Le journalisme d`investigation Le data

Transcription

Le journalisme d`investigation Le data
Le journalisme d'investigation
Le data-journalisme est sans aucun doute lié à cette forme de journalisme dont il est difficile de
trouver une définition qui fasse l'unanimité au sein de la profession.
Selon un sondage de Bakchich.info 55,5% des journalistes estiment que le journalisme
d'investigation est une spécialisation de quelques journalistes et 44,5% estiment qu'il s'agit plutôt
d'une compétence de toute la profession.
Le scandale du Watergate place le journalisme d'investigation au cœur de la scène. L'affaire
démarre grâce à des révélations du Washington Post en 1972.
En France de 2000 à 2006, l'émission 90 Minutes est un immense succès sur Canal +.
« [L'investigation], c'est un journalisme de combat qui ne se contente pas de décrire, mais aussi
d'interpeler. Un journalisme qui ne craint pas de choisir ses causes et qui doit rester un des outils
de contre-pouvoir de la société » Paul MOREIRA, créateur du magazine. Propos publiés dans
Bakchich.info, Le journalisme d'investigation : comment ça marche ?- 31 Decembre 2009
Ce journalisme est cependant depuis quelques temps mal vu en France.
« Dans un sondage publié le 24 janvier 2001 dans Télérama, les Français font même de
l'investigation l'une des causes premières de méfiance envers les médias en général » Bakchich.info,
Le journalisme d'investigation : comment ça marche ? -31 Decembre 2009
Innovations technologiques et nouveaux modèles économiques
« La crise économique que traversent les médias trouve sa source dans la faillite du modèle biface
qui prévalait jusque-là. […] les contenus journalistiques étaient – et sont encore – financés par un
mélange de paiement par le consommateur et par les annonceurs publicitaires. » Extrait du rapport
Médias : nouveaux modèles économiques et questions de déontologie publié le 19 Novembre 2010
en intégralité par La correspondance de la Presse.
Le développement du web avec ses coûts de distribution quasiment nuls et l'absence de barrière à
l'entrée a complètement chamboulé le modèle économique des médias.
La plupart des journaux en ligne se tournent vers un financement total par les annonceurs.
Autre conséquence de ce phénomène, la naissance des médias participatifs.
« Plutôt que de tout faire produire par des journalistes professionnels, certains ont tenté d'ajouter,
parfois avec succès, les compétences d'amateurs aux processus de production. Ce mélange […] est
expérimenté en France notamment par Rue89 depuis 2007 » Extrait du rapport Médias : nouveaux
modèles économiques et questions de déontologie publié le 19 Novembre 2010 en intégralité par
La correspondance de la Presse.
MSN organise un colloque de professionnels du secteur de la presse le 13 Avril 2010.
La correspondance de la Presse raconte :
« Les médias traditionnels ont perdu certaines prérogatives, au détriment des « nouveaux médias »
voire des citoyens qui jouent le rôle de journalistes » extrait de La révolution numérique bouscule
les modèles traditionnels du journalisme, 14 Avril 2010.
Le tri de l'information resterait toutefois l'apanage du journaliste professionnel. La mission du
journaliste est de « trouver le signal dans le brouilli » Eric SCHERER, directeur Analyse
stratégique et Partenariats de l'Agence France-Presse. Propos cités par La correspondance de la
presse, 14 Avril 2010.
Le data-journalisme consiste à « mettre en scène l'information sur internet de manière chiffrée et
dynamique grâce à de nouvelles techniques de visualisation interactive qui vont bien au-delà de la
traditionnelle inforgraphie » extrait de La révolution numérique bouscule les modèles traditionnels
du journalisme, La correspondance de la Presse, 14 Avril 2010.
Ce data-journalisme déjà très en vogue aux Etats-Unis serait arrivé en France à cette période(2010)
et soulèverait de nombreux débats dans une profession touchée par une crise.
Crise qui serait due à un certain nombre d'erreurs de la profession notamment :
Le cancer de François Mittérand caché par la profession à la veille de l'élection de 1988
La campagne présidentielle de 2002 où la montée du Front National avait été niée par les
médias.
●
la campagne présidentielle de 2007 où la rupture personnelle entre Ségolène Royal et
François Hollande qui aurait pourtant été un élément décisif dans la campagne
●
●
Source Mediapart.fr, Wikileaks : oui, évidemment, mais. 7 Décembre 2010.
Les défenseurs du data-journalisme
Certains l'acclament en le décrivant comme le gage d'une certaine transparence de la presse ou
encore comme la stratégie la mieux adaptée pour faire face aux évolutions du monde.
« c'est l'avenir en marche » Eric METTOUT, rédacteur en chef de Lexpress.fr, extrait d'un billet
sur le blog Nouvelle Formule cité par La correspondance de la Presse, 14 Avril 2010.
« Le journalisme de données fournit aux lecteurs les sources du travail journalistique, ce qui permet
d'établir une nouvelle relation entre le lecteur et le journaliste. C'est intéressant alors que la presse
perd son audience. » Caroline GOULARD, co-fondatrice d'une start-up de visualisation de
données, Dataveyes. Propos publiés dans La croix, La ronde des chiffres du « journalisme de
données », 23 Octobre 2010.
« une adaptation du journalisme, un métier qui repose toujours sur les mêmes fondamentaux : le
terrain, l'investigation, les rencontres. Mais, avec le data journalisme, le travail peut être enrichi
par le Web social et le partage de l'information. C'est une mise en scène que j'espère vertueuse de
l'information », Nicolas VOISIN, PDG de la société 22 Mars, éditrice du site d'information Owni.
Propos recueilli par le Figaro, parution du 16 Décembre 2010.
« A l'avenir, un journaliste ne pourra plus dire "je ne m'occupe pas de tableurs...", cela fera vraiment
partie de son boulot. (...) », Simon ROGERS, éditeur du Data Blog et du Data Store du Guardian.
Propos recueillis Ziad MAALOUF, RFI le 12 Novembre 2010, publiés par La correspondance de la
Presse, 16 Novembre 2010.
« Le journalisme de données innove surtout grâce à l'interactivité qui permet à l'internaute de tirer
ses propres conclusions sur un phénomène », David CASTELLO-LOPES, journaliste
indépendant. Propos publiés dans La croix, La ronde des chiffres du « journalisme de données », 23
Octobre 2010.
En France des évènements tels que le scandale Bettencourt révélé par Mediapart, confortent les
partisans du data-journalisme sur ce besoin de transparence dans les informations jugées d'utilité
publiques.
Encore faut-il définir où s'arrête l'intérêt public. Selon Mediapart.fr « n'est pas d'intérêt public tout
ce qui relève de la vie privée et s'émancipe du respect des droits de la personne ». Extrait de
Mediapart lance Frenchleaks, 14 Mars 2011.
Un événement très important à noter est les récentes révolutions dans le monde arabe dans
lesquelles les réseaux sociaux et internet ont joué un rôle très important.
« Alors que l'opacité et le secret protégeaient la corruption et l'injustice, l'information s'est révélée
un appel à la liberté. L'Europe en général et la France en particulier ne sauraient se tenir à l'écart de
ce souffle démocratique. » Mediapart.fr, Mediapart lance Frenchleaks, 14 Mars 2011.
Ainsi le mot d'ordre des partisans du data-journalisme la transparence, l'accès à l'information pour
tous est primordial.
« s'agissant des affaires publiques, la publicité doit être la règle, et le secret l'exception ».
Mediapart.fr, Mediapart lance Frenchleaks, 14 Mars 2011.
Les détracteurs du data-journalisme
Le data-journalisme a également ses détracteurs qui pour certains annoncent qu'il représente un
certain déclin du journalisme. Pour d'autres encore le problème résiderait dans cette obsession de la
transparence.
« Nos confrères américains et grands-britons ne jurent plus que par cette dérive scientiste qui est un
peu au journalisme ce que la police scientifique est à la maison Poulaga (..) cette tendance à
vouloir objectiviser à outrance la réalité me donne la chair de poule. Car précisément, le
journalisme c'est d'abord affaire de chair ! Une belle plume pour décrire le réel avec des morceaux
d'humanité dedans vaut bien mieux que tous les tableaux Excel du monde. Le métier de journaliste
c'est d'abord raconter les ressorts d'une actualité en répondant le mieux possible aux fameux (...) :
Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? (...). Or les chiffres à eux seuls sont bien incapables de
répondre à ce questionnement qui est à la base de tout article normalement constitué. » JeanChristophe FERAUD, chef du service High-Tech & Médias des "Echos" - Blog "Sur mon écran
radar" du 9 février 2010.
« Le data-journalisme ne raconte pas d'histoire, il donne une photographie d'un moment donné, qui
peut venir en appui d'une narration. » Jean-Christophe FERAUD. Propos publiés dans La croix,
La ronde des chiffres du « journalisme de données », 23 Octobre 2010.
« La transparence illimitée, c'est la Chine de Mao ». Hubert VEDRINE, ancien ministre des
affaires étrangères. Propos publiés dans Mediapart.fr, Wikileaks : oui, évidemment, mais. 7
décembre 2010.
Des exemples de data-journalisme
CNN offre une carte du monde des victimes en Afghanistan. Des points représentent les victimes et
on peut avoir comme information les causes de la mort. Une carte de l'Afghanistan mise en parallèle
localise le lieu du décès.
Le New-York Times utilisant des chiffres de la police municipale a établi une carte des homicides
qui ont été commis depuis 2003. Des données comme l'âge, le sexe, l'origine ethnique de la victime
ou de l'agresseur sont disponibles.
Le Guardian donne la possibilité aux citoyens britanniques d'avoir accès aux dépenses du
gouvernement et ce avec un degré de détail impressionnant. Chacun peut même se mettre dans la
peau du ministre du budget et simuler des modifications budgétaires à certains postes de dépenses.
Ces trois premiers exemples sont tirés de Le « journalisme de données » en trois exemples, Agence
France-Presse, 16 Novembre 2010.
Un groupe de citoyens français a créé le site Nosdeputes.fr qui scrute l'assiduité des élus à
l'Assemblée Nationale. Source La ronde des chiffres du « journalisme de données », La Croix, 23
Octobre 2010.
FIGARO ECONOMIE Médias
Owni, une mise en scène de l'information
16 décembre 2010
Le Figaro
FIGARO (c) Copyright 2010 Le Figaro.
Nicolas Voisin, PDG de la société 22 Mars, éditrice du site d'information Owni, était hier l'invité du
« Buzz Média Orange-Le Figaro ».
INTERNET Le 30 octobre, Owni est devenu le premier site d'information français à recevoir un
prix décerné par l'Online News Association à Washington. Cela récompense le travail d'un site fer
de lance du « data journalism » (journalisme de données). « Owni avait développé une application
pour sortir les informations de WikiLeaks sur la guerre en Afghanistan. Julian Assange nous a
demandé de développer une interface pour les révélations sur l'Iraq Warlogs. Nous l'avons rencontré
à Londres pour cela » , explique Nicolas Voisin. Owni est à la fois une société de développement
d'outils informatiques et un site d'information. « Nous sommes avant tout un éditeur de presse,
mais notre économie est originale . L'activité économique de développeur précède celle de média.
Pour nous, l'information est »non-profit*, gratuite, sans abonnement ni publicité. Et, par ailleurs,
nous réalisons des interfaces, des applications, des sites Web. Nous monétisons donc le contenant,
pas le contenu. »
« Data journalism » L'information doit-elle être gratuite ? « L'information de qualité et
indépendante coûte tellement cher que s'en remettre à sa seule audience ou aux annonceurs ne me
paraît ni éditorialement ni économiquement le meilleur moyen d'exploiter les possibilités des
nouvelles technologies ou du travail en réseau », estime Nicolas Voisin. Owni emploie 25
personnes, journalistes, développeurs et designers. Cette année, la société devrait réaliser un chiffre
d'affaires de 600 000 euros et espère atteindre 1,5 million d'euros l'an prochain. « Nous faisons une
deuxième levée de fonds d'un montant de 1,5 million d'euros (sur une valorisation de la société à
10 millions d'euros). La précédente levée de fonds de 340 000 euros a été souscrite par des
investisseurs comme Xavier Niel et Marc Simoncini. Nous détiendrons toujours un peu plus de
70 % du capital » , assure-t-il. Faut-il opposer « data journalism » et journalisme traditionnel ?
« C'est plutôt une adaptation du journalisme, un métier qui repose toujours sur les mêmes
fondamentaux : le terrain, l'investigation, les rencontres. Mais, avec le data journalisme, le travail
peut être enrichi par le Web social et le partage de l'information. C'est une mise en scène que
j'espère vertueuse de l'information », explique Nicolas Voisin. Autre exemple, The Daily Telegraph
a révélé le scandale des notes de frais en Grande-Bretagne en analysant des dizaines de milliers de
données publiques. « La mise en scène des données complexes permet de mieux visualiser
l'information » , conclut Nicolas Voisin. E. R
Point de vue sur la nouvelle mode du "data journalism", très en vogue aux...
12 février 2010
La Correspondance de la Presse
COPRES
Copyright 2010 Société Générale de Presse. All Rights Reserved.
Point de vue sur la nouvelle mode du "data journalism", très en vogue aux Etats-Unis(...) Le "data
journalism" est une nouvelle technique journalistique très en vogue chez nos amis anglo-saxons qui
consiste à collecter des masses de données complexes (chiffres, statistiques, rapports annuels...)
pour en extraire des informations jugées pertinentes avant de les organiser sous la forme de jolis
tableaux, graphiques et autres infographies colorées plus ou moins bien commentés... Nos confrères
américains et grands-britons ne jurent plus que par cette dérive scientiste qui est un peu au
journalisme ce que la police scientifique est à la maison Poulaga. (...) Le grand fait d'armes du
"database journalism" reste évidemment la révélation du scandale des notes de frais des
parlementaires britanniques par le "Daily Telegraph" au printemps dernier. Ou comment un journal
populaire a en fait obtenu un CD contenant un listing de députés indélicats en versant la coquette
somme de 70 000 livres (78 734 euros) à un employé de la Chambre des communes (...). En
révélant ces petites et grandes turpitudes (...) le "Telegraph" a vu ses ventes bondir de 100 000
exemplaires. (...). En creux, on sent bien que certains fanatiques du "journalisme de données" à
l'anglo-saxonne voudraient carrément en finir avec le "journalisme de narration" à la française. (...)
Si le journalisme de données répond dans certains cas au besoin de traiter l'avalanche
d'informations qui déferle sur nous par tous les tuyaux et sur tous les écrans de la civilisation
numérique, bref à nous rassurer face à "l'infobésité" qui menace (...), cette tendance à vouloir
objectiviser à outrance la réalité me donne la chair de poule. Car précisément, le journalisme c'est
d'abord affaire de chair ! Une belle plume pour décrire le réel avec des morceaux d'humanité dedans
vaut bien mieux que tous les tableaux Excel du monde. (...) Le métier de journaliste c'est d'abord
raconter les ressorts d'une actualité en répondant le mieux possible aux fameux (...) : Qui ? Quoi ?
Où ? Quand ? Comment ? (...). Or les chiffres à eux seuls sont bien incapables de répondre à ce
questionnement qui est à la base de tout article normalement constitué. (...) Notre confrère Tonino
SERAFINI n'a pas eu besoin de statistiques officielles du ministère des Affaires sociales pour dire
dans "Libération" la misère et la détresse humaine des sans-abris du Bois de Vincennes : il n'a fait
que raconter ce qu'il voyait. L'analyse des chiffres par tous les nouveaux champions du journalisme
de bureau ne remplacera jamais les yeux et les oreilles d'un bon journaliste qui prend encore la
peine d'aller sur le terrain pour témoigner. Le journalisme d'enquête et d'investigation a sans doute
besoin de données chiffrées. Mais de là à transformer tous les porteurs de carte de presse en experts
en "data mining"... La profonde crise - économique mais aussi d'identité - que traverse la presse
ouvre un boulevard aux dernières modes technologiques venues d'outre-Atlantique. Et si on les
laisse faire, les ingénieurs en référencement prendront bientôt les commandes des journaux".
Jean-Christophe FERAUD, chef du service High-Tech & Médias des "Echos" - Blog "Sur mon
écran radar" du 9 février 2010.
Le "journalisme de données" en trois exemples
16 novembre 2010
15:34
Agence France Presse
AFPFR
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Qu'il s'agisse de la guerre en Afghanistan, de la criminalité à New York ou de la répartition des
dépenses publiques en Grande-Bretagne, voici comment fonctionnent concrètement trois
applications de "journalisme de données".
. Victimes de guerre: sur le site de CNN
(http://edition.cnn.com/SPECIALS/war.casualties/index.htmlhttp://edition.cnn.com/SPECIALS/war
.casualties/index.html ), une carte du monde fait face à une carte de l'Afghanistan. Cette dernière est
constellée de points, plus ou moins gros, qui localisent les lieux où sont morts les soldats de la
coalition sur le territoire afghan. Si l'on clique, par exemple, sur Kaboul, l'identité de tous les
soldats morts dans la capitale apparaît et, sur la planisphère qui fait face, la localité d'origine de
chacun d'entre eux s'affiche instantanément et précisément, qu'il s'agisse de Los Angeles ou de
Chambéry. La date et les circonstances de la mort de chaque combattant sont également précisées.
En bas de page, des graphiques donnent des éléments plus généraux (âge moyen, nombre de décès
au fil des mois...). La base de données, qui existe également à l'identique pour l'Irak, est actualisée
en permanence.
. Homicides: avec les chiffres fournis par la police municipale, le New York Times
(http://projects.nytimes.com/crime/homicides/maphttp://projects.nytimes.com/crime/homicides/map
) a localisé sur une carte tous les endroits où des homicides ont été commis depuis 2003. Plusieurs
filtres permettent notamment d'isoler les homicides par année, par sexe, par origine ethnique (chez
les victimes ou les coupables), par arme utilisée... Le zoom permet quant à lui de localiser au plus
près, rue par rue, les lieux des crimes.
. Dépenses publiques: le gouvernement britannique ayant assuré qu'il devait réduire les dépenses
publiques, le Guardian pousse l'interactivité jusqu'à inviter ses lecteurs à "tailler" dans le budget de
l'Etat (http://www.guardian.co.uk/politics/interactive/2010/oct/19/comprehensive-spending-reviewcutshttp://www.guardian.co.uk/politics/interactive/2010/oct/19/comprehensive-spending-reviewcuts ). Des quadrilatères de couleur représentent chaque poste de dépenses (santé, travail,
transports...) et ils sont plus ou moins gros suivant leur importance. En cliquant dessus, l'internaute
devient chef de gouvernement, invité à réduire les budgets ou à supprimer certains postes
spécifiques de dépenses afin de réaliser des économies.
Le journalisme d'investigation : comment ça marche ?
Benoit Pavan
31 décembre 2009
Bakchich
Copyright 2009 Bakchich. All Rights Reserved.
Rappel : simple outil du journalisme ou spécialité de quelques journalistes ? Le débat qui entoure
la définition du journalisme d'investigation divise la profession. Important par son histoire, ses
méthodes, et son impact sur la société, il reste peu pratiqué au sein des rédactions. Décryptage des
aspects qui font de l'investigation un genre journalistique à part. Et une espèce en voie de
disparition.
Prolongement naturel des techniques de base employées au quotidien dans le reportage par tous les
journalistes, les méthodes utilisées lors des enquêtes journalistiques diffèrent néanmoins sur
plusieurs points. Par leur but, tout d'abord, le reportage présentant la description objective de faits
précis dont le journaliste a été le témoin. De son côté, l'investigation caractérise la révélation
d'informations le plus souvent dissimulées et qui touchent à un sujet dit « sensible » ou qui contient
encore quelques parts d'ombre [1] . Autre différence notable : contrairement au reportage,
l'information issue de l'investigation est exclusive. Sa publication n'est possible qu'à partir du
moment où sa véracité et sa cohérence ont été vérifiées par le journaliste par recoupement avec
plusieurs sources. Plus descriptif, le reportage peut se contenter de croire en la bonne foi de ses
sources [2]. La recherche est également une part essentielle du travail d'investigation. Elle peut
demander des mois, voire, pour certaines enquêtes, des années. Cette notion de temps de recherche
est moins essentielle au reportage, qui s'attache à décrire une réalité vécue sur le terrain. Ainsi, il
peut donc être très bref dans sa réalisation [3]. Enfin, les sources contactées lors de l'enquête sont
indépendantes des sources officielles, dont les propos doivent être pris avec prudence tant leur
intérêt à manipuler l'information ou à la cacher peut être important [4].
La quête du secret
Aller sur le terrain pour vérifier une information. La recouper, encore et encore, auprès de plusieurs
sources, jusqu'à être certain de sa fiabilité. Tel est donc l'objectif du travail d'investigation, dont le
principal bénéficiaire est le lecteur. S'il se doit d'éclairer le public sur une problématique qui le
touche directement, le travail d'enquête opéré par le journaliste doit également aller plus loin dans
sa démarche démocratique en répondant à des « questions importantes sur lesquelles des personnes
ou des organisations souhaitent garder le secret » [5]. Voir de l'autre côté de l'annonce officielle,
révéler les informations cachées, aller voir au-delà du communiqué de presse : dénoncer le secret
est l'un des points essentiels du journalisme d'investigation. Que le secret soit polémique ou pas.
Qu'il dérange ou qu'il arrange. La notion de secret occupe une place importante aux yeux de la
corporation au moment de définir le genre, puisque près de la moitié des journalistes interrogés lors
de notre sondage considèrent avant tout que le journalisme d'investigation « traite les faits dont la
collecte peut-être entravée par des tiers intéressés à leur non-divulgation, ou dont le sujet étudié
réclame un travail de recoupement long et complexe » (voir Figure 3).
L'investigation suppose ainsi un long et important travail de vérification, de recoupement des
informations fournies par un réseau stratégique de contacts, dans un but ultime de recherche de
vérité et d'information du lecteur. Une caractéristique qui incite une grande majorité des journalistes
à la comparer à un véritable outil de contre-pouvoir, reléguant ainsi le dossier de presse à la
poubelle (voir Figure 4). Pointure journalistique de l'investigation à la télévision et ancien artificier
de l'émission 90 Minutes, magazine d'enquête à succès qui a fait la renommée de Canal + en
matière d'investigation de 2000 à 2006, Paul Moreira fait partie ceux qui définissent l'enquête
comme un outil de contre-pouvoir. « [L'investigation], c'est un journalisme de combat qui ne se
contente pas de décrire, mais aussi d'interpeler. Un journalisme qui ne craint pas de choisir ses
causes et qui doit rester un des outils de contre-pouvoir de la société » [6].
Professeur à l'université américaine de Rutgers et spécialiste des médias, Silvio Waisbord
argumente également en ce sens, ajoutant que c'est dans le domaine politique que l'enquête peut
jouer un rôle majeur de « quatrième pouvoir ». Il précise que « cette forme de journalisme se
caractérise par son objectif, qui est de dénoncer les abus et les atteintes à l'intérêt public ». Le
journalisme d'investigation doit son importance « au fait qu'il peut contribuer à la gestion
démocratique des affaires publiques » [7]. Dévoiler les secrets et jouer les « chiens de garde » de la
démocratie. Ces caractéristiques du mythe qui colle à la peau du journalisme d'investigation ont
toutefois pris du plomb dans l'aile depuis plusieurs années. Dans un sondage publié le 24 janvier
2001 dans Télérama, les Français font même de l'investigation l'une des causes premières de
méfiance envers les médias en général [8]. Pour Mark Hunter, ancien journaliste américain et
Docteur en sciences de l'information de l'université de Paris II, il faut comprendre cette vision
démocratique de l'investigation de la part des journalistes « comme l'incitation à une conception
plus noble du métier et non comme une description exacte de la réalité » [9].
----------Le sondage :
L'outil permettant l'enquête d'opinion est un questionnaire qualitatif réalisé à l'aide du site en ligne
Sharing-data, spécialisé dans la création de questionnaires ou d'enquêtes sur internet. Il a été
envoyé à 1100 adresses électroniques de journalistes recrutés dans des fichiers de contacts de
journalistes en exercice, du Club de la Presse de Lyon, du fichier Rhône du Syndicat National des
Journalistes (SNJ), et de divers annuaires consultables sur internet.
Pour obtenir un taux de réponses de 10% (soit 110 répondants), il a été nécessaire d'effectuer cinq
relances. Les données ont été analysées par Nicolas
Pinsault, Unité Mixte de Recherche CNRS Université Joseph Fourier UMR 5525, Grenoble.
Le genre et le statut des journalistes ayant répondu ont été comparés avec les données datant du 2
janvier 2008, présentées par la Commission de la Carte d'Identité des Journalistes Professionnels
(CCIJP).
----------[1] Hunter, Mark, Le journalisme d'investigation aux états-Unis et en France, Collection Que saisje ?, Presses Universitaires de France, Juin 1997, p. 123-125.
[2] Ibid.
[3] Ibid.
[4] Ibid.
[5] Hunter, Mark, Le journalisme d'investigation aux états-Unis et en France, Collection Que saisje ?, Presses Universitaires de France, Juin 1997, p. 4.
[6] (8) Psenny, Daniel, et Constant, Alain, Le retour de l'investigation, Le Monde, 3 janvier 2000, et
Psenny, Daniel, Le « Che » de l'info, Le Monde, 26 mars 2001.
[7] Waisbord, Silvio, Le journalisme d'investigation est nécessaire aux démocraties, Les médias et
la déontologie, Dossiers mondiaux - Revue électronique, Département d'État des États-Unis Bureau des programmes d'information internationale, Avril 2001.
[8] Brocard, Véronique, La presse débordée par les affaires, Télérama, 24 janvier 2001.
[9] Hunter, Mark, Le journalisme d'investigation aux états-Unis et en France, Collection Que saisje ?, Presses Universitaires de France, Juin 1997, p. 6.
"Les journalistes vont devoir de plus en plus gérer des masses de données et...
16 novembre 2010
La Correspondance de la Presse
Copyright 2010 Société Générale de Presse. All Rights Reserved.
"Les journalistes vont devoir de plus en plus gérer des masses de données et trouver des infos et des
histoires dedans ", selon M. Simon ROGERS éditeur du Data Blog et du Data Store du "Guardian"
Q.- : Pour commencer, est-ce que vous pouvez nous présenter votre blog et nous parler de votre
parcours?
R.- : Ce que nous faisons c'est publier des ensembles de données brutes. On les met à disposition du
monde et on demande à notre public de s'en servir, d'en faire quelque chose. Parallèlement, on
dirige un service au sein du Guardian qui analyse et rend exploitable des données par nos
journalistes, c'est ce qu'on appelle en fait du data-journalisme, du journalisme de données :
transformer une masse de données en information, en histoire qu'on peut raconter à nos lecteurs.
(...) Par la suite, en mars 2009, le Guardian a lancé sa plateforme ouverte (open platform) destinées
aux développeurs et aux technophiles. Elle leur permet d'interroger les données du Guardian et de
réaliser des applications à partir de ces données. (...) Au moment où le journal a proposé ce service
d'accès à ses données, on a pensé que ce serait bien d'ouvrir parallèlement un data blog, un blog de
données. (...) En fait cela a vite décollé, c'est devenu un blog qui reçoit deux fois plus de visites que
le département officiel des statistiques du Royaume Uni. (...). Après cela, le gouvernement
américain a lancé data.gov, et puis cela s'est étendu au monde entier. Depuis un an, de plus en plus
de gouvernements publient leurs données. Ils ont maintenant une vraie pression qui les incite à
rendre leurs données publiques dans des formats exploitables par tous. (...)
Q.- : Une autre partie du journalisme de données, c'est ce qu'on appelle la visualisation, la manière
de montrer ces données. Quelle relation vous voyez entre les données et la visualisation ?
R.- : (...) Par exemple, dans le cas des fuites de Wikileaks, on a cartographié toutes les bombes
artisanales en Afghanistan de manière chronologique. Grâce à cette visualisation, on comprend
comment leur usage s'est multiplié et pourquoi c'est devenu un paramètre essentiel de la guerre.
Seule la visualisation permet de montrer cela. (...) C'est une nouvelle tendance du journalisme. Les
journalistes vont devoir de plus en plus gérer des masses de données et trouver des infos et des
histoires dedans. A l'avenir, un journaliste ne pourra plus dire "je ne m'occupe pas de tableurs...",
cela fera vraiment partie de son boulot. (...)
Ziad MAALOUF - Atelier des Médias
(www.atelier.rfi.frwww.atelier.rfi.frwww.atelier.rfi.frwww.atelier.rfi.fr ) du 12 novembre 2010

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