Infection à Chlamydia trachomatis : quoi de neuf

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Infection à Chlamydia trachomatis : quoi de neuf
BACTÉRIOLOGIE Chlamydia trachomatis
Infection à Chlamydia trachomatis :
quoi de neuf ?
B. DE BARBEYRAC1, O. PEUCHANT1, C. LE ROY1,
M. CLERC1, L. IMOUNGA1, C. BÉBÉAR1
résumé
Ces dernières années ont connu un certain nombre de changements importants concernant l’épidémiologie et le diagnostic des infections à Chlamydia trachomatis. Récemment modifiée, la nomenclature des actes de biologie médicale
n’autorise le remboursement de la détection de C. trachomatis que par la recherche d’ADN ou d’ARN par amplification
génique. Aujourd’hui, la plupart des techniques moléculaires détectent en « duplex » C. trachomatis et Neisseria gonorrhoeae, voire d’autres pathogènes responsables d’infections sexuellement transmissibles comme Mycoplasma genitalium.
Mots clés : Chlamydia trachomatis, LGV, biologie moléculaire, épidémiologie.
Ces dix dernières années ont été marquées par une
progression régulière du nombre de diagnostics positifs
d’infections à Chlamydia trachomatis aussi bien en Europe
qu’en Amérique du Nord et par l’arrivée d’une épidémie
de lymphogranulomatose vénérienne (LGV) rectale en
Europe. Dans le même temps, les techniques de biologie
moléculaire se sont généralisées, améliorant sensiblement
les performances de sensibilité et spécificité de la détection.
La nomenclature des actes de biologie médicale a été
récemment modifiée pour s’adapter en partie à ces changements. Désormais, elle n’autorise le remboursement de
la détection de C. trachomatis que par la recherche d’ADN
ou d’ARN par amplification génique. La plupart des techniques d’amplification génique actuelles détectent en
duplex C. trachomatis et Neisseria gonorrhoeae, voire d’autres
pathogènes responsables d’infections sexuellement transmissibles (IST) comme Mycoplasma genitalium.
II. - TAXONOMIE
Dans la famille des Chlamydiaceae, la proposition d’Everett
en 1999 de diviser le genre Chlamydia en deux genres,
Chlamydia et Chlamydophila, est à l’heure actuelle abandonnée (1). La nouvelle taxonomie ne reconnaît qu’un seul
genre, Chlamydia, et 9 espèces.
C. trachomatis comprend 19 sérovars groupés en 2 biovars,
trachoma et LGV. Le biovar trachoma comprend 15 sérovars : A, B, Ba et C (impliqués dans le trachome), D, Da, E,
F, G, Ga, H, I, Ia, J et K (impliqués dans les infections oculaires et urogénitales). Le biovar LGV comprend 4 sérovars,
L1, L2, L2a et L3.
C. pneumoniae est isolé chez l’homme mais aussi le koala,
la grenouille et le cheval. Suivant la spécificité d’hôte, les
souches sont regroupées en trois biovars, TWAR, Koala et
Equine. Le biovar TWAR est responsable d’infections respiratoires chez l’homme.
Chlamydia psittaci, qui regroupe uniquement les souches
aviaires, peut occasionnellement provoquer des pneumopathies sévères chez l’homme, en particulier chez les personnes travaillant dans la filière des canards mulards.
Les autres espèces sont d’intérêt vétérinaire. C. muridarum
comprend les souches isolées chez la souris et le hamster
(ancien C. trachomatis biovar pneumonie de la souris).
C. suis comprend les souches isolées du porc chez lequel
elles sont responsables de conjonctivites, d’entérites et de
1
Centre National de Référence des Infections à chlamydiae,
USC Infections humaines à mycoplasmes et chlamydiae,
INRA et Univ. Bordeaux, France.
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feuillets de Biologie
VOL LIII N° 306 - MAI 2012
BACTÉRIOLOGIE Chlamydia trachomatis
I. - INTRODUCTION
pneumopathies. C. pecorum est isolé des mammifères sans
spécificité d’hôte (ruminants, marsupiaux, et porcs). Les
souches responsables d’avortements, les souches de chats et
de cochon d’inde appartiennent respectivement à 3 espèces,
C. abortus, C. felis et C. caviae.
III. - ÉPIDÉMIOLOGIE ACTUELLE
DES INFECTIONS À C. TRACHOMATIS
BACTÉRIOLOGIE Chlamydia trachomatis
L’infection à C. trachomatis est la plus fréquente des IST
bactériennes rapportées en Europe et aux États-Unis. En
2009, 343 958 cas ont été rapportés dans 23 pays de l’Union
européenne, correspondant à 185 cas/100 000 habitants,
plus fréquemment chez la femme (217 cas/100 000) que
chez l’homme (152/100 000) (http://www.ecdc.europa.eu).
La véritable incidence de l’infection est probablement plus
élevée. Les trois quarts sont rapportés chez les jeunes entre
15 et 24 ans. La tendance est à l’augmentation, reflétant
une amélioration de la surveillance, des dépistages et des
outils de détection. Aux États-Unis, entre 1997 et 2009, le
nombre de cas est passé de 537 904 à 1 244 180 alors que le
nombre d’infections à N. gonorrhoeae diminuait légèrement
de 327 665 à 301 174. Comme en Europe, le taux d’infections à C. trachomatis en 2009 était plus élevé chez la femme
(592,2/100 000) que chez l’homme (219,3/100 000)
(http://www.avert.org/std-statistics-america.htm).
En France, les résultats de l’enquête Natchla montrent
que la prévalence chez les personnes âgées de 18 à 44 ans
est de 1,4 % chez l’homme et de 1,6 % chez la femme. Cette
prévalence est plus élevée chez les 18-29 ans (hommes :
2,5 % [IC 95 % : 1,2-5,0], femmes : 3,2 % [IC 95 % : 2,0 5,3]) (2). Le facteur de risque commun à tous les 18-29 ans
est le fait d’avoir eu récemment un partenaire occasionnel.
Les autres facteurs de risque identifiés pour les hommes
sont le fait de résider en Île-de-France ou d’avoir eu récemment un nouveau partenaire ou des partenaires du même
sexe, et pour les femmes d’avoir eu plus de 2 partenaires
dans l’année et d’être non diplômée. Un fait notable est
que la prévalence chez les femmes âgées de 25 à 29 ans ne
diffère pas notablement de celle des femmes de 18 à 24 ans.
De plus, dans le réseau de surveillance Rénachla, 20 % des
cas sont identifiés chez des femmes entre 25 et 29 ans (3).
Or, les recommandations de dépistage intéressent les
femmes de moins de 25 ans, laissant de côté les femmes plus
âgées. Ces résultats devraient inciter à revoir les recommandations de manière à inclure les femmes jusqu’à 30 ans.
IV. - STRATÉGIES DE DÉPISTAGE
Vu la gravité des complications de l’infection à C. trachomatis, des recommandations de dépistage chez les sujets
asymptomatiques existent dans plusieurs pays. En France,
l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé
(ANAES) considère qu’un dépistage systématique des
infections uro-génitales à C. trachomatis est justifié dans les
lieux de consultation à vocation de dépistage (centres de
dépistage anonyme et gratuit, CDAG ; centres de dépistage
et d’information des IST, CIDDIST), les centres de planifi-
cation et d'éducation familiale CPEF et les centres d’orthogénie (4) chez les femmes de moins de 25 ans et les hommes
de moins de 30 ans. En effet, les taux de prévalence dans
ces centres sont de l’ordre de 10 %.
Concernant les femmes enceintes, il n’existe aucune
recommandation en France. Récemment, en 2011, nous
avons fait une étude de prévalence des IST bactériennes
chez les femmes enceintes, au moment de la recherche du
streptocoque B en fin de grossesse. Nos résultats montrent
une prévalence globale de 2,5 % sur plus de 1 000 femmes
testées et de 7,9 % chez les femmes de 18 à 24 ans (résultats
personnels). Cette prévalence élevée chez les femmes enceintes de moins de 25 ans plaide en faveur d’un dépistage
dans cette population.
Selon les recommandations, le diagnostic doit se faire par
biologie moléculaire sur des auto-prélèvements, urine du
1er jet chez l’homme et auto-écouvillonnage vaginal (5, 6).
Les écouvillons « flockés » sont à recommander car ils prélèvent et « déchargent » mieux que les écouvillons dacron
ou alginate (7).
L’objectif des programmes de dépistage est de réduire
le risque de complications en identifiant les femmes infectées et en les traitant avant l’apparition des complications
(prévention secondaire) et/ou en réduisant la transmission
dans la population afin de diminuer le nombre de nouveaux cas (prévention primaire). L’efficacité du dépistage
dépend en partie de la durée de l’infection au moment du
dépistage et du nombre d’infections répétées. Les questions
de savoir si le risque de complications est plus élevé après
des infections répétées ou avec une infection persistante, et
si le traitement précoce empêche le développement d’une
immunité protectrice, restent posées. En effet, dans les pays
qui ont organisé des programmes de dépistage dans les
années 1980, on observe depuis le milieu des années 1990,
une augmentation du nombre de cas. Brunham et al. ont
fait l’hypothèse que le dépistage de l’infection, en raccourcissant la durée de l’infection, diminue la durée de l’immunité et augmente le risque d’infections répétées (8). Cette
question de « l’immunité arrêtée » est débattue, d’autant
que d’autres raisons peuvent expliquer cette augmentation
du nombre de cas comme l’amélioration de la sensibilité
des techniques de détection et l’augmentation du nombre
de dépistage. Le rôle des infections répétées ou d’une infection persistante dans la survenue des complications n’est
pas élucidé. Il est certain que les infections répétées sont
fréquentes. Une étude récente chez des adolescentes montre que les infections répétées sont des recontaminations
dans 84,2 % des cas, un échec de traitement dans 13,7 %
des cas et une infection persistante sans traitement documenté dans seulement 2,2 % des cas (9). Cela pose les questions du suivi des partenaires (dépistage, traitement), et de
l’efficacité du traitement recommandé.
Une question critique est celle de la proportion de femmes
infectées qui développent des complications. Aucune étude
prospective ne permet de savoir combien d’infections ont
entraîné une stérilité ou une GEU. Dans l’étude POPI, l’incidence des maladies inflammatoires pelviennes ou PID (pel-
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feuillets de Biologie
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Chlamydia trachomatis
V. - RECOMMANDATIONS DE TRAITEMENT
ET DE SUIVI
Seuls les antibiotiques à forte pénétration cellulaire
(tétracyclines, macrolides, fluoroquinolones, rifampicine)
sont actifs sur C. trachomatis. L’étude de la sensibilité des
souches isolées ne se fait pas en routine étant donné la lourdeur des techniques, le peu d’isolats cliniques et l’absence
de résistance acquise sous traitement clairement identifiée.
Cependant, la sélection de souches résistantes en présence
d’antibiotiques in vitro a été décrite.
Suivant les recommandations françaises (11) et européennes (12), le traitement de première intention des
infections urogénitales non compliquées fait appel à l’azithromycine à la dose de 1g per os en une seule prise ou à la
doxycycline 100 mg per os, 2 fois par jour, pendant 7 jours.
L’azithromycine en dose unique, de par sa grande pénétration tissulaire, ses taux sériques bas et sa longue durée de
vie, constitue l’antibiotique de choix en générant moins
d’effets indésirables que la doxycycline, et en assurant une
meilleure observance. Les alternatives thérapeutiques reposent sur l’érythromycine base (500 mg, 4 fois par jour pendant 7 jours), l’éthylsuccinate d’érythromycine (800 mg,
4 fois par jour pendant 7 jours), l’ofloxacine (300 mg,
2 fois par jour pendant 7 jours) ou la lévofloxacine (500 mg,
une fois par jour pendant 7 jours). Pour les anorectites à
C. trachomatis, un traitement à base de doxycyline est recommandé, d'une durée de 21 jours en cas de LGV et de 7 jours
pour les souches non L.
Il est indispensable de traiter parallèlement le(s) partenaire(s) et de conseiller d’avoir des relations sexuelles
protégées pendant le traitement. Il est impératif de réaliser
la recherche d’IST associées et de revoir le patient au 7ème
jour (ou plus tôt en cas d’échec thérapeutique). Il n’y pas
de recommandations particulières pour les patients infectés
par le VIH.
La description d’une persistance de l’infection après traitement dans 10 à 15 % des cas, et la possibilité de sélection
in vitro de mutants résistants doit inciter à la vigilance. Deux
types de contrôles sont préconisés, le contrôle post-traitement, à 5 semaines de la fin de celui-ci, et le contrôle de la
recontamination éventuelle à 3 ou 6 mois. À défaut de pouvoir retester les personnes infectées dans ce délai court, il
est recommandé de les suivre dans les 12 mois suivant le
traitement initial (http://www.cdc.gov/std/treatment/2010)
dans le but de dépister et de traiter les recontaminations
éventuelles.
VI. - LE POINT SUR LES ANO-RECTITES
À C. TRACHOMATIS
Depuis les premiers cas rapportés fin 2003 à Rotterdam,
l’épidémie de LGV rectale à C. trachomatis s’est répandue
dans toute l’Europe. La mise en place de la surveillance a
commencé en France dès 2004 à Paris et s’est progressivement étendue sur toute la France. La création d’un réseau
de surveillance des ano-rectites à C. trachomatis depuis 2010
permet de recueillir des données cliniques, comportementales et biologiques. Les laboratoires envoient au CNR des
infections à chlamydiae leurs échantillons ano-rectaux positifs dès le jour de leur identification, accompagnés d’une
fiche de résultats de laboratoire documentant les IST associées. Dès réception, le CNR effectue le typage par une méthode rapide de PCR en temps réel spécifique du sérovar L
(13). Le résultat est faxé le jour même au laboratoire. Le
clinicien reçoit le résultat par courrier avec une fiche de
renseignements cliniques à renvoyer au CNR ainsi qu’une
note d’information et une demande de consentement de
recueil de données à faire signer par le patient. Les documents nécessaires au fonctionnement du réseau peuvent
être consultés et imprimés à partir du site web du CNR,
http://www.cnrchlamydiae.u-bordeaux2.fr/.
De 2004 à juin 2011, le CNR a réalisé le typage de 1 781
échantillons ano-rectaux positifs à C. trachomatis, identifiant
ainsi 1 145 cas de LGV (64,3 %), 550 cas d’ano-rectites à
souches non-L (30,8 %) et 86 cas à souches qui n’ont pu être
typées (4,8 %). La courbe épidémiologique des cas de LGV
montre une nette progression entre 2004 et 2010, avec
cependant une inflexion en 2009 (2004 : 102 cas, 2005 : 117,
2006 : 140, 2007 : 170, 2008 : 191, 2009 : 160, 2010 : 185).
Les cas de LGV sont plus souvent identifiés à Paris (81 %)
qu’en province (p < 10-5). Les ano-rectites à C. trachomatis
touchent les hommes ayant des rapports avec les hommes
(HSH) et ayant des partenaires occasionnels. Un seul cas
féminin a été rapporté (14). Le caractère épidémique de
l’infection semble être confirmé par le typage MLST des
souches circulant en Europe et aux États-Unis. Il s’agit bien
d’une souche clonale de type L2b, déjà présente dans les
années 1980 à San Francisco et qui s’est répandue ces dix
dernières années en Europe (15). En France, toutes les
souches séquencées sont de type L2b. La LGV se distingue
de l’ano-rectite à souche non-L par son caractère symptomatique (p < 10-7) et son association avec le VIH (p < 10-8).
L’association avec d’autres IST, syphilis et gonocoque, est
fréquente, respectivement 44 % et 24 %, mais non statistiquement différente entre les deux populations infectées à
souche L ou non-L. On observe également une augmentation du nombre de cas d’ano-rectites à souches non-L entre
2004 (26 cas) et 2010 (103 cas). L’étude de la répartition
des sérovars montre que les sérovars D (35,2 %), G (29,5 %)
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feuillets de Biologie
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BACTÉRIOLOGIE Chlamydia trachomatis
vic inflammatory disease) était de 1,3 % dans le groupe
dépisté-traité et 1,9 % dans le groupe contrôle. Parmi les
femmes ayant un test positif à C. trachomatis, 9,7 % (7/74)
des femmes du groupe contrôle ont présenté une PID
contre seulement 1,6 % (1/63) dans le groupe traité (10).
Ceci tend à démontrer l’importance du dépistage. Cependant, la majorité des PID était survenue chez des patientes
négatives lors du dépistage (30/38), traduisant une incidence élevée d’infections dans l’intervalle de temps séparant
le dépistage de l’apparition de la PID, d’où l’importance de
la répétition des dépistages. Les considérations éthiques
limitent la durée de ces études. De plus, les complications
sont jugées sur l’apparition d’une PID, cliniquement mal
définie, et ne prennent pas en compte les complications à
distance que sont la stérilité et les GEU.
et J (17,3 %) sont les plus fréquents alors que le sérovar E,
majoritaire dans les prélèvements génitaux, ne représente
que 10,3 % des ano-rectites (16). Le typage régulier de
souches génitales montre que la LGV ne s’est pas, pour l’instant, disséminée dans la population générale. La LGV reste
essentiellement ano-rectale, seulement 32 cas de LGV génitales avec ulcération et adénopathie inguinale dont un cas
d’arthrite réactionnelle (17), ont été identifiés.
La surveillance des ano-rectites à C. trachomatis a permis
d’identifier plusieurs cas de récidive sur 5 à 6 mois, montrant
que cette infection ne protège pas des recontaminations.
De plus, une amorce de changement dans le profil des
individus semble se dessiner en 2010 en France. En effet, le
nombre d’individus présentant une LGV et qui sont séropositifs pour le VIH diminue et n’est plus que de 82 %. Ceci
pose la question de la prise de risque des HSH séronégatifs
pour le VIH.
VII. - ACTUALITÉS SUR LES MÉTHODES
DE DIAGNOSTIC
A) Diagnostic direct
Les tests de biologie moléculaire avec amplification
génique ont nettement amélioré la qualité des résultats en
termes de sensibilité et de spécificité, et doivent remplacer
toutes les autres techniques (culture cellulaire, tests antigéniques, hybridation moléculaire sans amplification). La
nomenclature des actes de biologie médicale vient d’être
modifiée en ce sens et n’autorise le remboursement de la
détection de C. trachomatis que par la recherche d’ADN ou
d’ARN par amplification génique in vitro sur tout type
d’échantillon à partir de sites possiblement infectés (JO
Décret du 5 octobre 2011).
BACTÉRIOLOGIE Chlamydia trachomatis
Toutes ces techniques d’amplification ont une excellente spécificité et sensibilité, ce qui les autorise, à la différence des autres techniques (excepté la culture) à être
utilisées dans les échantillons pluri-microbiens (rectum,
vagin, pharynx) et dans des échantillons pauci-microbiens
comme peuvent l’être les auto-prélèvements. Les échantillons prélevés en milieu de transport spécifique peuvent
être conservés à +4°C, voire à température ambiante
pendant moins d'une semaine. Pour un délai supérieur,
ils doivent être maintenus à -20°C.
De nombreux systèmes de détection de C. trachomatis
par amplification génique sont disponibles sur le marché
français. Les techniques diffèrent par leur principe (PCR
[polymerase chain reaction], TMA [transcription mediated
amplification], SDA [strand displacement amplification]), par
leur cible d’hybridation (ADN plasmidique et/ou chromosomique, ARN ribosomique), leur technicité (manuelle
ou automatisée). La plateforme Cobas 4800 (Roche) présente d’excellentes performances, notamment sur les
urines. Des essais comparatifs avec les systèmes Abbott
m2000, Gen-Probe AC2 et BD ProbeTec Viper, montrent
un taux global de concordance supérieur à 98 %, aussi
bien sur les urines masculines que sur les écouvillons en-
docervicaux ou vaginaux. Tous ces automates sont équipés
d’un extracteur et d’un amplificateur permettant de
réaliser des séries plus ou moins importantes avec une parfaite robustesse et traçabilité. Ils présentent tous l’avantage
de détecter simultanément C. trachomatis et N. gonorrhoeae.
Le CNR effectue les tests en duplex depuis 6 mois et le
taux de positivité global de N. gonorrhoeae est de 2 % et
celui de C. trachomatis de 9.2 % (résultats personnels). Les
taux de positivité de C. trachomatis et N. gonorrhoeae sont,
respectivement, de 9,7 % et 8,4 % chez les hommes symptomatiques consultant un CIDDIST, et de 5,4 % et 0,7 %
chez les hommes asymptomatiques consultant un CDAG.
Dans ces mêmes centres, les taux de positivité sont, respectivement, de 11,6 % et 2,9 % chez les femmes symptomatiques, et de 11 % et 0,7 % chez les femmes asymptomatiques.
Une nette différence de taux de positivité de N. gonorrhoeae
est observée entre les personnes symptomatiques et asymptomatiques. D’une manière intéressante, nous observons
des taux de positivité de N. gonorrhoeae beaucoup plus élevés
chez les femmes asymptomatiques consultant au centre
d’orthogénie et au planning familial (respectivement,
2,8 % et 3,8 %), avec des taux de positivité de C. trachomatis
similaires voire moindres (respectivement, 10,7 % et 6,1 %).
Ces résultats montrent bien l’intérêt de rechercher ces
deux pathogènes dans tous les échantillons génitaux, que
les patients soient symptomatiques ou non, surtout chez
les personnes consultant les centres de planning familial
et d’orthogénie.
L’avenir est à la détection multiplex associant les principaux agents bactériens responsables d’IST, C. trachomatis,
N. gonorrhoeae et M. genitalium, mais également parasitaire,
Trichomonas vaginalis, et viraux comme l’Herpes simplex.
La société Bio-Rad vient de commercialiser un système de
PCR en temps réel triplex permettant de détecter simultanément, C. trachomatis, N. gonorrhoeae et M. genitalium,
dont les performances se sont révélées excellentes (résultats
en cours de publication). Ce système ne dispose pas pour
l’instant d’extracteur. Dans la population de CDAG/CIDDIST incluse dans cette évaluation, la prévalence de
C. trachomatis était de 9 %, celle de M. genitalium de 1,9 %,
et celle de N. gonorrhoeae de 1,8 %. La proportion de coinfection était de 8,7 %. M. genitalium et N. gonorrhoeae
étaient associés à C. trachomatis dans respectivement 30 %
(3/9) et 28 % (2/7) des cas. L’utilisation croissante de ces
outils devrait permettre un meilleur dépistage des IST
bactériennes, et donc une meilleure prise en charge des
personnes infectées, et rompre la chaîne de transmission.
Dans le décret du JO du 5 octobre 2011, il est bien précisé qu’en cas de rapport sexuel anal et/ou pharyngé, il
est important de rechercher C. trachomatis dans les deux
ou trois sites, génital, rectal et/ou pharyngé. Sur les six
derniers mois, sur les 134 échantillons pharyngés que nous
avons testés, cinq étaient positifs à C. trachomatis (3,7 %)
et cinq à N. gonorrhoeae (3,7 %). Aucune infection mixte
n’a été détectée. Signalons, à ce sujet, que la technique
que nous utilisons est bien spécifique de N. gonorrhoeae
et ne détecte pas N. meningitidis, ce qui est primordial dans
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feuillets de Biologie
VOL LIII N° 306 - MAI 2012
Chlamydia trachomatis
B) Le sérodiagnostic
D’une manière générale, la recherche d’anticorps antiC. trachomatis n’a pas la valeur diagnostique de la mise en
évidence de la bactérie, notamment en raison de la persistance des anticorps des mois voire des années après l’infection. Cela rend difficile la distinction entre cicatrice
sérologique et réelle infection en évolution. Dans les
infections génitales basses et dans le trachome, le sérodiagnostic n’a aucun intérêt, car l’infection restant superficielle, le taux d’anticorps est faible. En revanche, dans les
infections profondes à C. trachomatis, le sérodiagnostic
prend tout son intérêt étant donné l’accessibilité difficile
du site infectieux. Un taux élevé d’IgG ou d’Ig totales est
significatif d’une infection passée ou en cours. La mise en
évidence d’une séroconversion, ce qui est extrêmement
rare, ou d’une augmentation significative d’anticorps (x4)
entre deux sérums prélevés à 15 jours d’intervalle permet
le diagnostic d’infection en évolution. Si le titre reste en
plateau, certains préconisent la recherche d’IgM, dont l’intérêt n’a été démontré que dans les pneumopathies du
nouveau-né, ou d’IgA en raison de leur demi-vie courte.
Sur ce dernier point, les opinions divergent, d’autant que
la détection d’IgA dépend beaucoup de la technique utilisée. L’étude des profils sérologiques des personnes dont
l’infection est documentée par PCR montre que l’absence
d’IgA sériques n’est pas un marqueur de guérison, et qu’à
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l’inverse, leur présence n’est pas un marqueur d’infection
récente. Après traitement, les anticorps peuvent persister
à un taux élevé pendant plusieurs mois et la sérologie ne
permet donc pas de surveiller l’évolution de la maladie.
La nomenclature a limité les indications du sérodiagnostic
de C. trachomatis aux infections hautes, à la LGV, au bilan
d’hypofertilité et d’arthrite réactionnelle en utilisant des
trousses Elisa spécifiques d’espèce. La recherche des IgA
a été supprimée.
VIII. - CONCLUSION
Les infections uro-génitales à C. trachomatis sont en
recrudescence et sont le plus souvent asymptomatiques. Il
est donc nécessaire de les dépister pour éviter les complications, d’autant que nous disposons d’outils de détection
performants sur des auto-prélèvements non invasifs et d’un
traitement antibiotique minute efficace. Il est nécessaire de
contrôler régulièrement les patients infectés. Enfin, il ne
faut pas oublier qu’une IST peut en cacher une autre et
l’utilisation des techniques de détection de plusieurs microorganismes simultanément devrait permettre une meilleure
connaissance de l’épidémiologie des ces infections et une
meilleure prise en charge des patients.
Conflits d’intérêt
B. de B., C. B. Essais de plateformes de détection et
rédaction de rapports d'expertise (rémunération sur le
budget du laboratoire), invitations dans des congrès nationaux ou internationaux pour présentation des résultats,
pour les entreprises Roche Diagnostics et Bio-Rad.
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BACTÉRIOLOGIE Chlamydia trachomatis
le cas de recherche dans la gorge. Ce taux de positivité
est donc non négligeable et pourtant la nomenclature
n’autorise qu’une seule cotation par patient, ce qui n’est
guère incitatif. Tout patient porteur de ces pathogènes
dans la gorge est contagieux et doit être traité.