Existe-t-il un droit africain de la santé ?

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Existe-t-il un droit africain de la santé ?
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Existe-t-il un droit africain de la santé ?
Michel Bélanger
Université Montesquieu-Bordeaux IV
Michel Bélanger, « Existe-t-il un droit africain de la santé ? » [: 361-369], in
Dominique Darbon et Jean du Bois de Gaudusson (éds), La création du droit en
Afrique, Paris, Karthala, 496 p.
Nous remercions les Éditions Karthala d’avoir autorisé la présentation
de ce document sur le site du Réseau “Droit, Éthique, Santé”
http://www.refer.sn/rds
La notion de droit international régional semble acceptée par la doctrine. Elle l’a été de façon
générale, notamment lors du colloque de Bordeaux de 1976 de la Société française de Droit
international (1977) 1 . Elle l’a été plus précisément, depuis le début du XXe siècle, par référence à
des droits internationaux continentaux, en particulier le droit international américain 2 . On peut,
en ce sens, parler de droit international africain 3 .
Le droit international régional est un ensemble composé de règles de droit conventionnel et de
droit coutumier. Sur le plan de la méthode, les études de droit international régional sont en fait
difficiles à mener, car elles empruntent aussi bien au droit international proprement dit (avec des
règles contenues notamment dans les traités conclus par les États de l’espace géographique
considéré, ainsi que dans les chartes constitutives et les actes des organisations internationales
concernées), qu’au droit comparé ou encore au droit national. L’existence d’organisations
internationales régionales dotées de compétences juridiques, ainsi que la volonté juridiquement
affirmée d’une convergence des systèmes juridiques natio- /p. 362/ naux permettent en effet de
justifier la reconnaissance de certains droits internationaux régionaux 4
2. Peut-on alors considérer qu’il y a des droits régionaux de la santé ? Les techniques de la
régionalisation ne sont pas ignorées du droit international général de la santé, grâce à la structure
régionale de l’Organisation mondiale de la santé, qui emprunte à la fois aux mouvements de
déconcentration et de décentralisation sanitaires internationales (Bélanger, 1985a). On peut
également parler de régionalisme sanitaire international, en tenant compte des activités normatives
des organisations internationales régionales à compétences sanitaires. C’est ainsi que l’effectivité
du droit communautaire (européen) de la santé a été reconnue, à partir des activités normatives de
l’Union européenne en matière de protection de la santé des populations des États membres, et en
tenant compte notamment de l’affirmation de la spécificité des actions communautaires de santé
1
Voir en particulier le rapport introductif de Jean-Claude Gautron (1977, 3-44) et l’étude d’Hérilbert Golsong
(1977, 221-242).
2
Cf. tout particulièrement les travaux d’Alejandro Alvarez (1909, 1907). Voir également Francisco Jose Urrutia
(1928), qui emploie également l’expression de “droit international américain” (198 et sv.). On doit plutôt utiliser
aujourd’hui l’expression de “droit interaméricain” : voir en ce sens Julio A. Barberis (1992).
3
Cf. notamment les travaux du professeur Pierre-François Gonidec (1960 ; 1965 ; 1968, 68-69 ; 1993a ;
1993b, 87 et sv.). Voir également J.C. Gautron (1966), ou encore Joseph-Marie Bipoun-Woum (1968). A.
Alvarez a lui-même écrit : “Il y a aussi un droit international soviétique, un droit international asiatique, un droit
international océanien et même un droit international africain” (1959, 446-447).
4
On ne pourrait ainsi, en l’état, parler encore de droit international asiatique ou de droit international océanien.
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2
par l’art. 129 du traité CE 5 . La réalité d’un droit européen de la santé est aussi établie, en
fonction des activités normatives du Conseil de l’Europe dans le domaine de la santé (Bélanger,
1993). On peut même, semble-t-il, par1er d’un droit interaméricain de la santé 6 , voire évoquer
l’amorce d’un droit océanien de la santé (Bélanger, 1988). Il y a ainsi des droits régionaux
(continentaux ou sous-régionaux) de la santé. On peut même, semble-t-il, distinguer entre un
droit occidental (établi par les pays industrialisés au sein d’organisations internationales propres)
et un droit tiers-mondiste de la santé (élaboré par des pays émergents dans le cadre
d’organisations internationales spécifiques), le premier faisant appel à des normes de type
maximaliste, et le second étant constitué principalement de normes minimalistes (Bélanger,
1989c).
On peut alors envisager l’existence du droit africain de la santé, qui consiste dans l’ensemble
des règles juridiques établies par les organisations internationales et les autorités étatiques
nationales, applicables en Afrique aux actions de santé en vue de la protection des droits de
l’homme et du développement (Mukenge, 1991). Les organisations internationales concernées
sont les organisations régionales africaines (notamment l’Organisation de l’unité africaine), mais
aussi les organisations universelles agissant en Afrique (tout spécialement l’Organisation mondiale
de la Santé, avec sa Région africaine). Il faut souligner l’importance de la /p. 363/ liaison entre
santé et développement 7 . Il convient également d’insister sur le fait que le droit à la santé est un
droit fondamental de l’homme (Monné, 1994). Le droit africain de la santé est un droit en
formation, mais est déjà constitué d’un corpus juridique relativement fourni.
On doit se demander si des règles juridiques équivalentes, sinon communes, peuvent être
appliquées dans le domaine de la santé sur le continent africain. Il s’agit d’un problème de
spécificité. L’originalité du droit africain de la santé doit en réalité être recherchée à travers sa
mixité, c’est-à-dire en tenant compte des diverses influences internes et externes qui marquent son
élaboration. Une analyse d’ordre statique montre que le contenu actuel du droit africain de la
santé obscurcit sa spécificité. Mais une vision dynamique amène à considérer que le processus de
renforcement de ce droit tend à en accroître la spécificité.
Le contenu actuel du droit africain de la santé en obscurcit la spécificité
Des facteurs multiples, notamment externes, ont façonné les législations sanitaires nationales
actuelles des États africains. Le droit africain de la santé présente ainsi deux caractères principaux,
apparaissant comme étant à la fois marqué par les conceptions occidentales de la protection
sanitaire et lié aux contraintes imposées par l’aide sanitaire internationale.
A. Un droit marqué par les conceptions occidentales de la protection sanitaire
Le droit africain de la santé est marqué par un phénomène de mimétisme juridique global, qui
s’exprime tout particulièrement sur trois plans : celui des mécanismes juridiques, celui des
structures administratives et celui des activités normatives.
En premier lieu, la tendance au mimétisme institutionnel en matière sanitaire s’établit au
travers de l’organisation des ministères nationaux de la Santé publique (MSP) (comme pour le
Burkina Faso avec le décret n° 86/144/CNR/PRES/SAN du 30 avril 1986 portant organisation du
/p. 364/ ministère de la Santé) 8 Elle se retrouve avec le découpage du territoire étatique en
5
Cf. nos recherches sur le droit communautaire de la santé (Bélanger, 1985b ; 1989a ; 1993) ainsi que sur le
droit international général de la santé (1983 ; 1989b ; 1996).
6
La première organisation intergouvernementale à objet sanitaire a été historiquement le Bureau sanitaire
panaméricain, qui a été créé en 1902 (sous le nom de Bureau sanitaire international en Amérique), et les vingt et
un États du continent américain adoptèrent à La Havane, dès 1924, un Code panaméricain de la santé.
7
On peut citer en particulier, pour l’Afrique, l’initiative d’Accra, de décembre 1991, issue du Forum
international sur la santé-condition du développement économique. On sait aujourd’hui que le concept de
développement doit, au plan international, être entendu globalement (à travers ses dimensions économique,
politique, sociale, environnemenale...).
8
Rec. Internat. de Législ. Sanit., 1990, n° 2, p. 256.
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3
régions sanitaires (comme pour le Mali avec le décret n° 90-264/PRM du 5 juin 1990 portant
création de services régionaux et subrégionaux de la santé et des affaires sociales) 9 . Une certaine
confusion s’établit toutefois dans la mise en œuvre des concepts de déconcentration et de
décentralisation sanitaires 10 . La question de l’intervention de l’État en Afrique en matière de
santé reste posée, se traduisant à la fois par la volonté d’un contrôle direct (par exemple avec la
constitution d’une pharmacie d’État, comme en République Centrafricaine avec le décret n° 88139 du 21 avril 1988 portant statuts de la pharmacie d’État) 11 , et la nécessité d’une certaine
autonomie des collectivités locales et communautés de base pour assurer le financement d’actions
de santé.
En second lieu, en ce qui concerne les structures sanitaires, on peut rappeler le choix initial
d’un système hospitalier fondé sur le centre hospitalo-universitaire (CHU), ce qui vérifie le fait
que « l’hôpital en Afrique crée une rupture avec le milieu socioculturel traditionnel » (Mobiot,
1990, 42). Un mimétisme structurel équivalent se retrouve avec la mise en place d’écoles
nationales de la santé publique (ENSP) (comme en Mauritanie avec le décret n° 89-045 du 22
février 1989 fixant l’organisation et les règles de fonctionnement de l’École nationale de la santé
publique) 12 .
En troisième lieu, pour ce qui est des activités normatives sanitaires, un mimétisme fonctionnel
se remarque aujourd’hui en particulier en matière de lutte contre le Sida, comme au Sénégal avec
l’arrêté n° 001291/MSP/CAB/CTI du 2 février 1990 portant création d’un Comité national
pluridisciplinaire de prévention du Sida 13 .
On peut ajouter — et ce serait un quatrième plan, certes moins juridique — qu’une sorte de
mimétisme éthique et/ou déontologique se traduit par l’établissement de codes nationaux
comportant des règles applicables aux professions de santé (par exemple en Côte-d’Ivoire avec la
loi n° 88-683 du 22 juillet 1988 instituant un code de déontologie des vétérinaires 14 ).
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B. Un droit lié aux contraintes imposées par l’aide sanitaire internationale
La coopération internationale pour le développement sanitaire des pays d’Afrique a assuré,
dans une certaine mesure, la pérennité du mimétisme. L’aide institutionnelle extérieure est
assurément diversifiée, avec une conjonction de l’aide bilatérale (aide publique au développement
sanitaire) et de l’assistance multilatérale (avec les OIG à objet et à compétences sanitaires et les
OING sanitaires). Elle participe pourtant au mouvement de codification du droit africain de la
santé. Elle exerce une influence de type juridique, qui va dans le sens de l’unification de la
législation sanitaire internationale (correspondant au phénomène actuel de mondialisation du
droit).
Cette influence s’exprime de trois façons. D’abord par l’utilisation d’un langage juridique
commun. Ensuite par l’établissement d’un modèle commun de développement sanitaire faisant
appel aux mêmes concepts (système de santé, planification sanitaire, évaluation sanitaire, etc.).
Enfin par une construction normative pluridirectionnelle (hygiène, lutte contre les maladies,
protection catégorielle des personnes, etc.).
L’assistance juridique internationale en matière sanitaire influence la codification du droit
africain de la santé. Elle contribue au renforcement normatif, ce qui se vérifie au travers des
nombreux codes de la santé qui sont élaborés en Afrique depuis le début des années 1990. On
peut considérer que l’aide bilatérale (en particulier celle de la France) et l’assistance technique et
financière apportée par les organisations du système des Nations Unies (l’OMS, ou encore la
FAO, l’OIT, le PNUD, la Banque mondiale...) participent au mouvement d’unification du droit
africain de la santé, dans le sens de la défense des droits de l’homme et du développement. Les
9
Rec. Internat. de Législ. Sanit., 1993, n° 4, p. 457.
Voir à ce propos l’étude commandée par l’OMS et rédigée par Anne Mills et al. (1991), en particulier le
rapport général d’A. Mills (ibid., 9-48, notamment p. 16), ainsi que les applications en Afrique décrites par JeanMichel Ndiaye (ibid., 131-139) et Edward T. Magnu (ibid., 51-62).
11
Rec. Internat. de Législ. Sanit., 1992, n° 1, p. 143.
12
Rec. Internat. de Législ. Sanit., 1991, n° 3, p. 456.
13
Ree. Internat. de Législ. Sanit., 1990, n° 3, p. 471.
14
Rec. Internat. de Législ. Sanit., 1990, n° 2, p. 307.
10
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4
États de la Région africaine de l’OMS (AFRO) ont ainsi tous signé la Charte du développement
sanitaire de la Région africaine d’ici à l’an 2000, adoptée par le Comité régional OMS de
l’Afrique le 24 septembre 1979 à Maputo. Ce texte s’inscrit dans la poursuite de la santé pour
tous d’ici l’an 2000 (2 e considérant) et se réfère à la définition positive générale de la santé (4e
considérant) (Dabo, 1990).
Le droit africain de la santé s’inscrit donc dans le cadre de l’évolution du droit international
général de la santé. Il subit ainsi de multiples influences, ce qui réduit d’autant sa spécificité. Mais
cette dernière n’est pas définitivement perdue. Elle semble au contraire devoir être
progressivement reconnue.
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Le processus de renforcement du droit africain de la santé
tend à en accroître la spécificité
Le renforcement du droit africain de la santé passe par une meilleure utilisation d’éléments
endogènes. Les initiatives sur le plan juridique vont dans deux directions, à savoir la prise en
compte des données culturelles africaines en matière sanitaire et la recherche d’une plus grande
autonomie de l’action sanitaire.
A. L’effort de prise en compte, sur le plan juridique, des données culturelles africaines
en matière sanitaire
La prise en compte des données culturelles par le droit africain de la santé se fonde sur la
conception positive de la santé. Cette conception s’exprime grâce à tout un arsenal juridique axé
sur les soins de santé primaires (SSP), dans le cadre général de la stratégie OMS de la santé pour
tous d’ici l’an 2000. Les divers organismes mis en place dans la Région africaine de l’OMS
(Comité consultatif africain de la recherche médicale, Comité consultatif africain pour le
développement sanitaire, Groupe africain de ressources santé/2000, etc.) sont mobilisés à cette fin.
Un certain nombre d’États africains avaient déjà engagé des politiques de SSP bien avant la
Déclaration d’Alma-Ata de l’OMS-UNICEF, comme le Niger (dès 1963 avec les “ secouristes
hygiénistes ”) ou la Tanzanie (à partir de 1972). Les textes juridiques nationaux ont abouti à
généraliser cette politique en Afrique (comme au Nigeria avec le décret n° 61 du 24 novembre
1992 relatif aux praticiens de soins de santé communautaires) 15 . Cette construction juridique, qui
est adaptée aux réalités africaines, se traduit notamment par l’établissement de structures de
proximité (postes de santé primaires, cases de santé...), et oriente l’action administrative vers la
mise en place de districts sanitaires.
On peut parler de politique africaine des SSP avec l’Initiative de Bamako, qui correspond à
l’ensemble des actions entreprises à la suite de l’acceptation de l’OMS et de l’UNICEF en
septembre 1987 d’entériner la décision des chefs d’État africains prise dans le cadre de l’OUA et
visant à mobiliser des fonds pour améliorer les soins de santé maternelle et infantile par une
accélération de la mise en œuvre des SSP en Afrique au niveau du district. La coopération
sanitaire entre pays en développement (CSPD) d’Afrique s’appuie sur ce cadre normatif.
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Un autre aspect, plus complexe, de la prise en compte des données culturelles africaines en
matière sanitaire peut être souligné, qui correspond à une limitation des pratiques culturelles
jugées néfastes pour la santé. L’action juridique engagée peut être globale, comme par exemple
au Niger avec l’arrêté n° 09/MAS/PF du 8 juillet 1990 portant création d’un Comité nigérien de
lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes (CONILPRATNE) 16 Elle peut également être
particulière, avec notamment la lutte contre les mutilations sexuelles féminines, comme par
exemple au Burkina Faso avec le kiti n° AN-VII-318 FP.SAN.AS.SEAS du 18 mai 1990 portant
création d’un Comité national de lutte contre la pratique de l’excision au Burkina Faso 17 .
15
16
17
Rec. Internat. de Législ. Sanit., 1993, n° 4, p. 632.
Rec. Internat. de Législ. Sanit., 1992, n° 3, p. 494.
Rec. Internat. de Législ. Sanit., 1993, n° 2, p. 260.
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B. L’effort d’autonomie juridique de l’action sanitaire en Afrique
La construction juridique d’une politique sanitaire autonome en Afrique est envisagée sur
deux plans : le plan institutionnel et le plan normatif.
La lisibilité institutionnelle africaine dans le domaine sanitaire reste encore insuffisante.
Plusieurs organisations régionales ou régionalisées exercent des activités sanitaires, qui établissent
ainsi une certaine division internationale du travail sanitaire (DITS) en Afrique. La Région
africaine de l’OMS est assurément une institution fédérative. Il en est de même pour l’OUA, qui
dispose de compétences d’ordre sanitaire 18 . On doit citer également la Ligue arabe 19 ,
mentionner le Traité d’Abuja du 3 juin 1991, qui donne à la Communauté économique africaine
des compétences en matière de santé 20 , ou encore évoquer la création à Abidjan, le 21 novembre
1994, d’une ONG portant l’appellation de Médecins d’Afrique.
Les faiblesses normatives du droit africain de la santé doivent également être soulignées.
L’établissement de normes sanitaires internationales /p. 368/ générales adaptées aux réalités
africaines est engagé au plan du continent africain avec l’adoption de plusieurs textes dans le
cadre de l’OUA, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples 21 et la
Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant 22 Cet effort d’adaptation traduit non
seulement la recherche d’une application de normes internationales générales (concernant la
protection des droits de l’homme, ainsi que la politique des SSP), mais aussi la volonté d’une
autonomie. Cette dernière tendance apparaît en particulier en ce qui concerne des questions
importantes comme les médicaments essentiels (avec par exemple en Guinée la loi
n° L 94/012/CTRN du 22 mars 1994 portant législation pharmaceutique) 23 et la
commercialisation des substituts du lait maternel (avec par exemple au Sénégal l’arrêté
interministériel n° 005969/MSAS/MCA du 25 juillet 1994 fixant les conditions de
commercialisation des substituts du lait maternel) 24 . Il est certain que les normes fonctionnelles
(comme celles qui sont mises en œuvre pour la protection immédiate de la santé) sont appliquées
plus aisément que les normes cadre relatives à la défense des libertés publiques.
Des normes spécifiquement africaines sont aussi établies, touchant notamment à la
pharmacopée, et plus largement à la médecine traditionnelle. Le Plan de Lagos, du 9 avril 1980,
prévoit lui-même d’encourager la recherche sur la médecine traditionnelle. L’OUA a d’ailleurs
adopté plusieurs résolutions en la matière 25 Les États africains mettent donc en place une
législation spécifique dans ce domaine (par exemple au Niger avec l’arrêté n° 32/MSP/AS/CF du
31 mars 1989 portant création d’un Comité d’études de la médecine et de la pharmacopée
traditionnelles) 26 .
Le droit africain de la santé est composé de strates multiples, qui sont parfois contradictoires.
Mais il ne se produit pas vraiment de rupture entre les divers éléments. Son renforcement est lié à
18
D’après l’al. 9 du préambule de la Charte de l’Organisation, ainsi que l’art. 2 §2.d/et l’art. 20 §2. L’OUA
possède une Commission de l’éducation, de la science, de la culture et de la santé, et a adopté un certain nombre
de résolutions concernant la santé : cf. Bofwa Mukenge (1987).
19
La Ligue des États arabes dispose d’un Comité d’hygiène, et a mis en place une Organisation arabe du Travail.
20
L’art. 73 de ce traité établit une base juridique spécifique pour des actions communautaires africaines dans le
domaine de la santé. 1 : « Les États membres conviennent de promouvoir et de renforcer leur coopération dans le
domaine de la santé » ; 2 : « À cette fin, ils s’engagent à coopérer en vue notamment de développer les soins de
santé primaires et de promouvoir la recherche médicale, et plus particulièrement dans les domaines de la médecine
traditionnelle et de la pharmacopée africaine ».
21
Adoptée à Nairobi le 27 juin 1981, et entrée en vigueur le 21 octobre 1986, la Charte comprend un art. 16
reconnaissant le droit à la santé. Voir René Degni-Ségui (1991), R. N. Kiwanuka (1988), Fatsah Ouguergouz
(1993).
22
Adoptée à Addis-Abeba le 11 juillet1990, cette Charte, qui consacre son art. 14 à la santé et aux services
médicaux, complète la Déclaration sur les droits et le bien-être de l’enfant, qui avait été établie à Monrovia le 20
juillet 1979. Voir H. Gherari (1991).
23
Rec. Internat. de Législ. Sanit., 1994, n° 4, p. 537 (voir le chap. I du Titre I du Livre I).
24
Rec. Internat. de Législ. Sanit., 1995, n° 1, p. 74.
25
Notamment la résolution du ler mars 1981 sur les médecines traditionnelles et les plantes médicinales. La
première pharmacopée africaine a été publiée en 1985 : voir J.F. Royer(1985, 787 et sv.).
26
Rec. Internat. de Législ. Sanit., 1990, n° 2, p. 332.
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6
la recherche de sa spécificité. On peut en trouver une application significative en ce qui concerne
la reconnaissance du droit à la santé, qui a pu être analysé jusqu’à présent comme étant
principalement le droit à l’accès aux soins de santé. On peut /p. 369/ alors avancer, en référence à
la législation sanitaire en Afrique, que ce droit est lié également à la culture sanitaire. Il revient
ainsi au juriste, en Afrique comme ailleurs, de réussir la synthèse entre tradition et modernité.