Vandoeuvre

Transcription

Vandoeuvre
L’Urbanisme au début du 20ème siècle
Architectures deenMeurthe-et-Moselle
Meurthe-et-Moselle
Le quartier de Brichambeau
à Vandoeuvre-lès-Nancy
C.A.U.E.
les itinéraires du
Conseil d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement de Meurthe et Moselle
Itinéraire proposé
Cet itinéraire a été créé dans le cadre des Journées européennes du Patrimoine 2015, en lien avec la commémoration du centenaire d'Henri Prouvé. Des vues anciennes ont été implantées in situ et sont numérotées sur le plan ci-dessous. Elles montrent les
mêmes lieux quelques années auparavant. La disparition prévisible de ces panneaux ne rend pas pour autant caduc cet itinéraire
qui a pour vocation de mieux faire comprendre l'intérêt et la qualité de ce lieu d'expérimention urbaine et architecturale.
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Départ de
la visite
Ce quartier doit son nom au ruisseau présent sur le site et au château du XVIIème siècle qui sera détruit lors de la réalisation de ce nouvel
ensemble résidentiel développé en pleine crise du logement. En effet, au sortir de la seconde Guerre mondiale, la ville de Vandoeuvre-lèsNancy, entame un accroissement démographique vertigineux qui portera son nombre d’habitants d’environ 5000 en 1946 à près de 34 000
en 1975. Les familles sont modestes et les demandes en logements à loyer modéré sont très importantes et constituent de longues listes
d'attente. Le Département vend le terrain sur le lieu-dit « Brichambeau » à condition d'y réaliser une importante opération de logements HLM.
1à10
La construction du quartier en plusieurs tranches (1954-1961)
Plan de masse - G. Schmit & H. Prouvé - Vers 1951
(© Fonds H. Prouvé - Archives départementales de Meurthe-et-Moselle)
C'est la société coopérative de construction « La Maison familiale lorraine » qui, avec la ville et l'association diocésaine, acquiert la parcelle de
27 ha. Ses sociétaires, beaucoup d'employés de l’Etat, bénéficient alors du système de la location-attribution. Ils sont d’abord locataires, puis
après avoir remboursé leur prêt, au bout d’une période oscillant entre 15 et 25 ans, deviennent propriétaires de leurs maisons.
Le projet est confié en 1950 à l'architecte-urbaniste Gaston Schmit de Toul, qui profite de l'occasion pour ouvrir une agence à Nancy en
association avec Henri Prouvé. Ce dernier travaillait jusque là chez son frère aîné Jean, notamment sur le célèbre projet de maisons à Meudon.
Leur premier plan de masse du projet, daté de 1951, parle de 500 logements, répartis pour moitié en maisons individuelles jumelées ou en
bande. Les 250 autres logements devaient être regroupés dans un unique immeuble de duplex, fortement inspiré par les unités d'habitation
de Le Corbusier. Les logements collectifs seront finalement confiés à un autre architecte, sous une autre maîtrise d'ouvrage, la Société des
HLM de l'Est, à qui la « Maison familiale Lorraine » vendra le terrain en 1954.
Le plan ci-dessus montre le projet tel qu'il a été pensé par Gaston Schmit et Henri Prouvé. A l'est, en bordure de la nationale, les maisons
individuelles seront construites en deux tranches, selon une implantation proche du dessin. Par contre, les jardins privés seront agrandis,
diminuant d'autant les généreux espaces publics que les architectes avaient imaginés. La troisième tranche concernera les maisons situées
au sud-ouest de la parcelle. Leur implantation différera du plan de 1951. Au centre, le groupe scolaire (3-4-5) sera bien construit par les
architectes selon l'esprit de ce plan. Au nord de l'école, les architectes avaient imaginé une place centrale bordée de commerces (6), une
unité d'habitation (7) et un centre culturel (8). Notons que le château de Brichambeau (9) était conservé dans un écrin de verdure située à
l'entrée du quartier. C'est toute cette partie qui sera vendue à la Société des HLM de l'est qui décidera d'un projet différent. Le centre paroissial
(10) sera bien construit à l'endroit prévu, mais le plan carré se transformera en ovale.
Croquis - G. Schmit & H. Prouvé
1
L'église Saint-François d'Assise (1959-1961)
La consécration en 1961 de l'église Saint-François d'Assise, conçue par Henri Prouvé, marque l'achèvement de la réalisation du quartier
pavillonnaire Brichambeau. Le programme défini par l’abbé Louyot est polyvalent : il comprend une église, des salles de catéchisme, une
sacristie, une chapelle de semaine et une salle de cinéma.
L’esthétique générale du bâtiment, dominée
par sa forme circulaire singulière et son échelle
monumentale, contraste avec l’orthogonalité
des pavillons alentours. A l’intérieur, les volumes
épurés sont mis en valeur par un décor minimaliste,
jouant sur l’esthétique du béton brut animé par les
scansions verticales et horizontales du coffrage. Un
campanile était prévu, mais ne sera jamais construit
faute de moyens.
Le travail de Françoise Malaprade-Schrepfer (basreliefs), Jean-Marie Benoît (vitraux) et Antoine-René
Giguet (fresque du chœur) confère à cet édifice
une très grande cohérence. Cette construction
sur plan centré, en béton et en métal, se place
dans le respect des préceptes de renouveau de
l'architecture sacrée, initiés durant l'entre-deuxguerres et entérinés avec le concile Vatican II
(1962-1965). Réalisation emblématique d’Henri
Prouvé, l'église est depuis 2012 inscrite au titre des
Monuments Historiques.
Ci-dessus : Extrait de la vie de SaintFrançois d'Assise, vue en bas-reliefs par
F. Schrepfer-Malaprade
Ci-contre : L'église en construction. La charpente métallique
tridimensionnelle repose sur seulement quatre poteaux.
Les parois en béton banché ne sont pas porteuses.
2 à6
Les maisons des deux premières tranches de travaux
Conçues selon un plan-type, les maisons diffèrent
de la première tranche à la deuxième, à quelques
détails près. Il s'agit notamment de la généralisation
du panneau opaque dans le bandeau menuisé du
rez-de-chaussée, côté rue, pour les maisons de la
2ème tranche.
Pour l'essentiel, les plans restent les mêmes. Des
murs de refends mitoyens séparent les propriétés.
En saillie, sur les façades-rue comme du côté des
jardins, ils rythment verticalement les bandes de
maisons. Entre ceux-ci, les façades s'étirent selon
une composition horizontale. Les allèges, en
maçonnerie enduite et les bandeaux menuisés,
intercalant vitrages et panneaux opaques. A
l'origine ceux-ci étaient de couleurs vives, tout
comme les façades des rez-de-chaussée étaient
toutes en retrait de l'étage, offrant ainsi un abri
naturel devant la porte d'entrée.
Ci-dessus : Maison de la 1ère tranche , rue des Capucines (Photo vers fin années 1970)
Ci-dessus : Relevé en élévation et en coupe d'une façade-rue d'une maison de la 1ère tranche de travaux.
Ci-dessous : Vue sur l'arrière de l'ensemble de 8 maisons en bande construites lors de la 2ème tranche de travaux, allée des Mimosas.
En premier plan, acheminement d'une pièce de la structure métallique de l'église en construction (Photo vers 1960)
L'un des objectifs premiers de ce projet était de
construire de petites maisons économiques et
agréables à vivre qui permettent à des employés
modestes d'accéder à la propriété. Les architectes
ont donc chercher à rationaliser la construction,
sachant que la réalisation en série permettait
de substantielles économies. Celles-ci ont été
également recherchées auprès des habitants qui
ont contribué à la construction.
Ci-dessus : Plan-type du rez-de-chaussée d'une maison de la 1ère tranche de travaux
(© Fonds H. Prouvé - Archives départementales de Meurthe-et-Moselle)
Les murs de refends sont en moellons et les allèges
en façade sont en brique. Les menuiseries étaient
à l'origine toutes en bois et la toiture en aluminum
à un pan utilise un procédé de Jean Prouvé. Les
sociétaires ont pu choisir la qualité des finitions et
des équipements en fonction de leur budget. Les
premières esquisses montrent que les architectes
auraient souhaité davantage construire en utilisant
des éléments industrialisés, mais ils ont dû y
renoncer.
Toujours dans un objectif d'économie, le plan est
lui-même rationalisé. Les espaces sont justement
dimensionnés et distribués de façon à perdre le
moins possible de surfaces dans les circulations.
Ce que démontrent H. Prouvé et G. Schmit dans
ce projet, c'est que l'économie ne doit en aucun
cas être synonyme de piètre qualité architecturale.
En plus de pousser la réflexion de l'agencement
de ces maisons et de leur rationalité constructive,
les architectes, urbaniste pour Gaston Schmit qui
fut un architecte de la Reconstruction, propose ici
un véritable projet urbain. Longtemps, les deux
premières tranches ont été considérées par leurs
habitants comme un village. Toutes les maisons
sont orientées sud-ouest ou sud-est pour bénéficier
d'un bon ensoleillement et les concepteurs ont
travaillé l'implantation de celles-ci de façon à en
minimiser les vis-à-vis.
Ci-dessus : 1ère tranche de construction, allée des Bruyères (photo vers 2009)
7
Le réseau viaire du quartier est très hiérarchisé, de
l'avenue au sentier piéton, en passant par l'allée, la
ruelle ou la placette. Même si les voitures étaient
rares en 1953 dans ce quartier, les architectes
avaient prévu des garages et du stationnement.
Le groupe scolaire Paul Bert
Ci-dessus : Les écoles maternelle et élémentaire (Photo vers fin années 1970)
Le groupe scolaire Paul Bert fait partie intégrante
de la construction du nouveau quartier. Les plans
de 1954, font apparaître le groupe scolaire en face
de la première tranche des maisons individuelles.
L'école est composée de trois corps de bâtiments
en éventails : l'école de filles, l'école de garçons
et la maternelle qui seront reliés à l'ouest par un
bâtiment sur trois niveaux faisant le lien entre le
nouveau quartier et le reste de la ville.
Le bâtiment sur vide sanitaire est composé d'une
structure primaire en maçonnerie, fermée par une
charpente et couverture métallique à un pan qui
s'ouvre au sud par la façade sur cour, entièrement
vitrée. Une avancée de toiture, faisant apparaître
le rythme de la charpente, assure une protection
solaire minimum. Les menuiseries en bois sont
divisées en cinq travées verticales, le découpage
horizontal a fait l'objet d'une série de dessins pour
finir par une alternance de petits et grands vitrages manipulables. La partie haute est fermée par des grilles de ventilations. Les salles de
classes sont éclairées transversalement grâce aux bandeaux vitrés sur la façade intérieure et la circulation. La radicalité et la justesse de cette
architecture en fait un modèle intemporel.
8
Les immeubles collectifs de la Société des HLM de l'Est
La Société des HLM de l'est, dont le directeur,
Claude Coulais, n'est autre que le directeur de la
Maison familiale lorraine, achète une partie du
terrain. Elle y implante quatre immeubles collectifs,
dont l'Aubisque, de dix étages, qui sera détruit au
début des années 1980. Si Henri Prouvé aurait
voulu être le concepteur du projet, afin de maîtriser
la cohérence de l'ensemble du quartier, il semble
que la maîtrise d'ouvrage lui ait préféré un autre
architecte, qui pourrait être Philippe Mazerand.
Ci-contre : Un des quatre immeubles collectifs.
A droite, la structure métallique orange est celle de l'église
en construction. (Photo vers 1960)
10
La ferme-château de Brichambeau
La ferme de Brichambeau est démolie vers 1958.
La maison de maître, coiffée d'une toiture-pavillon
en ardoise, aurait été « érigée en fief par le duc de
Lorraine Charles IV en faveur de la veuve de Pierre
Perrin, un fidèle serviteur de ce prince. »*
Il semble que le besoin crucial en logements ait fait
fi de la valeur historique et architecturale de cet
élément important du patrimoine local.
* Jeanne DEROCHE : "L'église Saint-François d'Assise à
Brichambeau" - Ville de Vandoeuvre-lès-Nancy
9
Les maisons de la troisième tranche de travaux
Les travaux de la dernière tranche de maisons
débutent en 1955. Contrairement aux pavillons
des premières tranches qui étaient regroupées par
nombre pair, les bandes sont composées dans cette
tranche selon des nombres impairs, de trois à neuf
maisons. Elles sont toujours orientées au sud-est
ou au sud-ouest, ce qui crée un jeu de redents sur
l'avenue des Jonquilles. Toujours dans l'idée d'éviter
les vis-à-vis, les longues bandes de maisons de la rue
Glaïeuls font face à des ruelles perpendiculaires en
impasse desservant chacune trois pavillons.
L'architecture elle aussi a évolué. Finis les refends
en saillie, c'est maintenant un volume toute hauteur
qui ressort tant sur la façade-rue que sur celle
donnant sur le jardin. L'entrée est couverte par un
petit auvent en béton.
...
Et maintenant...
Le temps, et spécialement ces dernières années, a également fait évoluer cette architecture. Si, dans les années 1950, ces maisons étaient
considérées comme pratiques, confortables et que les séjours étaient jugés suffisamment grands, les modes de vie ont changé et l'on se
sent plutôt à l'étroit aujourd'hui dans ces maisonnettes. Les propriétaires cherchent donc à gagner quelques mètres carrés en repoussant
la façade de la cuisine, en créant une nouvelle pièce côté jardin... Ils veulent également mieux maîtriser l'énergie et l'isolation thermique
par l'extérieur s'avère un choix judicieux pour ne pas perdre encore de surface à l'intérieur des logis. Malheureusement, ces interventions
reflètent presque systématiquement une incompréhension de la logique architecturale de cet ensemble. La maçonnerie s'invite telle une
intrue dans les bandeaux menuisés, les retraits ou les saillies en façades s'effacent au profit d'un mur plat sans modénature et sans caractère...
Les transformations doivent donc être accompagnées pour ne plus dénaturer cet ensemble résidentiel qui, avec les nouvelles
prises en compte de développement durable, réaffirme aujourd'hui sa modernité. La densité des constructions en lutte contre
l'étalement urbain, la compacité des volumes évitant les surfaces de déperdition thermique, le bon ensoleillement comme précepte
du bioclimatisme, le rattachement du quartier au réseau de transport en commun... tout confère à ce projet une réponse d'une
actualité criante. On se rêve à penser qu'un élan collectif participatif s'empare à nouveau de ce quartier, pour lancer un projet de
réhabilitation inspiré de ce même souci d'audace et de qualité dont ont fait preuve Gaston Schmit et Henri Prouvé.
Extrait de l'étude du CAUE pour la ville de Vandoeuvre, en partenariat avec le STAP 54
sur la réhabilitation énergétique des maisons de Brichambeau - 2015
(A. Com architectes, EECO bureau d'études énergétique)
Document réalisé en septembre 2015 par Catherine Ruth, architecte-conseiller au CAUE 54,
en partenariat avec Lucile Pierron chercheur associé au LHAC (ENSarchitecture de Nancy) pour l'Eglise
et Caroline Leloup, architecte et vice-présidente de la Maison de l'architecture de Lorraine, pour l'école.
Photos récentes : Catherine Ruth, Caroline Bauer, A.Com architectes (CAUE) - Lucile Pierron ; Photos anciennes : Auteurs inconnus.
Plans anciens : Gaston Schmit et Henri Prouvé © Fonds H. Prouvé - Archives départementales de Meurthe-et-Moselle.
Relevé en élévation et en coupe d'une façade-rue de maison : Alexandre Scalabrino et Jean-Christophe Matt, agence A.Com architectes.
REMERCIEMENTS à Marie-Thérèse Remy, Claude Schrepfer et Jean-Marie Simon.
CAUE de Meurthe-et-Moselle - 48 esplanade Jacques Baudot - CO.900 19 - 54035 Nancy - Tel : 03 83 94 51 78 - www.caue54.com

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