Conférence de consensus, LYON, 16-17 mars 2016 Lire

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Conférence de consensus, LYON, 16-17 mars 2016 Lire
Conférencedeconsensus,LYON,16-17mars2016
Lire,Comprendre,Apprendre-Commentsoutenirle
développementdescompétencesdelecture?
MichelLussault–Ouverture
LeCNESCOetl’IFEsontassociéspourl’organisationdeconférencesdeconsensus:l’objectif
estdefairelepointsuruncertainnombredesujetssurlesquelsnousavonsledevoirdefaire
lepoint.LapassiondelaFrancepourl’écolejustifiequelarechercheenéducationfassele
lienavecl’écoleetlasociété.Lejurydelaconférencefaitdelarencontreentrechercheurset
terrains la matière même de ses propositions. Avoir de bons experts scientifiques est
nécessaire,maiscequiestdécisifdansuneconférencedeconsensusc’estquecetteparole
des experts rencontre un auditoire intéressé aux affaires d’éducation. Le jury a une
responsabilitédereprésentationdespartiesprenantesdelaquestion,afindetransformerle
matériauenrecommandations.Cequiestimportant,c’esteneffetdedépasserlecolloque.
Quelquesremarquesausujetdesrecommandations:neconfondonspaslesrôles:
- Ni l’IFE ni le CNESCO n’ont la charge des politiques publiques, la conférence de
consensusfaitdessuggestions,lesresponsablesdepolitiquespubliquesensuitefont
etassumentleurschoix;
- Les bonnes recommandations ne sont pas forcément les plus héroïques ni les plus
spectaculaires ; en France les recommandations les plus modestes ont les chances
d’êtrelesplusefficaces;
- Quellesdifférencesparrapportaucontextede2003?Desrecherchesontétéfaites
etdenouvellespréoccupationssontapparues.Enparticulierdanslaperspectivedela
réussitetoutaulongdelavie,lesdéficitsenlittératieontdesincidencesnouvelles.
L’importantsesituedanslarelationentrelestroistermesquidonnentsontitreàla
conférence,etc’estlacompréhensionquidoitêtreplacéeaucentre.
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OlivierDezutter–Introduction:delaconférencede2003àlaconférencede
2016
O.DezutterdébuteavecunecitationdePef,Petitélogedelalecture:«Noussommestous
venusaumondepourdécouvrircettechancequ’estlalecture.»Noussommesréunispour
déterminercequidevraitêtrefaitpourquetouslesélèvesquinoussontconfiéspuissent
entrerdanslalecture,leverlecoinduvoileetentrerdanssamagie.Dansunpetitexercice
de lecture proposé, « Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage », quels sont les
processusmisenœuvre?
Lalectureestuneactivitécomplexequifaitappelàdessavoirsmultiples:
- la sélection du mot qui convient parmi des homophones (cent/sans/sang –
fois/foi/foie),
- lareconnaissancedemotscourants(sur,le,votre),
- uneconnaissancelargedulexique(métier,ouvrage),
- uneconnaissancedelaconjugaison,
- l’usagedel’interpellation-incitation,
- uneanticipationdelamaxime,
- lacompréhensiond’unsenssecond,
- lesguillemetsindiquantunecitation
- leréférentculturel:Boileau,Artpoétique.
Etpourquoicettemaxime?Ellefaitsens;ilfautunefoisdeplusremettrel’ouvragesurle
métier,unefoisdepluss’interrogersurlalecture.
Lalectureadéjàfaitl’objetd’uneconférencedeconsensusen2003;rappelonscequiavait
faitconsensusàl’époque:
- lavolontédedépasserlesquerellesportantsurlesméthodes,puisqu’ilestnécessaire
detravaillersimultanémentlecodeetlesens;
- l’importancedel’automatisationdemécanismesdebaseetdestratégies;
- l’importance de l’explicitation (dans les programmes 2016 : importance de la
métacognition),pourlesélèveseux-mêmesetpourleursparents;
- lacompréhensionpeutetdoits’enseigner;
- lanécessitédeconstruiredidactiquementlelienlecture-écriture;
- la nécessité de mettre en place de nouvelles recherches sur les difficultés de
compréhensionetsurlesméthodesd’apprentissage.
Cequiachangédepuis2003:
- du côté du pilotage institutionnel : un pilotage très volontariste, avec plusieurs
révisionsdesprogrammes;2006Apprendreàlire(importancedudécodageetdela
reconnaissancedesmots)–2008programmesdeprimaire,etleurévaluationen2013
–2010plandepréventiondel’illettrisme(àtravaillerdèslamaternelle)–Soclede
compétencesde2015etlesnouveauxprogrammesde2016.
- Les évaluations internationales des performances en lecture marquent des écarts
importantsentrelestrèsbonsélèvesetlesélèvesendifficulté,écartsquisecreusent
defaçoninquiétante.
- Desrecherchessesontdéveloppées,expérimentalesouécologiques.
Pluslargement,onconstate:
- Ledéveloppementexponentieldenouvellespratiquesextrascolairesaveclesusages
dunumérique;lejeunenelitplussurlesmêmessupports.
- L’élargissementdespréoccupations:importancedelalittératie,avecuneentréelarge
quiimpliqueunecollaborationaveclesfamilles,etlaresponsabilitédel’ensembledes
enseignants,ycomprisdusecondaire(l’UniversitédeSherbrookeamisenplaceun
courspourtouslesfutursenseignants:«Lecture,écritureetréussitescolaire»avec
desincidencesdanstouteslesdisciplines).
Surleterrain,lesrapportsdel’IGENportantsurlamiseenœuvredelapolitiqueéducative
appliquéeàlalecturefontapparaitre:
- Despointsforts:letempsconsacrésurlalecturedépassesouventcequiestdemandé
danslesprogrammes;letravailsurlecodeestengagédanslagrandemajoritédes
classes.
2
-
Despointsfaibles:dansledomaineducode,risquedesurinvestissement,volontéde
construiretropvitedesautomatismes;continuitéCP-CE1malassurée;letravailsur
lacompréhensionn’estpassuffisant
Bilan 2013 sur la mise en œuvre des programmes 2008 : la compréhension est peu
assurée ; « La prégnance des aspects techniques éclipse les aspects culturels. » ; la
différenciation n’est pas assurée ; on manque de formation pour donner les cadres
théoriques.Cebilanorientelesprogrammesrédigésen2015,applicablesen2016,oùla
lecturedevientunapprentissagecentralpourtoutlecycle2(CP-CE2).
Orientationsparticulièresdelaconférence2016:
- Empanélargi:lire-comprendre-apprendre
- Soutenirledéveloppementdescompétencesdelecture
- Élargirauxdifférentesétapesdelascolarité
- Lectureàl’heurenumérique
On réaffirme le souci d’accompagner les élèves en difficulté. L’expertise doit porter non
seulementsurl’apprentissage,maissurl’enseignement(lerôledeladidactiqueaugmente).
Les compétences en lecture et leur développement continu dépendent de l’acquisition
d’habiletésdedifférentsordres,maisaussidelaconstructiondurapportàl’écrit,précoce
maisaussiconstammentrefiguré.CfAgnèsDesarthe,Commentj’aiapprisàlire:«Apprendre
àlireaétépourmoiunedeschoseslesplusfacilesetlesplusdifficiles.»
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Lesacquisdesélèvesenlectureauxdifférentesétapesdela
scolarité
Thierry Rocher, DEPP – Que sait-on des capacités des élèves à lire et
comprendredestextesdivers?
ThierryRocherproposeunesynthèsederésultatsdenombreuxprogrammesd’évaluations
standardisées,desenquêteslargesauniveaunationaletinternational,avecdespanelssuivis
surplusieursannées,maisaussidesphotosponctuelles;laméthodologieestcommune,avec
desparamètresdifférents,maisdesconstatsconvergents.
Deuxtendancesgénérales:
- Le niveau de compréhension s’est dégradé depuis le début des années 2000, une
dégradationnonpasgénérale,maisdanslesniveauxplusfaibles.
- L’habileté de décodage s’est renforcée en début de CP ; mais les compétences
langagières s’appauvrissent dans la suite de la scolarité, avec des difficultés en
compréhension.
On constate l’importance des premières années de l’école concernant la compréhension,
puisqu’onneconstatepasdetransfertsurcettedernièredesprogrèsaccomplisendécodage.
Bilandesacquisàdifférentsniveauxdelascolarité:
- Àlafinduprimaire:ProgrammeCEDRE(finCM2)40%desélèvesn’atteignentpasles
objectifsfixésparlesprogrammesenlecture-compréhension-PIRLS(CM1)lesélèves
3
françaissesituentendessousdelamoyenneUE,surtoutdanslestextesinformatifs
et/ounécessitantdesinférencescomplexes.
- À la fin du collège : une cohérence apparait entre CEDRE 3ème et PISA : le nombre
d’élèves en difficulté augmente : environ 20 %. On constate un décrochage des
collèges défavorisés, et une dégradation très nette des établissements les plus
défavorisés.Defortesinégalitéssocioéconomiquesressortentavecunetendanceà
l’accroissementdecesécarts.
Noussommesunpaysmoyennementperformant,etparticulièrementinéquitable…
- Lesrésultatssoulignentlesinégalitésgarçons-fillessurlescompétencesdelecture:
lesgarçonsontuneplusforteprésencedanslesgroupesfaibles.
- Tenir compte aussi des inégalités géographiques (par exemple nombre important
d’élèvesendifficultédelecturedanslesDOM-TOM,commelemontrentlesétudes
menéeslorsdesJournéesDéfenseetCitoyenneté).
- Uneétudesurlalecturesurécran(2013)montreunefractureenfind’école:lamoitié
est élèves est à l’aise dans la « lecture-navigation » (attention à l’idée de digital
natives);àlafinducollège,¼endifficultéet¼trèsàl’aise:lesinégalitéssociales
sontconstantes,niplusnimoinssurlesupportnumériquequesurlesupportpapier.
Enconclusion,onconstatedesperformancesmodestes,avecdesécartsimportants,etune
transitionnumériqueencours.
Anne Vibert, IGEN Lettres – Quelles sont les dernières évolutions des
programmesscolairesdansledomainedelalecture?
Anne Vibert rappelle la publication du socle commun de compétences, connaissances et
culture–desprogrammesdematernelle–etdesprogrammespourl’écoleetlecollège.
Qu’est-cequiachangédansledomainedelalecturedepuislesprogrammesde2008?LeCSP
adéjàconstituécequipeuts’apparenteràuneconférencedeconsensusavecungroupede
travailparcycle,s’appuyantsurlescontributionsd’unecentained’experts,dont10surla
lecture.
Quelques remarques sur les cycles : la Maternelle réunifiée (PS-MS-GS) concentre les
apprentissagespremiers;lecycle2s’étendduCPauCE2pourconstruirelesapprentissages
fondamentaux;lecycle3,cycledeconsolidation,réunitécole(CM1-CM2)etcollège(6e);le
cycle4(5e-3e)constituelecycledesapprofondissements.Lesprogrammessontdéfinispar
cyclesetnonannuels(cequimetfinàunespécificitédesprogrammesde2008).
AnneVibertseproposededégagerdegrandestendances.
- DanslecadrequeconstitueleSocle,lalecturerelèveprincipalementdudomaine1;mais
elle participe aussi du domaine 2 (outils pour apprendre), ce qui implique un
apprentissageexplicitedanstouslesenseignements,enparticulierpourcomprendreun
documentécrit,etdudomaine5,pourcequiconcernelalittérature.Composantedela
compréhension,lalectures’inscritplusglobalementdanslaculturedel’écrit(literacy),le
termelittératien’étantpasencorevraimententrédanslalanguecourante.
- Lesnouveauxprogrammesindiquentquelacompréhensionenlecturedoitfairepartie
d’unapprentissageexplicite;lalectureestunecompétencetransversaledéveloppéedans
les autres champs disciplinaires (dans les programmes des disciplines figurent des
croisementsavecdesenseignementsduprogrammedefrançais).
- Ilsprennentencomptelesdeuxgrandescomposantesdelalecture:l’identificationdes
mots écrits (et son automatisation) et la compréhension (activité cognitive
4
multidimensionnelle). Le code reste principalement enseigné au cycle 2, mais son
extensionauCE2viseunecontinuationdecetapprentissage,unentrainementquidoit
permettre une consolidation au cycle 3, de façon à acquérir la fluidité indispensable
(traitementdesgroupessyntaxiques,delaponctuation).
Onconstatesurtoutuneévolutiondansledomainedelacompréhension:
- Ilsmettentenévidencelesdifférentesdimensionsdelacompréhension.
- Ilsaffirmentunecontinuitédesapprentissagesdelacompréhension,delamaternelleau
collège(jusque-làlacontinuationdel’apprentissagedelacompréhensionnefiguraitpas
aucollège).Lebutpoursuivietlesprocessusmisenœuvredoiventapparaitrelorsd’un
apprentissageexplicitedelacompréhension.
- Ils introduisent une dimension métacognitive dans les langages pour développer la
consciencedesstratégiesàmettreenœuvrepourcomprendre.
- Ils explicitent le processus, mais aussi des activités qui permettent d’apprendre à
comprendre(nepluslimiterlesactivitésàdesquestionnairesdemandantduprélèvement
d’informations, l’enjeu étant l’intégration de ces éléments pour une compréhension
globale).
- Ils prennent en compte la diversité croissante des textes et documents, continus ou
composites,aufildel’avancementdanslascolarité.
- Ils donnent une place particulière à la compétence de lecture littéraire qui vise une
formationpersonnelle,laconstructiond’uneculture,maisaussilamiseenrelationdes
lecturesetœuvresartistiques;s’appuyantsurlathéoriedelaréception,elleproposede
nouvellesposturesdelecteurliéesàl’interprétation(débatinterprétatif,retourautexte,
carnetsdelecture…).
La lecture n’est pas une compétence isolée, mais en interaction constante avec l’écriture,
l’oral et la langue. L’apprentissage de la compréhension ne peut pas se réduire à un
entrainement.Ilfautveilleràcequelesélèvessesoientappropriélesfinalitésetlesenjeux.
Hervé Fernandez, ANLCI – Enjeux de la lecture et illettrisme dans le monde
actuel
La lecture n’est pas seulement une affaire scolaire. Hervé Fernandez part de plusieurs
constats:
- Lasituationinvisibled’adultesquinemaitrisentpaslapremièremarchequipermet
d’êtreautonomedanslaviequotidienne.
- Lasituationdecesadultesavecleursenfantsàl’école.
- Lapréventiondel’illettrismeimposedes’engageràmieuxleprévenir.
Définitiondel’illettrisme:ildésignelespersonnesdeplusde16ansqui,bienqu’ayantété
scolarisées,neparviennentpasàlireunmessagedelaviequotidienneetàécrirepourse
fairecomprendre.
Degrés:
1. Repèresstructurants
2. Compétencesfonctionnellesdelaviecourante
3. Compétencesfacilitantl’actiondansdessituationsvariées
4. Compétencesrenforçantl’autonomiepouragirenconnaissancedanslasociété
Ilfautdépasserleniveau2poursortirdel’illettrisme.
Leschiffres:sur2500000personnes,sontillettrés:
- 7%despersonnesâgéesde18à65ans
5
- 4,1%desjeunesaccueillislorsdelajournéedéfense-citoyenneté.
L’étudecontreditplusieursidéestoutesfaitessurl’illettrisme:
- Lamoitiédespersonnesconfrontéesàl’illettrismetravaille
- 26%sontdansleszonesrurales
- Plusdelamoitiéaplusde45ans
- 71%despersonnesensituationd’illettrismeparlaientlefrançaisàlamaisonavant5
ans.
Letauxd’illettrismeaugmenteavecl’âge,onconstateunphénomèned’érosionsilesfacultés
debaseacquisesàl’écolenesontpasentretenuestoutaulongdelavie.
C’estunproblèmeinvisiblemaispasmarginal.Lespersonnesensituationd’illettrismesesont
constituéuncapitaldecompétencessansavoirrecoursàl’écrit,maiscetteconstructionest
trèsfragile.
L’illettrismeetl’immigrationneseconfondentpas,laluttecontrel’illettrismenedoitpasse
confondreaveclaformationlinguistiquedesmigrants.
Prévenir l’illettrisme passe par des actions éducatives, culturelles à l’école, avant l’école,
autour de l’école. Mais aussi demande de s’appuyer sur les situations de travail par des
initiativesliéesàl’emploi.
Lesenjeuxactuelsliésàlalecture:
- Entretenirconstammentlescompétencesdebase
- Nepassubirladigitalisation;beaucoupdedémarchessontdématérialisées(90%de
texte)
- Donneràchacunlescléspouragirdemanièreautonome.
Lesmoyensd’agirpourquel’illettrismeneprennepasracine:
- Uneprisedeconscience
- Uneorganisationstructurée
- Uneclarificationdurôledechacun
- Lesactionséducativesfamiliales
Laseulevraiequestionquiestposéecesdeuxjoursest:commentfaireréussirlesenfants
despauvres.Luttercontrel’illettrismeyparticipe.
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Lespratiquesenseignantespourformerdesélèveslecteurs
MaryseBianco–Apprendreetenseignerlacompréhensionenlecture:que
sait-ondespratiquesefficaces?
La conférence de consensus de 2003 l’affirmait déjà : « La compréhension peut et doit
s’enseigner…Ladifficultéestdel’ordreducommentfaire.»;entantquelecteursexperts
nous sommes dans un sentiment d’évidence. Comprendre ce qu’on lit est une activité
hautement intégrée à l’activité du compreneur expert. Le sens ne découle pas
systématiquement de l’identification des mots. Cette activité s’inscrit dans un continuum
(absencedecompréhension,compréhensionlittérale,compréhensionapprofondie),cen’est
pastoutourien.
Untableaufigureleconsensusactuelsurlacompréhensionenlecture:
6
Le vocabulaire est important mais la fluidité de lecture en contexte (qui repose sur
l’automatisation du décodage, la reconnaissance du vocabulaire et la conscience
morphologique) et les stratégies de lecture sont ce qui permet de construire la
compréhension.
Ilfautunapprentissagecontinudelalecture,développantàlafois:
- lesautomatismesnécessairesàunelecturefluideencontexte
- descapacitésréflexives:unelecturestratégique,composantedelamétacognition,
quipermetderaisonner,d’utiliserdesmodèlesdesituation,des’auto-évalueretde
régulersalecture.
Quellessontlespratiquesefficacespourenseignerlacompréhension?
1. Untravailinscritdansladuréequicommencedèsl’écolematernelle,etsetermine
trèstard,mêmeaprèsl’écoleobligatoire
2. Untravailmultimodalquipasseparl’oral
3. Unenseignementexplicite,structuréetdifférencié.
L’enseignementexplicite,ouenseignementdirect:
1. Ilintègrelesconnaissancesactuellesquantauxprincipesdufonctionnementcognitif
etdel’apprentissage
2. L’apprentissageestprogressif,larépétitioncommelaréflexionsontincontournables
3. L’apprentissageprocèded’acquisitionsimplicitesetd’explicitation
4. Ilintègrelerôledel’oral
5. Il suppose un étayage et une supervision importante de l’enseignant qui fixe les
objectifs,découpel’activitéenunitésmaitrisables,attirel’attentionsurleséléments
structurants;ilexplique,montrelesprocédures.
6. Il s’agit d’une pratique guidée : l’élève réfléchit, applique, et s’entraine (verbaliser,
justifier,argumenter);maitresetélèvescoopèrentàl’appropriationd’unenotion.
7. Ilcomprendunepratiqueindividuelle,unentrainement.C’estletransfertdelagestion
desopérationsindispensablesàd’autressituationsquipermetl’autonomiedel’élève.
7
L’enseignement explicite de stratégies est un apprentissage progressif ; l’apprentissage
intègrel’impliciteetlerôledel’oral.
Pourconclure:au-delàduconsensus,ilfautdépasserdesoppositions:
- Lesactivitésdécrochéesetlalecturedetextessontdeuxapprochescomplémentaires,
qui dépendent du niveau et de l’âge des élèves (les activités décrochées font
davantageprogresserlesélèveslesplusjeunesetlesplusfaibles).
- En opposant pédagogie explicite (directe) et constructiviste (démarche
d’investigation),onatendanceàrenvoyerlespédagogiesexplicitesaucognitivisme;
c’est une opposition paradoxale au plan scientifique. Cette opposition doit être
dépassée : dans les deux cas, il y a confrontation à un problème, abstraction et
répétition.
- Ladifférenciationestnécessaire.
Plusqued’uneméthode,ils’agitd’unétatd’esprit.
Réponsesauxquestionsdujury:
Quelleestlameilleureposture(lesgestesprofessionnels)pourl’étudeduvocabulaire?Ilfaut
guider (délimitation de l’activité, objectifs clairs), en même temps qu’on suscite le
raisonnement,laconfrontationdesopinions.
Commentdifférencierenrestantambitieuxetinclusif?Surunmêmesupporttextuel,mettre
en place des activités visant des objectifs différents, par exemple un entrainement
systématique pour ceux qui en ont besoin pendant que les autres élèves se consacrent à
d’autrestâches.
Est-cequelesélèvestravaillenttoussurlemêmetexte?Quandils’agitdetextesconsistants,
onpeutpréparerdesextraitspourlesuns,lesautreslisantlatotalitédutexte.Ilfautajuster
letravailauxpossibilitésdesélèvesengardantuncadrecommun.Uneétudesurlesfaibles
compreneursmontrequ’onpeutfairetravaillerungroupesurletexteentendu,ungroupe
surletexteécrit,ungroupesursupportmixte,etmeneravectouslemêmetravailsurle
vocabulaireetlesstratégiesdecompréhension,lesmécanismesdecompréhensionétantles
mêmesàl’oraletàl’écrit.
RolandGoigoux–Quellespratiquesenseignantessoutiennentl’apprentissage
delalecture?
Lesproposquisuiventsontétayésparl’étudesurL’influencedespratiquesd’enseignement
delalectureetdel’écrituresurl’apprentissageinitialdelalecture#LireEcrireCP
L’Étude (qui n’est pas le rapport Goigoux, mais le résultat du travail d’un collectif de 45
signataires) part d’une approche écologique, pas expérimentale. Une des clés de l’étude
consistaitàavoirconstruitunetypologiepermettantl’analysedestâches,engranulantàla
minute, avec des indicateurs didactiques, spécifiques du lire-écrire, toutes les tâches qui
peuventêtredonnéesparunenseignantexpérimentédansuneclassedeCP.
Onconstatepeudedifférencesdanslespratiquesdesenseignantsselonqu’ilss’adressentà
unpublicprioritaireounon(ilyenabiensûrdanslesrésultats).
Uneremarquesurlesvariablesdel’effet-classe:lescaractéristiquessociodémographiques
pèsentpour5%pendantl’annéedeCP,maisellespèsentmoinsquel’effet-classe.L’effetclasseestmoindreencompréhension,plusimportantenécriture.
8
Hypothèseexplicative:LapédagogiedelacompréhensionestassezfaibleenCP,lesmaitres
sontpeuoutillés,peut-êtrepratiquent-ilsmoinslapédagogiedelacompréhensionquede
l’écriture.Decefait,lerôlecompensatoiredel’écolenes’effectuepasdanscedomaine.
Peudedifférencesapparaissententrelesclasseslesplus/lesmoinsefficaces:cenesontpas
forcément les mêmes classes qui sont les plus efficaces sur le code, la compréhension et
l’écriture.
Beaucoupdestabilitésedégagequantautempsconsacréauxtâchesselonlesclasses.Le
budgettempsallouéauxtâchesdecompréhensionestde1h/semaineenmoyenne,dont30’
pourlestâchesorales,cequiauneffetpositifpourlesélèvesfaiblesencompréhension.Mais
la moitié des enseignants ne consacrent aucun temps spécifique à la compréhension,
contrairementàcequ’ilsdisent:àl’école,c’estleparentpauvre.
Deuxautresactivitésontdeseffetspositifspourlacompréhension:l’allongementdel’étude
delalangueetlespratiquesd’acculturationàl’écrit.
Réponsesauxquestionsdujury:
Quelssontleseffetsdestempsallouésauxdifférentestâches?L’effetdelalectureàhaute
voixestsignificatifau-delàde30’parsemaine;l’écriture-encodagejoueunrôlesignificatif
(maisenréalitébeaucoupdetempscodé«écriture»estdelacopie,sanseffet),ainsique
l’écrituretâtonnée;lesélèvesfaiblessontplutôtbénéficiairesdel’écrituredictée.
Quels sont les effets de la planification de l’étude du code ? La vitesse d’étude des
correspondances grapho-phonémiques a des effets significatifs, les élèves faibles sont
pénalisés par un trop faible nombre de correspondances étudiées de manière explicite, le
temporapideestbénéfiqueàtous.Parcontreonnerelèvepasdedifférencesignificative
dansl’ordregraphème-phonèmeouphonème-graphème.
Lechoixdestextes-supportsauneffetacontrario:lesclassesquiutilisentdestextestrop
peudéchiffrablessontpénalisées;parcontrelechoixdemanueln’apasd’effetensoi.
Ilyauraitunverrouàfairesauter:lesenseignantsdoiventcesserdefaireconstammenttout
à la fois sur les mêmes supports, il faudrait dissocier code et compréhension, à travailler
séparémentsurdessupportsdifférents.Ilfaudraitaiderlesenseignantsàs’autoriseràavoir
devraistempsdetravailàl’oral.
Etpourlesecondaire?Pourréduirelesdifficultésqu’onyconstate,ilfautqueletravailsurla
compréhensioncommencetôtetsoitpoursuivi.
Comment expliquer l’effet positif de l’étude de la langue ? La suite de l’étude devrait le
montrer.Unehypothèse:c’estlefaitderendrelesélèvescurieuxdecomprendre«comment
çamarche»quiaceteffet,résultatbénéfiqued’uneréflexionmétacognitive.Lefaitquele
temps consacré à l’étude de la langue soit bénéfique est l’indice d’autres gestes
professionnels,quirévèlentunemanièredifférentedesecomporterfaceàlachoseécrite.
Quelestlepoidsducode?Laqualitédudéchiffrageestunindicepositifquantàlaqualitéde
lacompréhension.C’estlepremierfacteur,maiscen’estpasleseul.
SylvieCèbe–Quellessontlescompétencesrequisespourcomprendreuntexte
écritetcommentlesenseigneràl’écoleprimaire?
L’objectif est d’établir une compréhension autorégulée, ce qui implique un enseignement
précoce,structuréetrégulierdeplusieurscompétences
- compétencesdedécodage
- compétenceslexicalesetsyntaxiques
- compétencesinférentielles
- compétencesnarratives
9
- compétencesstratégiques
Lespratiquespédagogiquesefficacesreposentsur5recommandations(lesmêmesquecelles
présentéesparMaryseBianco);ils’agitdedonnerlesoutilsauxenseignantspourdonner
corpsàcesrecommandationsissuesdelarecherche.
L’étudeaportésurl’améliorationdescompétencesdecompréhensionaucycle2,delaGSau
CE2.
Deuxperspectivesseprésentent,avecdesoutilsdifférents:
- Modulaire(modulespécifiquepourchaquecompétence,avecdesmodulessuccessifs)
- Intégrée,baséesurchaquetexteétudié.
Le meilleur compromis entre préconisations des chercheurs et pratiques effectives des
enseignants parait être une conception continuée (comme pour les outils précédemment
proposés,cfpublicationsantérieureschezRetz).
Un travail de ce type a été mené en mettant en place des échanges entre une classe de
maternelle (GS) et des lycéens à besoins particuliers autour de l’album Gruffalo (Julia
Donaldson,Gallimard).Ils’agitdeproduireunscénariofinaliséparunprojetdenarration:à
la fin des 18 séances, les élèves de GS seront tous capables de raconter l’histoire à leurs
parentsavecunsupport,cequidonneunbutintégrateurauxactivités.Ils’agitd’unemiseen
mémoireintentionnelledulexique,destournuressyntaxiques,etc.
1. L’enseignant annonce qu’il va lire toute l’histoire sans que les élèves voient les
illustrationsetlesinviteàtransformerlesmotsendessinanimédansleurtête(moyen
deconstruireunereprésentationmentalecohérente);
2. ilreformulel’histoireenlasimplifiant;
3. ilrevientautexteécrit,avectoujourslaperspectivedufilmmental;
4. le texte est étudié pas à pas et en profondeur, activant l’activité de narration ;
l’enseignantlaissevenirlesreformulationsencascadepouraiderlesélèvesàassurer
lacohérencetextuelle;ilssontamenésàs’interrogersurlesétatsmentauxdechacun
despersonnages,àidentifierlastructuredutexte,mémoriserlesévènements,l’ordre
chronologiquedurécit;
5. ilsrejouentl’histoire,engroupe,puiss’entrainentàraconteràplusieurs,avecousans
l’enseignant ; dans le coin bibliothèque, la présence du livre, du CD et d’écouteurs
permetdeseremémorerletexte;
6. enfinl’élèvevaraconterseul,àl’aided’unsupport(maquettepourledécor,figurines
représentantlesdifférentspersonnages).Enzoparvientainsiàunrécitde3’45…
NB : dans le dessin animé (dont on trouve des extraits sur la toile), au contraire, tout est
montré:lesélèvesn’ontplusà«comblerlesblancsdutexte»
Réponseauxquestionsdujury:
Commentéviterunenseignementduvocabulaireclossurlui-même,enrichirlevocabulairedes
élèves?S’appuyersurlestextes,carunmotestplusfacileàretenirquandilestreliéàun
contexte que l’élève va mémoriser. Catégorisation et travail en contexte sont deux
procédures complémentaires. Les enseignants expliquent les mots, mais font rarement le
travailindispensableàlamémorisation:utilisationdesmotsdansdifférentessituations,à
courtpuisàlongterme.Letransfertnécessiteplusieursutilisations,àl’oraletàl’écrit.
Jean-Louis Defays – Comment et pourquoi développer la compétence de
lecturelittéraire?
La réflexion porte sur un continuum : il n’y a pas de rupture dans la lecture littéraire par
rapportauxpremiersapprentissages.
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Desobstaclesàl’apprentissagedelalectureetdelalittératuresontmisenévidence:
- unexcèsdecontrainteetexcèsdeliberté;
- lechoixdetextes;
- desconceptionsréductrices;
- unlientropsystématiquelecture-évaluation,aveccontrôledesacquis;
- uneabsencedeprogression;
- uneconfusionlecture-littérature
1. Qu’est-ce que la lecture littéraire ? Il s’agit d’une notion stratégique, qui vient des
théoriciensdelalittérature,adoptéeparlesdidacticiens.Lanotionaétédidactisée
danslesannées1990commemodèlederéférencestratégique.Troisconceptionsen
tensionsontdépassées:lecturedelalittérature;lectureparticipativeousubjective
sansconstructioncommune(Rouxel-Langlade);lecturedistanciéeouanalytique,sans
sujet-élève(Tauveron).Unelectureestlittérairesielleorganiseunva-et-viententre
distanciation(analytique,interprétative,savante)etparticipation(lecturesubjective,
référentielle,ordinaire);elleéquilibrelesdimensionsrationnelleetpassionnelle,et
épaissitlarichesseeffectivedurapportàlalittérature.Elleétablitunrapportdouble
au corpus et au patrimoine ; et un rapport double subjectivité/intersubjectivité. Il
s’agitd’unemanièredelireàdévelopper(Louichon).
2. Pourquoienseignerlalecturelittéraire?
- Elle donne du sens et du gout à l’enseignement de la lecture et de la
littérature;
- Cettelectureestadaptéeàlarichessedestexteslittéraires;
- Elleenrichittoutesleslecturespartransfert;
- Elleconstitueunespacedepartage;
- Ellepermetuneréflexivitésurlespratiquesdelecture;
- C’estuneconceptionnoncloisonnéedelecture.
3. Commentladévelopper?
- Côté participation, elle s’appuie sur lectures réelles des élèves, une
appropriationsensorielle,etunrapportimaginaireautexte
- Côtédistanciation:elledemandedetravaillersurleprocessusdelecture,la
diversité des niveaux de lecture ; de repérer et manipuler des genres,
intertextes, stéréotypes ; de distinguer jugements de gout et de valeur ; de
diversifierlesmodesd’évaluation.
4. Bilandesrecherchesencours:denombreusesrecherchesqualitativesetdescriptives
analysentlespratiquesdidactiquespouridentifierlesgestesetactivitésetmontrent
lerôledesécritsintermédiaires.
5. Deslimitesdesconnaissancesactuellesapparaissent:lesrecherchessontencorepeu
nombreuses ; ces recherches sont surtout francophones ; le développement du
numériqueposelaquestiondessupportsetdespratiquesmulti-médiatiques.
Conclusion:undéfiéducatifpourle21èmesiècle
- Quelleplaceàl’écolepourlerapportàlacultureetàl’interprétation?
- Comment l’institution préconise-t-elle une conception riche et dynamique de la
lectureetdelalittérature?
- Quelsenjeuxstratégiquesdunumérique?
**********
11
L’identificationdesdifficultésenlecture
Jose Moraís – Quels sont les principaux obstacles rencontrés dans
l’apprentissagedelalecture?
Avant d’aborder ces obstacles, retour sur les questions soulevées le premier jour de la
conférence:pourcomprendrelalittératieilfautcomprendrelescapacitésquiinterviennent
dans le langage parlé et le fonctionnement du code. Étant donné le temps pris par cet
enseignementetsonimportance,laquestionestcommentdoit-onenseignerlecode?
- Quelle progression respecter ? Il faut appuyer cette progression sur des données
scientifiques,commencerparlesapprentissagesconsistants(ex:ilyaenfrançais11
façonsd’écrire/ON/,uneseuled’écrirelarime–iche).
- Relation code et principe alphabétique : quand nous parlons nous encodons des
phonèmes, et c’est vrai aussi des illettrés ; notre appareil perceptif décode les
phonèmesquisontencodés;toutcelasefaitendehorsdenotreconscience.Ilya
plusieursmilliersd’annéesonainventél’alphabet;notreparoleinterneencodela
représentation graphique des mots. Mais apprendre à lire implique l’intuition du
principealphabétique:lesphonèmesdelaparolepeuventêtrecodésgraphiquement.
Cette intuition fondamentale est gagnée une fois pour toutes, avec le premier
apprentissage, quelle que soit la langue dans laquelle il se fait ; la validation de
l’intuition permet l’acquisition du code orthographique, mais il reste pour cela à
acquérirleshabiletésgrapho-phonologiques.
Obstaclen°1:ladifficultédeprendreconsciencedesphonèmesdanslaparole;lesadultes
analphabètes sont incapables de dire en quoi da et ba sont différenciés, la bouche étant
disposéedelamêmefaçon(contrairementàdietdu,parexemple).Notreperceptiondeces
distinctions repose sur notre connaissance de l’alphabet, une technologie que nous avons
nous-mêmes inventée. Le concept de phonème n’apparait qu’en 1880, le fondement de
l’invariance des phonèmes en 1960. Le phonème n’est pas une unité mais une relation
dynamiquevarianteforte.
Obstaclen°2:lacomplexitédel’acquisitionducodeorthographiquedelalangue,surtout
quandsontnombreuseslesinconsistancesgrapho-phonologiquesetphonographiques.Jose
Moraís expose l’expérience d’un alphabet artificiel par 2 groupes de lecteurs
«alphabétiques»;onobserveunapprentissageimplicitedescooccurrences.Lalecturedes
textesaveccompréhensionaugmentelafluence,àconditionquelesenfantsconnaissentla
plusgrandepartiedesmots.L’apprentissagephoniqueestplusefficacequeleglobal,même
surlacompréhension.
Obstaclebiologique:desanomaliesgénétiquesquiaffectentl’apprentissage(pasdéveloppé)
Obstacle non-biologique : inégalités sociales, économiques, culturelles et leur maintien et
accroissementvialespolitiquesmisesenœuvre.Danslecadred’untelmatch,pasbesoin
d’arbitre…
12
Pourlescombattre,ilfaut«redresserleterrain»,formerlesparentsàlalittératiedèsla
naissancedesenfants,d’oùl’importancedesmesuresdesoutienàlapetiteenfance.
CommentseportelaFranceenniveaudelittératie?LesétudesPIRLSetPISAmontrentque
leplusinquiétantestqu’elleestleseulpaysquiamontréunchangementdanslesensde
l’accroissementdesinégalités,8%ontétédéplacésverslesextrêmes.Leproblèmenesera
pasrésoluparlapédagogie,maisc’estunedécisiondesociété.Lespouvoirspolitiquesne
prendront jamais cette décision, c’est à nous de prendre en charge l’alphabétisation et la
littératie.Pourcelailfautformersurlesdécouvertesdessciencesetneurosciencescognitives.
Est-il possible d’éradiquer l’illittératie ? Oui, mais est-ce trop long ? JM raconte une
expérience avec des adultes analphabètes portugaises : en 3 mois, elles peuvent se
débrouiller. Avec des enfants en 1ère année, un programme phonique qui contenait des
exercicesd’appariementdel’écritureetdelaprononciationaconduitàdemeilleursrésultats
tant en lecture et en écriture (et aussi en compréhension en 5ème année) qu’un autre où
l’enseignementphoniqueétaitincorporédanslalecturedestextes.
BernardLété–Quelestlerôledesapprentissagesimplicitesdanslalecture?
Bernard Lété présente une conception neutre des apprentissages implicites, qu’il définit
commenonconscients,etnonintentionnels.
Estsavoirimplicite:
- tout savoir acquis par l’expérience, sans intention d’apprendre, et non facilement
verbalisable:compétenceslangagières,sociales,motricesperceptives;
- les processus inaccessibles à la conscience et non verbalisables : sélection des
informations (encodage), mémorisation (stockage), mobilisation et exploitation des
tâches(récupération);
- lesprocessusnonintentionnels:automatiquesettrèsrapides
L’apprentissageimplicite:
- nécessitedel’attentionpourlatâche(sansintentionnesignifiepassansattention,cf.
entréedubébédanslelangage);
- comprend une mémorisation non supervisée : il n’y a pas de « professeur » pour
sélectionner et organiser le contenu des informations, pas de feedback correcteur
(mémorisationdeserreurs);
- s’auto-organiseenfonctiondesconnaissancesdéjàacquises;
- résiste à l’oubli en dépit des troubles psychologiques (l’amnésie efface les
apprentissagesexplicitesmaisnonimplicites).
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Deuxconceptionsexistent:
- l’apprentissage implicite par extraction de règles : processus de généralisation,
transfert(bellespoupéesplutôtquebeauxpoupées)
- l’apprentissage implicite par extraction des régularités statistiques : des processus
associatifstrèsefficaces;l’encodagederelationsentrelesélémentstemporellement
et/ou spatialement adjacents ; l’importance de la quantité d’exposition aux
évènementsetdelaquantitéetduréedelapratiquedelalecture(l’enfantentend
plusfréquemmentbellespoupéesdanssonenvironnement).
L’apprentissagestatistiquereposesur:
- l’idée du réseau de neurones : le réseau sauvegarde sous forme d’associations les
propriétésstatistiques;
- l’idéedel’apprentissagecommemodificationdesassociations.
Qu’est-cequiestmémoriséselonlapratiquedelecture?
- lesprobabilitésderencontredesunités:lexicales,infralexicales
- lesprobabilitésdesassociationsgraphèmes-phonèmes
- lesprobabilitésdesdépendancescontextuelles
L’activitédelecturecomprend:
1. unsavoirimplicitemobilisédansl’activitédelecture(«carburant»duréseau);
2. unsavoirexplicitemobilisépourl’activitédelecture(«moteur»duréseau):ilpermet
desprédictionsàpartirdusavoirimpliciteetdesconnaissancesdehautniveau;
3. savoirimplicite+savoirexpliciteconstituentlacompréhensionenlecture.
Lapratiquedelalectureauneffetdéterminant:laconditionessentielleàl’apprentissage
impliciteestunengagementdélibérédansletraitementdesinformations(goutethabitude
delire).
JeanEcalle(&AnnieMagnan)–Quelstypesd’interventionspourréduireles
difficultésenlecture?
EnMaternelle,quellessontlesvariablesprédictivesdel’apprentissagedelalecture?
- Les variables sont différentes pour l’identification des mots écrits (connaissance des
lettres, habiletés phonologiques, dénomination rapide) et pour la compréhension en
lecture (vocabulaire, compréhension orale, connaissances syntaxiques, mémoire de
travail).
- L’étudeDIPALEestprésentée:ils’agitd’undispositifpédagogiquepourl’apprentissage
delalecture-écritureengrandesectionquiconsisteàstimulerlecode(lettres,habiletés
phonologiques, décodage de syllabes simples), stimuler la compréhension (modèle
mental,anaphores,causalité).
Les résultats montrent un effet significatif de l’intervention, pseudomots 41% ; lettres
16%;habiletéphonologiques25%;compréhension16%;lesenfantslesplusfaiblessont
ceuxquiontleplusbénéficiédel’intervention.
- Enréduisantdefaçondrastiquel’effectifdelaclassedansleszoneslesplusdéfavorisées,
lebénéficeesttrèsgrand;l’utilisationdetablettesdonneaussidebonsrésultats.
Primaire-Collège:lesdifficultésenlecture
- Des profils de lecteurs sont établis à partir des deux processus fondamentaux :
identificationdesmotsécritsetcompréhension,qu’ils’agitd’évaluer,defaçonàmener
desinterventionsciblées.
- Lesfaiblesidentifieursfontapparaitrel’importancedutraitementgrapho-syllabique;en
françaislasyllabeoraleestdisponibletrèstôtchezlejeuneenfant;lasyllabeécriteest
14
utiliséedèsleCP;lescorrespondancesgraphèmes-phonèmesdoiventêtreenseignées,
mais ce sont les syllabes que le jeune enfant utilise pour lire les mots ; il construit un
syllabairemental.
- Unentrainementgrapho-syllabiqueavecdesfaibleslecteursenCPproduituneffetàlong
terme,legaindeperformancesemaintientjusqu’enCE1.
- Les processus de compréhension comprennent la compréhension littérale et la
compréhension inférentielle (inférences de cohésion et inférences basées sur les
connaissances).
- JE prône des ateliers de réduction des difficultés en lecture (ARDiLec) : il convient
d’évaluerleprofildelecteur,d’apporterdesaidescibléesetd’évaluerl’impact.
- Le logiciel d’entrainement à la compréhension LoCoTex permet de stimuler la
compréhensionauprèsdefaiblescompreneurs;l’entrainementencompréhensionjoue
surl’identificationdemotsécrits(résultatinattendu)
L’école doit se doter d’outils fondés scientifiquement et validés. L’introduction d’outils
informatisésestefficaceàconditiond’uneformationdesenseignantsadéquate.L’idéeestde
multiplier du temps d’enseignement, et de renforcer des procédures déficitaires chez des
enfantsfaiblesidentifieursetcompreneurs.
PouruneÉducation«raisonnée»baséesurdesfaitsexpérimentaux.
Questions du jury : Quant à la diffusion des résultats des neurosciences auprès des
enseignants,BernardLétérépondqu’iln’estpaspossibledetraduiredirectementlessavoirs
desneurosciences;pourenfairequelquechoseenclasse,ilfaudraitvraimentfaireuntravail
surcesconnaissancesneuroscientifiquesavantdepouvoirlestransféreretlestransformer
enpréconisationdepratiques.Cedevraitêtreunefonctiond’uninstitut,l’IFEparexemple
commelefaisaitl’INRP.
**********
Liredanstouteslesdisciplines
Martine Jaubert – Quelles pratiques enseignantes pour soutenir
l’apprentissagecontinudelalecturedanslesdisciplinesscolaires?
Les élèves ont de l’intérêt pour les textes informatifs, qui font rarement l’objet
d’apprentissageàl’école.L’écolefaitunparihasardeuxencomptantqueletravailsurles
textesnarratifssetransfèrefacilementsurlestextesinformatifs.
Les textes de savoirs dans les manuels présentent des discours produits spécifiques aux
disciplines;lestextesàlireàl’écolesontmarquésparlespratiquesdisciplinaires.
- Texte documentaire et maitrise de la langue – La dimension maitrise de la langue
pour les textes documentaires est importante, ce sont des textes composites,
hétérogènes,densesetincomplets;leslecteursdoiventfaireuntravaild’inférence
pourconstruiredelacohérence;leslecturesdesélèvessontlacunaires;untravail
systématiquesurcestextesadeseffetspositifssurlacompréhensiondesélèves.Mais
letravailsurlalanguenesuffitpas,lesdiscourssontliésauxdisciplines.
- Dans les disciplines : dimension culturelle – La lecture de la phrase demande des
connaissances culturelles, elle suppose l’ancrage dans un monde ; la maitrise de la
langueestnécessairemaispassuffisante.Lesuniversdestextesfontentrerdansdes
mondes variés ; les savoirs n’existent pas en eux-mêmes, ils sont le résultat de
15
l’activitéhumainequicréedesusageslangagiers,desuniversculturels;lessavoirs
sontdesproductionshistoriquesetculturelles.Lelecteurestsujetcognitifetsujet
social,ilentredansuneculture.Lalecturedestextesinformatifsestsouventassociée
à une démarche computationnelle, ce n’est en fait pas si simple. Le travail sur les
textes informatifs demande à la fois de construire de la signification et des modes
d’agir, et de légitimer ce savoir dans la communauté scientifique. Il nécessite des
pratiquespertinentespourentrerdanscesavoir,pourentrerdansuneculture.
- Pointdevueetpositionnementénonciatif–Chaquedisciplineconstruitsonpointde
vue sur les objets ; toute communauté humaine se construit en fonction de son
positionnement énonciatif ; l’élève doit pouvoir comprendre le point de vue qui
organise le texte, adopter la position énonciative pertinente, s’inscrire dans le
contexte disciplinaire ; l’absence de clarté cognitive sur la discipline nuit à l’entrée
dansladiscipline.
- Conséquences dans les disciplines scolaires – Des discours intermédiaires, des
tissagessontnécessaires,avecunétayagefortdumaitreetducollectifclasseetune
verbalisationdesstratégies.Lesélèvesdoiventnégocierlesavoirenjeuetlesmoyens
deconstruirecessavoirs;ilsdoiventarticulerlectureetécritureheuristique:l’écrit
commemoyendeposerlapensée,avecdesécritsintermédiaires.
- Propositionspoursoutenirletravaildelecturedanslesdisciplines–Construiredes
pratiquesdansladurée;donnerleurfonctionépistémiqueauxtextes;aiderl’élèveà
s’inscrire dans chaque discipline (recontextualiser au début de chaque cours) ;
construire un dialogue collectif autour du texte pour stabiliser savoirs, valeurs,
principes,pratiqueslangagièresdanschaquediscipline.Nepasséparerlalecturedes
textesdeleurancragedisciplinaire.
Nepaslaissercroireauxélèvesquelire,écrire,parler,seraitlamêmechosed’unediscipline
à l’autre. Permettre aux élèves de mettre à distance les pratiques de lecture de chaque
discipline, et permettre aux élèves de construire une conception de la lecture dans ses
variableslangagières.Dansquellemesurel’enseignementdufrançaisdoit-iletpeut-ilprendre
unchargecesvariableslangagières?
Séverine De Croix – Comment lire les textes informatifs au début de
l’enseignementsecondaire?
Lesenjeuxdelalecturedestextesinformatifsausecondairesontderépondreàlarupture
desmodesdetransmissionduprimaireausecondaire;lespratiquesdelecturesemodifient;
la lecture deviendrait alors une pratique disciplinaire. La prise en compte des lectures
ordinairess’imposeparcecequecesmodesdelectureconditionnentl’apprentissage:très
pratiqués, ils sont peu enseignés ; ils font un usage de la fiction comme répertoires de
situations,decontextes;pourlesgarçonslalecturedocumentaireconstitueunevoieplus
abordableverslalecture;lalecture«instrumentalisée»estunmoyendedévelopperune
penséerationnellepourregarderetanalyserlemonde.
Lestextesinformatifscomportentdesspécificitésdansleursmodesdelecture(complexité,
densité, guidage…) ; ils exigent que les lecteurs mettent en place des modes de lecture
spécifiques:«lectureorientéeverslavolontédesavoir»,miseenrelationd’informations
localeséparses,lectureintégrale(mémoriser,reformuler…),attentedulecteurpourengager
leprocessusd’interprétation.
Versdespratiquesadaptées:agirsurlestextesetsurlestâches:
Lestextes:
16
- Clarifierpourlesélèveslanatureetlestatutdesdocumentsquicirculent
- Privilégierlestextesquiengagentàconstruiredesproblèmes
- Donneraccèsàunevariétédelivresetderevues
- Préciserlerôledechaquedocument
- Évaluerlesfictionsàlalumièreduprojetd’apprentissage
Lestâches:
- Stratégies : développer des compétences de planification, contrôle, régulation ;
proposer une diversité de stratégies ; articuler le choix des stratégies aux
caractéristiques des textes et tâches ; enseigner certaines stratégies bénéfiques à
l’apprentissageparlalecture(insertion,soulignement,miseenplan,prisedenotes,
clarificationduquestionnement,résumé,organisateurgraphique…)
- Produire des écrits à propos des textes lus accroit les performances en
compréhension : écrits d’amplification, de résumé, prise de notes, formulation de
questionsetderéponses
Lessituationsàconcevoir:
- Situationsexigeantes,c'est-à-direcomplexesetpertinentes;lecturecommenécessité
pouraccomplirdestâchesetnonprétextes
- Soutenirleprocessus,activerlesconnaissancesantérieures;interpréterlesexigences
del’activité,anticiper
Lesaidesàmettreenplace:
- Utiliserdesnotesmaispasn’importelesquelles:liaisondesinformationsetinférences
- Présenterdesnotessurécranavecaffichage.
Questionsdujury:Quelestlerôleduprofesseurdocumentaliste?D’aprèsSDC,ilpeutjouer
unrôledanslarecherched’informations,àpartird’unequestionprécise.MJinsisteplutôtsur
la nécessité de l’implication du professeur de la discipline, mais déplore l’insularité trop
souventconstatée.Ilfautêtreconscientdelanon-transparencedulangage.
Quelleutilisationpeut-onfairedescarteseuristiques?MJmetengardecontrel’illusiondu
gadget«prêtàl’emploi».Uneanalyseaprioripeutguiderl’actiondel’élève;lemieuxest
peut-être des cartes fabriquées avec les élèves, pour construire un parcours fondé sur
différentspointsdevue,discoursquel’onmetendiscussion.
Devant cette insistance sur les spécificités disciplinaires, qu’en est-il des préconisations
actuellesincitantàdesprojetsinterdisciplinaires?C’estuneévolutionpositive,àcondition
d’éviter le brouillage des mondes. Par exemple, dans le roman historique, il convient de
pointer ce qui relève de l’histoire et du roman, travail à prendre en charge avec les deux
aspectsdisciplinaires.
**********
Liredanseten-dehorsdel’école
ChristineDétrez–Pourquoilesjeuneslisent-ilsencore?
L’observationdespratiquesculturellesdesadolescentsmènesouventauconstatquidevient
unevulgate:«Lesjeunesnelisentplus»,avecpourcorollaireunepaniquerécurrentedevant
letempsconsacréàlaBD,puisàlatélévision,etmaintenantàinternet.Ilfautmettreen
question l’emploi de cet intransitif, et l’existence même d’un passé mythique où les
adolescentsauraienttousétédespassionnésdelecture.Onéviteraàlafoiscelégitimismeet
l’idéalisationdestextos(oùcertainsveulentvoirunenouvelleformed’écriture).
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La lecture doit être replacée dans un ensemble de pratiques culturelles et artistiques, en
conjuguant approche quantitative et approche qualitative. C’est ce que permettent deux
enquêtes:uneenquêtelongitudinale(duCPàl’âgede17ans)surl’enfance»desloisirs,et
uneenquêtequalitativeportantsurlesadolescentslecteursdemangas.
1. Les adolescents lisent peu, et de moins en moins. Mais cette affirmation est à
nuancer:
- Letempsconsacréà«liredeslivres»estdifficileàestimer:cequ’ilslisent,«Pour
vous,çan’estpasdeslivres».
- Les livres ne sont ni plus ni moins abandonnés que tout ce qui renvoie à l’enfance
(écroulementdesjeuxauprofitdelamusique,l’ordinateur,lasociabilité).
- Ilrestequ’aumêmeâge,lesfilleslisentplusquelesgarçons,etqu’onlitplusdansles
milieuxfavorisésquedanslesmilieuxpopulaires.
- L’attachement de ceux qui lisent à la lecture est très marqué, plus que celui qui
concerned’autrespratiquesculturelles,etaugmenteavecl’âge.
2. Pourquoilesmangas?
- Leslirepermetdetisserdesliensdesociabilitéaveclespairs(discussions,conseils,
échanges, création de pages internet spécialisées, blogs) : c’est un bagage
générationnelcommun
- Les lire permet l’accès à des émotions : rire (scatologie, sexe), cf. travail de Serge
TisseronsurlaBD,montrantquel’humouraideàaborderlechangement;pleurer
(reconnupardeslycéens,pasaucollège).
- Atraverslesmangas,onélaboresonidentitégenrée(lescollectionssontdestinéesà
despublicstrèsprécis).
- Lalecturedevientparfoisunevéritableressourcefaceàl’adversité»;cf.travauxde
MichèlePetit.
Dansledomaineculturel,lespratiquesamateursetlalecturesontlespointsd’attachement
lesplusforts,ilsparticipentdelasociabilitéetaidentàvivre.
Questionsdujury:CDsoulignelanécessitéderéexaminerlecorpusdelecturesproposéesau
collègeetaulycée(textescoupésdesémotions,ressentiscommetroplongs.Valoriserdes
textesnonlégitimes,quine«sontpasdelalecture»ycomprispourdesadultes,pourrait
avoiruneffetbénéfique.
**********
Lalectureàl’heuredunumérique
Jean-FrançoisRouet–Quellessontlesspécificitésdelalecturedocumentaire
etdelarecherched’informations?
Laprofusiond’outilsnumériquesentrainedenombreuxchangementsàlafoisdansceque
nouslisonsetdanslafaçondontnouslisons.Rappelons-nousqu’ilya20ans,10%seulement
desfoyersétaientpourvusd’unordinateur,etnilessmartphonesnilestablettesn’existaient
encore.L’essorcommenceen2000.ALyon,en15ans,l’abonnementàinternetestpasséde
10%à80%delapopulation.Danslemonde,40%deshumainsontutiliséinternetdansles6
derniers mois. Or, il y a une corrélation presque parfaite entre l’utilisation d’internet et
l’alphabétisation:latechnologiedel’informationetdelacommunicationreposesurlaforme
18
écrite. Est-ce qu’aux nouvelles formes qui apparaissent correspondent de nouveaux
processus?
1. Lesmutationsdutexte
- Changementdeformatetlisibilitédesurface(exLeMondefeuillet47x64>feuilleA4
>écran17’’):letexteestplusémietté,ilfauttournerlespagesplussouvent.
- Développement de liens hypertextuels (cf. opposition noir/ bleu), impliquant une
délinéarisation du texte. Cela suppose une lecture de type balayage à la recherche
d’informations(vscohérence).
- Processuséditoriauxliésàlatechnologiedesréseauxnumériques:onalapossibilité
derecevoirdesinformationsetd’interagir.(Ex:avisquel’ontrouvesurleforumdu
Routard : quelqu’un pense avoir une opinion à me donner… Mais est-ce que je la
comprends ? Est-ce qu’elle a une valeur de reconnaissance ?). Les enseignants
d’aujourd’hui sont donc confrontés à des interrogations sur ce qui fonde les
connaissances.
2. Lesmutationsdescontextesdelecture
- Onpassedulangageoralaulangageécrit(qualificationsurlaquellesefondel’image
sociale).
- Passer du guichet (ex : administration quelconque) à la page web suppose un
récepteurcapabledelireetdeserepérerdanslapage.
- Enclasse,l’irruptiondestablettesconduitàmodifiermobilier,comportementsetc.
- L’activitédelectureprécèdelalectureproprementdite,etposelaquestiondel’accès
àl’informationpertinente.
- Nécessitéd’évaluerl’informationobtenue.
- Intégrerdessourcesmultiplespourcorroboreruneinformationenlaconfrontantà
d’autresimpliquedeconnecterplusieurstextesdontilfautgérerlesincohérences.
Toutcelaexisteenfaitdepuislongtemps(parexempledansletravaildel’historien)mais
devientunobjetdepremierplan.
3. Lesmutationsdesconnaissances
- Compétencesdéclaratives:comprendrel’organisationdel’information(hypertexte),
connaitrelesoutilsd’accès(exbasdepage),interpréterlesorganisateurs.
- Compétencesprocédurales:sereprésenterl’espacevirtueldutexte,l’organisation
du réseau (ceux qui ont du mal à s’orienter dans l’espace retrouvent les mêmes
difficultés).
- Savoir examiner tous les possibles, inhiber les décisions précoces (72% des
adolescentsconfrontésàunerecherchesurinternet«choisissent»lepremierlien
proposé,quellequesoitlatâche).
- Savoir examiner la pertinence d’une information (ex : si on tape « les causes du
réchauffementclimatique»,le1erlienquiapparait(planète-energies.com)minorele
rôledesénergiesfossiles…Ilsetrouvequ’ilapouroriginelegroupeTotal).
- Savoiridentifieretapprécierlasourced’uneinformation(ex:surlesréseauxsociaux,
la rumeur d’un projet de suppression de 2 semaines de vacances a rassemblé 300
jeunesàPéronne).
- Savoirintégrerplusieurstextescontradictoires.
19
Conclusion:Letexte,lescontextesetlesprocessuschangent,exigeantdeplusenplusde
processusdehautniveau:l’examenrapided’unensembled’informations,uneévaluation
qualitative de l’information, l’intégration d’informations parallèles issues de sources
diverses:riendetoutcelan’estaccessibleà11ou12ans(cf.Piaget,maturationnécessaire
àladécentration).Quelssontdonclesenjeuxàtirerdecesévolutionspourl’enseignement
danslecycle4?
André Tricot – Dans quelle mesure les supports numériques peuvent-ils
compliqueroufaciliterl’apprentissageetlapratiquedelalecture?
Aproposdessupportsnumériques,ilfautdistinguerlesoutilsdédiésounon:ceuxquivisent
l’apprentissagedelalectureetceuxquiimpliquentunepratiquedelalecture.
Numériqueetapprentissagedelalecture
- Des outils dédiés visant la capacité à reconnaitre des mots écrits se développent
énormément.Ilsobtiennentdesrésultatsimmédiats.
- Lesapportsspécifiquesdunumériquesontlamultimodalitéetla possibilité
de
retourimmédiat.
- Lesoutilsnondédiésn’ontaucuneffetbénéfiqueconnu.
- L’apprentissagedelacompréhensiondel’écrit:l’importantn’estpaslenumérique
maisl’enseignementdelacompréhension.
Lirepourapprendreetcomprendre
- C’est un domaine plus riche, il est possible que cela ait de l’intérêt. Mais le risque
existeaussideconcevoirdemauvaissupports
- Lessupportsnumériquesentrainentplusd’exigenceentermesdetraitementcognitif.
- 9principesfondéssurdespreuvespourconcevoirdessupportsnumériques:éliminer
toutcequiestinutileoudécoratif,mettreenexerguecequiestimportant,éliminer
ce qui est redondant, limiter l’écrit pour commenter une image (préférer l’oral),
imaginerspatialementettemporellementcequiestlu,fairedespausesets’adapter
au rythme des élèves, ne pas tout donner en même temps mais progressivement,
impliquer les élèves (s’adresser à eux, personnaliser le message), utiliser des
animations…
L’utilisation du numérique pour l’apprentissage de la lecture comporte donc des enjeux
ergonomiques:testerempiriquementl’efficacitéavecrigueur(tenircompteparexempledu
temps passé aux tâches proposées), mais aussi l’utilisabilité et l’acceptabilité : les outils
proposés sont-ils compatibles avec les contraintes d’espace, de temps, d’organisation à
l’intérieurd’uneclasse?
Pourcequiestdespratiquesdelecture,onconstatedesaméliorations(ladifficultédestâches
proposéesdiminuedepuislesannées2000).Dansledomainedelacompréhension,lestâches
portentsurdesdocumentsdeplusenplusdifficilesàcomprendre.Onmetlesélèvesdevant
des tâches de compréhension de documents multimédia, multimodaux, dynamiques…
Parfois, un travail plus exigeant, voire inadapté, qui conduit paradoxalement à une
détérioration des compétences. S’ajoutent à cela des tâches nouvelles, où la recherche
d’informationsimpliqueuneréflexionsurlafiabilité,laqualitédecesinformations…
En conclusion, on constate des informations plus riches, plus complexes et des tâches de
lecturesplusintéressantes,engageantes,«actives»,quipeuvent,souscertainesconditions,
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améliorerl’apprentissagenotammentdelalecture.Celaimpliquenéanmoinsdenouvelles
exigencesetdenouvellescompétences,àlafoischezlelecteuretchezleconcepteur.
Questionsdujury:Lescircuitsneuronauximpliquésdanslalecturenumériquesont-ilsles
mêmes ? Une aire spécifique est consacrée à la lecture, mais l’ensemble du cerveau est
engagé.Onn’ensaitdoncrien,pourl’instant.Onconstateseulementquel’absencederepère
spatialadesincidencesqu’onneconstatepasdansletexteécrit(ceuxquiseperdentdans
lesbâtimentsneseperdentpaspourautantdansleslivres).Cesévolutionsconduisentàse
poser des questions qui auraient pu apparaitre plus tôt : comment comprend-on un texte
illustré ? L’élève a un double modèle à élaborer, il doit intégrer les deux sources
d’information,l’imageneconstituedoncpasforcémentunefacilitation.
Onditparfoisquelefaitdesavoirquel’informationestconservéequelquepartentrainerait
unrelâchementdel’attention,unemoindremémorisation(internetrend-ilidiot?):cen’est
passûr.
Qu’enest-ildesjeunesenfants?Quecessupportsoccupentdutempspourlespetitspose
problème,ledécodageestprioritaireparcequ’ilestnécessaireàtoutlereste.
Commentl’écolepeut-ellemieuxformerpourapprendre?Laquestionesttrèsimportante
maiscomplexe.Elleimpliquedeprendreencomptelesreprésentationssocialesdelalecture:
l’adultemoyenpassede3hà4h½parjouràlire,maispasdesromans…Onestdansune
sociétédel’informationécrite,c’estundéfideformerdeslecteursàlahauteurdesnouveaux
outils.Celaneseferapasenquelquesannées.Danslesecondaire,ilestbonderéintroduire
descompétencestransversalesencohérenceaveclesenseignementsdisciplinaires:onleur
apporte une aide, on n’est pas juste en train de leur « piquer une heure », parce qu’en
travaillant la lecture documentaire, on va travailler l’épistémologie de la discipline. Le
professeurdocumentalisteestunappuiprécieux.
Pouvez-vousrecommanderdeslogicielsefficaces?Non,maisrappelerquelquesquestionsà
seposeravanttoutinvestissement:Cetoutila-t-ilfaitlapreuvedesonefficacité?Exige-t-il
untempsdeformationenrapportavecsonutilité?Est-ilcompatibleaveclefonctionnement
desclasses?
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Clôturedelaconférence
Olivier Dezutter, président de la conférence, remercie les participants pour avoir éclairé
chacunedesfacettesdukaléidoscopeavecrigueuretengagement.Parexempleilestrare
d’entendre un spécialiste des neurosciences conclure sur l’impossibilité d’une application
directedesesrecherchesetsurlanécessitédepratiquesdelectureréelles.
Ilfaitleconstatquecetteconférencedeconsensustombeàpoint,àunmoment-clé:
- del’évolutiondenosmanièresdefairequandils’agitdelire-comprendre-apprendre:
degrandesmutationssontencours,dontilestdifficiledemesurerlesimpacts.Eton
n’a pas encore abordé les transformations que vont entrainer les moyens de
conversionoral-écrit.
- de l’évolution du système éducatif, après ± 15 ans d’activisme institutionnel (cf.
nombrederéformes).
Ilformulelesouhaitquelesnouveauxprogrammes,lesdispositifsquivontsemettreenplace,
disposentdutempsnécessaire.
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Ilfauteneffetfairefaceàdeuxdéfismajeurs:
- Commentpermettreunaccompagnementplusindividualisédel’apprentissagedela
langue,àtouteslesétapesdel’éducation?
- Commentassurerunecontinuitédansuncycle,entrelescycles,ducollègeaulycée?
Pour ce suivi, la culture de travail doit évoluer, il faut des ajustements pour que les
enseignantspuissentremplirlamissionquileurestconfiée,donneràchaqueenfantlachance
dedécouvrirlamagiedelalectureetsessuperpouvoirs:réussiràl’école,prendreunepart
active dans la vie de la société, découvrir le monde, « me construire comme personne à
chaqueétapedemavie»…
Jean-ÉmileGombert,présidentdujury
Soulagé de pouvoir enfin prendre la parole (!!!), Jean-Émile Gombert se félicite de la
complémentarité des interventions qui se sont succédé, même si plusieurs points ont été
laissésdecôté,enparticulierlelientrèsfortavecl’écriture(quiferal’objetd’uneprochaine
conférence de consensus). Il se félicite aussi que l’on renoue actuellement avec le
fonctionnementdesannées90-2003,avecuneinteractionforteentrechercheurs,politiques
etenseignants.Sansêtreseulresponsabledel’accroissementdesécarts,ledivorceavecla
rechercheaeudeseffetsnégatifs.
Ilrappellelerôledujury:cesontdesacteursdel’enseignement,ilestbonquecesoienteux
qui aient à formuler des recommandations. La priorité sera de faire face à la dégradation
constatéedesrésultatsdel’école,aveclecreusementdesrésultatslesplusfaiblesspécifique
àlaFrance.
Danscetteconférence,rienn’aremisencauselesconclusionsde2003(oudestravauxde
l’ONL).Ilfaudraaussisesaisirdesprogrammesde2016,étayéspardesavisd’experts.Reste
égalementlaquestiondelaformation:ellenerésoutpastout,maissanselle,onadumal!
Rendez-vousle7avrilpourlaremisedesrecommandations.Denouveauxélémentsseront
égalementfournisparlebulletindeveilledel’IféetlesiteduCNESCO.
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