgation de la loi
électorale, l’inscription sur les listes électorales, la désignation des candidats
et/ou des partis politiques ou de l’enregistrement des propositions, la campagne, le vote, le comptage et le dépouillement des voix, la résolution des
5
différends électoraux et l’annonce des résultats .
Une telle extension de cette expression aide à percevoir les niveaux d’intervention
ou non de l’administration.
A la suite de cette clarification conceptuelle, il y a lieu de préciser que toute réflexion sur la place de l’administration dans le processus électoral doive prendre en
compte certaines considérations théoriques :
*
1
2
3
4
5
Docteur, Chargé de Cours, Université de Douala, Faculté des Sciences Juridiques et
Politiques, B.P. 4982 Douala, Cameroun, [email protected].
Roger Gabriel Nlep, L’administration publique camerounaise : contribution à l’étude des
systèmes africains d’administration publique, Paris, Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence, 1986.
Georges Vedel / Pierre Delvolvé, Droit administratif, tome 1, 12e édition, Paris, Presses
Universitaires de France, 1992, pp. 33-34 ; Roger Gabriel Nlep, L’administration publique
camerounaise …, op. cit., p. 3.
Roger Gabriel Nlep, L’administration publique camerounaise …, op. cit., p. 3.
Sur ces deux aspects de la définition, lire Jacques Chevallier / Danièle Loschak, Science
administrative : théorie générale de l’institution administrative, Paris, Librairie Générale
de Droit et de Jurisprudence, 1978.
Mathias Hounkpe / Ismaila Madior Fall, Les commissions électorales en Afrique de
l’Ouest : analyse comparée, Abuja, Fondation Friedrich Ebert, 2010, p. 264.
Recht in Afrika 2013
222
6
7
8
9
10
11

D’abord la multidimensionnalité de l’administration en regard de la
diversité des domaines d’activités ; d’où « les Administrations d’Etat
apportent leur collaboration et leur appui à Elections Cameroon dans le
6
cadre de l’exécution des missions qui lui sont assignées » ;

Ensuite la vision pathologique de l’administration dans le processus
électoral : c’est elle qui est responsable de tous les maux ; elle entretient une relation incestueuse avec le pouvoir alors que sa neutralité est
consacrée ; elle est la cause de la dévalorisation de la fonction électo7
8
rale , de l’abstentionnisme , et partant de l’incertitude de la transpa9
rence électorale et référendaire ; elle doit être disqualifiée du champ
du processus électoral par la création d’organismes « indépendants »
ou « autonomes »;

En sus la vision apologique qui vante, sacralise l’action de l’administration dans le processus électoral du fait de ses ressources d’action ;
qui plus est, elle est le moyen incontournable d’action de l’Etat ;

Au surplus, le contexte de libéralisme ou de socialisme qui impacte sur
les représentations sur l’administration ; respectivement, le pluralisme
qui reconnaît d’autres groupes autres que l’Etat, et le monisme qui
consacre l’Etat comme le seul groupe dans la société ;

Enfin, c’est l’Etat qui, contrôlé par un groupe d’individus et convoité
par d’autres, organise ou non les élections comme une activité d’intérêt
général ; et en tant qu’enjeu de luttes politiques par les trophées politiques en jeu, l’élection peut alors apparaître « comme une continuation de l’entreprise de monopolisation par les moyens du suffrage
10
universel pouvant être détournée ou orientée » par des acteurs
nationaux et/ou internationaux. En ce sens, les institutions électorales
sont mobilisées par les acteurs politiques dominés afin d’accéder à des
positions de pouvoir, mais instrumentalisées les acteurs politiques
dominants en vue de maintenir leurs positions politiques face à la pression de leurs adversaires tant au moment de leur production qu’au
11
cours de leur gestion . De ce fait, écrit Guy Hermet, « en réalité, les
processus de démocratisation se trouvent souvent commandés davan-
Article 43 (1) de la loi no. 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral.
Mathurin Nna, « La dévalorisation de la fonction électorale au Cameroun », Revue
africaine d’études politiques et stratégiques, no. 7, 2010, pp. 109-126.
Jean Aimé Ndjock, « L’abstentionnisme électoral en Afrique subsaharienne », Revue
africaine d’études politiques et stratégiques, no. 7, 2007, pp. 87-103.
Lot Pierre Diwouta, « De l’incertitude de la transparence électorale et référendaire au
Cameroun : la filiation légitime d’« Elections Cameroon » au Président de la République », Revue africaine d’études politiques et stratégiques, no. 6, 2009, pp. 167-192.
Luc Sindjoun, « Le paradigme de la compétition électorale dans la vie politique : entre
tradition de monopole politique, Etat parlementaire et Etat seigneurial », dans : Luc
Sindjoun (sous la direction de), La révolution passive au Cameroun : Etat, société et
changement, Dakar, Codesria, 1999, p. 275.
Hilaire de Prince Pokam, « La neutralité électorale en Afrique : analyse des commissions
électorales en Afrique subsaharienne », Janus, Revue camerounaise de droit et de science
politique, 2007, p. 78.
Akono Evang · L’administration et processus électoral au Cameroun
223
tage par des calculs d’intérêts, des conversions des plus opportunistes
12
au début » et pendant leur conduite.
Ces considérations nous donnent à voir la complexité de la place de l’administration
dans le processus électoral. Et c’est en ce sens que notre problématique se veut fondamentalement dynamique en regard des transformations socio-politiques observables ici et là. En effet depuis l’enclenchement de la démocratisation en Afrique en
général dès 1990 et au Cameroun en particulier, sont récurrentes les revendications
et les luttes socio-politiques, traductrices des « dynamiques du dedans » et des
13
« dynamiques du dehors » sur l’organisation d’élections transparentes, libres et
démocratiques. Ce d’autant plus que l’administration était jusque-là maître du processus électoral en organisant, gérant et supervisant les élections, nonobstant la création de l’Observatoire National des Elections (ONEL) avec la promulgation de la
loi no. 2000/016 du 16 décembre 2000. Ce qui a abouti à la reconfiguration du
champ de la compétition électorale. Ici et là, il y a (eu) redéfinition des « règles du
14
jeu » politico-électoral avec en prime la création d’organismes spéciaux chargés de
15
la gestion des élections qui constituent une surprise et une spécificité africaine
parce que n’existant pas dans certaines « grandes » démocraties occidentales comme
les Etats-Unis, la France etc.
16
Au Cameroun, le Code électoral , qui est le point focal de nos analyses, promulgué
le 19 avril 2012 consacre Elections Cameroon (ELECAM) comme « un organisme
indépendant chargé de l’organisation, de la gestion et de la supervision de l’ensem17
ble du processus électoral et référendaire » . S’indiquent ainsi après réflexion la
redéfinition, l’étiolement progressif aussi bien que la survivance de l’administration
aux côtés d’ELECAM. C’est donc dire que la place de l’administration dans le processus électoral est tributaire du contexte et des conjonctures socio-politiques routinières et critiques.
Il s’agit alors d’une problématique du Pourquoi et du Comment de l’action administrative dans le processus électoral. Concrètement, pourquoi et comment comprendre
la place de l’administration dans le processus électoral au Cameroun au regard des
différentes transformations normatives, institutionnelles, sociales et politico-électoralistes ? En ce sens, le plus important n’est plus seulement de voir que fait l’administration, mais aussi et surtout comment elle s’adapte, on l’adapte aux différentes
mutations politico-électoralistes. Ce qui signifie que si l’administration fait le pro-
12
13
14
15
16
17
Guy Hermet, Le passage à la démocratie, Paris, Presses Universitaires de France, 1996,
p. 119.
Sur le sens de ces dynamiques, lire Georges Balandier, Sens et puissance, Paris, Quadrige/Presses Universitaires de France, 1986.
Frederick George Bailey, Les règles du jeu politique, Paris, Presses Universitaires de
France, 1971.
Globalement, il s’agit des commissions électorales « autonomes » (Bénin, Gambie, Sénégal) ou « indépendantes » (Niger, Togo, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Cameroun). Au
Cameroun, il s’est agi d’abord de l’Observatoire National des Elections (ONEL) et
aujourd’hui Elections Cameroon (ELECAM) contrairement aux pays où l’on parle de
« Commission ».
Les récentes modifications de certaines dispositions ne changent pas les représentations
sur cet instrument juridique.
Article 4 (1) du Code électoral.
224
Recht in Afrika 2013
cessus électoral, le processus électoral fait aussi l’administration ; les deux se produisent mutuellement.
Nous posons alors comme hypothèse qu’au regard des revendications socio-politiques et des transformations normatives, institutionnelles en cours et de la pratique
étatique dans la démocratisation au Cameroun, c’est une illusion de croire à l’éviction de l’administration du processus électoral ; ce qui est de mise, c’est son adaptation conservatrice.
L’option est à cet effet celle du néo-institutionnalisme couplé à l’analyse documentaire afin de rendre compte de la trajectoire, des motivations, de la dimension stratégique et tactique.
De là se décline l’ossature suivante des analyses : d’une part l’illusion de l’éviction
de l’administration du processus électoral (I) – d’autre part l’adaptation conservatrice de l’administration dans le processus électoral (II).
I
L’illusion de l’éviction de l’administration du processus électoral
Roger Gabriel Nlep a souligné l’incontournabilité de l’administration publique dans
nos sociétés politiques par ce qui suit :
Dans la plupart des Etats d’Afrique noire d’expression française, l’Administration publique apparaît comme un curieux paradoxe. Mal aimée et constamment mise en cause à l’occasion de ses lenteurs jugées absurdes, du népotisme et de la corruption considérés comme des maux endémiques, c’est
pourtant d’elle que la population attend la moindre solution à ses problèmes
18
de la vie de tous les jours .
Ajoutons que c’est aussi sur elle que l’Etat s’adosse pour agir. En ce sens, concevoir
aujourd’hui la dynamique étatique en matière électorale en mettant l’administration
hors jeu est une illusion. Ce qui est de mise, c’est le désir étatique constant de l’administration. Il en ainsi dans la mesure où celle-ci a été, est, et sera toujours le bras
séculier de l’Etat (A). On peut alors comprendre la persistance de la structuration
administrative du processus électoral (B).
A L’administration, bras séculier de l’Etat
L’approche instrumentale de l’administration permet de la saisir comme une institution que l’Etat mobilise dans la réalisation de ses missions. L’organisation des
élections étant un service public de l’Etat (1), de là s’indiquent l’instrumentation et
l’instrumentalisation technique et pratique de l’administration (2).
1 L’organisation des élections comme service public de l’Etat
Au nombre des finalités de l’action administrative dégagées par le Droit adminis19
tratif, il y a le service public et la police administrative . Ce qui est observable, c’est
que les mutations sociopolitiques qui font actuellement sens dans les sociétés africaines, ne semble pas mobiliser les « Administrativistes » notamment sur l’élasticité
du service public, et partant sa redéfinition ou son adaptation contextuée. Le para18
19
Roger Gabriel Nlep, L’administration publique camerounaise …, op. cit., p. 1.
Lire Georges Vedel / Pierre Delvolvé, Droit administratif, op. cit., pp. 678-792.
Akono Evang · L’administration et processus électoral au Cameroun
225
digme de la démocratisation du Droit administratif devrait, toute proportion gardée,
aboutir entre autres à mettre en exergue l’organisation des élections par l’Etat
comme une activité d’intérêt général. Cela est d’autant plus pertinent en regard de la
mobilisation de l’Etat et des autres acteurs électoraux (partis politiques, citoyens,
société civile, etc.) pour l’organisation d’élections transparentes et démocratiques,
20
condition sine qua non à la stabilité et au développement . On devrait ainsi et aussi,
dans l’étude de l’activité de l’administration, s’intéresser normalement à l’activité
électorale, et subséquemment à l’administration électorale. Si l’activité électorale
renvoie à « une partie de la tâche d’une élection qui peut être attribuée à une ou
21
plusieurs personnes » morales ou physiques, l’administration électorale par contre
est l’« ensemble des mesures nécessaires pour la réalisation ou la mise en œuvre de
22
tout aspect d’un processus électoral » . Assurément, il y a le droit électoral. Mais
celui-ci ne permet pas de rendre compte de l’action administrative dans le processus
électoral, de saisir ses trajectoires au regard de la dévolution progressive de la compétence électorale à des organismes indépendants ou autonomes.
C’est donc dire que le concept de service public dans son versant finaliste porte sur
et dans tous les domaines d’activités de l’Etat (politique, économique, social, culturel, etc.) qui impliquent naturellement l’administration. En ce sens, la protection et
l’exercice du droit de vote sont une mission fondamentale de l’Etat dans un contexte
de concurrence et de participation des citoyens à la gestion des affaires publiques.
Pensées globalement de manière idéologique par le politique, les élections doivent
être matérialisées par l’administration. Doit-on encore le rappeler, le politique
définit et l’administration exécute : « Le Gouvernement est chargée de la mise en
œuvre de la politique de la Nation telle que définie par le Président de la Répu23
blique » . Au cœur du processus électoral, il y a l’Etat, et partant l’administration.
2 L’administration, instrument d’action technique et pratique déterminant
Le personnel administratif est recruté et formé pour exécuter de manière efficace et
efficiente les missions de l’Etat. Ce qui fait de l’administration une « bureaucratie »
et une « technocratie » qui lui confère une puissance, un pouvoir bureaucratique et
un pouvoir technocratique dans le fonctionnement de l’Etat. Si la bureaucratie en
tant que modèle d’organisation de l’appareil administratif d’Etat se caractérise par la
division du travail, la spécialisation des fonctions, une structure d’autorité hiérarchique et un système de règles, de règlements et de tenue des dossiers, la technocratie peut être saisie comme un système politico-administratif dans lequel le pou24
voir est exercé par les techniciens, les experts .
20
21
22
23
24
Il s’agit là d’un point de vue à ne pas absolutiser parce qu’on peut parvenir à la stabilité et
au développement par d’autres moyens (la guerre, des options autoritaires, etc.). Mais
dans l’Afrique d’aujourd’hui l’élection, figure de la démocratie politique est saisie dans la
dynamique stabilisatrice et développementale comme une variable lourde, de manière
voulue ou imposée.
Mathias Hounkpe / Ismaila Madior Fall, Les commissions électorales en Afrique de
l’Ouest …, op. cit., p. 254.
Idem.
Article 11 de la Constitution du 18 janvier 1996 modifiée le 14 avril 2008.
Sur les différents aspects de ces notions, lire Max Weber, Economie et société, Paris,
Plon, 1971 ; du même auteur, Le savant et le politique, Paris, Plon, 1959 ; lire aussi
Jacques Chevallier / Danièle Loschak, Science administrative …, op. cit., pp. 534-561.
226
Recht in Afrika 2013
Par son pouvoir bureaucratique, l’administration est une institution organisée en
regard de ses moyens juridiques, matériels et humains.
Par son pouvoir technocratique, l’administration dispose de la compétence, du savoir
et de l’expertise qui lui confèrent une puissance participant de la résolution des problèmes complexes auxquels fait face le politique.
Le pouvoir bureaucratique et le pouvoir technocratique sont donc des ressources de
l’action administrative révélatrices de son indispensabilité dans le processus électoral. Qui plus est, le personnel électoral procède largement de l’administration
d’Etat. En ce sens, la mise en place d’organismes exclusivement compétents en matière électorale, ne saurait disqualifier l’administration pour toutes ces raisons.
Soulignons enfin que par l’analyse stratégique, l’administration apparaît comme une
force qui active sa puissance pour s’imposer dans la société. Elle ne peut donc
s’auto-exclure du processus électoral ; encore que le projet de loi portant Code
électoral a été implicitement et explicitement élaboré par le gouvernement, et partant
par les bureaucrates et technocrates. Jacques Chevallier et Danièle Loschak ont
construit, à la suite de Max Weber, la « techno-bureaucratie » qui combine pouvoir
bureaucratique et pouvoir technocratique. En conséquence, « [l]a combinaison
techno-bureaucratique confère à la technocratie une capacité de pénétration et un
poids accrus dans la sphère des décisions politiques, mais surtout elle constitue une
25
source déterminante de pouvoir pour l’Administration » .
Consécutivement à ces démonstrations, l’on peut comprendre que l’administration
soit toujours présente dans le processus électoral.
B La persistance de la structuration administrative du processus électoral
Un voyage épistémologique dans le Code électoral au Cameroun permet de confirmer que l’Etat ne peut faire table rase de la participation de l’administration dans
l’organisation, la gestion et la supervision des élections. En effet, non seulement
l’administration exerce toujours un rôle de réglementation (1), mais aussi elle est
partie prenante dans la conduite du processus électoral (2).
1 L’administration dans la réglementation du processus électoral
Le pouvoir réglementaire est le pouvoir reconnu aux autorités administratives « de
faire des règlements, c’est-à-dire de prendre des décisions exécutoires de caractère
26
général et impersonnel » . En matière électorale le pouvoir réglementaire de
l’administration est aujourd’hui amenuisé parce qu’il est nettement exercé par
ELECAM qui « est doté de la personnalité juridique et jouit d’une autonomie de
27
gestion » . Ce qui signifie néanmoins que l’édiction par l’administration des actes
administratifs qui matérialisent le processus électoral demeure une réalité. Convoquons les dispositions du Code électoral en lieu et place des procès d’intention :
25
26
27
Jacques Chevallier / Danièle Loschak, Science administrative …, op. cit., p. 541.
Georges Vedel / Pierre Delvolvé, Droit administratif, op. cit., p. 326.
Article 4 (3) du Code électoral du 19 avril 2012.
Akono Evang · L’administration et processus électoral au Cameroun
28
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31
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37
38
39
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41
227

Le Président de la République, autorité politique suprême, est le chef
de l’administration et jouit toujours du pouvoir de nomination et de
28
révocation ;

Le Ministre des Finances désigne un Agent comptable , nomme un
30
Commissaire aux Comptes auprès d’ELECAM ;

Le Ministre de l’Administration territoriale , le Gouverneur , le
33
34
35
Préfet , le Sous-préfet et le Maire désignent leurs représentants
dans les différentes commissions électorales. Un nombre qui égalise
celui des représentants d’ELECAM, soit 1, 3, 5 ;

Les actes d’accréditation des observateurs nationaux par le Ministre
36
chargé de l’Administration territoriale , et des observateurs internationaux par le Ministre chargé de l’Administration territoriale après
37
avis du Ministre chargé des Relations extérieures ;

L’établissement du Code de conduite par le Ministre chargé de l’Ad38
ministration territoriale de concert avec ELECAM ;

Les actes de police de l’autorité administrative compétente en cas de
39
troubles graves à l’ordre public ;

Les actes relatifs aux modalités de financement public des partis po40
litiques et des campagnes électorales et référendaires ;

L’Etat prend en charge les frais afférents à la participation des membres du collège électoral au scrutin suivant les modalités fixées par
41
voie réglementaire .
29
31
32
Les articles 12 (3), 24 (1) et 44 (2) du Code électoral.
Article 36 du Code électoral.
Article 37 du Code électoral.
Article 68 (1) : Cinq représentants au niveau de la Commission nationale de recensement
général des votes.
Article 235 (1) : Trois représentants au niveau de la Commission régionale de supervision
lors de l’élection des Sénateurs ; article 263 (1) : Trois représentants au niveau de la Commission régionale de supervision lors de l’élection des Conseillers régionaux.
Article 64 (1) : Trois représentants au niveau des Commissions départementales de supervision.
Article 52 (2) : Un représentant au niveau de la Commission de révision des listes électorales dans chaque Commune ; article 53 (2) : Un représentant au niveau de la Commission
de contrôle de l’établissement et de distribution des cartes électorales ; article 54 (1) : Un
représentant au niveau de la Commission locale de vote pour chaque bureau de vote.
Article 52 (2) : Le maire peut désigner un conseiller municipal pour se faire représenter,
ou représenter un adjoint au maire au niveau de la Commission de révision des listes électorales. Cette disposition est aussi valable en ce qui concerne la Commission de contrôle
de l’établissement et de distribution des cartes électorales.
Article 296 (2) du Code électoral.
Article 296 (3) du Code électoral.
Article 296 (4) du Code électoral.
Articles 94 et 95 du Code électoral.
Articles 279 à 287 du Code électoral.
Article 22 (4) du Code électoral.
228
Recht in Afrika 2013
A l’observation, par son pouvoir réglementaire, l’administration pèse encore sur le
processus électoral. Cela est d’autant plus pertinent qu’elle exerce en ce sens le pouvoir discrétionnaire qui limite l’étendue de l’intervention du juge administratif. Il va
donc s’agir de nommer des personnes stratégiques dans les différentes commissions.
Il pourrait arriver d’insérer des dispositions stratégiques dans les actes administratifs
pouvant problématiser le cours du processus électoral à l’avantage du groupe politique contrôlant l’administration, et partant l’Etat.
2 L’administration dans la conduite du processus électoral : collaboration,
appui, liaison, juge, substitution et police
Il s’agit de voir à ce niveau comment l’administration participe globalement et spécifiquement, explicitement et implicitement de l’organisation, de la gestion et de la
supervision des élections.
D’une manière globale, certes « ‘Elections Cameroon’ est un organisme indépendant
chargé de l’organisation, de la gestion et de la supervision de l’ensemble du proces42
sus électoral et référendaire » . Mais, on peut déjà souligner que « [l]e Conseil électoral organise des concertations avec l’administration, la justice, les partis politiques
43
et la société civile, dans le cadre de la gestion du processus électoral » . En sus, le
Directeur général des élections « peut également solliciter le détachement des
fonctionnaires ou l’affectation des personnels relevant du Code du Travail ainsi que
44
les agents décisionnaires » . Toutes ces dispositions rendent clairement compte du
recours à l’administration par ELECAM dans et pour la réalisation de ses missions.
De manière déterminante, non seulement l’administration exerce les rôles de collaboration et d’appui, de règlement des litiges, de liaison, mais aussi jouit des pouvoirs
de substitution et de police.
En ce qui concerne la « collaboration » et l’« appui », on peut lire que « [l]es Administrations de l’Etat apportent leur collaboration et leur appui à Elections Came45
roon dans le cadre de l’exécution des missions qui lui sont assignées » . Il s’agit de
la collaboration de l’administration dans toute sa diversité du fait de sa représentation dans les commissions mixtes communes aux différentes élections. Celles-ci
sont chargées respectivement des opérations préparatoires aux élections (Commissions de révision des listes électorales, contrôle de l’établissement et de la distribution des cartes électorales), de l’organisation et de la supervision des opérations
électorales, des opérations de vote (Commissions locales de vote, Commissions départementales de supervision) et du recensement général des votes (Commission
nationale de recensement général des votes). Toute autre forme de collaboration et
d’appui est envisageable dans la mesure où les dispositions du Code électoral ne
sont pas explicites sur la nature ou le type de collaboration et d’appui.
L’administration participe du règlement des litiges parce que la Commission départementale de supervision est érigée en un juge qui
42
43
44
45
Article 4 (1) du Code électoral.
Article 11 (2) du Code électoral.
Article 29 (2) du Code électoral.
Article 43 (1) du Code électoral.
Akono Evang · L’administration et processus électoral au Cameroun
229
connaît des réclamations ou contestations concernant les listes et les cartes
électorales ; ordonne toutes les rectifications rendues nécessaires à la suite de
l’examen des réclamations ou contestations dirigées contre les actes des commissions compétentes concernant les listes et les cartes électorales […] En
cas de simple vice de forme, elle peut en demander la régularisation immé46
diate aux membres de la commission locale de vote .
De même :
En cas d’erreur de calcul, la commission départementale de supervision peut
redresser les procès-verbaux correspondants. Toutefois, elle ne peut les annuler. En cas de rectification ou redressement, la commission départementale
de supervision est tenue de motiver sa décision et d’en faire mention dans son
47
procès-verbal .
Bien que cette commission soit présidée par le Président du Tribunal de grande instance du ressort, trois membres représentent l’administration en parfaite égalité
48
avec les représentants d’Elections Cameroon . On ne peut alors penser à une simple
figuration de l’administration dans une commission aussi stratégique.
Le rôle de « liaison » de l’administration incombe au Ministre de l’Administration
49
territoriale . Celui-ci « assure la liaison permanente entre le gouvernement et Elections Cameroon. Il reçoit notamment de ce dernier, copies des procès-verbaux de
50
séances et des rapports d’activités » .
L’administration exerce le pouvoir de « substitution » par le biais du Préfet au
niveau de la Commission de révision des listes électorales. En effet l’article 52 (5)
précise que « [s]i le maire n’a pas désigné de représentant en temps utile, le responsable du démembrement communal d’Elections Cameroon, après une mise en demeure restée sans effet, saisit le préfet qui désigne un responsable de la commune
pour siéger au sein de la commission en qualité de représentant de la commune ».
On peut enfin souligner l’implication de l’administration dans le processus électoral
par son pouvoir de police. Lors de la campagne électorale, en cas de menace manifeste ou de troubles graves à l’ordre public, l’autorité administrative territorialement
compétente exerce les pouvoirs d’interdire, d’autoriser, de fixer l’heure, de déter51
miner le lieu des réunions .
Dans tous les cas, l’action de l’administration n’est pas à négliger dans ces commissions du moment où représentants de l’administration, du parti au pouvoir et même
de certains partis d’opposition entretiennent parfois une intimité ou une complicité
problématique, même si cela est parfois consécutif à des arrangements objectivés.
Encore qu’est sujette à caution l’indépendance des magistrats nommés à la tête de
certaines Commissions départementales, des Commissions régionales, de la Commission nationale de recensement général des votes. De ce fait, qui tient la composition de ces commissions, tient le processus électoral.
46
47
48
49
50
51
Article 63 du Code électoral.
Article 67 (2) du Code électoral.
Article 64 (1) du Code électoral.
Nous reviendrons sur l’appréciation de cette « liaison ».
Article 43 (2) du Code électoral.
Articles 94 et 95 du Code électoral.
230
Recht in Afrika 2013
De manière implicite et explicite, nonobstant la saillance d’Elections Cameroon,
l’administration demeure une institution à travers laquelle l’Etat, au mieux l’ordre
dirigeant, structure les élections. Mais s’il est indéniable que l’administration fait
dans une certaine mesure le processus électoral, il reste aussi que celui-ci fait aussi
celle-là en regard des pesanteurs d’ordre socio-politiques.
II L’adaptation conservatrice de l’administration dans le processus électoral
Les travaux de Roger Gabriel Nlep rendent compte de la « dynamique de l’admi52
nistration en Afrique noire francophone » dans la mesure où les jeunes Etats se
trouvent confrontés à un problème de choix entre la « continuité » et la « révolu53
tion » . Plus explicite, il écrit ce qui suit :
L’hypothèse de base que nous posons s’agissant du cas camerounais est que
l’attitude de l’Etat nouveau face aux différents modèles administratifs préexistants est celle du changement ; à mi-chemin entre la continuité pure et
simple, et la révolution radicale, et qui postule la relecture de tous ces modèles, compte tenu des conditions nouvelles et des buts qu’elle souhaite atteindre. Relecture du modèle ancestral conçu dans le cadre tribal de la chefferie ; relecture des modèles administratifs coloniaux désormais inadaptés
54
dans un Etat souverain .
55
Est ainsi mis en exergue le principe de l’adaptabilité des services publics .
En transposant cette hypothèse dans le cadre de notre réflexion, il s’agit de l’adaptation conservatrice de l’administration dans le processus électoral en regard de
laquelle elle continue de jouir d’une position privilégiée aux côtés d’ELECAM. La
démocratisation qui fait le lit de la revendication d’un cadre consensuel et légitime
56
de régulation électorale entraîne une redéfinition de la place de l’administration
dans la gestion des élections. Les contestations et revendications sociales et politico57
électoralistes, traductrices de la « crise de légitimité » de l’administration (A) entraînent son recadrage stratégique et tactique (B).
A Contestations et revendications sociales et politico-électoralistes : la « crise
de légitimité » de l’administration
Si en contexte autoritaire la centralité de l’administration en matière électorale était
compréhensible quoique critiquée, en contexte de démocratisation elle devient insupportable, voire intolérable. D’où le travail socio-politique de qualification et de
disqualification d’une administration complice, juge et partie (1) ayant conduit à une
52
53
54
55
56
57
Roger Gabriel Nlep, L’administration publique camerounaise …, op. cit., p. 10.
Idem.
Idem.
Lire Georges Vedel / Pierre Delvolvé, Droit administratif, op. cit., pp. 742-744.
Luc Nyimi Bekono, Intérêts et mécanismes et luttes politiques : la problématique de la
régulation de la compétition électorale au Cameroun depuis 1990, Mémoire de Diplôme
d’Etudes Approfondies en Science Politique, Université de Douala, 2011-2012.
Gérard Timsit, « Administration publique des pays en développement et environnement
socio-culturel », Revue française d’administration publique, no. 7, juillet-septembre 1978,
pp. 21-36 ; Roger Gabriel Nlep, L’administration publique camerounaise …, op. cit.,
p. 376.
Akono Evang · L’administration et processus électoral au Cameroun
231
reconfiguration normative et institutionnelle du champ de la compétition électorale
(2).
1 Qualification et disqualification d’une administration complice, juge et
partie
Si théoriquement l’administration est politiquement neutre, il est observable que
dans la pratique ce qui est de mise, c’est la politisation de l’administration et la
58
fonctionnarisation de la politique . Et si l’Etat est un instrument au service d’un
groupe social ou politique, l’évidence est celle d’une administration inféodé, instrumentalisée et partisane.
Au Cameroun de la démocratisation, une « vision politiste sociologiquement infor59
mée » sur la compétition électorale, aide à rendre compte du travail de stigmatisation de l’administration par l’opposition, la société civile et certains acteurs de la
société internationale.
Selon M. Yeyang Silas, Secrétaire du Mouvement Démocratique pour la Défense de
la République (M.D.R.),
[l]e RDPC voulait à tout prix remporter des mairies dans les zones qui votent
traditionnellement MDR. Pour cela, le parti au pouvoir a tout mis en œuvre
pour l’emporter. En Janvier 1996, des enfants de moins de 17 ans ont voté,
les urnes ont passé la nuit en brousse, et les représentants des partis d’opposition n’ont pas été autorisés à assister aux opérations de dépouillement. C’est
donc à cause de la fraude et des intimidations du RDPC et des autorités admi60
nistratives que le MDR n’a pas pu confirmer en 96 ses succès de 92 .
Selon M. Bello Bouba Maïgari, Président de l’Union Nationale pour la Démocratie
et Progrès, les élections municipales du 21 janvier 1996 ont constitué un « rendez61
vous manqué avec la démocratie » . De manière explicite, il a affirmé ceci :
Je vous dirai que les municipales du 21 janvier 1996 auront été un rendezvous manqué avec la démocratie parce que comme je l’ai dit, on a connu
beaucoup d’intimidations surtout dans les zones rurales. Pendant la campagne
électorale et le jour du scrutin, on aura vu certaines autorités administratives
s’immiscer dans la conduite des élections. Or, ce jour là, elles devraient s’effacer devant les Présidents des Commissions communales de Supervision.
On a également vu des Sous-préfets venir enlever des urnes par la force pour
tromper les électeurs qu’ils annulent les élections. Alors ceci explique que la
RDPC qui a été largement vaincu dans nos capitales provinciales et dans bon
nombre de chefs-lieux de départements ait pu se déclarer vainqueur dans les
58
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60
61
Jacques Chevallier / Danièle Loschak, Science administrative …, op. cit. ; Martin Paul Zé,
La politisation des fonctionnaires au Cameroun, Paris, L’Harmattan, 2007 ; Claude
Allègre, « Administration et politique », L’Express, 9 janvier 2003.
Bernard Lacroix, Le politiste et l’analyse des institutions, dans : Bernard Lacroix /
Jacques Lagroye (sous la direction de), Le Président de la République : usages et genèse
d’une institution, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, p. 75.
Le Messager, no. 68, 30 avril 1997. RDPC signifie Rassemblement Démocratique du
Peuple Camerounais, parti au pouvoir.
Cameroon Tribune, no. 6031, 5 février 1996.
232
Recht in Afrika 2013
communes rurales. Tout ceci nous renforce dans notre conviction qu’il y a
nécessité d’adopter un nouveau code électoral dans notre pays et de créer une
commission nationale électorale indépendante. Sans cela, nos élections vont
62
être difficilement transparentes, libres et démocratiques .
Par conséquent, affirme M. Ni John Fru Ndi, il n’y a aucune raison de « croire à la
63
sincérité d’une administration entièrement acquise au RDPC » et en regard du refus
catégorique du pouvoir de « prendre en compte des propositions destinées à garantir
64
des élections libres, justes et transparentes » Même si d’autres facteurs (politique,
économique, socio-culturel, etc.) peuvent expliquer les faibles scores de ces partis
politiques, ce qu’il y a lieu de voir, c’est la responsabilité qui est imputable à une
administration partisane.
65
C’est « cette extraordinaire marge d’arbitraire » de l’administration dans le
processus électoral qui est aussi décriée par les médias. Lisons ceci : « Municipales
66
– législatives. L’affaires des fusses listes de Cameroon Tribune » ; « Législatives et
municipales. La fraude comme prévu. Yaoundé : le vote au faciès. Où sont passées
les cartes d’électeurs ? Les manipulations des listes électorales. Le travail des char67
ters électoraux. L’absence de bulletins SDF dans les villes du grand Nord » . Dans
ce cas l’on comprend dans une certaine mesure la densité du contentieux électoral de
68
69
la démocratisation et « l’aggravation de la dévaluation du politique » .
Parce que l’administration n’est pas neutre dans la gestion des élections, l’option a
été sa disqualification par la création d’un organisme indépendant. D’où la revendication d’une Commission électorale nationale indépendante et la redéfinition des
70
« règles du jeu politique » , renforcées par les pressions internationales. La prise en
compte de ces données va aboutir à la restructuration du champ de la compétition
électorale.
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70
Idem.
Cité par Samuel Nkainfon Pefura, Cameroun : du multipartisme au multipartisme, Paris,
L’Harmattan, 1996, p. 188.
Lire « Déclaration conjointe SDF, UNDP, UDC », Le Messager, no. 664, 15 septembre
1997, p. 5.
Achille Mbembe, « Crise de légitimité, restauration autoritaire et déliquescence de
l’Etat », dans : Peter Geschiere / Piet Koning (sous la direction de), Itinéraires d’accumulation au Cameroun, Paris, Karthala, 1993, p. 349.
Mutation no. 675 du mardi 11 juin 2002, pp. 4-5.
Mutation no. 689 du lundi 1 juillet 2002, pp. 1-5.
Lire Luc Sindjoun, « La Cour Suprême : la compétition politique et la continuité électorale au Cameroun », Africa Development, vol. XIX, no. 2, 1994, pp. 21-69 ; du même
auteur, « Le paradigme de la compétition électorale dans la vie politique : entre tradition
de monopole politique, Etat parlementaire et Etat seigneurial », dans : Luc Sindjoun (sous
la direction de), La révolution passive au Cameroun : Etat, société et changement, Dakar,
Codesria, 1999, pp. 269-330 ; Alain Didier Olinga, La Constitution de la République du
Cameroun, Yaoundé, Les Presses de l’Université Catholique d’Afrique Centrale/Les Editions Terre Africaine, 2006, pp. 250-253 ; Michel Kounou, Municipales et législatives
2002 au Cameroun : autopsie d’une crise électorale, Yaoundé, 2002, inédit, pp. 87-90.
Bryan S. Turner, « Nietzsche, Weber and the devaluation of politics », The Sociological
Review (New Series August), 1986, pp. 367-391.
Frederick George Bailey, Les règles du jeu politique, op. cit., p. 50.
Akono Evang · L’administration et processus électoral au Cameroun
233
2 La reconfiguration normative et institutionnelle maîtrisée du champ de la
compétition électorale
Les contestations afférentes à la gestion problématique du processus électoral ont eu
71
pour aboutissant la réformation du droit électoral et la création d’organismes ex72
clusivement compétents en matière électorale .
Il s’agit d’une création orientée et maîtrisée du droit électoral, parce que celui-ci
participant de la structuration de la compétition électorale est un enjeu déterminant
73
les luttes politiques et électorales . De ce fait, saisi comme un instrument de la
domination politique, le droit électoral est sujet a de nombreuses instrumentali74
sations socio-politiques . Si au commencement il y a adoption de nombreuses lois
75
éparses en fonction de chaque type d’élection , les différentes modifications ont
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73
74
75
Sur le droit électoral, lire Alain Didier Olinga, « Politique et droit électoral », Polis : Revue Camerounaise de Science Politique, vol. 6, no. 2, 1998, pp. 31-52 ; Claude Momo,
« Quelques aspects constitutionnels du droit électoral rénové au Cameroun », Annales de
la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université de Douala, no. 1, 2002,
pp. 139-173.
Lire Emmanuel Kam Yogo, « Les organismes indépendants de régulation des élections en
Afrique francophone : Etude des expériences du Bénin, du Cameroun, du Mali et du
Togo », Recht in Afrika, no. 1, 2010, pp. 17-32 ; Hilaire de Prince Pokam, « La neutralité
électorale en Afrique …, op. cit. ; Mathias Hounkpe / Ismaila Madior Fall, Les commissions électorales en Afrique de l’Ouest …, op. cit. ; Fondation Friedrich-Ebert au Cameroun, Rôle d’une commission nationale électorale dans le processus de démocratisation,
Yaoundé, Saagraph and Fondation Friedrich Ebert, 1997.
Luc Sindjoun, « Elections et politique au Cameroun : concurrence Déloyale, Coalitions de
stabilité hégémonique et politique d’affection », African Journal of Political Science,
vol. 2, no. I, 1997, pp. 89-121 ; Luc Sindjoun / Mathias Eric Owona Nguini, Politisation
du droit et juridicisation de la politique : l’esprit socio-politique du droit de la transition
démocratique au Cameroun, Colloque international sur la création du droit en Afrique,
CEAN/CERDRADI, Bordeaux, 27-28 octobre 1995.
Mathias Eric Owona Nguini, « Le rapport Etat-société civile dans le processus politique
en Afrique centrale : les montages civilisateurs et de civilisateurs du pouvoir et du droit »,
African Journal of Political Science, vol. 4, no. 2, 1999.
Il s’agit de :
– la loi no. 91/20 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d’élection des députés à l’Assemblée nationale, modifiée et complétée par la loi no. 97/13 du 19 mars 1997 et par celle
no. 2006/009 du 29 décembre 2006 ;
– la loi no. 92/02 du 14 août 1992 fixant les conditions d’élection des conseillers municipaux, modifiée par la loi no. 95/24 du 11 décembre 1995 et par celle no. 2006/010 du 26
décembre 2006 ;
– la loi no. 92/10 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d’élection et de suppléance à
la Présidence de la République, modifiée et complété par la loi no. 97/20 du 9 septembre
1997 et par la loi no. 2011/002 du 6 mai 2011 ;
– la loi no. 97/06 du 10 janvier 1997 fixant la période de révision et de refonte des listes
électorales ;
– la loi no. 2000/15 du 19 décembre 2000 relative au financement des partis politiques et
des campagnes électorales ;
– la loi no. 2006//004 du 14 juillet 2006 fixant le mode d’élection des conseillers régionaux ;
– la loi no. 2006/005 du 14 juillet 2006 fixant les conditions d’élection des sénateurs ;
– la loi no. 2010/003 du 13 avril 2010 fixant les procédures de référendum ;
234
Recht in Afrika 2013
enfin participé de la promulgation d’un Code électoral unique tant revendiqué. Il
s’agit concrètement de la loi no. 2012 / 001 du 19 avril 2012 portant Code électoral,
qui comporte 299 articles et abroge les lois antérieures.
Aussi tôt après sa publication, cet instrument juridique, nonobstant les avancées
notoires, est vertement contesté par l’opposition, la société civile et le monde savant.
En effet comme raisons, d’une part – positivement – l’adoption d’un document
unique facilement exploitable, la répartition des compétences entre les organes
d’ELECAM avec la hiérarchie d’autorité au profit Conseil général au détriment de la
Direction générale, et d’autre part – négativement – une simple compilation d’instruments juridiques antérieurs, la non prise en compte par le pouvoir de certaines exigences jugées fondamentales pour l’opposition, le cautionnement, la mainmise du
Président de la République, la persistance de l’implication de l’administration. Peutil en être autrement lorsque « usant à loisir de la règle de la majorité qui lui est favo76
rable » au Parlement , l’ordre dirigeant a la latitude de faire voter les règles élec77
torales qui lui sont favorable en l’absence du consensus politique . On peut ainsi
comprendre la survivance de l’administration dans le processus électoral.
Par un effet de mode, bien qu’il y ait une exception camerounaise, l’ordre dirigeant
va mettre en place l’Observatoire National des Elections (ONEL) en 2000 et Elections Cameroon (ELECAM) en 2006. Dans la mesure où « l’ONEL a été créé pour
résoudre une contrainte politique exogène, sans aucune garantie qu’il sera mis en
78
place et fonctionnera efficacement le moment venu » , sa récusation du fait de son
inféodation au pouvoir et de la centralité de l’administration, a conduit à la création
d’ELECAM. D’un simple « observatoire, c’est-à-dire une structure de vigilance de
l’ensemble du processus électoral, avec un rôle de rassemblement de l’information
utile à transmettre aux décideurs, à l’effet d’éclairer leurs décisions et démarches
79
futures » , il y a passage à « un organisme indépendant chargé de l’organisation, de
la gestion et de la supervision de l’ensemble du processus électoral et référen80
daire » . Ici encore, il y a constatation de l’incertitude de la transparence électorale
76
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79
80
– la loi no. 2006/011 du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement d’« Elections Cameroon » (ELECAM) modifiée et complétée par la loi no. 2008/
005 du 29 juin 2008, par la loi no. 2010/005 du 13 avril 2010 et par la loi no. 2011/001 du
06 mai 2011 ;
– la loi no. 2011/013 du 13 juillet 2011 relative au vote des citoyens camerounais établis
ou résidant à l’étranger.
Alain Didier Olinga, « Politique et droit électoral », op. cit., p. 33.
Alain Didier Olinga, La Constitution de la République du Cameroun, op. cit., pp. 293299. Mais, il y a lieu de souligner que politiquement, l’option pour le consensus est problématique dans un contexte de majorité absolue du parti dominant. En ce sens, le consensus ne saurait s’imposer. On peut comprendre alors l’auteur qui parle du « principe du
consensus ».
Alain Didier Olinga, L’ONEL : réflexions sur la loi camerounaise du 19 décembre 2000
portant création d’un observatoire national des élections, Yaoundé, Presses de l’Université
e
Catholique d’Afrique Centrale, 2 édition, 2002, p. 47.
Ibid., p. 14.
Article 43 du Code électoral.
Akono Evang · L’administration et processus électoral au Cameroun
235
et référendaire au Cameroun du fait de la filiation légitime d’ELECAM au Président
81
de la République qui est le chef de l’administration.
B Le repositionnement stratégique et tactique de l’administration dans le
processus électoral
Nous formulons l’hypothèse du repositionnement stratégique et tactique de l’administration dans la gestion des élections au Cameroun parce qu’au devant de la scène,
il y a ELECAM dont l’indépendance est sujette à caution (1) et alors qu’en arrière, il
y a l’administration (2).
1 Au devant de la scène : ELECAM et son indépendance symbolique
Le Code électoral fait de manière apparente la part belle à ELECAM qui, non seulement est (exclusivement ?) compétent sur l’ensemble du processus électoral et
référendaire, mais aussi et surtout doit le faire « de manière à assurer la régularité,
82
l’impartialité, l’objectivité, la transparence et la sincérité des scrutins » . Pour y
parvenir, « Elections Cameroon est doté de la personnalité juridique et jouit d’une
83
autonomie de gestion » et « est investi de tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice
84
de ses missions » , à savoir l’organisation, la gestion et la supervision du processus
85
électoral et référendaire. La densité des attributions du Conseil électoral et du
86
Directeur général , donne à voir que dans la régulation électorale au Cameroun,
ELECAM a « pignon sur rue ». Mais une telle visibilité est critique en regard de la
problématique de l’indépendance de cet organisme, quoique déjà soulevée ici et là
dans les champs savants et sociopolitiques. De quelle indépendance parle-t-on ?
L’indépendance par rapport à quoi et à qui dans un Etat indépendant ? S’agit-il d’un
organisme politique ou administratif ?
Les juristes (constitutionnalistes et internationalistes) et politistes depuis Jean Bodin
assimilent l’indépendance à la souveraineté. Il y a donc une complémentarité fonctionnelle entre les deux concepts, c’est-à-dire qu’être indépendant, c’est être souverain, vice versa. En ce sens, avec Jean Bodin, il s’agit d’une puissance perpétuelle,
comme la puissance de commander et de contraindre sans être ni contraint ni commandé par qui que ce soit sur la terre. Même la sentence Max Huber en 1928 sur Ile
de Palmas est explicite : « La souveraineté dans les relations entre les Etats signifie
indépendance […] ». Ce qui veut dire que l’indépendance n’est en réalité que l’af87
faire de l’Etat qui exerce la compétence des compétences dans et sur son territoire .
C’est vrai qu’on peut lire ceci :
L’indépendance (ou l’autonomie), dans ce cas-ci, ne devrait pas être confondue avec la faculté de disposer librement des ressources publiques et/ou
d’une forme ou autre capacité de manipulation du processus électoral sans
81
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87
Lot Pierre Diwouta, « De l’incertitude de la transparence électorale et référendaire au Cameroun … », op. cit.
Article 10 (1) du Code électoral.
Article 4 (3) du Code électoral.
Article 7 (2) du Code électoral.
Articles 10 et 11 du Code électoral.
Articles 26 et 27 du Code électoral.
Lire Pierre Pactet, Institutions politiques et droit constitutionnel, 14e édition, Paris,
Maçon/Armand Colin, 1995.
236
Recht in Afrika 2013
possibilité de contrôle crédible et sans obligation de rendre compte. Elle
devrait plutôt être entendue essentiellement comme une liberté d’action et
d’appréciation de l’opportunité d’agir qui cadre le mieux possible avec les
88
exigences de la flexibilité du contexte électoral .
Mais, pourquoi faire compliqué alors qu’on peut faire simple ? Pour assimiler curieusement autonomie et indépendance ? S’il y a idée de liberté d’action et de contrôle, l’option déjà consacrée et pratiquée est celle de l’« autonomie », parce que
l’Etat doit contrôler la liberté d’action qu’il reconnaît à certains organes participant
de l’exécution des missions d’intérêt général. Le plus important c’est que l’Etat leur
laisse effectivement jouir de cette liberté, de cette marge de manœuvre et non leur
indépendance. D’où par exemple l’autonomie des institutions décentralisées. De ce
fait, parler de Commissions nationales électorales indépendantes ne relèverait pas du
bon sens intellectuel, sauf à proposer une autre définition de l’indépendance. D’ailleurs, la majorité peut se tromper ; l’on ne peut valider ici l’hypothèse de la
« prédiction création ». C’est parce que dès le départ, on dit « Commission indépendante » que dans la gestion du processus électoral, il y a des incompréhensions, des
confusions lorsque l’Etat ou l’administration intervient dans tel ou tel sens. Juridiquement, ELECAM est un prolongement de l’administration d’Etat ; il s’agit
d’une institution autonome ; « autonomie » clairement consacrée par le Code électoral en son article 4 (3). Politiquement, il s’agit d’une institution politique qui s’inscrit dans les logiques et stratégies des acteurs du processus électoral. De même, les
membres de cette institution sont nommés par le Président de la République.
On peut donc comprendre que l’Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès
ait proposé en son temps la création d’une Commission nationale électorale autonome. Il s’agit d’une option valorisée par les Etats comme le Sénégal, le Bénin, la
Gambie. A travers et au travers d’ELECAM, c’est la même administration qui
frappe, on en a raccourci le manche.
2 En arrière : la mise en retrait stratégique et tactique de l’administration
Nous avons déjà souligné que c’est l’Etat qui organise les élections qui sont un enjeu
politique et de politique. Or l’Etat qui matérialise son action par l’administration, est
contrôlé, quelque soit le contexte, par un groupe social ou par le parti au pouvoir. Et
dans un contexte saillant de relation incestueuse entre l’administration et le politique, c’est le parti dominant qui contrôle alors l’administration.
Parce qu’elle est tant décriée par son manque d’impartialité, l’administration est
placée en retrait. Mais curieusement, elle est présente dans toutes les étapes du
processus électoral. Il ne s’agit pas d’un accident, mais d’une stratégie juridicopolitique, savamment organisée. « Les Administrations de l’Etat apportent leur collaboration et leur appui à Elections Cameroon dans le cadre de l’exécution des mis89
sions qui lui ont assignées » . C’est bien, mais qui est juge de l’opportunité de la
collaboration et de l’appui ? Ce vide juridique pourrait permettre à l’administration
stratégiquement repliée, d’attaquer, de s’inviter dans la régulation électorale. Dans la
même posture, « le Ministre chargé de l’Administration Territoriale assure la liaison
88
89
Mathias Hounkpe / Ismaila Madior Fall, Les commissions électorales en Afrique de
l’Ouest …, op. cit., p. 126.
Article 43 (1) du Code électoral.
Akono Evang · L’administration et processus électoral au Cameroun
237
permanente entre le Gouvernement et Elections Cameroon. Il reçoit notamment de
90
ce dernier, copies des procès-verbaux de séances et de rapports d’activités » . Ici
encore, beaucoup de choses peuvent se passer en regard de la « liaison permanente »
qu’assure le MINAT qui est à la fois membre du gouvernement et militant du parti
au pouvoir. Bien plus, à quoi renvoie cette « liaison » ? Sa permanence, ne rend-elle
pas compte du souci de l’administration d’Etat de contrôler et d’être présente dans
tout le processus électoral ?
Enfin, le repli stratégique peut amener l’administration par son chef suprême à
corriger, bref à restructurer le processus électoral. En effet « [e]n cas de défaillance
ou de dysfonctionnement d’Elections Cameroon, le Président de la République
91
prend des mesures qu’il juge nécessaires pour y remédier » . Ce qui n’est que
normal. Mais quelle est la nature de la défaillance et du dysfonctionnement ? De qui
peuvent-ils provenir ? On peut se retrouver par des défaillances et dysfonctionnements provoqués par les autres parties prenantes au processus électoral, mais
imputés politiquement et administrativement à ELECAM. Remarquons enfin que
« [l]e Président de la République peut, en vertu des articles 5 et 8 de la Constitution,
mettre fin, selon le cas, aux fonctions aux fonctions du Président, du Vice-Président
et des membres du Conseil Electoral, ainsi que du Directeur Général et du Directeur
92
Général Adjoint des Elections » .
Ces exemples analytiques non exhaustives donnent à voir que l’administration est
toujours stratégiquement et tactiquement en action dans le processus électoral.
En guise de conclusion
S’il faut conclure, nous nous alignons sur ces propos de Roger Gabriel Nlep : « Il
n’est pas de réflexion véritable qui finisse par poser plus de questions qu’elle n’en
résout. C’est dire que nous n’avons guère la prétention d’avoir épuisé le débat, au
terme de ces quelques réflexions sur le développement de l’administration en
93
Afrique noire francophone, à travers le cas camerounais » .
Au regard des accommodations de la gestion des élections au Cameroun, il y a
évolution d’une Administration maître du jeu, à l’illusion d’une Administration hors
jeu qui abouti à une Administration dans le jeu électoral.
Qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, l’action administrative fait toujours sens
dans le processus électoral au Cameroun. Ce qui compte et importe, c’est l’urgence
94
d’une « civilisation des mœurs » administratifs et socio-politiques à la citoyenneté.
Il en est ainsi dans la mesure où un processus électoral réussi est l’affaire de toute la
société politique. Les Commissions nationales électorales indépendantes/autonomes
et les instruments juridiques ne sont pas bons ou mauvais en soi. Une institution peut
être vertueusement produite, mais faire l’objet d’une mauvaise application, comme
elle peut être improprement produite, mais subir des accommodations bienfaisantes
dans la pratique. En ce sens, ce n’est pas l’administration, ni le Code électoral, ni
ELECAM qui noircissent le processus électoral. Ce sont les individus qui en as90
91
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93
94
Article 43 (2) du Code électoral.
Article 44 (1) du Code électoral.
Article 44 (2) du Code électoral.
Roger Gabriel Nlep, L’administration publique camerounaise …, op. cit., p. 375.
Norbert Elias, La civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Levy, 1973.
238
Recht in Afrika 2013
surent la gestion et les autres acteurs du processus électoral animés par des valeurs
autres que républicaines et démocratiques qui ne s’opposent pas en réalité à la
culture africaine. Il faut donc, ici et là, des citoyens, de vrais citoyens, qui savent
qu’ils sont membres d’une république, et ayant des desseins nobles, soucieux de
l’intérêt général, du bien-être de la polis.